Catalogue du 17ème Festival des Cinémas Différents et Expérimentaux de Paris

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F O C U S F I C T I O N , D É V I AT I O N 1. Histoire de Détective 2. Du Nécroréalisme 3. L’Empereur Tomato Ketchup 4. La Fin des Pyrénées 5. Des films pour griffer le monde et faire table rase 6. Cochihza 7. Soirée d’ouverture — Phénix 8. La ville c’est la fiction 9. Interferencias 10. Underground bruxellois 11. Nothing but the truth 12. Acheminement vers un cinéma hors-les-normes 13. Soirée de clôture — Les Scotcheuses

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INTERVENTI O NS SÉAN CES SPÉC IALES Pages arrachées — Intervention de l’Etna Cinéastes de moins de quinze ans

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C O M P É T I T I O N I N T E R N AT I O N A L E Membres du jury international Programme 1 Programme 2 Programme 3 Programme 4 Programme 5 Programme 6 Programme 7 Programme 8 Délibération du jury, reprise des films primés

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ARTICLES Cinéfils de l’underground français ? — Raphaël Bassan Pour une fiction expérimentale — Frédéric Tachou L’ami amer — Orlan Roy

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informations prati q ues



focus f i c t i o n , d ĂŠ v i at i o n


F O C U S N o1

HISTOIRE DE DÉTECTIVE

MERCREDI 7 OCTOBRE 19H00 CENTRE POMPIDOU (CINÉMA 2)

H istoire de détective , C harles D ekeukeleire Ou la fiction d ’ une en q u ê te En réponse aux réactions déclenchées par la première parisienne de son film Impatience en 1928, le cinéaste d’avantgarde belge Charles Dekeukeleire exprime son souhait de revenir à une forme de cinéma expérimental plus narratif qu’abstrait : «  Impatience clôt une période de mon travail. Me sentant trop éloigné du public et des programmateurs dans ma pratique d’un cinéma abstrait, je prévois, dans mon prochain projet, d’utiliser un scénario dans un esprit plus réaliste, tout en conservant dans son histoire la plasticité sérieuse et le sens

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rythmique élevé que j’ai recherché et recherche encore ». Réalisé en 1929 ‒  la même année que le chef d’œuvre de Dziga Vertov L’Homme à la caméra avec lequel il partage un certain nombre d’innovations plastiques et conceptuelles ‒, Histoire de Détective explore les possibilités du récit fictionnel confronté à un registre formel emprunté au champ de l’avant-garde cinématographique. Énoncé comme une suite de « documents cinégraphiques » récoltés par l’un des personnages du film, ce troisième opus de Dekeukeleire opère un tour de force stylistique passionnant à travers lequel le film devient le sujet même du film et le recours à la narration un simple subterfuge. Cette histoire de détective est d’abord celle de Monsieur T., enquêteur professionnel et cinéaste amateur engagé par Madame Jonathan afin de comprendre les multiples absences de son mari, Monsieur Jonathan, atteint de

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neurasthénie et dont le comportement inquiète sa femme. De Bruxelles à Ostende, en passant par Bruges ou encore Luxembourg, Monsieur Jonathan tente de surmonter l’ennui d’une vie citadine étriquée et bourgeoise. Convaincu que seul le cinématographe est capable de percer le secret de son comportement énigmatique teinté de mélancolie profonde, T. le poursuit dans ses faits et gestes, posant le regard de sa caméra sur le fait quotidien tout autant méconnu que refoulé. Prise en charge par un montage proche du collage d’inspiration surréaliste, dont la seule logique semble être régie par le jeu des associations mentales du détective et des nécessitées de son investigation, la trame narrative se retrouve désarticulée au profit d’une série d’expérimentations instituant la caméra, instrument d’investigation par excellence, en personnage principal d’une enquête riche en rebondissements. — Jonathan Pouthier

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PROGRAMMÉ E T P R É S E N T É PA R LE SERVICE DE COLLECTION DES FILMS DU CENTRE POMPIDOU

HISTOIRE DE DÉTECTIVE Charles Dekeukeleire Belgique, 1929, 49' Monsieur Jonathan est sujet à des fugues inexplicables. Pour en avoir le cœur net, Madame Jonathan s’adresse à un détective privé, qui filme les allées et venues de son mari. Mais il filme aussi Madame Jonathan à son insu. Film présenté en copie 35 mm.

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F O C U S N o2

DU NÉCRORÉALISME

JEUDI 8 OCTOBRE 20H00 LE GR AND ACTION

L’ Œ U V R E GÉANTE DE YEVGENY YUFIT Le mouvement nécroréaliste est né en U.R.S.S. vers 1982 sous l’impulsion de Yevgeny Yufit, peintre et photographe de Saint-Pétersbourg (Leningrad à l’époque) . Avec Andreï Panov, Oleg Kotelnikov et Andrei Kurmayatsev, un premier noyau d’artistes et de musiciens punk-rock pétersbourgeois commence à produire peintures, photographies et films, mais surtout à réaliser des performances en suivant un paradigme esthétique et un cadre idéologique assez précis. Bien que le terme « idéologie » soit systématiquement réfuté par le groupe, il y a bien un ensemble d’idées structurant le mouvement. Celle qui prime entre toutes consiste à identifier la société dans laquelle ces artistes vivent comme un espace mort. L’U.R.S.S. des années 1980 est caractérisée par la « stagnation », période d’impuissance à se réformer d’un énorme édifice économique et politique chancelant, et isolé sur la scène internationale depuis l’intervention en Afghanistan de 1979. Confrontés à ce qui apparaît de plus en plus comme un délabrement général, les artistes incriminent bien davantage qu’une simple conjoncture et dénoncent

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le projet communiste soviétique de é 1 — Alexei Gatsev a fond renouvellement intégral de la socié0 l’Ins titut Central 192 en té et des hommes qui la constituent. du Trav ail afin de Analysant un ensemble de faits et de pro duir e une con nais moments caractéristiques – comme san ce scie ntif ique de par exemple la levée de toute entrave tou s les pro ces sus es physiques, physiologiqu au développement illimité de l’action liés s que logi cho psy et instrumentale réifiant les existences r aux gestes de travail pou et les corps, à l’instar des recherches les rati ona lise r et les es d’Alexei Gatsev, voire même de Vladimir opt imis er. Des cen tain vrie rs d’ou iers mill de Demikhov — 1 – les nécroréalistes proont été form és suiv ant duisent une anti-utopie, une anti-sociéces méthodes s’appuyant té, un anti-positivisme, une anti-science ubea uco up sur des sim et un anti-matérialisme, se traduilate urs de con duit e s de machines, de véhicule sant par une imagerie et des actions ions . Gat sev d’av ou d’une tonalité extrêmement sombre, croy ait dan s les ver tus morbide et pessimiste. Évacuant gédes stim ulat ions u néralement la couleur, photographies, élec triq ues du cer vea films, gravures, peintures, lithograpou r rap pro che r enc ore dav ant age l’ho mm e phies, déclinent en noir et blanc les . au trav ail de la mac hine thèmes du corps mutilé, du suicide, de Vlad imir Dmi kho v a 4 l’inconfort, de l’absurde et du non-sens réalisé entre 1937 et 195 redes actions socialement prescrites, etc. des exp érie nce s surp nan tes de gre ffes sur Chacun comprendra qu’en choisisdes chie ns, tran ssant la qualification de « nécroréalisme », plan tati on de cœu rs, n ces artistes invitaient à situer leur progreffe d’un torse de chie re jet du côté de la face noire du réalisme sur le cor ps d’un aut pou r alim ent er deu x socialiste, et peut-être plus largement à l cer vea ux ave c un seu l’identifier comme un agent dissolvant fr/ cœur, etc. (cf. www.ina. toute la positivité résiduelle des mouve. vide o/A FE8 500 806 6) ments artistiques d’avant-garde issus du surréalisme ou de l’expressionnisme. Le nécroréalisme lutte par des images contre d’autres images. C’est pourquoi il est d’abord et avant tout un mouvement artistique figuratif. Dès 1988, le groupe, qui s’est large-

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ment étoffé, expose à Saint-Pétersbourg puis en Europe de l’ouest à partir de 1991 — 2. En 1984, Yufit fonde un studio de production cinématographique indépendant, le premier en U.R.S.S., permettant de réaliser en 16 mm noir et blanc des courts-métrages. Rapidement, le Mzahlalafilm devient un foyer très productif où s’activent autour de Yufit et Vladimir Mazlov, Yevgeny Kondratiev (dont le 2 — On peu t se rep orte r au cata logu e très nom d’ar tiste est « Debil ») , Andrei com plet pub lié à Mos cou Kurmayartsev (Andrei Mertvyi) , Igor en 201 1 à l’oc casi on Bezrukov, Leonid Konstantinov (Trupyr), d’un e gra nde rétr oValery Morozov, Anatoly Mortyukov. Le spe ctiv e con sac rée au choix du 16 mm noir et blanc et la pronéc roré alism e au Mus ée d’Ar t Mod ern e jection de copies muettes, du moins de Mos cou à l’au tom ne au début, s’expliquent par des raisons 201 1 (ver sion ang laise pratiques et économiques mais pas seuen pdf en lign e ave c l’en trée « ne cror ealis m ») lement. Il est évident en effet que le ci. On peu t éga lem ent se néma nécroréaliste rétablit explicitement rep orte r aux arti cles des liens avec le cinéma de la période du sym pos ium du film muette, et plus particulièrement le cinéruss e de Pitt sbu rg ma des avant-gardes d’Europe de l’Ouest en 201 1 à l’oc casi on duq uel l’œu vre de Yuf et le cinéma soviétique des années 1920. it a été pré sen tée par Nous insisterons donc ici sur les caractéMas ha God ova nna ya. ristiques plastiques du cinéma de Yufit et leurs implications esthétiques, plutôt que sur une herméneutique déjà largement cultivée faisant tourner en boucle le thème de la décrépitude de feu l’U.R.S.S. L’indiscutable puissance artistique des films de Yufit provient de la parfaite adéquation des moyens et des finalités. Ils démontrent de manière éclatante qu’en matière d’art, la forme c’est du contenu. Les images en noir et blanc très contrastées évoquent les photographies orthochromatiques avec leurs ciels blanc irradiants et traduisant par des valeurs denses les fréquences les plus chaudes du spectre (de l’oranger au rouge). Outre le fait de « dramatiser » ainsi

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chaque scène, la réduction de la gamme des gris au profit d’une opposition maximale des blancs et des noirs, relie cette imagerie filmique aux peintures nécroréalistes très majoritairement en noir et blanc. D’autre part, les optiques et les émulsions n’ont pas été choisies pour leur finesse de rendu et de grain mais au contraire pour accentuer les textures, trames et rugosités de matières. Ainsi, les peaux, pilosités (barbes, cheveux, torses et pubis), crépis, prés herbeux, surfaces aquatiques striées d’ondes, écorces d’arbres, surfaces métalliques, béton brut, feuillages, textiles, étendues de neige, deviennent les constituants plastiques d’images dont on cherche en permanence à affirmer l’iconicité. Cette intention est d’autant plus manifeste que les maquillages des visages et le traitement des costumes les éloignent définitivement du champ référentiel du cinéma réaliste. Cette tactique présente le double avantage de produire un univers visuel très original – bien qu’à cette époque le choix du noir et blanc au cinéma connaissait encore une vogue internationale née dans les années 1960 (Bergman, Tarkovski, Godard, Vláčil, Kawalerowicz, Guerman, Tarr, et jusqu’à Jarmush) – et de dialoguer avec une imagerie beaucoup plus spécifique, le documentaire et le film de propagande, dont des segments sont très souvent incorporés dans les films de Yufit. Beaucoup plus que la recherche d’une fusion plastique d’éléments hétéroclites, l’ensemble des opérations artistiquement motivées dans le film nécroréaliste agit très puissamment comme connotateur filmique, en réponse à un monde visuel (dans lequel ce cinéaste a grandi) où la primeur accordée à la diffusion massive de documents cinématographiques produits sans excès de soin technique et diffusés dans des conditions souvent rus-

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tiques finit par constituer un facteur connotant et marquer l’esthétique du film soviétique. C’est sans doute ici que la force critique des films de Yufit est la plus intense : mettre à nu ce qui, pour les nécroréalistes, relevait d’une intention corruptrice et trompeuse dans les représentations que placardait partout la société soviétique, représentations dénuées d’indices de vie authentiques, donc mortes. Les citations de la tradition cinématographique soviétique se jouent également chez Yufit à d’autres niveaux. La scène de suicide du scientifique dans Silver Heads (1998) – totalement incongrue – est montée à la manière de L. Kulechov chez qui les successions de gros-plans métonymiques suggèrent en les intensifiant les dynamiques physiques et psychologiques des phénomènes représentés (voir par exemple la scène de pendaison dans Dura Lex , 1926). D’autre part, la composition sonore de ses films repose entièrement sur les ressources esthétiques de la post-synchronisation et du bruitage, permettant sur des fonds acoustiques toujours « blancs » d’isoler des évènements sonores à peine absorbés par l’image (clapotis, sons électroniques, dialogues, chocs, fragments musicaux, etc.). C’est là une constante du cinéma soviétique. Depuis les premiers tournages en 16 mm, tous ces caractères plastiques se maintiennent avec une remarquable constance dans les films tournés en 35 mm à partir de 1989 et dans les scènes tournées en vidéo, cela jusqu’à Bipedalism (2005), film concluant pour l’instant l’œuvre de ce très grand cinéaste. Comme ils en déterminent la profonde originalité, il est impossible de circonscrire les liens avec la tradition cinématographique soviétique par le seul concept de « citation ». Au-delà de rapprochements formels,

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la plupart des thématiques abordées par 3  — Wal te Yufit : personnages vivant dans un perr Be nj am in , Su r le co nc ept d’ hi st pétuel inconfort, corps exposés sans oi re , da ns Œ uv re s III , relâche à l’action corrosive d’une terre Ga lli m ar d 20 00, p. 42 7. indomptée, nature muette, eau qui lave et qui noie, stigmates et mutilations, se manifestaient au cinéma depuis longtemps. Se peut-il d’ailleurs dans le même ordre d’idées, que l’absence presque totale de la composante érotique dans ses films renvoie aussi à cette même tradition ? Mais peut-être que le rôle de son œuvre dans la tradition cinématographique russe pourrait être comparé à celui du nain bossu qu’évoque Walter Benjamin pour figurer la théologie nichée au cœur du matérialisme dialectique, poupée articulée qui gagne toujours aux échecs — 3 : l’une et l’autre habitent à l’intérieur de l’édifice et en révèlent le secret. Une différence néanmoins : contrairement au nain laid et difforme, l’œuvre de Yevgeny Yufit est immense et belle. — Frédéric Tachou

PROGRAMMÉ E T P R É S E N T É PA R F R É D É R I C TA C H O U

VEPRY SUICIDA [SUICIDE MONSTERS] Yevgeny Yufit URSS, 1988, 4 ' PRYAMOKHOZDHENIE [BIPEDALISM] Yevgeny Yufit Russie, 2005, 95 '

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F O C U S N o3

L’ E M P E R E U R T O M AT O K E T C H U P

VENDREDI 9 OCTOBRE 19H00 M A I S O N D E L A C U LT U R E DU JAPON

Sorti en 1972, L’Empereur Tomato Ketchup existe sous deux formes : un court métrage, et une version de 71 minutes. Même au sein d’une filmographie comptant plusieurs fleurons de l’avant-garde tels que Jetons les livres et sortons dans la rue , L’Empereur Tomato Ketchup est une œuvre à part, relevant d’un burlesque enragé et méchant auquel Terayama ne reviendra pas. C’est aussi la seule incursion du cinéaste dans la satire politique pure avant de s’épanouir dans des labyrinthes symbolistes composés d’ombres, d’horloges et d’allumettes enflammées. Si la suite de sa filmographie semble explorer un temps et un espace lui étant propres, le contexte est ici primordial. Bien qu’on rattache Terayama à la Nouvelle vague japonaise des sixties (il écrivit le scénario de Premier amour version infernale de Susumu Hani), L’Empereur Tomato Ketchup se situe à son extrémité et débouche sur autre chose : un underground « garage », plus violent et sale que les œuvres d’Oshima ou Imamura, et pouvant rappeler, à cause de son 16 mm cramé, Flaming Creatures de Jack Smith. Les années 60 se sont achevées avec le suicide de Mishima et peu après la sortie de L’Empereur Tomato Ketchup , les membres de l’armée rouge unifiée se livrèrent à d’absurdes purges staliniennes.

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Quelque chose de cette vision ubuesque du pouvoir passe dans le film. Ces enfants, qui jouent à la guerre, à la politique et au sexe nous détestent, nous les adultes. Ils envoient leurs parents dans des camps et se sentent plus proches des chats, qu’ils qualifient de « seul animal domestique politique existant » que de l’espèce humaine. Même si l’usage que font les enfants de leurs esclaves adultes fait encore frémir, il ne faut pas voir ces petites créatures fardées et déguisées comme des enfants réels. Ils sont d’abord des démons qui adoptent une apparence scandaleuse pour interpréter une pièce sur la domination politique et sexuelle. Mais cet Empereur, tyran haut comme trois pomme, qui est-il au juste ? Est-ce l’occupant américain, grand enfant à la culture régressive et meurtrière ? Est-ce une caricature de la jeunesse militante, qu’elle soit gauchiste ou fascisante, s’enfermant dans des systèmes absurdes et autodestructeurs ? La violence et l’idiotie de l’Empereur et de ses militaires en font naturellement des figures du chaos, hostiles à toute forme de morale. Leur rejet de l’autorité et des règles sociales des adultes dessinent une humanité littéralement préhistorique, qu’on voit s’affronter dans des immeubles en ruines. Terayama effectue un retour à l’esprit transgressif des peintres d’Edo, peuplant leurs estampes de petite créatures obscènes et ricanantes. Cette démonologie est typique de Terayama et de la région de son enfance : les paysages désolés du nord du japon, haut-lieu de la paysannerie mystique, des chamanes et de la danse butô sous son occurrence la plus dark et hirsute. Avec ce film unique, on mesure combien Terayama et troupe d’acteurs furent eux-mêmes les démons du cinéma japonais. — Stéphane du Mesnildot

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Ce film a été réalisé par Shûji Terayama à partir de sa propre pièce radiophonique La Chasse aux adultes (1960) qui voit les enfants se révolter contre les adultes et prendre le pouvoir. Les enfants édictent des lois qui condamnent les instituteurs à la peine capitale et les auteurs de contes de fée à cinquante ans de prison. Ils défendent les vices, l’assassinat, la violence ou le viol des femmes à leur manière enfantine. C’est une pseudo-utopie créée par les enfants. Le film est présenté au Festival de Cannes en section court métrage en 1972 et reçoit le Prix du Court Métrage au Festival international du Jeune Cinéma de Toulon la même année. Shûji Terayama (1935-1983) est un artiste polygraphe aux multiples talents : écrivain, poète, dramaturge, réalisateur, metteur en scène, scénariste, photographe, chroniqueur hippique, auteur de chansons… Dans l’histoire artistique du Japon, il est surtout connu en tant que metteur en scène au sein de son laboratoire théâtral Tenjōsajiki, une des troupes de l’Underground Theater autour des années 1970. Nourri de littérature occidentale dès son enfance, cet intellectuel est resté tout au long de sa vie fidèle à son leitmotiv « Contre le pouvoir », qu’il a exprimé à travers différentes formes d’œuvres d’art très provocatrices. Dans un contexte artistique où domine l’avant-garde dans le monde des années 1970, sa troupe Tenjōsajiki a été invitée dans plusieurs festivals de théâtre internationaux notamment en Europe. En parallèle de ses représentations théâtrales, Terayama a présenté ses courts et longs métrages, notamment au Festival de Cannes. Souffrant de cirrhose, il a présenté le spectacle Instructions aux domestiques au Théâtre national de Chaillot en 1982, et s’est éteint l’année suivante à l’âge de 47 ans. Après sa mort, ses œuvres littéraires sont rééditées à plusieurs reprises et ses pièces de théâtre sont adaptées par d’autres metteurs en scène, en particulier Marie Vison. Le Musée commémoratif de Shûji Terayama à Aomori, ouvert depuis 1997, est visité aujourd’hui par plusieurs générations. — Chiho Yoda

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PROGRAMMÉ PAR VICTOR GRESARD, PRÉSENTÉ PAR STÉPHANE DU MESNILDOT ET CHIHO YODA

TOMATO KECCHAPPU KÔTEI [L’EMPEREUR TOMATO KETCHUP] Shûji Terayama Japon, 1971, 71 ' Les préadolescents se sont révoltés contre leurs parents parce qu’ils les privaient de la libre expression de leur

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sexualité ; armés jusqu’aux dents, ils se vengent des adultes et font régner par la terreur un ordre nouveau : ils instaurent une société où les contes de fées et les ébats amoureux occupent une place centrale et se mêlent harmonieusement ; des magiciennes-geishas y jouent à la fois le rôle d’amantes et de mères. Film présenté en copie 16 mm.


