Pe t i t eCe i nt ur e:qua ndl esus a ge r sf abr i que ntl el i e u Co l i n eRo b i n
T6:Quest i onsder echer che/ En s e i g n a n t e: Ca r o l i n ed eSa i n t Pi e r r e Éc o l eNa t i o n a l eSu p é r i e u r ed ' Ar c h i t e c t u r ePa r i sMa l a q u a i s2 0092 0 1 0
Petite Ceinture : quand les usagers fabriquent le lieu Coline Robin
Rares sont les lieux sans fonction déterminée dans Paris. La ville, sous la pression des prix élevés de l’immobilier, réemploye chaque parcelle non utilisée. Cependant, lors du moment de latence, le terrain ou les constructions anciennes devienent des friches urbaines. Ils sont alors propices à toutes formes d’usages informels. Il n’y a plus de fonction définie et l’emploi du lieu est déterminé par les usagers. Bien que disponibles pour ceux qui se les approprient, ces espaces sont en sursis d’une réutilisation future. La temporalité du lieu génère un certain type d’activités. Elles doivent avoir la possibilité de prendre fin à tout moment. La Petite Ceinture est une friche urbaine à part entière. Premier chemin de fer urbain de Paris, à partir de 1862, elle accueille des voyageurs. Au départ conçue pour lier les faubourgs parisiens et pour connecter les gares de la capitale, elle devient le moteur de l’urbanisation dans les arrondissements extérieurs. Elle permet aux habitants de se déplacer entre les faubourgs et vers le centre. Peu à peu les faubourgs se rejoignent et forment un tissu continu. La création du Métropolitain, réseau ferré souterrain indépendant de la Petite Ceinture, pour l’Exposition Universelle de 1900, annoncera le déclin de cette dernière. Elle est alors de moins en moins utilisée par les voyageurs. L’exploitant de la ligne de chemins de fer décide donc de réduire le trafic voyageur pour augmenter celui des marchandises qui s’avèrent plus lucratif. À partir de 1934, la Petite Ceinture accueille uniquement du transport de marchandises. Seule une ème portion du 16 arrondissement conserve son trajet voyageur, avant d’être rattaché au RER C en 1988. En 1993, tout trafic régulier cesse et la Petite Ceinture est utilisée ponctuellement pour des essais comme ceux du nouveau métro Météor.
les cœurs d’ilôts parisiens. Malgré l’interdiction aux piétons de circuler, la friche urbaine attire une population spécifique qui s’est élargie au fil des années. Il devient alors intéressant de comprendre les relations qui se tissent dans cet espace. D’une part, les riverains et les usagers partagent la Petite Ceinture, toutefois l’interêt, la fréquentation et les types d’appropriation diffèrent. L’appropriation d’un lieu est-elle liée à la relation entretenue par les usagers à un quartier ou bien se construit-elle dans l’indifférence ou le rejet ? D’autre part, les pratiques, qui prennent place en ce lieu, sont l’occasion de définir en creux, ce que l’on ne trouve pas dans Paris. En enlevant toute fonction aux voies, on revèle les manques de l’espace public parisien. Ces interventions spontanées permettent d’identifier les désirs et les besoins des usagers. Ma réflexion s’est appuyée sur une enquête de terrain d’environ quatre mois. Durant cette période, j’ai étudié deux portions distinctes de la Petite Ceinture. Il était question d’observer un site : les interactions entre les acteurs, les traces laissées par les usagers et la spatialité du site mais aussi de s’entretenir avec les différents acteurs pour mieux décrypter les représentations portées par cette friche urbaine et pour comprendre leur implication dans ce lieu. En retournant plusieurs fois sur les deux sites et en parlant avec les riverains et usagers, ma vision des lieux a évolué et s’est complexifiée.
Les voies abandonnées prennent alors une autre dimension. La Petite Ceinture est un espace ouvert sur
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Plan de la Petite Ceinture ferroviaire En rouge les voies à ciel ouvert et en vert les tunnels. Carte réalisée à partir de deux cartes extraites du site internet de l’Association de Sauvegarde de la Petite Ceinture et de son Réseau Ferré.
