LA NATURE DE LA CANNE

LES NATURALISTES EN HERBE LA NATURE DE LA CANNE DE PROVENCE

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CONFÉRENCE ABÉCÉDAIRE® DE VÉRONIQUE MURE

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BALADES ET ATELIERS

Renouer avec la canne

LA COLLECTION D’OUTILS

LES PARTENAIRES

LES NATURALISTES EN HERBE LA NATURE DE LA CANNE DE PROVENCE

Depuis la nuit des temps, la canne de Provence est la plante à tout faire de nos civilisations méditerranéennes. Elle nous accompagne depuis si longtemps que mille gestes ont été produits pour la travailler et concevoir une grande variété d’objets du quotidien. Récemment, la canne a pourtant été déclarée envahissante. Ses usages et ses vertus en voie de disparition, elle est aujourd’hui disqualifiée et pose des problèmes de gestion.

Dans le cadre de l’action culturelle Les Naturalistes en herbe, Opera Mundi a invité le collectif SAFI à concevoir une exploration botanique destinée aux enfants de l’espace lecture la Viste-ACELEM et à des jeunes de l’École de la 2e Chance. Ils ont choisi d’explorer la canne de Provence. À travers une série de balades et ateliers, il a été proposé aux jeunes de renouer avec les usages et savoir-faire de la canne, tout en s’ouvrant à l’expérience sensible de l’observation botanique. Cette recherche s’est conclue par la mise en mots et en concepts de l’écologie de la plante par la botaniste Véronique Mure lors d’une conférence Abécédaire® à la médiathèque Salim-Hatubou à Marseille.

Ce carnet met en récit cette épopée joyeuse et collective et vous invite à plonger dans l’univers étonnant de la canne de Provence.

ABÉCÉDAIRE DE LA CANNE DE PROVENCE A

ARUNDO DONAX

Arundo donax est le nom de la canne de Provence en latin, langue que les botanistes du monde entier utilisent pour nommer les plantes. Arundo vient du celtique Aru qui désigne l’eau ; Donax, désigne le roseau en latin. Liée à l’eau, la canne aime les zones humides et ensoleillées comme les bords des rivières ou les fossés. C’est l’une des plus grandes graminées du paysage méditerranéen. D’une rigidité exceptionnelle, sa tige appelée aussi chaume est cultivée et utilisée depuis l’Antiquité pour ses nombreux usages : tuteurs, tuyaux, étuis, récipients, flotteurs, emballage, brise vent, canisse… Et encore aujourd’hui, pour la fabrication de anches pour les instruments à vent.

Grande graminée vivace, la tige de la canne de Provence peut atteindre 8 mètres de haut et former des touffes denses, grâce à un rhizome souterrain.

ENTRE CIEL ET TERRE

« Les graminées ont pour premier rôle d’alléger la Terre, d’estomper la limite entre terrestre et céleste. Qui s’allonge dans une prairie de juin s’ expose à l’imprécision ; un peu plus et l’on partirait avec l’hirondelle. Et aussi bien, quand on entre dans la conversation tintante des cannisses, un jour de mistral en bord de Rhône, au péril de légèreté - jusqu’à en oublier les camions sur l’autoroute, le panache de vapeur des centrales, la lourdeur de nos traces dans le temps du monde.»

Pierre Lieutaghi - Une ethnobotanique méditerranéenne, Actes Sud, 2017

TRAVERSER LA JUNGLE DE LA CANNE

En poussant, la canne forme des caniers denses. Les chaumes secs et les nouvelles pousses se mélangent et forment un labyrinthe ombragé, frais, presque impénétrable où la plante règne en majesté.

Pris dans cette jungle de cannes, lors de balades, nous avons observé à la loupe le vernis luisant des tiges, senti sous nos doigts la saillance des nervures, la régularité et l’ordonnance des nœuds, entendu le chant du chaume et fait par les sens l’expérience, de la canne.

Se frayer un chemin entre les hautes tiges entremêlées de la canne de Provence est une aventure corporelle !

LE ROSEAU CHANTANT

Aimée de Pan, Syrinx fuit les attentions du dieu de la nature. Alors qu’il est sur le point de l’attraper, la nymphe s’enfuit aux abords d’un paisible lagon et se transforme en roseaux, l’autre nom de la canne de Provence. Entendant les roseaux gémir dans le vent, Pan reconnaît le chant de Syrinx et imagine une flûte pour dialoguer avec la nymphe pour l’éternité. Il relie entre eux des roseaux de longueur inégale, tenus ensemble par de la cire d’abeille et fabrique la fameuse flûte de Pan.

