Coraf Action N.57

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LETTRE D'INFORMATION

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4e trimestre 2010

POUR LA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEMENT AGRICOLES EN

AFRIQUE

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COL

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DE L'OUEST ET DU

CENTRE

Zone UEMOA : Intégration régionale, marchés et filières laitières

E MALI PRODUIT À PEU PRÈS CINQ CENT

mille tonnes de lait par an, le Niger trois cent douze mille et le Sénégal cent quarante-trois mille, en 2003. Ceci est largement révélateur de ce pourquoi les importations de poudre de lait croissent. Si l’on ajoute à cette explication l’exigence de qualité des produits par les consommateurs ainsi que les difficultés des Programmes nationaux de promotion des innovations, dont ceux des cultures fourragères et d’insémination artificielle, alors se fait sentir l’urgence de définir des politiques publiques adaptées. Les précédant, des institutions de recherche du Burkina Faso, du Mali, du Niger et du Sénégal ont lancé et exécuté le Projet «Intégration régionale, accès aux marchés et diversification de l’agriculture dans la zone UEMOA : options politiques pour des filières laitières compétitives et durables ». Financé par le CORAF/ WECARD, à travers le Fonds compétitif régional (FCR), le Projet a duré de 2005 à 2007. D’autres causes avaient justifié l’avènement d’un tel Projet. Les actions des services de l’élevage se sont, en effet, souvent limitées aux Programmes de lutte sanitaire

sans prendre en compte le développement de la production et du commerce des produits animaux. Ensuite, depuis

des troupeaux ; amélioration des techniques de transformation et de l’hygiène du lait. Donc, par défaut d’évaluation socioéconomique de ces options techniques, ces Projets n’ont pas toujours abouti à de véritables recommandations de politiques nationales ou régionales. Le pourraient elles, d’ailleurs, vu le nombre très réduit des recherches sur le fonctionnement des fi-lières et les marchés ainsi que leurs résultats peu valorisés. Au demeurant, jusqu’en 2003, l’élevage a souvent été le parent pauvre des politiques agricoles en Afrique de l’Ouest. Modalités de privatisation des sociétés d’Etat

deux décennies, de nombreux projets de recherche, conduits sur ces thématiques, sont essentiellement techniques : amélioration de l’alimentation ; amélioration des infrastructures d’élevage ; amélioration génétique et suivi sanitaire

C’est pourquoi, ce Projet, surnommé « politiques laitières » par les chercheurs eux-mêmes, a voulu contribuer à l’élaboration des politiques publiques ayant des impacts sur la diversification des systèmes de production agricole et l’accès aux marchés laitiers. Pour ce faire, il convient, aujourd’hui, de mieux cibler les actions susceptibles de renforcer la compétitivité des filières laitières, pour appuyer la diversification des systèmes agricoles et favoriser une meilleure couverture de la demande des productions locales.

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DE LA RECHERCHE REGIONALE sur les coûts de production et de commercialisation ainsi que sur les niveaux de prix des produits importés en concurrence avec les produits locaux. Elles sont fortement influencées par les négociations internationales autour des Accords de l’OMC, des Accords de partenariat économique (APE) entre l’Union Européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Enfin, les politiques macroéconomiques et d’investissement nationales concernent les politiques monétaires relatives aux taux de change, aux taux d’intérêt, les grands projets d’aménagement du territoire, de construction et d’entretien des infrastructures routières, ferroviaires et portuaires, les programmes de recherche publique, etc. Elles conditionnent, directement ou indirectement, la compétitivité des filières locales. Dans la littérature, les questions abordées montrent que les interrogations relatives à l’élaboration des politiques laitières sont transversales pour plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest : questions sur le carctère saisonnier de la production, l’amélioration génétique du cheptel bovin, la qualité des produits, l’émergence de filières industrielles, les niveaux d’ouverture des marchés. Des demandes similaires émanent ainsi des acteurs et des décideurs dans les différents pays, justifiant par conséquent la mise en commun des efforts des équipes de recherche nationales. Par ailleurs, en raison de l’harmonisation des règles des échanges commerciaux au sein du marché commun, certaines politiques se définissent à l’échelle régionale. Il s’agit, notamment, du niveau des barrières douanières, des règles de taxation intérieure et des mesures de contrôle de l’hygiène et de la qualité des produits. Ainsi, le Projet vise à proposer des options politiques nationales et régionales permettant de faciliter l’accès aux marchés, des options de diversification des producteurs agricoles, tout comme il cherche à contribuer à l’émergence de plans nationaux de développement laitier, de réglementation des produits et des politiques commerciales cohérentes.

En gros, sont concernés cinq grands domaines : les pratiques d’élevage et l’accès aux intrants ; l’accès aux ressources ; l’organisation professionnelle ; les réglementations commerciales et fiscales ; le pilotage macroéconomique. Dans chacun de ces domaines, les politiques publiques ont des objectifs et des impacts spécifiques. En effet, les politiques d’élevage et d’accès aux intrants concernent les Programmes de santé animale, dont la privatisation vétérinaire, les Programmes d’amélioration génétique, les règles d’accès aux sous-produits agro-industriels — quotas de graine ou de tourteau de coton, etc., l’organisation du crédit agricole et la structuration des services d’encadrement technique. Il est attesté que ces politiques ont un impact déterminant sur l’adoption de certaines innovations et les coûts de production, influençant donc le renforcement des stratégies de diversification des producteurs. Les politiques d’accès aux ressources regroupent les politiques de régulation foncière, les Programmes d’aménagement, l’hydraulique pastorale et les modes de gestion décentralisée des ressources naturelles. Elles conditionnent aussi la durabilité des activités de diversification et permettent de sécuriser les investissements en capital productif — terre, animal, matériel. Les politiques d’organisation professionnelle concernent les grandes orientations en matière d’organisation des filières et d’organisation du monde paysan, de formation – relativement aux lois sur les statuts collectifs des associations, des Groupements d’intérêt économique (GIE), des coopératives, des fédérations, des communautés de base, etc. –, d’appui aux organisations interprofessionnelles, à la concertation locale et nationale avec les Chambres d’agriculture du Mali (CAM), les Commissions régionales des utilisateurs (CRU) et la Commission nationale des utilisateurs (CNU) au Mali, les Comités locaux de concertation des organisations de producteurs (CLCOP) et les Maisons des éleveurs (MDE) au Sénégal, etc. Elles concernent également les grandes orientations en matière de modalités de privatisation des sociétés d’Etat, de prise en charge des systèmes d’information sur les marchés (SIM), d’organisation des écoles et des centres de formation agricoles.

L’impact des APE a été particulièrement étudié

Contrôle de l’hygiène et de la qualité des produits

Toutes ces politiques deviennent importantes dans la gestion du monde agricole et la régulation des filières. Les pays africains accordent, en effet, une place de plus en plus grande à la participation des producteurs et des acteurs économiques aux processus de leur élaboration. Ces dynamiques d’organisation ont une influence directe sur la formation du capital humain, la circulation de l’information économique et la diffusion des innovations. Elles conditionnent ainsi les dynamiques de diversification et le renforcement de la compétitivité des filières. Les politiques commerciales et fiscales regroupent les réglementations sur les barrières douanières et tarifaires, le contrôle de l’hygiène et de la qualité des produits, les niveaux de taxation intérieurs — taxe sur la valeur ajoutée, taxe sur les bénéfices, taxes locales —, la simplification des procédures d’importation et d’exportation par la création du guichet unique, les mécanismes de subvention, les politiques de contrôle ou de libéralisation des prix. Elles ont un impact direct CORAF ACTION N° 57

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Pour y parvenir, le Projet a produit des connaissances scientifiques sur l’analyse des marchés et de la demande en lait et en produits laitiers, l’analyse des facteurs de compétitivité des filières laitières locales, la compréhension des déterminants de la diversification des systèmes agricoles vers la production laitière et la formulation d’options politiques pour renforcer l’accès des petits producteurs aux marchés. Il a également renforcé la concertation nationale et régionale pour l’élaboration de politiques publiques dans le secteur laitier à traduire en plans nationaux de développement laitier, en réglementations sur les produits, en politiques tarifaires, mais aussi pour la prise en compte de l’élevage dans la Politique agricole de l’Union (PAU). Il a, enfin, contribué à la formation de ressources humaines — acteurs, agents des services d’encadrement, des OP, des ONG, des administrations — impliquées dans l’élaboration de politiques et les recherches scientifiques. Il s’agissait d’encadrement de mémoires d’étudiants de troisième cycle, d’appui méthodologique à des thèses en cours, de renforcement des capacités des chercheurs sur les méthodes d’analyse des politiques.


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phie de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar ; à finir par la formation des acteurs et décideurs lors de sessions de diffusion et de vulgarisation des résultats de recherche. D’un point de vue méthodologique, le Projet a développé des analyses basées sur des questions se rapportant à la filière dans son ensemble, à un « système constitué d’acteurs remplissant des fonctions qui sillonnent le parcours d’un produit ou d’un groupe de produits, de l’exploitation agricole à la bouche du consommateur ». Dans les cadres de concertation, ont été débattues les options politiques relatives à l’élaboration de plans nationaux de développement laitier portant sur les modèles techniques d’élevage et de transformation laitière, les règles d’accès aux intrants et aux ressources pastorales et les types d’organisation professionnelle ; l’élaboration de réglementations sur la qualité respectueuses des spécificités des produits fermiers locaux et des exigences en matière d’hygiène et de santé publique ; l’impact des niveaux de taxation et de barrière tarifaire négociés dans le cadre des accords régionaux et internationaux sur la dynamique de développement des filières laitières. Sous ce rapport, le cas de l’impact des APE a été particulièrement étudié.

Les résultats assignés étaient la production de connaissances scientifiques régionales, c’est-à-dire la production de rapports, d’articles scientifiques et de vulgarisation, de communications à des séminaires sur l’évolution des marchés laitiers, les facteurs de compétitivité des filières locales, la diversification de l’agriculture et sur les options de politiques laitières ; l’animation du Réseau régional de recherches sur les politiques laitières en Afrique de l’Ouest (REPOL) incluant la mise en place d’un site web, la production de notes de synthèse et des échanges avec les experts de l’UEMOA ; l’organisation, en fin de projet, d’un séminaire international sur les politiques publiques et la compétitivité des filières laitières en Afrique de l’Ouest. Les résultats assignés étaient aussi le renforcement de la concertation régionale et nationale, autrement dit l’animation d’instances de concertation nationales impliquant chercheurs, décideurs, agents des ONG et des OP et permettant la formation et l’information des acteurs sur les résultats scientifiques du Projet ; la rédaction d’un ouvrage de synthèse destiné aux acteurs et décideurs et faisant le bilan des recherches et des cadres de concertation. Les résultats assignés étaient, enfin, la formation de ressources humaines, à commencer par celle des chercheurs du Projet aux techniques de recherche-action et aux choix méthodologiques communs, par un atelier, en début de projet, regroupant toute l’équipe de recherche ; puis à passer à la finalisation de 7 thèses de doctorat en cours et à l’encadrement de stagiaires de l’Ecole inter-Etats des scien-ces et médecine vétérinaire (EISMV) et de l’Ecole nationale supérieur d’agriculture (ENSA) au Sénégal, de la Faculté d’agronomie de Niamey, de l’Ecole polytechnique de Katibougou au Mali, de l’Institut de développement rural au Burkina Faso, de l’Université de Ouagadougou, du département de géogra-

L’équipe de recherche au grand complet

Sénégal, Mali, Niger et Burkina Faso Papa Nouhine Dieye : coordination régionale Cécile Broutin, René Poccard-Chapuis, Harouna Koré, S. Hamadou et M. Ouedraogo : analyse des marchés Papa Nouhine Dièye, Christian Corniaux, Gilles Vias, S. Hamadou et M. Ouedraogo : déterminants de la compétitivité Maty Bâ Diao, Doubangolo Coulibaly, G. Vias, S. Hamadou et M. Ouedraogo : diversification Guillaume Duteurtre, Youssouf Koné, Koré Harouna, L. Tata, S. Hamadou et M. Ouedraogo : formulation de politiques et formation P. N. Dièye, M. Bâ Diao, D. Coulibaly, R. Poccard, G. Vias, S. Hamadou et M. Ouedraogo : concertation nationale Cheikh Ly : concertation régionale G. Duteurtre : formation

DE LA RECHERCHE REGIONALE

Contact : Paco Sérémé CORAF/WECARD, BP 48 Dakar RP CP 18523, Dakar, Sénégal Tél. : (221) 33 869 96 18 Fax : (221) 33 869 96 31 E-mail : paco.sereme@coraf.org Skype : Skypesereme Internet : www.coraf.org

Les marchés face aux modes de consommations du lait

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OUS VENONS DE VOIR QUE LA FAIBLE PRODUCTION DE LAIT NE

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couvre pas la forte demande des consommateurs Ouest africains. Dès lors, quoi de plus attendu que les importations de lait en poudre soient massives de trente-cinq milliards de francs CFA au Sénégal, de quinze au Mali, de quatre-vingts au Niger ! Dans le même temps, les politiques publiques n’ont pas cherché à favoriser un meilleur accès au marché des produits locaux des producteurs céréaliers, cotonniers ou arachidiers engagés dans un processus d’intensification de leurs exploitations et d’intégration de l’agriculture et de l’élevage. Voici autant de raisons justifiant la mise en œuvre, par des institutions de recherche du Burkina Faso, du Mali, du Niger et du Sénégal, du Projet « Intégration régionale, accès aux marchés et diversification de l’agriculture dans la zone UEMOA : options politiques pour des filières laitières compétitives et durables », financé par le Fonds compétitif régional (FCR) du CORAF/-WECARD, pour la période 2005-2007. CORAF ACTION N° 57

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DE LA RECHERCHE REGIONALE acheter des sachets de plus de 400 à 500 grammes ; au ramadan à faire du lait caillé domestique servant à la confection de plats (voir encadrés).