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Deux environnements : deux spatialités différentes La petite Ceinture est située dans les arrondissements ème ème ème ème ème extérieurs de Paris : 12 , 13 , 14 , 15 , 16 , ème ème ème ème 17 , 18 , 19 et 20 . Elle traverse Paris selon différentes configurations spatiales : elle est, par endroit, une ligne ferroviaire aérienne qui surplombe la ville, elle peut se trouver au niveau de la rue ou encore se situer en contre bas du tissu urbain dans une tranchée. Elle crée une topographie urbaine particulière : des ruesponts la domine pour quelques mètres, des ponts à hauteur variables franchissent les rues ou encore les voies traversent en hauteur des cours privatives. Les relations à la vie urbaine diffèrent, à la fois, selon les quartiers et la situation spatiale des voies. En comparant les deux contextes, on peut dégager les particularités et les similitudes. La première des portions ème choisies dans le 13 arrondissement se trouve dans le sud est de Paris, entre les avenues d’Italie et de Choisy. Les voies sont situées dans une tranchée environ 5 mètres sous le niveau de la rue. Elle est traversée par deux ponts et visuellement délimitée par deux tunnels qui la coupent du regard des passants et habitants. Le tissu urbain est très contrasté : on trouve à la fois logements sociaux et des maisons de ville. Au nord des voies, des immeubles en locatif social sont détenus par ICF La Sablière, société créée par les compagnies de chemins de fer qui souhaitaient loger leurs employés près de leur travail et la Régie Immobilière de la Ville de Paris. Ces immeubles, construits dans les années 1960, sont plus hauts que le reste du tissu urbain alentours. Au sud des voies, ds maisons de villes et petits immeubles sont regroupés autour d’une cour donnant sur les voies de la petite Ceinture. Possédant entre un et trois étages, ils sont soit loués soit achetés. Une rampe de sortie de garage des logements sociaux permet d’amener les piétons au niveau des voies de la petite Ceinture. Un trou est découpé dans le grillage pour pouvoir se rendre sur les voies. ème
La seconde des portions choisies dans le 12 arrondissement est au niveau de la Villa Bel Air. Cette rue à sens unique est bordée par la petite Ceinture. Les immeubles possèdent d’une part des grandes cours
privatives très végétalisées et appropriées par les habitants et d’autre part des jardinets entretenus comme entrée d’immeubles. C’est une habitante de la Villa qui me présentera ces espaces : « Devant, c’est bien, c’est vrai mais derrière les cours sont encore plus agréables. L’été je mets une table dans la cour pour profiter des arbres et du soleil. La verdure ça attire les oiseaux, c’est génial.» Les appartements des immeubles de la Villa sont soit en locatif privé soit acheté. De l’autre côté des voies de la petite Ceinture, on aperçoit des bâtiments peu entretenus et l’hôpital Trousseau. La possibilité de vue sur la Villa est effacée par ses bâtiments non habités et le masque de la végétation. La rue est relativement peu passante car elle est sans issue pour les voitures. Le côté de la rue qui jouxte la petite Ceinture est consacré aux stationnements et est planté d’arbres. Les voies de chemins de fer sont situées entre 0 et 2 mètres au dessus de la rue. Elles sont grillagées et des pots de fleurs sont suspendus aux grilles. Les grilles assez basses sont facilement franchissables.
Construction d’un accès aux voies dans le 13
ème
arrondissment.
Ces sites sont très différenciés au niveau de l’accessiblité aux voies et du contexte bâti. Les habitants de la Villa Bel Air profite de la Petite Ceinture comme d’un esapce qui les coupe d’un vis à vis direct. À Maison Blanche, l’accès est plus difficile et les voies en tranchée qui bordent les immeubles sont comme un fossé. Cela implique des relations différentes entre l’espace, les usagers et les habitants. 3
Ci-contre : Photos de la Petite Ceinture depuis la Rue Gandon. (Photos extraites de Google Street View )
Ci-dessous : Voirie et typologie des bâtiments dans le 13 ème arrondissem ent : Maison Blanche.
Ci- contre : Photos de la Petite Ceinture depuis la Villa du Bel Air ( Photos extraites de Google Street View )
Ci-dessous : Voirire et typologie des bâtiments èm dans le 12 arrondisSement : Villa du bel Air
Une contradiction entre les usages et la légalité. Le statut de la Petite Ceinture est complexe. L’espace appartient à Réseau Ferré de France. Cet établissement public a été créé en 1997 après une scission avec la Société Nationale des Chemins de Fer Francais. Son but est, entre autre, de séparer la gestion des infrastructures ferroviaires et terrains appartenant à la SNCF de l’exploitation commerciale des voies. Ainsi RFF peut gérer le patrimoine ferroviaire non utilisé. Les missions d’entretien restent le plus souvent délégués à la SNCF. Les interventions plus lourdes de réhabilitation peuvent être attribuées à des entreprises privées. Ce système peut aider à promouvoir d’autres activités que du transport de marchandises ou de voyageurs. Les missions de RFF peuvent sembler antagonistes. En effet, il s’agit de conserver les voies de la Petite Ceinture en état dans l’éventualité où elle serait réemployée plus tard mais également mettre en valeur cet espace en autorisant les autres emplois tels que promenade, jardin, et autres espaces naturels ouverts au public. Ces aménagements doivent donc être réversibles. Ponctuellement, des accords sont passés entre RFF et la Mairie de Paris pour louer des portions. Ensuite, la Mairie signe une convention avec les associations qui ème ont un projet. Dans le 18 arrondissement, près de Porte de Clignancourt, des jardins partagés, Les Jardins du Ruisseau, ont vu le jour, cependant ils sont ouverts uniquement lorsque des membres de l’association sont présents. Plusieurs entreprises de réinsertion comme Halage1 sont employées pour entretenir les voies. On ème peut aussi citer la Flèche d’Or, situé dans le 20 arrondissement, comme exemple de valorisation du patrimoine de la Petite Ceinture. Cette salle de concert 1 Halage est une association née en 1994 en Ile de France. Leur mission est « d’agir en faveur de l’environnement sur notre territoire, tout en favorisant la création d’emploi”. A partir de 2000, Halage monte un partenariat avec la SNCF. Elle propose des chantiers d’insertion et des formations pour devenir ouvrier paysager. Depuis 2006, l’association travaille sur plusieurs portions de la Petite Ceinture. Sources :http://www.halage.fr/Le-chantier-de-la-petiteceinture
est une réhabilitation de l’ancienne gare de Charonne. Tous les accords sont négociés au cas par cas. Les missions sociales ou pédagogiques sont privilégiées. Elles doivent respecter la condition de pouvoir prendre fin à tout moment.
