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Bourgogne côté livre L’ a c t u a l i t é d u l i v r e et des professionnels de la région

e n t re t i e n s

Fre n c h B o o k D i st r i b u t i o n by Ré g i s Te r r i e r L’ i m p r i m e r i e L a b a l le r y : d e s l i v re s e t d e s h o m m e s

numérique

A u te u r & n u m é r i q u e : q u e l le s co n n ex i o n s ?

i n i t i a t i ve s ( d ) é to n n a n te s

L e L a b o d e l’ é d i t i o n : i n c u b a te u r d ’ i m a g i n a i re

d o ss i e r

L e s b i b l i o t h è q u e s o n t d e l’ a ve n i r !

C RL

B ou r g og ne

Centre régional du livre de Bourgogne


SOMMAIRE 1

le CRL en actions

Le livre pour la jeunesse en Bourgogne : un patrimoine en partage

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entretiens

French Book Distribution by Régis Terrier L’imprimerie Laballery : des livres et des hommes

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initiatives (d)étonnantes Le Labo de l’édition : incubateur d’imaginaire

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europe

L’ABF Bourgogne version catalane

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éditorial

Plaidoyer pour une littérature bourguignonne Apocryphe ou pas, la réflexion que l’on prête à Paul Claudel, dans les années vingt, disant de François Mauriac, sur le ton méprisant qu’on imagine : « C’est un écrivain régionaliste », est tout à fait révélatrice d’un état d’esprit qui continue de sévir – et qui s’est même fortifié avec le temps – dans la littérature française. Et pourquoi ne pas être un écrivain « régional » ? Est-ce la localisation géographique d’une œuvre qui fait sa qualité ? Et doit-elle être des bords de Seine, de préférence rive gauche, pour mériter de retenir l’attention ? En fait, la littérature est un tout. Elle n’est pas plus « germanopratine » que régionale. Jules Renard, Gaston Bachelard, Gaston Roupnel, Romain Rolland, Colette, et bien sûr Henri Vincenot, pour ne citer que ces plus grands, sont des écrivains bourguignons. Ils seraient pourtant peu de chose s’ils s’étaient cantonnés à l’épluchage laborieux de ce qui pouvait bien justifier qu’ils chantent à l’infini les louanges de leur pays. Il n’y a pas de littérature régionale au sens d’une défense étriquée des particularismes. Et il y aurait peu de raisons de promouvoir une littérature régionale si les auteurs en régions ne se trouvaient pas en butte à un mal bien français, jacobin en diable, qui veut que, notamment

numérique

pour les médias nationaux et leurs critiques, il n’y ait rien en matière

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Didier Cornaille Auteur Vice-président du CRL Bourgogne

Auteur & numérique : quelles connexions ?

dossier

Les bibliothèques ont de l’avenir !

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à lire…

Pour des bibliothèques de qualité en prison Les nouveautés du centre de documentation du CRL

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repères juridiques

Auteurs, avez-vous droit à la formation continue ? Reprise d’une librairie : droit de préemption des communes

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livre & théâtre

Les actes mis en pages du TéATr’éPROUVèTe

d’écrits au-delà de la Porte d’Orléans !


le CRL en actions

Le livre pour la jeunesse en Bourgogne : un patrimoine en partage

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Voilà bientôt 5 ans que le CRL pilote la conservation partagée des livres pour la jeunesse en Bourgogne. Des milliers de livres introuvables en librairie et auprès des éditeurs ont ainsi pu être sauvegardés grâce à l’engagement de 31 bibliothèques publiques de la région. Depuis septembre 2011, l’exposition itinérante « Des histoires plein les tiroirs » donne un coup de projecteur sur ce patrimoine. Entretien avec Alice Zunino, chargée du patrimoine écrit au CRL, et Véronique Davenne, conceptrice de l’exposition.

L’édition numérique jeunesse : quelle offre ? Quel positionnement des bibliothécaires ? Journées d’étude à la médiathèque de Mâcon le 23 mai 2013. Après une matinée consacrée aux diffuseurs (éditeurs) numériques, il s’agira de s’interroger sur la place des bibliothèques dans le contexte de développement des ressources numériques : quelles politiques documentaires ? Quels services face à quelles attentes du public ? Avec quels moyens ? Cette

BCL : Comment est née cette idée d’exposition de livres pour enfants ? Alice Zunino : Le plan de conservation partagée des livres pour la jeunesse a suscité une grande mobilisation depuis 2007 de la part des bibliothécaires de la région qui s’investissent pleinement dans la sauvegarde de ce patrimoine fragile. Mais cette sauvegarde n’a aucun sens si elle ne s’accompagne pas d’un partage. Mieux faire connaître ce patrimoine à tous les publics était pour nous un impératif. Nous souhaitions également sensibiliser élus, professionnels et grand public sur notre capacité à travailler ensemble, souvent dans l’ombre, pour construire un patrimoine de manière intelligente et durable.

BCL : Comment s’est construit le projet ?

journée est proposée par le CRL Bourgogne, la Direction de la lecture publique de Saône-et-

AZ : L’objectif du CRL était de permettre à toutes les bibliothèques engagées dans la conservation partagée de participer à un projet de valorisation. Nous ne voulions exclure personne. Un comité de pilotage s’est alors constitué avec 8 bibliothèques1 de Bourgogne, toutes volontaires pour apporter leur pierre à l’édifice. C’est à ce moment là que l’idée de créer une exposition itinérante est née. Dès lors, nous sommes très vite tombés d’accord : pas de livres sous vitrine ! Nous voulions que les livres sélectionnés puissent être lus par les visiteurs. Ce sont ces premiers éléments qui ont été proposés à Véronique Davenne, la scénographe de l’exposition.

Loire et la médiathèque de Mâcon.

Une bibliothèque numérique pour les sociétés savantes de Bourgogne Fruit d’une collaboration de 23 sociétés savantes de la région, de la Bibliothèque nationale de France et du CRL, le site de la Bibliothèque numérique des sociétés savantes de Bourgogne sera en ligne dès le 12 avril 2013 ! À travers leurs publications numérisées, également accessibles sur Gallica, découvrez l’histoire, le patrimoine et les personnalités marquantes de la région. Affinez ainsi vos connaissances en viticulture, agriculture, histoire, et archéologie. Notices illustrées, frise chronologique,

BCL : Une exposition comme outil de communication en quelque sorte ?

BCL : Comment avez-vous accueilli cette proposition Véronique Davenne ?

AZ : En un certain sens oui. Même s’il s’agit avant tout de susciter du plaisir à travers la découverte ou la redécouverte de livres remarquablement mis en scène, il n’en demeure pas moins que la dimension pédagogique « pourquoi conserver ? Que conserver, pour qui et avec qui ? » n’est pas à négliger.

Véronique Davenne : Avec enthousiasme et inquiétude à la fois ! Les installations que je réalise mettent toujours en scène les mots, sous des formes diverses. 1 Bibliothèques municipales d’Auxerre, Chalonsur-Saône, Dijon, Le Creusot, Mâcon, Nevers, Semur-en-Auxois et les bibliothèques de l’IUFM de Bourgogne.

carte de géolocalisation et exposition virtuelle viennent enrichir le site. En savoir plus : societes-savantes.crl-bourgogne.org


BREVES 2

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le CRL en actions

Patrimoine[s] écrit[s] en Bourgogne, du 21 juin au 15 septembre 2013

Je me suis donc sentie exactement à ma place avec cette proposition : rendre visible ce qui est lisible. Cependant, les contraintes techniques étaient fortes : l’installation devait pouvoir être accueillie dans tout type de lieux, montée par les bibliothécaires, et transportable facilement. Mais le principal défi à relever était de remplir la mission de valorisation des ouvrages : à l’ère du tout numérique, comment réaliser une exposition sur des livres méconnus ou oubliés qui puisse séduire les enfants ?