Dans la vallée du Fleuve Sénégal, les zones rizicoles du Delta du Niger, les bassins cotonniers du Sénégal, du Mali et du Burkina Faso et autour de leur capitale, on observe la dynamique particulière qui s’y développe. En matière d’innovations techniques et organisationnelles, on a vu au sein de ces bassins agricoles pionniers, les populations pastorales à l’œuvre pour la valorisation du lait, représentant une importante source durable de revenus. La fabrication et la vente de lait caillé et de beurre fermier ont, en effet, généré des opportunités d’échange sous forme de troc ou des entrées régulières d’argent, même dans les zones les plus enclavées. A côté de ces filières traditionnelles, « surgissent progressivement de terre », dans certaines zones agro-pastorales, de véritables bassins laitiers s’adonnant à la collecte journalière du lait frais, notamment aux abords des capitales mais aussi des villes secondaires, y compris celles du Tchad. Cette activité de collecte est à mettre à l’actif des entreprises de transformation modernes ou artisanales que sont ateliers, coopératives, centres de collecte, mini-laiteries, fromageries, laiteries industrielles.

La préparation de lait caillé est le fait des transformateurs de rue qui achètent la poudre par sac de 25 kilos, qu’ils transforment en lait reconstitué liquide, avec des taux de dilution très variables. Puis, il le fermente, dans des bassines, avec un peu de lait fermenté. Le prix moyen de vente du lait caillé obtenu est de 600 francs CFA le litre. Les vendeurs rencontrés ont des niveaux d’activité très variables ; ils sont, cependant, majoritairement satisfaits de l’évolution de leurs revenus et de leur clientèle. Tous d’origine pulaar, ils ont choisi cette activité, par tradition, et souhaitent la maintenir dans le futur.

Fédérant les compétences de chercheurs trop dispersés

Ces filières sécurisent les débouchés qu’elles procurent, offrent ainsi de réelles potentialités pour l’intensification des systèmes agricoles et pastoraux, tout en permettant une meilleure gestion de l’environnement, à savoir la conservation des fourrages, la valorisation des résidus de récolte, l’utilisation du fumier et la traction animale. Elles favorisent également le développement de dynamiques d’organisation des producteurs, l’émergence d’une demande solvable en fourrages, en semences animales ou en crédits et la modification des règles d’accès aux ressources. De surcroît, la régionalisation des échanges de produits laitiers importés ou locaux — yaourt, lait fermenté, lait concentré — et d’intrants — aliments de bétail, matériel génétique, emballages —, au sein de la zone UEMOA, justifie que les politiques nationales soient mises en cohérence, à l’échelle régionale. En effet, l’harmonisation des politiques tarifaires, fiscales et réglementaires de ses pays, les réflexions sur la Politique agricole de l’Union et les négociations conduites par la CEDEAO sur la réduction des aides à l’exportation des pays du Nord militent toutes en faveur de cette approche régionale du problème. C’est ce qui fait dire aux chercheurs de ce Projet que « ce nouveau contexte appelle une synthèse des expériences des divers pays de la zone, comme souligné lors du colloque ‘Lait sain pour le Sahel’, tenu à Bamako, en mars 2005. La nécessité d’une approche régionale des politiques d’élevage, poursuivent-ils, est aussi soulignée par la FAO dans le cadre de son Initiative en faveur des éleveurs pauvres. » A cela, ils ajoutent que le « Réseau de recherches et d’échanges sur les politiques laitières (REPOL) peut permettre de répondre à cette demande, en fédérant les compétences de chercheurs jusqu’ici trop dispersés dans diverses institutions nationales. » Au vu de tout cela, les chercheurs se sont penchés sur l’étude des marchés, de la consommation du lait et des produits laitiers et les stratégies de leur commercialisation dans les quatre pays. A Dakar, le lait en poudre est utilisé presque par tous les ménages. Son usage généralisé au petit-déjeuner consiste à CORAF ACTION N° 57

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Le lait ultra-haute température (UHT) est consommé essentiellement sous forme de boisson, ce qui peut expliquer qu’il soit faiblement consommé, durant le ramadan, par 46 % des ménages contre 98 %, en dehors de cette période. Sa consommation ne cesse, pourtant, de croître, à Dakar, où les « abonnés » étaient déjà, en 2002, 60 % de sa population. Cette augmentation peut être liée à un changement d’habitudes. Quant au lait cru, il est consommé surtout sous forme de boisson, pendant le ramadan, et très faiblement après. Ceci peut s’expliquer par la difficulté des gens de se le procurer, à Dakar, et par la perte de goût du lait naturel chez beaucoup. Les transformatrices ou revendeuses rencontrées proposent surtout du lait caillé, parfois du lait cru, de l’huile de beurre (appelé en wolof « diw ñor ») ou de la crème. Le yaourt en pot, consommé par beaucoup de ménages, mais en faible quantité, est surtout réservé au goûter des enfants. La consommation du fromage fondu, sous forme de tartine de pain au petit-déjeuner, est relativement importante ; celle du gruyère est plus importante, en période de ramadan, mais il est réservé plutôt au chef de famille à cause du prix élevé ; celle du lait concentré, qui semble avoir repris après une forte baisse ayant suivi la dévaluation du franc CFA de 1994, est essentiellement préférée en lait concentré non sucré par 49 % des ménages, pendant le ramadan, et par 88 %, après, ceci étant sans doute dû au fait qu’il serve, comme complément à d’autres produits laitiers, dans les plats à base de mil souvent servis au dîner. En augmentation en saison froide, la consommation hors du foyer — dont les gargotes (« tàngana » en wolof) — des

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1). Par contre, lorsque leur revenu est faible, ils ont tendance à diversifier.

produits laitiers concerne essentiellement le café au lait (ajout de lait reconstitué poudre ou de lait concentré sucré) et la tartine de pain avec de la margarine. En matière de stratégies de commercialisation, l’utilisation des indications géographiques est de rigueur. Les unités de transformation se servent du lait de vache pour fabriquer des produits laitiers améliorés et mieux présentés aux consommateurs. Le lait cru est traité et transformé aussi bien en lait frais pasteurisé qu’en lait caillé sucré ou non sucré et en huile de beurre. Ces produits sont mis dans des sachets plastiques hermétiques de 250, de 500 et de 1000 millilitres. Leur différenciation porte sur la marque adoptée par les laiteries, mais également sur les mentions sur l’emballage se rapportant généralement à la qualité ou au terroir. Chaque unité de transformation attribue une marque à ses produits commercialisés. Les marques adoptées pour le lait local indiquent généralement le terroir du produit ou du promoteur. La référence à la culture pulaar permet de les particulariser par rapport aux autres, ce qui participe à les valoriser et à faciliter leur distribution pour la vente. Au Sénégal, le marché de produits laitiers s’agrandit de plus en plus. La prolifération du nombre de marques et l’accroissement de la consommation ont favorisé le développement de ces actions de marketing, dont la publicité à laquelle les Sénégalais sont réputés très sensibles, surtout le panneau d’affichage urbain en wolof qui « sénégalise » un très grand nombre de produits pourtant non sénégalais. Sur ce point, il semble que les emballages et les publicités créent une confusion chez les consommateurs, les induisent tout simplement en erreur sur l’origine et la composition des produits, se fondent sur le prestige d’une autre origine géographique, ne mentionnent pas l’origine de la matière première et ne renseignent pas sur la composition réelle. D’où la difficulté pour le consommateur de faire la différence entre les produits de lait naturel et ceux de lait en poudre. Au Burkina Faso, toujours parlant de la consommation du lait et des produits dérivés, notamment à Bobo-Dioulasso, les études réalisées montrent que les ménages allouent à leur achat un budget mensuel proportionnel à leur revenu : de 2 406 ± 2 106 francs CFA pour un revenu mensuel inférieur à 30 000 francs CFA ; 2 499 ± 1 882 francs CFA pour un revenu compris entre 30 000 et 60 000 francs CFA ; 3 024 ± 2 689 francs CFA pour un revenu compris entre 60 000 et 90 000 francs CFA ; 2 407 ± 2 167 francs CFA pour un revenu compris entre 90 000 et 150 000 francs CFA ; 5 000 francs CFA pour les revenus supérieurs à 150 000 francs CFA. Les dépenses mensuelles moyennes consacrées oscillent entre 200 et 14 000 francs CFA chez les gens du Nord et entre 200 et 12 000 francs CFA chez les gens du Sud. Ils dépensent en moyenne, par mois, 2 830 ± 2613 francs CFA chez les Nordistes et 2 170 ± 2 006 francs CFA chez les Sudistes, qui sont significativement différents au seuil de 1 %, traduisant effectivement des dépenses plus importantes chez les premiers. Les produits les plus consommés sont alors le yaourt, le lait pasteurisé et le fromage. Plus leur revenu augmente, plus ce budget est important (voir tableau

DE LA RECHERCHE REGIONALE

Tableau 1 : dépenses mensuelles en lait et en produits laitiers, selon le niveau du revenu des enquêtés

Source : Pale, 2006

Plusieurs autres facteurs influencent l’achat : l’hygiène citée par 27 % des enquêtés, le prix par 23 %, le goût par 18 %, la disponibilité par 11 %, l’emballage par 10 %, la facilité d’usage par 7 % et la facilité de conservation par 6 %. En ce qui concerne le prix, la sensibilité des consommateurs a été examinée par les chercheurs. L’échelle de prix acceptable pour le consommateur se situe entre 125 et 200 francs CFA, soit entre 500 et 800 francs CFA le kilo de yaourt (voir figure 1). Figure 1 : sensibilité au prix du yaourt conditionné en sachet de 125 grammes

Source : Pale, 2006

Dans le cas du lait pasteurisé, les chercheurs ont effectué une extrapolation permettant d’estimer entre 150 et 250 francs CFA l’échelle de prix acceptable du demi-litre de lait frais, soit entre 300 et 500 francs CFA le litre (voir figure 2). Cette échelle reste dans la fourchette des prix jugés acceptables par la majorité des consommateurs (59 %), en 2006. Figure 2 : sensibilité au prix du demi-litre de lait

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Source : Pale, 2006 CORAF ACTION N° 57

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DE LA RECHERCHE REGIONALE Pour ce qui est des types de produits consommés, des différences notables apparaissent entre les villes (voir figures 3). Bamako se détache par l’énorme part de la poudre de lait consommée par 76 % des foyers. Le lait frais représente seulement 14 % des dépenses en produits laitiers, mais est bien présent dans les autres villes, avec 50 % dans ces dépenses. Le lait frais et le beurre fondu (« sirimè » en bambara) se distinguent en importance, à Mopti. A Sikasso, le lait frais, la crème fermentée (« féné » en bambara), le lait caillé et le lait yaourt (en réalité caillé, aromatisé et sucré) s’arrogent 65 % des parts de consommation. Ségou se distingue comme ayant la consommation la plus diversifiée sur les 4 villes.