Les jardins des amis du ruisseau, 18
ème
arrondissement, Paris
Des patrouilles de police surveillent jour et nuit les voies de la Petite Ceinture. Un lycéen tagueur m’indique : « Depuis un an, il y a plus de contrôles. Ils cherchent là où il y a du deal : sous les tunnels il y a des héroïnomanes, t’as vu les seringues usées ? Sinon ils contrôlent si t’as des bombes ( de peinture ). ». Le rôle des policiers est essentiellement de verbaliser les actes illégaux qui se déroulent sur les voies mais les promeneurs et sans abris ne sont pas interpellés. Dans « La tribu du tunnel »2, un policier s’exprime sur la situation des sans abris : « Je pourrais pas leur dire de s’en aller, pour moi, ici c’est chez eux. ». L’usage des voies est aussi bien toléré par la police que par les riverains : Jacques, 76 ans, « Ils se promènent, je les connais pas, moi ça ne me pose pas de problème », Amina, 51 ans, « ( à propos du passage des promeneurs ) ça a toujours été comme ça » ou encore Denise, 87 ans, « Les gens passent, c’est tout ». Les 2 Documentaire de Florent Marcie tourné en 1995. ( voir références en bibliographie ) qui suit, pendant plusieurs mois, quatre sans-abris habitants d’un tunnel ème de la Petite Ceinture situé dans le 13 arrondissement.
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promeneurs et habitants de la Petite Ceinture ne sont pas criminalisés lorsque ils ne produisent pas de nuisances. Cependant, malgré la tolérance de la Mairie et des forces de police, « Il est défendu à toute personne de pénétrer, circuler ou stationner, sans autorisation régulière, dans les parties de la voie ferrée, ou de ses dépendances qui ne sont pas affectées à la circulation publique, d’y introduire des animaux ou d’y laisser introduire ceux dont elle est responsable, d’y faire circuler ou stationner aucun véhicule étranger au service, d’y jeter ou déposer des matériaux ou objets quelconques, d’entrer dans l’enceinte du chemin de fer ou d’en sortir par d’autres issues que celles affectées à cet usage." 3 Cet article s’applique à toutes les voies ferrées et rend donc théoriquement toute pénétration sur l’espace de la Petite Ceinture illégale. Cette contradiction contribue à l’ambiguïté de cet endroit. Cet indéfinition nourrit multiples représentations et images du lieu. Une image de la Petite Ceinture influencée par les représentations du quartier Pour comprendre les différentes représentations de la Petite Ceinture, on doit les contextualiser avec les visions sur le quartier et l’histoire des personnes. Charles, 25 ans photographie et se promène. Il a étudié le paysagisme à l’École de Blois. Il définit ainsi les lieux : « C’est Paris en coupe, on peut enfin voir l’arrière des bâtiments et les cœurs d’ilôt. Comme on est en hauteur, on a un point de vue différent sur la ville. » Pour lui, la Petite Ceinture offre un nouveau moyen de voir la ville. Sa position permet de découvrir des lieux habituellement
gardés secrets. Il me dira ensuite : « C’est un no man’s land. ». Ce terme renvoie à l’imaginaire de la transgression : lors d’une guerre , il représente le terrain dans lequel on ne doit pas entrer sous peine d’être tué. Erwan, un lycéen de 17 ans, évoque d’une part le côté transgressif des graffitis : « J’aime bien cet endroit même si quand on tague, les flics nous emmerdent. » et d’autre part le côté sauvage des voies : « Les rails, c’est joli pour prendre des photos. Le côté abandonné,c’est sympa pour les artistes. ». On retrouve les idées d’interdiction et de dangerosité qui sont liées à celles de l’abandon et de lieu délaissé. Ces deux idées renvoient à un imaginaire de l’aventure et du défi. Charles parle plus de « Paris » que d’endroit précis. La petite Ceinture représente, pour lui, une voie continue détachée d’un quartier particulier mais lié à l’ambiance parisienne. Sur le réseau social Facebook, Julien écrit : « J'aimerais bien me balader sur la PC, ça a l'air vraiment sympa ce no mans land. J'habite du côté de Balard et j'aimerais savoir s'il y a un accès pas trop compliqué par là”. La localisation est valable pour les entrées mais ensuite l’ensemble de la Petite Ceinture devient, pour les usagers, un espace continu et moins défini. Vue d’une cour intérieure de la Villa Bel Air.
3 « Alinéa 5 de l’article 73 du décret n° 730 du 22 mars 1942, modifié par le décret n° 69-601 du 10 juin 1969, portant règlement d’administration publique sur la police la sûreté et l’exploitation des voies ferrées d’intérêt général et d’intérêt local (J.O du 23 août 1942)” Sources : http://www.petiteceinture.org
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Les habitants de la Villa Bel Air ont des avis convergents sur la Petite Ceinture. Jacques me dit : “C’est la tranquilité, il y a des jardins, c’est la campagne”. Amina aussi, trouve que :“ le fait de voir de la nature, c’est important. Du calme et de la verdure, c’est nécessaire”, Les habitants considèrent comme qualités la végétation et le non-emploi des voies. Amina m’indique qu’elle utilise sa cour intérieure autant que l’espace de la Petite Ceinture. Elle considère le cadre de vie dans son ensemble et intègre la Petite Ceinture comme étant, entre autres, une des raisons de la qualité de son lieu de vie. Elle est consciente que ces avantages sont l’une des raisons majeures d’habiter ici : “ On a acheté plus cher à cause de la verdure. (…) Ici, il y a peu de mouvement parce que il y a pas mal de retraités et un peu de location. On a fait ce qu’il faut pour garder le calme, des aménagements dans la villa, ce qui a triplé le prix”. Ensuite elle compare : “Sans cet environ, Paris devient invivable. C’est bien beau le 3ème (arrondissement) mais moi je pourrais pas. J’ai des amis là-bas, ils sont obligés de fermer les fenêtres le jour et la nuit. C’est bien d’avoir des jolis immeubles tout ça mais il faut pouvoir respirer, ouvrir les fenêtres”. Si Amina est très influencée par son ancien habitat : une oasis en Algérie, elle indique tout de même les grandes caractéristiques de la Villa Bel Air. Cette rue est calme et très végétalisée. La majorité des habitants ont justement choisi cet endroit pour ces qualités et ce malgré le prix plus élévé des logements. Une grande partie habite ici depuis longtemps et sont maintenant retraités toutefois la Villa attire aussi les populations plus jeunes. Madame Vaillant les décrit ainsi : “La Villa est jolie en étant atypique. Elle attire les jeunes haut de gamme : des stylistes, des architectes et des artistes”. Cette classe de population est un des moteurs d’une gentrification du quartier. Ils font le choix d’habiter dans une rue dont la valeur augmente pour le cadre de vie qu’elle offre. L’environnement est agréable à vivre mais également singulier : il possède un caractère et une ambiance spécifique.