F O C U S N o4 LA FIN DES PYRÉNÉES

SAMEDI 10 OCTOBRE 18H00 LUMINOR HÔTEL DE VILLE

VOYA N C E POUR TOUS « Un jour il n’y aura plus de père Dans les jardins de la jeunesse » Paul Éluard

La Fin des Pyrénées fut sélectionné pour le Festival de Berlin. L’Ours d’Or, il lui aurait fallu ça, à Lajournade ! Il était l’Ours, j’étais le Gros loup : amis des Indiens, nous nous amusions comme des enfants. Nous en avions conservé la gravité. Heureusement pour nous, après quelques émissions interdites, le joli mai avait mis un terme en 1968 à de douteuses carrières à la Télévision française… Petits-bourgeois français, enfants de la moyenne bourgeoisie, nous avons été déprogrammés d’un monde qui nous autorisait à cette seule option : intégrer la soumission et la résignation pour être noyé dans un perpétuel quotidien de frustration, d’humiliation et de compromissions ! Nous étions virés, tant mieux ! Nous avions beaucoup trop à faire pour sauver le monde ! Il y avait de quoi rire, ça nous faisait sourire.

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Pélerin monorail Ayant tiré quelques milliers de francs de Monsieur JeanEdern Hallier, l’Ours m’invita dans un film, Le Joueur de quilles où mon portrait en rural bouge le temps d’un plan-séquence. Lui-même jouait le personnage qui s’appelle Wolfgang, une métaphore, comme il le dit : « le fait de marcher sur un rail, une métaphore sur mon travail – et un passage, une traversée… » Le Joueur de quilles (1968) fut pour moi un choc absolu. Regardez, à l’horizon d’une campagne sans grâce où ciel et terre se confondent dans un gris sans lumière (pleut-il, ne pleut-il pas ? mais il vente) voyez apparaître le Pèlerin monorail qui comme son nom l’indique, marche sur un rail glissant, trébuche, tombe, reprend des forces, se relève, d’où vient-il, où va-t-il ? Sûrement vers nous… « On fait des films comme on vit, nous dit Lajournade. Les rapports entre la critique et la conscience nous échappent dans la situation où nous sommes. Au moment même où nous croyons être froidement critiques, nous sommes les plus dictés. Et au moment même où nous croyons être les plus inconscients, nous sommes les plus critiques… Les dés sont tellement pipés qu’il faut avancer à la cloche comme on chasse au snark. On a une carte où il n’y a rien et on sonne la cloche quand on avance : la méthode de navigation de Lewis Carroll… » L’Ours a radicalisé cette folie : repenser totalement le cinéma, réduire à néant les fondements de la culture et de la connaissance, créer un monde essentiellement filmique, libéré de toute contrainte économique, esthétique, idéologique et politique, n’obéissant à aucun concept connu. Insurgé contre un fallacieux art d’écriture, opposé à tout langage, rebelle à toute analyse, il a fait un objet qui se contente de beaucoup : exister, tout simplement.

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Après un tel film, comment continuer ? Produit par Pierre Braunberger, Cinéma, cinéma (1969) montre les déboires d’un réalisateur aux prises avec le conformisme du public et les exigences des révolutionnaires. Y aurait-il encore des innocents pour estimer que le cinéma est une arme capable de changer le monde ? Vous rigolez ? Un moyen d’agit-prop à la traîne des luttes sociales devient naturellement, quand la révolution s’installe, un art de propagande au service du nouveau pouvoir. S’agissait-il d’un appel à l’anarchie ? Certains l’ont pensé. Le court-métrage fut primé. Le septième art et l’anarchie feraient-ils bon ménage ? Allons, désordre, émeute, anarchie ce ne sont que des mots, des façons de réduire. Nous pensions, Jean-Pierre le pensait que, contrairement au langage, le cinéma pourrait devenir de plus en plus subversif. Il a persévéré, et son film suivant, Droit d’asile fut immédiatement interdit par la censure. Raison de plus pour s’entêter et Braunberger, bon joueur, l’encouragea. Sortir du ghetto, faire un film visible dans les salles, fut le défi qu’il lui proposa. Que faire  ? s’était demandé Vladimir Ilitch Oulianov. L’avaient suffoqué le noir et blanc du Joueur de quilles qui donnait à entendre le silence avec de loin en loin quelques sons hertziens qui empêchaient le spectateur de s’endormir. Le producteur savait Lajournade si loin de la caméra-stylo chère à Alexandre Astruc qu’il n’attendait de lui aucune littérature. Sans doute espérait-il un je-ne-sais-quoi dans le goût de l’époque. Mais peut-on parler de cahier des charges ? Ce dingue de Boumboum s’y serait-il risqué, sachant que son poulain l’aurait honoré à sa manière. Appréciant sa courtoise arrogance, il misait sur l’intelligence du jeune cinéaste, il escomptait images et sons nouveaux. L’Ours lui a imposé son film. Le producteur a respecté son choix. Il était de bonne guerre qu’en retour il proposât La Fin des Pyrénés au Festival de Berlin. Mais le hasard fait bien les choses : en 1970, l’Ours d’or ne fut pas attribué.

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Mort du père Le premier plan de La Fin des Pyrénées me hante. Les montagnes sous un ciel immense et une silhouette qui se rapproche sur un sentier : marchant à pas mesurés, avec lourdeur, mais sans fatigue arrive le Père, qui s’arrête au col, scrute le paysage, y cherchant sans doute le passage de quelque gibier puisqu’il porte un fusil. Notre regard a suivi le sien, le perdant pour faire le tour des pentes et des crêtes, puis nous revenons vers lui. Sur son visage, un terrible abandon, presque une supplication adressée à tous, en même temps qu’une extase que nous ne pouvons comprendre. Ses lèvres tremblent, mais nous n’entendons rien, aucun son articulé. Pourtant sa voix est présente dès le début, atone, monocorde, morne. Elle fait les comptes, recensant, additionnant et pesant les tonnes de déjections rejetées par le corps humain au cours d’une vie. D’un mouvement brusque, le Père dégage le fusil de son épaule et l’amène sous son menton puis, appuyé sur les deux canons jumelés, il prend une profonde respiration et ferme les yeux. De nouveau nous le quittons pour interroger le paysage quand, très brusquement, nous surprend la détonation : à la place où nous devions le trouver, il n’est plus. Le mouvement se continue sur les mêmes montagnes impassibles quand, soudain, des cris, Oho  ! puis Papa  ! et Tu l’a eu ? de plus en plus proches, nous font découvrir le Fils qui arrive par le même sentier, qui regarde quelque chose à ses pieds, murmure des mots incompréhensibles, se baisse enfin pour échapper à notre regard. Quand il se relève, il a du sang sur ses mains et son visage. Qu’il offre au ciel, saluant des deux bras comme quelque boxeur sanglant et victorieux, et il pousse un grand cri, douleur ou triomphe, avant de disparaître en courant. Fin du plan séquence. La naissance des enfants est la mort des parents (Hegel). C’est la phrase que Lajournade a placé en exergue du film.

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Q u i d d e l a f i c t i o n  ? L’histoire, la voici, tous les personnages d’une fiction bourgeoise sont là. La trinité : le père, la mère et Thomas produit du devoir conjugal (portrait d’un fils de famille en jeune homme). Lajournade montre, impose Papa qui additionne le poids de ses déjections et met fin à ces jours. Serait-il dans la norme qu’un chasseur lambda fasse une telle comptabilité et se suicide ? N’est-il dans l’ordre des choses que la maréchaussée s’intéresse, sans beaucoup d’égard, au Fils, le Meurtre du Père, n’est-ce pas ? Mais Maman vient à la rescousse, voluptueuse, récupérer son poussin. Papa occis, elle jouerait bien Jocaste, si n’apparaissait à point nommé la Fiancée qui permet au fils de déjouer les plans de l’incestueuse sybarite. Las ! Voici Thomas tombé dans un nouveau piège. Quand le Crucifié (à haute altitude, par un froid pyrénéen, Jean-Pierre s’est dépouillé de ses vêtement pour assumer son Golgotha privé) aura scellé l’union du petit couple, sur celui-ci le réel retombera sur la gueule : nourrir une famille, affronter patrons et syndicats, travailler, bref survivre, ce n’est pas n’importe quoi, et la route est longue. Pour Lajournade, pas question de se plier au rituel de la narration. Vertov reprochait déjà à Eisenstein d’emprunter des éléments au Kinoglaz pour l’appliquer au cinéma de fiction, d’abandonner les faits pour l’art. Eisenstein lui a objecté qu’il ne s’agissait pas de contempler, mais d’agir : « Ce n’est pas un Ciné-œil qu’il nous faut, mais un Ciné-poing. Le cinéma soviétique doit fendre les crânes ! Et ce n’est pas par le regard réuni de millions d’yeux que nous lutterons contre le monde bourgeois. » Et puis est arrivé Bertholt Brecht qui voulait construire une distance entre les spectateur et le spectacle, mais ça restait toujours du spectacle : ça donnait à rire, à pleurer, ça flattait les vilains et agaçait les bourgeois, ces cochons de payants. À vouloir fabriquer du sens ce pauvre B.B. s’est pris dans le tapis qu’il s’était lui-même déroulé.

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De Brecht, Lajournade a retenu que ruse est nécessaire, mais de lui aussi, le militant a appris que raconter une histoire est une sacrée gageure et c’est en connaissance de cause qu’il a relevé le défi. Il faut tricher, prendre des chemins de traverse, dévier, se démasquer. « Se démasquer, a-t-il dit, c’est se dépouiller et c’est vraiment se livrer à la catastrophe, être en proie à l’agonie du monde. Je le fais dans la panique absolue et ça me permet de comprendre la panique des autres. » Toute fiction est interdite ? Pas précisément, il s’agit de proposer quelque chose d’incorrect, d’impropre à une digestion pépère. Pas de héros, juste une série de situations plus ou moins neutres ou grinçantes et la route à prendre. Un road movie sans automobile ! Est-ce un bon concept, est-ce une marchandise qui sied à l’industrie ? Rien à se mettre sous la dent, une longue marche pour un spectateur assis. S’endormirait-il ou mis à mal, harcelé en son intériorité la plus profonde, quitterait-il la salle ? Tant pis pour lui. Quant au cinéaste, il n’a qu’un seul impératif : aller de l’avant. À chaque situation, un plan. Ce dispositif, Lajournade l’a expérimenté à la télévision. C’est le plus rapide et le moins coûteux. Voyez les photos de plateau : le regard dans la même direction, les techniciens sont attentifs à ce qu’ils font. Par ailleurs, à l’encontre des responsables de l’ORTF si prompts à bousiller au montage l’œuvre du réalisateur, cette pratique lui garantissait une sorte de final cut : ces bourrins n’avaient d’autre recours que d’interdire un produit impropre à la diffusion. En suivant ou précédant les personnages, collant à leurs déplacement, préservant leur concentration et leur liberté, le plan-séquence laisse les choses à leur place, maintient l’intensité d’une émotion qu’un changement d’angle ou un effet de montage créant un nouveau langage ne peut manquer de briser. Ni comédie, ni tragédie, les interprètes ne sont pas les perroquets d’un auteur. Pas de numéros d’acteurs, pas d’arrière-monde. Impossible au spectateur de

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se projeter, de s’identifier aux figures qui s’inscrivent dans le rectangle de l’écran. Contempler ? Fichtre ! Montage interdit Répétons-le, le montage d’attraction prisé par les soviétiques comme par la pub imposait un récit : désormais l’écran ne serait plus un champ de bataille. Lajournade, remarque Jean-Pierre Bouyxou dans son livre La ScienceFiction au cinéma , a pulvérisé toutes notions connues, élaborées ou rêvées de temps et d’espace. Pour lui, il s’agit de faire des images et des sons montrant l’ordre des choses – fut-il risible ou effroyable. Bien sûr, la critique, cette censure post-moderne, s’est empressée de dénoncer un minable canular et – la hargne le disputant aux ridicule et grotesque à eux renvoyés – de ricaner sur cet « abracadabrant programme de clichés sur famille, police, et la société, tous pourris… » Ou : « C’est n’importe quoi, du sous-Mocky ! » Des intellectuels de Lussas il ne sera pas la proie. Après avoir raillé les « invectives gratuites et les slogans manichéens démodés hurlés par des garnements immatures », il ont eu beau jeu de s’apitoyer – Rebel without a cause, Fureur de vivre – pour se gausser des rébellions adolescentes. Pour être juvéniles, sont-elles naïves ou stupides ? Dire qu’elles sont justes, ces rébellions, et mieux que justes, forcément sublimes, qu’est-ce que ça signifierait ? Hormis les sons, je ne vois que des images. Elles imposent tel quel, subversives. À l’instar de celles de Beckett, d’Artaud, d’Olivier Larronde, sur lesquels Lajournade avait réalisé pour l’ORTF des points de vue documentés plutôt mal reçus, ce sont des images rebelles, tragiquement rebelles, des images de lumière. Le noir et blanc du Joueur de quilles télescopé par la couleur, c’est de la voyance à l’état pur. À nous voyeurs d’être des voyants. Si nous l’osons. — Jean-Pierre Bastid

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PROGRAMMÉ PAR THÉO DELIYANNIS ET PRÉSENTÉ PAR JEAN-PIERRE BASTID

LA FIN DES PYRÉNÉES Jean-Pierre Lajournade France, 1971, 80 ' La révolte de Thomas, soupçonné de meurtre par la police après avoir assisté au suicide de son père : il rompt avec sa famille et, en compagnie de Malvina, rencontrée par hasard, il va vivre dans la marginalité,

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se montrer violent, jusqu’à l’internement du couple dans un établissement psychiatrique. Film présenté en copie 35 mm sous-titrée en anglais.


F O C U S N o5

DES FILMS POUR GRIFFER LE MONDE E T F A I R E TA B L E R A S E

DIMANCHE 11 OCTOBRE 20H00 LE SHAKIRAIL

Il existe des cinéastes dont l’énergie créatrice s’affranchit tout naturellement des dogmes ou des règles les contenant le temps d’un film, inclassable, quels que soient leurs autres travaux ou leurs parcours scolastiques ou autodidactes. Ces films sont irréductibles aux classements divers et variés découpant aussi bien le cinéma en genres (western, polar, comédie, mélo…) qu’en catégories (fiction, documentaire, expérimental, animation…). Le Kino club mensuel du Shakirail est donc fier de vous proposer une séance tout naturellement consacrée à tout ce qui dévie des sentiers battus narratifs et psychologiques, mais aussi d’une classification des esthétiques formelles pour préconiser le chaos des supports, le désordre des médiums, le mélange des styles, l’éclatement ivre et transgenre de toute digestion cinéphile personnelle, et tout cela à travers trois films français forcément très singuliers : Le Souffle de la Nature de Hadrien don Fayel (2015), Angle Mort (sous réserve) de Takezo Ichikawa (2015) et le long métrage Playdead de Derek Woolfenden (2005).

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PROGRAMMÉ ET P R É S E N T É PA R DEREK WOOLFENDEN

LE SOUFFLE DE LA NATURE Hadrien don Fayel France, 2015, 29 ' Un homme glisse dans une rivière et se laisse dériver jusqu’à perdre le contrôle. Plongé dans un état second, il erre de rencontres improbables en situations inhabituelles. Un homme cherche quelquechose sans savoir quoi. Je suis parti de cette idée

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pour écrire et filmer des actions concrètes et simples : un homme marche. Il en résulte une variation autour d’un thème plus qu’un récit psychologique. Aucun but n’est défini, l’intensité de l’instant est ici l’objet de chaque scène. Les actions s’enchaînent pour créer une dynamique générale, une expérience difficilement résumable mais un tout cohérent. J’ai évité les intrigues et dialogues explicites tout en maintenant la tension nerveuse. Le personnage est face à des situations qui ne lui laissent pas l’occasion de réfléchir. Il doit juste réagir.


La mise en scène impressionniste et immersive plonge le spectateur au cœur de la course du héros dans un flux ininterrompu d’actions, un flot d’images nerveuses et de sons englobants.  L’assemblage kaléidoscopique de ces scènes concrètes éloigne de l’analyse pour créer une expérience purement sensitive. Les premiers cinéastes d’avant-garde se demandaient comment faire ressortir le geste humain à travers une technique mécanique et industrielle, estimant qu’une machine dotée d’une capacité de reproduction parfaite ne pouvait laisser de place à l’humanité. Dans cette optique je m’intéresse aux textures particulières de son, de grain de l’image et de colorimétrie, aux flous et aux mouvements non contrôlés comme autant de particularités physiques et sensorielles constituant les éléments dans leurs complexes réalités. Le regard physique imprécis de l’œil est en quelque sorte imité par la caméra. L’idée est de

montrer le monde tel que nous le voyons tous les jours quand nos yeux se promènent et que notre esprit enregistre des images furtives ou répétitives. Je me suis inspiré des films d’action hollywoodiens, qui enveloppent le spectateur de sensations visuelles et sonores fortes. Ici la sollicitation excessive par l’image et le son (montage rapide, gros plans, caméra proche du sujet, constamment en mouvement) empêche tout recul nécessaire à la compréhension intellectuelle. Ces codes d’efficacité sont donc utilisés non pour embarquer le spectateur dans un récit clair et sophistiqué, mais pour le plonger dans l’action et la désorientation vécue par le héros. J’ai utilisé des supports de qualité variable : téléphone, caméra professionnelle HD, caméra grand public DV. Il ne s’agissait pas d’imiter la pellicule avec le numérique mais d’accentuer les caractéristiques (maniabilité et esthétique) propres à chaque caméra pour les utiliser dans la narration . La mise en scène, loin d’être

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définie à l’avance, résulte de mes recherches passées, de mon intuition présente et des matériaux concrets fournis par la réalité du tournage. — Hadrien don Fayel

ANGLE MORT Takezo Ichikawa France, 2015, 10 ' (sous réserve) « Le sang commençait à couler autour du manche du couteau et gouttait sur le sol. » Stephen King, Carrie Tout le film utilise le son réel et continu d’un fait divers qui se déroula au cours d’un

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spectacle dans un lieu public où un homme en poignarda deux autres. L’image continue de la captation du spectacle, involontairement sordide, a été remplacée par les fragments vidéos de la cinéphilie salvatrice de l’un des deux survivants dont le film adopte le point de vue subjectif. L’imaginaire instinctif et cinéphile déployé de celui-ci défi(l)a toute la durée de son agonie réelle pour l’aider à survivre… Grâce au montage le plus fidèle possible de cette subjectivité à l’œuvre au moment des faits, une question reste cependant en suspens : comment se réapproprier une réalité insoutenable et imprévisible au travers d’un traumatisme enregistré ?


« Oui, songeait Raeder, il remuait et respirait encore ; mais c’était seulement dû à l’incompétence de la Mort. La Mort en finirait avec lui dans quelques minutes. La Mort forerait des trous dans son corps, étalerait du sang avec art sur ses vêtements, disposerait ses membres dans quelque grotesque attitude de danse macabre… » Robert Sheckley, Le Prix du danger

PLAYDEAD Derek Woolfenden France, 2005, 100' « Les fous, les criminels et les poètes ont une seule et même mission : assurer à la société un minimum d’insécurité. » Friedrich Hölderlin « Ce film n’a pas l’intention d’ériger un discours critique élaboré sur des bases érudites ou selon des questions contestataires sur nos sociétés actuelles (et de nos mœurs qui en découlent). Il vise une critique instinctive, pulsionnelle et libre à propos de problèmes divers et sociaux.