Figures 3 : part de chaque produit dans les dépenses totales en LPL des foyers

Au Mali, l’étude a conduit à la caractérisation de la consommation du lait, des produits laitiers et des profils de consommateurs. Cette consommation est corrélée au niveau de revenus déclarés et cumulés à l’échelle du foyer (voir tableau 2). A Bamako, la consommation moyenne par habitant et par an va du simple au quadruple entre les classes de revenus. Ségou s’aligne sur la même tendance, mais dans de moindres proportions. A Sikasso, le lien est moins net, le niveau de consommation parait moins lié aux revenus. Mopti présente un système bien différent, le niveau global de consommation estimé étant deux fois inférieur à celui des autres villes. Paradoxalement, les chercheurs noteraient plutôt la tendance selon laquelle la classe la plus pauvre en consomme, moyennement, deux fois plus que la classe la plus riche ! Tableau 2 : niveaux de consommation de lait et de produits laitiers (LPL) et classes de revenus à Bamako

A Bamako, les modes de consommation sont divers et variés. Ainsi, le yaourt est surtout réservé aux enfants ; le fromage, produit rare, voire exceptionnel, le beurre fondu, le lait frais et le beurre mais dans une moindre mesure – sont réservés à une certaine catégorie de consommateurs. Le beurre et le fromage sont consommés surtout le matin. Mais quand le lait en poudre est aussi consommé le matin, avec du café, ou du thé, ou à l’état pur, le lait frais, bu pur le plus souvent, parfois mangé avec le couscous et le lait caillé, l’est presque toujours le soir, sans doute pour des raisons de délai d’acheminement depuis la ferme.

Le chiffre en gras indique une moyenne de consommation, en kilo par habitant et par an. Le chiffre en italique et entre-parenthèses indique l’écart-type autour de cette moyenne. A Ségou et à Sikasso, la distinction n’est pas faite entre les classes de revenus 3 et 4 (fondues en une seule classe, de plus de 100 000 francs CFA par mois).

A Bamako, les quantités de lait et de produits laitiers consommées sont nettement dépendantes des revenus. Consommer beaucoup de lait y est un luxe. A Mopti, au contraire, il semble faire partie du mode d’alimentation, pour toutes les classes de revenus et, par ce fait, ne peut être assimilé à du luxe. L’élévation du niveau de vie semble ouvrir l’accès à de nouveaux types de consommation non laitiers. Le lait, à Mopti, serait un aliment traditionnel, lié à un mode de vie, dont les gens s’éloignent quand ils s’enrichissent. CORAF ACTION N° 57

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Les chercheurs ont cherché les causes de cette offre marginale

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Mais il faut compter avec l’envers de la consommation. En effet, il existe bien des motifs de rejet des produits laitiers liés à plusieurs facteurs. En premier, le yaourt est le plus souvent rejeté, parce qu’il est nouveau, émergent et cher pour les gens de Ségou et de Mopti, sauf pour celles de Bamako et de Sikasso. En second, sont difficilement accessibles les produits frais issus de la production locale de lait cru, à Bamako, ce qui n’est pas le cas dans les villes plus petites, où la distribution


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DE LA RECHERCHE REGIONALE

La compétitivité des filières laitières : les déterminants étudiés

par bicyclette est facile et efficace. En dernier, le goût des produits d’origine locale — lait caillé et lait fermenté — constitue un facteur de rejet fréquent chez les Bamakois, pas ailleurs, alors que la qualité sanitaire n’affecte que très peu leur choix, y compris sur les produits locaux. A l’opposé, le lait en poudre est le mieux accepté par tous les consommateurs qui font très souvent fi de son prix élevé, d’autant que, grâce aux emballages en micro-dose, il devient accessible aux plus petites bourses. Au Niger, Niamey offre le plus gros marché laitier pour une population urbaine qui s’accroit au rythme de 4,9 % par an. Mais la production locale est loin de couvrir les besoins des citadins, le bilan laitier faisant apparaitre un important déficit qui s’accroît, d’année en année : de 58 121,2 tonnes, en 2000, il passe à 78 586,2 tonnes, en 2006. De ce fait, les chercheurs notent que la consommation moyenne par habitant en lait local baisse aussi : 6,7 litres, en 1990, contre 4,6 litres, en 2000, ces chiffres étant en-deçà de 93 litres par personne et par an, la norme des Nations unies. Suite aux enquêtes menées, les données permettent de dégager certaines tendances et certains facteurs : les quantités consommées en lait local diminuent, si la tranche des dépenses ou la taille du ménage augmente ; elles sont plus faibles, chez les cadres que chez les autres catégories socioprofessionnelles urbaines ; elles sont plus élevées, en zone rurale qu’en zone urbaine ; le lait frais de vache n’est consommé que par 36,6 % des ménages urbains, concurrencé qu’il est par le lait importé, que ce soit l’UHT ou le pasteurisé. Sur le marché urbain, sa disponibilité en quantité et en qualité est, avant tout, le problème majeur, car Niamey compte une importante population à faibles revenus consommant des plats, dont il est une des principales composantes, telles les bouillies. Les chercheurs ont cherché les causes de cette offre marginale auprès des conditions de production et de commercialisation. C’est pourquoi, ils restent convaincus que « le recours aux importations ne permet de combler qu’une partie de ce déficit, en ‘année normale’. Par contre, en année de crise alimentaire aigüe, les aides internationales, souvent tardives, contribuent à rendre le bilan excédentaire, comme ce fut le cas en 2005-2006. »

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VEC L’EXÉCUTION DU PROJET « INTÉGRATION RÉGIONALE, accès aux marchés et diversification de l’agriculture dans la zone UEMOA : options politiques pour des filières laitières compétitives et durables », on peut affirmer que rien n’a été laissé au hasard. C’est le cas de le dire, car les équipes de recherche du Burkina Faso, du Mali, du Niger et du Sénégal ont sérieusement étudié ou analysé le système laitier périurbain sénégalais vu sous le prisme de la compétitivité de la filière laitière, les facteurs de compétitivité des produits laitiers au Mali, la compétitivité des prix des élevages laitiers dans la région de Niamey au Niger et les facteurs de compétitivité de la filière laitière de BoboDioulasso au Burkina Faso. C’était de 2005 à 2007, avec l’appui financier du Fonds compétitif régional (FCR) du CORAF/ WECARD. Pour étudier le système laitier périurbain sénégalais sous l’angle de la compétitivité de la filière locale, les chercheurs se sont penchés sur le cas de la ceinture laitière périurbaine de Kolda caractéristique de la dynamique d’extension des bassins de collecte ruraux. Dans le département de Kolda, au sud du pays, les interactions spatiales entre ville et campagne, les systèmes locaux territorialisés innovants de production ainsi que les réseaux de proximité ont impulsé une dynamique à la filière, qui a engendré des mutations dans les rapports sociaux, à l’échelle du terroir. Et ces derniers, qui peuvent être sources de développement local, induisent de nouveaux rapports économiques entre les acteurs. Considérées comme une innovation majeure au sud-est, les étables laitières sont relativement récentes, dans cette région. Ainsi, les promoteurs de la stabulation visaient moins la production de lait que de fumure organique de qualité et l’amélioration de l’état corporel des animaux de trait. C’est à partir de 1985 que cette pratique a été véritablement adoptée, avec la création d’étables fumières se servant des graines de coton pour assurer la complémentation alimentaire des animaux retenus.

Soixante-dix-sept pour cent des producteurs et 72 % des villages au nord

Contact : Harold Roy-Macauley CORAF/WECARD, BP 48 Dakar RP CP 18523, Dakar, Sénégal Tél. : (221) 33 869 96 18 Fax : (221) 33 869 96 31 E-mail : h.roy-macauley@coraf.org

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On peut, dès lors, comprendre la « facilité » avec laquelle s’est opérée l’intégration agriculture-élevage, dans les systèmes cotonniers à faible usage d’intrants. Cette expérience est mise en oeuvre au sein de petites exploitations familiales. Elle consiste à mettre en place un suivi sanitaire des animaux, à mettre à la disposition des producteurs des intrants alimentaires — graine de coton —, à appuyer l’édification d’un habitat amélioré — étable cimentée. Ces conditions ont été favorables à une production laitière, d’où le regain d’intérêt noté chez les exploitants, auquel est venue s’ajouter la rentabilisation de l’étable. CORAF ACTION N° 57

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DE LA RECHERCHE REGIONALE En 2005, les données recueillies montrent que 77 % des producteurs et 72 % des villages du département se trouvent au nord. Au cours des dernières années, les villages les plus éloignés de la ville de Kolda, qui étaient de 6 kilomètres, au début, se situent, aujourd’hui, à plus de 30 kilomètres, dans le nord. Cet élargissement du bassin de collecte pourrait être un indicateur de la viabilité de ce système de production laitière basé sur la valorisation des sous-produits agro-industriels. Il s’est accompagné d’une augmentation du nombre de producteurs, de la quantité collectée tout comme de la multiplication des unités de transformation (voir carte 2).

C’est ainsi que démarre l’approvisionnement timide en lait des centres urbains de Kolda, de Vélingara, de Tambacounda par leur « arrière-pays » que sont les villages situés plus ou moins à 25 kilomètres. L’organisation de la production de lait, combinée à la possibilité d’en disposer, en toute saison, était, par conséquent, considérée comme une révolution dans l’élevage de cette localité. Car, sachez-le, le tarissement des vaches, provoqué par la baisse de la qualité et de la quantité des ressources alimentaires, imposait des pratiques ne permettant pas de les traire, en saison sèche. Naturellement, s’en est suivie, en 1995, la création de la première unité de transformation du lait cru de la ville de Kolda, qui a assuré la stabilisation des débouchés. Ce qui fait dire aux chercheurs qu’« un enjeu économique se dessine, car il existe une production et un marché potentiel. Le tourteau de coton, les étables, les mini-laiteries ont constitué la base de ce modèle de développement. En une décennie, le bassin de collecte s’est étendu, des innovations organisationnelles sont notées, avec la naissance d’interprofessions du lait. Les évolutions ont également montré l’apparition de nouveaux acteurs dans le développement de la filière. Il s’agit d’un corps de collecteurs-livreurs, dynamiques, vecteurs d’information entre la ville et les villages. » A cela s’ajoute l’avantage que procure la situation géographique du département, une véritable opportunité d’échanges actifs à davantage exploiter entre le Fouladou (région naturelle) et les Etats frontaliers. En effet, le bassin de production de Kolda s’est développé non pas sur l’axe est-ouest beaucoup plus étendu, mais plutôt sur celui nordsud limité respectivement au nord par la Gambie et au sud par la Guinée-Bissau. De ce fait, il comporte deux zones de production : une zone nord-nord-ouest — communautés rurales de Ndorna et de Saré Bidji — et une zone sud — communautés rurales de Ndorna et de Saré Bidji au nord et de Dioulacolon, de Médina El Hadj, de Tankanto Escale et de Salikégné au nord-ouest — séparées, l’une de l’autre, par le périmètre communal. (Voir carte 1).

Carte 2 : localisation géographique des villages du bassin de collecte du lait dans le département de Kolda, en 2005

En quelques années, le nombre de producteurs a été multiplié par 15 : de 23 dans 9 villages en 1994, il est passé à 108 en 1998, dans 30 villages ; celui des laiteries artisanales : de 1 en 1996, il est passé à 5 en 2001, puis à 8 d’une capacité entre 50 et 350 litres par jour et employant 2 à 4 personnes chacune. Ces unités de transformation ont collecté 21 253,5 litres de lait, en 1996, 57 028 litres, en 2000, 231 450 litres, en 2005 (voir figure 1). A présent, plus de 350 producteurs et près de 100 villages se sont engagés dans cette activité.

Carte 1 : localisation géographique des villages du bassin de collecte du lait dans le département de Kolda, en 2002

Figure 1 : évolution du nombre de laiteries et de volumes de lait cru collectés à Kolda

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Source : Centre de recherches zootechniques de Kolda et données d’enquêtes auprès des mini-laiteries


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Afin de mieux comprendre la distribution des richesses générées et l’implication de chaque acteur dans l’économie du pays, ils ont conçu une matrice d’analyse individuelle. Concernant le producteur, est pris en compte le caractère saisonnier de la production, les deux saisons connaissant des problématiques différentes, surtout la disponibilité des ressources fourragères. De même, ils attestent que l’activité de transformation est financièrement rentable. Le bénéfice s’évalue à 34,26 millions de francs CFA, ce qui représente 154,5 francs CFA par litre de lait caillé commercialisé.