ABÉCÉDAIRE DE LA CANNE DE PROVENCE H

HABITAT

Originaire d’Asie, de la vallée de l’Indus à l’Est de l’Inde, la Canne de Provence a suivi les humains dans ses migrations. Des fragments rejetés ont pu donner naissance à de nouveaux caniers et contribuer à sa dispersion. En écologie, un canier est un habitat, un endroit où vivent d’autres êtres vivants. C’est un refuge pour de nombreuses espèces : les insectes utilisent les tiges creuses pour pondre, les oiseaux prélèvent des fragments de feuilles pour fabriquer leurs nids ou se cachent dans la masse végétale. Lorsqu’elle a conquis le terrain, la canne ne laisse pratiquement plus place aux autres plantes, notamment aux arbres qui apportent une ombre plus fraîche à la rivière. Pourtant, en lisière, des lianes comme la ronce ou le liseron trouvent leur place, s’y installent et s’en servent comme support pour grimper vers la lumière.

La canne de Provence figure dans la liste des cent espèces envahissantes les plus nuisibles

du monde selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) comme

Épillet de fleurs, tiges non ramifiées, feuilles embrassantes, nervures et nœuds

OBSERVER LA CANNE

ABÉCÉDAIRE DE LA CANNE DE PROVENCE I

INVASIVE

Une plante est dite invasive, lorsqu’elle se multiplie beaucoup et qu’on ne peut plus la contrôler. Pour Véronique Mure, ce concept est sujet à caution, car il frappe presque toujours des plantes exotiques. Le même comportement chez une plante indigène ne pose souvent pas problème. La canne de Provence est qualifiée d’envahissante, mais la canne de Pline - Arundo Plinii - variété indigène dont les rares caniers sont dans le Var, est, elle, protégée. Favorisée par certaines activités humaines (aménagement des berges, déplacement de terre, décapage des sols), son développement concurrence d’autres espèces et gêne la gestion de la rivière. Notamment lors des grosses pluies, où les chaumes secs, en tombant dans l’eau, ravinent les berges et créent des bouchons.

Entretenir le canier permet de gérer

l’entassement du feuillage et des chaumes

secs et évite qu’il prenne feu ou crée des embâcles lors des inondations.

(RE)TROUVER LES GESTES

Travailler la canne est un apprentissage. La récolte aiguise notre regard, notre attention, pour trouver la canne bien droite, la sortir de l’enchevêtrement du canier, faire un fagot, le porter. Puis, pour la refendre, il faut lire l’intime de la canne, savoir repérer le sens des fibres, deviner les zones de forces, de souplesse, le sens de la courbure.

Plusieurs ateliers nous ont permis de travailler la canne : récolte, dessins, tressage, fabrication de papier, de volumes. Nos mains sont devenues nos yeux, et nos gestes une danse renouant le dialogue avec la matière de la plante.

« UNE PLANTE COMPAGNE EST

UNE PLANTE DONT ON SE SERT ET

QUI NOUS VIENT EN AIDE. »

Younes, lors de la conférence Abécédaire ® de Véronique Mure

RÉCOLTER LA CANNE

MODE D’EMPLOI

Pour réaliser des ouvrages pérennes, il faut savoir choisir sa canne ! Seules les tiges âgées de deux ans, jaunes et ramifiées vers le haut peuvent être prélevées. Les vertes sont encore trop jeunes et cassantes et ne peuvent être travaillées. On les récolte avant la montée en sève en les cassant à partir du rhizome ou en les coupant à la base. Il faut alors prendre soin d’écraser la base pour éviter les entrées d’eau qui peuvent endommager le rhizome. Les chaumes sont refendus après la coupe pour obtenir des brins à tresser qui peuvent être séchés et réhumidifiés avant usage.

Prélever des cannes peut être l’occasion d’enlever les chaumes secs, de créer des alcôves, des circulations qui font entrer la lumière et invitent d’autres plantes.

ABÉCÉDAIRE DE LA CANNE DE PROVENCE R

RHIZOME

Le rhizome est une tige souterraine remplie de réserves nutritives qui se développe horizontalement. Il émet des racines et des tiges aériennes qui permettent à la plante de se multiplier sur de grandes surfaces. Lorsqu’un morceau de rhizome se détache, il devient une propagule et peut former une nouvelle plante génétiquement identique à la plante d’origine. Les rhizomes décompactent les sols et forment un tissage qui retient la terre. Bien géré, un canier contribue à stabiliser les berges, mais cet entretien à un coup important pour les gestionnaires qui préfèrent donc souvent l’éradiquer en arrachant le rhizome.