Cette année encore, le CRL mobilise de nombreuses bibliothèques, archives, sociétés savantes et musées pour faire découvrir les richesses du patrimoine écrit en Bourgogne. Une invitation à entrer dans leurs réserves, tout au long de l’été, à l’occasion de visites de fonds anciens, d’expositions, de présentations de documents patrimoniaux ou encore d’ateliers et conférences… Profitez de votre été pour voyager autrement, c’est gratuit ! Renseignements : www.crl-bourgogne.org

Comment accueillir un auteur. De la dédicace à la résidence Vous souhaitez accueillir un auteur ? Plongez-vous dans ce guide qui vous accompagnera dans tous vos projets. Coédité par onze

BCL : Comment l’avez-vous conçue ? VD : J’ai réfléchi sur l’acte de lecture des enfants (et des plus grands), et ce qui m’a semblé évident, c’est le moment où cet acte se produit le plus souvent : au moment du coucher, dans un état à mi-chemin entre la veille et le sommeil. J’ai donc choisi de montrer cet instant magique, en réalisant des tables de chevet dans lesquelles des univers oniriques sont créés à partir d’objets rappelant chacun des ouvrages présentés. Un peu comme si nous étions dans la tête du lecteur qui aurait lu tous les livres au pied de son lit avant de s’endormir…

structures régionales pour le livre, dont le CRL Bourgogne, et leur fédération, la Fill, ce guide propose des outils théoriques, méthodologi-

BCL : Et la sélection des livres dans tout cela ?

ques et pratiques. En complément, rendez-vous sur le site du CRL pour télécharger divers modèles de budgets, fiches techniques, contrats types… ainsi que des précisions sur l’accueil des auteurs étrangers, et enfin la brochure Comment rémunérer les auteurs ? Guides disponibles en ligne et sur simple demande auprès du CRL. Renseignements : www.crl-bourgogne.org > Ressources

AZ : C’est sans doute ce qui a été le plus difficile pour les bibliothécaires qui devaient chacun choisir 6 livres à présenter dans l’exposition. Une gageure quand on sait qu’ils en conservent des centaines et que l’objectif était de présenter des albums, des documentaires, des romans... édités à partir des années 1950 et montrant l’évolution des couvertures, des illustrations ou encore de la mise en page. C’est finalement le thème de la couleur qui a été retenu pour la sélection et qui a servi de fil conducteur au travail créatif de Véronique.

VD : Le pari était de réussir à concevoir pour chaque table un petit monde à partir d’histoires très hétérogènes.

BCL : Plus prosaïquement, comment avezvous financé cette opération ? AZ : Grâce au concours des bibliothèques partenaires à qui nous avions très vite demandé non seulement de nous aider à construire le projet mais aussi de le financer pour moitié ! De ce point de vue aussi cette action est tout à fait originale. Sans elles et sans le soutien exceptionnel de la Direction régionale des affaires culturelles de Bourgogne, cette exposition n’aurait jamais pu voir le jour.

BCL : Voici maintenant plus d’un an que l’exposition est présentée dans les bibliothèques de Bourgogne. Comment est-elle accueillie ? AZ : Avec beaucoup d’enthousiasme, tant du côté des visiteurs que des bibliothécaires. On compte déjà plus de 4 000 visiteurs. Et on espère bien que la tournée ne s’arrêtera pas là. Les bibliothèques de Sens, Autun, Torcy, Tonnerre, Chagny et Avallon sont déjà prêtes à l’accueillir. VD : Je suis toujours très heureuse de voir comment les bibliothécaires s’emparent de mon installation pour la faire vivre. Elle est vraiment conçue comme un moment privilégié de partage ludique et poétique avec les lecteurs et génère des prolongements multiples et variés : présentations de livres conservés par la bibliothèque, lectures d’histoires, venue d’un conteur, spectacles, accueils de classes, exploitation pédagogique dans les IUFM auprès des futurs enseignants… Quant au public, je vois dans les regards des enfants et de leurs parents la même étincelle de joie simple et de curiosité à l’égard d’objets voués pour la plupart au rebus, et de livres… qui ne seront plus oubliés !


entretiens

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French Book Distribution by Régis Terrier Qui a dit que tout se passait à Paris ? French Book Distribution, c’est l’exportation de livres français à l’international depuis une maison installée en bord de Loire, à la limite du centre-ville de Nevers. Rencontre avec le gérant de la société, Régis Terrier, un professionnel du livre averti qui tente d’avoir toujours un coup d’avance pour maintenir et développer son activité.

À l’origine, le couple Bancroft… French Book Distribution, et avant cela CPEDERF, c’est l’histoire d’un couple, les Bancroft. Deux universitaires qui, ayant enseigné à l’étranger, éprouvaient des difficultés à se procurer des livres en langue française pour leurs étudiants. De retour en France, ils ont commencé par rendre service et envoyer des livres à leurs anciens collègues pour, au final, créer une société : CPEDERF. Celle-ci, installée d’abord à Paris, puis à Nevers, a pris de l’ampleur jusqu’à atteindre 700 000 euros de chiffre d’affaires. À l’époque, les Bancroft géraient leurs comptes à la main, sans logiciel informatique… En 2005, le couple part à la retraite et c’est à Régis Terrier qu’ils cèdent l’entreprise, tout en l’accompagnant durant la première année. En 2009, ce dernier transforme l’entreprise en S.A.R.L. et la renomme French Book Distribution.

Le repreneur, Régis Terrier Régis Terrier est un libraire accompli, propriétaire d’une enseigne à Nevers, lorsqu’il rachète l’entreprise de distribution. Après des études d’Histoire, il s’oriente rapidement vers le livre. Il effectue plusieurs stages en librairies, notamment à La Rochelle et Laval, et décroche un premier poste à mi-temps


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entretiens

à Poitiers. À la librairie religieuse La Une activité amenée à évoluer Procure à Nice, il bénéficie pendant trois avec le numérique ans des conseils et de l’expérience de patrons très pédagogues. Il est alors C’est la disponibilité et la qualité du sertemps pour lui de se mettre à son compte : vice de Régis Terrier qui le distinguent il reprend Siloé, une librairie religieuse et font fonctionner le bouche-à-oreille : en perte de vitesse implantée à Nevers. des emballages doublés afin d’assuLorsqu’il rachète la société d’export, rer la qualité du produit à la réception. Régis Terrier pense pouvoir mener de Aujourd’hui, il semble donc que les acfront les deux activiteurs de la vente en tés, mais réalise très ligne ne représentent « Les commandes vite qu’il doit faire un pas une concurrence choix. Quelques mois affluent de partout : directe, car ils ne sauplus tard, il décide de raient être compétitifs se consacrer unique- Angleterre, Australie, et qualitatifs dans le ment à l’export. À la traitement de gros voNouvelle-Zélande, différence du rythme lumes. Le numérique soutenu de la libraiet l’ebook, en revanche, Norvège, Afrique du le questionnent. En efrie, la souplesse de cette activité lui perfet, les tablettes sont Sud, États-Unis, met de mener une vie aujourd’hui omnipréde famille plus épaet même récemment sentes dans les mains nouie. Il travaille chez des étudiants, l’une de lui, s’entoure alors de ses principales cibles. d’Abu Dhabi. » son épouse Caroline Pourquoi alors ne pas Terrier et conserve l’aide de Marieinvestir dans une « Espresso Book Françoise Chérion, toutes deux employées Machine », nous dit Régis Terrier, capable à temps partiel. d’imprimer un livre en quelques minutes ?

Une niche dans le secteur du livre L’export de livres français à l’étranger constitue un marché de niche, concurrencé par à peine dix autres distributeurs spécialisés. En 2009, lorsque le Centre d’exportation du livre français disparaît, Régis Terrier récupère une partie de sa clientèle. La spécificité de French Book Distribution est qu’il fournit uniquement les institutions, et non les particuliers. Sa clientèle, essentiellement anglophone, va de l’université d’Oxford au Lycée français de Sydney, en passant par un diffuseur-distributeur américain. Les commandes affluent de partout : Angleterre, Australie, Nouvelle-Zélande, Norvège, Afrique du Sud, États-Unis, et même récemment d’Abu Dhabi. La période la plus intense se situe avant la rentrée universitaire de septembre. French Book Distribution n’assure pas la diffusion mais uniquement la distribution et c’est pleinement suffisant lorsque l’on s’attèle à des commandes qui peuvent représenter jusqu’à 2,5 tonnes de livres pour un seul destinataire !

Marylou Clément et Aurélie Miller

French Book Distribution 22, rue Antony Duvivier 58000 Nevers Tél. 03 86 61 31 46 info@frenchbookdistribution.com www.frenchbookdistribution.com

Coups de cœur Un auteur

Christian Bobin. Voici un écrivain qui affirme sa singularité au-delà des codes imposés par le monde littéraire, qui continue, avec fidélité, à suivre son propre chemin. Ce sont cette authenticité et cette vérité qui font la beauté de ses ouvrages. Un grand écrivain qui nous ramène à l’essentiel.

Un livre

L’œuvre de Christian Bobin dans son ensemble : un écrin d’une infinie richesse, entièrement habité par l’auteur, et non rêvé. Un écrin si beau qu’il semble parfois inaccessible, alors même que l’on aimerait le partager. Car les écrits de Christian Bobin nous rapprochent des choses simples de la vie, de leur beauté, ils nous désencombrent de l’inutile et du superficiel, vers quoi nous penchons malheureusement trop souvent. Mais point de fatalisme ! La vie nous est offerte simplement, comme un cadeau, et nous portons tous en nous cette capacité magnifique à l’accueillir et à l’aimer !