Il faut savoir qu’en saison des pluies, toutes les vaches en vêlage produisent du lait commercialisable par les producteurs qui trouvent des débouchés, parce que le marché du lait est fortement frappé par un déséquilibre entre l’offre et la demande suivant les saisons. Cette activité est plus rentable que celle de transformation

Cependant, les chercheurs doivent à la vérité de révéler que le nombre de producteurs adhérents est très faible par rapport à la population des villages et à celles censées s’intéresser à l’activité. A cela, ils donnent plusieurs raisons. La première c’est que la culture peulh, d’après certains, considère la « marchandisation » du lait à grande échelle comme une atteinte à l’honneur et à la dignité de leur ethnie. La seconde est que, pour la plupart des exploitations, le troupeau est la propriété de plusieurs individus ou de groupes d’individus ou confié par des parents à des proches. Ceci rend la prise de décision relative au mode d’exploitation du troupeau plus complexe : le recours aux accords internes pour choisir les acteurs est assez fréquent ; la gestion commune du troupeau peut emmener une famille à refuser la production laitière à des fins commerciales, à cause de la distribution des revenus pouvant les lier ; sans oublier le manque de confiance, la jalousie ou les exigences de la démocratie interne. Enfin, la troisième raison est liée aux dires des producteurs soutenant n’avoir accès à une quantité suffisante de graine de coton pour participer à une bonne campagne de production laitière. A ce sujet, notons, d’ailleurs, le comportement assez particulier de certains d’entre eux qui, à la place d’une complémentation au tourteau de coton, se lancent dans l’embouche avec le même produit. De même, des éleveurs utilisent la graine de coton à des fins autres que la production laitière, comme, par exemple, renforcer le bétail affaibli par les rigueurs de la saison sèche. Soulignons tout de même que beaucoup ne disposent pas de cheptel bovin, mais de petits ruminants ou de volaille ou pratiquent l’agriculture. En tout état de cause, d’après les chercheurs, la filière laitière périurbaine de Kolda est financièrement rentable. Le bénéfice des producteurs et transformateurs s’élève à 84,3 millions de francs CFA, soit 380 francs CFA par litre de lait commercialisé. Sur le plan économique, elle dégage un gain social de 96 millions de francs CFA. Par conséquent, la différence entre le bénéfice au prix du marché et le bénéfice au prix de référence étant négatif, ils peuvent conclure que « les acteurs de la filière contribuent à la croissance de l’économie, au-delà de la rémunération qu’ils reçoivent. »

Tableau 2 : cartographie des unités de transformation Biens échangeables

Biens non échangeables

Bénéfice

Prix du marché 133 057 800

64 381 936

34 411 553

34 264 311,3

Prix de référence 167 487 790

46 102 763

32 106 175

89 278 852,0

18 279 173

2 305 378

-55 014 541

Recette

Ecart

-34 429 990

Source : Diarra, 2007

En considérant les deux saisons, la production est aussi rentable, sur le plan financier. Le bénéfice est de 53,6 millions de francs CFA, autrement dit 242 francs CFA par litre de lait commercialisé. Il semble donc que cette activité est plus rentable que celle de transformation. Sur le plan économique, les producteurs recourent aux intrants non échangeables, comme les résidus de culture et les parcours naturels. La chute de l’offre de lait en poudre

Tableau 1 : cartographie de la filière consolidée

Source : Diarra, 2007

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Ainsi, les transformateurs font face à deux impératifs : sécuriser leur approvisionnement pour garantir des revenus stables, fabriquer des produits compétitifs aptes à satisfaire les très exigeants besoins des consommateurs urbains et générer d’importantes marges. Dans ce système, qui repose ainsi sur des engagements diversifiés et complexes entre éleveurs, la stabilisation et la sécurisation des livraisons sont associées à l’organisation des transactions entre acteurs. Au Mali, afin de préciser les facteurs de compétitivité des produits laitiers, 700 acteurs ont été interrogés dans les principaux centres urbains que sont Bamako, Koutiala, Mopti, Ségou et Sikasso. Le prix est un facteur discriminant entre les nombreux produits mis sur le marché. Les produits, conditionnés par les unités locales, et le lait UHT sont les plus chers, soit respectivement 500 à 700 et 1000 francs CFA le litre. Par conséquent, les plus consommés en ville sont aussi les plus abordables, entre 250 et 350 francs CFA le litre, tout au moins quand leur volume de conditionnement est supérieur à 250 grammes. Il s’agit du lait concentré et du lait en poudre. Contrairement à l’idée reçue, les produits laitiers locaux sont vendus dans la même gamme de prix que ces deux produits importés, en particulier dans les villes secondaires. Le sirimè et le féné sont même très « bon marché » à 100 francs CFA le litre. Le facteur prix n’explique donc pas, à lui seul, l’écart, semblant grandissant, entre les ventes de lait importés, notamCORAF ACTION N° 57

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A Bamako, où la poudre de lait domine, le lait local est le moins cher des laits frais. Il est moins cher que Nido, deuxième meilleure vente après Laicran, et totalisant 40 % des volumes de lait en poudre vendus, en hivernage, et 34 %, en saison sèche. La différence de volume de vente entre ces marques est de 15 %. A Mopti, le caractère saisonnier est très marqué. En hivernage, le prix au litre du lait local est le plus compétitif. En saison sèche, le prix du litre de lait frais est multiplié par 2,4. La chute de l’offre de lait en poudre a conduit à une hausse brutale du prix, ce qui se traduit par une croissance des ventes sur les marchés des quartiers. La compétitivité du prix du lait en poudre est relative, dépendant des villes et des saisons. A Bamako, elle n’explique pas, à elle seule, l’écart de consommation entre le lait local et le lait en poudre.

Par rapport à 1995, ce sont les gros éleveurs qui ont le niveau de charges opérationnelles le plus proche de celui observé, c’est-à-dire 59 % du coût total. Chez les gros éleveurs, les dépenses, liées aux cultures fourragères, constituent le poste budgétaire le plus important des charges opérationnelles (51 %), tandis que chez les petits éleveurs, ce sont les frais d’achat d’aliments complémentaires (43,4 %). Quant aux charges de structure, le premier poste de dépense est celui de la main d’oeuvre : 50 % pour les petits éleveurs et 75,7 % pour les grands éleveurs. Car la majorité des propriétaires utilise les services de bouviers – en réalité, les vrais gestionnaires des troupeaux – qui gagnent un salaire mensuel ainsi composé : 0,5 litre de lait par jour (15 litres le mois), les recettes de la vente du fumier et entre 15 000 et 20 000 francs CFA par étable. Comme on vient de le voir, ce poste de dépense, qui pèse lourd sur le budget du propriétaire du troupeau, est, en tout cas, sans rapport avec les résultats techniques et économiques mitigés obtenus par les étables. Le lait produit est en grande partie vendu et utilisé à l’état frais ou caillé. Fraîches, 19,5 % des quantités le sont aux abonnés et 80,5 % au niveau du marché. En comparant deux groupes d’éleveurs hommes et femmes, les chercheurs ont remarqué les quelques faits suivants. D’abord, l’auto-consommation de lait frais représente chez les femmes 31,3 % et chez les hommes 26,8 %. Ensuite, la quantité de lait frais vendue est aussi plus élevée (56,65 %) chez les femmes que celle (35 %) chez les hommes. Enfin, une part non négligeable de la production laitière des troupeaux appartenant aux hommes est commercialisée sous forme de lait caillé, soit 20 % contre 9 % de celle des troupeaux appartenant aux femmes. Les coûts de production du lait est un élément important de la compétitivité du lait local, puisqu’il détermine en partie la rentabilité financière de l’activité. Lorsque les chercheurs continuent cette comparaison, le coût de production du litre est de 164,6 francs CFA chez les femmes et de 68,5 francs CFA chez les hommes. Ce qui donne un important écart de 96 francs CFA le litre en faveur des hommes qui passent pour être les plus performants.

Au Niger, dans la région de Niamey, la compétitivité du prix du système d’élevage intensif coopératif a été également étudiée. Il faut dire que les coûts de production en sont un facteur-clé, car ils déterminent le niveau de la rentabilité financière de la production laitière. Au niveau de la coopérative, le coût moyen du litre de lait, en 2006, est de 259,7 francs CFA. L’écart entre ces deux catégories d’éleveurs est important : 355,2 francs CFA le litre pour les petits producteurs contre 164,2 francs CFA pour les grands éleveurs. L’examen par les chercheurs de la structure de ces coûts de production révèle une situation contrastée, avec une prédominance des charges opérationnelles chez les grands éleveurs qui est de 67 % sur le coût total et une prépondérance des charges de structure qui sont de 66 % du coût total chez les petits éleveurs. « Ce fait semble témoigner d’une différence dans le mode de gestion des troupeaux. », tirent-ils comme conclusion.

Pourtant, la structure de ce coût de production est sensiblement la même avec la prédominance des charges opérationnelles dans l’un et l’autre groupe : 78,8 % pour les femmes et 83, 56 % pour les hommes. En d’autres termes, les dépenses sont essentiellement consacrées à l’entretien des animaux. Les investissements en matériel et en infrastructure sont très faibles, car l’essentiel de ces charges de structure est représenté par les frais de main-d’oeuvre. De même, les coûts des aliments complémentaires, qui correspondent à 75,45% (chez les femmes) et à 77,8% (chez les hommes) des charges opérationnelles, ne constituent pas des éléments majeurs de différenciation entre eux. En outre, prenant la marge brute et le revenu net d’exploitation comme critères de rentabilité ainsi que le prix du marché de 350 francs CFA le litre comme base de calcul, l’analyse des chercheurs montre que, alors que les femmes réalisent la marge brute de 38 francs CFA le litre, les hommes obtiennent jusqu’à 210,4 francs CFA, soit 5 fois plus.

ment le lait en poudre, et du lait local. Une autre explication est la force de distribution de ces produits importés : le dense réseau de boutiquiers est prédominant aussi bien au niveau des flux commercialisés qu’à celui du nombre d’acteurs par citadin. Ils vendent 2 à 10 fois plus que les autres détaillants et sont près de 20 fois plus nombreux à Bamako (voir figure 2). Au fond, l’atout majeur du lait en poudre est sa disponibilité à un prix compétitif, en ville. Figure 2 : importance quantitative des acteurs de la filière lait au Mali

Premier poste de dépense, celui de la main d’oeuvre

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La concurrence entre lait importé et lait local


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Lait : la diversification des systèmes de production étudiée

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ES COOPÉRATIVES D’ÉLEVAGE LAITIER AU

Il en est de même en ce qui concerne le revenu net d’exploitation qui est meilleur chez les hommes, les femmes produisant, cette fois, carrément à perte, soit moins 4 635 francs CFA l’an contre 361 192 francs CFA chez les premiers. Tout comme, d’ailleurs, le seuil critique de production qui est de plus de 52 % dépassé par les hommes, alors que les femmes produisent en-deçà de ce seuil, avec un écart de 13 % environ. Dès cet instant, il reste clair qu’elles ne pourront améliorer leurs résultats financiers que grâce aux recettes provenant de la vente des autres productions du troupeau. Terminant par l’étude des facteurs de compétitivité de la filière laitière locale à Bobo-Dioulasso, ils la fondent sur une analyse des stratégies et des comptes d’exploitation des principaux acteurs. A l’échelle de la production, les résultats révèlent des marges brutes de 111 francs CFA le litre, dans les élevages à faibles intrants, contre 8 francs CFA le litre, dans les élevages semi-intensifs. Dans les élevages intensifiés, par contre, si l’on tient compte de l’amortissement des bâtiments et autres infrastructures lourdes, la production de lait engendre une perte de l’ordre de 58 francs CFA le litre. Concernant les échelles de la transformation et de la distribution, la rentabilité est partout assurée, avec une marge plus élevée pour le fromage. La concurrence entre lait importé et lait local ne semble pas se jouer en termes de prix, mais plutôt en termes de qualité et de disponibilité. Alors, les chercheurs concluent ainsi : « Malgré les améliorations récentes sur le plan organisationnel, la filière reste vulnérable du fait de l’incertitude de l’offre. La ‘saisonnalité’ de la production se répercute, en effet, sur les niveaux d’approvisionnement des unités de transformation et sur les prix du marché. La pérennité de la filière passe alors par l’adoption de stratégies de sécurisation de l’offre (arrangements contractuels), de réduction des coûts de production, d’organisation des acteurs et d’amélioration de son environnement institutionnel. » Contact : Hamadé Kagoné CORAF/WECARD, BP 48 Dakar RP CP 18523, Dakar, Sénégal Tél. : (221) 33 869 96 18 Fax : (221) 33 869 96 31 E-mail : hamade.kagone@coraf.org Internet : www.coraf.org

