BCL #7

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Bourgogne côté livre L’ a c t u a l i t é d u l i v r e et des professionnels de la région

e n t re t i e n s

J e a n - L o u i s T h o u a rd : d e s b u l le s e n B o u rg o g n e J é rô m e Tr i a u d = le c t u re p u b l i q u e + n u m é r i q u e A u t re m e n t D i t : n o u ve a u q u a r t i e r , d e u x i è m e l i b ra i r i e

i n i t i a t i ve s ( d ) é to n n a n te s

L’ O i s e a u I n d i g o D i f f u s i o n , m i l i ta n t d e l a d i ve rs i t é l i n g u i st i q u e

numérique

É d i te u rs e t l i b ra i re s fa ce a u l i v re n u m é r i q u e

d o ss i e r

L i b ra i re i n d é p e n d a n t a u j o u rd ’ h u i . . . e t d e m a i n ?

C RL

B ou r g og ne

Centre régional du livre de Bourgogne



éditorial

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SOMMAIRE

Vous allez découvrir la nouvelle formule de BCL. Après analyse d’un sondage réalisé auprès de vous, lecteurs, le comité de rédaction a décidé de signaler les nouvelles parutions par courriel et de faire de BCL, comme vous l’évoquiez, un magazine sur la vie du livre en Bourgogne et ailleurs, alternant portraits, brèves, articles de fond et dossiers sur les thèmes soulevés par les mutations que connaissent actuellement les métiers du livre. Le nouveau BCL est destiné bien sûr aux professionnels, mais aussi à nos publics concernés par la vie du livre. Les pratiques de lecture qui changent, les nouvelles technologies, la crise économique, et tout dernièrement l’augmentation de la TVA à 7 % pour le livre (voir dossier p. 20), font que nos secteurs sont fragilisés certes, mais évoluent aussi, c’est pourquoi nous souhaitons mettre en lumière les initiatives de certains ou les changements qui se profilent. Pour ce numéro, deux exemples emblématiques : l’initiative d’un diffuseur, sous forme associative, qui a la volonté de faire découvrir en France les littératures francophones venues d’Afrique, du Maghreb ou

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le CRL en actions

Les éditeurs bourguignons au salon du livre de Paris : quels enjeux ?

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entretiens

Jean-Louis Thouard : des bulles en Bourgogne Jérôme Triaud = lecture publique + numérique Autrement Dit : nouveau quartier, deuxième librairie

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initiatives (d)étonnantes

L’Oiseau Indigo Diffusion, militant de la diversité linguistique

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europe

L’Europe aide les projets de traduction

du Moyen Orient : L’Oiseau Indigo Diffusion. Un dossier sur un fait « générationnel » : le départ en retraite d’une génération de libraires amène à la tête des librairies des trentenaires. Qui sont-ils ? Comment envisagent-ils leur métier ? Sont-ils soutenus ? Mais dans BCL vous trouverez aussi bien d’autres initiatives, entretiens, informations ! Nous espérons que cette formule vous plaira, n’hésitez pas à nous donner votre avis et à nous informer de tout ce qui fait bouger le livre autour de nous. George Bassan Présidente du CRL Bourgogne

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numérique

Éditeurs et libraires face au livre numérique

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dossier

Libraire indépendant aujourd’hui… et demain ?

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repères juridiques

Bibliothèque et reproduction des œuvres : des exceptions au droit d’auteur ? Puis-je librement exposer des œuvres dans le cadre d’une exposition gratuite ? Rémunération des auteurs : ce qui change en 2012

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à lire…

Sur le bazar éditorial Les indécisions natives de l’action culturelle

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livre & jazz

« Le Nerf » : dans le vif d’une double écriture


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le CRL en actions

BREVES Les éditeurs BCL # 7 / Mars 2012

L’exposition « Des histoires plein les tiroirs »

bourguignons au salon du livre de Paris : quels enjeux ?

proposée par le Centre régional du livre de Bourgogne et 8 bibliothèques partenaires, poursuit son chemin. Elle fera halte à Mâcon, Semur-en-Auxois, Nevers, Dijon et Chalon-

Tenir un stand dans les divers salons internationaux, nationaux et locaux représente un effort financier très important pour un

sur-Saône d’ici janvier 2013, et sera ensuite

éditeur indépendant. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Oui et les édi-

disponible à la location. Une exposition pour

teurs bourguignons le prouvent. C’est pourquoi, à l’échelle de ses

petits et grands qui s’inscrit dans le cadre du Plan de conservation partagée des livres pour la jeunesse et qui permet de découvrir une édition pour la jeunesse foisonnante, à travers

moyens, le CRL soutient la présence des éditeurs bourguignons dans quelques salons du livre, et notamment celui de Paris.

une cinquantaine de livres et albums publiés entre 1958 et les années 2000. Renseignements : www.crl-bourgogne.org

Jean-Jacques Rousseau, un tricentenaire en Bourgogne La Bourgogne prend part à la commémoration nationale du 300e anniversaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau. Le CRL édite une biobibliographie (gratuite, sur simple demande) présentant la vie et la pensée du philosophe ainsi que son parcours en Bourgogne. L’Académie des sciences, arts et belles-lettres qui couronna son Discours sur les sciences et les arts en 1750 organise le 14 avril 2012 un colloque consacré aux Discours et aux ouvrages

Parmi les missions du CRL, l’une des plus importantes est la structuration de la filière économique du livre par l’accompagnement de ses acteurs. Soutenir la présence des éditeurs bourguignons à des salons d’envergures différentes y participe. En effet, parcourir les salons coûte très cher aux éditeurs, tant sur le plan financier (déplacement, hébergement, location du stand, matériel de promotion, etc.), que du point de vue de la disponibilité que cela implique. Or si la rentabilité de cet investissement est rarement immédiate, les bilans démontrent qu’à moyen terme, elle est pourtant bien réelle, grâce notamment aux nombreux contacts professionnels qui peuvent s’y nouer.

méconnus. À cette occasion, découvrez des œuvres originales exposées à la bibliothèque municipale de Dijon et d’autres événements proposés par le Jardin des Sciences et le Théâtre Dijon Bourgogne. Le programme sur : www.acascia-dijon.fr

Salon du livre de Paris : un rendez-vous coûteux… Avec des tarifs au m² clairement prohibitifs, ce salon reste financièrement inaccessible à la grande majorité des éditeurs indépendants. Inaccessible, mais néanmoins incontournable, selon les éditeurs bourguignons participant depuis plusieurs années. En mars 2012 donc, et pour la 17e année consécutive, l’équipe du CRL se réjouit de permettre aux

éditeurs bourguignons de s’y retrouver sur un stand commun et sous une même bannière, celle de la région Bourgogne. Sept maisons d’éditions bourguignonnes présenteront ainsi leurs derniers ouvrages sur un stand de 70 m², mutualisé avec la région Champagne-Ardenne : les éditions de Bourgogne, les éditions du Chemin de fer, Doyen éditeur, D’un Noir Si Bleu, L’Escargot Savant, les éditions du Murmure et Raison & Passions. Le CRL assure la logistique de l’événement et le finance. Il prend en charge la location de l’espace nu et détermine l’habillage du stand avec un prestataire ad hoc. Interlocuteur unique de la société organisant le salon pour le compte du Syndicat national du l’édition (SNE), il coordonne par ailleurs l’inscription administrative des éditeurs au salon et avance un certain nombre de frais (inscriptions, invitations, parking, etc.). En outre, le CRL communique sur l’événement, tant auprès de la presse locale et nationale que des élus régionaux, et organise la soirée d’inauguration. Pendant la durée du salon enfin, il met en place une caisse centralisée. La valeur ajoutée induite par cette prise en charge globale du CRL est claire : gain de place, de visibilité et de temps pour les éditeurs.


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… mais potentiellement déterminant Déchargés d’une bonne partie des contingences matérielles et administratives, ceux-ci peuvent ainsi se concentrer sur l’organisation de leur présence au salon, avant et pendant celui-ci : communication, mise en place des dédicaces de leurs auteurs, participation à des tables-rondes, ou encore et surtout, prises de contacts et rendez-vous avec d’autres acteurs de la chaîne du livre. Le salon du livre de Paris rassemble en effet un vivier de professionnels du livre et, bien avant le chiffre d’affaires réalisé – souvent modeste –, ce sont les rencontres, parfois fortuites mais a fortiori si elles sont préparées en amont, qui peuvent s’avérer déterminantes pour le développement et la professionnalisation d’une maison d’édition. Ainsi par exemple, un éditeur bourguignon a-t-il, durant le salon de Paris, conclu un accord avec un distributeur : une externalisation qui demeure une étape cruciale dans la professionnalisation d’une structure éditoriale. Un autre, au contraire, a pu de justesse éviter d’en signer un avec un diffuseur-distributeur au bord de la faillite, grâce à un échange informel avec d’autres professionnels... Plusieurs éditeurs témoignent par ailleurs de contacts pris avec des bibliothécaires ou libraires, contacts qui ont pu déboucher sur des commandes conséquentes à l’issue de l’événement. La présence de la presse, de critiques littéraires ou de « bloggeurs professionnels » peut également susciter des articles et participer ainsi de la diffusion de la production éditoriale. Ajoutons à cela les projets d’édition, de coédition ou de traduction initiés pendant le salon, les « candidatures spontanées » parfois intéressantes de quelques imprimeurs, les rencontres, de plus en plus nombreuses, avec des distributeurs de livres numériques, la possibilité de négocier des droits, etc. Dernier point mais non des moindres, le stand Bourgogne du salon du livre de Paris apparaît année après année comme un espace de convivialité qui permet aux éditeurs bourguignons d’échanger entre eux, tout simplement.

Autres salons et perspectives D’autres salons de moindre envergure ne sont pas moins négligeables. Le salon du livre de Colmar, par exemple, qui a lieu chaque année fin novembre. À l’approche des fêtes de Noël, il est un des salons les plus fréquentés du Grand Est. Comme à Paris, le CRL y accompagne les éditeurs de Bourgogne depuis 2002. En 2011 par ailleurs, suite à la demande d’un petit groupe d’éditeurs, l’équipe du CRL a représenté cinq maisons au festival de poésie de Lodève, festival reconnu pour la qualité de sa programmation et de son public. Il n’en demeure pas moins que les éditeurs se rendent seuls à la majorité des autres salons locaux ou nationaux – et qu’ils en organisent parfois eux-mêmes ! En 2012, toujours dans un esprit de mutualisation, le CRL a donc choisi d’enrichir son offre de prêt de matériel, créée à l’origine à l’attention des bibliothèques. Des outils sont ainsi désormais mis à la disposition des éditeurs pour permettre une meilleure visibilité de leur stand et donc de leur production : signalétique globale et personnalisée sous forme de kakémonos, lampes, nappes, matériel électrique, etc. Car pour l’heure, face au choix cornélien d’abandonner le salon du livre de Paris pour proposer aux éditeurs une offre de déplacements aussi diversifiée que la pluralité de leurs catalogues respectifs, les éditeurs ont tranché : nous allons à Paris ! Marion Clamens et David Demartis

BREVES Patrimoine[s] écrit[s] en Bourgogne, du 21 juin au 16 septembre 2012 Cette année encore le CRL se mobilise pour faire découvrir les richesses du patrimoine écrit de Bourgogne. Une invitation à pousser les portes des bibliothèques, des archives et de bien d’autres lieux qui proposeront, tout au long de l’été, des visites de fonds anciens, des expositions, des présentations de documents patrimoniaux… Une occasion unique de découvrir la Bourgogne autrement. Renseignements : www.crl-bourgogne.org

Salons et fêtes du livre en Bourgogne • FÉVRIER Salon du Livre - Vallan Salon du livre jeunesse Crocmillivre - Dijon • MARS Journée du livre et des vieux documents - Is-sur-Tille Salon des Dames - Nevers • AVRIL Fête du livre - Autun Salon du livre et des métiers du livre Pierre Larousse - Toucy • MAI Salon du livre - Cosne-sur-Loire Salon du livre - Saint-Sauveur-en-Puisaye • JUIN Salon du livre - Tournus • JUILLET Fête du livre d’Anost - Aux Graillots Fête du livre - Fontaine-Française Samedi poésies Dimanche aussi Bazoches-du-Morvan • AOÛT Bain de livres à Saint-Ho Saint-Honoré-les-Bains • SEPTEMBRE Livres en Vignes - Vougeot Livres Escale, fête du livre ancien et de l’ouvrage maritime et fluvial - Clamecy • OCTOBRE Salon du livre - Domats Salon du livre - Migennes Nouvelles d’automne, salon de la petite édition et de la nouvelle francophone - La Clayette • NOVEMBRE Salon du livre - Étang-sur-Arroux Salon du livre - Saint-Jean-de-Losne • DÉCEMBRE Salon des auteurs nivernais Nevers Pour en savoir plus : www.crl-bourgogne.org > Vie du livre > Manifestations autour du livre


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BCL # 7 / Mars 2012

entretiens

Jean-Louis Thouard : des bulles en Bourgogne

Dessinateur, illustrateur, scénariste et écrivain, Jean-Louis Thouard déborde de projets, en Bourgogne et ailleurs. Après avoir illustré une histoire de la Bourgogne en bandes dessinées, il est impliqué cette année dans « Dijon vu par » 2012. BCL l’a rencontré à l’occasion de son parrainage du concours de BD organisé par l’Office national des anciens combattants (ONAC) pour les lycéens de Bourgogne et de Franche-Comté.