Image du haut : Façade sur rue et sur la Petite Ceinture moins ème entretenue, immeubles ICF du 13 arrondissement. Image du bas : Façade sur cour intérieure plus entretenue, immeubles ème ICF du 13 arrondissement.
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Pour les habitants des logements sociaux du 13ème arrondissement, on retrouve une certaine uniformité du discours : Denise ”Nous, on a rien avoir avec la petite Ceinture, c’est juste des rails » , Djalil “c’est un espace vide qui sert à rien » ou encore Ahmet qui n’y a « jamais fait attention ». Chacun de leurs appartements donnent sur les voies où la nature reprend peu à peu ses droits. L’espace est déprecié et j’ai pu remarquer que ce côté des immeubles était considéré comme une façade secondaire. Alors qu’elle est la plus directement exposée au regard des passants, les paraboles y sont accrochées ou des poubelles y sont suspendues. Les fenêtres sur cour reçoivent parfois des fleurs mais sont le plus souvent nues. Tous les appartements sont attribués. Il n’y a pas de choix possible du quartier. Deux visions du quartier se retrouvent parmi les habitants. On peut séparer, d’un côté, Ophélie et Djalil, qui ont respectivement habité dans le nouveau quartier de la Zone d’Aménagement ème Concertée de Masséna dans le 13 arrondissement et la banlieue sud-est de Paris et de l’autre côté Denise, qui habite ici depuis 45 ans, et Ahmed, qui habitait dans un autre quartier de Paris. Les premiers qualifient le quartier ainsi : Djalil « C’est animé, il y a beaucoup de transports en commun et beaucoup de commerces » Ophélie « Il y a une proximité des transports : bus, métro et de commerces : petits ou gros. Bibliothèque François Mitterrand4, c’est plus calme, il y a moins de grandes surfaces ». Tandis que les seconds le trouvent : Denise « C’est un quartier infect, il n’y a plus de sécurité, les jeunes s’assoient sur mes rebords de fenêtres », Ahmed « C’est pas bien, l’environnement n’est pas bien, les fréquentations sont pas bien ». Ces deux points de vue se rejoignent sur le fait que la définition du quartier ne passe pas par la Petite Ceinture. Ce quartier, pluriethnique et actif, est vu de manière différente selon le parcours résidentiel des habitants néanmoins l’ancien chemin de fer m’amène aucune qualité particulière pour ces habitants.
En face des logements sociaux détenus par la RIVP, des maisons de ville possèdent une cour commune arborée. Si j’ai seulement pu savoir qu’une des habitantes était architecte et qu’un habitant avait les moyens financiers d’employer une femme de ménage, ème grâce à l’exemple précédent du 12 arrondissement, on peut émettre l’hypothèse qu’un mouvement de gentrification est aussi en place dans ce quartier. Toutefois, comme ont pu l’écrire Michel Pinçon et Monique Pinçon Charlot5, les logements sociaux restent le seul frein à la gentrification totale de la capitale or le tissu urbain du quartier est, ici, composé d’un grand nombre d’immeubles en locatif social. Le mode d’attribution et la gestion publique de ces logements évitent la forte augmentation du prix de l’immobilier et l’arrivée massive des classes gentrificatrices. Les représentations de la Petite Ceinture diffèrent fortement selon le contexte socio-professionnel et le parcours résidentiel mais également s’il y a une volonté d’habiter ici ou si cela est une obligation. Des populations distinctes : des modes de fréquentation et de communication différenciées La fréquentation des voies désaffectées amènent une population spécifique. Indifféremment dans les deux portions, des adolescents se retrouvent en petit groupe ou seul pour discuter, boire, manger ou taguer. Ils sont attachés à un endroit particulier qui devient un lieu de rencontre. La petite Ceinture sert, alors, de mur d’expression et d’espace secret partagé entre membres d’un groupe. Erwan, récemment exclu de son lycée, m’indique qu’il est venu « pour regarder ce qu’il s’est passé (depuis son dernier passage). Depuis mon exclusion du lycée6, je reviens parce que j’ai des bons souvenirs ici. Avec mes amis du lycée, on se retrouvait là pour taguer.». Il m’indique alors un des murs tagués en particulier ce qui montre son attachement à une 5 « L’exemple du 20 arrondissement » p 71 à 74 dans Sociologie de Paris de Monique PINCON et Michel PINCON- CHARLOT. ème