NIGER, LE LAIT DANS les stratégies de diversification des revenus des agropasteurs au Sénégal, les déterminants de l’adoption de l’insémination artificielle pour l’amélioration de la production laitière par les élevages bovins de la région de Fatick au Sénégal, l’analyse de la diversification des systèmes de production agricole vers l’activité laitière de Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, et au Mali, telles sont les tâches assignées au Projet « Intégration régionale, accès aux marchés et diversification de l’agriculture dans la zone UEMOA : options politiques pour des filières laitières compétitives et durables ». On peut affirmer que rien n’a été laissé au hasard. C’était de 2005 à 2007, avec l’appui financier du Fonds compétitif régional (FCR) du CORAF/WECARD. L’Etat nigérien a mis en place des unités de production à la station de Kirkissoye, entre 1972 et 1974. C’était dans le but de développer un élevage laitier intensif sur des périmètres irrigués. Chaque unité comportait 1 hectare de culture fourragère, 8 vaches et 1 étable équipée de petit matériel. La laiterie SOLANI gérait ces unités, préfinançait les activités d’irrigation, d’apport d’engrais, d’aliments de bétail et de produits vétérinaires et récupérait le lait produit ainsi que les remboursements du capital bétail accordé aux éleveurs. Ce n’est qu’en 1990 que les éleveurs créent une coopérative avec le retrait de la laiterie, tout en assurant la gestion de ces activités que sont l’approvisionnement, le suivi des animaux et la commercialisation du lait. Depuis lors, des changements majeurs sont intervenus et ont affecté les performances des éleveurs. Mais présentement, constatent les chercheurs, les activités de la coopérative se sont rétrécies, comme peau de chagrin, à la production laitière. Une bonne partie du périmètre est à l’état de friche. Seuls quelques exploitants mettent en valeur leurs parcelles, durant 5 à 8 mois correspond à la saison des pluies, afin de réduire les coûts de l’irrigation. Les parcelles exploitées varient de 0,1 à 3,15 hectares. Les exploitants de parcelles de la graminée Echinochloa stagnina (bourgou en Djerma et Koudou ou koundou en songhaï) (1,87 hectare irrigué chacun) ont généralement des troupeaux de grande taille. Certains possèdent jusqu’à 2 étables, alors qu’au départ, le principe d’attribution était une étable par éleveur, ce qui traduit une tendance à la capitalisation tout en entraînant des coûts d’entretien du bétail. L’instabilité dans la propriété des étables, changeant fréquemment de mains, a fait qu’en 2006, l’ancienneté des exploitants variait de 2 à 6 ans, a entraîné de lourdes conséquences sur la conduite des élevages ainsi que sur la non-émergence des éleveurs commerciaux professionnels. Sur la base du nombre d’animaux élevés, les chercheurs ont identifiés deux catégories d’exploitants : les gros et les petits exploitants. Les premiers ont un troupeau important avoisinant les 24 bovins et les seconds un faible troupeau s’ap-

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prochant des 9 bovins. Tous n’utilisent qu’une main d’oeuvre salariée chargée de nettoyer les étables, d’entretenir les animaux et de traire les vaches. Ils utilisent également les aliments grossiers — paille de riz et bourgou —, mais les quantités fournies aux animaux sont plus importantes chez les premiers que chez les seconds, parce qu’eux-mêmes produisent ces fourrages. De même, les premiers se servent plus des aliments riches — tourteau de coton, aliment concentré, drèche —, alors que les seconds utilisant des graines de coton, du son de blé et de riz plus disponibles et plus accessibles. Porter leur choix, à 29 %, sur les génotypes bouchers purs

L’Etat sénégalais accorde aussi une importance capitale à la production laitière, vu son importance dans l’alimentation de populations, ses enjeux économiques, politiques et culturels. Avec l’appui des Partenaires au développement, il a lancé divers programmes sur des actions spécifiques. Cela va s’en dire que la part de la spéculation laitière dans les revenus des agropasteurs permet de cerner son importance par rapport aux autres activités de production, son impact sur la formation des revenus des exploitations et sur la lutte contre la pauvreté en milieu rural. Ainsi, les chercheurs ont enquêté sur 100 agropasteurs de 31 villages de la région de Fatick, au centre-ouest du pays. Ce minutieux travail révèle que la vente du lait, réservée aux femmes, a lieu dans les exploitations, le marché de Fatick, les grands marchés hebdomadaires ruraux. Il montre également que le lait est souvent vendu cru ; que seulement 12 % des femmes mariées — 5 % en zone urbaine, 6 % en zone périurbaine, 1 % en zone rurale — le caillent et consomment la plus importante partie. Mais, le problème majeur, qu’est le manque de débouchés vers les marchés, limite cette activité. Le prix du litre de lait cru est vendu entre 250 et 300 francs CFA. Les produits laitiers, eux, rapportent en moyenne 134 571 francs CFA par an. A cela vient s’ajouter le fait que la vente rapporte en moyenne 366 482 francs CFA, en zone urbaine, 82 740 francs CFA, en zone périurbaine, et 23 980 francs CFA, en zone rurale, par an. Cela va s’en dire que les agropasteurs des zones enclavées consomment une bonne partie de leur production de lait, tout simplement parce qu’ils peinent à rallier les marchés extérieurs où l’écouler. Dans les élevages bovins de cette même région, les chercheurs ont trouvé les déterminants de l’adoption de l’insémination artificielle pour l’amélioration de la production laitière. A commencer par la pertinence de la stratégie d’amélioration génétique. Les producteurs se disent tous convaincus de cela, ce qui est difficile à interpréter. En effet, il est fort probable que ceux, opposés à cette technique, n’aient pas souhaité se manifester. En tous les cas, ils reconnaissent la faible productivité de leur bétail et souhaitent améliorer leurs performances par un appui scientifique. Paradoxalement, seuls 18 % d’entre eux seraient prêts à s’y engager, sans réserve. Les 82 % restants se déclarent favo`rables, mais réclament d’importantes mesures d’accompagnement pouvant lever les lourdes contraintes d’ordre alimentaire et organisationnel. CORAF ACTION N° 57

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Les chercheurs ont, ensuite, décelé que la moitié des producteurs demandent les génotypes mixtes – le même animal disposant du même potentiel de lait et de viande – (30 %) ; les génotypes bouchers (29 %) ; les génotypes laitiers (21 %). D’après eux, la logique, guidant ces choix, se rapportent à leur ardent désir de sécurité alimentaire, de diversification des revenus, d’acquérir une grande expérience d’embouche et de disposer d’un marché laitier non étroit et enclavé. En effet, les génotypes mixtes sont très recherchés pour leur qualité à fournir une certaine sécurité alimentaire améliorée par la disponibilité d’une plus grande quantité de lait (en partie consommée), par la vente du surplus augmentant le budget des propriétaires et par celle des animaux qui les valorisent mieux. Les métis, qui le sont plus pour leurs intéressants prix de vente largement plus élevés, à 400 000 francs CFA, que les animaux de race locale, à 150 000 francs CFA, séduisent ainsi les producteurs dotés d’une grande expérience d’embouche bovine paysanne. En cela, ils ne pouvaient mieux faire que de porter leur choix, à 29 %, sur les génotypes bouchers purs. Faire que la technique cible, pour le moment, certains producteurs

Quoique bien accueillie, l’adoption de cette technique performante a pour principale contrainte son coût relativement élevé et non à la portée de la bourse des éleveurs. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, les campagnes, organisées par l’Etat, sont subventionnées, pour que l’éleveur n’ait à payer que 10 000 francs CFA pour chaque vache inséminée. Mais il est dommage de constater que leur organisation irrégulière et très espacée et le faible taux de réussite (voir encadré) de l’insémination artificielle amènent les bénéficiaires à vouloir solliciter les inséminateurs privés qui n’y vont pas de main morte, se faisant payer le même premier service sans retour entre 60 000 à 80 000 francs CFA, ce qui, outre mesure, constitue un sérieux handicap pour une large diffusion de cette biotechnologie.

En analysant le rapport coût-bénéfice de celle-ci, les chercheurs montrent que l’induction des chaleurs aux femelles constitue le poste de dépenses le plus important, avec plus de 50 %. Ceci est surtout lié au prix des produits utilisés et aux frais de déplacement des inséminateurs, au moment du traitement de synchronisation des chaleurs — pose et retrait des implants ou spirales. Pour y remédier, le Projet d’appui à l’élevage (PAPEL), qui compte minorer les coûts, a fait faire, en 2005, une étude visant la comparaison technicoéconomique des deux options d’insémination artificielle sur chaleurs naturelles et sur chaleurs induites.

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de gènes exotiques dans les élevages au moyen de l’insémination artificielle ou des croisements entre animaux locaux et métis, avec comme conséquence la réduction de leurs capacités d’adaptation, voire la baisse de leur productivité ; de la revue de la politique gouvernementale introduisant la technique dans toutes les régions. Elles doivent, de même, faire en sorte que la technique cible, pour le moment, certains types de producteurs. La raison en est la suivante : les exigences du mode de production semiintensif. Car ces derniers doivent disposer de capitaux à investir, notamment, dans la stabulation, être capables de maîtriser correctement leur environnement, avoir une certaine technicité et pouvoir accéder à des débouchés sûrs reposant sur une bonne organisation de la collecte et la commercialisation du lait.

A quoi est due la réussite des opérations de cette technique ?

Les facteurs de réussite tiennent essentiellement à la bonne préparation physique des vaches à inséminer, à la bonne programmation saisonnière des opérations et à la compétence des techniciens. Certaines campagnes étatiques ont été organisées, pendant la période de forte pénurie alimentaire qu’est la seconde moitié de la saison sèche, or le taux de réussite est fortement corrélé à l’état général de la vache ! Par ailleurs, le taux de vêlage observé pourrait être amélioré, si les mortalités embryonnaires étaient réduites, comme dans la région de Fatick qui en enregistre 26,5 %.

Ce sont elles qui déterminent les systèmes de culture

Qui plus est, le fait que les mâles soient beaucoup plus nombreux que les femelles décourage quelque peu 35 % des producteurs, pour la bonne et simple raison que 32 % trouvent longs d’attendre la production de lait. S’y ajoute la période de gestation — entre l’insémination de la vache locale et le premier vêlage de la femelle métisse — qui dure au moins 4 ans, d’où le choix général porté par les bénéficiaires sur les génotypes bouchers. De même, sont élevés, pour eux, les coûts induits de stabulation – construction d’abris, achat d’aliments complémentaires et surtout mobilisation de la main-d’oeuvre en transhumance vers le Ferlo, de février à octobre – et de traitement préférentiel alimentaire, dans les conditions actuelles. Enfin, s’y ajoute le risque de perdre les veaux métis ainsi que leur mère de suite de dystoria, faute de surveillance de la naissance des premiers pesant en moyenne plus lourds que les locaux, surtout lorsque la seconde n’a pas été bien choisie (multipare avec large bassin) et alimentairement bien préparée.

Pour lever toutes ces contraintes, les éleveurs de Niakhar préconisent d’être appuyés pour faire face aux charges alimentaires et sanitaires. Ils préconisent également que les coûts d’intervention puissent être réduits, avec le soutien du PAPEL et du FNRAA. Ils suggèrent, enfin, qu’une technologie plus sécurisante ou des géniteurs performants puissent être utilisés. Comment va-t-on procéder ? Les coûts liés à l’alimentation pourraient être diminués, si des stratégies communes d’acquisition des intrants sont développées par les producteurs eux-mêmes. Pour sécuriser la base de l’amélioration génétique, l’acquisition de géniteurs est indispensable pour pallier le déficit du service de l’insémination de proximité et la faiblesse de ses résultats. Pour garantir la sécurité sanitaire aux animaux, il importe d’assurer le suivi sanitaire et épidémiologique spécifique de la pathologie de la sphère mammaire. D’autres mesures d’accompagnement doivent être aussi prises. Parmi elles, on peut avoir la prise en compte des fonctions autres que la production. Il s’agit de la collecte, de la conservation et de la transformation dans de saines conditions d’hygiène et de qualité ; de l’introduction non contrôlée

A Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, l’analyse par les chercheurs du Projet de diversification des systèmes de production agricole vers l’activité laitière avait pour but de comprendre les pratiques d’introduction et (ou) d’amélioration de la production laitière. Ainsi ils ont mis en évidence le système d’élevage à faible utilisation d’intrants composé de deux types d’exploitation (désignés par A1 et A2) et du système d’élevage à orientation commerciale composé aussi de deux types d’exploitations (désignés par B et C). En périphérie de la ville, elle s’est révélée intéressante pour beaucoup de groupes ethniques et de chefs d’exploitation. De même, dans les élevages à faible utilisation d’intrants, 26 % des A1 et 70 % des A2 sont dorénavant propriétaires terriens, alors qu’ils étaient, auparavant, respectivement 7 et 30 %. Cette situation leur a permis de passer du statut de pasteurs à celui d’agropasteurs, les premiers produisant des cultures de subsistance, tels le sorgho, le mil et le maïs, et les seconds des cultures de rente, telles que le coton et le maïs. Hormis cela, les chercheurs n’ont pas manqué de noter la présence de l’élevage de petits ruminants et de volaille. A contrario, dans les élevages à orientation commerciale, les B exploitent les cultures de contre-saison, comme le maïs, et l’arboriculture, comme la banane et la papaye, et les C l’élevage porcin. Au Mali, l’analyse par les chercheurs des facteurs déterminants de la diversification des systèmes agricoles vers l’activité laitière leur a ouvert les portes de la compréhension de leur dynamique, de leurs caractéristiques et de leur diversité. Pour cela, ils ont privilégié la zone cotonnière sud et la zone rizicole irriguée de l’Office du Niger. La première est connue pour recevoir 700 à 1 200 millimètres de pluies, voire plus, durant 5 à 6 mois, c’est-à-dire entre maioctobre de chaque année. Par contre, la seconde reçoit en moyenne moins de 600 millimètres de pluies réparties de juin à septembre, autrement dit sur 3-4 mois. Or, ce sont elles qui déterminent les systèmes de culture et le potentiel des ressources pastorales de la zone cotonnière. La maîtrise de l’eau par l’irrigation favorisant l’avènement de deux saisons, la culture de contre-saison de riz et le maraîchage connaissent un essor certain, dans les périmètres de l’Office du Niger. La disponibilité des ressources pastorales détermine, à son tour, les systèmes d’élevage et la conduite des troupeaux des deux systèmes de production

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DE LA RECHERCHE REGIONALE

agricoles. Ceux des deux zones sont à dominante agricole, l’élevage lui étant intégré à différents degrés. L’agriculture est encore et encore prépondérante

Néanmoins, dans de tels systèmes de production, les chercheurs trouvent que l’élevage bovin joue un rôle capital dans leur développement durable, puisque la majorité des unités de production acquièrent des boeufs pour le labour et le transport et tout un troupeau pour le maintien de la fertilité des sols et le recyclage des résidus de culture en éléments nutritifs. Ainsi, ils divisent les exploitations d’élevage en 9 types. Dans le sous-système à Niono, qui en compte 4, le premier (dénommé A) est celui où les unités de production sont détenues par les jeunes agro-éleveurs de 35 ans en moyenne. La taille de leur famille comprend 24 personnes divisées en 3 ménages en moyenne et situées entre 1565 ans, dont près de 8 sont actives dans le travail. Elles emploient de la main-d’oeuvre salariée permanente et de la main-d’oeuvre temporaire, possèdent en moyenne des superficies cultivées avoisinant les 5,87 hectares, 7 boeufs de labour et moins de 50 têtes naisseuses, dont près de 29 vaches laitières. Le second type (B) comprend les chefs de famille, des agroéleveurs âgés en moyenne de 47 ans et à la tête de familles de grande taille de 44 personnes environ et divisées en 6 ménages à peu près et ayant entre 15-65 ans, dont 12 actives dans le travail complétées par de la main-d’oeuvre salariée permanente de près de 3 ouvriers agricoles ainsi que par la main-d’oeuvre temporaire sollicitées, durant la campagne agricole. Elles consacrent 10,59 hectares en moyenne au riz et au maraîchage et sont équipées, pour ce faire, de 4,5 paires de boeufs de labour. Au total, elles possèdent un effectif moyen de moins de 100 bovins et de 12 vaches laitières. Le troisième type (C) est constitué des chefs d’exploitation de 42 ans en moyenne, dans une famille de 37 personnes environ divisées en 4 ménages et dans une population de 1565 ans, dont 9 actives dans le travail. Elles embauchent presque 2 ouvriers agricoles permanents et sollicitent de la main-d’oeuvre temporaire, lors de la campagne agricole, détiennent à peu près 5 paires de boeufs de labour et plus de 100 bovins (dont environ 23 vaches laitières) pour l’épargne des revenus agricoles, la traction, la production de fumure. Le quatrième type (D) comprend les chefs d’exploitation âgés de 45 ans en moyenne et ayant l’élevage pour activité dominante. Leurs familles, qui sont de grande taille avec 42 personnes, appartiennent à près de 4 ménages et comprennent 13 personnes actives âgées entre 15-65 ans secondées par pas moins de 2 ouvriers agricoles permanents et temporaires, aux périodes cruciales de culture. Les exploitations disposent de faibles superficies cultivées, sont sans boeufs de labour, malgré la très importante taille du troupeau de bovins qui est de 27,50 têtes en moyenne. Les mâles sont élevés pour être vendus comme boeufs de labour ou d’exportation. En ce qui concerne le sous-système coton de Koutiala, les chercheurs ont décelé 5 types. Le premier (désigné A), dominé par l’activité agricole, a pour chefs d’exploitation des CORAF ACTION N° 57

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jeunes d’environ 37 ans, une famille de 2 ménages et de 7 personnes, dont 4 actives dans le travail appuyées par au moins 1 ouvrier agricole permanent et 2 ouvriers temporaires, pendant les périodes intensives de travail. Elles disposent de peu de terres cultivées, en moyenne 3,83 hectares, mais pratiquent un assolement très diversifié par le coton, le maïs, le mil, le sorgho, le niébé, l’arachide ainsi qu’un important élevage de caprins. Pour la constitution du troupeau de bovins, elles en sont qu’à leur début, avec un effectif moyen de 10 têtes qu’elles placent dans le troupeau d’une voisine, tout en restant propriétaires du lait produit. Dans le deuxième (B), où l’agriculture domine aussi, les chefs d’exploitation âgés de 47 ans en moyenne, appartiennent à des familles de près de 3 ménages et de 12 personnes, dont 9 actives de 15-65 ans secondées par 1 ouvrier agricole permanent et 1 ouvrier agricole temporaire. Ils disposent d’une réserve foncière importante, mais seulement de deux paires de boeufs de labour dans un troupeau de 15 têtes environ. Pourtant, les chercheurs notent que « les paysans de ce type sont autosuffisants. » Dans ce troisième type (C), où l’agriculture est encore prépondérante, les chefs d’exploitation, des agro-éleveurs de 55 ans, appartiennent à des familles qui comptent en moyenne 4 ménages, 19 personnes, dont 10 actives soutenues par environ 2 ouvriers agricoles permanents et 2 temporaires. Ils ont pour usage de cultiver 9,47 hectares, par assolement dominé par le coton et le maïs et au moyen de 4 paires de boeufs. Leur troupeau avoisine les 30 bovins, dont quelques vaches laitières, et les 10 caprins. Le quatrième type (D) ne fait pas exception à ce qui est devenu une règle : la prédominance de l’agriculture. Les unités de production sont détenues par des agro-éleveurs de 42 ans, issus de familles comptant en moyenne 3 ménages, 16 personnes, dont 11 actives soutenues par 3 ouvriers permanents et 2 temporaires. Elles ont pour usage de cultiver 30 à 42 hectares réservés, en premier, au coton, en second, au maïs, au sorgho, au mil, au riz, à l’arachide et au niébé. Pour cela, elles se servent de boeufs de labour à suffisance, à partir d’un troupeau de 60 bovins en moyenne. Dans le cinquième type (E), où l’agriculture est encore et encore prépondérante, les unités d’exploitations sont détenues par des agro-éleveurs de 49 ans, issus de familles composées de 4 ménages de 17 personnes, dont 8 actives. Elles ont coutume de cultiver des superficies élevées de presque 34,84 hectares de coton, de maïs, d’arachide, de sorgho, de mil, avec, au complet, des charrues, des charrettes, des multiculteurs et 4 paires de boeufs de labour, dans des troupeaux supérieurs à 60 têtes, dont un important nombre de vaches laitières. Mais que font-ils de leurs revenus, se sont demandés les chercheurs ?

Au Mali, l’importance de l’élevage s’apprécie, dans les deux systèmes de production, à l’aune de la structure et de la composition des troupeaux bovins présentant une grande diversité entre le sous-système coton et celui du riz irrigué (voir tableau 1). Ils sont de types naisseurs, avec une proportion élevée de femelles reproductrices, la proportion la plus élevée de veaux, de génisses, de taurillons de la zone cotonnière, d’un quart environ de boeufs de labour et des taurillons.

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E CHOS Tableau 1 : Importance des systèmes d’élevage bovin dans deux systèmes agricoles Catégories animales

Zone office du Niger (Niono)

Zone cotonnière (Koutiala)

Effectif

Effectif

p.100

p.100

Bœufs de labour

505

13

415

16

Vaches

1113

29

901

34

Veaux mâles

502

13

241

9

Veaux femelles

623

16

353

13

Génisses

558

14

398

15

Taurillons

474

12

299

11

109

3

68

3

3884

100

2675

100

Taureaux Total

Tableau 2 : Production et gestion du lait des éleveurs Site Koutiala

Niono

Moyenne de lait produit en saison sèche (litres/jour)

4

6

Moyenne de lait produit en hivernage (litres/jour)

6

8

Moyenne de lait frais vendu en saison sèche (litres/jour)

3

4

Moyenne de lait frais vendu hivernage (litres/jour)

4

5

Moyenne du prix du lait frais en saison sèche (FCFA/litre)

151

185

Moyenne du prix du lait frais en hivernage (FCFA/litre)

136

185

Donc la production de lait est vendue aux trois-quarts des prélèvements par saison et le reste destiné à la consommation familiale ou aux bergers. Les agro-éleveurs, qui habitent les villes secondaires que sont Niono et Koutiala, ont pour principal débouché en lait frais le réseau de laiterie, appelé Danaya Nono. Dans la pratique, ils amènent le lait au point de collecte du village, d’où le transporte quotidiennement un cycliste à la laiterie, ou vont la leur livrer directement. Ce que cette laiterie commercialise représente une part importante des ventes de lait, selon le type d’exploitation

(voir tableau 3). Ses capacités de transformation ne permettent pas de traiter toutes les quantités produites, surtout en hivernage. Dès lors, elle s’oblige à fixer à chaque producteur un quota. Dans cette condition, chacun devra trouver d’autres débouchés pour écouler son reste, sur le marché, directement aux consommateurs ou par l’intermédiaire des collecteurs revendeurs. En tous les cas, ce commerce avec la laiterie a amélioré l’organisation de la traite et la gestion du lait : le paiement des recettes est mensuel ; le coût des aliments et des produits vétérinaires en est déduit. Mais… il y a un gros mais, il a exclu la femme de la prise de décisions de gestion du lait et des recettes !!!

Tableau 3 : Importance de la vente du lait des débouchés

Mais les chercheurs ont constaté que le lait a été longtemps considéré comme un produit secondaire chez les agroéleveurs. Les effectifs des vaches sont beaucoup plus réduits, à Koutiala, et plus homogènes, à l’Office du Niger. Les éleveurs pratiquent la transhumance, en saison sèche et en hivernage. Cela a été dit, plus haut, que la production de lait est fonction de la saison (voir tableau 2). Par conséquent, dans la zone de l’Office du Niger, seuls 10 % des exploitants font la traite toute l’année, 85 %, en saison sèche, et 5 %, en saison pluvieuse. En cette dernière, cette faiblesse se comprend, parce que c’est la période de transhumance. Les animaux sont éloignés des centres de consommation. Les pistes sont peu praticables. En saison sèche, le pâturage manque, et la seule préoccupation des éleveurs, qui arrêtent la traite, c’est assurer la survie des couples mères-veaux.