Les premières armes Né à Toulouse, Jean-Louis Thouard commence ses études dans le Jura, à Dole. Il obtient un bac littéraire et sa vocation est déjà trouvée. « Je savais que je voulais être illustrateur. En première ou terminale, avec un copain, j’étais même déjà allé présenter des projets de BD à Angoulême ! » Fort de cette certitude, il quitte Dole pour Strasbourg, entre à l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg et prépare en même temps une licence d’arts plastiques à l’université. « J’ai suivi ces deux formations parallèlement : aux Arts déco, j’ai acquis des techniques de dessin ; à la fac, j’ai suivi les enseignements théoriques d’histoire de l’art, d’histoire de l’esthétique… » C’est l’époque de sa première œuvre : « un bestiaire fantastique inspiré des contes et légendes de Franche-Comté. Je me suis beaucoup documenté, y compris auprès de personnes âgées parlant patois, et j’ai créé le livre de bout en bout. Pour ce projet, j’ai bénéficié d’une bourse “Défi jeunes” et j’ai trouvé un éditeur, Demo Demo à Dole. Je suis particulièrement fier de ce tout premier projet qui a été très formateur pour l’étudiant de 24 ans que j’étais. Dans la mesure où j’ai tout fait de A à Z ou presque, j’ai énormément appris : comment vendre un projet, les relations avec les autres… »


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Dijon vu par… Thouard Il fait ensuite le choix de Dijon, « un peu par hasard, un peu par envie de rester dans la région. Bien sûr, beaucoup de choses se passent à Paris, mais je m’y rends régulièrement pour présenter des projets, rencontrer des éditeurs ; DijonParis, ce n’est pas la mer à boire ! » Après avoir habillé les bus de la ville de Besançon, Jean-Louis Thouard va croquer Dijon. « Pour ce projet, Christine Martin, adjointe au Maire de Dijon, a d’ailleurs eu l’excellente idée de me mettre en contact avec Hervé Arnoul, designer-maquettiste meilleur ouvrier de France, qui a notamment travaillé avec François Schuiten et Benoît Peeters pour la série de BD Les Cités obscures. Nous travaillons vraiment bien ensemble et sommes en train de concocter une édition de “Dijon vu par” qui risque fort de surprendre les Dijonnais… L’exposition commencera aux alentours du 15 juin 2012, mais il se peut qu’elle soit précédée de quelques surprises… Je n’en dirai pas plus ! »

Jean-Louis Thouard et les jeunes Le parrain du concours de l’ONAC « Souvenirs de guerre » voulait faire passer un message : « la guerre se passe rarement façon Rambo ! » Il a créé une affiche en deux parties. En haut, un soldat casqué évoque la guerre d’Indochine. En bas, on voit une scène de tranchée, un soldat de la Première Guerre mondiale en train d’écrire, une référence aux lettres des Poilus. Par ailleurs, soucieux de transmettre ce qu’on lui a appris, Jean-Louis Thouard a ouvert un atelier « BD et illustration ». Il a trois élèves qu’il fait travailler le mieux possible. Il s’adresse de manière privilégiée aux adolescents, notamment depuis qu’il a illustré La Quête d’Ewilan puis Les Mondes d’Ewilan de Pierre Bottero. Il a également illustré quelques albums jeunesse mais il aimerait faire évoluer son graphisme pour toucher aussi de très jeunes enfants.

« ... atmosphère confinée, mystérieuse, couleurs nocturnes. C’est vrai que je reproduis souvent ce type d’ambiance, qui est celle qui me vient spontanément. » L’univers de l’artiste Jean-Louis Thouard travaille seul dans son atelier et regrette parfois l’émulation qu’engendre le partage d’un même lieu par plusieurs artistes. Néanmoins, il échange avec de nombreux illustrateurs, et aussi avec des lecteurs, notamment grâce à son blog. La création passe par plusieurs étapes : la documentation d’abord, puis des recherches au crayon. « Pour le projet sur lequel je suis en ce moment, je travaille beaucoup mon encrage, qui doit être particulièrement marqué puisque la mise en couleur se fera informatiquement. Mais il n’y a pas de règle, tout dépend du projet… Il faut bien un an pour faire un album ». Il travaille en étroite relation avec les scénaristes de BD ; il faut créer une alchimie entre le texte et le dessin, trouver une complémentarité. Son univers de prédilection est généralement sombre. Pour les Histoires extraordinaire d’Edgar Poe, dont le scénariste est Roger Seiter, il explique : « J’ai tâché de reproduire les images qui me venaient à l’esprit lorsque je les lisais enfant : atmosphère confinée, mystérieuse, couleurs “enterrées”, nocturnes. C’est vrai que je reproduis souvent ce type d’ambiance, qui est celle qui me vient spontanément ». Mais pour Sleepwalker, adapté par Stéphane Michaka d’après le roman noir d’Helen McCloy, même s’il s’est inspiré d’Alfred Hitchcock et de David Lynch, l’ambiance est plus gaie. « On est dans les années soixante-dix, j’ai donc tenté de reprendre les éléments esthétiques de cette époque, plus souriants ». « De temps en temps, j’ai aussi besoin de changer d’air, je me lance donc régulièrement dans des travaux de recherche d’où pourra naître, par exemple, une “lolita” dans un décor pop ! » Dans le travail avec son éditeur, l’auteur apprend à composer avec des contraintes éditoriales plus ou moins fortes. Ainsi,

les responsables de la collection Rivages noirs chez Casterman ont tenu à valider toutes les étapes du projet Sleepwalker. C’est l’objet de discussions qui permettent aussi à Jean-Louis Thouard d’affirmer son univers esthétique. Texte d’Isabelle Colin et propos recueillis par Aurélie Miller

> Écoutez l’interview complète de Jean-Louis Thouard sur le site du CRL, rubrique « La revue du CRL » et retrouvez-le sur son site : lebaron-rouge.com

IL AIME… Un livre

Toutes ces vies qu’on abandonne de

Virginie Ollagnier (Liana Levi, 2007) « Ou comment des fragments de vie apparemment contradictoires constituent finalement une identité cohérente. »

Une maison d’édition

« Dupuis et plus particulièrement la collection L’Aire libre. »

Deux librairies

« Une boutique de comics à New York, à Soho je crois, avec un rayon entier de BD franco-belges. À Porto, la librairie Lello e Irmào, chef-d’œuvre d’art nouveau. »

IL AIME BEAUCOUP MOINS… La hausse de la TVA sur le livre

« Pour moi, la TVA réduite est associée à la loi sur le prix unique du livre. Bien sûr, il est difficile pour un auteur qui travaille longtemps à son œuvre d’en parler comme d’un “produit”, fût-il de première nécessité. Mais ce qui est sûr, c’est que le livre ne doit pas être un produit de luxe. Sa richesse est immense, elle doit être proposée au plus grand nombre. Un livre peut bouleverser une vie… »


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BCL # 7 / Mars 2012

entretiens

Jérôme Triaud =

lecture publique + numérique Animé par la volonté de concilier culture du livre et culture numérique, Jérôme Triaud a rejoint le conseil général de Saône-et-Loire en juillet 2011 pour prendre la tête de la Direction de la lecture publique (DLP). Révélant un parcours professionnel déjà riche – bibliothécaire à la bibliothèque municipale de Lyon, responsable du centre de documentation au Musée historique de Lyon et enseignant en documentation à l’université Lyon III –, Jérôme Triaud dessine pour BCL les orientations qu’il souhaite donner aux bibliothèques rattachées à la Direction de la lecture publique.


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BCL : Jérôme Triaud, pourquoi la Saône-et-Loire ? Avez-vous des attaches particulières avec la région ? Jérôme Triaud : Je n’ai pas de lien particulier avec la Bourgogne. Je suis originaire d’Angoulême. J’ai beaucoup voyagé au cours de mes études : elles m’ont conduit à l’université de Salamanque, puis à celle de Strasbourg et à celle de Trèves en Allemagne. J’ai ensuite intégré l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Enssib), à Lyon, ville où je réside toujours. J’ai choisi ce poste en Saône-et-Loire parce que je cherchais une mission où il y ait une nécessité de repenser la lecture publique, ainsi que l’occasion pour moi de renouveler et d’enrichir ma pratique personnelle. J’avoue qu’ici, à la DLP, le défi est particulièrement passionnant : une équipe qui se renouvelle profondément, des perspectives de partenariats très enrichissants, mais aussi un fort intérêt du conseil général pour les technologies de l’information.

BCL : Quel état des lieux dresseriezvous ? Et pour quelles orientations futures ? JT : La population de la Bourgogne croît à un rythme bien moins élevé que la moyenne nationale et n’échappe pas à un fort vieillissement. Il y a peu de dynamisme démographique en Saône-etLoire. C’est donc à partir de ce constat général que doit se construire une politique de lecture publique. La mise en place de cette politique peut prendre appui sur deux points forts : la qualité des équipes qui gèrent les bibliothèques au quotidien et l’effort de construction du réseau depuis 30 ans. 130 bibliothèques – dans le réseau de la DLP – desservent 353 communes et plus de 330 000 Saône-et-Loiriens. 17 % de cette population sont des emprunteurs inscrits dans les bibliothèques, et 60 % de la totalité des prêts sont des prêts de livres pour la jeunesse. Mais grâce aux animations qu’elles mettent en place et à leur programmation culturelle, les bibliothèques de Saône-et-Loire touchent un public bien plus important.

« … le défi est particulièrement passionnant : une équipe qui se renouvelle profondément, des perspectives de partenariats très enrichissants, mais aussi un fort intérêt du conseil général pour les technologies de l’information. » Nous entendons poursuivre la structuration du réseau départemental, informatiser les bibliothèques qui ne le sont pas, développer les actions en direction des publics empêchés (pensionnaires des maisons de retraite, handicapés, prisonniers…) et ouvrir un chantier crucial concernant la culture numérique et l’accès des usagers aux richesses documentaires et sociales du Web.

BCL : Internet et le numérique, deux objectifs primordiaux ? JT : On trouve déjà des initiatives intéressantes dans ce domaine. La plupart des grandes bibliothèques de la région possèdent leurs portails sur Internet, et quelques bibliothèques de Saône-etLoire ont décidé d’ouvrir une page Web. Mais ces initiatives sont trop ponctuelles pour affirmer le rôle des bibliothèques dans la galaxie Internet. La question du livre électronique, notamment, doit retenir toute notre attention. Les chiffres d’équipement en tablettes et liseuses font état d’une réelle demande de la part des lecteurs. Par ailleurs, l’offre éditoriale se structure et se développe. Il serait donc inconsidéré pour les bibliothèques de ne pas mettre à disposition des e-books. Cependant, cette mise à disposition est autrement plus complexe que celle d’un livre papier. Doit-on prêter les supports ? Doit-on en rester à l’achat de titres numériques que les usagers téléchargeront ? Une forme de streaming est-elle possible ? Les aspects financiers sont essentiels, car les coûts d’acquisition sont autrement plus élevés que pour des livres imprimés. Pour ma part, il me semble que les BDP (bibliothèques départementales de prêt) doivent être des acteurs essentiels de

cette réflexion car il serait contraire à nos valeurs et missions de laisser les territoires ruraux devenir des zones blanches numériques.

BCL : Concrètement ? JT : Nous avons engagé une réflexion sur la question de l’offre de ressources électroniques – e-books, musique, vidéo en ligne, logiciels d’autoformation, presse en ligne – car il est nécessaire que la DLP soit à la pointe sur ces questions afin de proposer aux bibliothèques, et, in fine, aux usagers, des supports d’information et culturels en phase avec notre époque. Pour ce faire, nous allons repenser notre site Internet. Le futur site de la DLP sera collaboratif afin de valoriser les compétences et les actions de chacun, de produire des contenus culturels permettant

+++ La Direction de la lecture publique de Saône-et-Loire La Bibliothèque départementale de Saône-et-Loire a changé de nom fin 2010 et s’appelle désormais Direction de la lecture publique. Celle-ci a pour mission la création et le soutien du réseau des bibliothèques publiques dans les communes et intercommunalités de moins de 10 000 habitants.

• Formation, encadrement et

animation des équipes de salariés et bénévoles ;

• soutien documentaire par les

bibliobus et prêt de documents aux bibliothèques locales ;

• suivi des projets de construction

de bibliothèques, de réaménagement de locaux, d’informatisation des collections ;

• coordination de projets culturels autour de l’écrit et du livre.


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BCL # 7 / Mars 2012

entretiens

« Nous fêterons l’année prochaine les 30 ans de la DLP. Ce sera l’occasion de faire un retour sur 30 ans de lecture publique en Saône-et-Loire, de mener une réflexion prospective et de distinguer les bibliothèques et celles et ceux qui les animent

les bibliothèques du réseau. Lorsque nous passons des marchés pour l’acquisition de documents, nous portons un regard attentif aux offres des libraires locaux. Nous avons la volonté d’initier une collaboration plus étroite avec les Archives départementales, notamment dans le domaine de la production d’expositions.

dans le réseau. » de rendre visible ce qu’apportent les bibliothèques à la vie quotidienne des Saône-et-Loiriens. C’est donc un outil d’animation du territoire qui vient compléter nos actions sur le terrain. Nos efforts portent également sur l’aide aux projets – construction de nouvelles bibliothèques, informatisation, programmation culturelle – et sur la refonte de l’offre de formation. Enfin, il n’est pas impensable que nous nous engagions dans un projet de plateforme d’e-learning.