4 Autre nom donné au quartier de la Zone d’Aménagement Concertée Masséna du 13 arrondissement parisien.
ème
6 Lycée Paul Valéry, 38 boulevard Soult, 12 arrondissement de Paris.
ème
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partie définie de l’espace de la petite Ceinture. Je verrais aussi plusieurs fois deux adolescents assis sur sur le ème côté des voies du 13 arrondissement. Ils restent assez proches de la sortie, ainsi il sont à la fois éloignés des tunnels où habitent des sans abris : ils peuvent construire leur propre espace. Ils reviennent au même endroit pour discuter, proche du pont qui enjambe les voies pour que seuls les curieux qui se penchent depuis ce pont puissent les voir. L’aspect illégal du lieu est vécu comme un défi ou un acte de rebellion. Ainsi le lycéen me parlera longuement des façons de se dérober aux contrôles policiers : « On jette tous les produits illégaux comme les bombes (de peinture) et le shit. On les voit arriver avant à cause de la vue dégagée. ». Cela n’entrave pas sa fréquentation de la petite Ceinture qu’il a appris à aimer plus seulement pour taguer mais pour « se poser, discuter, boire une bière». La raison première de sa venue est remplacée par d’autres qui viennent signifier un attachement au lieu en lui-même.
Entre lieu de socialisation et lieu de création : le mur de tags.
Chacun des sites attire aussi des populations distinctes. Ceci est essentiellement dû à la configuration spatiale des lieux. De manière très prononcée le week end, la Villa Bel Air accueille un grand nombre de « touristes » parisiens ou étrangers. La majorité d’entre eux connaissent le lieu par le biais de site internet ou de
connaissances. L’auteur d’un site type blog7 présente de manière détaillée chacun des accès qu’il connaît. Les visiteurs du blog enrichissent les informations par leurs commentaires. Ils infirment ou confirment les indications dans le but de les actualiser pour les futurs lecteurs. Il s’agit de transmettre ses informations et de partager son expérience. La Villa du Bel Air est citée à multiples reprises comme étant le passage le plus facile dans ce blog notamment : « Le muret qui sépare la rue des voies n'est vraiment pas très haut dans le coin… », « Testé hier 16/05/2010, effectivement entrée facile au fond de la rue Bel Air à droite.” ou encore ” Ouaip merci beaucoup de l'info, l'accès est effectivement très facile.”8. Cet endroit est le point de départ de longue ballade vers le nord ou le sud de Paris car il n’est pas délimité par des grilles ou des tunnels trop longs. Des néophytes tentent donc ici leur chance pour entrer sur les voies. Les hésitations et essais infructueux sont relatés par les riverains et plus particulièrement la fondatrice de l’association Villa Belle Belle Belle : « On a aménagé un passage là-bas au fond pour qu’ils ne cassent pas les fleurs qu’on a planté. ». Le côté insolite, interdit et inattendu du lieu attire plutôt les adolescents, les promeneurs désireux de faire des jolies photos ou encore des jeunes cadres aux professions artistiques et intellectuelles. La restitution de la ballade est très importante, elle peut même être la raison de la venue sur la petite Ceinture. J’ai pu observer qu’une majorité des promeneurs avait un appareil photo sur eux qu’il s’agisse de matériel professionnel ou de téléphones équipés. Les photographies peuvent même être la raison de la promenade. Charles, photographe, m’explique : « Je suis en repérage, je fais deux ou trois photos. J’essaye de capter l’ambiance de l’instant. ». Andréa demande sur la page du groupe « Je me balade sur la Petite Ceinture » sur le réseau social Facebook : « J 'aimerais quelques conseils concernant l'accès à la petite 7 WWW.kafarblog.com : Blog amateur sur la Petite ceinture qui regroupe photos des promeneurs, accès et échanges de conseils.
8 kafar, thew44, pierre dans la rubrique Accès du blog kafarblog.
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ceinture... J'aimerais aller y faire des photos avec une modèle... Quels sont les tronçons que vous me conseilleriez ? “. Les productions sont ensuite largement diffusés aux amis, aux réseaux sociaux notamment album photo via Facebook, aux sites et autres blogs par exemple celui de Charles9 ou encore dans des expositions. Ce partage est une invitation à la découverte et à l’expérience pour les spectateurs. ème
La portion de voies du 13 arrondissement ne bénéficie pas de telle publicité et pour cause : son accès n’est pas évident et elle est délimitée par deux longs tunnels . Toutefois, elle est fréquentée toute la semaine par deux groupes de Sans Domicile Fixe qui vivent sous les tunnels. Leurs horaires d’entrées et sorties de la petite Ceinture sont ceux du travail : 9h et 19h. Vers 19h, j’ai pu observé différents groupes de personnes rentrer chez elles avec des sacs de courses pour dîner. Les personnes rentraient deux à deux. Les deux grands tunnels abritent deux campements distincts cependant l’accès aux voies est commun. La basse fréquentation du lieu par les promeneurs et la relative discrétion du lieu explique l’installation des sans abris. Ils utilisent alors les voies comme extension de leurs logements précaires. Pour manger ou se parler, une table est installée sur les anciens quais. Dans « La tribu du tunnel », quatre sans-abris vivent ensemble sous un ème tunnel du 13 arrondissement. Sylvain fait le lien avec l’extérieur pendant que les autres préfèrent rester à surveiller le tunnel. Il doit toujours y avoir une personne en permanence sur le campement pour éviter les risques de vol. L’approvisionnement est soumis à cette règle. Les voies de la petite Ceinture sont un point d’attache pour les sans abris. Ils fréquentent un point précis qui n’est pas transitoire mais plutôt un repère pour se reconstruire.
9 www.imaz.com : Blog de Charles Delcourt regroupant son travail photographique et ses publications.