Caractéristiques production de lait

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Types exploitations

Laiterie Danaya Nono

Type A

90

10

Type B

60

40

Type C

80

20

Type D

100

0

Marché

On peut en dire autant sur le prix moyen de chaque litre de lait vendu variant également suivant la saison, le débouché et la zone de production. Les producteurs de Koutiala affichent des prix inférieurs à ceux de Niono. Au marché de Niono, ils se situent entre 250 et 300 francs CFA le litre, en saison sèche, contre 225 et 250 francs CFA, en saison des pluies, alors que celui de la laiterie est fixe, 200 francs CFA, tout au long de l’année. Pourtant, elle paie le litre de lait frais à 150 francs CFA, en saison des pluies, et à 190 francs CFA, en saison sèche ! Au marché, il est de 150 francs CFA, en saison des pluies, à 25 kilomètres de Koutiala, contre 180 francs CFA, en ville. Il s’élève légèrement, en saison sèche, de 170 francs CFA, autour de Koutiala, contre 200 francs CFA, en ville. Mais que font-ils de leurs revenus, se sont demandés, à juste titre, les chercheurs ? A l’Office du Niger, où la vente est l’apanage des femmes sur 85 % des exploitations, les recettes servent à satisfaire les dépenses domestiques (plus de la moitié) et à assurer l’alimentation et la santé des animaux. Les C et D en prélèvent 62 % et 50 % pour l’alimentation et la santé des animaux. Dans la zone cotonnière de Koutiala, les exploitations E consacrent 80 % à l’alimentation et aux soins des animaux. Par contre, les B et C mettent 60 et 75 % dans les dépenses domestiques. Contact : Hamadé Kagoné CORAF/WECARD, BP 48 Dakar RP CP 18523, Dakar, Sénégal Tél. : (221) 33 869 96 18 Fax : (221) 33 869 96 31 E-mail : hamade.kagone@coraf.org Internet : www.coraf.org

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Kolda

Impact des politiques sur le système laitier périurbain

E

TUDER LES POLITIQUES SUR LE SYSTÈME LAITIER PÉRIURBAIN

défie le bon sens, car il est une vraie gageure. C’est ce que montre celle du Projet « Intégration régionale, accès aux marchés et diversification de l’agriculture dans la zone UEMOA : options politiques pour des filières laitières compétitives et durables », déroulé de 2005 à 2007 et soutenu par le Fonds compétitif régional (FCR) du CORAF/ WECARD. En effet, les chercheurs à la tâche ont mesuré les effets des politiques, en utilisant les indicateurs que sont le coefficient de protection nominal (CPN), le coefficient de protection effectif (CPE) et le coefficient de l’avantage comparatif (CRD). Ensuite, ils les ont comparés pour pouvoir discuter de l’efficacité de ces politiques. Pour ce faire, ils procédèrent à l’analyse de la situation de la filière, des unités de transformation, des producteurs et des consommateurs, qui a donné des résultats ainsi que les montre ce tableau 1. Tableau 1 : coefficients de protection et de compétitivité de la filière à Kolda

Source : A. Diarra, 2007

Au niveau de la filière, le CPN du lait est inférieur à 1. Ce qui signifie que le lait n’est pas protégé, car les acteurs gagnent moins que ce qu’ils gagneraient en situation de libre-échange, donc ne sont pas incités à en produire. De même qu’en tenant compte de l’activité, le niveau du CPE est aussi inférieur à 1, autrement dit la valeur ajoutée financière est inférieure à ce qu’elle aurait été sans l’intervention de l’Etat qui a découragé la production laitière comme toute autre intervention, d’ailleurs. Et les chercheurs de conclure que « le fait que le CPE soit inférieur au CPN montre que les intrants utilisés dans la filière sont taxés. » L’équivalent d’un dollar en ressources domestiques

Au niveau des unités de transformation, ces deux indicateurs restent toujours inférieurs à 1. En clair, cela veut dire que les acteurs ne sont pas incités à produire et gagneraient plus dans une situation de libre-échange. Au niveau des producteurs, la protection est assurée, bien qu’elle soit faible (CPN et CPE supérieurs à 1). D’où le fait CORAF ACTION N° 57

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qu’ils gagnent actuellement plus que ce qu’ils gagneraient, en situation de libéralisation totale. En analysant les résultats du CRD (tous inférieurs à 1), ils démontrent que la zone de production a un avantage comparatif par rapport au marché international : les producteurs et transformateurs sont économiquement très efficients ; la valeur des ressources nationales, utilisées dans la production d’une unité de produit laitier, est inférieure à la valeur ajoutée épargnée. C’est-à-dire qu’il serait beaucoup plus rentable de produire du lait ici, au lieu de l’importer, afin d’améliorer la balance commerciale du pays et d’économiser des devises pouvant servir à l’achat de biens, dont la production locale est inefficiente. Cela leur fait affirmer qu’au niveau de la filière, « l’équivalent d’un dollar en ressources domestiques produit 2,13 dollars de devises étrangères. » Au niveau des consommateurs, ils indiquent que la faible protection des unités de transformation constitue une incitation à la consommation. Le prix au marché du lait est inférieur à ce qu’il serait, dans une situation de libre-échange. Sa tendance actuelle est d’augmenter à 100 %

En comparant les deux coefficients de protection et le CRD, ils montrent que, malgré son efficience, la filière laitière n’est pas soutenue par les pouvoirs publics. Alors que les ressources nationales se font de plus en plus rares, il devient plus que nécessaire qu’ils soutiennent les secteurs les plus compétitifs. Quant à la variable la plus importante pour l’évaluation des politiques et de l’avantage comparatif, il s’agit, sans doute, du cours mondial des produits laitiers, par rapport auquel se mesurent la compétitivité de la production locale et les effets des politiques. Les subventions des pays exportateurs de produits laitiers, en particulier l’Union européenne, ont pour effet de baisser ces prix. La suppression de ces subventions aura, par conséquent, comme effet une amélioration de la compétitivité du système laitier périurbain de Kolda, ainsi qu’en atteste ce tableau 2 qui présente l’effet d’une augmentation du prix du marché international sur la compétitivité des producteurs. Tableau 2 : sensibilité des résultats de compétitivité des producteurs aux variations du prix de référence 90%

100%

120%

150%

200%

Prix CAF du lait en poudre 1105,09

1227,9

1473,45

1841,8

2455,76

0,81

0,73

0,64

0,53

% du prix de base

CRD producteurs

0,86

Source : A Diarra, 2007

Au risque de se répéter, les chercheurs reviennent sur le fait que les producteurs sont très sensibles aux variations du prix du lait en poudre. Or sa tendance actuelle sur le marché international, est d’augmenter à 100 % environ, ce qui doit pleinement justifier un soutien de la part des pouvoirs publics aux filières laitières locales. Car il lui revient très couteux de continuer à importer le lait en poudre.

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Changement climatique

L’Afrique pour une même position à Durban

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D

ANS LA COURSE EFFRÉNÉE VERS LA RÉ-

solution des effets du changement climatique, l’Afrique refuse d’être à la traîne. Elle décide alors de se placer en pôle position. Surtout à la veille de la 17e conférence des parties de Durban de décembre 2012. Comme un seul homme, elle s’est retrouvée, pour la première fois, en conférence sur le changement climatique et le développement (CCDA), un mois avant, à AddisAbeba, du 17 au 19 octobre 2012, pour se

En outre, ils notent que les relations, existant entre les différents acteurs de la filière, sont complexes. En effet, la protection excessive des producteurs reviendrait à taxer les transformateurs. Or celle des transformateurs aussi entrainerait une non-incitation à la consommation. Ceci montre bien le caractère complexe et souvent divergent des politiques commerciales. « Par conséquent, concluentils, toute politique, qui se veut cohérente, doit prendre en compte cette réalité ». Cependant, bien que les politiques commerciales soient très importantes dans la stratégie de promotion du secteur laitier, elles ne peuvent, à elles seules, garantir les conditions de son développement. Bien au contraire, elles apparaissent comme un des outils des politiques sectorielles plus vastes. Ainsi, les politiques fiscales et tarifaires doivent être accompagnées de mesures d’appui technique à la production, de promotion de la transformation, d’amélioration de la qualité des produits et des programmes sanitaires, etc. Contact : Armand Faye CORAF/WECARD, BP 48 Dakar RP CP 18523, Dakar, Sénégal Tél. : (221) 33 869 96 18 Fax : (221) 33 869 96 31 E-mail : armand.faye@coraf.org Skype : aramandfaye Yahoo Messenger : armand.faye Internet : www.coraf.org

définir une position commune nationale et internationale en vue de la conférence des parties de Durban de décembre de la même année. C’était sur invitation de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) et la Commission de l’Union africaine (CUA) et de la Banque africaine de développement (BAD). Se penchant sur le thème « Priorité au développement : lutter contre les effets des changements climatiques en Afrique» (voir encadré), les 400 participants se sont préoccupés de la résolution de deux équations : dans les politiques, stratégies, programmes et pratiques de développement, comment prendre en compte les problèmes liés aux changements climatiques. Dans le régime ou dispositif de lutte international, comment permettre le renforcement de la position du continent et sa participation aux négociations internationales pour que ses priorités y soient prises en compte. Aussi ont-ils mis en exergue les opportunités offertes par l’adoption de l’option de développement « réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation » (REDD+), les liens forts établis entre adaptation et atténuation des effets, l’importance de l’accès à l’énergie pour le développement. Aussi ils ont également privilégié l’impact du phénomène sur les modes de subsistance en partie dû à la réduction de la productivité agricole et à l’aggravation du stress hydrique. Ils en ont, enfin, fait de même de l’introduction d’un accord international à caractère contraignant après l’expiration du protocole de Kyoto, la nécessité de tirer

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parti des mécanismes de financement existants, tout en envisageant la création de nouveaux. Ainsi, à l’issue de cette grande « messe », l’importante déclaration, qui suit, a été adoptée par ces représentants d’Etats, de Communautés économiques régionales, d’organisations de bassins fluviaux, d’Organisations non gouvernementales, de Sociétés civiles, de Secteurs privés, d’Universités et de Partenaires au développement. Des comités média comme partenaires privilégiés

Sur la question de la climatologie, des données, informations et prestations de service, ils ont, tout d’abord, noté le rôle de premier ordre joué par les informations climatologiques dans la planification du développement et, à l’échelle nationale, dans la gestion des opportunités, des risques liés au climat, des options de lutte que sont l’adaptation et l’atténuation. Ils ont aussi souligné la nécessité de s’appuyer sur des faits et connaissances scientifiquement établis, de disposer de données, d’informations et de systèmes de prestation de service fiables. Ces trois éléments permettront de parvenir à une perception commune africaine des signes tangibles, de l’ampleur des effets sur la croissance économique, le développement social et d’adopter, en conséquence, des mesures concrètes de lutte. Pour ce faire, la conférence a invité les Etats à tenir compte du phénomène, à renforcer les capacités, à collecter, à analyser et à exploiter les données et informations et à les mettre à la disposition de tous les décideurs et pratiCORAF ACTION N° 57

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ciens. A cet égard, elle en appelle au Centre africain de la politique du climat (ACPC) de la CEA pour les appuyer, de concert avec la CUA et la BAD. Elle exhorte les Centres régionaux d’excellence (CRE) à approfondir la recherche continentale sur le climat, avec comme but le renforcement des fondements scientifiques ainsi que la réduction des incertitudes des projections climatiques destinées aux utilisateurs. Cette préoccupation a pour conséquence d’entraîner la recherche à répondre aux besoins locaux, à s’avérer plus concrète et à se baser sur des politiques précises. Dans le même ordre d’idées, elle sollicite les scientifiques africains, exerçant sur place ou de la diaspora, à participer davantage au processus de création de nouvelles connaissances au moyen, notamment, de la modélisation des changements climatiques et, du coup, à contribuer au renforcement des capacités continentales. Sur ce dernier point, elle attend l’apport renforcé des institutions mondiales, tels le Système mondial d’observation du climat (SMOC) et l’Organisation météoro-logique mondiale, sur tous les plans en matière de données et d’informations climatologiques. En dernier ressort, la conférence prie les Etats à prendre en compte les besoins des Systèmes d’observation du climat lors de l’élaboration des Plans régionaux d’adaptation aux changements climatiques, adopter le concept d’assurance récolte au profit des producteurs et aider à mettre sur pied des comités média comme partenaires privilégiés. La prise de conscience et la mobilisation de masse

En abordant le développement de la résistance et de l’adaptation aux changements climatiques, la conférence a mis en exergue les principales questions, parmi lesquelles les défis socio-économiques, les risques des catastrophes naturels, les moyens de contrôle et les réponses politiques. Ont été plus particulièrement examinés les secteursclés que sont l’agriculture, les ressources en eau et la santé, pour dire aux pays africains à quel point il leur est impérieux de « suivre une voie de développement privilégiant la réduction de la pauvreté, la croissance CORAF ACTION N° 57