BCL : Le métier de bibliothécaire est de toute évidence en pleine mutation. Comment doit-il s’envisager, selon vous, dans les années à venir ? JT : Le métier de bibliothécaire traverse une crise d’identité depuis une bonne vingtaine d’années. Les flux d’informa-

IL AIME… Une bibliothèque

« La petite mais très belle bibliothèque de Ciry-le-Noble, en Saône-et-Loire, qui dans un cadre très agréable propose un fonds de qualité, des expositions, des animations et l’accès à un espace numérique public (ENP), mais assurément il y en a d’autres... »

Une librairie

Rêves de mots (Lyon 6e)

Deux livres

La mort, entre autres de Philip Kerr aux

éditions du Masque, « un roman policier qui nous entraîne dans l’Allemagne post-nazie, entre espionnage et enquête policière. C’est la suite de La Trilogie berlinoise et l’on retrouve Bernie Gunther, le policier devenu détective, un temps engagé dans la SS. Sans concessions pour l’âme humaine ». Madame de Staël de Michel Winock chez Fayard, « la remarquable biographie

tion les plus importants se réalisent sur Internet auquel une majorité de la population a accès, mais un accompagnement reste nécessaire. Les bibliothécaires sont là pour éclairer les enjeux de la révolution numérique ; ils doivent être à même, une fois repérés les nouveaux contenus informationnels, de les éditorialiser et non plus seulement de classer le matériau qu’ils détiennent. Ils sont là aussi pour créer des contenus, les rendre visibles, animer des groupes thématiques et inciter les usagers à créer leurs propres contenus.

BCL : Comment les missions de la DLP s’articulent-elles avec les autres acteurs locaux du livre ?

BCL : Avez-vous un projet qu’il vous tient à cœur de mettre en œuvre ? JT : Plutôt un événement important à célébrer. Nous fêterons l’année prochaine les 30 ans de la DLP. Ce sera l’occasion de faire un retour sur 30 ans de lecture publique en Saône-et-Loire, de mener une réflexion prospective et de distinguer les bibliothèques et celles et ceux qui les animent dans le réseau. 2012, année du renouveau de la lecture publique ? Je le souhaite, assurément. Propos recueillis par Corine Pourtau

> Retrouvez Jérôme Triaud sur son blog, Carnets d’Europe, hébergé sur le site de Mediapart : http://blogs.mediapart.fr/ edition/carnets-d-europe

JT : Nous avons un dispositif pour aider à la venue d’auteurs, d’illustrateurs dans

> Visitez le site de la DLP : bdsl.cg71.fr

d’une grande penseuse libérale du xviiie siècle, exilée par Napoléon et qui se révèle être une intellectuelle de tout premier plan. À lire ou à relire d’urgence ».

ont décidé de gérer les bibliothèques condamnées en organisant des équipes de bénévoles. Mais beaucoup s’interrogent sur leur viabilité à long terme : le bénévolat assure-t-il un avenir à ces établissements ? À son tour, l’Angleterre pourrait nous envier ces milliers de bénévoles – aux côtés de salariés expérimentés, bien sûr – qui font vivre les bibliothèques de nos réseaux de lecture publique. En Saône-et-Loire, ils représentent 86 % des bibliothécaires. Mais à l’heure où les équipes ont du mal à se renouveler, où le volontariat et le bénévolat en bibliothèque éprouvent quelques difficultés, n’avons-nous pas à craindre, nous aussi, des fermetures de bibliothèques qui laisseront des populations entières loin de tout service culturel ? Évitons-nous ces angoisses et inventons de nouveaux services pour que les fermetures de bibliothèques ne soient pas synonymes de mort culturelle. »

IL AIME BEAUCOUP MOINS… La fermeture de 6 bibliothèques à Brent (Londres)

« Nous pouvons envier à l’Angleterre son jour national de célébration des bibliothèques – le 4 février – mais avons-nous à craindre les annonces de fermetures de bibliothèques qui touchent le pays, comme par exemple dans le quartier londonien de Brent ? En 2011, la municipalité a décidé de fermer 6 bibliothèques et de les remplacer par un établissement plus grand, situé près du stade de Wembley. Ce 6 février, la Cour suprême, à la suite de la Haute cour, a rejeté l’appel des habitants contre l’action du maire. Les bibliothèques fermeront. En attendant, de nombreux habitants


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Autrement Dit : nouveau quartier, deuxième librairie Déjà interviewées en 2007 par BCL à l’occasion du déménagement de la librairie Autrement Dit, rue des Godrans à Dijon, Marilyne Colombet-Couturier et Élisabeth Paulvé nous avaient conquis par leur enthousiasme et leur détermination à défendre la littérature jeunesse. Cinq ans plus tard, ces « libraires pour le plaisir » ont décidé de pousser les murs : elles ouvrent un deuxième magasin à Dijon, avenue du Drapeau. Objectifs : proposer plus d’animations, rendre plus visible et défendre leur fonds, investir un nouveau quartier et toujours, donner envie à chacun de revenir !

Marilyne Colombet-Couturier, Audrey Donzelot et Julien Fontaine


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BCL # 7 / Mars 2012

entretiens

BCL : Cinq ans après, ça sonne un peu comme l’heure du bilan. Il semble plutôt positif puisque vous ouvrez un deuxième magasin… Marilyne Colombet-Couturier : La création d’une deuxième boutique cinq ans plus tard est manifestement preuve d’optimisme, c’est vrai que la librairie a trouvé sa clientèle mais elle souffre quand même d’un manque de place rue des Godrans, d’où ce prolongement de notre activité. Élisabeth Paulvé : En fait, nous nous sommes vite rendu compte que nous allions être limitées au niveau de l’espace parce que nous avons une politique de fonds ; un fonds qui prend de la place et qu’il faut mettre en valeur, c’est-à-dire montrer. Installer le public lors d’une signature, dans un espace réduit, revient au final à bloquer le magasin. Ce qui n’est agréable pour personne…

MCC : Nous voulions disposer d’un espace supplémentaire pour pouvoir accueillir des animations, des expositions. Ce qui nous manquait jusqu’à maintenant. Nous considérons qu’une librairie doit aujourd’hui se démarquer, à tout point de vue, par sa force de proposition pour susciter la venue des lecteurs.

BCL : C’était déjà un grand pas en 2007 de vous agrandir en passant de la petite librairie rue Chaudronnerie à celle de la rue des Godrans. Pourquoi investir à nouveau dans un contexte qui n’a jamais été aussi difficile pour le commerce de la librairie ? MCC : Enseignante, je ne viens pas du monde de l’entreprise mais j’ai compris très vite qu’une structure commerciale a besoin de se développer, sinon elle régresse. On a besoin de renouveau, de bousculer les habitudes. Certes le risque est important, a fortiori dans le contexte actuel où la vente par Internet et les usages du numérique se développent. Ce n’est apparemment pas un contexte favorable, cela dit, je pense que c’est la décision qu’il fallait prendre pour assurer la pérennité de notre librairie. À notre tour d’agir sur le contexte et de le rendre plus propice ! EP : Ouvrir un magasin, c’est toujours une prise de risque.

Élisabeth Paulvé

« Une librairie doit aujourd’hui se démarquer, à tout point de vue, par sa force de proposition pour susciter la venue des lecteurs. »

BCL : On classe la librairie dans la catégorie des commerces de proximité. Ouvrir une librairie installée en périphérie et non au centre-ville : c’est un pari ? MCC : J’ai saisi une opportunité : j’avais déjà réfléchi à implanter une librairie avenue du Drapeau, un bel emplacement s’est libéré et tout s’est conclu très vite. Nous avions déjà des liens avec ce secteur puisque nous travaillions avec le collège, l’école et la crèche à proximité… La nouveauté est d’être au cœur d’un quartier, près du foyer de nos clients, ce qui change complètement l’ambiance,

« À notre tour d’agir sur le contexte et de le rendre plus propice ! » les rythmes… Nous avons le sentiment de faire partie d’un même ensemble. Je ne dirais pas que c’est un « pari » car nous ne jouons pas. Je dirais plutôt que c’est un choix éclairé qui motive tout le monde, même nos clients ! EP : Nous nous implantons dans un nouveau quartier en pleine reconstruction. Les gens nous disent qu’ils sont touchés, c’est le terme qu’ils utilisent, touchés qu’on se rapproche d’eux. On permet de mailler un quartier qui abrite l’équivalent d’un gros bourg. MCC : On observe déjà des modifications de comportement : les gens se déplacent davantage à vélo et à pied, à mon avis, la vie de quartier et de proximité va être plus importante que ce qu’elle a été ces dernières décennies. D’ailleurs la politique de la ville de Dijon va vraiment dans ce sens là, c’est-à-dire redonner de la vie aux quartiers de la périphérie. Les libraires ont plutôt investi le cœur des centres-villes ; les grandes surfaces culturelles et les supermarchés sont dans les zones périurbaines, restent les zones intermédiaires. Ici, nous sommes entourées de nombreux autres commerces de proximité, il y a un jardin public en face, un gymnase, des allées pour flâner, une bibliothèque : il y a tout ce qu’il faut pour rester et vivre agréablement dans ce quartier.

BCL : Vous ouvrez un Square École des loisirs, vous êtes la deuxième librairie de la région à proposer le fonds complet de cette maison d’édition jeunesse. C’était votre initiative, votre volonté de défendre cet éditeur en particulier ? EP : C’est un éditeur avec qui nous sommes en affinité, c’est dans son fonds que nous avons un maximum de coups de cœur, des rencontres avec des auteurs qui nous ont touchées. C’est un éditeur qui se donne la peine de nous faire


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rencontrer des auteurs, de nous inviter régulièrement à des présentations à Paris, une familiarité engageante.

BCL : Comment sera réparti le fonds entre les deux librairies ? Comment les clients vont pouvoir s’orienter ?

MCC : Notre spécialisation fait que nous BCL : C’est un vrai partenariat ? avons énormément de stock, sans pouvoir hélas le montrer. Nous disposons MCC : Complètement. J’avoue que j’ai maintenant de deux emplacements pour pris conscience de ce que revêt ce terme le rendre plus visible, le faire respirer, grâce au travail avec L’École des loisirs. tourner davantage. Nous restons donc L’auteur Stéphanie Blake a rencontré dans la même ligne que rue des Godrans : six classes dans le cadre d’un concours jeunesse, ados/adultes et anglais en V.O. d’illustrations que nous avions organisé Pour l’instant, nous observons, nous proavec cette maison. 40 écoles ont participé posons nos coups de cœur, et puis nous en Côte-d’Or. Ce partenariat réunis- verrons aussi en fonction de la demande sait éditeur, enseignants et futurs en- du quartier. À terme, les offres seront seignants, formateurs, bibliothécaires, peut-être différentes d’un magasin à libraires. Le lien entre l’autre, influencées par tous ces acteurs de la « Les gens nous disent la particularité de leur chaîne du livre existait clientèle. bel et bien ce jour-là qu’ils sont touchés, c’est Aujourd’hui, tout le et de quelle manière ! peut se prole terme qu’ils utilisent, monde Tous nos partenaires curer des livres parsouhaitent réitérer l’extout : en supermarché, touchés qu’on se périence, ce que nous sur Internet, dans des ferons puisque nous pharmacies, des jardirapproche d’eux. » relançons un concours neries… Une librairie d’illustrations à l’échelle du département se doit d’apporter un positionnement pour l’année scolaire 2012-2013. L’auteur complètement différent : d’abord et et le thème seront bien sûr différents, avant tout le conseil personnalisé, notre mais l’objectif est le même : à partir d’un raison d’être première ; puis tout ce qui événement dont les livres sont l’origine, peut faire ressortir la richesse de la lecsusciter un travail d’approfondissement ture et des échanges qu’elle crée. de l’univers d’un auteur tout en faisant appel à la créativité des enfants qui Et puis cela nous offre de nouvelles s’unissent, avec leur enseignant, pour perspectives, autant pour Élisabeth que élaborer une œuvre collective. pour moi. Ce qui est intéressant dans nos métiers, ce sont les contacts que EP : Un enseignant d’une des classes l’on a au quotidien avec les clients, c’est lauréates nous a dit que les enfants même le premier des partenariats. C’est étaient plutôt habitués à perdre ce type grâce à cette circulation de la parole que de concours. Cette fois-ci, non seule- nous pouvons tisser une offre de qualité ment la classe a gagné, mais le projet et adaptée. pédagogique a aussi tenu et soudé la classe pendant toute une année. On a eu Propos recueillis par Aurélie Miller plusieurs témoignages en ce sens. On s’est dit : voilà ce qu’il faut faire pour faire vivre les livres. La volonté de continuer ce partenariat avec L’École des loisirs à travers le Square est donc partie de là. L’objectif est de proposer des présentations de nouveautés, de la formation à destination des enseignants, pour des groupes d’une trentaine de personnes, sur un thème, un auteur. Ce partenariat est très ouvert, on peut tout imaginer.

> Librairies Autrement dit, à Dijon Marilyne Colombet-Couturier et Élisabeth Paulvé 66, rue des Godrans Tél. : 03 80 63 72 28 64 ter, avenue du Drapeau Tél. : 03 80 56 88 87 Courriel : adlib@orange.fr Ouverture : du mardi au samedi, 10h-13h, 14h-19h.