Ce film est dénué de codes, de dogmes et de limites : il ne renie ou n’encense aucune règle classique. Cette visée instinctive critique a été choisie pour mieux représenter le déploiement affectif, expressif et symbolique du “ protagoniste ” : un personnage à la fois anonyme et collectif, gangrené et traversé par ce qui nous empêche de vivre. Puisque vivre dans la légalité n’est pas vivre, mais mourir à petit feu : perdre tout sens aussi bien perceptif que critique. Ce film veut être une analyse du rapport des images entre-elles, malgré elles ou en leur faveur. Aussi il se définit et s’assume comme patchwork d’images pré-existantes, pour mieux revendiquer un état d’esprit “  pirate  ”, fondé donc essentiellement sur la récupération et la substitution, dans une logique aussi bien formelle qu’économique. » (Avertissement ouvrant le film) « J’ai toujours aimé les aliénés, les psychopathes, les dégénérés, les ratés, les anormaux, les infirmes, ceux qui cherchent la mort et que celle-ci évite,

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en un mot, les fils pauvres et déshérités de Satan, et ceux-ci, à leur tour m’ont aimé. » Stanislas Przybyszewski, Mémoires Mr. R. tue. Sa communication ou ses rapports palpables avec les êtres sont dénaturés par l’argent, qu’il touche chaque jour par sa fonction professionnelle et sociale (agent comptable). Tous ses plaisirs, ses fantasmes se projettent dans le meurtre. Son quotidien intime et professionnel va progressivement de pair avec les crimes commis,

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jusqu’au jour où il rencontrera une apparition trompeuse, une blonde pulpeuse, sirène artificielle née de son propre imaginaire, celui parfaitement normé que la société marchande lui a conçu. « Je le répèterai sur tous les tons, le monde n’est habitable qu’à la condition que rien n’y soit respecté.» Georges Bataille

Playdead est un premier long métrage d’une durée de 100 minutes, fiction expérimentale entre art vidéo et film


d’horreur, dont l’ambition est de rivaliser avec les productions de série B que j’affectionne, mais à l’aide de moyens précaires transfigurés par des idées formelles expérimentales. Essai pop, baroque et pirate autour d’un serial killer, mais aussi œuvre hybride qui repose au départ sur cinq supports (Super 8, super 16, Hi 8, Mini DV, DV CAM). Film prométhéen par excellence, postulat ambitieux démesuré, défi « impossible » à relever, contre le regard du spectateur, conformé

uniquement aux productions du cinéma dominant. Par conséquence, Playdead est un film « mort-né », d’autant plus qu’il ne peut être distribué, à cause de son utilisation illégale de fragments sonores et visuels, de musiques, mais aussi de lieux pour lesquels aucune permission n’a été demandée. « Et tout commença donc par une question de production. Playdead a cherché à arracher ses presque 2h30 de métrage [avant d’avoir été remonté cette année pour une durée de 100 min.] à une quelconque

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logique de production et à la mise en place des moyens financiers nécessaires à sa réalisation. Et pourtant, malgré son budget serré, nous voilà devant l’un des films les plus chers de l’histoire du cinéma. Il faudrait payer une fortune pour avoir le droit d’utiliser tous les films et toutes les musiques dans lesquels Playdead a emprunté sa matière. Playdead a donc coupé dans son budget pour coûter plus cher que tous les autres et par là même a réussi le pari de se couper de sa propre audience. » Nicolaï Maldavsky, Article paru dans Inserts n o2, février 2010

Playdead (mon premier et unique long-métrage à ce jour), se voulait un manifeste formel et narratif pour contourner toutes les logiques de réseaux et de production du cinéma dominant. Et cela en mélangeant les deux genres les plus artisanaux, et peut-être créatifs du cinéma, que sont le cinéma « bis » et l’expérimental tout en leur rendant hommage. Mais je me suis mordu la queue. Tout le monde s’en fout !

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Et puis, au fond, tant mieux ! C’est un film « mort-né » qui prouve que sans producteur, sans argent, la curiosité des indépendants ou des marginaux est illusoire et que les beaux parleurs, faussement dissidents, ne sont rien d’autre que des ambitieux aigris et mondains qui ressemblent fortement à ceux qu’ils critiquent. Mes films, depuis Playdead , des « coulisses » à l’objet fini, m’aident juste à y voir plus clair comme un double qui m’aiderait à voir ce que je ne veux pas voir. C’est pourquoi je continue à faire mes films avec mes amis qui, d’ailleurs, n’ont souvent rien à voir avec le milieu du spectacle audiovisuel, que ce soit de près ou de loin. Mes amis me construisent autant (et même plus) que mes films. Heureusement… « Qu’on me donne un point d’appui et je déplacerai la terre. » Archimède

Playdead est composé de plus 1500 fragments sonores et visuels intégrés au montage. Par des inserts de films


préexistants, construire une identité figurative à l’image du psychopathe. Ces fragments apparaissent comme des fantômes qui rôdent autour d’un corps en perdition, celui de Mr. R. et de ses victimes. « […] autant de langages qu’il y a de désirs : proposition utopique en ceci qu’aucune société n’est encore prête à admettre qu’il y a plusieurs désirs. » Roland Barthes, Leçon Ne pas perdre de vue que la société capitaliste substitue une valeur marchande à l’individu. Seul un être de cinéma peut dénoncer cette déduction critique aujourd’hui : le psychopathe. Il est à la fois le vestige et le protagoniste par lequel le réalisateur peut livrer ses angoisses ou sa colère critique. « C’est précisément dans les névroses et les psychoses qu’on trouve en germe une sensibilité de type nouveau qui, jusqu’à ce jour, n’a pas encore été prise en compte par la classification ; c’est en elles que les ténèbres voient rougir l’aurore

de la conscience, et que les récifs souterrains de fonds pélagiques remontent pour affleurer à la surface de la mer. » Stanislas Przybyszewski, Messe des morts Expérimenter et éprouver la réception du quidam devant une diversité de supports et d’images dont le fil serait la trajectoire meurtrière et libidinale d’un tueur en série pour lequel il aurait enfin la permission de partager la névrose, et de la projeter, de s’y identifier ! Le psychopathe perçu comme le dernier vestige humain, le dernier rempart avant la ruine. « Playdead serait un film fantastique qui traite des désordres psychologiques protéiformes d’un serial killer qui envahissent le film et deviennent sa respiration même. Serait… Le conditionnel s’impose, parce que le serial killer n’est pas ici, dans le film de Derek Woolfenden, un sujet vendeur comme dans Le Silence des agneaux et tant d’autres films, plus ou moins bons, là n’est pas la question.

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Le serial killer est, plutôt, un motif (plastique et ontologique), une dynamique, une force dionysiaque qui convoque et amalgame pulsions, matériaux composites et quêtes diverses : formelles, identitaires, transgressives, où Eros et Thanatos sont étroitement imbriqués. » (Raphaël Bassan, La Gazette du 8 e Festival des Cinémas différents du mercredi 13 décembre 2006) Le film a été remonté dix ans après par Jonn Toad, avec l’accord du réalisateur. — Derek Woolfenden

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Ce texte composite a repris certaines formules écrites et parues pour la revue Exploding 10+1 (avril 2006), Inserts n o 2 de février 2010 et la gazette du Festival des Cinémas Différents au cinéma La Clef à Paris en décembre 2006.


3 PA S D A N S LA FICTION DU MONDE

COCHIHZA PHÉNIX L’ Œ I L D U C Y C L O P E

CYC L E D E TRO I S F I LM S EN HOMMAGE À S É B A S T I E N KO E P P E L , C I N É M AT O G R A P H E

« Dans ma vie de photographe, ce n’est pas moi qui dirige le récit. Comme photographe, j’essaie d’être à l’opposé de ma place de cinéaste. J’essaie d’être le plus rapide possible, le plus vide, le plus ouvert possible et de m’exposer à des endroits, des villes, des déserts et de les laisser parler, de les entendre et de devenir l’interprète de leurs histoires. Parce que les paysages, les immeubles aussi, ont plein d’histoires à nous raconter. Sur nous, les hommes, l’humanité. Dans la photographie, j’essaye d’être interprète des lieux qui, dans le cinéma, deviennent toujours une fonction de l’histoire que je raconte. Mais dans la photographie, je leur laisse la place de nous raconter. » Wim Wenders À Bruxelles, depuis les années 2000 et des poussières, une communauté de cinéastes a repris l’idée de l’indépendance du cinéma pour lui redonner, comme à chaque époque, dans chaque ville, un sens véritable. Les trois films ont été tournés

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en argentique par des femmes cinéastes, elles sont toutes trois belges. Enfin, elles ont été accompagnées dans leur travail par Sébastien Koeppel, chef-opérateur, magicien attentif aux lumières et aux émulsions, aujourd’hui décédé. Elles ont crée avec lui le premier laboratoire artisanal de cinéma à Bruxelles. Les opératrices du son qui ont accompagné ces trois films : Joséfina Rodriguez, Aline Blondiaud, Sylvie Bouteiller. Tr aj e t

Cochihza ralentit son pouls au point de sentir la pulsation lente et secrète du volcan muet qui l’a vu naître, Ometepe. Au dessous du volcan tout un monde d’hommes, de femmes et de natures – vents, brumes, mers, arbres – délibèrent ensemble de l’histoire de ce monde : un langage inaudible, un bruissement constant, un bras de mer invisible par où va la vie et qui s’incarne en elle, en nous, dans le filmeur qui soutient le temps de son plan, dans le pêcheur au repos, dans le chasseur respirant dans l’immense jardin de la nature, sa-

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chant qu’il n’est pas un meurtrier mais un lecteur, un simple lecteur du souffle du monde parmi lequel tout repose. Expérience Cette fiction dévie bien entendu comme toutes les bonnes fictions peuvent le faire, elle ne colle pas à une seule histoire. Mettons, en partie parce qu’il ne s’agit pas d’une production mais d’une réalisation. Ensuite par choix, pour explorer le rapport à l’autre, à soi lorsqu’on se retrouve au bord d’un monde. Comme quand, par exemple, on traverse un deuil. Ce film s’appelle Phénix . Catherine Libert, la cinéaste, et Claire , son héroïne, nous font passer par le prisme de quelque chose qui n’a plus de mot, un réel à inventer chaque seconde. Suite à la perte de l’aimé, tout le reste, reste là. Les marées de l’âme coulent en nous, sensibles. La radicalité du film n’est pas tant celle du texte proposé que celle des différents points de rencontres qui suturent morceau de vie et perception. Les personnages s’ouvrent à l’aléa. La figure du hasard est déchiffrée en patience, attention précoce, perception infime des moments de solitude et de séduction, jusqu’aux échappées, jusqu’aux respirations. Conte Un cœur palpitant noir et blanc. Nous n’allons pas commencer à dire c’est l’histoire d’un type… Ce serait dommage. Disons plutôt que, L’Œil du Cyclope est un paquet de sensations, du même bloc de sensation décrit quand l’on procède à l’écriture d’un être, d’une psyché, d’un personnage.

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Le film prend vie comme une machine et ses nombreux vaisseaux. Ce récit, composé d’une succession de vues en pointes, en saillies, saisit d’une façon extraordinaire la pulsation du départ, le cœur d’un être au travail. Avec des moyens artisanaux, précis, méticuleux, la cinéaste Jen Debauche fabrique la rencontre d’un homme avec le paysage – et ce paysage disparaît, devient ce qu’il est, au fond, dans ses crevasses, ses chemins, par économie aussi, nécessité : la terre. C’est une rencontre avec la terre, un récit entre chair et poussière. On est proche de la roche : prise de sang dans les veines du monde. Ces 3 films ne sont pas des fictions habituelles, cependant, de toutes les fictions que ce monde nous impose, venir déjouer la fiction du cinéma, c’est la faire dévier du côté d’une fonction essentielle du cinéaste : rendre conte. Rendre conte les personnes filmées, la nature, les spectateurs complices, la marche intranquille du monde, de laquelle nulle fiction, nulle histoire ne saurait nous soustraire. — Orlan Roy

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PROGRAMMÉ E T P R É S E N T É PA R O RL A N ROY

COCHIHZA Khristine Gillard Belgique, 2013, 58 ' Projection lundi 12 Octobre, (cf. Focus n o6, p. 41). Séance en présence de la réalisatrice Khristine Gillard, de Josefina Rodriguez, artisan sonore et des membres du labo bxl (Laboratoire de traitement et de recherche autour de la pellicule film, Bruxelles).

PHÉNIX Catherine Libert Belgique, 2015, 75 ' Projection mardi 13 Octobre, (cf. Focus n o7, p. 42). Séance en présence de la réalisatrice Catherine Libert et de l’actrice Claire Dubien.

L’ŒIL DU CYCLOPE Jen Debauche Belgique, 2015, 50 ' Projection jeudi 15 Octobre (cf. Compétition internationale, Programme 4, p. 95).

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F O C U S N o6

3 PA S D A N S L A FICTION DU MONDE (1) COCHIHZA

LUNDI 12 OCTOBRE 20H00 STUDIO DES URSULINES

« Elle éveille celui qui dort », dit-on de l’hirondelle cuicuitzcatl. Beaucoup de mots dans la langue des ancêtres dérivent de cette racine cochi – dormir. Exprimant tant le sommeil que le rêve, s’étirer, s’étendre, le repas du soir, la subsistance, le cocon que fabriquent les chenilles, les cils, s’en aller, se retirer, bailler, faire l’amour à une femme, dormir auprès d’elle, l’endroit où on dort, s’éveiller, faire semblant de dormir… Ometepe, l’île-volcan – Nicaragua. Un paysage comme un corps en sommeil. Les Anciens décrivent la vie en deux mouvements : un déplacement linéaire, comme la marche ; et un battement émis à partir d’un centre. En naissant, chaque homme prend un rythme, qui lui est particulier et qu’il garde toute sa vie. À travers la rencontre de la communauté du volcan et des gardiens de sa mémoire se devine l’histoire d’un monde, la relation à un lieu.

Séance en présence de la réalisatrice Khristine Gillard, de Josefina Rodriguez, artisan sonore et des membres du labo bxl.

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F O C U S N o7

SOIRÉE D’OUVERTURE

3 PA S D A N S LA FICTION DU MONDE (2) PHÉNIX + CONCERT L E I L A A L B AYAT Y & G U E S T S

MARDI 13 OCTOBRE 20H00 LES VOÛTES

« L’image juste est comme le mot juste, un éclat. S’il y a une narration, elle est de l’ordre du pictural et non du littéraire. De la même façon que la matière s’écoule, il peut transparaître une histoire ou de l’histoire, tout est lié et rien ne prend le dessus. Le tableau n’est pas au service d’un récit. […] Ainsi ces peintures sont surdétérminées par diverses motivations et interventions, choses vécues ou non, après-midi au soleil ou cadavre entrevu dans le journal. » Marc Desgrandchamps Le long de la ligne belge imaginée à plusieurs pour cette édition, coexistent quelques traces d’histoire moderne pour ouvrir le festival aux horizons déviants. En avant-première française, le film de Catherine Libert est un sésame pour le travail des cinéastes et des voyageurs qui esquissent leurs chemins de traverse entre genre(s). — Orlan Roy

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Un jour d’été, une jeune femme, Claire, voit son homme disparaître. Subitement, sans explication. Elle se retrouve face au vide et va devoir parcourir le long chemin du deuil. Elle a besoin pour cela de se retrouver seule, et décide de partir à la mer, à Ostende. Phénix s’inscrit dans une démarche expérimentale. Tourné en Super 8 et en 16 mm, le film mêle les pistes. Fiction documentaire se réappropriant les codes du film amateur, subtilement monté, le film résiste à toute classification. RIEN N’EST DIT E T P O U R TA N T TO U T EST LÀ Une image blanche, ouateuse, dans laquelle deux silhouettes peinent à se préciser. Le flou dans lequel elles sont prises décide de leur forme et donne à ce Phénix qui vient un caractère qu’il épouse dès ces plans liminaires et qu’il va assumer jusqu’à son dernier souffle. C’est l’annonce d’une sorte d’intranquilité du regard, dont les possibilités sont mises à mal et doivent se rejouer à chaque instant. Le film est une vision qui doit se mettre en danger, comme les figures auxquelles il s’attache. Un homme et une femme, donc, sur une terrasse. L’homme se lève et s’approche d’une fenêtre, qu’il enjambe. Il disparaît dans le vide. Sa soudaine absence nous met en contact avec le premier des nombreux gouffres dont Catherine Libert cherche à sonder la mystérieuse présence, douée d’une puissance d’attraction et de répulsion mêlées, à laquelle le cinéma n’est pas étranger. Claire, témoin de cet évènement, se met en chemin, sur une route inquiète, où chaque pas qu’elle pose sur le sol rencontre un précipice. Rien n’est dit et pourtant tout est là. En évacuant toute forme de psychologie, Phénix nous donne de rencontrer vraiment, dans le concret de ses mouvements, ce qui

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l’anime et lui donne vie : une existence a priori sans lendemain, livrée à tant de rencontres, qui traverse tant de nuits obscures pour s’en réveiller comme par miracle, caressée par les rayons de soleil qui lézardent jusqu’à la matière première du film. Le film embrasse littéralement ses supports, Super 8 et 16 mm, dont l’imprécision, la fragilité, la sensibilité brûlée produisent des formes et se proposent comme une peau unique, permettant de toucher littéralement la chair qu’elle recouvre et qui n’en finit pas de se consumer sous l’effet de son propre feu. Les images qui refusent de se fixer et disent par leur geste même qu’il n’y a rien de définitif, le montage saccadé, tout en ruptures de rythmes et de raccords, qui porte à sa manière le témoignage d’une vie qui s’éprouve elle-même comme un accident à chaque instant recommencé, les surexpositions et brûlures de pellicule enfin, qui participent de ce mouvement syncopé et qui emportent le film tout entier en lui donnant un caractère d’urgence supplémentaire, tout converge pour produire le délitement préalable à une renaissance au seuil de laquelle se tient Phénix . Claire expérimente à même son corps cette connaissance par les gouffres qu’évoque Henri Michaux dans un texte qui traverse le film comme la seule source qui puisse l’apaiser un instant. Elle est pourtant, à sa manière, une figure en ascension, qui ne cesse de grimper sur les échafaudages, phares et autres édifices, et met celles et ceux qu’elle rencontre à l’épreuve d’une chute possible – la sienne – dont elle ne doit pas s’effrayer si elle veut pouvoir prendre son envol. Mais comment prendre peur d’un effondrement qui a déjà eu lieu ? La fuite en avant de Claire contraste avec ce temps de vacance où elle se joue. Les bords de mer

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autour d’Ostende peuplés par des vacanciers insouciants dessinent les contours d’un environnement tout trouvé p o u r p ro d u i re u n e d i ss o nance, accrue par une sorte de distorsion continuelle que provoquent les divergences de tons que Catherine Libert fait jouer à plusieurs niveaux. Le travail sur la bande sonore est à cet égard particulièrement remarquable et important. C’est par là que le film se laisse infléchir par des possibilités narratives qui disent plus frontalement la dimension de fiction dans laquelle elles se situent, et vers lesquelles l’image va constamment sans s’y arrêter tout à fait. Ce décalage entre le montage image et le traitement sonore va bien plus loin que la simple rupture de

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synchronicité, qui est au principe même d’un tournage en 8 mm. Car comment entendre bien celui qui me parle quand le monde dans lequel il me fait face se dérobe constamment sous mes pieds ? La jointure impossible entre le visible et les voix nombreuses qui fraient à travers lui est ici une donnée existentielle, qui décide des mouvements de Claire, de ses accents et de ses impulsions. Les paroles échangées posent un cadre que la caméra ne peut rencontrer qu’en le faisant voler en éclats, ce qui est sans doute la seule manière de dire, dans la langue du cinéma, que tout est trop étroit pour traduire ce que le film veut véritablement comprendre, l’évènement vers lequel il est tourné au plus secret de luimême. La fiction en tant que telle, à laquelle Phénix renonce si peu qu’il prend finalement des allures de film de genre, est embarquée dans cette errance et cette perte, confrontée à la réalité des gouffres, éprouvée par cet appel qu’ils nous lancent à vaciller au contact de ce qui est plus grand et plus puissant que nous, et dont le sens est peut-être de nous faire sentir, à l’heure même où nous semblons perdre pied, que le trouble et le vertige peuvent accroitre nos capacités perceptives là où nous les croyons anéanties, et que notre regard peut trouver dans les cendres d’une existence enfuie les traces manifestes d’un ultime envoi. — Rodolphe Olcèse

Texte à l’origine publié dans la revue À bras le corps : www.abraslecorps.com

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PROGRAMMÉ E T P R É S E N T É PA R O RL A N ROY ET VICTOR GRESARD

PHÉNIX Catherine Libert Belgique, 2015, 75 ' Projection en présence de la réalisatrice Catherine Libert et de l’actrice Claire Dubien.

CONCERT LEILA ALBAYATY, KOUZ, AMÉLIE LEGRAND

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Leila Albayaty a composé et enregistré la musique de Phénix . Française d’origine Irakienne, elle vit aujourd’hui entre Bruxelles et Berlin. Artiste éclectique, elle partage son temps entre création musicale, réalisation et concerts. Elle vient de terminer son quatrième film Face B , projeté à la Berlinale. Elle a sorti deux albums : Sous Le Soleil (Stupid Competitions) et Berlin Telegram (BO du film éponyme). Leïla sera accompagnée par Kouz (oud électrique, voix) et par Amélie Legrand (violoncelle et effets) de la formation berlinoise Elmer Kussiak .