Des pratiques qui découlent de la spatialité et des réprésentations Depuis son abandon, la petite Ceinture est un lieu dont l’avenir reste incertain. Contrairement à un grand nombre d’espaces urbains, elle ne possède pas de fonction allouée. Sans usage particulier, elle attire diverses pratiques qui ne sont ni prévisibles ni contrôlables. Elle reste à la disposition de ceux qui souhaitent l’investir tout en étant un terrain donné et en ayant une position définie dans la ville. Les appropriations de l’espace de la petite Ceinture sont plus ou moins fortes. Elles ont des degrés différents. L’indéfinition permet aux usagers de relier leurs activités à un aspect particulier du lieu. La petite Ceinture est une base sur laquelle viennent se greffer et se projeter des usages et des images. L’imaginaire d’un lieu est différent pour chacun. Il conditionne les pratiques que l’on pourra y effectuer. Ainsi, on peut dégager quatre répresentations qui induisent une variété de pratiques. La petite Ceinture est à la fois un espace abandonné, un morceau de nature dans Paris, une page blanche à investir et un lieu de passage. La non utilisation des voies peut amener à penser que l’espace est délaissé et donc sans interêt. Dans chacune des portions, où j’ai pu aller, les voies ont servi ou servent encore de déchetterie. Plusieurs habitants des ème logements sociaux du 13 arrondissement me l’ont dit : Djalil, 26 ans, « ça me dérange pas mais c’est un espace vide qui sert à rien », Ophélie, 34 ans, « je n’ai pas de contact avec », Denise «ça ne me dérange pas mais il doivent mettre des grilles». Ces trois personnes considèrent le terrain en friche comme un lieu inutile et sans emploi. Seuls les déchets interpellent les habitants, Martha, 47 ans, « C’est dégueulasse les gens jettent tout ce qu’ils ont ». Pour eux, la petite Ceinture n’a pas de qualité particulière. Du rejet de cet espace, sur lequel leurs fenêtres s’ouvrent, résulte une non appropriation du lieu. D’autre part, les voies peuvent être vécues comme un lieu de passage. À cette idée se rattache les imaginaires du voyage, de la détente et de l’aventure. Amina, 51 ans, habitante de la Villa Bel Air fait des voies un espace 11
de loisir ponctuel : « En été la nuit, les gens font du vélo, il y a beaucoup de circulation. Moi comme je suis diabétique je fais mon footing sur les voies. ». Cependant elle est consciente qu’une majorité des promeneurs sont « des étrangers qui traversent de Porte Dorée à Porte de Vincennes ». L’appropriation de l’espace pour les promeneurs peut se faire par les photographies. Elles captent le moment éphemère de la balade. Les photographies restituent l’instant passé. Plutôt que de s’installer à un point précis, les marcheurs recherchent l’ambiance commune à toute la petite Ceinture. Andrea, étudiante en commerce de 24 ans, décrit ce qu’elle recherche : « Quels sont les tronçons que vous me conseilleriez ? (dans le genre voie ferrée désaffectée, tunnels lumineux, nature qui reprend ses droits, anciennes gares...)”. Ainsi ils ne s’approprient pas réellement le lieu mais le traversent. Cela peut prendre des formes variées : footing, balades à vélo ou à pied. Des promeneurs de tout Paris se croisent sur ce lieu de détente et de loisir. Il s’agit de profiter d’un lieu et de capter l’ambiance générale. La petite Ceinture, n’étant pas entretenue, elle demeure une réserve de bio-diversité animale et végétale. Elle est considerée par Amina, habitante de la Villa Bel Air comme « la verdure », « la nature » ou encore « un espace vert ». Lorsque les riverains cherchent à investir cet espace naturel, cela passe par de l’entretien et une domestication de la végétation. Pour Mme Vaillant, la présidente de l’association Villa Belle Belle Belle, il y a « plein de cailloux, il est difficile de planter des fleurs pour le jardinage ». Le fleurissement de la Villa se borne donc à des jardinières sur les barrières et le pied des arbres. La petite Ceinture amène un cadre sur lequel s’appuie les initiatives de l’association. Toutefois, il s’avère assez dur de réellement agir sur cet espace car il est protegé par des grillages assez hauts. Cela décourage ceux qui souhaiteraient faire de la Petite Ceinture un jardin privatif. ème
Sur une portion du 18 arrondissement, l’entretien s’est transformé en création de jardins partagés par le biais de l’association les Jardins du Ruisseau. Mme Robic, membre de l’association, explique : « On en avait assez d’avoir une décharge à ciel ouvert », d’abord «
Pour pouvoir faire du nettoyage et finalement à force de nettoyer on a fini par y mettre des fleurs, des plantes et mobiliser un peu tous les habitants du quartier. ». Ici peu à peu à force d’entretenir un endroit, certains habitants ont transformé et réellement investi l’espace. Toutefois, le jardinage et l’entretien doivent être des actions collectives puis associatives pour qu’ils mènent à une réelle redéfinition de la friche. Ce type d’action n’implique qu’une petite partie des riverains et s’avère être dur à mener durant les premières années.
Jardinière suspendue au grillage : l’appropriation de la limite.