ELLES AIMENT… Un livre

Comptines de Roses et de Safran, dans la

collection « Comptines et Berceuses » aux éditions Didier Jeunesse

Un auteur

Mario Ramos, son dernier titre : Le plus malin, chez L’École des loisirs

Des maisons d’édition

« Rue du monde, Memo, Hélium, tant d’autres ! »

En Bourgogne

Les Éditions de la Renarde Rouge

ELLES AIMENT BEAUCOUP MOINS… Les critères d’attribution des marchés publics

« Les critères de sélection ne nous semblent pas toujours appropriés et on se rend compte que la qualité du conseil ne prime pas dans bien des cahiers des charges et sur des considérations invérifiables. Un seul exemple : un des critères récurrents est la demande sur le nombre d’éditeurs que peut fournir un libraire. Chacun sait pourtant qu’un libraire peut se procurer tous les livres, à partir du moment où ils sont disponibles. Quelle importance de connaître ce nombre d’éditeurs (si encore c’était une liste nominative !), d’autant qu’il s’en crée et qu’il en meurt tous les jours ? Un autre exemple : nous n’avons pas été retenues pour le marché des écoles de notre ville au motif que nous n’avions pas de site de vente en ligne. Si les services concernés maintiennent leurs critères, cela signifie que la librairie indépendante sera systématiquement écartée de ce marché et que les choix s’opèreront par défaut plus que par la qualité du travail et du conseil… car il va sans dire que nous n’avons ni les moyens ni l’envie de nous lancer dans ce type d’économie. Nous espérons pouvoir faire valoir nos compétences – appuyées par l’obtention du label LIR, l’appartenance au réseau des librairies spécialisées jeunesse, notre implication dans la vie dijonnaise et nos références – dans un cadre qui soit en réelle adéquation avec les besoins des premiers intéressés, c’est-à-dire les enseignants. »


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initiatives (d)étonnantes

BREVES L’Oiseau Indigo BCL # 7 / Mars 2012

Diffusion, militant de la diversité linguistique Créé il y a deux ans, L’Oiseau Indigo est une structure de diffusion de livres qui a pour objectif de permettre à la production éditoriale africaine et arabe d’être visible dans les pays francophones du nord. Son autre originalité est d’être une structure associative.

Maribrairie, librairie de proximité

Rencontre avec Isabelle Grémillet, sa responsable.

Pour Mari-Maël Tanneau, responsable de la librairie jeunesse Maribrairie à Concarneau, le défi est de conquérir une clientèle qui vient peu en magasin car intimidée par le lieu. Elle joue donc la carte du « multicanal ». Elle est présente sur les marchés, pour capter la clientèle touristique, les salons, aux journées thématiques des bibliothèques et des écoles. Elle propose aussi un service de librairie à domicile : elle se rend chez les particuliers et leur présente une sélection personnalisée d’ouvrages. Pour en savoir plus : www.maribrairie.com

Le Printemps à Decize

Isabelle Grémillet et Violène Riefolo

À l’occasion du Printemps des Poètes 2012, toute la ville de Decize a fêté l’enfance. L’association Lire Sous Les Halles a organisé de multiples rencontres intergénérationnelles autour des souvenirs d’enfance, de l’enfance d’ici et d’ailleurs : des ateliers de réflexion, d’écritures, des expositions de photos, de dessins, des lectures. Autant d’initiatives qui associent établissements scolaires, bibliothèque, maison de retraite… Des lycéens rencontrent des personnes âgées, des enfants de Decize côtoient des enfants du monde.

BCL : Comment est née l’idée de L’Oiseau Indigo ? Isabelle Grémillet : Après avoir été libraire et représentante, j’ai longtemps travaillé comme directrice des ventes pour les éditions Actes Sud. Avant même de prendre ces fonctions à Arles, des discussions passionnées avec une de mes amies représentante à Paris nous avaient permis de mesurer à la fois notre intérêt commun pour la production éditoriale africaine et l’absence absolue de système de diffusion pour faire découvrir ces textes en France. Nous avons alors appris l’existence en Angleterre du service ABC Books (African Books Collective) qui, à partir d’Oxford, organisait la diffusion des éditeurs africains anglophones. Nous avons fait le voyage jusqu’à Oxford

« La structure associative correspondait bien à notre souhait de rassembler des compétences multiples autour de ce projet et de rejoindre la dynamique de l’économie sociale et solidaire… » et nous sommes revenues déterminées à créer un service du même genre pour la zone francophone. Plus de dix ans après, c’est ce souhait qui a pu prendre forme. Violène Riefolo, qui a longtemps travaillé avec moi chez Actes Sud, m’a rejointe à partir de janvier 2010, ce début d’équipe a permis le démarrage du projet.


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BCL : Pourquoi avoir choisi une structure associative ?

« Il s’agit toujours de donner

IG : L’absence d’un service de diffusion de ce genre était soulignée depuis de nombreuses années dans toutes les réunions professionnelles internationales, mais les propositions ne prenaient pas forme, en effet, ce service ne peut pas générer des profits suffisants pour en équilibrer le fonctionnement, en tout cas pas pendant les années de démarrage. En revanche, il se situe dans le prolongement de toutes les politiques publiques de soutien à la chaîne du livre dans les pays du sud. Par ailleurs, la structure associative correspondait bien à notre souhait de rassembler des compétences multiples autour de ce projet et de rejoindre la dynamique de l’économie sociale et solidaire qui commence à se fédérer, à Arles comme ailleurs en France.

des auteurs et des textes

BCL : Qui sont vos adhérents ? IG : Les adhérents sont des personnes morales qui se sentent proches de l’esprit du projet. Certains adhérents sont particulièrement actifs et apportent, soit par leurs compétences soit par leur présence à certains moments clés de notre travail, un précieux appui.

BCL : Quels pays du sud sont concernés ? Le sud de la Méditerranée ou un plus large territoire ? IG : Il s’agit essentiellement de la production éditoriale issue des pays du monde arabe et africain : nous diffusons actuellement quatre éditeurs libanais, un éditeur tunisien, cinq éditeurs marocains, un éditeur ivoirien et trois éditeurs basés en France.

BCL : Diffusez-vous uniquement de la littérature francophone ? IG : La diffusion ne se limite pas à la production en français. Les ouvrages peuvent être bilingues, voire trilingues, comme c’est souvent le cas pour les publications libanaises qui tiennent

BREVES

à découvrir et à partager qui permettent d’élargir notre univers et notre mode de réflexion. » compte de l’usage simultané de trois langues sur son territoire (arabe, anglais, français). Certains livres sont également diffusés en arabe et le seront à l’avenir en langues africaines (wolof, peul, bambara).

Portage de produits culturels à domicile Après une période de test, La Poste étend à toutes les bibliothèques et médiathèques du territoire sa proposition de portage de biens culturels à domicile. Dans le cadre des services « Facteurs Service plus » de La Poste, le portage s’effectue lors de la tournée du facteur, par le biais de sacoches d’un maximum

BCL : Vous impliquez-vous dans la production éditoriale ?

de 3 kg, soit en moyenne 8 à 12 livres ou 30 CD ou 12 DVD. La médiathèque gère les abonnements dont le montant est de 45 euros

IG : Au-delà de la diffusion, nous apportons le plus possible un appui à la promotion, en particulier à travers la participation à de nombreux festivals et salons du livre. En revanche, nous n’intervenons pas sur la politique éditoriale des éditeurs, pas plus qu’aucun autre diffuseur classique. Cependant, nous venons d’accompagner la création d’une maison d’édition au Maroc en facilitant les contacts avec d’autres professionnels de la chaîne du livre (mise en page, correction, etc.) de façon à ce que le niveau de qualité souhaité par l’éditeur soit atteint dès le premier ouvrage.

pour 6 mois. La fréquence du portage est

BCL : Quelles relations entretenezvous avec les libraires ?

a ouvert Biblio.bato, une bibliothèque expé-

modulable. Ce service a un coût mais contribue à l’accès à la culture pour les publics empêchés, au maintien à domicile des personnes dépendantes et au renforcement du lien social. Pour en savoir plus : www.laposte.fr > Entreprise > Services de proximité > Portage de produits culturels

La Ville de Bordeaux a ouvert une bibliothèque... sur un bateau ! En partenariat avec le ministère de la Culture et de la Communication, la Ville de Bordeaux rimentale destinée aux 15-35 ans. Biblio.bato occupe le pont supérieur de l’I-Boat, ancien

IG : L’Oiseau Indigo assure la diffusion auprès des libraires, l’objectif étant d’identifier une centaine de libraires partenaires qui souhaiteraient relayer notre démarche. Il n’y a pas de différence entre le travail auquel j’ai participé autour des auteurs et collections d’Actes Sud et le travail que je fais à l’heure actuelle, mise à part une différence de moyens. Il s’agit toujours de donner à découvrir et à partager des auteurs et des textes qui permettent d’élargir notre univers et notre mode de réflexion. Les ouvrages diffusés sont distribués par Pollen, à l’exception des ouvrages issus

ferry transformé en lieu culturel dynamique en matière de musiques électroniques et d’arts numériques. L’objectif de Biblio.bato est d’amener la lecture dans un quartier en pleine révolution urbaine et de créer un rapport détendu et convivial à la culture. Un programme spécifique de médiation culturelle est proposé, en partie en lien avec la programmation musicale de l’I-Boat. Retrouvez Biblio.bato sur facebook.


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initiatives (d)étonnantes

BREVES BCL # 7 / Mars 2012

des catalogues les plus pointus qui sont disponibles en direct auprès de L’Oiseau Indigo à Arles.

BCL : Quel bilan tirer aujourd’hui ? Comment envisagez-vous L’Oiseau Indigo dans dix ans ?

Festival « Laissons mijoter » à Chasselas, du 26 au 29 avril 2012 L’Association La Manufacture, créée au mois d’août 2011 à Chasselas (71), organise « Laissons mijoter », festival pluridisciplinaire s’appuyant sur la participation active de bénévoles et encourageant l’hébergement chez l’habitant. Cette première édition réunira une quinzaine d’artistes et d’auteurs qui interrogeront la notion de territoire à travers une série de rencontres et de lectures. Plusieurs films seront projetés à cette occasion et une exposition mêlant peintures, photographies et installations vidéo sera montée sur ce même thème. Pour en savoir plus : http://la-manufacture.jimdo.com

Carré : revue intéressante, auxerroise et géométrique Déclarée magique par ses auteurs et pho-

IG : Ces deux premières années ont été particulièrement denses et riches en rencontres, la détermination des éditeurs diffusés nous conforte dans notre démarche et nous espérons pouvoir continuer à structurer le service de diffusion pas à pas comme nous l’avons fait depuis le départ avec des moyens particulièrement économes mais l’ambition de faire partager toujours plus et toujours mieux ce travail de création. Les demandes de diffusion sont nombreuses (éditeurs libanais, tunisiens et maliens), nous allons essayer d’y répondre le mieux possible. Par ailleurs, un projet de festival est en train de prendre forme dans le prolongement de notre travail de diffusion, ce serait un moment de visibilité particulière pour les éditeurs et les auteurs que nous représentons et l’axe principal concernerait la diversité linguistique et la langue comme lieu de création. Nous aurons peut-être l’occasion d’en reparler très vite.

l’Auxerrois, Carré est une nouvelle revue Pour cette première parution, 289 belles histoires, conférences, contes (noirs), poèmes, essais, lettres de lecteurs, notules, antiphrases et autres formules et considérations en composent le sommaire. « Judicieusement conçu pour être glissé dans la poche, le sac ou la valise à roulettes, Carré est le compagnon idéal du voyageur, qu’il parte pour l’Antarctique ou qu’il entreprenne le tour de sa chambre. »

Propos recueillis par George Bassan

> L’Oiseau Indigo Diffusion Isabelle Grémillet et Violène Riefolo Découvrez leur blog : loiseauindigo.fr

+++ BCL : Pourquoi « L’Oiseau Indigo » ?

tographes tous originaires d’Auxerre et de littéraire diffusée par les éditions Rhubarbe.

roman, Paris mis à nu, vient de paraître aux éditions Tamyras. C’est à la fois une évocation subtile de la ville de Paris et de toutes les émotions qu’elle suscite, mais également le regard acéré d’une femme engagée qui a le privilège d’être étrangère et de bénéficier de cette distance qui rend lucide. Mais aussi le grand beau livre qui consacre les quarante ans de carrière du groupe de musiciens marocains Nassel Ghiwane. C’est le fruit d’une coédition entre les éditions du Sirocco et Senso Unico éditions, deux maisons d’éditions marocaines. Et pour les enfants, les petits albums des « Classiques ivoiriens d’Abidjan » avec en particulier la série des Bibi, une petite héroïne qui s’adresse aux enfants de moins de 5 ans. Ou encore les ouvrages des éditions Le port a jauni, installées à Marseille, qui éditent en bilingue français-arabe. Ils viennent de publier un très bel album illustré, Couleurs, qui s’adresse aussi bien aux enfants qu’aux adultes.

IG : Pour raccourcir les distances et ne plus tenir compte des frontières, un luxe par les temps qui courent. L’indigo, pour souligner l’ancrage africain de ce projet qui constitue un peu une synthèse de mon parcours universitaire en histoire africaine, de ma pratique professionnelle dans le monde du livre et de ma vie familiale ancrée en partie du côté de Dakar. Une fois le nom choisi, est arrivé un très beau cadeau : l’oiseau indigo que Rachid Koraïchi nous a dessiné et qui nous accompagne maintenant partout.

Pour en savoir plus : www.editions-rhubarbe.com

Les maisons d’éditions diffusées par L’Oiseau Indigo • MAROC

Éditions du Sirocco Senso Unico éditions Tarik éditions La Librairie des Colonnes Les éditions Alberti

• LIBAN

Tamyras Amers éditions Mona Saudi éditions Al Ayn Al Khayyat Al Saghir

• TUNISIE

Cartaginoiseries

• CÔTE-D’IVOIRE BCL : Pour conclure, peut-on proposer quelques titres à découvrir en priorité ? IG : Oui, avec plaisir ! Je vous propose de découvrir une grande dame des lettres libanaises : Etel Adnan dont un nouveau

Les Classiques ivoiriens

• FRANCE - Éditions bilingues Le port a jauni Les Ateliers du Cèdre Timtimol Izza Génini


europe

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L’Europe aide les projets de traduction

BREVES

L’Union européenne (UE) propose un large panel de dispositifs visant à renforcer les échanges entre ses pays membres. Notamment, le programme Culture a pour objectif de favoriser l’émergence d’une citoyenneté européenne par le biais de la coopération. Le programme 2007-2013 comporte un volet d’aide à la traduction d’œuvres littéraires, souvent méconnu des éditeurs français.

WE ARE MORE, la campagne européenne pour les arts et la culture vise 100 000 signatures !