F O C U S N o8

«  L A V I L L E C ’ EST L A F I C TI O N  » FICTION CRITIQUE, D É V I AT I O N D O C U M E N TA I R E

E 14 OCTOBR MERCREDI 0 20H0 S LES VOÛTE

Cette séance s’organise en deux parties. Tout d’abord, en adoptant a priori un style documentaire, cinq courtmétrages fictionnalisent la ville. Très vite l’enchaînement en apparence absurde des images, les surimpressions, le montage discrépant ou le commentaire insolite incitent à créer des lieux utopiques, à s’introduire dans des univers imaginaires. Grain sonore, cacophonie visuelle, lumières et sons hétéroclites de la cité induisent un flou interprétatif, « artistique », où tout est envisageable, car tout est réversible. Les films de Marc Moret, Michèle Waquant, Caroline Pellet et Jean-Luc Godard produisent d’eux-mêmes un lieu à habiter. Ce n’est pas le cinéma qui informe sur la ville, mais le film qui est à l’origine de sa création. La ville devient le début de la fiction. Le génie des lieux est un fantôme « en mouvement » qui propose au spectateur une cité à bâtir à partir de ses propres composants. Ces vues et ces écoutes sont comme une invitation au voyage urbain. Filmer c’est proposer une vision du monde, en construire une représentation. Il ne s’agit jamais du réel. Ces œuvres ne présentent pas une œuvre en soi, mais s’analysent comme création en cours. La distance prise avec les normes fait tituber le genre documentaire. Celui-ci dérape, se

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mystifie, se pare de myriades d’éventualités… Si l’architecture dialogue avec l’urbanisme, l’urbain est celui qui habite la ville, mais qui est aussi courtois. Quel espace de sociabilité, quelle forme de courtoisie entretiennent ces sons et ces images ? Comment détourner les règles attendues, les convenances narratives forcément « invivables », « inhabitables » ? En proposant au spectateur les interstices, les entrelacs entre deux plans où se dessinent des romances en devenir, le genre documentaire bascule vers le projet (en relation étroite avec le projet architectural). Le spectateur se fait son propre film, se raconte sa propre histoire… La conférence illustrée, présentée en deuxième partie, consolide ce postulat : Érik Bullot réutilise les fragments d’un de ses films tournés à Paris. Chaque séquence projetée s’accompagne d’un commentaire. La conférence est émaillée de divers documents visuels et sonores venant tour à tour informer et déformer la fiction originale. De nouveaux récits s’actualisent. On assiste, là encore, à une révolution des images. Le discours performatif de l’artiste se joue avec humour et ironie de l’autobiographie en usant de l’art du conteur et de la technique du repentir. Le nouveau montage qui en découle interroge les origines et les possibles avatars d’un film : l’œuvre et son analyse se critiquent mutuellement, révèlent leur aspect affabulateur. Le cinéaste adopte à chaque performance un parcours urbain différent. Il offre à chaque fois une déambulation inédite, une flânerie particulière qui privilégie les chemins de traverse. Le titre de la séance reprend les propos de Godard qui, à la fin de son film, énonce de façon programmatique : « … trouver dans tous ces mouvements de foules le rythme, retrouver le départ de la fiction parce que la ville c’est la fiction […]. Elle peut être belle à cause de ça et ceux qui l’habitent sont souvent magnifiques et pathétiques […]. » — Gabrielle Reiner

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PROGRAMMÉ E T P R É S E N T É PA R GABRIELLE REINER

SPUM DIAPORAMA Marc Moret France, 2013, 6 ' Une suite d’images fixes sont jetées sur un écran telles des cartes à jouer. Photographies personnelles d’un appartement et d’espaces d’exposition, notes, croquis, captures d’écran où sont visibles des actualités télévisées, cartes postales anciennes et modernes de Paris s’empilent, se chevauchent, entrent en correspondance. Le fond de ce diaporama singulier est, quant à lui, composé d’images en mouvement filmées dans la pénombre. Images fixes et images animées cadrées, décadrées et recadrées forment un long palimpseste à décoder à la manière d’un rébus.

212 RUE DU FAUBOURG SAINT ANTOINE Michèle Waquant France, 1989, 16 ' 3 0

Soit la cour d’un immeuble, rue du Faubourg Saint-Antoine et, au fond, un mur à pignon pointu. Ce mur se présente comme une peinture à la composition minimaliste et à la matérialité expressionniste. Soit la fenêtre de mon appartement donnant sur l’immeuble d’en face, où ma voisine fait un ménage intégral jour après jour. Cet espace devient le théâtre d’une micro-saynète à la limite de l’absurde.

LES BRUITS BLANCS Michèle Waquant France, 1990, 16 ' Cette vidéo se structure autour d’une polarité composée du périphérique parisien et du fleuve SaintLaurent, qui encercle Montréal. Deux espaces insulaires et complémentaires sont ainsi figurés. Ce paysage urbain et cette nature urbanisée forment un écoulement sans fin, en constante transformation, en boucle sur lui-même.

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SURFACES IDÉALES (LA DÉESSE PLUS OU MOINS EFFACÉE) Caroline Pellet France, 2015, 10 ' Des images entremêlent successivement carrelages cassés, intérieur d’un dolmen, silhouettes de visiteurs, ruelles envahies de végétation. Des bribes de visites guidées se font entendre en français et en espagnol. Une histoire de l’art peu à peu s’édifie, entre peinture du XXe siècle et bas-reliefs celtes : elle cimente, à la manière d’une mosaïque, les fragments visuels. Les arcanes d’un étrange palais idéal lentement se dévoilent ; avant-plan d’une ville invisible.

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LETTRE À FREDDY BUACHE À PROPOS D’UN COURT-MÉTRAGE SUR LA VILLE DE LAUSANNE Jean-Luc Godard Suisse, 1982, 10 ' Une commande sur et de la ville suisse devient prétexte à une critique des enjeux créatifs à l’origine d’un film. L’objet documentaire se transforme en une lettre filmée à Freddy Buache, vieil ami et condisciple de Godard. Le film désarticule les genres et déplace les logiques préétablies. Son auteur brouille les limites entre œuvre en cours et œuvre finie. On voit le cinéaste armer un projecteur comme s’il allait


nous montrer le film abouti, puis des plans du tournage cohabitent avec des images archétypales de métropole (rails, bouches d’égout, badauds...). On y fait des digressions sur l’urbanité. Un train à quai. Des bateaux amarrés. Des images saccadées de passants. Des interrogations et remarques sur la couleur, les formes, les lignes. « De la pierre des urbanistes, on tombe sur la pierre des rochers » affirme Godard, puis on plonge dans une bastide à imaginer plutôt qu’à identifier. Du documentaire, on s’évade vers la fiction, un récit peut se construire.

TRAITÉ D’OPTIQUE 2 Érik Bullot France, 2015, 45 ' (conférence illustrée) Comment reprendre, restaurer ou rafraîchir un film ancien ? Dès que l’on raconte le procès d’un film, n’assiste-t-on pas à une déviation de son cours ? Est-il possible d’imaginer une restauration créatrice, proche du remake , en vue d’actualiser la virtualité d’un film ? Telles sont les questions qui animent cette conférence illustrée dédiée à un film d’étude oublié, Traité d’optique (1987), inspiré des premières pages d’Esthétique de la disparition de Paul Virilio.

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F O C U S N o9

INTERFERENCIAS : V I S I O N S M É TA P H O R I Q U E S D E L’A M É R I Q U E L AT I N E

JEUDI 15 OCTOBRE 20H00 LES VOÛTES

Nous entendons par « interférence » une perturbation qui résulte d’une intervention. Cette intervention, dans le cas des œuvres qui composent ce programme, peut être corporelle, plastique, politique, et peut porter sur un genre, un poème, ou une identité. Les films présentés ici rendent compte du puzzle qu’est l’Amérique latine, avec ses identités croisées et l’hybridation de sa culture. Une mémoire visuelle, le souvenir conscient et inconscient d’images vues et rêvées par un individu et une société. Des univers emplis d’impressions urbaines et de mystérieux espaces où les personnages et symboles appararaissent et disparaissent, nous laissant entre réminisences de vies antérieures et amours de lieux… Certains films nous révèlent un regard fétichiste face à la culture populaire tandis que d’autres nous offrent un croisement entre regards intimes, critiques de l’opression sociale et pratique documentaire. Par exemple, dans Traum (1933), on sent l’influence de Vormittagsspuk (1927-1928), l’œuvre de Hans Richter que l’on sait fortement influencée par le mouvement surréaliste. Or Traum surprend par son propre langage visuel, qui présage d’une certaine manière travail emblématique de Maya Deren, Meshes of the Afternoon (1943). Vient ensuite Esta

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pared no es medianera de Fernando de Szyszlo, qui réactualise mythes et souvenirs à travers des rythmes et atmosphères tout droit sortis de l’imaginaire d’un Luis Buñuel, et en ayant pour thème la lassitude et l’agressivité d’un homme face à la routine conjugale. Magueyes , lui, aborde le thème de l’agave, la plante « sacrée », icône de la culture mexicaine. S.M Einsestein l’avait déjà utilisée dans ¡ Qué viva México ! pour représenter la culture aztèque. Ce très beau court-métrage pourrait être une version « végétale » d’Alexandre Nevski, où les plantes anthropomorphisées mènent une bataille au rythme du deuxième mouvement de la 11e symphonie de D. Shostakovich. Pour finir, Chapucerías de Enrique Colina, Agarrando pueblo (Los vampiros de la miseria) de Luís Ospina et Carlos Mayolo et La Fórmula Secreta de Rubén Gámez, sont des œuvres créées durant la rébellion culturelle et intellectuelle des années soixante, quand le cinéma devint un puissant outil de dénonciation et de combat politique. Pour les films réalisés durant cette période, les réalisateurs ont utilisé la parodie, l’humour, la performance, mélangées à une critique radicale ou une contre-information du discours politique officiel afin de dénoncer les réalités sociales de tout genre. Ils ont également dénoncé le fort voyeurisme misérabiliste qui touchait certains cinéastes étrangers exposant sans vergogne les dures réalités sociales de l’époque sans se soucier des enjeux internes. Ces films se démarquent de la vision du cinéma officiel de leurs pays. Leurs gestes créateurs offrent une continuité à cette vision en intégrant une diversité de projets inspirés des avant-gardes et d’autres mouvements artistiques, et en relation étroite avec les diverses dimensions des iconographies propres à l’identité latino américaine. Celles-ci sont représentées très souvent à travers leurs discours artistiques à partir de différents niveaux, contextes et interprétations. — Angélica Cuevas Portilla

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PROGRAMMÉ ET PRÉSENTÉ PA R A N G É L I C A C U E VA S PORTILLA

TRAUM Horacio Coppola & Walter Auerbach 1933, Argentine /  Allemagne, 2 ' 2 0

ESTA PARED NO ES MEDIANERA Fernando de Szyszlo 1952, Pérou, 9 ' 3 0

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MAGUEYES Rubén Gámez 1962, Mexique, 9 '

CHAPUCERÍAS Enrique Colina 1987, Cuba, 11 '

AGARRANDO PUEBLO Luís Ospina y Carlos Mayolo 1978, Colombie, 28 ' 3 5

LA FÓRMULA SECRETA Rubén Gámez 1965, Mexique, 45 '


F O C U S N o1 0 UNDERG

ROUND

BRUXELLOIS

VENDREDI 16 OCTOBRE 20H00 LES VOÛTES

En lien avec le thème de cette année, « Fiction  / Déviation », nous avons très vite pensé montrer des courts-métrages issus de l’underground belge des années 60 / 70. Si certains films, notamment ceux de David McNeil ou Patrick Hella, s’inspirent inévitablement de la fiction dans sa forme la plus excentrique, d’autres, comme ceux de Roland Lethem ou bien Jean-Marie Buchet, s’attacheront à la déconstruire au plus haut point. Tous ces films empruntant une même déviation : celle de la provocation, du mauvais goût, et de la subversion.

L a mouvance provoc ’ du cinéma bel g e ( 1 9 6 3 - 1 9 7 5 ) par Gré g ory L acroix , U niversité de L i è g e ( B el g i q ue ) . C’est dans le courant des années 1960 que s’est développée, en Belgique, une mouvance importante de films subversifs, provocateurs, iconoclastes, facétieux à propos de laquelle fort peu de choses ont été écrites. Ce cinéma « provoc’ » est un cinéma de l’irrévérence, de l’iconoclasme, de l’insulte, de la dérision, de la provocation gratuite, qui bouscule directement l’ordre établi, ses valeurs, ses conventions, ses fondements. Bien qu’on puisse lui trouver certains

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précurseurs et certaines résurgences, il s’inscrit avant tout dans cette période historique précise s’étalant grosso modo du début des années 1960 au milieu des années 1970, soit cette décennie où le cinéma dans son ensemble se « libère » du poids du système dominant. L’appellation « provoc’ » que j’emploie pour qualifier cette mouvance belge renvoie au caractère à la fois railleur, ludique et volontairement déstabilisateur de ces films qui, sans se départir d’une certaine dérision ni d’un humour cynique, constituent en définitive des actes de provocation, que ce soit en termes discursifs, sur le plan des codes cinématographiques, celui des conventions morales ou des normes de bienséance. Certains films peuvent s’avérer plutôt sérieux, motivés par une intention de conscientisation et de critique sociale clairement revendiquée, tandis que d’autres affichent de réelles aspirations anarchistes, exhortant les spectateurs à se révolter contre le système. L’expression de cette mouvance « provoc’ » est évidemment liée au contexte sociopolitique des années 1960 : effervescence contestataire de la jeunesse, émergence des courants de contreculture, circulation de pamphlets révolutionnaires et anticapitalistes, propagation de la pensée situationniste et des multiples critiques de la société de consommation (celles de Lefebvre, Marcuse, Debord, Vaneigem, notamment) . Dans le domaine cinématographique, la révélation de l’underground apparaît pour bon nombre comme un déclic. La rupture radicale qu’introduit, en effet, le cinéma underground sur le plan des conventions esthétiques comme sur celui du mode de production et de diffusion, révèle la possibilité de faire du cinéma autrement et avec extrêmement peu de moyens. Un cinéma brut comme la vie, sans esthétisme ni tabous, exprimant un acte de révolte en même temps qu’un cruel désir de vivre. Précurseurs des happenings , avant-gardistes ayant fait de la provocation un art, les dadaïstes pourraient passer,

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d’une certaine manière, pour les pères spirituels du cinéma provoc’. Que l’on pense aux documentaires d’Henri Storck, à ceux de Charles Dekeukeleire, aux essais d’Edmond Bernhard, aux films sur l’art de Paul Haesaerts ou aux fictions – certes remarquables – de Paul Meyer, on ne peut pas dire que le cinéma de Belgique ait déjà vraiment été drôle jusqu’alors. C’est avec un ras-le-bol du sérieux que les cinéastes provoc’ en viennent à faire des films, éprouvant le besoin de rire, de respirer, de déconner – de vivre. De sa brève mais intense existence, cette mouvance provoc’ est principalement animée par une dizaine de jeunes qui se connaissent tous et s’entraident ponctuellement en participant à des titres divers aux films des autres : Roland Lethem, Noël Godin, Jean-Marie Buchet, Philippe Simon, David McNeil, Jean-Pierre Bouyxou, Patrick Hella, Robbe De Hert, Julien Parent, Michel Laitem, principalement. Issus de la même génération (celle du baby-boom ), ils sont tous âgés d’environ 20-25 ans au milieu des années 1960 lorsqu’ils réalisent, avec des moyens dérisoires, leurs films tantôt légèrement provocateurs, tantôt radicalement irrévérencieux ou anarchistes. S’ils ne constituent aucunement un collectif, ils forment du moins un groupe relativement homogène dont le caractère informel et non structuré conduit à parler de mouvance plutôt que de réel mouvement. — Grégory Lacroix

La mouvance provoc’ du cinéma de Belgique (1963-1975) , in BRENEZ, Nicole, MARINONE, Isabelle (dir.), Cinémas libertaires. Au service des forces de transgression et de révolte , Paris, Presses Universitaires du Septentrion. Ce texte a également été publié en ligne par la revue Cadrages en mars 2012 (www.cadrage.net/dossier/cinemabelge.htm) . Nous remercions tout particulièrement Grégory Lacroix qui nous a permis la reproduction (et la tronque) de son texte, ainsi qu’à Patrice Bauduinet de PBC Pictures et Natacha Derycke de la Fondation Henri Storck.

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P R O G R A M M É PA R T H É O D E L I YA N N I S , présenté par G régory L acroix

TU PEUX CREVER Philippe Simon Belgique, 1970, 21 ' Sur fond d’images fixes subversives, la voix de Philippe Simon incite la jeunesse au renversement radical du système sociétal en place. Elle l’exhorte à rejeter l’économie marchande, l’éducation, l’enseignement ainsi que toute forme d’autorité castratrice au nom de la liberté totale de l’individu.

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LA TÊTE FROIDE Patrick Hella Belgique, 1969, 12 ' Étude pathologique d’une jeune fille qui a perdu son amant dans un accident de voiture et qui n’accepte pas cette mort.

LES SOUFFRANCES D’UN œUF MEURTRI Roland Lethem Belgique, 1967, 15 ' Poème d’amour en plusieurs parties (Étoiles, Corps, Hymen, Œuf) dédié à ceux qui conçoivent et sont conçus.


PROUT PROUT TRALALA Noël Godin Belgique, 1974, 15 ' Une dame s’adonne à tout ce qu’interdisent la loi, les bonnes mœurs et la bienséance tandis que, tel un exemple à suivre, une voix-off incite clairement les spectateurs à imiter son comportement.

POTEMKINE 3 Jean-Marie Buchet Belgique, 1974, 15 ' Récupérant l’entièreté des intertitres du Cuirassé Potemkine, Jean-Marie Buchet substitue aux images du film diverses vues qu’il a lui-même tournées et qui sont sans rapport avec

l’œuvre initiale, rejoignant alors la technique du détournement largement préconisée et appliquée par les situationnistes.

LES AVENTURES DE BERNADETTE SOUBIROU David McNeil Belgique, 1973, 12 ' Iconoclastes et blasphématoires, les films de David McNeil sont des melting-pots délirants et subversifs se moquant ouvertement de tout, passant à la moulinette les figures mythiques de la culture populaire et autres personnalités historiques. La cocasserie des situations permet en même temps au réalisateur de railler aussi bien le clergé que les forces de l’ordre.

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F O C U S N o1 1

NOTHING BUT THE TRUTH

SAMEDI 17 OCTOBRE 20H00 LES VOÛTES

« Deceiver, dissembler Your trousers are alight From what pole or gallows Do they dangle in the night ? » William Blake « Menteur, Tartuffe Ton pantalon prend feu De quel piquet ou potence Pendille-t-il dans la nuit ? » William Blake, traduit par Ashley Molco Castello En lien avec le thème de cette 17 e édition du Festival des Cinémas Différents et Expérimentaux de Paris, nous proposons un programme de films et vidéos qui défient les conventions narratives et cinématographiques à travers leur insistance sur la tromperie et la duperie du spectateur, placé à la base même de toute création fictionnelle. L’intention de ce programme est de mettre en avant des travaux qui traitent d’un certain nombre de thèmes découlant de ce concept assez large du mensonge au ciné-

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ma. Ce dernier est traité de diverses manières par l’illusion, la magie, la dissimulation, la ré-appropriation, le détournement, le canular, le documentaire et les théories du complot. La sélection sera principalement constituée de films et vidéos d’origine canadienne, tout en prêtant une attention particulière aux travaux plus contemporains (des années 2000 jusqu’à aujourd’hui) émergeant d’un cadre historique déjà bien établi, démontrant par ailleurs que les cinéastes expérimentaux et artistes vidéastes du Canada et d’ailleurs ont depuis longtemps interrogé les restrictions imposées par l’artifice de la perception, du réalisme et de la narration. L’étendue de ces sous-thématiques nous permet de couvrir un large spectre de travaux, dont certains semblent s’attacher à une représentation de la politique, soit explicitement à travers le sujet traité, soit implicitement par le biais d’une certaine esthétique ou structure, ou même à partir de recherches plus conceptuelles. Pleasure Dome est une association basée à Toronto, Canada, qui se consacre aux artistes dont le travail porte sur les images en mouvement. Fêtant son vingt-cinquième anniversaire, la structure s’engage depuis 1989 dans la promotion d’œuvres d’une grande diversité, variant de fonds historiques jusqu’aux pratiques actuelles. L’objectif est de rendre accessible des œuvres peu montrées, que ce soit à cause de leur esthétique, de leur format ou bien parce que leurs créateurs n’ont pas pu bénéficier d’une large diffusion. — Pleasure Dome

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PROGRAMMÉ E T P R É S E N T É PA R PLEASURE DOME ( T oronto , C anada ) SUR UNE PROPOSITION DE FILIPE AFONSO

OM John Smith Royaume-Uni, 1986, 3 ' 3 5 Un film sur les relations qu’entretiennent la coupe de cheveux, les vêtements et le son. « Ce flux de quatre minutes met en question nos réponses

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aux stéréotypes oraux, visuels et idéologiques. Smith indique les stéréotypes selon un mode associatif qui modifie le cours de nos attentes. La structure du film est étonnamment simple et subtilement trompeuse. Nous nous embarquons dans un voyage qui nous fait passer d’un stéréotype à son opposé le plus extrême au moyen de l’image, qui inverse par ses transformations et juxtapositions, notre interprétation vis-à-vis de ce que nous voyons et entendons. » Gary Davis


MARY Kent Monkman Canada, 2011, 3 ' 2 0

LA GRANDE DAME Alexandre Larose Canada, 2011, 16 '

Tournée en slow-motion, telle une publicité pour shampooing brillance, la vidéo Mary relie l’allégorie biblique de Marie-Madeleine lavant les pieds du Christ à la visite du Prince de Galles à Montreal en 1860. Sous les traits de Miss Chief Eagle Testickle , Kent Monkman ré-écrit l’histoire en lui insufflant une tournure sexy et irrévérencieuse.