Les fleurs de la canne étant stériles, la plante se multiplie par son rhizome. Ainsi les cannes que nous observons aujourd’hui, sont presque toutes issues d’une même plante originelle.

LA COLLECTION D’ OUTILS

Depuis de nombreuses années, le collectif SAFI s’intéresse aux multiples usages de la canne. Observant les gestes et les outils des vanniers d’Espagne et du Maroc, où l’usage de la canne est encore bien présent, les artistes ont dessiné et fabriqué une collection d’outils composée d’ébrancheurs pour ôter les ramifications et de fendoirs, à 4 ou 6 brins, pour réaliser éclisses prêtes à être tressées.

En ravivant l’usage artisanal et modeste de la canne, le collectif SAFI souhaite contribuer à restaurer les liens qui nous unissent à la canne mais aussi soutenir des initiatives en faveur de la restauration des fleuves, telle la dynamique engagée par le collectif des Gammares, citoyens et riverains engagés pour la restauration du fleuve Caravelle Aygalades à Marseille.

ET SI ON JARDINAIT LES

CANIERS DE PROVENCE ?

LES PARTENAIRES

La Nature de la canne est une proposition du collectif SAFI réalisée dans le cadre des Naturalistes en Herbe, une action culturelle initiée et conduite par Opera Mundi dans le cadre du dispositif Rendezvous en bibliothèque soutenu par la DRAC

Provence-Alpes-Côte d’Azur et la Métropole

Aix-Marseille Provence. Cette action a été réalisée au printemps 2022 dans le quartier

Saint-Antoine à Marseille en partenariat avec la médiathèque Salim-Hatubou, l’ACELEM et l’École de la 2e Chance.

MÉDIATHÈQUE SALIM-HATUBOU

Marie-Line Barbin (directrice), Delphine Giani, Monique Gunther, Pascal Ritzzo (bibliothécaires)

ESPACE LECTURE ACELEM – La Viste

Aya Abbas, Inès Amari, Marwa Amari, Lilia

Benabda, Younes Benabda, Charaf El Bahri, Eline El Bahri, Houda El Bahri, Lina El Bahri, Mohamed Ferchichi, Adenane Kreifeur, Kalifa

Kreifeur, Yasmine Kreifeur, Mehdi Aymene, Ranya Mehdi, Rayan Mehdi, Djenaba Moussa,

Yahya Moussa, Yasmina Tcherodji. et les animateurs : Maria Del Rosario Valencia et Florian Jambou

L’ÉCOLE DE LA 2e CHANCE MARSEILLE

Taoufic Abdou, Chehane Bakary, Mathilde

Benghellab, Natacha Darouechi, Elarif Ibrahima

Boina, Dalal Laghouati, Nouza Madi, Sittina

Moussa, Mallaury Pagliai, Benoît Vergnette, Mardhua Youssouf et les formateurs : Emmanuelle Jourda, Serge Raysseguier (formateurs)

VÉRONIQUE MURE (CONFÉRENCE ABECEDAIRE®)

Botaniste, paysagiste, enseignante à l’École

Nationale Supérieure du Paysage.

COLLECTIF SAFI, artistes-marcheurs-cueilleurs : Stéphane Brisset et Dalila Ladjal

OPERA MUNDI

Cécile Arnold (co-directrice), Charline Pouret (coordinatrice) ont coordonné le projet.

Crédit photos : Charline Pouret, Claude Rivas (P22), Charly Fox (P40) et Estelle Pierson (P46).

Conception © SAFI 2022.

Les Naturalistes en herbe est un parcours

d’éveil à l’écologie conduit par Opera Mundi. En 2022, le collectif SAFI a été invité à accompagner les jeunes de l’espace lecture la Viste-ACELEM et de l’École de la 2e Chance. Les artistes ont proposé une exploration botanique pour aller à la rencontre de la canne de Provence, cette plante compagne avec

OPERA MUNDI • www.opera-mundi.org

qui nous avons des liens ancestraux, pourtant récemment déclarée invasive. À travers balades et ateliers, les jeunes ont pu renouer avec la matière et les vertus de la canne. Ils ont ensuite mis en mot et en concepts l’écologie de la plante avec la botaniste Véronique Mure lors d’une conférence Abécédaire®.