Vu le nombre de candidatures déposées et la répartition des subventions allouées par pays membre de l’UE, les acteurs culturels français ne semblent pas avoir conscience des leviers de financements que constituent les fonds communautaires. En 2011, seuls cinq éditeurs français ont déposé un dossier de demande d’aide à la traduction et deux en ont bénéficié. Cette action, « Soutien à la traduction littéraire », prend en charge jusqu’à la moitié des coûts de traduction d’œuvres d’une langue européenne vers une autre langue européenne. Sont éligibles les œuvres de fiction – quel que soit leur genre littéraire – ayant fait l’objet d’une publication et n’ayant pas encore été traduites dans la langue cible. Pour les œuvres de poésie, l’aide peut même couvrir la totalité des coûts de traduction. Les critères d’attribution de cette aide qui vise à soutenir la diversité culturelle et le multilinguisme en Europe sont nombreux. Parmi eux, il est intéressant de noter que la Commission encourage la traduction d’œuvres écrites dans les langues des pays qui ont rejoint l’UE depuis 2004 – Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, République Tchèque, Pologne, Slovaquie et Slovénie, et depuis 2007, Bulgarie et Roumanie. Certes, le dossier de candidature à composer est conséquent et peut se révéler chronophage ; à cela s’ajoute la complexité de faire coïncider le calendrier de réalisation de l’ouvrage avec celui de la demande de subvention. Mais cette aide, variant de 2 000 à 60 000 euros, n’est pas négligeable.

Le réseau Culture Action Europe, plateforme

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politique pour les arts et la culture, veut peser

Le dossier de candidature • Date limite de dépôt des dossiers : 03 février 2013 Attention, la candidature se fait en deux temps : en ligne via un formulaire électronique et par l’envoi postal d’un dossier papier accompagné de ces mêmes documents sur Cd-rom. • Commission européenne (en anglais) : http://eacea.ec.europa.eu/culture/funding /2012/call_strand_122_2012_en.php • Relais Culture Europe (en français) : www.relais-culture-europe.org > Programmes > Citoyenneté > Culture > Actions culturelles > Traduction • CRL : www.crl-bourgogne.org > Ressources > Éditeurs > Europe

sur les négociations budgétaires qui fixeront le budget de l’Union européenne pour le programme 2014-2020. Lancée en partenariat avec la Fondation européenne de la culture (ECF), la campagne we are more souhaite recueillir 100 000 signatures d’ici le Conseil des ministres de la Culture qui aura lieu ­­­à Bruxelles en mai 2012 : à bon entendeur ! Une pétition à signer sur : www.wearemore.eu

Un nouvel outil de recherche pour le patrimoine : USTC, Universal Short Title Catalogue USTC est une base de données recensant les livres édités en Europe entre le début de

En France, le Relais Culture Europe assure la diffusion des informations sur les programmes d’aide de la Commission européenne au niveau national. Il peut également apporter une aide technique à tout acteur souhaitant déposer une demande de subvention. L’équipe du CRL est également à la disposition de tout éditeur bourguignon pour l’accompagner dans la constitution du dossier. Les nouveaux programmes 2014-2020 seront fixés au cours de l’année 2012. L’un deux, intitulé « Europe créative », prévoit de soutenir la traduction de 5 500 livres. À vos dossiers ! Aurélie Miller

l’invention de l’imprimerie et le xvie siècle : 350 000 notices issues des travaux de l’université de St Andrews et de l’University College de Dublin, et de collectes dans les bibliographies nationales. Ce catalogue en anglais, accessible en ligne, propose des recherches par date, lieu d’impression, imprimeur, langue, un lien vers l’édition numérisée et de nombreuses notes collaboratives. À retrouver sur : www.ustc.ac.uk


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numérique

BREVES Éditeurs et libraires face BCL # 7 / Mars 2012

au livre numérique

Depuis 2007, l’écosystème du livre est agité par les annonces concernant pêle-mêle, les livres numériques, les tablettes et les liseuses, et la problématique récurrente du positionnement des Une borne de culture libre à la Médiathèque de Côte-d’Or

acteurs traditionnels du livre.

Développé par l’association Dogmazic en

Se lancer ou pas ? Telle est la question que se posent les éditeurs

concertation avec des responsables de

et les libraires, conscients que l’aventure numérique implique une

médiathèques, un système de borne propose le téléchargement légal et gratuit d’œuvres

évolution complète de leurs pratiques.

musicales, issues du site Dogmazic.net, et d’œuvres littéraires, provenant du site InLibroVeritas.net (œuvres du domaine public ou créées sous licences libres). Quarante bornes équipent déjà les médiathèques françaises dont l’objectif est d’enrichir leur offre en mettant à disposition du public et des artistes un nouveau moyen de consultation et de diffusion. La borne de la Médiathèque de Côte-d’Or devrait circuler dans les différentes bibliothèques de son réseau.

« Adoptez un livre ! » À l’heure des débats sur les modèles économiques de numérisation des collections des bibliothèques, les Amis de la BnF parrainent l’opération « Adoptez un livre ! ». L’association propose aux usagers de choisir un ouvrage du catalogue de la Bibliothèque nationale de

Toute la chaîne du livre est en ébullition face à l’arrivée en France de nouveaux supports de lecture et à l’irruption de puissants acteurs : un défi pour les éditeurs et les libraires face à une clientèle qui modifie ses pratiques de lecture et comportements d’achat avec la vente en ligne. Aujourd’hui, la vente de livres par Internet représente environ 10 % du marché du livre français, or les habitudes d’achat sur Internet se développent en même temps qu’augmentent les achats de biens dématérialisés. S’il n’existe pas encore de chiffres précis sur la part de marché occupée par le livre numérique, Xavier Cazin, directeur de la société de distribution numérique Immateriel.fr qui fournit aux libraires le panel des ouvrages numériques disponibles, constatait des ventes en très forte hausse au premier trimestre 2011.

France et d’en financer la numérisation. Le don est déductible des impôts à hauteur de 66 % selon la législation fiscale en vigueur. Gallica signale cette action généreuse par une mention personnalisée sur la notice de l’ouvrage numérisé. Pour en savoir plus : www.amisbnf.org

La mutation du livre engagée par le numérique dissocie nettement le support de son contenu. Alors que la fabrication du support papier est le travail exclusif de l’imprimeur, un livre numérique, c’est-à-dire le fichier, peut être réalisé par plusieurs acteurs de la chaîne du livre. En revanche, le support électronique et le système d’exploitation qui y est rattaché sont uniquement le marché d’entreprises extérieures à cette même chaîne. Ces nouveaux outils de lecture, les tablettes (multitâches) et les liseuses (monotâches), sont produits par les leaders

mondiaux du numérique, d’Internet et de la vente en ligne (Apple, Google, Amazon, etc.). Les budgets de développement et de communication de ces géants sont sans commune mesure avec la force de frappe des acteurs français du livre. Qui plus est, peu d’éditeurs développent leurs contenus sous format numérique : si l’on considère seulement le nombre de livres au format ePub, on en compte environ 15 000, contre plus de 650 000 ouvrages papier.

Du papier au Web 2.0 Cette faiblesse de l’offre est la conséquence de plusieurs facteurs : la fracture numérique en est un des principaux. De même que l’on observe les profondes modifications du travail initial de l’éditeur pour intégrer des technologies issues du Web à ses compétences, les libraires se retrouvent dans l’inconfortable position d’être médiateurs d’objets technologiques encore instables, et pour lesquels ils ne sont pas formés alors que le public y répond très positivement. Le Web 1.0, que l’on peut situer approximativement entre 1995 et 2003, était constitué d’un ensemble de pages statiques, où les acteurs reconstituaient leur communication papier de façon homothétique sous forme numérique (page html). Ces sites minimalistes, ou « vitrines », ne permettaient aucune forme d’échanges, aucune interaction entre l’interface et l’internaute.


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Dans le nouveau cadre d’échanges introduit par le Web 2.0 (2003-2008), tout créateur de site Internet est amené à se poser la question du partage des ressources qu’il place à la disposition du grand public. L’internaute n’est plus simplement spectateur, mais acteur. Les pratiques des professionnels relevant majoritairement du Web 1.0 et encore partiellement du Web 2.0, on comprend aisément pourquoi l’offre est si réduite.

De nouvelles compétences pour les éditeurs S’il apparaît que les éditeurs se sont peu emparés du marché du livre numérique et des possibilités qu’il induit, c’est aussi parce que les coûts de mise en place sont encore significatifs. Le type de format, ePub en l’occurrence, ne s’est généralisé que récemment, en 2008-2009 pour la France. De plus, il n’a de cesse d’évoluer, passant en moins de dix ans d’un simple PDF imprimeur à un livre augmenté et dynamique. Des regroupements d’acteurs de la chaîne du livre et des entreprises privées commencent à développer des outils permettant aux éditeurs et à tout un chacun de créer simplement leurs fichiers ePub (cf. brèves ci-contre). À cela s’ajoute le développement d’applications pour smartphones et tablettes par quelques éditeurs jeunesse qui s’ouvrent ainsi à « un marché innovant ».

Des libraires peu équipés Aujourd’hui, le libraire dispose de deux moyens pour proposer à sa clientèle une offre de livres numériques : via une borne de téléchargement en magasin et sur son site Internet. Parmi les 2 500 à 3 000 librairies indépendantes françaises, seules 30 à 35 sont équipées de bornes. En outre, l’ergonomie de ces bornes semble encore peu satisfaisante. De même, peu de librairies possèdent un site Internet. Selon sa taille et donc ses moyens, il peut être pertinent pour le libraire d’investir dans un site de vente en ligne malgré les contraintes inhérentes : technologie, indexation, référencement, mise à jour.

BREVES

+++ En Bourgogne • 5 % des éditeurs proposent une offre de livres numériques : les éditions D’un Noir Si Bleu et Sciences Humaines Éditions. • 7,5 % des libraires ont un site Internet ou blog d’information. • 9 % des libraires ont un site de vente en ligne dont les trois quarts appartiennent à une chaîne ou assimilée, et ce sont ces mêmes enseignes qui vendent des livres numériques. • Moins de 3 % des libraires indépendants bourguignons sont équipés pour vendre en ligne des livres et des livres numériques.

À petite échelle, un site de vente en ligne à lui seul n’est certes pas rentable, mais il permet de proposer un service supplémentaire à sa clientèle. Une autre solution peut résider dans sa participation à une plateforme mutualisée. À titre d’exemples, citons 1001libraires.com, lalibrairie.com, Leslibraires.fr. Aujourd’hui, la faiblesse de l’offre de livres numériques ne permet pas de dégager une part de marché substantielle en France, contrairement à d’autres pays. Reste que les enjeux sont tout à fait différents selon la taille et l’indépendance des éditeurs et des libraires. Pour l’instant, quand les éditeurs indépendants se posent la question de développer leurs compétences, les grands noms de l’édition française, déjà propriétaires des principales entreprises de diffusion-distribution du livre papier, investissent en priorité la e-distribution. Pour les libraires, la vente de livres numériques étant principalement liée à la vente en ligne, comment concurrencer Amazon qui concentre 60 % de la vente de livres sur Internet ? Ainsi, pour tenter de préserver la clientèle des libraires, le Syndicat de la librairie française mise sur la qualité du service plutôt que le volume proposé, et réfléchit donc au développement d’une tablette estampillée « libraires indépendants ». À suivre…

Quel est le coût d’un livre numérique ? Une étude réalisée pour le MOTif (Observatoire de l’écrit en Île-de-France) permet de clarifier les coûts de réalisation et de distribution d’un livre numérique, selon qu’il s’agit d’un roman, d’un essai, d’un livre pratique, d’un beau livre ou d’un album. Très détaillée, cette étude réalisée en 2010 est toujours d’actualité. À lire sur www.lemotif.fr > Études et analyses > Études du motif > Coût d’un livre numérique

Polifile.fr Ce site Internet, développé par Hervé le Crosnier, est un outil qui permet à de petites et moyennes maisons d’édition ou à des particuliers de réaliser leurs propres livres numériques au format ePub 3. Simple d’utilisation, Polifile possède une interface ergonomique et offre des options typographiques avancées. Accessible en version test gratuite, il propose aux éditeurs une licence professionnelle à petit prix qui les autorise à présenter le fichier produit aux plateformes de diffusion ou à le revendre en direct.

ebook-lr en Languedoc-Roussillon Convaincus de la nécessité commerciale pour tous les éditeurs de proposer une offre de livres numériques en version animée, LanguedocRoussillon livre et lecture (LR2L) conduit, en partenariat avec Transferts LR, une expérience pilote avec quatre maisons d’édition. À terme, il s’agit de développer un logiciel spécialement conçu pour convenir à tous types d’éditeurs. Cet outil, qui séduit tant les éditeurs généralistes que les éditeurs jeunesse et de bandes dessinées, sera présenté dans les salons internationaux du livre. Pour en savoir plus : www.lr2l.fr