Ce film est un portrait en huis-clos du gratte-ciel de la Place Ville Marie, à Montréal.

VOL DE RÊVE Philippe Bergeron Canada, 1982, 12 ' 1 0 Film d’animation tridimensionnelle complètement réalisé par ordinateur à l’aide du langage de programmation graphique MIRA. Un petit être étrange vit sur une planète lointaine et rêve de nouveaux horizons. Tout comme l’oiseau qui passe, il s’envole à travers l’espace et arrive sur terre.

CONSPIRACY Aaron Zeghers Canada, 2014, 6 ' Le 20 Juillet 1969, l’Homme pose le pied sur la lune. Bart Sibrel naît en 1964, à Nashville. Il sera conducteur de taxi. Sibrel, catholique dévoué, deviendra par la suite l’un des plus fervents théoriciens du complot lunaire, remettant en cause, à travers ses films et ses dires, la véracité du programme Apollo.

PROCESS CONTROL 2 : HIGHT MAGENTA Josh Romphf Canada, 2015, 4 ' 1 0 Des bouts de pellicule Super 8 delavée dont les disparités seront traitées informatiquement de sorte à recréer, par le biais de la 3D, une surface plane.

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TRACKING SASQUATCH (FIELD REPORT #1) Christina Battle Canada / États-Unis, 2010, 4 ' 5 0 Il s’agit du premier chapitre d’une série en cours de réalisation. Tracking Sasquatch se porte sur la recherche de cet animal insaisissable, également appelé « Bigfoot », une créature légendaire qui vivrait au Canada et aux États-Unis.

LAS MUJERES DE PINOCHET Eduardo Menz Canada, 2005, 11 ' 4 0 Le rôle du spectateur est remis en jeu à travers l’usage répété et altéré du texte, de l’image et du son : il est forcé d’agir afin que ses attentes soient réalisées. Ce court-métrage évalue les structures de classe, examine le sens de la beauté et des oublis historiques grâce à deux femmes : très différentes l’une de l’autre mais évoquant aussi bien le régime brutal de Pinochet, fin des années 1980.

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ALL THAT IS LEFT UNSAID Michèle Pearson Clarke Canada, 2014, 2 ' 3 0

All That Is Left Unsaid est l’élégie d’une fille pour sa mère. Les deux femmes ont vécu avec le cancer pendant quatorze ans : perte progressive de leur capacité d’entraide, de leur sagesse et de leur amour est vécue comme un calvaire croissant.

TRAPLINE Ellie Epp Canada, 1976, 18 '

Trapline représente une nouvelle manière de considérer le cinéma comme façon de projeter le mouvement, bien que le film soit entièrement composé de plans fixes.


F O C U S N o1 2

ACHEMINEMENT VERS UN CINÉMA ES S-NORM HORS-LE DIMANCHE 18 OCTOBRE 20H00 LES VOÛTES

« Bientôt nous allons voir toutes sortes de lumières. La lumière telle quelle et les rayons tels quels. Un spectacle éblouissant. Un spectacle extraordinaire. » Avec La lumière , qui ouvre la séance, Sandrine Tamimy propose une variation poétique autour de la rencontre entre sa petite caméra et des sources lumineuses qui la fascinent. Dans ce film personnel – le premier de ses « films de chambre » –, les scories de l’appareil d’enregistrement sont recherchées pour telles. Suivant par le mouvement de sa main les rayons de lumière produits par sa machine, elle tente de poursuivre « l’apparition » magique. Le filmage documente ce qui nous intéresse ici : la relation entre un cinéaste et son outil, en même temps qu’il devient, par le pur jeu, le moyen d’une révélation divine. Son autre film, une succession de plans de Fenêtres , sur une chanson de Jacques Brel, annonce encore l’ambiguïté des films à venir, entre enfermement et émancipation (des corps et des formes).

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Chant incantatoire pour un Lent retournement du soleil , le film de Philippe Ectors est une danse mystique chorégraphiée avec précision. L’équilibre fragile de l’exercice tient dans l’alliance réussie entre la démarche chaloupée de notre homme – la forte symbolique des gestes – et la bande-son magique, où la voix réverbérée d’Ectors, qui fit une brève carrière de chanteur au début des années 1980, fait penser à celle de Taminy : « C’est un pas magnifique vers la libération. C’est une prière aux cent mille questions ». Peintre très prolifique, qui est, paraît-il, quelque peu exposé dans les milieux de l’art « en marge », Rafaël Loa Diaz a aussi réalisé des films d’animation foutraques en pâte à modeler. Carta a Bruselas, tendre lettre d’amour à Bruxelles, vaut pour l’amoncellement quasi-érotique de ses personnages hauts en couleurs, mais c’est Ma chope à quatre pattes qui donne la pleine mesure de son art. Sonorisé face aux images préalablement enregistrées, en improvisation et en une seule prise, le film prend l’allure d’une ode à la libération des formes où l’anarchie joyeuse de ses sculptures en pâte à modeler le dispute à la bande-son, poésie sonore délirante et jubilatoire : « Dépêche-toi pour vivre, dépêche-toi pour mourir ». Dans son film d’animation qui est véritablement une Lettre à Dieu , Emmanuel Vanderheyde prolonge l’interrogation mystique de Taminy et d’Ectors avec un essai épistolaire composé d’une suite harmonieuse de dessins spirites et psychédéliques mis en mouvement par un effet de vagues ondulations. S’adressant directement à Dieu, il lui demande ce qu’il y a après la mort, avant de se montrer plus prosaïque : « Bonne chance à toi. Ne t’en fais pas car Dieu n’est qu’un homme contrairement à ce que l’on peut croire. J’ai ma propre vie comme toi la tienne. Salut Dieu ». Fort d’une culture visuelle éclectique et dysharmonique, construite grâce au vidéo club que tenait son père, Dominique Nehl n’hésite pas à mélanger les genres dans ses films hautement personnels. L’ensemble de son œuvre –

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quatre films formant un tout cohérent – ne manque pas d’originalité. Initié à l’image grâce à une caméra Super 8 qu’il reçut en cadeau ; il a d’abord créé des montages audiovisuels en dessinant luimême sur des diapositives puis en sonorisant ses diaporamas. Devenu grand, souhaitant raconter son histoire mais ne sachant comment l’écrire, il se tourne logiquement vers la vidéo. Ses images sont méticuleusement composées après l’écriture préalable du texte qui constitue un fil narratif logique. Son cinéma prend la forme de lettres adressées au potentiel spectateur. Mélangeant allègrement son histoire personnelle à des références à la culture populaire (on notera le remploi d’images de toutes sortes, en plus de ses propres plans et dessins), Nehl propose un cinéma hybride qui échappe aux canons du genre épistolaire. L’utilisation d’effets spéciaux et de trucages visuels (incrustations, accélérés, voix vocodée) mêlés à l’humour tranquille de son personnage donnent à ses films une dimension très simple et naïve, qui évite à ses histoires de basculer dans un lyrisme par trop pathétique. Dans Mes bonnes années et Ce que j’ai dans la tête , il évoque son parcours personnel, son histoire familiale ainsi que ses joies les plus simples. Affecté par la mort de son père, son cinéma se fait plus sombre à partir de Les petites choses , puis avec Partir ailleur s qui racontent son enfermement et son désir de quitter les hôpitaux. « Je veux partir d’ici. J’en ai ras le bol. Je veux me retrouver seul. Je veux me retrouver libre.

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[…] Mon but avec mes films c’est pour sortir de l’hôpital ». Si la recherche d’un cinéma différent, qui s’affranchirait complètement des manières du milieu – fût-il « expérimental » – nous a conduit à examiner des films réalisés dans le cadre d’« ateliers », loin de nous pourtant l’idée de proposer des films de cinéma-thérapie. Dans le vaste ensemble des « films d’atelier », qui peut constituer un premier champ de recherche pour qui voudrait trouver un cinéma hors-lesnormes, seuls les films les plus personnels nous ont semblé intéressants. Les films les plus collectifs sont toujours rattrapés par le plus conventionnel tandis qu’il se trouve des pépites dans l’ouvrage de quelques individus, lorsque ceuxci s’emparent de la caméra et des images pour fabriquer des films de la plus grande invention. Cette séance inaugure une série de programmations à venir en quête d’un cinéma hors-les-normes fait par des hommes du commun, en dehors des circuits dominants. — Florian Maricourt

Nous remercions tout particulièrement Daniel Simonnet et MediaPsy Vidéo, (www.danielsimonnet.wix.com/videopsy) Benjamin Francart et le Club Antonin Artaud, ainsi que Reynald Halloy, et Philippe Establet. Et bien sûr tous les réalisateurs qui nous ont permis de projeter leurs films.

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PROGRAMMÉ E T P R É S E N T É PA R T H É O D E L I YA N N I S ET FLORIAN MARICOURT

LA LUMIÈRE Sandrine Tamimy (Atelier vidéo du CATTP de Montrouge) France, 2013, 3 ' 3 0

LENT RETOURNEMENT DU SOLEIL Philippe Ectors (Club Antonin Artaud) Belgique, 2009, 9 '

CARTA A BRUSELAS Rafaël Loa Diaz (Club Antonin Artaud) Belgique, 2004, 2 ' 2 0

MA CHOPE À QUATRE PATTES Rafaël Loa Diaz (Club Antonin Artaud) Belgique, 2004, 2 ' 5 0

FENÊTRES Sandrine Tamimy (Atelier vidéo du CATTP de Montrouge) France, 2013, 2 ' 2 0

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LETTRE à DIEU Emmanuel Vanderheyde (Club Antonin Artaud) Belgique, 1999, 3'20

MES BONNES ANNÉES Dominique Nelh (Centre d’Activités du 4 e SPG) France, 2002, 5 ' 1 0

CE QUE J’AI DANS LA TÊTE Dominique Nelh (Centre d’Activités du 4 e SPG) France, 2004, 7 ' 5 0

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LES PETITES CHOSES Dominique Nelh (Centre d’Activités Arc-En-Ciel, Centre Psychothérapique de Nancy) France, 2010, 5 '

PARTIR AILLEURS Dominique Nelh (Centre d’Activités Arc-En-Ciel, Centre Psychothérapique de Nancy) France, 2014, 5 ' 5 0


F O C U S N o1 3

SOIRÉE DE CLÔTURE

L E S S C O T C H E U S E S  : PROJECTIONS, CINÉ- CONCERT ET BOUM ACOUSTIQUE

DIMANCHE 18 OCTOBRE 20H00 LES VOÛTES

Pour cette soirée, nous avons proposé aux Scotcheuses de projeter leurs deux derniers films réalisés au sein de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Au-delà de l’importance de rendre compte de certaines luttes, nous avons aussi la volonté d’illustrer, littéralement, le Collectif Jeune Cinéma : les Scotcheuses sont un des rares collectifs à fonctionner vraiment collectivement (et surtout à réfléchir leur collectivité) ; elles sont jeunes (et si il y a des plus vieux parmi elles, ils sont aussi jeunes, leurs films en sont la preuve vivante) ; et elles font du cinéma (qui plus est, libre, poétique, et enfantin). Car certains films peuvent se contenter des seuls détails fournis par ceux qui étaient là lors de leur fabrication, nous vous livrons ici quelques extraits du livret accompagnant le DVD réunissant les deux films. — Théo Deliyannis

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L es S cotcheuses tournent à la Z A D On pourrait pas tout raconter sur le comment on est arrivés là mais ça trottait dans la tête de pas mal d’entre nous d’aller faire un film à la ZAD ; celle qui s’étale entre Vigneux de Bretagne, Notre-Damedes-Landes et la Paquelais. On connaissait toutes plus ou moins les lieux, les habitantes. Y’en a qui avaient déjà fait plein de films, d’autres pas du tout ou un peu. Y’en a qui étaient des Scotcheuses de plus longue date et puis des qui venaient rejoindre cette envie de faire ensemble et certains qui disaient que les Scotcheuses de toutes façons ça n’existe pas. C’est que ce collectif il a bougé et il est toujours mouvant, plus ou moins gros, avec quand même un noyau de gens qui est un peu toujours là. Enfin. On est arrivés à la Châtaigne avec nos caisses remplies de caisses et nos têtes pleines d’ailleurs différents. On a mangé mieux que des rois. Avec la caméra Super 8 on a appris à filmer, avec les zooms on a attrapé des sons, dans la boue et la poussière, on a développé et monté (avec les scotcheuses qui sont des petites machines pour couper et scotcher la pellicule). Après on a parlé à plein de voix en essayant de s’écouter parfois, on avait plein d’idées, on voulait faire un western. Il y eu beaucoup de fêtes, des vagues houleuses, de grandes bouffes, des rires aussi, plein de rencontres. On a fait un premier film avec tous les petits bouts fabriqués par chacune qu’on a monté à la main. Et puis on l’a montré.

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Et comme c’était chouette on est revenus en juillet avec l’envie d’écrire un film qui serait un peu autrement construit, avec un fil dessiné. On avait rencontré les gens avant et c’était rudement bien parce qu’on a eu pas mal de discussions avec elles et eux sur ce qu’ils avaient aimés dans le premier film et sur ce qu’ils aimeraient que le prochain dise. On s’est posé ensemble la question sur le comment et le quoi raconter de la ZAD. On ne voulait pas faire un documentaire. On voulait être là et fabriquer de l’ailleurs qui parle du là. Un truc comme ça. On s’est retrouvés plusieurs fois dans la ZAD pour écrire. En septembre on a encore écrit, dessiné, imaginé et en octobre on a tourné le film. On voulait que plein de gens puissent venir jouer alors ça a demandé pas mal d’organisation. Ça, ça a vraiment bien marché, les gens sont venus, qui donnaient des coups de main. Des équipes tournaient, la bouffe, les costumes, celleux (sic) qui préparaient les plans du lendemain, qui filmaient, qui prenaient le son… C’était intense. On a fêté les Culs de plomb aussi. Et puis on s’est retrouvés au mois de janvier pour monter le film et là on est déjà en mars et on finit le montage dans un autre endroit. Y’en a qui vont faire les dernières prises de sons dehors, y’en a qui fabriquent le livret, y’en a qui font du doublage, y’en a qui sont au banc de montage, y’en a qui arrivent, y’en a qui s’en vont… » — Les Scotcheuses

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COLLECTIF & PELLICULE ( O U «  P O U R Q U O I F I L M E R A V E C U N E C A M É R A S uper   8 QUAND ON FAIT U N F I L M E N C O L L E C T I F  » ) La pellicule, c’est rare, cher et ça demande des savoir-faire techniques spécifiques. On n’a pas beaucoup de matière (= temps pour filmer) et il faut attendre le développement pour voir ce qu’on a fait… ET POURTANT : 1 Ne pas avoir beaucoup de matière oblige à réfléchir en secondes et en minutes (plutôt qu’en heures) dès avant le tournage, et donc de faire le tri consentent, à voix haute, entre ce qui est important et ce qui ne l’est pas, entre ce

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qu’on veut dire / montrer et ce qui nous passe par la tête, etc. Cela implique une sobriété au tournage, et donc de se mettre d’accord / de faire des choix avant de commencer à filmer. 2 Ces décisions se font collectivement (tous ensemble ou en groupe de travail) car la rareté de la pellicule contraint à ne pas commencer à tourner sans découpage (cahier des charges pour fabriquer une séquence), ni à tourner des brouillons, des essais tout seul dans son coin, en mettant les autres devant le fait accompli (« C’est déjà fait, pourquoi le refaire ? ») : on réfléchit à plusieurs à la transformation du scénario en plan de travail. 3 À cela s’ajoute le besoin de répéter. Car on n’a le droit qu’à une ou deux prises (et plus souvent une seule !). Répétitions, qui permettent à chacun-e de s’approprier le déroulé de la scène avant la mise en boîte. 4 Tout cela / Toutes ces contraintes font que l’on hérite de rushes (= ce qu’on a filmé) à la fois riches et denses, qui contiennent toute la réflexion et les décisions du tournage et vont permettre de ne pas se perdre à l’étape suivante : le montage !

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PROGRAMMÉ E T P R É S E N T É PA R T H É O D E L I YA N N I S

NO OUESTERN Les Scotcheuses France, 2015, 27 ' Deux auto-stoppeuses et une chambre à air de tracteur débarquent sur une terre libérée. (On dirait la ZAD de Notre-Dame-des-Landes mais ça pourrait être ailleurs.) On dirait que ça se passe maintenant, mais il y a comme des accents post-apocalyptiques… ou précapitalistes ? Film présenté en copie Super 8.

SÈME TON WESTERN Les Scotcheuses France, 2014, 25 ' Un western post-apolitique en Super 8 : une barricade animée qui se transforme en lieu de vie et de fête, une chevauchée fantastique à vélo, un défilé kolkhozien de tracteurs, des semeuses à la volée, des courses poursuites à répétition,

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des effets pyrotechniques, les jeux de jambes extraordinaires de Calamity Dié sur les chicanes de la D 281, les mystérieuses apparitions des streumon et des keutru, des tritons crêtés à l’orée du bois… Film présenté en copie Super 8 avec intervention sonore du collectif.

BOUM ACOUSTIQUE Les Scotcheuses France, 2015 Présenté avec des instruments de musique.



interventions sĂŠances spĂŠciales


PA G E S ARR ACHÉES

INTERVENTION D E L’ E T N A

DU MARDI 13 AU VENDREDI 16 OCTOBRE

PROJECTION VENDREDI 16 OCTOBRE 00H00 LES VOÛTES

P a g es arrachées Un livre sans couverture. On n’en connait ni le titre, ni l’auteur. Arrachez une page. Regardez-la, lisez la. Chargez une bobine Super 8. Partez filmer avec ces trois minutes de film. Cherchez les images. Celles qui sont dans le texte et celles qui n’y sont pas. Celles qui devant vous font sonner les mots qui vous retiennent encore.

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M ardi 1 3 octobre 19h00

inscriptions participation

Une page s’arrache au sort, chargement de la caméra.

Réservation obligatoire à l’adresse mail suivante : etna.cinema@gmail.com Participation gratuite. Dix personnes au maximum.

J eudi 1 5 octobre 14h00 — 00h00 Dépôt des bobines tournées.

Les bobines Super 8 (noir et blanc) seront fournies et développées par l’Etna. Les participants apportent leur propre caméra Super 8.

V endredi 1 6 octobre 00h00 Projection des films après lecture d’un mot, d’une phrase, d’un paragraphe, ou de la page toute entière.

À PROPOS DE L’ E T N A Évènement proposé par l’Etna, Atelier de cinéma expérimental www.etna-cinema.net L’Etna est un atelier partagé, un laboratoire artisanal, un lieu de création, de transmission et d’échange autour du cinéma expérimental et de la pratique de l’argentique.

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SÉANCE SPÉCIALE

COMPÉTITION DE FILMS DE CINÉASTES DE MOINS DE QUINZE ANS

SAMEDI 17 OCTOBRE 16H00 LES VOÛTES

De jeunes cinéastes démontrent que leur imaginaire cinématographique est très loin d’être colonisé par les grands modèles de l’industrie culturelle. Des poésies fracassantes, loufoques et pétillantes ont germé dans ces jeunes esprits.

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ZORA VOLE Vasco Zanchi France, 2014, 2 ' Zora a le pouvoir de voler. Vasco, dans un second temps, vole mais ne veut pas ce pouvoir. Va-t-elle le récupérer ?

TÉLÉ ROCK MARIN Marin Croq France, 2015, 2 ' 3 0 Clip (pas très sérieux…) d’un groupe de musique prometteur dans le monde du playback, mais qui n’aura pas même le temps de terminer une première reprise.

VOITURES Andreï Tachou France, 2015, 4 ' 1 0 Des lumières et des sons. Qu’est-ce que c’est ?

PANIQUE À BORD Sinan Nercam France, 2015, 2 ' 1 0 Déambulation dans la base sous-marine.

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WHAT I LIKE THE MOST ABOUT THE STARS Sarah Leysen France, 2015, 4 ' Vague à l’âme.