Coup de gueule Mon coup de gueule, comme beaucoup de confrères, s’adresse à Amazon, qui continue à faire le choix de vendre à perte des ouvrages littéraires sans se préoccuper du sort des libraires indépendants qui font leur travail de façon admirable, mais avec un désavantage flagrant. Ce coup de gueule ne saurait donc être efficace s’il n’englobait pas les pouvoirs publics et les distributeurs pour leur non-prise en compte de la situation. Eux aussi ont leur mot à dire afin de ne pas abandonner le marché du livre à un seul acteur…


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L’imprimerie Laballery :

des livres et des hommes L’imprimerie Laballery, installée à Clamecy, fait partie du paysage nivernais depuis 1924. C’est la famille du même nom qui l’a fondée et en a assuré la direction jusqu’au début des années 1990. Des problèmes de gestion l’ont amenée au dépôt de bilan et ce sont ses salariés, une trentaine, qui ont fait le pari de reprendre l’entreprise sous la forme d’une Scop, Société coopérative ouvrière de production, appelée aujourd’hui Société coopérative et participative. Pari tenu, la société s’est développée, a embauché, et se dénomme aujourd’hui Nouvelle Imprimerie Laballery. Rencontre avec Gilles Mure-Ravaud, son tout nouveau directeur.

Jean-Claude Maurel, David Perrain, Sébastien Laurent et Gilles Mure-Ravaud


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entretiens

+++ Impression offset ou numérique ? L’impression offset utilise une technologie à jet d’encre via un système de plaques imprimées. Le coût élevé de fabrication des plaques implique un tirage minimum de 500 exemplaires en général. L’offset permet d’obtenir un façonnage abouti, de type cousu-collé par exemple. L’impression numérique, quant à elle, utilise la technologie des imprimantes thermiques : l’encre passe de l’état solide à l’état gazeux et se condense au contact du papier. Elle est plus connue du grand public sous le nom de « laser ». L’impression numérique est apparue au milieu des années 1990 en France, avec quelques avantages et désavantages notables. La rapidité d’exécution – disparition du temps dévolu au calage des plaques – a permis un calendrier d’impression moins contraignant. Les faibles tirages, généralement compris entre 50 et 200 exemplaires, ont ouvert de nouveaux marchés. De fortes contraintes demeurent néanmoins : le choix de papier reste restreint et déterminant dans la qualité du rendu, et la finition est unique (carré-collé). La technologie s’est cependant affinée, la qualité de finition et d’encrage est aujourd’hui proche de celle de l’offset. Investir dans l’impression numérique est un choix stratégique pour un imprimeur. Le point de bascule entre offset et numérique se situe au niveau du coût unitaire : le numérique reste cher mais il permet, même avec un faible budget, d’imprimer un certain nombre d’ouvrages. Contrairement à l’offset qui demande un budget initial conséquent. L’imprimeur équipé peut ainsi s’adresser aux plus petits acteurs de l’édition tout en offrant un service d’impression au grand public : réimpression pour un éditeur, publication dans un champ éditorial restreint (poésie, théâtre), ouvrage à destination du cercle familial, etc.

BCL : Quel parcours professionnel vous a amené à la direction de Laballery ? Gilles Mure-Ravaud : Après des études de papeterie à Grenoble, j’ai travaillé quinze ans dans ce domaine et les quinze années suivantes dans celui de l’impression de livres. Notamment pour CPI, une société d’impression et de façonnage de livres, dont j’étais le directeur commercial. Après la revente de la société en 2008, les valeurs ont changé. J’ai tenu deux ans, et en 2010 j’ai créé ma propre société de conseil et formation. Et puis l’opportunité s’est présentée de rejoindre la Scop Laballery.

BCL : Ce n’est pas anodin de rejoindre une coopérative. En 1993, était-ce une démarche innovante que de se constituer en Scop ? GMR : Oui, et ce qui a permis à ce modèle de fonctionner, c’est la stratégie adoptée par les salariés, une stratégie unique : concentrer la production sur le dos carrécollé. Cela leur a permis surtout de conserver la confiance des clients.

BCL : Laballery est donc passée du modèle de l’entreprise familiale à un modèle participatif, qu’est-ce que cela change concrètement ? GMR : Les salariés sont tous sociétaires, donc actionnaires de la société. Ils perçoivent, en plus de leur propre salaire, des dividendes. Le principe même d’être propriétaires de la société fait que les salariés font très attention à la bonne marche de l’entreprise et s’investissent.

BCL : Tous les salariés sont-ils sociétaires de la Scop ? GMR : Oui, ou en attente de le devenir. Chaque salarié doit déposer une demande pour devenir sociétaire dans un délai de deux ans maximum, c’est une obligation contractuelle. Le directeur général de la Scop peut donc être révoqué si sa demande est rejetée par l’Assemblée générale. Le président, lui, a un mandat de trois ans. Aujourd’hui Laballery compte 68 employés dont 59 sociétaires.

BCL : On sait que les Scop ont légèrement mieux résisté à la crise, avez-vous pu en voir les effets bénéfiques en termes de gestion ? GMR : Oui, le principe participatif donne plus de force et de réactivité à la société. Les sociétaires travaillent au final pour eux-mêmes, cela incite à l’économie de moyens. La Scop associe les gens à la prise de décision et au montage des dossiers présentés au vote de l’Assemblée générale : cela implique du respect, de la communication et de la transparence. On ne peut pas tricher, il n’y a pas d’emplois fictifs à Laballery ! Et surtout, la Scop libère la capacité d’innovation des personnes. Chacun participe à la recherche et au développement. Mais attention alors au foisonnement d’idées ! La production doit continuer en parallèle...

« La Scop libère la capacité d’innovation des personnes. »

BCL : Ce modèle participatif vous incite-t-il à vous fédérer au niveau national ? GMR : Oui, nous faisons partie de la Fédération des Scop de la Communication. Parmi les adhérents, Laballery est la deuxième imprimerie par la taille. La fédération nous fait part d’études, nous prête ses locaux à Paris pour des rendez-vous… et de notre côté, nous intervenons 5 à 6 demi-journées par an pour des partages d’expériences.

BCL : Vos diverses actions montrent que vous vous investissez aussi au niveau régional... GMR : Les sociétaires travaillent et vivent sur ce territoire, il est naturel qu’ils souhaitent s’y investir. C’est aussi pourquoi nous privilégions notamment la région à travers les embauches : c’est moins le niveau de diplôme que l’investissement dans la société qui compte.


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nous avons imaginé donner la forme imprimée à son manuscrit pour le distinguer et éveiller la curiosité des éditeurs. Il a dû trouver un sponsor pour financer l’impression que nous avons réalisée en plus de la mise en page basique.

BCL : « Laballery, imprimeur de livres », c’est votre slogan. Pour quels types d’éditeurs travaillez-vous ?

Coralie Campo, responsable de la machine Offset KBA 106

Nous essayons de communiquer intelligemment tout en associant notre territoire : nous avons organisé des journées portes ouvertes, et lors du Salon du livre de Paris, nous accueillons des auteurs locaux sur notre stand. Un autre exemple est notre partenariat avec Culture papier, une association pour le développement responsable du papier et de l’imprimé. Nous tentons de créer une dynamique régionale et nous allons imprimer les actes d’un colloque qui seront remis aux parlementaires.

« … cet investissement nous a conféré une image de précurseur dans le domaine de l’impression numérique. » BCL : La presse locale a beaucoup parlé de votre concept de « Livre public manuscrit »… GMR : L’idée est née de la rencontre d’un salarié avec un jeune de 13 ans, auteur d’un texte de littérature fantastique, et du constat que les éditeurs ont un sentiment d’« overdose de manuscrits ». Pour donner un coup de pouce à ce jeune,

GMR : Nous imprimons 11 millions de livres par an ! Nous pouvons réaliser des tirages de 1 à 15 000 exemplaires, tous genres confondus. Nous utilisons la technologie traditionnelle, l’offset, et la technologie numérique. Notre chaîne numérique peut fabriquer un livre en 1 minute 30 et en une exécution unique. Ce matériel est adapté aux petits tirages et aux besoins en réimpression. C’est pourquoi nous travaillons autant pour de grands éditeurs que pour les petits et moyens éditeurs qui représentent plus des trois quarts de notre clientèle. Nous travaillons également avec de nombreux éditeurs installés en Bourgogne !

BCL : Laballery a investi très tôt dans l’impression numérique, cette orientation stratégique avait donc remporté l’adhésion collective ? GMR : L’offset ne répondait plus à toutes les demandes. Un groupe de travail a donc réfléchi aux nouvelles orientations à donner à la Scop. Et à partir de 2007, nous avons investi dans le numérique. Il faut noter que 2007 était un contexte favorable pour investir, c’était avant la crise économique de 2008 et les banques étaient plus conciliantes. Cet investissement nous a conféré une image de précurseur dans le domaine de l’impression numérique. Et nous continuons d’investir dans le matériel d’ailleurs, en offset y compris, pour rester performants.

