Cool dans mon fauteuil 17 Si on m'avait demandé avant mon accident : Si tu te retrouvais en fauteuil qu'est-ce que tu ferais ? Je n'aurais pas eu de réponse. Je n'y ai jamais pensé avant. A cette époque les personnes en fauteuil ne circulaient pas dans les rues et je n'en avais pas dans mon environnement. Je n'en voyais jamais donc je ne pouvais pas l'imaginer. Aujourd'hui aller assister à un match de foot, c'est difficile pour moi. Pas à cause de mon handicap, mais de celui des autres. Parce que dans les stades, toutes les personne handicapées en fauteuils sont mis les unes à côtés des autres. Du coup je me sens mal à l'aise par rapport à d'autres personnes, à des Invalidités Majeures par exemple. Je n'ai pas l'impression d'être vraiment handicapé en comparaison. Souvent je suis obligé de me mettre à l'écart. Le paraplégique, comme moi, c'est facile, c'est un handicap « de luxe ». Ça reste confortable par rapport à d'autres. Si vous êtes tétraplégiques vous êtes dépendants. Et encore pas complètement, il y en a qui conduisent. Il y a beaucoup de personnes en fauteuil qui y restent toute la journée. Moi je n'aime pas rester dans mon fauteuil. Je n'y suis pas bien. Lorsque je suis avec des amis, j'aime m'installer avec eux dans le canapé. A ce moment-là, je suis assis à leur niveau, je redeviens comme eux. Mais ce qui me plaît le plus encore c'est l'instant magique, au bout d'un moment, où leur regard ne tient plus du tout compte de mon handicap. Je suis redevenu l'un d'entre eux. Je ne suis plus Jacques l'ami handicapé, mais juste l'ami Jacques.
Cool dans mon fauteuil 18 Si quelqu'un entrait dans la pièce à ce moment-là, il n'aurait pas ce regard condescendant sur ma personne parce qu'il n'y a plus marqué « handicapé » sur mes jambes. Ce qui est difficile ce sont les choses du quotidien qui nous rappellent notre état. On passe dans la rue, on s'arrête pour regarder quelque chose qui nous attire dans une une vitrine... et l'on voit son reflet en fauteuil. C'est troublant. Le regard que les autres posent sur nous nous rappellent à chaque instant notre condition. Si je suis dans l'ascenseur et que quelqu'un arrive, gentiment il propose : – Je prendrai le prochain. Alors qu'il y a de la place pour nous deux, bordel ! Habituellement je réponds en blaguant pour détendre l'atmosphère : – Je ne suis pas si gros que ça. Entrez ! Souvent c'est agaçant. Dans la rue, sur le trottoir, les gens font un écart ou ils s'arrêtent parce qu'ils ne veulent pas me gêner. Mais c'est leur comportement qui me gêne. Les gens peuvent passer à côté de moi il n'y a pas de problème, je n'ai pas la peste ! Au début, pendant dix ans pour moi, on ne veut pas se faire pousser. Je montais les trottoirs tout seul. Mais le coup de main pour monter n'est pas évident à prendre. Maintenant ça me fait chier. C'est moi qui demande aux gens que je croise de m'aider à monter une marche. Mais pendant longtemps on est indépendant. On ne veut pas se faire pousser ni rien. Je connais quelqu'un qui ne monte pas les trottoirs, il reste sur la route.
Cool dans mon fauteuil 19 J'en connais un autre, un ancien randonneur en montage, grand marcheur, pour qui il n'est pas question de monter autrement que sans aide. S'il est plus heureux comme ça... J'ai un copain, pour mettre son fauteuil dans la voiture, il demande toujours à quelqu'un. Moi maintenant j'ai le coup de main. Je sais comment le ranger pour pouvoir le descendre tout seul. Et si un passant demande : – On vous aide ? – Non merci. Mais parfois les gens m'aident sans même demander. Je les arrête : – Non monsieur pas comme ça ! Je sais que pour moi maintenant, ce n'est plus un problème. Ça dépend des moments. Les gens veulent souvent vous pousser. Si c'est un terrain plat je n'aime pas ça, parce que je m'arrête à un endroit ou à un autre, j'aime me diriger comme je veux, donc là c'est pénible. Même des amis par fois je leur demande de me pousser puis au bout d'un moment je leur réclame de me lâcher. Mais parfois on est obligé de se faire pousser quand il y a une grimpette trop dure, ce n'est pas moi qui vais la faire tout seul ! Pour le ménage, maintenant il y a quelqu'un qui vient deux fois par semaine. Je l'ai fait moi-même au début, passer l'aspirateur sur la moquette... C'est trop dur, trop fatiguant. On s'esquinte la santé avec ça !