La petite Ceinture peut aussi devenir un espace libre à investir. Écarté du regard des autres, elle devient un lieu d’habitation pour les sans abris à la recherche d’un point de repère fixe. Les ponts et tunnels protègent des ème intempéries et du regard des autres. La portion du 13 arrondissement accueille beaucoup de sans abris réunis en campement car elle subit peu de passage de loisir et de riverains. Les espaces sont gradués selon leur configuration : les voies découvertes seront un lieu public voire de passage, l’espace couvert par le tunnel devient l’espace partagé par les membres du campement : lieu de prise des repas et enfin les tentes ou cabanes installées sous le tunnel constituent l’espace privatif et intime : la chambre. Dans « La tribu du tunnel », les quatre sans-abris, Richard, Sylvain, Nono et Calou, ont une organisation commune pour la gestion de l’argent des Revenus Minimum d’Insertion cependant « chacun se contruit son espace » comme le précise 12
Calou. À l’espace collectif de prise des repas sont attachées « une petite salle de bain et quatres chambres ». Ces chambres sont les garantes de la mémoire de chacun des sans abris : Sylvain y accroche une photo de son fils et Calou y cache une photo de son ancienne compagne qui l’a quitté. Chacun des objets entreposés sous le tunnel a son histoire. En été, l’espace extérieur au tunnel devient une extension du logement. D’autres sans abris viennent profiter du cadre, du confort du tunnel et du terrain de pétanque. Les promeneurs discutent aussi à cet endroit avec les sans abris. Il devient l’espace de réception du tunnel. Sylvain et Calou poussent le chariot vers le ravitaillement en eau. Les rails et les chariots sont autant un moyen de s’amuser que de s’approvisionner sans trop d’effort. Les quatre sans abris détournent le cadre des voies ferrées pour améliorer leur vie.
Sous une arche d’un pont sur la Petite Ceinture dans le 12 arrondissement : la chambre fermée d’un sans abris.
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La majorité des sans abris habitant la petite Ceinture semble avoir un travail ou une activité aux horaires similaires. Pour Sylvain, « le sens du tunnel c’est de nous rendre plus fort pour sortir du tunnel, sinon on attend la mort en restant là. ». L’habitat sur la Petite Ceinture est plus stable que dans le rue, il permet d’être un tremplin pour une réinsertion dans la vie hors de la rue.
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Sous l’autre arche du pont sur la Petite Ceinture dans le 12 arrondissement : l’espace semi-privatif ou espace de réception couvert avec table et chaises.
Schéma de la gradation des espaces de vie sur la Petite Ceinture
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La Petite Ceinture comme friche urbaine : un devenir en suspens La Petite Ceinture est, donc, une friche urbaine à part entière. Tout d’abord, elle traverse Paris selon des spatialités différentes. Cela implique des relations variées à l’environnement et aux riverains. Ensuite, son statut juridique ambigü est, à la fois, responsable de l’attractivité qu’elle exerce sur certaines populations et de la répulsion exercée des autres. Les spatialités des accès et de la portion sont déterminantes quant à la fréquentation du lieu. Seuls certains adolescents utilisent la portion la plus proche de chez eux pour se retrouver, taguer ou discuter. Ce sont des usages de sociabilisation et de construction de l’identité. Les promeneurs cherchent une entrée facile et une portion dégagée et ouverte vers le reste de Paris. Les sans-abris recherchent plutôt des portions peu fréquentées et des tunnels qui puissent les abriter des intempéries. Pour les promeneurs et les adolescents, la friche urbaine est un lieu sauvage à l’abandon inspirant le voyage et la découverte. Pour les photographes et promeneurs, l’usage de l’espace est une contemplation d’un espace à forte identité. Les sans-abris y voient un lieu de reconstruction plus stable d’une vie dans la rue. Elle s’apparente à un habitat intermédiaire entre la rue et un appartement. Quant aux riverains, ils fréquentent assez peu souvent les voies abandonnées. Cependant ils possèdent des images précises de l’espace de la Petite Ceinture. La perception de leur cadre de vie influe sur les représentations de ce lieu. Il peut être un espace vide sans intérêt dans les logements où l’on n’a pas choisi d’habiter mais il peut aussi bien contribuer à un cadre de vie agréable lorsque l’on choisit son logement et son quartier. La Petite Ceinture peut être un facteur de gentrification dans certains quartiers. Elle attire les populations gentrificatrices par son côté atypique et naturel. Néanmoins les logements sociaux des arrondissements extérieurs empêchent parfois le mouvement de gentrification. Les voies abandonnées sont le point de départ de nombreux projets. Elle stimule la créativité et est ouverte aux appropriations des usagers. Son indéfinition permet à chacun de projeter ses
représentations sur cette friche qui devient, tour à tour, habitat, lieu de création, lieu de promenade, lieu de détente… Cependant, toutes ces pratiques sont soumises à l’obligation d’être éphémère. On ne peut savoir ce qu’il va se passer dans le futur, ce qui est plus stimulant pour agir maintenant. On peut toutefois douter d’un réemploi prochain des voies. Lors des Conseil de Paris, des propositions de piétonisation des voies sont proposés depuis 2003 notamment par les élus des partis écologistes. Ces idées se heurtent à la position de RFF qui souhaitent conserver la posibilité d’une circulation ferroviaire. Cela soulève l’inquiétude des riverains qui ont peur des nuisances sonores et visuelles amenées par une remise en marche de la circulation. De plus, on peut se demander quel serait l’influence sur les activités déjà présentes sur la Petite Ceinture. Peut être sontelles vouées à se déplacer toujours de manière informelle ou peuvent elles continuer à se tenir sur un lieu qui ne serait plus une friche urbaine ? Enfin, est-ce que les quartiers muteraient à nouveau face à ce réemploi des voies ?