BCL : D’autres projets en vue ? GMR : Continuer nos actions de développement durable et de protection de l’environnement. C’est important et nos clients nous le demandent. La mise en place d’une nouvelle méthode de recy-

clage permettra de recycler 95 % de nos 20 tonnes de déchets papier, et, en plus, de gagner de l’argent. Le dernier projet en cours concerne la formation. Laballery va devenir organisme de formation en interne, pour nos agents, et en tant que prestataire externe pour nos clients dont nous connaissons les besoins.

BCL : Quelques dates à retenir ? GMR : Après le Salon du livre de Paris en mars, nous serons à Dijon, le 4 avril pour le lancement officiel de Culture papier Bourgogne. Le 1er octobre 2013, ce sont les 20 ans de la Scop. Et en 2014, les 90 ans de l’imprimerie ! Propos recueillis par Solène Ledru et Aurélie Miller

Nouvelle Imprimerie Laballery Allée Louis Blériot - 58500 Clamecy Tél. 03 86 27 55 55 - contact@laballery.fr www.laballery.fr

Coups de cœur Un auteur

Claude Tillier, un auteur né à Clamecy, auteur de pamphlets renommés qui ont fait couler beaucoup d’encre à l’époque. Le rebelle bourguignon !

Une librairie

Le Millefeuille à Clamecy, géré par deux femmes qui se battent comme des lionnes pour défendre leur librairie et qui organisent beaucoup de choses.

Une bibliothèque

Celle de Clamecy… une remarquable médiathèque avec un fonds ancien très fourni dont une importante donation de François Mitterrand.

Coup de gueule Promouvoir le support papier et lutter contre les idées fausses ! Je conseille aux personnes qui critiquent l’utilisation du papier, et même à tous, d’aller sur le site de Culture papier, et de lire le texte d’Érik Orsenna : Voyage au pays du coton. Petit précis de mondialisation. Un livre très bien fait, écrit par un académicien de renom qui remet le papier au centre de la culture.


BREVES Le Labo de l’édition : 8

BCL #9 / Mars 2013

initiatives (d)étonnantes

incubateur d’imaginaire Réinventer le livre, créer des

Salons du livre et festivals à venir

passerelles entre papier et

• 12-15 mars : Rencontre… ries, Marsannay-la-Côte, Longvic, Gevrey-Chambertin,

numérique… innover, tel

Perrigny-lès-Dijon et Sennecey-lès-Dijon (21)

est le maître mot au Labo

• 15-17 mars : Festival du livre, La Chapelle-St-André (58)

de l’édition. Créé par la

• 15-24 mars : Semaine du livre et de la lecture, Sens (89)

Ville de Paris, le Labo de

• 16 mars : Journée du livre et des vieux

l’édition est avant tout

documents, Til-Châtel (21) • 24 mars : Salon du livre, Brassy (58)

un incubateur : il accueille de jeunes entreprises qui tentent de

• 5-7 avril : Rencontres de la BD, Longvic (21)

répondre aux usages du livre de demain. Mais c’est aussi une pla-

• 6-7 avril : Salon des Dames, Nevers (58)

teforme d’animations et un espace de coworking – espace de travail

• 6-7 avril : Fête du livre, Autun (58) • 7 avril : Salon du livre et des métiers du livre Pierre Larousse, Toucy (89) • 7 avril : Salon du livre,

partagé, en réseau. Sa déléguée générale, Virginie Rouxel, répond à nos questions.

Chevigny-St-Sauveur (21) • 10-13 avril : Festival Jeunesse Loire-et-Nohain, Cosne-sur-Loire (58) • 11-12 avril : Tempoésie - 3 poètes roumains, Dijon (21) • 9-12 mai : Festival La manufacture d’idées, Chasselas (71) • 12 mai : Salon du livre du Val-de-Norge, Clénay (21) • 19 mai : Salon du livre, Martigny-le-Comte (71)

BCL : Quelles sont les missions du Labo de l’édition ? Virginie Rouxel : Soutenir l’innovation (via l’incubateur) et fournir de la formation, des informations et des solutions aux acteurs du secteur traditionnel de l’édition face aux mutations digitales, c’est le rôle de la plateforme d’animation, ouverte à tous.

• 24-26 mai : Salon du livre, Cosne-sur-Loire (58) • 29-31 mai : Les Buissonnières, Côte-d’Or • 29 mai-2 juin : Festival du mot, La Charité-sur-Loire (58) • 2 juin : Salon du livre, Tournus (71) • 6-9 juin : Rencontres littéraires, Dijon (21) • 7-8 juin : Fête du livre, St-Florentin (89) • 9 juin : Salon du livre, Tonnerre (89) • 14-16 juin : Festival Alternalivres, Cuisery (71)

BCL : Qu’entendez-vous par plateforme d’animations ? VR : Un espace dédié à 4 actions : des rencontres-débats sur les technologies, les usages, les modèles économiques ; un programme de formation ; des expositions d’expérimentations et du coworking.

• 23 juin : Salon Au Cœur de l’Écrit, Sennecey-lès-Dijon (21) • Juillet : Fête du livre d’Anost, Aux Graillots (71) • 6-7 juillet : Samedi poésies dimanche aussi, Bazoches-du-Morvan (58) • 7 juillet : Bain de livres à Saint-Ho, St-Honoré-les-Bains (58)

BCL : Vous distinguez la plateforme de l’incubateur, est-ce que ce ne sont pas deux activités interdépendantes ? VR : En effet, elles souhaitent être en connexion la plus étroite possible. Des start-up incubées participent aux débats de la plateforme, les acteurs extérieurs

ont recours aux solutions en développement chez les start-up. Mais l’incubation est un programme d’hébergement et d’accompagnement élaboré, payant, bénéficiant de son propre programme d’animation dédié à l’innovation et à la création d’entreprise, alors que les animations sont ouvertes à tous.

BCL : Quel est le profil des entreprises du Labo ? VR : Des projets innovants, ayant un modèle économique viable, créateur d’emplois, issus pour la moitié d’entre eux de porteurs de projets ne venant pas de l’édition.

BCL : L’accompagnement se divise en deux phases : l’amorçage puis le décollage. Pouvez-vous les détailler ? VR : Amorçage : en 12 mois maximum sur le site même du Labo (en open space) ; entreprise en création ou ayant moins de 18 mois d’existence, validation du modèle, recherche des premiers clients et du premier financement (levée de fonds).


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Décollage : en 3 ans environ, sur d’autres sites (bureaux privés) ; industrialisation de tous les process et développement des clients.

BCL : Les entreprises incubées ont la possibilité d’accéder au PIA, quelques précisions sur ce financement ? VR : Le PIA est le « Paris Innovation Amorçage », fonds abondé par OSEO et la Ville de Paris. En amorçage, il s’agit d’une subvention pouvant aller jusqu’à 30 000 euros, permettant de développer un programme d’innovation estimé à 60 000 euros. Toutes les entreprises incubées au Labo ont réussi à l’obtenir pour l’instant, sur le critère de potentiel innovant. Mais rejoindre l’incubateur n’offre pas la garantie de ce PIA.

BCL : Des exemples de start-up que vous accueillez… VR : StoryLab, spécialisé dans l’édition numérique de textes courts pour lecteurs urbains et mobiles, s’est développé et a rejoint l’incubateur de décollage Paris Région Innovation Nord-Express. We Love Words, place de marché de contenus écrits, a également réussi à se développer grâce à un bouclage de levée de fonds à la fin de son année d’incubation, et s’est envolée vers une pépinière d’entreprises.

BCL : Vous développez de nombreux partenariats dont un avec Google pour l’animation de conférences. Quel est le positionnement du Labo par rapport à Google ? VR : Le Labo est un acteur neutre, un médiateur canalisateur de production et d’échanges. Nous n’avons de « positionnement » face à aucun acteur s’invitant dans la nouvelle donne de l’édition. Nous sommes ravis qu’un acteur incontournable du Web, très actif dans le référencement, la numérisation des contenus et maintenant leur diffusion (3 domaines clés pour l’édition de demain) puisse accompagner le Labo par du sponsoring et du mécénat de compétence. L’adaptation des acteurs traditionnels du secteur et le développement des start-up vont s’enri-

chir des compétences issues des experts de Google, à chaque fois qu’ils interviendront au Labo.