David Demartis


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Libraire indépendant aujourd’hui… et demain ? Alors que la médiation, le lien social, le savoir et sa transmission sont indispensables et toujours plus valorisés, pourquoi l’activité de libraire indépendant est-elle si fragilisée ? Quel est le parcours d’un futur libraire ? Peut-il s’appuyer sur une filière structurée ? Quels montages financiers dans un contexte économique dégradé ? À l’ère du numérique, quels sont les nouveaux défis pour les libraires ? Pour faire écho à cet état des lieux de la profession, BCL est allé à la rencontre de la nouvelle génération de libraires installés en Bourgogne. Un métier 2 en 1 Peu d’études se sont penchées sur la sociologie du métier de libraire : il est donc difficile de savoir aujourd’hui qui tente cette aventure audacieuse dans un marché bouleversé par l’avènement du numérique, de ses nouveaux produits, canaux de vente et des rapports sociaux induits. Acquisition du métier par acculturation, savoir-faire de gestionnaire, service au client comprenant l’entretien du fonds, le conseil et la vente, adhésion à un groupement de librairies : voici les dimensions caractéristiques du métier de libraire d’après Frédérique Leblanc1, docteur en sociologie au CNRS. La spécificité de ce métier est bien d’allier l’activité commerciale à l’activité culturelle. Le plus souvent localisés dans les centres-villes, les libraires forment un groupe professionnel que l’on peut assimiler aux commerçants de détail. Parmi ces derniers et à l’échelle nationale, les libraires affichent néanmoins le taux de rentabilité moyen (ou bénéfice net) le plus faible de France : 0,3 % du chiffre d’affaires2 ! 1 Libraire, un métier, L’Harmattan, Paris, 1998. 2 Étude du Cabinet Xerfi pour le ministère de la Culture et de la Communication et le Syndicat de

En outre, « d’après les anciens, les conditions d’exercice du métier se sont dégradées : du strict point de vue économique, mais aussi parce que le libraire est en partie disqualifié aux yeux de la population compte tenu du développement d’Internet : chacun pense pouvoir trouver seul la bonne information grâce au Web. Ce constat est aussi palpable chez les médecins ; comme si l’accès à l’information permettait d’être d’égales compétences », explique Wilfrid Séjeau, libraire à Nevers. Malgré cela, le libraire continue à occuper une place symbolique dans la société, il bénéficie d’un certain prestige social lié à un ensemble de valeurs. Son statut est apparenté à une profession intellectuelle : comme l’était l’instituteur dans le monde rural, le libraire reste un prescripteur, un médiateur en milieu urbain. La raison qui pousse à emprunter cette voie professionnelle est souvent triple : la formation, le capital culturel propre et la trajectoire personnelle. Espérant plus qu’un métier de service à la rentabilité très faible, la nouvelle génération de libraires rassemble des personnes motivées, engagées, passionnées. Pour la plupart, ces créateurs ou la librairie française, mai 2011.

repreneurs n’ont pas suivi de formation initiale directement liée à la librairie, mais réalisent une reconversion. Ils tentent l’aventure d’une seconde carrière professionnelle réfléchie et choisie.

Une structuration législative et économique La première régulation du marché du livre intervient en 1981 avec le vote de la loi Lang3 sur le prix unique du livre. Celle-ci instaure un prix de vente au public, fixé par l’éditeur et respecté par l’ensemble des détaillants. Elle a permis et permet toujours aux libraires de lutter contre l’arme des grandes surfaces : les politiques de discount. Sans cet outil législatif, l’essentiel du réseau des libraires indépendants aurait sans nulle doute disparu, comme ont disparu les disquaires, qui n’ont pas bénéficié d’une telle loi. En région, l’accompagnement des professionnels du livre s’est principalement renforcé lors de deux périodes : la première au début des années 1980 avec la naissance des structures régionales pour le livre et leur mission de coopé3 Loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre.


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ration entre bibliothèques, et la seconde dans le courant des années 2000, avec l’élargissement de leurs missions à l’interprofession et un soutien désormais affirmé à la lecture publique, la vie littéraire, le patrimoine écrit et l’économie du livre. On comprend alors que la perception même de ces métiers s’est modifiée en profondeur. Leur approche par les angles marchand, technique et structurel s’affirme en même temps qu’elle s’exprime : récemment encore, les métiers du livre étaient perçus comme faisant partie du seul domaine culturel. Désormais, cette « filière », car cela en est bien une, est également considérée du point de vue économique. La reconnaissance de sa nature hybride par les pouvoirs publics se traduira par une série de mesures prenant pleinement en compte cette condition particulière. Bertrand Legendre et Corinne Abensour expliquent dans leur étude4 que le nombre de créations de librairies est plus élevé sur un territoire déjà maillé et dense (PACA, Aquitaine, Rhône-Alpes, Bretagne) ; un fait avéré qui contredit plusieurs idées reçues. Non, un secteur économique soutenu par les politiques publiques n’est pas forcément un secteur en mauvaise santé : les aides mises en place ne relèvent pas du sauvetage financier mais jouent bien le rôle de leviers incitateurs. Non, un secteur économique dense n’entraîne pas systématiquement une concurrence féroce entre ses acteurs. Ce sont deux clés de compréhension importantes qui confirment la pertinence du soutien à la librairie. Pour rappel, le suivi et l’accompagnement à la création d’entreprises est institué dès le début du xixe siècle par la création des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers. Forts de cette expérience, les pouvoirs publics développent des mesures facilitant l’accès à l’entreprenariat : stage de création d’entreprise, exonération de charge, prêt d’honneur, etc. Le Centre national des lettres, créé en 1946, proposera les premières aides directes à la librairie en 19935. 4 Regards sur l’Édition, Tome 1 – Les petits éditeurs. Situations et perspectives, La Documentation française, Paris, 2007. 5 Décret du 19 mars 1993 concernant des avances

Des outils pour les créateurs d’entreprise Ce socle d’aides généralistes n’est cependant pas suffisant pour répondre aux spécificités de terrain, et les structures régionales pour le livre trouvent ainsi naturellement leur place au côté des chambres consulaires de commerce en proposant des règlements d’intervention précis, adaptés aux activités propres à la librairie. Ces règlements sont ensuite généralement adoptés par les collectivités qui instruisent les dossiers présentés par les potentiels repreneurs ou créateurs de librairie. C’est ainsi que des aides à l’activité sont déterminées : des aides au rachat ou à l’augmentation du fonds, à l’informatisation de la structure ou bien encore à l’acquisition de mobilier. Au-delà des aides à la création et à la transmission, il existe tout un panel de mesures adaptées à la librairie, déclinées par secteurs et par territoires. Ainsi faudra-t-il en Bourgogne s’adresser aux services culturel et économique du Conseil régional : culturel pour l’aspect particulier de la profession, et économique pour l’attention à la société privée qui soutient le projet. Au niveau national, d’autres acteurs aux domaines d’intervention spécifiques viennent s’ajouter à ceux déjà existants en région. L’Adelc, Association pour le développement de la librairie de création, a été créée par des éditeurs de littérature générale soucieux de favoriser la diffusion de la création éditoriale en apportant aux libraires les moyens de se développer et de conserver leur indépendance. L’Adelc apporte conseils, réseaux et financements. Sur le plan de la formation, l’INFL, l’Institut national de la formation de la librairie, propose aux porteurs de projet différents parcours : alternance, cycles annuels, etc. Cependant, souvent en situation de reconversion professionnelle, ces derniers ont rarement l’envie ou le temps de reprendre un cursus long, et ils choisissent généralement d’effectuer remboursables à destination des libraires. Cette même année, le Centre national des lettres devient Centre national du livre.

des stages de courte durée en librairie. Au niveau européen, il n’existe pas de cadre spécifique lié à la librairie mais des mesures adressées aux créateurs d’entreprises, en milieu rural par exemple. Malheureusement, ces aides sont peu connues et le montage des dossiers paraît souvent contraignant. Aussi les professionnels y font-ils très rarement appel. Qu’elles émanent des collectivités, en prise directe avec le terrain et les usagers, ou d’un échelon plus lointain, les aides correspondent généralement soit à un apport financier (subventions, prêts, etc.) soit à un accompagnement (expertise, formation, etc.). Par ailleurs, l’existence de ces aides publiques n’empêche pas, au contraire, la structuration de la filière autour d’initiatives émanant d’acteurs privés de la chaîne du livre. Depuis quelques années, parallèlement au développement de l’économie solidaire, la notion de « mutualisation » a trouvé des formes concrètes. Des regroupements professionnels de natures très différentes ont vu le jour : associations de librairies et par extension fédération d’associations de librairies, groupements d’intérêt économique (GIE), syndicats (patronaux et salariés), etc. Ces regroupements permettent aux professionnels d’être acteurs militants, de faire valoir des prises de décisions et un positionnement, de lutter contre l’isolement lié à leur profession et de faire entendre leur voix auprès d’acteurs économiques puissants en termes de taille et de volume d’affaires.

Contraintes et perspectives Les plus grandes difficultés auxquelles font face quotidiennement les libraires concernent leurs relations aux entreprises de diffusion-distribution6 qui, pour mémoire, appartiennent en majorité aux grands groupes éditoriaux. Remises insuffisantes, offices (envoi automatique des nouveautés) forcés, possibilités de retours restreintes, coûts de transport élevés, etc. : des problèmes récurrents 6 Le diffuseur présente aux libraires la production des éditeurs et organise la vente, tandis que le distributeur gère les stocks de livres, leur acheminement et leur paiement.


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et partagés par tous. Ajoutons que cinq distributeurs seulement se partagent environ 80 % du marché français. En cas de litige, ceux-ci peuvent fermer le compte du libraire et ne plus lui envoyer de livres ; un rapport de force inégal qui fragilise la librairie indépendante. En mai 2011, le Syndicat de la librairie française et l’association Libraires en région ont organisé à Lyon les Rencontres nationales de la librairie. Trois points essentiels et inquiétants se sont dégagés des interventions : la librairie est un secteur économique en crise (les études présentées, cf. note 2, montrent clairement l’érosion de la rentabilité, des chiffres d’affaires, et l’augmentation des charges depuis 2003), la librairie doit impérativement renégocier avec ses fournisseurs pour obtenir des points de remise supplémentaires (40 % de remise minimum), la librairie doit évoluer en intégrant les nouvelles pratiques d’achat : la vente en ligne. Dans ce contexte, le ministre de la Culture et de la Communication a réaffirmé son soutien à la filière et promis des mesures d’accompagnement. Or voici qu’à peine 6 mois plus tard, le Premier ministre annonce, sans aucune concertation préalable, l’augmentation programmée du taux réduit de TVA sur le livre avec un passage de 5,5 % à 7 % dès le 1er janvier 20127. Les campagnes

de protestation et de sensibilisation des professionnels auprès du gouvernement et du grand public sont restées vaines... La situation était déjà délicate, elle s’en trouve complexifiée. Rappelons que le résultat net moyen d’une librairie s’élève à seulement 0,3 % de son chiffre d’affaires. Une non-modification du prix par les éditeurs lors du passage à 7 % de la TVA réduite sur le livre ramènerait ce résultat à - 0,2 % selon le Syndicat de la librairie française ! L’ensemble des questions que soulève cette situation est précisément décrite par l’ARL PACA dans son analyse Le livre face à une hausse de la Taxe sur la valeur ajoutée : quels impacts ?8 : « … comment les éditeurs peuvent-ils modifier l’intégralité du prix des livres aujourd’hui disponibles ? Ce sont près de 700 000 titres dont le prix devrait être modifié ! […] Qui réalisera l’étiquetage et quels coûts cela représentera-t-il ? Comment modifier le prix des ouvrages déjà physiquement en librairie ? Comment expliquer aux lecteurs que le prix imprimé n’est plus le prix d’achat ? Quels impacts pour les auteurs ? Les éditeurs ? Les libraires ? Les collectivités ? » S’ils ne sont pas suffisants, il existe néanmoins, au-delà des cadres législatifs qui définissent le marché du livre, des ajustements possibles plus en adéquation avec les réalités du terrain. Par exemple, le passage du seuil des marchés publics de 4 000 à 15 000 euros

7 Le livre a finalement obtenu un délai de trois mois supplémentaires avec un passage à 7 % au 1er avril 2012.

8 Dazibao 31, octobre 2011. Voir à ce sujet l’article de l’association ALIRE, « L’essentiel sur la TVA 7 % en 12 questions », sur son site Internet : www.alire.asso.fr.

en décembre 2011 offre aux mairies, conseils généraux et régionaux un levier important pour orienter les commandes de livres de leurs établissements publics vers les librairies indépendantes. Autre exemple, un contrat de progrès pour la filière livre, tel que celui mis en place en Limousin et à l’étude en Aquitaine et Languedoc-Roussillon. Ce type de dispositif permet en effet de faire reconnaître l’existence d’un secteur d’activités à part entière et de structurer son économie par la prise en compte de tous ses aspects : culture, économie, nouvelles technologies, exportation, emploi, formation, etc. Enfin, comparativement à d’autres pays occidentaux tels que les États-Unis ou l’Italie, la France conserve, avant tout grâce à la loi Lang, un réseau dense et structuré de librairies indépendantes. En Bourgogne, alors que l’édition est aujourd’hui quasiment en situation de repli, on compte 8 reprises et 4 créations de librairies depuis les cinq dernières années. Les témoignages aussi enthousiastes que réalistes de la nouvelle génération de libraires bourguignons illustrent clairement le dynamisme et le caractère particulier de cette profession dont l’énergie et la passion sont le moteur.

+++ Les aides à la création et reprise de librairie • Centre national du livre

- Prêts économiques pour la création, le développement ou la reprise - Subventions pour la création, le développement ou la reprise - Subvention pour la mise en valeur des fonds - Subvention à la production de catalogues thématiques - Subventions à la création et au développement de sites collectifs d’éditeurs et de libraires - Subvention pour les plateformes innovantes de diffusion et de valorisation de catalogues de livres numériques Contact : Thierry Auger - 01 49 54 68 79 thierry.auger@centrenationaldulivre.fr

• Conseil régional de Bourgogne

- Aide aux équipements informatiques - Aide à l’enrichissement ou à l’augmentation du fonds, en particulier à rotation lente, et au rachat de stock - Aide à l’agrandissement, l’aménagement, la rénovation, l’achat de mobilier ou le déménagement Contact : Jean-Yves Moy - 03 80 44 33 57 jymoy@cr-bourgogne.fr

• IFCIC

- Garantie financière Contact : Sébastien Saunier - 01 53 64 55 70 saunier@ifcic.fr

• ADELC

- Projets de création - Déménagement - Agrandissement et travaux de rénovation - Rachat - Restructuration de fonds de roulement et de fonds propres Contact : Didier Grevel - 01 45 41 97 90 didier.grevel@adelc.fr


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Rencontre avec les nouveaux libraires Quatre libraires de la région ont eu envie de changer de vie pour devenir acteurs culturels de leur ville. Leur salaire reste malheureusement souvent la variable d’ajustement pour arriver à l’équilibre financier de l’entreprise. Ils ont réalisé leur projet, souvent leur rêve : nous les avons interrogés sur leurs parcours.