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Personnes avec lequelles j’ai eu des entretiens Ahmed, 53 ans, habitant à Maison Blanche. Il habite avec sa famille dans un logement social du ème 13 arrondissemnt depuis six mois. Avant il habitait ème dans le 11 arrondissement de Paris. Il n’aime pas les fréquentations du quartier et préférait son ancien quartier. Djalil, 26 ans, habitant à Maison Blanche. ème Il a grandi dans un logement social du 13 arrondissement et rend régulièrement visite à ses parents qui habitent toujours là. Il aime le quartier mais considère la Petite Ceinture comme un « espace vide ». Amina, 51 ans, habitante de la Villa du Bel Air. Elle habite la Villa du Bel Air depuis plus de dix ans. Avant elle a habité dans un oasis en Algérie. Elle aime faire son footing sur la Petite Ceinture et apprécie beaucoup son cadre de vie. Charles, 25 ans, photographe. ème Il habite dans le 20 arrondissement de Paris et a vécu à La Réunion. Il a fait ses études de paysagisme à Blois. Il se promène sur la Petite Ceinture en répérage pour un projet de photo. Il est devenu photographe et tient un blog dédié à ses productions. Erwan, 17 ans, lycéen. ème Il habite dans le 19 arrondissement de Paris. Il a été ème au lycée Paul Valéry dans le 12 arrondissement. Récemment renvoyé du lycée, il revient sur la Petite Ceinture pour se remémorer ces souvenirs en buvant une bière, le temps que sa copine sorte du lycée. Il a tagué sur la portion proche de la Villa du Bel Air. Il est actuellement inscrit pour finir ses études par correspondance. Mme Vaillant, responsable de l’association Villa belle Belle Belle. Elle est habitante de longue date à la Villa du Bel Air dans le 12ème arrondissement. Elle a monté, il y a cinq ans, une association de riverains pour améliorer le cadre de la vie de la Villa. Ses actions sont : végétaliser les barrières de protection de la Petite Ceinture et les bacs
contenant les arbres de la Mairie, organiser des événements pour que les habitants se rencontrent, entretenir la Villa et servir d’interlocuteur pour la Mairie. ème
Luc et Sylvie, environ 40 ans , habitants du 18 arrondissement. ème Ils sont habitants du 18 arrondissement et viennent aux Jardins du Ruisseau avec leurs deux enfants depuis 2 ans. Il viennent pour jardiner et pour profiter de l’endroit. Ils trouvent dans ces jardins partagés, aménagés sur les anciens quais de la Petit Ceinture, une atmosphère différente des squares parisiens. Il y a plus de calme, plus de sécurité et les contacts avec les autres jardiniers s’établissent plus facilement.
Denise, 87 ans, habitante à Maison Blanche. ème Elle habite un logement social dans le 13 arrondissement depuis 47 ans. Depuis que son mari est mort, elle habite seule. Elle a reçu ce logement car son mari travaillait pour dans le service public. Elle n’aime pas particulièrement le quartier et elle habite ici car le prix des loyers est bas. Elle n’a aucune lien avec la Petite Ceinture, qu’elle voit depuis ses fenêtres. Jacques, 76 ans, habitant de la Villa du Bel Air. Retraité, il vit ici depuis plus de 30 ans. Il apprécie le calme de la Villa. ème
Ophélie, 34 ans, habitante du 13 arrondissement. Elle habite ici avec son compagnon et son bébé depuis ème 1 an. Avant elle habitait dans la ZAC Masséna du 13 arrondissement. Elle apprécie la proximité des commerces de Maison Blanche mais regrette le calme de son ancien quartier. Sylvain, Nono, Richard, Calou, environ 40 ans, sansabris.( Témoignages recueillis par Florent Marcie en 1995 ) Ces quatres sans-abris se sont rencontrés dans un squatt. Suite à cette expérience de vie ensemble, ils ont décidé d’habiter tous les quatres dans un tunnel de la Petite Ceinture. Ils reçoivent le RMI qui, mis en commun, permet de subsister. Installés depuis 5 ans, ils étaient menacés d’être chassés par les travaux de la ZAC Masséna. Ils voient le tunnel de la Petite Ceinture comme un tremplin vers un retour à la vie active. 15
BIBLIOGRAPHIE La photo de la couverture a été prise par Charles Delcourt / IMAZ. Elle est extraite de son site : www.charlesdelcourt.com Toutes les autres photos de cet article sont des photos personelles sauf mention spéciale en légende. Livres CARRIÈRE Bruno, La saga de la Petite Ceinture, La vie du rail, Paris, 1991. GEPC, Petite Ceinture : Le livre blanc, GEPC, Paris, 1996. PINCON-CHARLOT Monique et PINCON Michel, Sociologie de Paris, La Découverte, Paris, 2004. RAFFIN Fabrice, Friches industrielles : un monde culturel européen en mutation, l'Harmattan, Paris, 2007. Robin des Villes, Les friches industrielles : cartographie et modes d'occupation, CERTU, Lyon, 2008 Revues Autour des friches in Les cahiers de l’école de Blois, n°4, L’imprimeur, Besançon, 2005. OVERMEYER Klaus, Lieux incertains, incubateurs d’urbanisme informel in L’Architecture d’Aujourd’hui, n°368, Janvier Février 2007. PETZOLD Alexandre, La Petite Ceinture, Les Carnets du paysage, n°6, Automne Hiver 2000. Films MARCIE Florent, La tribu du tunnel, Amor Line, 1995. Sites internet ème Site des Jardins du Ruisseau dans le 18 arrondissement -http://www.myspace.com/jardinsduruisseau Groupe Facebook Je me balade sur la petite ceinture - http://www.facebook.com/group.php?gid=5856687529&ref=ts Site de l’Association de Sauvegarde de la Petite Ceinture et son Réseau Ferré - http://www.petiteceinture.org