LE CANCRE DE PRÉVERT Classe Ulis du collège Le Parc (Aulnay, 93) France, 2015, 1 '

Le cancre , poème de Jacques Prévert, mis en scène en théâtre d’ombres.

HALLUCINOGÈNE Yan Maratka France, 2014, 17 ' 2 0 Krystof, un homme de 43 ans, part en promenade dans une forêt à côté de son chalet, en République Tchèque. Il va découvrir un champignon qu’il ne connaît pas. Après l’avoir goûté, il tombe dans les pommes, halluciné. Il se retrouve complètement perdu. Il fera tout pour retrouver la sortie…



compĂŠtition i n t e r n at i o n a l e


MEMBRES DU JURY I N T E R N AT I O N A L

FABRICE LEROY Fabrice Leroy, Distributeur, a fondé ED Distribution en 1995 avec Manuel Attali, diffusant notamment en France les films des frères Quay, d’Andrew Kötting, de Bill Plympton, de Phil Mulloy ou de Guy Maddin, dont le dernier long-métrage, The Forbidden Room , tourné en partie au Centre Pompidou, sortira en salle à la fin de l’année.

ISABELLE RIBADEAU-DUMAS A passé presque toute sa vie professionnelle au Centre Pompidou. D’abord, avec JeanLoup Passek, en travaillant sur les grandes rétrospectives consacrées aux cinématographies méconnues. Elle assurait le secrétariat de rédaction des ouvrages publiés à cette occasion. Elle a ensuite rejoint le Cinéma du Musée, où, sous l’égide de Philippe-Alain Michaud, elle a programmé les séances régulières. Retraitée, elle s’intéresse toujours au cinéma et mène une activité de traductrice.

KATIA ROSSINI Après une courte incursion en sciences politiques et un stage en photographie, Katia Rossini a commencé des études de cinéma au début des années 1990, en se spécialisant dans le montage de film. Elle devient alors membre du collectif Exploding Cinema. En 1996 elle co-fonde le cinéma Nova à Bruxelles, un cinéma indépendant dédié aux cinématographies alternatives et non commerciales. Elle a aussi participé aux échanges autour de la création de www.filmlabs.org, un réseau pour les laboratoires de développement artisanal de films, et www.kino-climates.org, un réseau pour les cinémas indépendants. Plus récemment elle a co-fondé Cineact, une structure dont les missions s’insèrent dans le champ du patrimoine cinématographique. Elle a été membre de nombreuses commissions de films pour le Centre du cinéma Belge.

ANGEL RUEDA Programmateur, curateur et cinéaste, Ángel Rueda est fondateur et directeur

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de la (S8) Mostra de Cinema Periférico à La Corogne. En 2003, il a fondé LILI FILMS – sorte de cinémathèque alternative. Durant cette période, il a réalisé divers travaux de found footage dans lesquels il explore le détournement et le cinéma élargi. Sa filmographie se compose également de filmsessais comme Bendita Calle , court-métrage vertovien, ou encore 50 años en el andamio , long-métrage narrant la découverte de l’une des plus importantes œuvres du cinéma amateur espagnol : El andamio (1958, Rogelio Amigo), film de dénonciation politique .

PETER SNOWDON Peter Snowdon est né en 1964 à Northumberland en Angleterre. Il a étudié le français et la philosophie à l’Université d’Oxford avant de partir s’installer à Paris où il a travaillé dans l’édition et le journalisme et où il a été également consultant pour l’UNESCO. Il a vécu en Égypte de 1997 à 2000. À son retour en Europe

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il a commencé à réaliser des films documentaires d’agitprop. Au fil du temps, son travail a évolué au-delà du cinéma exclusivement politique pour s’engager dans une tradition plus expérimentale. Un certain nombre de ses films ont été tournés dans les territoires palestiniens et en Inde où il a collaboré avec la International Society for Ecology and Culture. Ses films ont été projetés dans de nombreux festivals internationaux et reçus de nombreux prix. Il prépare actuellement une thèse sur la vidéo vernaculaire et la pratique documentaire après le printemps arabe à la MAD Faculty (PXL/Hasselt). Il enseigne parallèlement le Cinéma à l’Université de Glasgow.


P R O G R A M M E N o1 MERCREDI 14 OCTOBRE 18H00

EXCLUSION ZONE Alexander Isaenko Ukraine, 2015, 8 ' 4 0

CÉRÉMONIES Robert Cahen France, 2015, 8 ' 3 0

Effleurer l’Histoire humaine un seul instant suffit à nous rappeler notre fragilité, la beauté de l’existence, l’importance des cérémonies et la force de la Nature.

BROUILLARD — PASSAGE #15 Alexandre Larose Canada, 2014, 10 '

Depuis quelques années, Sergey alimente sa chaîne youtube. Il y documente ses états d’âme avec une petite caméra, principalement lorsqu’il est dans sa maison de campagne. Sergey considère que sa personnalité est particulièrement développée, à la fois physiquement, spirituellement et intellectuellement. Parfois, après la tonte de sa pelouse, il se sent appartenir à la grande communauté scientifique.

A PUNT DE FUGA Albert Alcoz Espagne 2014, 4 ' 5 0 Film réalisé en surimprimant une multitude de trajectoires à travers un sentier menant à un lac.

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Des lignes parallèles convergent en un point central dans un système de projection conique où la somme des facteurs provoque leur rencontre.

MICTLAN Augustin Gimel France, 2014, 6 '

THE HOME Tushar Waghela Inde, 2014, 5 ' 4 5

Vidéo topographique née de la rencontre d’un tunnel situé à Hambourg en Allemagne et du Mictlan, lieu de séjour des morts dans la mythologie aztèque. Voyage circulaire et souterrain vers la dématérialisation.

Le lieu que nous habitons est aussi celui de milliards d’êtres vivants. Ils pourraient bien nous rester cachés, leurs gestes et leurs murmures nous rappellent constamment qu’ils nous ont précédé. Nous nous pensons maîtres de nos appartements et nous les rejetons de notre cuisine et de notre jardin, sans à peine réaliser que bien avant notre existence, cette planète a été leur domicile pendant des milliards d’années.

JOB INTERVIEW Dénes Ruzsa & Fruzsina Spitzer Hongrie, 2014, 3 ' 3 5

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Au sein de cette précipitation qui nous entoure, notre personnalité tend à s’effacer. Dans un futur proche, les robots eux-mêmes mèneront à bien les entretiens


d’embauches par le biais de cinquante questions pré-établies. Comment pourront-ils détecter par avance les candidats intéressés par les offres d’emploi ?

CANOPY Ken Jacobs États-Unis, 2014, 4 ' 3 0

A.D.A.M. Vladislav Knezevic Croatie, 2014, 12 ' 4 5

Série d’images fixes d’une rue du downtown new-yorkais. Des bâches déposées au-dessus d’un échafaudage protègent le trottoir des pigeons et des terroristes. Le soleil les illumine. Chaque image est affichée en 2D, puis convertie en 3D (par le biais d’une formule brevetée). Aucune technologie de projection stéréoscopique n’est nécessaire, et l’image peut être vue d’un seul œil.

La chute du dispositif A.D.A.M. (Drone Autonome pour l’Extraction d’Astéroïd) a déclenché le renforcement de ses processus cognitifs et l’activation du mode autonome. Tout ceci a mené à son refus de communication avec ses propres opérateurs. Une cartographie de paysages vides, de mégastructures urbaines et d’horizons perdus inondés par une cacophonie de langues, codes et réseaux de communications, constitue la base de cette metafiction traitant de la relation entre l’Homme et la machine.

CATLEYAS Siegfried Bréger France, 2014, 7 '

Peut-être la petite phrase musicale de Vinteuil évoquée par Marcel Proust dans Un amour de Swan .

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YI-REN (THE PERSON OF WHOM I THINK) Tzuan Wu Taïwan, 2015, 13 ' 4 5

Yi-Ren est une lettre d’amourcollage réalisée à partir de diverses sources. Des journaux en Super 8, des vidéos de karaoké et des found footage des films de Kang-Chien Chiu (1940-2013) révèlent une lecture queer et un vibrant hommage à l’œuvre de Chiu. En collant les lignes des poèmes de Chiu comme une narration, le travail à double écran construit un récit flottant où les images trouvées sont utilisées comme des affects de ready-made.

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P R O G R A M M E N o2 MERCREDI 14 OCTOBRE 22H00

MASANAO ABE — CLOUDGRAPHY Helmut Völter, Allemagne, 2015, 6 '

Un terrain vague est visité au fil des années et des saisons. Une série de performances éphémères transforme le lieu en un laboratoire mettant en scène l’homme avec la nature.

CROSS Christophe Guérin France, 2014, 5 '

En 1927, le physicien japonais Masanao Abe s’est construit un observatoire donnant sur le Mont Fuji d’où il a filmé, durant quinze années, les nuages qui entouraient la montagne. Il était intéressé par le fait que les courants d’air autour du Mont Fuji pouvaient être rendus visibles par des moyens cinématographiques.

TOPOLOGIE DU VIDE Tatiana Bohm & Dominik Guth Belgique, 2015, 22 '

Cross est une course à travers la ville. C’est aussi l’évocation du croisement des rues du centre-ville du Havre, reconstruit selon une trame orthogonale par Auguste Perret en 1944. Cross est un condensé de ce paysage urbain très particulier. Condensation temporelle : le trajet dans la ville, filmé en discontinu, est restitué par un flux d’images précipité. Condensation spatiale : les parcours se chevauchent, se croisent ; les points de vues se multiplient, l’horizon fait défaut, les lignes s’entrecoupent.

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LE PAYS DEVASTÉ Emmanuel Lefrant France, 2015, 11 ' 3 0

Le Pays Dévasté se réfère à l’Anthropocène, l’époque géologique actuelle, vue comme la période à partir de laquelle l’espèce humaine est devenue la force géophysique dominante devant toutes les forces naturelles qui jusque là avaient prévalu. Les traces de notre âge urbain, consumériste, chimique et nucléaire resteront des milliers voire des millions d’années dans les archives géologiques de la planète et soumettront les sociétés humaines à des difficultés considérables.

M (MADEIRA) Jacques Perconte France, 2014, 31 '

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À un peu plus de 600 km au large des côtes de l’Afrique, Madère surgit de l’océan. C’est le sommet d’un ancien volcan, immense. Nous découvrons la côte en explorateurs, nous pénétrons la forêt primaire et traversons ses millions de couleurs au creux de vallées baignées de lumières magiques. Les hommes, sur l’autre versant, travaillent la terre. Ils essaient d’en exploiter la richesse. Ils sont pris dans la matière et le vent les efface.


P R O G R A M M E N o3 JEUDI 15 OCTOBRE 18H00

SYMPHONIE ADOLESCENTE Carlos Hoyos & Marytere Narváez Mexique, 2014, 6 '

At One Fell Swoop traite d’un tailleur de pierre et de son errance métaphorique à travers l’Irlande rurale. Lors de son passage, il glisse à travers les images le précipitant au sein d’un nouvel imaginaire de son environnement, dans lequel il se retrouve piégé sur un chemin menant vers la mort. Filmé avec de la pellicule 16 mm noir et blanc périmée et développée à la main, ce long-métrage ressemble à un film-fantôme.

Un jeune homme se rend là où la nostalgie est née.

AT ONE FELL SWOOP Michael Higgins Irlande, 2014, 73 '

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P R O G R A M M E N o4 JEUDI 15 OCTOBRE 22H00

ROND EST LE MONDE Olivier Dekegel Belgique, 2014, 41 '

Un cinéaste, en compagnie d’un âne et d’une caméra Super 8, traverse le monde et s’enivre de la beauté de toutes choses. Douce contemplation des humbles, un voyage intérieur entre le visible et l’invisible, porté par la lumière changeante des saisons.

L’ŒIL DU CYCLOPE Jen Debauche Belgique, 2015, 50 '

Rompant avec sa propre aliénation, un homme sans

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nom en proie à des devenirs naissants cherche une nouvelle façon d’habiter le monde. Nous plongeons au cœur de territoires qui s’incarnent dans le corps du personnage, attiré inexorablement par l’œil du cyclope… Ce film s’inscrit dans le cycle 3 pas dans la fiction du monde , hommage à Sébastien Koeppel, cinématographe.


P R O G R A M M E N o5 VENDREDI 16 OCTOBRE 18H00

CAPE MONGO — VHS Francois Knoetze Afrique du Sud, 2015, 4 ' 5 0

MORTE Frédéric Cousseau, France, 2015, 4 ' 2 0

Je la trouvai morte dans son lit quelques jours après.

THUND3R80LT Jarod France, 2015, 1 ' 1 5

Nous avons affaire à un personnage singulier, désespéré, construit à partir des vestiges d’une technologie obsolète : les boîtiers VHS. Lorsque la créature atteint le point culminant de la ville afin de jeter au vent des centaines de bandes vidéos, des images d’enfance et de télévision refont surface, brouillant les frontières entre les images de la « vraie vie » et ce monde saturé par les massmedia dans lequel nous vivons.

PLAISIR PROGRESSIF DU GLISSEMENT Yves-Marie Mahé France, 2015, 4 ' 1 0 7 VIDEo è dédiée a tout ceux ki croient encore au cou2 FOudr {sic}

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« À te contempler nue, le sang irrigue mon pinceau. » (Léonard De Vinci). Un plan fixe extrait de Glissements progressifs du plaisir d’Alain RobbeGrillet est retraité de manière symétrique à la façon de Scaling de Mike Hoolboom.

LADY SLAUGHTER & LORD SAVAGE VEGAN OR MEAT MUTINEE Avishai Sivan Israël, 2015, 9 ' 5 0

Dans cette vidéo, les deux démons de la civilisation humaine – le chauvinisme et l’abattage d’animaux – viennent à se battre l’un contre l’autre. Leah est aimée par un fervent vegan, qui l’aime à mourir. Il devient violent quand il apprend que son métier consiste à abattre le bétail. La beauté et la cruauté, la sagacité et la bestialité, sont réunies dans une ballade punk.

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POST PANOPTIC GAZING Michael Woods États-Unis, 2015, 10 ' 3 0

Un certain sirop peut vous donner des envies carnassières de conquérir l’inaptitude sexuelle et de pointer votre camera vers le vide infini du néant. Il vous fera danser comme jamais vous n’aviez dansé, déguisé avec des morceaux de n’importe quoi, emballé dans des paquets de données numériques direction nulle part, clignotant frénétiquement depuis le mal digital central vers toute sorte de choses extérieures à votre conscience.

NEITHER GOD NOR SANTA MARIA Samuel M. Delgado & Helena Girón Espagne, 2015, 11 ' 4 5


L’ABBÉ PIERRE Pierre Merejkowsky France, 2014, 28 ' 3 0

Puisque les avions n’existent pas, les gens se déplacent d’une terre à l’autre tout en priant, et en revenant avant l’aube. Dans de vieux enregistrements sonores, des pasteurs discutent de l’existence de sorcières et de leurs voyages. Au sein du quotidien d’une femme, la magie de ses histoires prend forme à mesure que la nuit tombe. La nuit rend le voyage possible.

DEAR JAMES David Balfe Irlande, 2015, 2 ' 1 0

Pierre Merejkowsky est l’abbé Pierre. L’abbé Pierre est Pierre Merejkowsky. Dans le bus, dans la gare du Nord pas de sortie. Dans le café, ils rient. La voie ferrée le groom tient une valise. L’abbé Pierre est trans temps, trans espace, transculture. Comme s’il était impossible d’échapper à son langage, à ses références, à ses désirs. Comme s’il était impossible d’échapper à son propre centre de gravité tout en affirmant justement que c’est parce que nous sommes enfermés dans notre système que nous sommes libres. (Produit par Pier Emanuel Petit)

Dear James traite des moments intimes de l’existence ouvrière quotidienne, avec en parallèle, la menace constante qui hante le paysage à la fois beau et désolé des lotissements du nord de Dublin.

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PROGRAMME N o6 VENDREDI 16 OCTOBRE 22H00

MUE(S) Frédérique Menant France, 2015, 10 '

femmes cultive sans fin des terres. Ils se lavent les mains et reprennent le travail. Quand le fausset est réquisitionné, ils s’effondrent dans le plaisir magnétisant du laisser aller.

UTÉRUS MALADE Katrin ÒlafsdÒttir Islande  /  Espagne  /  France 2014, 9 '

J’ai traversé les solstices Dans l’ombre, un souffle. Sous la peau, un passage. Muer est une expérience indicible. Quand la mue se détache, elle ouvre un espace infime, de soi à soi, là où l’image tremble.

THE RUBRIC TIMESTAMPED Luke Szabados États-Unis, 2014, 9 '

Mon utérus est dans un laboratoire. Il élabore en secret, dans le laboratoire, le petit utérus secret. Il élabore, des graines mon petit utérus malade. Il élabore, il les laboure, les petites graines malades, mon utérus secret.

STILL CANT SHOW U THE FACE Slawomir Milewski Pologne, 2014, 5 ' 2 0

Prenant place dans un cauchemar d’élégance et de douleur, un troupeau d’hommes et de

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Film librement inspiré d’une citation de Gilles Deleuze : « Nous sommes notre propre génitalité ».

LES VARIATIONS DRAMATIQUES Margaux de Sermoise & Mathilde Ganancia France, 2015, 10 '

Changeling heart / and teeming brain occupational hazards / of adoring the insane / saints, revolutionaries, fools / and all things borderline / that is our kind / we who live between the lines / racing death, keeping time, / charting the darker territories of the mind / trading our lives, our eyes / for one breath, one glimpse / of the divine ( Revolutionaries & The Like , Cameron Conover)

La séduction féminine est au cœur du propos de ce film ainsi que la mise en relation avec le monde animal, où le rôle du mâle est souvent prédominant. Les réalisatrices, en se penchant davantage sur ces comportements, ont été fascinées par l’infime partie des espèces qui délèguent le rôle de la parade nuptiale à la femelle.

LONESOME DRIFTERS Orlan Roy & Cameron Conover France, 2015, 39 '

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P R O G R A M M E N o7 SAMEDI 16 OCTOBRE 18H00

DIFFRACTION Bob Kohn France, 2015, 2 ' 2 0

35 e édition du concours de l’Eurovision, 5 Mai 1990 à Zagreb, en Yougoslavie. La guerre de Croatie commence à peu près en même temps. Ce film replace cette soirée au sein d’un plus large contexte européen.

FRIEDRICHSFELDE OST Milica Jovcic & Nenad Cosic Serbie / Croatie, 2014, 3 ' 5 0 De correspondances verticales des lumières et des sons, du geste et de l’image, de brisures faussement déconstruites jouant aussi bien avec les simultanéités que les divergences, les échos que les dysharmonies, Diffraction compose une dé-composition de la perception sous la forme d’une recomposition subjective et avant tout purement sensorielle, comme une expérience de mémoire.

FRAGMENTS UNTITLED #3 Doplgenger Serbie, 2015, 6 ' 2 0

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La station de métro en tant qu’espace en constant mouvement de répétition. Le jeu des lumières et des sons nous fait alterner entre des formes abstraites et concrètes.

REARRANGED Ewa Górzna Finlande, 2014, 9 ' 5 0


Rearranged est un calme voyage à travers un espace soumis à d’inattendues modifications. Une irréelle situation créée est par la rencontre entre le conventionnel et le sauvage, bousculant alors l’ordre établi selon des lois aléatoires et turbulentes.

ON IRA À NEUILLY INCH’ALLAH Mehdi Ahoudig & Anna Salzberg France, 2015, 20 '

On entend l’histoire d’une première grève, celle de jeunes travailleurs de Vélib’, le service de location de vélo parisien. On voit Paris en noir et blanc, filmé en 16 mm, au petit matin. On entend la lutte qui tente de s’organiser, avec la langue des quartiers populaires. On voit le parcours de la manifestation qu’ils auraient voulu faire, jusqu’à Neuilly, banlieue riche où se trouve le siège social de Vélib’.

MAX ET DAMIEN Simon Rieth France, 2015, 4 '  2 0

Quatre minutes d’une conversation virtuelle entre Max et Damien le 24 avril 2006.

PLAYGROUND Gerco de Ruijter Pays-Bas, 2014, 3 ' 2 0

De Rujiter a composé ce film à partir de l’organisatrion structurelle des terrains de football américain. Il a juxtaposé des photographies aériennes pour une animation stop-motion. Les quelques 2000 photographies utilisées viennent des satellites de Google Earth. Le mouvement induit par le montage révèle les structures et le quadrillage du terrain, ainsi que les différents logos des équipes sportives.

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DISSOCIATION Harold Charre France, 2014, 4 ' 3 0

Un scientifique, au milieu de la confusion de la ville, tombe dans une profonde détresse… dissociation psychologique, dissociation des atomes… Musique originale sur des images du domaine public retravaillées.