BCL : Quel premier bilan tirez-vous ? VR : Le Labo a été créé il y a un peu plus d’un an. Nous constatons aujourd’hui : • un incubateur au maximum de sa capacité d’accueil, avec de nouveaux candidats tous les jours. Certaines de ces start-up se sont déjà développées et nombreuses sont celles qui collaborent avec des éditeurs extérieurs, preuve que ce ne sont pas des secteurs hermétiques ; • des ateliers-formations complets, toujours plus de monde à nos conférences, un espace de coworking de plus en plus fréquenté : l’adoption par les professionnels de cet espace de production de solutions, de réflexion sur les modèles, d’échange et de networking qui l’identifient comme une ressource pour anticiper l’avenir du livre ; • au-delà de la présence physique, une communauté Web en forte expansion, suivant nos activités bien au-delà de Paris, et même des frontières françaises ; • des rapprochements d’acteurs nouveaux, qui souhaitent entrer en partenariat avec les activités du Labo, en particulier sur la filière graphique (imprimeurs, designers).

Salons du livre et festivals à venir (suite) • 20-21 juillet : Salon du livre et de l’écriture, Bèze (21) • 11 août : Fête du livre, Jully (89) • 15 août : Foire aux livres, Brienon-sur-Armançon (21) • 28-29 septembre : Livres en Vignes, Vougeot (21)

Légothèque : la fabrique du citoyen en bibliothèque Les bibliothèques ont un rôle à jouer dans la construction de l’individu en lui donnant accès à des collections et des lieux lui permettant d’interroger, construire et affirmer ce qu’il est, souhaite et pense être. Inversement, elles sont aussi un lieu propice à l’expression des minorités et à l’ouverture sur le monde. Légothèque, groupe de l’Association des Bibliothécaires de France (ABF), interroge la façon dont les bibliothèques peuvent repenser leurs missions, espaces, services et collections dans une perspective d’inclusion et de lutte contre les

BCL : Des perspectives en vue ? VR : Développer l’incursion d’acteurs d’autres pays d’Europe au sein de nos débats ; proposer à la librairie indépendante des solutions pour s’adapter aux pratiques issues du Web, en questionnant le lien matérialisation-dématérialisation, dans un moment où elles sont particulièrement fragilisées ; renforcer les dispositifs expérimentaux au sein du Labo, les formats d’événements favorisant les synergies entre différents types d’acteurs, et les apports venant d’autres secteurs. Labo de l’édition 2, rue Saint-Médard - 75005 Paris Tél. : 01 83 64 89 00 contact@labodeledition.com www.labodeledition.com

stéréotypes, notamment dans les champs du multiculturalisme, des questions de genre et de l’orientation sexuelle. Le groupe s’est doté d’outils (blog, twitter, Diigo) permettant de partager des ressources et de faciliter les échanges entre professionnels. En savoir plus : legotheque@gmail.com www.legothequeabf.wordpress.com

140 MAX se proclame comme étant le premier festival international de « twittérature », établi au Québec. La « twittérature », issu du mouvement littéraire de la nanolittérature, est née il y a 6 ans avec l’essor des micro-nouvelles, poèmes, romans, feuilletons, textes littéraires enrichis, narrations interactives…


BREVES L’ABF Bourgogne 10

BCL #9 / Mars 2013

europe

version catalane

Douze membres de l’Association des Bibliothécaires de France (ABF) – groupe Bourgogne – sont partis à la découverte des bibliothèques de Barcelone en octobre 2012. Le programme, concocté Europe creative : programme culture 2014-2020 C’est le nom du nouveau programme de

par le Directeur de la lecture publique de Saône-et-Loire, Jérôme Triaud, mêlait habilement les différents types de bibliothèques

soutien dans les secteurs créatifs et culturels

à des services plus administratifs, tout en faisant la part belle

européens. Crédité d’un budget de 1,8 milliard

au domaine de la formation. Nos collègues catalans nous ont

d’euros pour la période, il sera mis en place

accueillis avec chaleur et ont répondu avec bonne humeur à toutes

à partir de 2014. Ce programme d’aides de la Commission européenne est actuellement examiné par le Conseil des ministres et le Parlement européen. Toujours attachée au multilinguisme, la Commission a annoncé poursuivre le cofinancement de la traduction d’œuvres littéraires. D’autres programmes de l’Union européenne intégreront le financement d’actions culturelles (Horizon 2020, COSME Compétitivité entreprises et PME, L’Europe pour les citoyens, Agenda social, etc.) En savoir plus : www.europe-bourgogne.eu www.relais-culture-europe.org

Comment vendre des droits à l’étranger ? Petit mode d’emploi Ce guide, paru en 2012, a été conçu par le MOTif – Observatoire du livre et de l’écrit en Île-de-France – comme un véritable outil de travail pour accompagner les éditeurs dans la vente de droits à l’international depuis l’analyse du marché, la prospection jusqu’à la négociation des cessions, l’établissement et le suivi des contrats. En savoir plus : www.lemotif.fr > Ressources professionnelles

nos questions. Barcelone et les bibliothèques, une longue histoire

celone qui s’occupe du catalogage pour les 358 bibliothèques catalanes.

La première école de bibliothécaires a été fondée à Barcelone en 1915, seules les femmes pouvaient la fréquenter et ce jusqu’en 1972. Le franquisme a arrêté brutalement l’essor des bibliothèques qui ont dû attendre l’arrivée de Felipe Gonzáles, en 1983, pour sortir de leur léthargie forcée. Les catalans parlent d’un « biblioboom », sorte d’âge d’or des bibliothèques, qui a conduit à l’ouverture d’une bibliothèque par an à Barcelone jusqu’en 2011. Il existe surtout, depuis 1993, en Catalogne, une loi obligeant les communes de plus de 5 000 habitants à construire et entretenir une bibliothèque. Et il est bon de préciser que toutes les bibliothèques de Catalogne sont gratuites !

Missions du bibliothécaire catalan : rêve ou cauchemar ?

Le millefeuille administratif Que ceux qui pensent qu’il est compliqué de se repérer dans le maillage territorial français passent leur chemin ! La loi de 1993 définit les compétences des bibliothèques et dans le même temps le rôle de chaque institution. On trouve donc les communes (cf. ci-dessus), mais aussi les deputaciones, quatre en Catalogne, puis les services régionaux de la Généralité de Catalogne et enfin les services nationaux de Catalogne. Chacune de ces entités a une mission bien précise. Ainsi, c’est le service de la Généralité de Bar-

Le bibliothécaire catalan n’a pas tout à fait le même métier que le bibliothécaire français. Tout d’abord les livres arrivent équipés et catalogués dans les bibliothèques, 90 % du temps de travail se fait donc au contact du public. Comme toutes les bibliothèques de Catalogne travaillent avec le même sigb1 (Millenium) et disposent du même catalogue collectif, l’homogénéisation des pratiques de catalogage est complète à l’échelle de la Généralité de Catalogne. Bien sûr, dans ce contexte, développer un fonds spécialisé peut se révéler problématique en termes de traitement de la collection, mais à voir la fréquentation des bibliothèques – 43 % d’inscrits – et l’amplitude horaire d’ouverture2, l’on ne peut que conclure que le système séduit. En termes de formation, Barcelone compte une faculté de bibliothéconomie et documentation. Les études sont organisées en 3 cycles : le premier cycle de 4 ans, nommé Grau, permet de cher1. Système Intégré de Gestion de Bibliothèque. 2. Pour ne pas mourir de honte, nous nous garderons de noter en gras que les bibliothèques barcelonaises ouvrent jusqu’à 21h voire 22h, du lundi au samedi, et qu’elles sont parfois ouvertes le dimanche également. Des salles de travail accessibles jusqu’à 1h du matin permettent une fréquentation nocturne...


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cher du travail dès l’issue du cycle ; le deuxième cycle, appelé Master, permet de se spécialiser dans les contenus numériques, les bibliothèques scolaires et la promotion de la lecture, les livres anciens ou enfin la gestion documentaire et d’information dans les entreprises. À noter : beaucoup de bibliothécaires travaillent dans le privé, qui offre au final plus de débouchés que le public. Le troisième cycle est identique au nôtre : un doctorat qui permet d’approfondir les spécialités du deuxième cycle. Enfin, en ce qui concerne les associations professionnelles, nous sommes plus dans le cas de corporations. Ainsi la loi de 1993 oblige les bibliothécaires à adhérer au Collège des bibliothécaires et documentalistes de Catalogne. Cette structure a pour vocation de dispenser des formations aux bibliothécaires salariés tout en exerçant une veille déontologique sur les grands débats de la profession.

Dessine-moi une bibliothèque Les bibliothèques visitées donnent une idée de ce qu’est un équipement moyen à Barcelone. Le réseau est très dense et se compose de 38 bibliothèques. Il n’existe pas de grande bibliothèque, le projet a été arrêté suite à la découverte de vestiges archéologiques sur le site pressenti. Les bibliothèques barcelonaises sont spacieuses (de 1 000 à 4 000 m2) et proposent des espaces numériques ainsi que des salles de travail en groupe. En dehors de la Bibliothèque nationale de Catalogne, située dans un bâtiment patrimonial, les bibliothèques sont de construction récente avec des projets

architecturaux forts. Les opérations de prêt et retour sont toutes centralisées en un lieu unique qui se situe le plus souvent à l’entrée de la bibliothèque.