Librairie Obliques, à Auxerre (89) Création en 1978 > Reprise en juillet 2011

> Grégoire Courtois

34 ans, issu du secteur culturel (théâtre)

Son métier « Un intermédiaire entre le texte et les

gens. C’est avoir un regard clair au milieu de cette profusion de livres, une vision juste de ce qu’aimerait découvrir le lecteur. À cela s’ajoute bien sûr un aspect commercial. »

Sa librairie « Une utopie... » Déclic « Ma rencontre avec

George Bassan, l’ancienne libraire, et puis j’étais client et je ne voulais pas qu’Obliques ferme. Mais il a fallu trois ans pour que l’idée arrive à maturité. »

Formation

Gestion d’entreprise à la Chambre des métiers, deux stages en librairie, la période de transmission, « … et le terrain, les premiers mois. »

Montage financier

Adelc / Centre national du livre / Conseil général / Conseil régional / 70 associés, clients de la librairie / Banque

Appuis

La Chambre des métiers, le CRL et la rencontre de libraires dont Wilfrid Séjeau, du Cyprès à Nevers.

Difficultés « Convaincre. Il y a un effet domino : dès que l’un d’entre eux s’engage, les autres partenaires financiers suivent. Et puis la période d’incertitude quand on quitte son travail et qu’on n’est pas encore sûr que son projet voie le jour. »

Vente sur Internet « On l’a envisagée mais cela

• 100 m2 de surface de vente • 18 000 références en magasin • 2 employés + 1 apprenti • 700 000 € de chiffre d’affaires dont 300 000 € en boutique et 400 000 € en appels d’offre • 1-2 animations/mois en librairie (auteurs) + tables en extérieur (salons, conférences, spectacles, exposition, etc.) • Site Internet, envoi de courriels et distribution de programmes papier

reviendrait trop cher, cela prendrait trop de temps de gérer les envois de livres, et puis nous n’avons pas la force de frappe nécessaire face à Amazon. »

Livre numérique « On se lance bientôt, avec Immateriel.fr. Ce sont surtout les personnes âgées qui m’en font la demande, pour le confort de lecture car ils peuvent grossir le texte. » > 68, rue Joubert - 03 86 51 39 29 - www.librairie-obliques.fr


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Librairie Le Cyprès, à Nevers (58) Création en 1995 > Reprise en avril 2008

> Wilfrid Séjeau

33 ans, issu du journalisme et de la politique

• 150 m2 de surface de vente • 20 000 références en magasin • 3 employés + 1 apprenti • 425 000 € de chiffre d’affaires • 2 animations/mois en librairie (auteurs, concerts, etc.) + des expositions • Page Web et envoi de courriels

Formation

Trois stages en librairie, la formation « Agir et créer » de la Boutique de gestion, la période de transmission et le soutien des employés.

Montage financier

Adelc / Centre national du livre / Conseil régional / 26 associés, amis et clients / Apport personnel / Banque

Appuis

DRAC, Conseil régional (service Économie), CRL, le comptable de la librairie, une avocate, le groupement de libraires Initiales.

Difficultés Son métier

« C’est un peu ce qu’au xviii  siècle on appelait l’honnête homme ! Un homme cultivé, curieux et militant qui a une vue d’ensemble de la production écrite. Un médiateur ouvert et tolérant qui accompagne le lecteur vers des textes. » e

« Le chevauchement et la multiplicité de partenaires financiers dont les accords dépendent les uns des autres. »

« Ce n’est pas un endroit où on doit se sentir écrasé par tout ce savoir, c’est un lieu où on doit être bien, c’est un espace de plaisir. Ça doit être un lieu exceptionnel, un lieu multiculturel, une sortie à part entière. Et puis la librairie, c’est le lieu de la sérendipité, le lieu où l’on trouve ce qu’on ne cherche pas. »

Vente sur Internet « Une librairie doit faire ce qu’elle sait faire, là où elle est bonne et où elle apporte quelque chose en plus. Comment concurrencer Amazon, la Fnac et Google ? Notre force, ce sont nos lieux physiques et notre rôle social : la chaleur humaine. Mon point de vue c’est qu’il faut miser làdessus, c’est une orientation stratégique. La vente en ligne sur des domaines spécialisés ça se comprend. Il faut faire passer le message qu’à chaque fois qu’on achète en ligne, on tue le commerce de proximité. »

Déclic « Une envie de changer de vie. Je savais que la librairie

Livre numérique « Cela peut paraître bizarre pour un jeune

Sa librairie

était en vente, j’étais client, et je ne pouvais pas imaginer que le Cyprès n’existe plus à Nevers. C’était un lieu qui faisait partie du patrimoine de la ville et un beau matin, je me suis dit, je vais racheter le Cyprès. C’était un peu fou et inconscient. »

libraire, mais vendre des fichiers ne m’intéresse pas du tout. » > 17, rue du Pont Cizeau - 03 86 57 53 36 - www.initiales.org


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Librairie Rhizômes, à Givry (71) Création en juin 2011

> Pascal Chevalier

48 ans, issu du secteur de l’image de synthèse

• 55 m2 de surface de vente • 6 000 références en magasin • Pas d’employé • 70 000 € de chiffre d’affaires sur 6 mois d’exploitation • 2-3 animations/mois en librairie (auteurs, associations) + tables en extérieur (spectacles, expositions, etc.) • Site Internet en construction, une page facebook et des tracts

Son métier « Libraire à plein temps : je note des commandes

au café du village, sur le chemin, certaines sont passées via facebook ! »

Sa librairie

« Un commerce de proximité de plaisir : cela coïncide avec un besoin de diffuser de l’information tout en bénéficiant d’un rapport aux gens différent. Comme le prix du livre est unique, la relation au client n’est pas influencée par le prix et on peut parler du fond : des livres. »

Déclic

« J’avais besoin de me créer une zone d’autonomie temporaire, j’étais à la recherche d’un autre monde professionnel, indépendant et sans pression. »

Formation

Son expérience de créateur d’entreprise et la formation sur le logiciel de gestion de la librairie qui était très poussée : « presque une formation métier ».

Montage financier Investissement financier personnel.

Appuis Le CRL et la rencontre de libraires dont Jean-Marc Brunier du Cadran lunaire à Mâcon.

Difficultés « La question des possibilités de retour est pro-

blématique et puis certains distributeurs conditionnent le montant de la remise à l’acceptation de leurs offices ! »

Vente sur Internet « Je me suis intéressé à 1001libraires.

com, mais le principe me gêne car on paye pour qu’au final le client s’éloigne de la librairie, je préfère un échange plus direct avec les gens. »

Livre numérique « Pourquoi pas, mais pour l’instant je n’ai pas vraiment de clientèle pour cela. »

> 13, boulevard de Verdun - 09 54 10 76 89 www.librairie-rhizomes.fr


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Librairie L’Écritoire, à Semur-en-Auxois (21) Création en 1974 > Reprise en novembre 2010

> Maëlig Hamard > Cécile Rémy 32 ans, issues du secteur culturel

• 70 m2 de surface de vente dont une partie pour la papeterie et des petits objets insolites • 5 000 références en magasin • Pas d’employé • 180 000 € de chiffre d’affaires • 1 animation/mois en moyenne à la librairie (auteurs, comités de lecture, cafés-débats) + partenariats (festival BD par exemple) + tables en extérieur (salons) • Pas de site Internet mais une page facebook, des tracts et envoi de courriels

Cécile Rémy

Leur métier

« C’est avant conseiller et faire découvrir : le client rentre, il n’a pas d’idée, il ressort, il est très content ! Pour l’instant, il est néanmoins un peu frustrant de constater que les clients ne nous demandent pas souvent conseil malgré notre bonne volonté : nous nous sentons plus vendeuses que libraires. Mais c’est le début, il nous faut le temps de bien connaître notre clientèle. »

Leur librairie

« C’est beaucoup d’énergie ! Il faut vraiment se battre tout le temps pour que ça existe. Mais heureusement nous sommes très soutenues par les habitants de la ville. »

Déclic « Nous l’avons fait car nous étions à un carrefour de nos vies et aussi un peu naïves ! C’était aussi pour faire vivre L’Écritoire, parce que nous sommes originaires de Semur et que nous y avons un réseau de connaissances. Et puis nous voulions créer un véritable espace culturel et familial dans cette ville. »

Dossier rédigé par David Demartis et Aurélie Miller

Formation Des stages et la période de transmission. Montage financier Conseil régional / Nacre / APH Banque

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Appuis La boutique de gestion, le CRL et le groupement de libraires Initiales.

Difficultés

« Résister aux représentants, et puis c’est un métier chronophage. »

Vente sur Internet « Nous nous sommes renseignées du côté de 1001libraires.com, mais c’est trop cher. » Livre numérique peut-être… »

« L’envie n’est pas vraiment là. Un jour

> 30, place Notre-Dame - 03 80 97 05 09


repères juridiques

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Bibliothèque et reproduction Rémunération des auteurs : des œuvres : des exceptions ce qui change en 2012 au droit d’auteur ? Certaines décisions ont été adoptées par le Parlement en fin Exception au droit d’auteur au profit des bibliothèques, musées ou services d’archives, la loi DADVSI du 1er août 2006 a inséré plusieurs nouvelles exceptions dans la liste de l’article L 122-5 du Code de la propriété intellectuelle. L’une d’elles, codifiée à l’article L 122-5, 8° dudit code, intéresse plus particulièrement les bibliothèques. Ce texte prévoit que l’auteur ne peut interdire la reproduction d’une œuvre, effectuée à des fins de conservation ou destinée à préserver les conditions de sa consultation sur place par des bibliothèques accessibles au public, par des musées ou par des services d’archives, sous réserve que ceux-ci ne recherchent aucun avantage économique ou commercial. Ainsi, à condition de ne pas poursuivre un but mercantile ou intéressé, les différents établissements visés dans le texte ont la possibilité de copier des œuvres dont ils sont légitimement propriétaires sans autorisation préalable des ayants-droit. Néanmoins, comme pour toute exception, la portée de ce texte doit être interprétée strictement. Il convient donc que les bénéficiaires de cette exception au droit d’auteur aient bien présent à l’esprit qu’ils ne peuvent user de cette faculté que dans le but d’assurer la conservation de l’œuvre concernée ou de préserver les conditions de sa consultation. Franck Benalloul, avocat à Marseille, pour l’ArL Paca, 2010

Puis-je librement exposer des œuvres dans le cadre d’une exposition gratuite ? L’exposition d’œuvres entre dans le monopole de l’auteur au titre de son droit de représentation. En conséquence, quand bien même il n’y a aucun profit, aucune démarche commerciale, toute exposition implique l’autorisation préalable de l’auteur. Signalons toutefois l’exception créée à l’article L 122-5 par la loi DADVSI de 2006 qui permet sous différentes conditions et notamment l’exigence d’une rémunération négociée sur une base forfaitaire « de reproduire ou représenter des extraits d’œuvres à des fins d’illustration dans le cadre de l’enseignement ou de la recherche. Pour être valides, les autorisations à demander doivent être écrites, précises quant à leur objet et, sauf l’exception citée ci-dessus, acquises moyennant une rémunération proportionnelle. » Franck Benalloul, avocat à Marseille, pour l’ArL Paca, 2010

d’année et doivent être appliquées dès le 1er janvier 2012 par les auteurs et diffuseurs amenés à établir des notes de droits d’auteur. • Modification de la base de calcul de la CSG et de la CRDS : L’abattement à titre professionnel, qui était jusqu’à maintenant de 3 %, passe à 1,75 %. Les cotisations CSG et CRDS sur les notes de droits d’auteur, calculées sur une base de 97 % du brut, doivent maintenant être calculées sur une base de 98,25 % du brut (loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, art. 17). La règle selon laquelle l’abattement ci-dessus mentionné ne s’applique que dans la limite de 4 fois le plafond de sécurité sociale reste en vigueur. • La TVA sur les droits d’auteur appliquée à compter du 1er janvier doit être calculée sur la base du taux réduit porté à 7 %. Ceux qui pratiquent une retenue à la source de la TVA sur leurs notes de droits d’auteur doivent donc prendre en compte les chiffres suivants : taux de TVA de 7 %, se décomposant en retenues de TVA à la source de 6,2 % et droit à déduction forfaitaire de 0,8 %. • À partir du 1er juillet 2012 : mise en place de la formation professionnelle continue des artistes auteurs financée par les auteurs (0,35 %), les diffuseurs (0,1 %) et les contributions volontaires des sociétés d’auteurs (loi de finances rectificatives pour 2011).