1981-2001 VER.150215 Teppei Koseki Japon, 2015, 5 ' 4 0

Divers travaux vidéo basés sur des photos de famille prises entre 1981 et 2001 où le cinéaste apparaît lui-même.

COHESIVE DISORDER 3 Payam Mofidi Canada, 2014, 7 ' 4 0

SONHO DE SARA Sara nÃo tem nome & Gabraz Brésil, 2014, 8 ' 1 0

Sur une route désertique une voiture traverse le paysage. La narration nous mène au sein d’un ventre rêveur où les images se rencontrent.

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Métaphore narrative sur les conditions humaines et l’emprise du pouvoir et des religions. Les mains et les serviettes, au centre de l’œuvre, apportent confort et sécurité aux personnages, alors qu’ils sont dépossédés d’eux-mêmes, de leur corps et de leurs actions. Comme dans toute œuvre métaphorique, des codes permettent au spectateur de tirer ses propres conclusions.


P R O G R A M M E N o8 SAMEDI 17 OCTOBRE 22H00

ARCHIPELS, GRANITES DÉNUDÉS Daphné Hérétakis Grèce / France, 2014, 25 ' 2 0

Athènes 2014. Entre désirs endeuillés et espoirs perdus, un journal intime se cogne contre les murs de la ville. Le quotidien d’un pays en crise, l’inertie de la révolution, les questions individuelles qui se confrontent au politique, la survie qui se confronte aux idéaux. Pouvons-nous encore poser les questions les plus simples ?

FORT MORGAN Alexander Stewart États-Unis, 2014, 22 '

Le film s’inspire d’une brique du fort Morgan sur la côte de l’Alabama. Il se compose de prises de vue réelles et d’animation dessinée. Il examine le plan géométrique, les matériaux physiques et la structure du fort âgé de 200 ans. Suivant un diagramme géométrique complexe et précis, le fort se développe de son propre mouvement comme une coquille d’huître ou un cristal en formation, jusqu’à l’adoption d’une forme excentrique, marquée par la sédimentation, envahie par les mauvaises herbes.

SUMMERLAND Cécile Ravel France, 2015, 21 ' 2 0

Summerland est un territoire où êtres humains et animaux échangent une partie de leur être et de leur corps. Ici les métamorphoses sont constantes, brouillant

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les frontières entre les espèces. Les transformations s’opèrent secrètement dans l’épaisseur de la forêt. À Summerland le point de vue est instable, soumis à un mouvement constant qui oscille entre réel et surréel.

NIGHT NOON Shambhavi Kaul Mexique / États-Unis 2014, 11 ' 4 0

D É L I B É R AT I O N PUBLIQUE DU JURY I N T E R N AT I O N A L DIMANCHE 18 OCTOBRE 16H00 Jury composé de Fabrice Leroy, Isabelle Ribadeau-Dumas, Katia Rossini, Àngel Rueda et Peter Snowdon.

REPRISE DES FILMS PRIMÉS DIMANCHE 18 OCTOBRE 19H00

Night Noon met en place une atmosphère d’effroi dialectique dans la Vallée de la Mort à travers une série de plans étranges et érodés. Les formations géographiques et les dunes ne font plus qu’unes avec le ciel nocturne et les eaux mouvantes. Prenant pour point de départ Zabriskie Point , le film glisse furtivement vers le Mexique, de telle sorte que la géographie qui en émane n’est jamais très loin de notre mémoire cinématographique.

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articles


CINÉFILS D E L’ U N D E R G R O U N D F R A N Ç A I S  ?

Raphaël Bassan

Si l’on songe à ce que serait une « éventuelle » histoire du cinéma expérimental français (encore en devenir à l’époque), on achoppe sur une période qui va de 1968 à 1975. C’est comme une aporie . On ne connaît rien de semblable ici à ce qui s’organise à New York autour de Jonas Mekas et sa Filmmakers’ Cooperative qui fédère des cinéastes aussi dissemblables que Stan Brakhage, Gregory Markopoulos, Kenneth Anger ou Paul Sharits en groupes plus ou moins informels et auxquels P. Adams Sitney, le penseur de la tribu, donnera une cohérence dans ses textes à vocation théorique. En France, une révolution au niveau du cinéma de fiction se produit à la fin des années 1950 avec l’apparition de la Nouvelle Vague, dont les membres sont rédacteurs des Cahiers du cinéma . Ces cinéastes bénéficient de l’aide d’organismes comme le CNC, d’un réseau de ciné-clubs, de salles Art et essai et d’une remarquable cinémathèque leur ayant fait découvrir le septième art, toutes choses utopiques aux États-Unis. Des auteurs issus de la Nouvelle Vague (Godard ou Rivette) vont promouvoir un véritable cinéma de recherche, tout comme Alain Resnais, Alain Robbe-Grillet ou Marcel Hanoun. Par ailleurs, sur un autre versant de la sensibilité nationale, une authentique école avant-gardiste et pluridisciplinaire, le lettrisme, naît en France en 1950. Mais il faut attendre l’aube des années 2000, pour que personne ne songe plus à rire lorsque l’on

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évoque Traité de Bave et d’éternité d’Isidore Isou ou Le Film est déjà commencé ? de Maurice Lemaître, longs métrages de 1951 ! De 1952 à 1967, de Hurlements en faveur de Sade de Guy-Ernest Debord (alors lettriste) à Homéo d’Étienne O’Leary ou à Visa de censure n oX de Pierre Clémenti, la plupart de ceux qui pourraient faire office de cinéastes expérimentaux sont des plasticiens. Leurs courts métrages sont souvent sélectionnés (notamment à la Biennale de Paris, 1959 ‒ 1985) sous la dénomination de « films d’artistes ». Ce sont Robert Lapoujade, Piotr Kamler, Errò, Peter Foldès (un des pionniers de l’animation par ordinateur), Jacques Monory ou Martial Raysse. Si ces créateurs se servent du film (ou de la vidéo) pour approfondir des recherches plastiques, leurs films peuvent également entrer dans l’histoire du cinéma expérimental. Certains de ces plasticiens, mais surtout O’Leary et Clémenti, pratiquent un cinéma du montage avec nombreuses surimpressions, ce qui les rapproche un peu de leurs homologues nord-américains. Lorsque l’on scrute l’évolution du cinéma d’auteur français et celle d’un cinéma expérimental en évolution, on se perd dans un no man’s land  : comment aller de Week-end de Godard (1967) et de L’Amour fou de Rivette (1967-68) à La Maman et la putain de Jean Eustache (1973) ? Ces deux régimes de films sont différents dans la nature de la sensibilité mise en jeu. Et comment migrer d’ Homéo aux films de Michel Bulteau (Main Line, 1971), Jean–Paul Dupuis (Au-delà des ombres , 1973), Claudine Eizykman ( V.W. Vitesse Women, 1974) ou Patrice Kirchhofer (Sensitométrie III , 1975), courts métrages relevant tout à fait d’un mouvement cinexpérimental conscient, comme l’étaient dix ans auparavant les œuvres mises en valeur par la Filmmakers’ Cooperative  ? Je relevais plus haut que l’aide des institutions a permis l’éclosion d’un cinéma d’auteur ambitieux en France. Il y a alors à Paris une Cinémathèque cofondée en 1936 par

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Henri Langlois, ayant longtemps servi de creuset pour l’émergence d’une cinéphilie pointue et ouverte, et la formation d’écoles ou de clans esthétiques divers. Comme la plupart des créateurs de cinémathèques, Langlois était amateur de films d’avant-garde. Il avait un profond attachement pour les films des années 1920 qu’il avait découverts adolescent. Sa correspondance avec sa collègue Iris Barry, du MoMA de New York (Museum of Modern Art), le montre. L’avant-garde européenne a le vent en poupe outre-Atlantique jusqu’au milieu des années 1950. Maya Deren ne put y déposer un film qu’en 1955 — 1. Il n’était pas rare encore dans les années 1960 d’assister, à la CF, à ces fameuses séances intitulées «  avantgarde dadaïste et surréaliste   » avec entre autres des films de Germaine Dulac ou de Luis Buñuel. Langlois programmait, après la guerre, assez régulièrement des films avant-gardistes divers, du lettrisme à des films expérimentaux suédois ou anglais. Il semblerait, d’après certains témoignages, que Langlois se soit senti «   agressé   » par l’apparition d’un cou1 — Po ur plu s de dé ta ils , lir e Al ain Al cid rant structuré, comme celui issu de la e Su dr e, Dia log ue s th éo Filmmakers’ Cooperative, et qu’il ait eu riq ue s av ec Ma ya De des difficultés relationnelles avec Sitney re n , L’H ar ma tt an , 19 96 . lors de la rétrospective Avant-garde pop et beatnik (titre de son cru) qui se déroula à l’automne 1967 dans les deux salles, Chaillot et Ulm, de la CF. Ces programmes ont néanmoins permis à de nombreux cinéphiles de prendre conscience du fait que le cinéma expérimental avait une histoire, même si l’on n’en voyait là que le maillon américain. Dans une conférence donnée en juin 2014 lors de la célébration du centenaire de la naissance du conservateur, « Ni d’art ni de Beaubourg », Henri Langlois contre le mythe Langlois , Bernard Eisenschitz étaya l’idée que ce pionnier avait choisi de programmer les films de jeunes

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cinéphiles, ses cinéfils et cinéfilles pour emprunter une terminologie « daneysienne », qu’il croisait régulièrement à la Cinémathèque (comme il l’avait fait la décennie précédente avec les futurs cinéastes de la Nouvelle Vague). Parmi les mordus on rencontrait souvent la monteuse Jackie Raynal et Patrick Deval mais également Philippe Garrel. Lors de la rentrée 2 — Pou r plus de dét ails 1968, juste après que Langlois ait été rélire Sall y Sha fto, tabli dans ses fonctions suite à son renLes Film s Zan ziba r et voi abusif, il concocte un hommage inté, 8 196 les dan dys de Mai gral en septembre 1968 de l’œuvre de Par is Exp érim ent al, coll . Les Clas siqu es Philippe Garrel, tout juste âgé de vingt 7. de l’av ant- gar de, 200 ans ; on y découvre, Marie pour mémoire , Le Révélateur , La Concentration . Quelques mois avant, Sylvina Boissonas, héritière d’une riche famille, fonde de manière informelle les Productions Zanzibar, qui seront davantage un groupement d’amis qu’une école — 2. Garrel fera 3 — Nico le Bre nez temporairement partie du groupe. & Chr istia n Leb rat (sou s la dire ctio n de) D a n s m o n t e x t e L e x i q u e f o r, Jeu ne, dur e et pur e ! mel, historique et affectif des années Une hist oire du ciné ma 1960 à 1990 , rédigé pour le catalogue d’av ant- gar de et de Jeune, dure et pure  ! et repris dans exp érim ent al en Fran ce , Ciné mat hèq ue mon ouvrage C i n é m a ex p é r i m e n ta l . fran çais e-M azzo tta, Abécédaire pour une contre culture — 3, Par is, 200 1. j’insère un paragraphe intitulé Vitesses Rap haë l Bas san , dans lequel j’oppose les films expériCiné ma exp érim ent al. mentaux traditionnels axés sur le monAbé céd aire pou r une con tre- cult ure , tage rapide aux films d’Andy Warhol, de Yell ow Now, Cris née , Jackie Raynal ( Deux fois , 1969) ou de Belg ique 201 4, p. 186 . Sylvina Boissonas (Un film , 1968), mais aussi à ceux de Jean-Pierre Lajournade (Le Joueur de quilles , 1968) ou de Louis Skorecki (Eugénie de Franval , 1974). Comme le note justement Dominique Noguez, « Si, avec Sylvina Boissonas, elle [Jackie Raynal] est

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la première cinéaste, on l’a vu, à introduire la durée “réelle” dans le cinéma – ce que font au même moment, Snow et Wieland en Amérique ou Nekes en Allemagne (dans Kelek ) –, c’est plutôt l’effet de la réflexion sur le cinéma à laquelle la fréquentation de la Cinémathèque conduit à l’époque nombre de jeunes cinéphiles français. Langlois, depuis toujours zélateur passionné des frères Lumière, est aussi persuadé que Warhol que le cinéma est à (ré) inventer et que le parlant No gu ez , 4 — Do mi niq ue n’est qu’une péripétie » — 4. Deux pages a Élo ge du cin ém avant, Noguez avait écrit : « Parmi les l, ta en rim pé ex en ta l, obstacles (purement subjectifs) qui inPa ris Ex pé rim iqu es de terdisent encore à certains spectateurs co ll. Le s Cla ss , l’a va nt-g ar de l’accès aux films d’aujourd’hui, ceux qui 9- 29 0. 19 99, pp . 28 touchent au temps sont les plus difficiles à lever ». Ces cinéphiles, ces cinéfils  /  filles langloisiens, parfois proches de leurs aînés (Jackie Raynal a été la 5 — Cer tain s acte urs monteuse d’Éric Rohmer), apparaissent trav erse nt tou tes bien comme les chaînons manquants ces caté gor ies d’œ uvre s. de ce que l’on pourrait appeler une Bull e Ogie r : L’Am our fou (J. Rive tte) « post-Nouvelle Vague » où se nicheront , Pièg e (J. Bar atie r), Jean Eustache et Philippe Garrel, mais Un ang e passe (P. Garrel). aussi Adolfo Arrieta ou F.J. Ossang. Pier re Clém ent i : Zanzibar a fédéré un groupe d’artistes, Le Lit de la vier ge (P. Gar rel) , La Leç on de techniciens et d’acteurs — 5, soude cho ses (Y. Lag ran ge) vent polyvalents, qui peut également et ses pro pre s film s. servir de matrice à un problématique Nico  : Che lsea Girl s courant underground français de par (A. War hol) et sep t film s de Phil ippe Gar rel. les thèmes existentiels développés : la Ber nad ette Lafo nt : communauté d’artistes, la révolte, le Le Révélateur (P. Garrel), filmage souvent en noir et blanc, la La Fam ille (Y. Lag ran ge) , contestation politique. La Mam an et la Le producteur Anatole Dauman, put ain (J. Eus tach e) . percevant la spécificité d’un certain

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cinéma français qui tangue entre film d’auteur, underground, film essai, irréductible à un modèle bien défini, trouve, en 1964, l’appellation de cinéma différent pour sortir des programmes de courts et moyens métrages (jusqu’en 1970) de, entre autres, Pierre Kast (La Brûlure de mille soleils , 1965), Diourka Medveczky (Marie et le curé, 1967) ou Jacques Baratier (Piège , 1970). Cette appellation sera reprise dans un sens légèrement dissemblable, en 1974, par Marcel Mazé pour étiqueter la section dont il avait la responsabilité au sein du festival d’Hyères. En 2000, lors d’une projection des films Zanzibar à l’Anthology Film Archives de New York, Jonas Mekas écrit : « Les films Zanzibar ont été pour moi l’une des plus grandes découvertes du cinéma français. Aucun cinéphile ne peut les ignorer. Ils forment un lien passionnant entre la Nouvelle Vague et l’avant-garde, entre le film poème et le film narratif » — 2. Toutefois, Henri Langlois a aussi programmé des films de Jean-Pierre Lajournade, Yvan Lagrange, Patrice Énard, Jacques Robiolles ou Jacques Richard proches de cette « mouvance » zanzibarienne. Pour moi ce courant underground, « acinématographique » — 6, commence avec Détruisez-vous de Serge Bard (avril 1968, contemporain des avant-premières de Chelsea Girls d’Andy Warhol et de L’Amour fou de Jacques Rivette à la Cinémathèque française) et s’achève, dix ans plus tard, avec Le Rouge de Chine de Jacques Richard. Certains de ces films furent achevés alors que les mouvements 6 — On coll ait par fois expérimentaux français commençaient à le term e d’« a ciné ma  » occuper le terrain. Peu d’occasions de à ces film s. jonctions se sont présentées jusqu’à ces derniers temps. La 17e édition du Festival des cinémas différents et expérimentaux de Paris qui questionne, cette année, la fiction déviante dans ses rapports avec l’expérimental, continuera de tracer un chemin qui vise à réunir ces divers courants du cinéma français.

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POUR UNE FICTION EXPÉRIM

E N TA L E

Frédéric Tachou

Si l’on embrassait d’un seul regard le cinéma expérimental d’aujourd’hui, il est assez peu probable que les tendances impliquant les moyens du cinéma de fiction (personnages, narration discursive, illusion référentielle, diégèse, projections affectives, mise en scène, méthodes de tournage et de production, etc.) y apparaissent majoritaires. Il est presque naturel d’ailleurs de reconnaître le film expérimental quand justement il ne recourt pas à ces moyens. Or, l’histoire du cinéma expérimental montre que sa zone d’intersection – attention, il ne s’agit d’interférences – avec le cinéma de fiction est tout sauf mineure, tout sauf négligeable et tout sauf une ligne de démarcation pertinente. On pourrait commencer par ergoter sur le fait que le projet de cinéma des futuristes italiens n’excluait nullement l’acteur, le récit, le drame, la diégèse, l’identification ou les émotions. D’abord reconnu par eux comme « prolongement du théâtre », c’est à dire spectacle de mise en scène, ils rejetaient l’utilisation traditionnelle de ces composantes en promouvant de nouveaux assemblages et de nouvelles combinaisons visuelles « polyexpressives ». Mais il est vrai que plus tard, au sein de l’avant-garde cinématographique en France, l’hostilité de nombreux cinéastes et artistes à l’égard de l’institution-industrie cinématographique s’est traduite par l’exacerbation de clivages esthétiques laissant peu de place à la nuance.

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Hormis quelques exceptions comme Thomas Ince, Abel Gance, Robert Wiene ou Chaplin, peu de représentants du cinéma de fiction trouvaient grâce aux yeux des cinégraphistes qui développaient à longueur d’articles les arguments justifiant la nécessité d’une purge du cinématographique afin de le débarrasser de tous les éléments, motifs et structures, importés du théâtre et de la littérature. Par le simple jeu des imprécisions et équivoques sémantiques dans leurs discours, il s’entraînèrent et s’auto-entraînèrent dans des impasses théoriques et pratiques qui éclatèrent dans le concept de « cinéma pur ». Au cours de ce processus de théorisation – dont il ne s’agit nullement ici de dénigrer les vertus – l’assimilation de la théâtralité à la fiction, au narratif, aux relations causales discursives, finirent par brouiller la perception des possibilités créatives dont disposait le cinéaste et, chose plus regrettable, prépara le lit à un discours consistant à opposer « fiction » et « expérimental », discours encore très majoritaire aujourd’hui dans cette seconde sphère. Au départ de cette voie en cul-de-sac, il y a une analyse inaboutie de la notion de théâtralité. Ce concept prit chez les premiers critiques et théoriciens du cinéma d’avant-garde une dimension exclusivement péjorative. On peut aisément comprendre qu’au début des années 1920, pour Louis Delluc, puis Jean Epstein, Germaine Dulac, ou Emile Vuillermoz, le regard rétrospectif porté sur les premières décennies du cinéma pouvait donner l’impression que celui-ci n’était parvenu à développer des contenus plus sophistiqués qu’en se débarrassant d’un certain nombre de savoir-faire importés des arts voisins qu’ils soient iconiques ou non (pantomime, music-hall, théâtre populaire, sketches, histoires et contes populaires, mélodrames, récits épiques, romanesques, etc.). Le jeu boursouflé des acteurs de la Comédie-française, la réduction de la caméra au statut d’outil d’enregistrement de la mise en scène, la linéarité de phases narratives sur-signifiantes et le vocabulaire

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gestuel qui va avec, avaient progressivement forcé à la prise de conscience que le seul savoir-faire méritant d’être soutenu et développé était celui de la photographie, ou science de la lumière de l’optique et de la photochimie. D’ailleurs, Delluc intitulait r, Lé ge 1 — Fe rn an d , e ur son grand essai d’esthétique du cinéint pe la Fo nc tio ns de . ma, Photogénie , et commençait ainsi : De no ël, p.1 65 « Aimez-vous la photographie ? » Quelques années plus tard, Fernand Léger, convaincu que le cinéma d’avant-garde avait été définitivement et salutairement absorbé par la modernité artistique, tranchait la question de l’essence du cinéma en affirmant que dans un art comme celui-ci, l’image doit être tout — 1. Néanmoins, la traque obsessionnelle de l’impur, faisant remonter la contamination du cinéma par le 2 — Cité par Nou red dine théâtre jusqu’à L’arroseur arrosé (1895) Gha li, L’av ant- gar de des frères Lumière, à l’instar d’Albert ciné mat ogr aph ique en Fran ce dan s les ann ées Guyot dans un numéro de Cinégraphie vingt, Paris expérimenta de 1927 — 2, indique bien quel niveau l, 199 5, p. 260 . d’aveuglement pouvait être atteint. Jean Mitry, fut un des rares par la suite à développer une réflexion plus poussée sur le concept de théâtralité. Il distinguait un premier niveau, formel, d’un second niveau seulement décelable dans l’organisation narrative elle-même. Il l’appelait « drame construit » et rangeait sous cette catégorie tous les récits conformes à des schèmes bien établis, 3  — Je an M it ry, Es th ét iq ue validés d’un côté par l’expérience acquise et ps yc ho lo gi e du ci en matière d’efficacité des effets sur né m a T  II, Éd it io ns un iv er si ta ir es le public et de l’autre par les grandes , p. 29 5. valeurs morales. Tout ceci rendait les drames parfaitement prévisibles et leurs variations dans le détail n’empêchaient pas l’expert de dépister l’identique et le répétitif, bref la stérilité artistique et créative — 3. Le péjoratif de la première forme de