Et les autres métiers du livre ? Il n’existe pas à proprement parler de structures équivalentes aux structures régionales pour le livre, tel le CRL Bourgogne, mais des associations de métiers (libraires, éditeurs), l’équivalent de nos corporations, et des chambres du livre. Ce sont les institutions de la Généralité de Catalogne qui soutiennent les éditeurs et les libraires. Depuis 1975, il existe un dispositif de prix unique du livre comme en France, même si un décret-loi royal de 2000 autorise les détaillants à pratiquer des rabais dont le pourcentage n’est pas fixé par rapport aux prix donnés par les éditeurs. Enfin, le tissu de librairies se distingue surtout par l’indépendance de ces commerces et il n’y a pas a priori d’équivalent à nos grandes chaînes de librairies. Nous avons été conquis par les bibliothèques de Barcelone. Le modèle n’est pas transposable en l’état en France, les différences sont nombreuses même en termes d’action culturelle, mais le dynamisme barcelonais nous a permis de revenir avec des idées plein la tête. Et des inquiétudes aussi ! Certains de nos collègues ont évoqué la crise et ses conséquences dramatiques : projets stoppés, chute des budgets d’acquisition et baisse des salaires. La dure réalité après le rêve… Katia Fondecave Vice-présidente de l’ABF Bourgogne

Un mois à la Maison des artistes d’Edenkoben… juste pour écrire ! Dans le cadre du jumelage Bourgogne/ Rhénanie-Palatinat, un auteur de Bourgogne peut bénéficier, chaque année au mois d’août, d’une résidence d’écriture à la Maison des artistes d’Edenkoben, en Allemagne. Dotée d’une bourse, cette résidence a avant tout pour objectif d’offrir à l’écrivain des conditions propices à son travail d’écriture et de favoriser des rencontres avec d’autres artistes. En retour, la Maison Jules-Roy à Vézelay reçoit un auteur rhéno-palatin en septembre. Une initiative du Conseil régional de Bourgogne et du ministère de la Culture du Land de Rhénanie-Palatinat, coordonnée par le CRL Bourgogne. En savoir plus : www.crl-bourgogne.org > Ressources


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numérique

quelles connexions ?

Lorsqu’on aborde la question du numérique, « les auteurs se sentent comme les oubliés du système », confiait en octobre Marie Sellier, la co-présidente du Conseil permanent des écrivains (CPE), lors du forum de la SGDL. Certains auteurs, pourtant, se saisissent Saône-et-Loire : le numérique dans tous ses états Nous annoncions dans BCL #8 l’ouverture des données par le Conseil général de Saône-etLoire via le site Opendata71.fr. Le département se démarque cette fois sur le marché des

du Web comme d’un nouvel espace de liberté, ce sont les « auteurs connectés ». Interagir avec le lecteur et maîtriser son image sont deux pratiques nouvelles pour l’auteur, pratiques cependant tempérées par la peur de perdre le contrôle de son œuvre…

tablettes numériques avec la tablette Qooq, le premier livre de cuisine numérique créé par la société Unowhy et produit à Montceau-les-Mines par l’entreprise Éolane, et TED, la tablette pour une éducation digitalisée. Également produit par Éolane, ce « cartable numérique » sera testé dans 15 collèges du département dans les 3 ans à venir. L’objectif : compléter et non remplacer les livres et le professeur. En savoir plus : www.cg71.fr

Premiers chapitres… Les bibliothèques de Courbevoie sont les premières à faire lire en streaming à leurs lecteurs, équipés de smartphones, les premiers chapitres des dernières nouveautés. Libre à eux d’aller emprunter le livre ensuite, en version numérique ou papier ! Un véritable office numérique, comme le présente la société Premierchapitre, à l’origine de ce service. En savoir plus : www.premierchapitre.fr

Le Web, un nouvel espace de création ? Le Web ouvre la voie à une pluralité de langages et au mélange de différentes disciplines artistiques. La structure du roman La maison des feuilles, de Mark Z. Danielewski, propose une expérience de lecture telle qu’elle est pratiquée sur Internet : fragmentaire, basée sur l’idée du surf et non sur la traditionnelle linéarité du livre papier. Comme le livre d’artiste dans le monde matériel mêle le livre à la tekhnè, le Web, dans le monde immatériel, ouvre les champs du possible de la création. Via le livre numérique, il donne la possibilité d’allier au texte images, sons, vidéos, animations… Compiler tous ces champs artistiques sur un support numérique unique nécessite de nouvelles compétences. Pour l’auteur, s’approprier de nouveaux usages numériques, c’est aussi s’approprier de nouveaux langages. « Approprions-nous le vocabulaire des flux et des formats comme les auteurs de la Renaissance se sont saisis de la page imprimée et de son vocabulaire, et de ce qu’elle changeait à l’idée même du livre.1 » Quand François Bon dit vocabulaire des flux, il parle du code, des langages html (xml), php, java… Quand il dit formats, il parle 1. Après le livre de François Bon (Le Seuil, 2011).

de l’ePub, du PDF… Maîtriser ces langages est aujourd’hui un nouvel enjeu de taille dans la création et la circulation de l’information. Citons la Tunisie où le code est connu par une part substantielle de la population, et les Balkans où son apprentissage débute parfois dès l’école primaire.

« L’écriture est remise en question par l’instantanéité, la transparence et la collaboration induites par le Web. » Appréhender cet espace et maîtriser ces langages ouvrent à de nouveaux processus de création. La littérature dite numérique se définit plus par les moyens mis en place dans l’écriture que par le résultat lui-même. L’écriture est remise en question par l’instantanéité, la transparence et la collaboration induites par le Web. L’outil blog en est la parfaite illustration : l’auteur écrit et est lu en même temps. Tous les écrits, définitifs et brouillons, sont conservés, voire augmentés par les internautes. L’art et l’écriture se dégagent de l’illusion de la durée. Chacun peut créer, participer : ce nouveau territoire hyper-démocratisé


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accueille tant l’anarchie que la richesse ; reste à définir un cadre.

Vers quelles adaptations commerciales et juridiques ? En France, la part du livre numérique représentait en 2012 environ 2  % du marché du livre (hors applications smartphones). Pour le moment, les éditeurs français ne s’emparent que très peu de ce marché émergent, d’une part parce que le retour sur investissement n’est pas immédiat et d’autre part, parce que le circuit de la diffusion numérique reste encore peu satisfaisant, car fragmenté et lacunaire. Les multinationales de la vente en ligne, elles, l’ont investi avec l’objectif de vendre leurs supports, les liseuses et les tablettes étant bien plus rentables que les livres numériques. Ce marché se développe progressivement : alors que les prévisions du SNE promettent 8 % en 2015, soit environ 60 % de croissance par an, qu’en est-il des pratiques des lecteurs français ? Le rapport au livre numérique change : en 2012, en l’espace de six mois2, le nombre de lecteurs de livres numériques a doublé et cette tendance continue à progresser. 58 % des lecteurs de livres numériques ont acquis la plupart de leurs livres en payant, contre 41 % gratuitement. Le prix du livre numérique reste une variable importante du développement de ce marché : les attentes des lecteurs sont bien différentes de la proposition des éditeurs. En effet, le lecteur n’investira pas plus de 3 à 8 € pour l’acquisition d’un fichier, tandis que l’éditeur, lui, calcule le prix du livre numérique à partir des coûts de réalisation du livre papier : ces deux marchés sont liés mais leurs économies restent différentes. Ajoutons que la loi sur le prix unique du livre numérique adoptée en 2011 permet de pratiquer un prix différent si le livre est intégré à une offre, c’est-à-dire un bouquet de livres : comment alors assurer un revenu décent à tous les métiers du livre, dont l’auteur ? Justement, le pourcentage de rémunération de l’auteur est un des principaux 2. Baromètre semestriel des usages du livre numérique réalisé par Opinionway à l’initiative de la Sofia, du SNE et de la SGDL. Premiers résultats dévoilés en janvier 2012.

points d’achoppement de l’accord entre éditeurs et auteurs sur un contrat-type d’exploitation numérique (signature d’un document cadre prévue le 21 mars 2013). Autres points en discussion : dissocier l’exploitation numérique de l’exploitation papier et limiter la durée du contrat (limité ou renégociable périodiquement). À cela s’ajoute le débat sur la numérisation des livres considérés comme indisponibles3 (livres épuisés dont l’éditeur conserve tout de même les droits d’exploitation). À ce sujet, le Conseil permanent des écrivains, regroupement de nombreuses associations et sociétés de gestion de droits, encourageait, en novembre dernier, les auteurs à récupérer leurs droits. Une démarche qui permettrait à l’auteur de renégocier les droits avec le même éditeur, ou un autre, et de décider du sort de son œuvre dans le cadre de la loi du 1er mars 2012 sur l’exploitation des œuvres indisponibles numérisées4.