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BCL # 7 / Mars 2012

à lire…

Sur le bazar éditorial La trahison des éditeurs (Agone, 2011), ouvrage de Thierry Discepolo, a le mérite de mettre le doigt sur un fléau de notre époque : la surproduction de livres trop souvent médiocres qui encombrent les tables de nos libraires. À partir de ce constat, l’auteur décrit et analyse les mécanismes socioéconomiques qui sous-tendent selon lui ce grand bazar éditorial. Savoir si son propos tient toutes ses promesses, c’est cependant une autre affaire. Selon Discepolo, les formes contemporaines du capitalisme international constituent l’agent destructeur et sournois qui aliène la production livresque et la confine dans un registre de plus en plus pauvre et de plus en plus servile. L’auteur opère une série de dévoilements critiques visant à montrer que les mécanismes de l’aliénation sont pudiquement masqués par des mythologies collectives orchestrées par les grands éditeurs euxmêmes. En d’autres termes, il fait œuvre de démythologisation, et cela constitue, pour le lecteur que je suis, les pages les plus intéressantes de son livre. Le prestige de Gallimard est ainsi soumis à rude épreuve. Sont finement analysés les discours par lesquels la direction du groupe jure de maintenir la qualité des ouvrages publiés tout en ouvrant les voies du côté de la distribution de masse, et d’une concentration des capitaux selon une logique inexorablement boulimique. Il faut bien vivre ! Du reste, et c’est Antoine Gallimard lui-même qui le dit, certaines maisons d’édition n’avouent-elles pas leur soulagement d’avoir été rachetées par une grosse entreprise ? Ipso facto sont passées à la moulinette les politiques éditoriales de maisons aussi renommées que Grasset et Albin Michel. On se délecte d’ailleurs – tout en riant jaune – de jauger les affirmations et les agitations de certains directeurs de collection aussi prestigieux que Claude Durand, Olivier Nora, que vont côtoyer tour à tour des auteurs aussi dissemblables que Michel Houellebecq, Bernard-Henri Lévy ou Daniel Bensaïd. Plus troublant, plus inattendu, apparaît le cas d’Actes Sud. Cette maison d’édition opportunément décentralisée a savamment construit sa propre image :

indépendance, qualité, provincialisme de bon ton, gastronomie en filigrane. Ce qui n’a pas empêché Hubert Nyssen et ses successeurs de racheter discrètement 16 maisons d’édition devenues nécessairement satellitaires. Il ne s’agit d’ailleurs pas de filiales, dit-on du côté d’Arles, mais de maisons associées. La codification du vocabulaire est importante à ce niveau, et la maison mère en use de main de maître. Cela dit, on ne peut tout de même pas accuser Actes Sud d’être indifférente à la qualité ! Du reste, et c’est à partir de là que l’on peut commencer à se poser certaines questions sur la démonstration de l’auteur, il nous dit que certaines maisons d’édition ont su tout à la fois maintenir et une indépendance, et une qualité littéraire. Il cite 19 noms importants, auxquels s’ajoutent nombre de petites maisons qui malheureusement, ajoute-t-il, n’ont à peu près aucun poids dans la dynamique du grand bazar éditorial. Néanmoins, et la fin du livre y revient, l’auteur exhorte les réfractaires à résister. Certes ! Dès lors se demande-t-on, comment cela serait-il possible puisque le système fondamental de production et consommation est présenté comme un mécanisme, fermé, coercitif, et pour finir totalitaire ? La critique du capitalisme ne date pas d’hier, et l’on peut s’étonner que l’auteur ne fasse aucune allusion sur ce terrain, à ce qu’il faut bien appeler les désillusions du marxisme théorique et pratique ? De plus, l’auteur parle souvent de la nécessité de produire de « bons livres » mais l’on en vient à se demander ce qu’il entend exactement par là. On finit même par soupçonner que le bon livre est surtout celui qui instruit le

procès du capitalisme. A contrario, il est surprenant que l’auteur opère page 54 un raccourci saisissant entre Régine Deforges et Soljenitsyne, qui pourrait faire croire au lecteur pressé que ces auteurs sont comparables. Il est bien évident qu’un capitalisme débridé produit des effets pervers et des fruits vénéneux, tout particulièrement dans le domaine de l’édition. Cependant il faudrait, pour que l’analyse soit efficiente, distinguer les plans politique, économique et idéologique. Il me paraît faux de prétendre que les trois se confondent. Le déclin du livre, de la lecture, de l’écriture est lié aussi à des ingrédients idéologiques vis-à-vis desquels les chevaliers de vertu ont aussi des responsabilités. S’il y a trop de mauvais livres, c’est aussi qu’il y a des lecteurs pour les lire, et qu’on a cultivé allègrement la démagogie en prétendant dénoncer le soidisant élitisme de l’école républicaine. Ainsi, par exemple : il y aurait sans doute beaucoup à dire sur le succès actuel du roman policier, dont la dimension commerciale est indiscutable. En résumé, Thierry Discepolo a raison de répéter qu’il y a trop de livres, trop de mauvais livres, et qu’un mercantilisme éhonté sous-tend cette mécanique inflationniste. Toutefois, croire que la solution à ces méfaits serait d’ordre purement politique me semble relever d’un vœu pieux. L’extension des nouvelles technologies ne cesse, à mon sens, de fragiliser la pratique de la lecture, et cette tendance dépasse de beaucoup les simples clivages socio-politiques. C’est pourquoi son travail semble inachevé et nous laisse sur notre faim. Jean Libis


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+++ Les nouveautés du centre de documentation du CRL Général • Culture et développement durable, Jean-Michel Lucas (Irma, 2012) • Dix ans d’histoire culturelle, Association pour le développement de l’histoire culturelle (Presses de l’Enssib, 2011) • L’Observatoire n°38. Ce que disent les artistes, Collectif (Observatoire des politiques culturelles, 2011)

Les indécisions natives de l’action culturelle L’action culturelle et ses métiers, d’Isabelle Mathieu, paru aux Presses universitaires de France, collection « Partage du savoir ». Prix Le Monde 2011 de la recherche universitaire. Chez Isabelle Mathieu, maître de conférences à l’université de Bourgogne, le lien qui unit liberté de la presse, instruction publique et action culturelle prend une coloration tchékhovienne. « Trois sœurs » venues des Lumières et que la Révolution française fit siennes. À la clé, maints débats intellectuels et idéologiques qui se répercutèrent, dans la IIIe République naissante, chez les initiateurs des grandes lois fondatrices de notre pacte social. Qui furent les acteurs – visionnaires, théoriciens, politiques, praticiens – de cette édification et quelles incidences sur l’action culturelle actuelle ? Si l’on observe les professions qui s’y rattachent, leur imprécision relève d’équivoques qui ont résisté au temps. Des « arbres de connaissances », plantation virtuelle où l’auteur nous introduit et nous guide, illustrent on ne peut mieux cet état de fait. Néanmoins, si l’écrit y est omniprésent, l’ouvrage renseigne moins sur les métiers du livre, intégrés ici à d’autres ensembles culturels. Michel Pulh

Auteur

• Guide pratique du droit d’auteur, Anne-Laure Stérin (Maxima, 2011)

Bibliothèque • Horizon 2019 : bibliothèques en prospective, coord. par Anne-Marie Bertrand (Presses de l’Enssib, 2011) • Le Manuel de la numérisation, Thierry Claerr et Isabelle Westeel (Éditions du Cercle, 2011) • Mener l’enquête ! Guide des études de publics en bibliothèque, coord. par Christophe Evans (Presses de l’Enssib, 2011)

Édition • La Trahison des éditeurs, Thierry Discepolo (Agone, 2011) • Le Guide de l’édition jeunesse 2011, Collectif (MCL Éditions, 2011)

Numérique • Les Livres dans l’univers numérique, Christian Robin (La Documentation française, 2011) • Lire dans un monde numérique, coord. par Claire Bélisle (Presses de l’Enssib, 2011) • L’Observatoire n°37. L’ère numérique : un nouvel âge pour le développement culturel territorial, Collectif (Observatoire des politiques culturelles, 2011) • Regards croisés sur l’Internet, coord. par Éric Guichard (Presses de l’Enssib, 2011) > Le centre de documentation est ouvert du lundi au vendredi, de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 h. Consultation sur place et prêt gratuit.


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BCL # 7 / Mars 2012

livre & jazz

« Le Nerf » : dans le vif d’une double écriture La conception dramaturgique de Guillaume Malvoisin, chez qui le verbe joue avec l’improvisation musicale, trouve un aboutissement dans « Le Nerf » créé au Théâtre Dijon Bourgogne. Démarcage à la fois libre et fidèle de la pièce de Jack Gelber, The Connection.

Guillaume Malvoisin, si le style était trouvé, restait à engendrer le corps vibrant du spectacle. C’est alors que le hasard amena The Connection, cette pièce de Jack Gelber qui lie intimement le jazz à l’intrigue, l’intrigue à la drogue, la drogue au jazz. Hasard oui, car l’œuvre est inédite en français 1 et n’est même plus éditée Outre-Atlantique où on en dénicha toutefois le texte. Mais entre 1959, année de sa création par le Living Theatre 2 pourtant, et aujourd’hui une fois traduit, celui-ci est apparu « vieilli », et la musique aussi  3. « D’où l’envie d’une réécriture ». Complète ?

Battling (((Mingus))) lors du Tribu festival à Dijon en mai 2005

Impressionnés par la figure du contrebassiste de jazz Charles Mingus (1922-1979), le musicien Sébastien Bacquias, contrebassiste lui-même, et le dramaturge Guillaume Malvoisin imaginèrent de concert en 2005 « le récit d’un boxeur noir entrant sur un ring et combattant avec sa mémoire ». Frottée comme dans « un corps à corps » à une musique improvisée d’autant plus expressionniste qu’un boîtier électronique manipulait le son de l’instrument, comment « l’écriture pouvait-elle être spectaculaire » d’autant qu’elle n’était pas prononcée ? Entraînée dans le sillage musical, par flux, par heurts, par soubresauts, elle se précipitait d’un ordinateur portable jusqu’à un écran ; les scories de frappe illustraient s’il en était besoin la spontanéité du geste scénique. Après quoi, le chantier théâtral se poursuivit dans la succession de représentations (Tribu festival à Dijon, Temps de paroles à Chenôve, Festival D’Jazz à Nevers…) et de « sessions de dramaturgie pratique en public », apportant des textes poétiques et littéraires de Jean-Claude Pinson, Stephen Crane, Walt Whitman, Jack Kerouac, Antoine Émaz, Blaise Cendrars (Théâtre Mansart Dijon). « On abordait la liberté, la fuite, l’exil et on en débattait. L’écriture est devenue plus saccadée, plus poétique. (…) Le style recherché avec “Mingus” était trouvé ». Une compagnie fluctuante de comédiens et de musiciens, les Mécaniques Célibåtaires, avait fait place au duo. Pour

« Le Nerf » maintient l’argument dramatique : l’attente frénétique d’un pourvoyeur par des junkies, dont des musiciens, en manque. Si le jazz est toujours bien présent dans la pièce et si sa facture a évolué, Guillaume Malvoisin en maintient la fonction : mettre le théâtre à vif. Michel Pulh

> « Le Nerf » (création) Écriture et mise en scène : Guillaume Malvoisin. Comédiens : Lydie Champrenault, Étienne Grebot, Daniel Scalliet, Jacques Ville. Musiciens : Sébastien Bacquias (contrebasse), Aymeric Descharrières (saxophones), Christelle Séry (guitare électrique), Nicolas Thirion (traitements sonores). Prochaine date aux Rencontres internationales D’Jazz à Nevers, le 12 novembre 2012.

1 En 1968 Alain Brunet en avait fait une adaptation pour une mise en scène de Jean Collomb au Théâtre des Arts, reprise l’année suivante au Théâtre du Vieux Colombier. 2 Qui a remonté la pièce en 2009, pour son cinquantenaire. 3 En 1961 la cinéaste Shirley Clarke a signé une adaptation cinématographique de la pièce où l’on voit un quartette à l’œuvre. Il en existe un DVD, et par ailleurs un CD de la bande originale. Les musiciens sont les mêmes qu’à la création théâtrale.



P o u r t o u t s a v o i r , o u p re s q u e , s u r l a v i e d u l i v re e n B o u rg o g n e / R e v u e g r a t u i t e Une publication du Centre régional du livre de Bourgogne - 71, rue Chabot-Charny - 21000 Dijon - Tél. : 03 80 68 80 20 Fax : 03 80 68 80 24 - Courriel : info@crl-bourgogne.org - Tirage : 2 000 ex. - Dépôt légal : 1 er trimestre 2012 Directrice de la p u b l i ca t i o n : G e o rg e B a ss a n - D i re c t r i ce d e l a ré d a c t i o n : M a r i o n C l a m e n s - C o o rd i n a t i o n et rédaction : Aurélie Miller - Ont collaboré à ce numéro : Isabelle Colin, David Demartis, Pauline Lesieur, Jean Libis, Corine Pourtau, Michel Pulh et Alice Zunino - Graphisme : Anne Gautherot - Illustrations : Jérôme Derieux (p. 2), Jean-Louis Thouard (p. 4) - Crédits Photo : CRL Bourgogne, Vincent Arbelet (p. 28) - Impression : ICO - Parution : mars et septembre Le Centre régional du livre de Bourgogne est une association au service des profes sionnels du livre (auteurs, éditeurs, bibliothécaires, libraires, médiateurs, etc.) et des lecteurs. Sa mission de conseil et d’accompagnement des professionnels b o u rg u i g n o n s s’ exerce da n s troi s secteurs : la v i e litté raire , le patrimo ine é crit e t l’é co no mie du livre . Il ve ille é gale me nt à informer tous les publics et les sensibilise aux enjeux liés au livre et à la lecture. Le CRL est membre de la FILL – Fédération i n t e r ré g i o n a le d u l i v re e t d e l a le c t u re . L e C R L e s t a c c o m p a g n é p a r le C o n s e i l ré g i o n a l d e B o u rg o g n e e t l a D i re c t i o n ré g i o n a le d e s a f f a i re s c u l t u re l le s d e B o u rg o g n e d a n s le c a d re d e le u r s p o l i t i q u e s e n f a v e u r d u l i v re e t d e l a le c t u re .

ISSN 1966-5563

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