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théâtralité déteignait ainsi sur tout récit filmique prosaïque aux effets émotionnels calculés, ou mélodramatique. D’une manière plus large, les termes mêmes des discours de valorisation esthétique du cinéma dès le milieu des années 1950 en France, rappelaient l’anathème lancé cent ans plus tôt contre l’art pompier par les peintres et critiques modernes prenant la défense de la peinture réaliste. Lors du festival Objectif 49 qui se tint deux années durant à Biarritz (1949 et 1950) sous l’impulsion de Jean Cocteau avec l’ambition de promouvoir une nouvelle avantgarde cinématographique, on put assez rapidement observer que la séparation presque étanche entre d’un côté le cinéma de fiction et de l’autre le cinéma expérimental se trouvait déjà solidement ancrée. La plupart des critiques de la seconde génération qui jouèrent après-guerre un rôle si important dans la pensée du cinéma, rejetaient majoritairement les films de fiction dans lesquels était affirmée une utilisation artistique de l’image. Ils défendaient au contraire le rapprochement du cinéma et de la vie : éloge de la transparence, culte du son direct, etc. Le discours sur le cinéma de fiction eut alors tendance à se recentrer sur l’analyse des structures narratives, jusqu’à devenir une pure herméneutique, sacrifiant au passage l’esthétique de la forme ; du côté de l’expérimental l’esthétique de la forme eut tendance à se réduire à un discours formaliste au détriment de toute perspective sémiotique consistante. Voilà quelques arguments permettant d’expliquer pourquoi deux sphères de création cinématographique, le film de fiction et le film expérimental, se retrouvèrent cantonnées et réglées par des discours esthétiques prescriptifs : le premier ne devait pas être le lieu d’expériences formelles, le second n’avait pas vocation à engager des tactiques fictivisantes. Bien sûr qu’il y eut Jean Luc Godard, Chris Marker, Alain Robbe-Grillet, Alain Resnais, Margueritte Duras, Marcel Hanoun, les productions Zanzibar et des dizaines de films

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connus ou pas connus constituant un corpus intermédiaire entre fiction et expérimental, mais le plus souvent cette production a été interprétée sous l’angle de nouveaux métissages du cinéma avec la littérature, les arts plastiques, la photographie ou le théâtre et beaucoup moins comme expression d’une condition vitale du cinéma : le poétique. Or, depuis Un chien andalou (1929), et davantage encore L’Âge d’or (1930), démonstration a été faite qu’au-delà de toute taxinomie stérile des genres, la figure actorielle et le récit appartiennent pleinement au cinéma expérimental. Et si l’on revient à la notion de théâtralité, vue maintenant sous l’angle du surréalisme, on s’apercevra qu’elle peut désigner le vecteur par lequel s’introduit dans le film l’excentricité, le tonitruant, le non-prédicable et le tapageur, bref tous les ingrédients pour une poétique ironique et cynique bousculant les cadres et les hiérarchies. Une ontologie de ce crédo poétique peut être dégagée du discours des avant-gardes, mais à condition de nettement distinguer les moyens de la fiction de l’utilisation de ces moyens. De ce point de vue, le rejet catégorique du film à vedette et à scénario par Léger doit avant tout être compris comme un rejet de l’édifice culturel de son époque dans lequel le cinéma jouait un rôle précis de divertissement, de perpétuation de valeurs artistiques académiques et de motifs romanesques débilitants, le tout empêchant la conscience des publics de s’élever au niveau des enjeux de l’art moderne. Cette volonté d’ébranlement, on la retrouvait encore dans le mouvement du Panique d’Alexandro Jodorowsky, Fernando Arrabal et Roland Topor au milieu des années 1960. Ces artistes, metteurs en scène et cinéastes, repartaient très précisément du théâtre pour définir un renouvellement global de la relation du spectateur au spectacle et des lois de composition de toute représentation. L’art Panique comme combinaison d’euphorie, d’humour et de terreur — 4 constituait un terrain extrêmement

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favorable au développement d’un cinéma de fiction expérimental. Revoir Viva la muer te (1971) de Arrabal nous en convainc encore de toute sa puissance. Quel est l’état de ce terrain aujourd’hui ? Voilà un sujet qui mérite toute l’attention de la sphère expérimentale, car c’est en faisant cet effort de réappropriation des moyens de la fiction et en les faisant dévier de leurs usages dominants, que l’on peut ébranler les fondements de l’institution cinéma grâce à l’intelligence poétique. Car c’est de cela au fond dont il s’agissait à l’époque et dont il s’agit toujours aujourd’hui : soustraire la force subversive et critique de l’art à la rationalité de l’industrie culturelle qui, certes, reconnaît la légitimité de chaque œuvre singulière et de chaque courant stylistique, mais les neutralise en leur affectant un 4 — Alejandro Jodorow sky, espace et un rôle précis dans le mouveVer s l’ép hém ère pan ique ou sort ir le thé âtre du ment global : Le cinéma de fiction doit rathé âtre , 196 5, rep ris conter des histoires, réalistes si possible dan s Le Pan ique (Fer nan do et respectant les grandes valeurs humaArra bal, 10/ 18, 197 3) p. 81. nistes, le cinéma expérimental doit nous surprendre en jouant avec les formes et les technologies nouvelles. Le poids écrasant en France du film « à scénario et à vedettes », auquel presque tout le monde finit par s’habituer comme s’il s’agissait d’une identité génétique de ce secteur culturel, est proprement insupportable. L’embarras devant lequel se trouvent souvent les commissions de l’aide sélective du CNC face à des projets qui ne relèvent ni de ses critères d’identification du cinéma expérimental, ni de ses critères d’identification du cinéma de fiction, illustre parfaitement cette situation regrettable. Voilà pourquoi le Collectif Jeune Cinéma porte une attention soutenues à des entreprises artistiques comme celles de Pierre Merejkowski ou d’Orsten Groom et promeut à travers son festival des formes de fiction déviantes provocant très souvent un sentiment de gêne chez les maniaques du rangement.

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l’ ami amer an Roy Orlan Roy

Compagnon de lumière, Sébastien Koeppel, cinématographe, a toujours été un secret, c’est-à-dire, avec la rage de l’avoir perdu, nous avons eu le plaisir de partager son amitié, mais. Peut-être est-il devenu plus beau d’avoir disparu, de nous avoir laissé. Je crois que je l’ai laissé seul souvent, nous avons été seul bien des fois, bien des soirs, des soirs entiers. Parce qu’il était complexe à rejoindre en route, comme une mécanique subtile insurpassable, une fleur sauvage ouvragée vue le long d’oriflammes aux corcovades, il avait la rage de dent et le regard bleu argenté des voyageurs, le mal de dos des grands plongeurs asphyxiés. De tous les présents du monde, la lumière rappelle chacun à l’inconsolable solitude du soleil. Il avait hérité de toutes ses visites, de toutes ses écoutes le choix fragile des cœurs impatients. Il était fou d’une folie secrète, de celle dont on rigole, qu’il se gardait bien de décrire. Pour cela il n’était ni parmi les techniciens ni parmi les anges, encore moins menteur, fourbe ou réalisateur. Il avait les mains d’un ange, battant soigneusement des plumes autour des coffrets qu’enfermaient la pellicule fraîche ou moins fraîche, la profane machine comme au pourtour de quelque chose de magique, une mécanique qu’il mesurait chaque fois goutte-à-goutte, infatigable médecin des sensitomètres. Précieux comme un héros de roman, plus précieux que nous, l’un des seuls honnêtes en vérité. Si précieux, que parfois il éprouvait ses hôtes, qui chaque fois l’invitait pour faire de nouveaux plans, de nouveaux films, quand lui n’était jamais loin des précédentes recherches et

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des derniers convois. Dans ses impeccables cahiers mouchetés, ses collections reliées, ses étagères nettes, la poussière prenait une allure de chrysanthème, venant ainsi recouvrer ses droits à être la robe subtile des choses. Ami des cinéastes du temps, il passait ses jours ainsi qu’un alchimiste moderne, à réduire, contraindre ses prétentions, tout en connaissant les larges palais et les cuisines infinies des princes secrets, des princesses secrètes. Du moins, c’est ainsi qu’il avait la faculté de rêver, en ces temps de merde médiatique. Sa douleur physique n’avait d’égale que sa perfection en la matière, ainsi que son étonnante persévérance à développer, à traduire les degrés, les nuances, les franches violences voulues par ses camarades. Pour quelqu’un qui souffrait de si près le cinéma, on aurait dit que toute sa science, sa connaissance de la profession était dans son œsophage, ou réparti finement au gré des cartilages, dans les contacts éruptifs de ses nerfs ensemble, une forêt de sensation, qu’il torréfiait, par cigarette ou caféine, au sein de son organisme, distillant sans cesse de nouveaux composés. Sébastien était prêt à tout, à n’importe quel plan, n’importe quel possible, il l’aurait fait, il l’aurait transformé, distillé jusqu’au dernier pixel. Sébastien K., d’un autre siècle c’est certain, agitait ses mains squelettiques sous le soleil de sa lampe, se plaignant à trente ans déjà de la grippe ou d’un roulis dans les sensations d’une optique. Près de lui, nous semblions heureux et certainement blêmes, en comparaison de sa beauté, de son beau visage pressé de discrétion, de ce mystère à peine secret qu’il avait dépassé depuis longtemps. Joueur, il goûtait le secret des visages, des maquillages, des traits amers ou des rides intimes et plissés qui font les grands masques. Mieux, nous l’imitions. Il paraissait maigre, mais ne l’était pas. Il était grand tandis que nous jouions à maigrir pour paraître plus grands. Il filmait tel un oiseau calme, futé, organisé, prêt, serein. Sous son regard, nous filmions avec précision, cette

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amplitude. Et puis… Son élégance à nous conter les terribles péripéties techniques dont il était accablé. La permanence de ses confessions était réglée selon un procédé amical. Avec lui à nos côtés, le cinéma était possible, il en faisait son affaire, à nous d’entendre les candélabres de ses pas-à-pas sur le chemin de la lumière. De tous les acteurs sur le plateau, c’était le plus exigeant comme un sergent de l’armée de terre tout-à-fait resté première guerre mais qui sait et connaît les accidents des guerres folles d’aujourd’hui. Il pouvait rigoler d’une arri, mais pas d’une mitchell. Quand il souriait et chantonnait, car là était son plus grand plaisir, il lui arrivait de ne dire, pratiquement, que des conneries. Je l’aimais comme un frère, sachant que je le volais à mes amis qui s’était fait une fierté de l’emporter sur leurs projets faramineux, des Fitzcarraldo à l’échelle de nos bourses, dont il portait avec nous l’étrange poids visible. Chaque film fait et tricoté dans sa longueur le rapprochait de la grand-mère au coin du feu et le sortait de la possibilité de la mèche, de son air ou punk ou dandy sec. Ses intenses amis le mettaient en branle le temps du tournage (à se cogner les interminables discussions avec les producteurs d’alors, dont il avait je crois la gangrène...) puis le plongeaient solitairement dans une attente longue d’années en décennies, comme si il fut en fin de conte un délinquant écarté de la société ou un alcoolique au cœur poétique porté sur une chimère de nonne, de papesse de luxe. Pourtant il partait tôt la nuit bardé de matériel et affrontait la route, les vents quitte à photographier le givre sur les vitres, et s’inquiéter du sodium. Jamais je crois je n’aurais osé faire un film avec lui de crainte de ne pas le terminer vite, sinon ç’eut été le condamner à tenir un cap de plus, infatigable marin des nuages à la pharmacopée très particulière. Il n’a, je crois, jamais trouvé son médicament. Cet opium mystérieux, cet onguent céleste qui aurait pu calmer ses douleurs, est resté intact, loin de lui, dans une outre japonaise, une étagère aztèque loin

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des gares. Sébastien connut la joie terrassante des travailleurs du soleil avec ses amis cinéastes qu’il aimait le plus au monde, qu’il avait choisis. Comme certains ont eu des amants secrets, nous voilà lié d’une amitié indicible sous les pelotes des amitiés croisées et corsaires de la galaxie bruxelloise d’alors. Le chômage, l’Europe molle et ratée, nous frappa comme une vérole grossière, comme un vocabulaire de chirurgien édenté. Nous et tous ceux qui de près ou de loin avait eu pour coutume, ou de famille, pas fait exprès, la tentation de regarder le monde comme il va. Nous nous gardions bien d’être des assassins (regarder tous ces romanciers qui se ternissent l’âme à imaginer les pires saloperies sur leur lecteur assidu mais lassé) ou des tordus piégés par des âmes changeantes et assoiffés de feuilletons, voire de tweets. Nous ne croyions pas aux difficultés qui croissent avec les fictions classiques ou décalcifiées, voire ses déviances, nous n’étions pas esclaves des scénarios qui n’arrivent jamais à concevoir le principe du plaisir, ni même sa couleur jaune calme. Non, nous rêvions de Jazz, d’autodafé, de Corvettes, de café brûlant des Antilles.

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i n f o r m at i o n s p r at i q u es


É Q U I P E E T PA R T E N A I R E S

PRÉSIDENTE DU CJC : Laurence Rebouillon DIRECTION : Frédéric Tachou COORDINATION GÉNÉRALE : Victor Gresard COORDINATION 2 : Théo Deliyannis ASSISTANTS À LA COORDINATION : Camille Degeye, Brieuc Schieb ATTACHÉE DE PRESSE : Mathilde Bila PROJECTIONNISTES : Jean-Paul Fleury, Allan Chung CONCEPTION GRAPHIQUE : Atelier Tout va bien

Le CJC bénéficie du soutien du CNC, de la DRAC Île-de-France, du Conseil Régional d’Île-de-France et de la Ville de Paris. En partenariat avec Luminor Hôtel de Ville, Pleasure Dome, Le Grand Action, La Maison de la culture du Japon, Curry Vavart, Kino Club, l’Etna, Le Studio des Ursulines, MUBI, Les Cinémas indépendants Parisiens, 8 Numérique, Re:voir, Mediacapture, S8 reversal Lab et Paris Expérimental.

COMITÉ DE PROGRAMMATION FOCUS : Angélica Cuevas Portilla, Théo Deliyannis, Victor Gresard, Pleasure Dome, Jonathan Pouthier, Gabrielle Reiner, Orlan Roy, Frédéric Tachou, Derek Woolfenden COMITÉ DE PROGRAMMATION COMPÉTITION : Gérard Cairaschi, Philippe Cote, Angelica Cuevas Portilla, Frédérique Devaux, Victor Gresard, Gloria Morano, Fabien Rennet, Frédéric Tachou COMITÉ DE PROGRAMMATION COMPÉTITION DES CINÉASTES DE MOINS DE quinze ANS : Bernard Cerf, Théo Deliyannis, Laurence Rebouillon, Frédéric Tachou

REMERCIEMENTS : L’équipe du festival remercie tous les membres du CJC qui ont travaillé bénévolement à la réalisation de cette 17 e édition du Festival des cinémas différents et expérimentaux de Paris. Le CJC remercie également pour leurs participations, idées et soutiens : Gabrielle Grosclaude (DAAC du rectorat de Créteil), Serge Dentin (Polly Maggoo Marseille), Anne Bargain et Elsa Rossignol (Cinémas indépendants Parisiens), Nanako Tsukidate, Bertrand Grimault et Monoquini, Clément Rauger, Jeanne Vellard, Laurent Petitcolas, Filipe Afonso, Delphine Imbert, Frédérique Ros (et les Films du Jeudi), Jean-Pierre Bastid, Raphaël Bassan, Guillaume Ligoule, Antoine Héraly et Ashley Molco Castello. Et un grand merci à tous les cinéastes et artistes qui ont permis à cette édition de voir le jour, ainsi qu’aux aux jurys, programmateurs et tous les invités.


I N F O R M AT I O N S P R AT I Q U E S

01 80 60 19 83 festival @ cjcinema.org www.cjcinema.org Les Voûtes 19, rue des Frigos, Paris 13 e

Tarif pour une séance : 5€ PASS festival : 15€ PASS festival + sac + dvd : 20€ Le Pass festival ne donne accès qu’aux évènements des Voûtes.

Centre Pompidou Place G. Pompidou, Paris 4 e

Tarifs : plein 6€, réduit 4€ Gratuit pour les détenteurs du Laissez-passer du Centre Pompidou

Le Grand Action 5, rue des Écoles, Paris 5 e

Tarifs : plein 9€, réduit 7€ Carte UGC illimité acceptée

Maison de la Culture du Japon 101 bis, quai Branly, Paris 15 e

Tarif unique : 5€

Luminor Hôtel de ville 20, rue du Temple, Paris 4 e

Tarifs : plein 8,50€, réduit 7€ Cartes UGC illimité et le PASS acceptées (supplément : 2€)

Le Shakirail 72, rue Riquet, Paris 18 e

Participation libre

Le Studio des Ursulines 10, rue des Ursulines, Paris 5 e

Tarif unique : 6,50€


mer . 7 oct.

19 H 0 0

CENTRE POMPIDOU

jeu . 8 oct.

20H00

G R A N D ACTI O N

ven . 9 oct.

19 h 0 0

M cjp

sam . 1 0 oct.

18 h 0 0

LU M I N O R H ÔTE L D E V I L L E

dim . 11 oct.

20H00

LE SHAKIRAIL

lun . 12 oct.

20H00

STUDIO DES URSULINES

mar . 13 oct.

20H00

les vo û tes

mer . 1 4 oct.

18 H 0 0 20H00 22H00

les vo û tes les vo û tes les vo û tes

jeu . 15 oct.

18 H 0 0 20H00 22H00

les vo û tes les vo û tes les vo û tes

ven . 1 6 oct.

18 H 0 0 20H00 22H00 00H00

les les les les

vo û tes vo û tes vo û tes vo û tes

sam . 17 oct.

16 H 0 0 18 H 0 0 20H00 22H00

les les les les

vo û tes vo û tes vo û tes vo û tes

dim . 1 8 oct.

16 H 0 0 18 H 0 0 19 H 0 0 21H 0 0

les les les les

vo û tes vo û tes vo û tes vo û tes


f o c u s N O1

Histoire de détective

f o c u s N O2

Du Nécrorealisme

f o c u s N O3

L’Empereur Tomato Ketchup

f o c u s N O4

La Fin des Pyrénées

f o c u s N O5

Des films pou griffer le monde…

f o c u s N O6

Cochihza

f o c u s N O7

Soirée d’ouverture — Phénix

compétition f o c u s N O8 compétition

Programme n o 1 La ville c’est la fiction Programme n o 2

compétition f o c u s N O9 compétition

Programme n o 3 Interferencias Programme n o 4

compétition f o c u s N O1 0 compétition intervention

Programme n o 5 Underground bruxellois Programme n o 6 Pages arrachées (l’Etna)

séance spéciale compétition f o c u s   N O 11 c o m p é t i t i o n

Cinéastes de moins de quinze ans Programme n o 7 Nothing but the truth Programme n o 8

c o m p é t i t i o n  f o c u s   N O 12 c o m p é t i t i o n  f o c u s   N O 13

Délibération publique du jury Cinéma hors-les-normes Reprise de tous les films primés Soirée de clôture — Les Scotcheuses


La 17 e édition du Festival des Cinémas Différents et Expérimentaux de Paris présente huit programmes compétitifs ainsi qu’une série de séances focus sur le thème intitulé « Fiction , Déviation ». À cette formule déjà classique nous adjoignons cette année un évènement original : une compétition consacrée aux cinéastes de moins de quinze ans, destinée à ouvrir un espace d’expression alternatif aux jeunes créateurs et valoriser les imaginations qui sortent des cadres. Le public retrouvera dans la compétition internationale une production cinématographique couvrant une large palette d’esthétiques tout en devinant à travers les films quelques tendances caractérisant le cinéma expérimental contemporain. La thématique du festival ambitionne cette année de bousculer la fâcheuse habitude consistant à opposer cinéma de fiction et cinéma expérimental. À l’issue du festival, un jury international débattra ouvertement avec le public, des critères par lesquels nous pourrons honorer quelques films particulièrement réussis. Que l’esprit du surréalisme flotte autour de nous cette année ! — Frédéric Tachou —


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