« Le CPE encourage les auteurs à récupérer leurs droits sur les livres indisponibles »

100 bibs, 50 ePubs Le CNL et publie.net s’associent pour un projet de médiation numérique de la création contemporaine dans les bibliothèques. Un pack de 50 ePubs représentatifs de la littérature contemporaine tirés du catalogue de publie.net sera mis à disposition de 100 bibliothèques : médiathèques, BDP, bibliothèques de comité d’entreprise ou d’établissements scolaires, mais aussi de lieux institutionnels

Enfin, l’auteur est en droit de s’interroger sur l’autoédition, une pratique d’autant plus accessible grâce au Web. L’autoédition « version papier » nécessitait un apport financier substantiel pour l’impression, tandis qu’aujourd’hui n’importe qui peut mettre en vente sur le Net un fichier numérique de ses écrits, et ceci à un coût négligeable, voire nul. Cependant, à moins de posséder une notoriété forte, une diffusion efficace des livres passe par une activité intense sur le Web. Les premiers bénéficieront d’une communauté de lecteurs déjà constituée, tandis que les seconds devront la créer et l’animer. S’agirait-il alors pour ces derniers de changer de métier et de devenir des animateurs réseaux ? Aurélie Miller et David Demartis 3. Cf. l’article « Diffusion numérique des livres indisponibles : oui ! Mais… » de Franck Macrez, BCL #8, septembre 2012. 4. Plus d’informations sur www.conseilpermanentdesecrivains.org.

du livre (festivals, centres de ressources), qui s’engageront à une évaluation concrète des expériences de médiation faites avec et autour de ces ressources. En savoir plus : www.publie.net


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dossier

Les bibliothèques ont de l’avenir ! À l’heure de la virtualisation des contenus, de la globalisation de la recherche et de l’évolution des pratiques qui révolutionnent l’accès à la connaissance, à l’heure où les bibliothèques connaissent une érosion des pratiques d’emprunt et où les budgets publics stagnent, voire diminuent, la bibliothèque du xxie siècle doit trouver un nouvel équilibre. Si sa modernisation est une nécessité cyclique, comment alors concilier un lieu, des collections, une culture professionnelle et les attentes des publics ?

Bibliothèques : hors services… point de salut ! L’un, Vincenot, pensait le particularisme bourguignon accessoirement universel ; l’autre, Borges, privilégiait le mouvant au figé. À propos de l’adage « les paroles volent, les écrits restent », quand l’opinion commune avantage l’enregistrement, Borges considérait que le droit du texte provoque trop souvent à terme des abus néfastes et rétrogrades, tandis que la fluidité de l’oral garantit sa constante adaptation aux réalités nouvelles. Les deux visions convergent étrangement dans le Web… Depuis deux millénaires, notre culture s’est fondée sur l’écrit ; sur trois quarts de cette étendue, le manuscrit fut inconstant. La révolution de l’imprimerie a permis de stabiliser les textes, de multiplier leur production, leur diffusion, leur accumulation. Il n’y a pas si longtemps, on s’enorgueillissait que la Bibliothèque nationale pût livrer toute la mémoire du monde. En trois décennies, les réseaux de coopération (ceux construits en Bourgogne sont d’une belle fiabilité technique) ont montré combien l’univers documentaire est au contraire infini : à chaque changement d’échelle, on trouve

de la matière nouvelle. Mais à peine commencions-nous à douter de pouvoir « bibliothécariser » le monde que nos centrales intellectuelles subissent le tsunami d’Internet. Plus qu’un changement de technologie, nous découvrons une ère nouvelle. Celle de la génération qui, au berceau déjà, utilise des écrans plutôt que des feuilles. Internet anéantit le paradigme d’Alexandrie : le savoir se trouve hors les murs ; les échanges se passent hors des institutions. Quelle réponse tenter ? Se diversifier et se réformer : cela ne surprendra pas au pays de Cîteaux, Taizé ou La Boulaye… La question des collections est posée. Il ne s’agit pas tant de changer le projet de métier que d’y revenir. C’est-à-dire ne pas lâcher la proie pour l’ombre, le récit pour l’imprimé – quel que soit l’attachement que nous y portons, comme aux nourritures de notre enfance. Fautil, d’un côté, tout miser sur la recherche dans de gigantesques bases de données, certes précieuses aux savants mais incompatibles avec une large

politique publique de lecture ? De l’autre, réduire les lieux à une simple fonction de sociabilité ? La voie est sans doute intermédiaire : en abandonnant toute la technique traditionnelle du métier, dont on constate qu’elle était auto-référente aux habitués, nous pouvons repenser des parcours fondés sur les publics, mettant en œuvre des moyens adaptés aux populations visées et non aux ressources disponibles. Pour autant que l’on estime toujours utile de proposer aux citoyen(ne)s des œuvres qui n’appartiennent pas toutes au mainstream, notre marketing documentaire doit être envisagé dans le cadre d’une concurrence culturelle généralisée : les médias inondent le monde et les « lecteurs ». Jamais tant d’informations n’ont été accessibles ; jamais aucun état ne s’est introduit dans l’intimité des jeunes comme le font désormais les majors du Web. Faire sens consiste à créer à nouveaux frais un minimum de pré-requis commun, contre un paradoxal isolement technologique.


15 Quelques pistes ? • Les bibliothèques deviennent des lieux où vivre des expériences, personnelles ou collectives, non plus seulement où trouver des stocks catalogués. Mais il faut faire actualité, sinon évènement, pas seulement renouveler les fonds. Pour cela, les bibliothèques doivent elles aussi travailler avec les créateurs de toute nature, pas seulement avec les « écrivants », et admettre l’intérêt de la construction partagée. Se légitimer par le lien, non par le jugement ; • la valeur professionnelle ajoutée consiste à faire vivre des communautés dans une dynamique « glocale ». Contrairement aux intuitions, conquérir les publics proches mais culturellement éloignés suppose de passer d’abord par les grands réseaux où ils se trouvent. À l’inverse, si le travail de bibliothécaire consistait naguère à donner une image du monde à l’intérieur d’un territoire, il contribue désormais à faire vivre ce territoire à l’échelle du monde. Autrement dit, ce qui constituait jadis le fourre-tout des particularités locales, en marge des grands outils normalisés par les bibliothèques, doit devenir la production originale des services, selon les normes hyperglobales du Web ; • pour cela, la pratique professionnelle doit se transformer radicalement : sur Internet (comme au Moyen Âge), la communication de masse passe par l’image, et même par l’image multimédia, désormais. Toute la technique du métier s’inverse : en fonction du public, le message, de celui-ci l’image, de celle-là le texte. Retour à l’oral borgésien. Jadis gestionnaire de médias, la bibliothèque devient elle-même système de médias dans une économie de services diversifiés. Elle n’est certes pas le premier maillon ni de la « chaîne du document » ni de la trame éducative, mais n’est-elle pas bien placée pour tisser une toile nouvelle ? … en changeant de métier ! André-Pierre Syren Bibliothèques-Médiathèques de Metz