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économique et l’amélioration du bienêtre humain ». Ainsi elle convie les Etats au renforcement de leurs politiques et interventions en faveur d’une adaptation efficace au phénomène. Pour cela, ils se doivent de concentrer leurs efforts sur l’augmentation de l’efficacité de la gestion de la terre, de l’eau, de l’énergie et du transport et l’accroissement de la productivité agricole, dans le but de renforcer la résistance au phénomène et d’améliorer la production et la sécurité alimentaires sur le continent. Mais, ne nous y trompons pas, ce qui précède nécessite qu’ils augmentent aussi les investissements dévolus. Qu’ils soient alors soutenus en cela, d’après la conférence, par les négociateurs, les représentant dans les négociations internationales, chargés d’y intégrer les questions de l’exploitation des terres et de développement de l’énergie hydraulique et de leur faire accéder au financement de ces investissements par le biais du Mécanisme pour un développement propre (MDP) du protocole de Kyoto. De même, elle invite, instamment, la CEA, la CUA, le NEPAD, les CER et les CRE à mettre au point un programme de travail sur l’agriculture, au titre du Cadre d’adaptation de Cancún servant à associer les moyens d’exécution des finances, du transfert de technologies et du renforcement des capacités et les Systèmes d’alerte précoces, les moyens de communication des conditions climatiques saisonnières, l’irrigation, la dissémination et la Thème : Priorité au développement : lutter contre les effets des changements climatiques en Afrique Sous-thèmes : • Climatologie, des données, informations et prestations de service • Développement de la résistance et de l’adaptation aux changements climatiques • Résistance aux effets des changements climatiques et le développement à faibles émissions de carbone • Aspects économiques et financiers

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multiplication des semences et la mutualisation des techniques au profit des agriculteurs. La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) n’étant pas en reste, elle la convie à établir des relations formelles avec plusieurs organisations internationales, telles la FAO, la Fondation canadienne pour la vérification intégrée (FCVI) et l’OMM. L’objectif de ce futur acte est de se tenir informées « des dernières recherches scientifiques as-sociées aux crises actuelles de l’agriculture provoquées par les effets des changements climatiques, par exemple, des liens établis […] entre la sécheresse actuelle dans la Corne de l’Afrique et l’élévation des températures à la surface des océans ». Tout comme il s’agit de leur demander de rendre compte régulièrement de leurs résultats à la conférence des parties. Selon la conférence, les scientifiques africains se doivent d’élargir, dans toutes les régions, le corpus des connaissances portant sur les liens entre les gaz à effets de serre, les changements climatiques, l’agriculture et l’eau.D’ailleurs, les Etats sont priés d’accélérer la mise en valeur des eaux souterraines, en profitant des pré-sentes opportunités et en s’attaquant à la disponibilité des ressources, aux difficultés transfrontalières, à l’harmonisation des politiques, à leur accessibilité, à leur caractère renouvelable, à leur sécurité et à leur viabilité. Les risques, telles les inondations, les sécheresses et les désertifications, sont à combattre par le truchement de nouveaux mécanismes continentaux mis en place par eux et les institutions régionales. Il en est de même en ce qui concerne la nécessité d’augmenter la prise de cons-cience et la mobilisation de masse attendues d’être à l’actif des Etats, mais aussi des CER et de l’ACPC. Rehausser la transparence et renforcer la confiance mutuelle

Examinant la résistance aux effets des changements climatiques et le développement à faibles émissions de carbone, la conférence attire l’attention sur l’impérieux devoir de s’inscrire dans le cadre de l’économie verte. C’est-à-dire accéder à l’énergie, améliorer la gouvernance forestière afin de


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tirer parti du financement y afférent, exploiter les possibilités d’utilisation et de changement d’affectation des terres et de foresterie. Il reste entendu que le chemin vers ce nouveau type de développement est loin d’être aisé, mais peuvent y mener à bon port des politiques hardies suscitant un environnement favorable aux Secteurs privés et publics, tout comme la collaboration intersectorielle, l’adoption de fiables options de réduction des émissions et de fixation du carbone. A cet effet, la conférence appelle les Etats, associés au Secteur privé et aux organisations de la Société civile, à définir des stratégies adaptées de développement à faibles émissions de carbone ; associés aux CER, à renforcer la coopération régionale relative aux prestations de services énergétiques et agricoles, permettant, de ce fait, aux autorités de se concentrer sur les domaines où leurs avantages comparatifs sont évidents ; s’invitent à formuler et à mettre en œuvre des politiques d’appui garantissant l’accès à des services énergétiques abordables, fiables et propres, en vue d’espérer réduire la pauvreté, améliorer la santé, accroître la productivité et promouvoir le développement économique. « A cet égard, chaque Etat membre est encouragé à choisir une combinaison d’énegies adaptée à sa propre situation économique et à ses ressources », proclame la déclaration. Pour la coopération et la mise en œuvre de politiques, de programmes et de projets REED+, il faudrait éga-

lement que les Etats travaillent, la main dans la main, avec le Secteur privé, les organisations de la Société civile et le monde de la recherche ; qu’ils mettent en place des politiques de protection de l’environnement, sans remettre en cause leur développement ; qu’ils garantissent aux populations autochtones l’accès aux forêts et aux moyens d’existence. Pour promouvoir et mettre en œuvre des politiques de développement des énergies renouvelables, ils se doivent de se servir des cadres de politique internationaux, dont le MDP, les mesures d’atténuation adaptées aux pays, etc., ainsi que des sources de financement existants. En vue de parvenir au développement à faibles émissions de carbone, le recensement des secteurs prioritaires est requis pour être fait par les institutions régionales de recherche. Enfin, n’élucidant pas les aspects économiques et financiers, la conférence a introduit un débat ayant permis non seulement de cerner les coûts des effets des changements climatiques sur le développement du continent, mais aussi de souligner le besoin pressant de mesures efficaces et de trouver un équilibre entre, d’une part, la lutte contre ces effets et, d’autre part, la satisfaction des impératifs immédiats du développement. Pour y parvenir, la conférence convie les Etats, bénéficiant de l’appui des institutions de recherche et des CRE, à renforcer les capacités des chercheurs et décideurs, pour les rendre à même

DE LA RECHERCHE NATIONALE d’évaluer les risques et leurs répercussions économiques. Les institutions de recherche, en ce qui les concerne, sont invitées à s’engager dans des programmes et projets de recherche sur la question, à documenter et à estimer les coûts de l’adapta-

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Lettre d’information trimestrielle du Conseil Ouest et Centre africain pour la recherche et le développement agricoles

Directeur de publication Paco Sérémé

Directeur de la rédaction Harold Roy-Macauley

Directeur adjoint de la rédaction Anatole Yékéminan Koné

Rédacteur en chef Armand Faye

Comité de rédaction et de lecture Ernest Assah Asiedu George Muluh Achu Vincent Joseph Mama Abdourahmane Sangaré Mbène Dièye Sidi Sanyang Hamadé Kagoné Abdulai Jallho Ousmane Ndoye Adramane Kollo Julienne Kuiseu Jérôme Konan Kouamé Mika Ndongo

Mise en pages Ngor Sarr Alassane Dia

Postage en ligne Gorgui Alioune Mbow

Documentation, édition et diffusion CORAF/ WECARD Version anglaise disponible

CORAF/ WECARD, BP 48 Dakar RP CP 18523, Dakar, Sénégal Tél. : (221) 33 869 96 18 Fax : (221) 33 869 96 31 E-mail : paco.sereme@coraf.org E-mail : armand.faye@coraf.org Internet : www.coraf.org ISSN : 0850 5810

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tion aux effets et de leur atténuation. L’établissement d’un portefeuille de programmes et de projets d’investissement, cadrant, de bien entendu, avec les plans et priorités de développement, sont très attendus des Etats. Tandis que, de la part des institutions de recherche, il importe qu’elles étudient les moyens de mobilisation de nouveaux financements, par le recours au Fonds vert pour le climat, et le développement d’un nouveau modèle d’entreprise et d’un mécanisme innovant. Pour leur part, les Etats voudront bien, de concert avec le Secteur privé, les organisations de la société civile et le monde de la recherche, aider à renforcer les capacités des entrepreneurs du secteur énergétique pour les rendre capables à se servir des mécanismes de financement,parmi lesquels le mécanisme pour un développement propre et les mesures d’atténuation adaptée aux pays. Quant aux négociateurs, engagés dans les négociations internationales, ils sont priés de travailler à l’établissement d’une base de référence internationalement convenue touchant les financements « nouveaux et additionnels ». Le but : rehausser la transparence et renforcer la confiance mutuelle entre pays développés et pays en développement.

Contact : Armand Faye CORAF/WECARD, BP 48 Dakar RP, CP 18523, Dakar, Sénégal Tél. : (221) 33 869 96 18 Fax : (221) 33 869 96 31 E-mail : armand.faye@coraf.org Skype : aramandfaye Yahoo Messenger : armand.faye Internet : www.coraf.org

Rapport trimestriel de Juillet 2011 sur les activités du Projet de recherche «Promotion de variétés de sorgho résistantes au Striga » pour réduire les crises alimentaires dans la zone sahélienne — Sénégal, Mali et Burkina Faso. Par Moctar Wade du Centre national de la recherche agronomique (CNRA) de Bambey de l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA). Le premier trimestre de 2011 a vu les chercheurs de l’équipe du Sénégal organiser une série de rencontres, afin de restituer les résultats des essais de la campagne agricole 2010, de faire déguster des mets à base de la variété F2-20 par les villageois engagés dans les champs écoles paysans (CEP), de sensibiliser les producteurs et de caractériser les parcelles avant l’extension des activités de cette année-ci. C’est ainsi que, du 10 janvier au 24 mars 2011, 404 producteurs, tout à fait disposés à continuer, voire étendre les activités du Projet, et autorités locales et coutumières se sont vu restituer les résultats des essais dans les villages diourbelois de Batal, de Ndialith et de Mbary, animés et suivis par des organisations de producteurs du département de Bambey ; dans les villages Kaffrinois de Koungheul Socé, de Darou Wolof et de Keur Aly Lobé, où les CEP et parcelles de démonstration étaient animés et suivis par l’ONG « Pencum Bambuk » de Koungheul ; dans les villages de Kathiott, de Guinth Kaye, de Thiaré et de Nganda, où les CEP et parcelles de démonstration étaient animés et suivis par l’ANCAR (Agence nationale de conseil agricole et rural). Quant aux séances de dégustation de couscous, de

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«laax » (bouillie), de «ñeleng», 200 producteurs, dont 86 femmes, y ont participé. A Koungheul, elles ont été organisées par l’ONG Pencum Bambuk et, à Kaolack, par l’ANCAR. Les mets, préparés par les femmes, constituaient à combiner 1 kilo de sorgho et de maïs, 1 kilo de sorgho et de mil, mais aussi pour cuisiner le sorgho seul. Mais quelles impressions en ont eues les producteurs ? La variété F2-20 étant sans tanin, ces derniers trouvent un excellent goût au couscous fait avec du sorgho seul et apprécient bien sa couleur, contrairement à celle du couscous à base de variétés avec tanin. Ils apprécient bien également le couscous de sorgho et de maïs ainsi que le ñeleng de sorgho, très bien apprécié par les hommes, qui leur rappelle l’agréable goût de celui de la variété traditionnelle qu’est le mil Sanio complètement disparu de la zone, à cause de son trop long cycle biologique. A l’opposé, ils apprécient moins bien le laax ou bouillie de sorgho et de mil, surtout les femmes qui soutiennent que la farine est difficile à rouler et la cuisson demande beaucoup d’efforts évitant la transformation en pâte. Selon les femmes, il n’est nullement nécessaire de décortiquer les grains de F220 contrairement au mil, De surcroît, la variété ne présente pas d’allélopathie (organisme inhibant la croissance d’autres organismes par sécrétion de substances chimiques nocives) négative sur le sol et ne « renferme » pas d’acide cyanidrique dangereuse pour les animaux, surtout les bœufs, qui mangent ses chaumes ou ses repousses. Il y a lieu, cependant, de souligner que le sorgho a tout de même «mauvaise presse»

au Sénégal, à cause des accidents, survenus en milieu rural, du genre intoxications alimentaires et mort d’animaux. A cela s’ajoute le fait qu’il passe pour être un mauvais précédent cultural pour presque toutes les cultures entrant dans une rotation culturale. Et les chercheurs témoignent qu’en ce qui concerne les producteurs impliqués dans les tests de démonstration, « nous ont attesté qu’ils ont nourri leurs animaux avec les chaumes de la F2-20, après les récoltes, et que ce sont leurs propres animaux qui ont mangé les repousses au niveau des parcelles sans la moindre diarrhée. » Enfin, tout un mois a été pris par les chercheurs pour se consacrer à la sensibilisation de 200 producteurs venus de 27 villages des régions de Kaffrine et de Kaolack et pour caractériser une centaine de parcelles villageoises. Compte tenu des résultats obtenus en 2010, plusieurs producteurs ont manifesté leur désir de cultiver la F2-20 en 2011. Les semences produites, durant la campagne agricole 2010, sont conditionnées et prêtes à être distribuées aux producteurs. Dans tous les villages, où des CEP ont été implantés, 100 à 200 kilos de semences de sorgho serviront à étendre les activités aux villages environnants, en 2011.

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