La marche lente de la reformulation des bibliothèques fessionnels le prennent pour acquis et non pour un élément périphérique de contexte. La tentation est grande en effet de porter une attention à ces évolutions avant de revenir bien vite aux pratiques anciennes fondées sur un état du monde qui s’évanouit : définir la bibliothèque à travers ses collections (alors qu’elles sont largement utilisées pour leur espace), acheter des livres parce qu’ils sont « de qualité » Une enquête GfK de décembre 2012 me- (mais sans être sûr qu’ils rencontreront leur public) ; les cataloguer avec soin sure un repli du temps hebdomadaire parce que les fiches Electre ou de la BnF consacré à la lecture de 21 minutes par rapport à l’année précédente. Le temps ne sont pas satisfaisantes (alors que le recours des usagers à consacré à la lecture ces informations dans de livres représenterait « Il faut faire le choix des documents désormais la moitié de de l’exception), celui consacré aux jeuxde la population le relève les équiper parce qu’ils vidéo et le quart de celui risquent d’être abîmés consacré à la télévision point de départ par les usagers (alors ou au surf sur le Web. Nos contemporains tendent de la réflexion. » que la plupart seront obsolètes avant d’avoir à délaisser la lecture de atteint un niveau d’usulivres. C’est un constat qui s’impose aux professionnels. Les re qui justifie leur sortie des rayons et libraires le mesurent de façon sensible que le temps consacré à leur traitement avec un marché du livre qui est orienté revient plus cher que leur achat neuf en à la baisse depuis deux ans. Les biblio- format poche), etc. Au lieu d’une posture visant à intégrer la question des publics thèques en subissent aussi les conséet de leurs pratiques dans une vision quences. Depuis la fin des années 1990, la pro- prédéfinie de la bibliothèque, il faut faire de la population le point de départ de la portion d’inscrits dans la population diréflexion. minue progressivement. Ce constat, fait à partir du relevé des inscrits par les Après tout, nos contemporains sont les bibliothèques comme à partir des décla- seuls à décider de la fréquentation ou rations de fréquentation, ne laisse aucun non de la bibliothèque. Comme les bidoute. Si les prêts diminuent moins bliothécaires, ils entendent mettre en c’est parce que les volumes autorisés avant leurs choix. Ils ont à cœur de déaugmentent. Il faut aussi relever que la cider pour eux-mêmes. Et la place que part des non-livres progresse. Même en notre époque confère aux individus les bibliothèque, les usagers s’intéressent encourage à adopter cette posture. Les moins au livre et à la lecture et plus à bibliothèques sont donc condamnées (ce la musique et surtout à l’image animée. n’est pas une peine si lourde !) à prendre Dès lors on s’interroge : si le bonheur est en compte effectivement les publics auxdans le pré, l’avenir est-il dans le prêt ? quels elles s’adressent. Mais alors, vers Comment repenser la bibliothèque dans quelle direction réfléchir si on s’intéresle contexte d’une érosion de l’attractivité se à l’avenir des bibliothèques ? des collections (notamment de livres) Une évolution notable concerne la mudes bibliothèques ? tation des usages des collections vers Ce défi n’est pas insurmontable, surtout l’espace. Même si l’enquête Pratiques culturelles des Français relève plutôt une s’il est accepté, c’est-à-dire si les proLa dernière livraison de l’enquête Pratiques culturelles des Français, de 2008, a confirmé la tendance observée depuis les années 1980. La lecture de livres diminue : les lecteurs intensifs sont moins nombreux qu’en 1997 (17 % contre 19 %) et les non-lecteurs de livres repartent à la hausse (30 % contre 26 %) pour retrouver les niveaux antérieurs aux années 1980.


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dossier

légère baisse de la fréquentation au sens de la visite en bibliothèque, les données 2010 du ministère de la Culture observent une tendance légère à la hausse du nombre d’entrées depuis 2005. Aux États-Unis, cet usage des bibliothèques publiques progresse peu à peu depuis une dizaine d’années. À l’heure d’une connexion croissante de nos contemporains, ceux-ci n’en dédaignent pour autant pas les espaces publics. Le « troisième lieu » n’est pas une mode dont il serait de bon ton de moquer la nouveauté, cette notion correspond en effet à la nécessité ressentie par une partie de notre population de trouver des cadres d’interaction qui ne soient pas ceux du travail et de la sphère privée et qui relèvent de l’expression d’une volonté libre et personnelle. C’est un moyen pour les individus de s’accomplir et pour la collectivité de se constituer. Si les collections sont moins qu’avant une fin à part entière, elles sont de plus en plus un alibi, un moyen en vue d’un autre objectif. Il appartient aux bibliothèques

« La mutation qui s’impose est celle des états d’esprit et de l’identité professionnelle » de s’emparer de cette aspiration de nos contemporains non par charité mais parce que c’est leur manière de participer à la nouvelle façon dont notre société se construit. Cela implique une reconsidération de l’ancrage « culturel » de cet équipement. Les bibliothèques ont une vocation qui ne se réduit pas à la promotion d’un corpus d’œuvres jugées pour leurs qualités intrinsèques par des clercs en position de le faire. Elles peuvent ainsi autant se rattacher à une direction de l’« aménagement du territoire », du « lien social » qu’à une direction « culturelle ». Ce parti pris a aussi pour conséquence que l’espace de la bibliothèque ne doit

pas se résumer à celui des collections. Il convient de ménager des zones différenciées dans leur atmosphère, ce qui signifie que cette reformulation vers moins de collections ne se traduit pas par moins d’espace. Mais avant tout, la mutation qui s’impose est celle des états d’esprit et de l’identité professionnelle. Soit le goût du public est en mesure de soutenir une redéfinition du métier, soit la centration sur les collections l’emporte et il n’est pas impossible que le vent de l’histoire vienne faire disparaître les bibliothèques. Le scénario de l’avenir n’est pas écrit mais pourrait bien se révéler compris entre ces deux alternatives… Claude Poissenot Université de Lorraine

Entre innovation et adaptation : 3 bibliothèques qui se lancent La bibliothèque LouiseMichel : un espace à vivre Située dans un quartier très mélangé du 20e arrondissement de Paris, la bibliothèque veut, avant tout, être un lieu de vie, de rencontres et de lien social. C’est un établissement de proximité de 550 m², pour tous les publics, sur un plateau entièrement décloisonné. Les mobiliers sont volontairement peu élevés pour ne pas donner l’impression d’une « forêt de livres », le centre de l’espace est occupé par des chauffeuses, fauteuils et tables basses. L’idée est que la bibliothèque propose plusieurs parcours pour les usagers, l’emprunt de documents n’étant qu’une proposition parmi d’autres. On peut venir à la bibliothèque pour discuter, jouer à des jeux de société ou des jeux vidéo, échanger sur ses lectures autour d’un café le samedi matin, se faire lire une histoire sur les tapis, regarder un film,

étudier dans la salle de travail silencieuse, surfer sur Internet ou encore s’initier à l’informatique. L’accueil est la mission première des bibliothécaires et cet accueil se veut le plus individualisé possible. La bibliothèque est celle des usagers avant tout. La participation des habitants est d’ailleurs souhaitée : quelques volontaires font, par exemple, la programmation de la séance de projection de films (le « Ciné Habitants »), d’autres assurent l’aide aux devoirs pour les enfants, d’autres s’occupent du petit jardin ou encore apprennent aux plus jeunes à jouer aux échecs. La bibliothèque est aussi un des relais du quartier pour les habitants et les liens qui sont tissés avec nos partenaires institutionnels et associatifs sont fondamentaux. Le rôle des bibliothécaires s’en trouve un peu modifié. Nous passons la majeure partie de notre temps de travail en service public et nous avons donc moins

de temps à consacrer au travail interne que nous simplifions au maximum. Notre rôle est de garantir un cadre et une atmosphère conviviaux pour les usagers et de veiller à ce que tous les publics cohabitent. Hélène Certain Bibliothèque Louise-Michel

La gratuité pour tous à Besançon Depuis l’année 2012, la ville de Besançon a décidé d’accorder à tous la gratuité de l’abonnement à ses bibliothèques municipales. Cette décision obéit à une volonté politique, revendiquée par la majorité municipale, de démocratisation culturelle. L’accès au livre et à la lecture est considéré comme le fondement de toute pratique culturelle ultérieure. Il constitue aussi le préalable à l’appren-


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tissage de l’autonomie civique. Il s’agit de supprimer toute barrière, fût-elle symbolique (l’abonnement adulte était de 8 € pour les Bisontins et gratuit pour les moins de 25 ans), à la fréquentation des bibliothèques municipales. Le but affiché est de gagner des lecteurs, particulièrement parmi les dubitatifs, ceux qui ne fréquentent pas ou plus les bibliothèques et qui émettent des doutes sur l’intérêt qu’ils auraient à le faire. Force est de constater, un an après, que l’objectif est atteint. Le nombre d’inscrits a bondi à 17 500, gagnant plus de 4 500 lecteurs, essentiellement des adultes. Non seulement le nombre de nouveaux inscrits a crû, mais aussi le nombre d’inscrits renouvelant leur inscription. Cette augmentation est perceptible à la centrale et dans les médiathèques de quartier. Ces nouveaux lecteurs appartiennent aux professions intermédiaires, aux employés, aux cadres. On y trouve aussi des retraités et des étudiants. Le nombre d’ouvriers et d’agriculteurs a aussi augmenté fortement en proportion. Cette décision constitue la mesure phare d’un plan plus complet de développement de la lecture publique. Si la gratuité ne saurait à elle seule servir de politique de lecture publique, elle en est un élément important. Les recettes abandonnées sont souvent négligeables en regard du coût réel du service (1 %) et des enjeux sociaux et culturels attachés. Henry Ferreira-Lopes Bibliothèque et archives municipales de Besançon

Des espaces numériques jeunesse à Lyon Une étroite collaboration entre les équipes jeunesse et numérique de la bibliothèque de Lyon ont permis la mise en place de plusieurs actions en direction des enfants, de leurs familles mais aussi des enseignants : ateliers Web, accueils de classes, création d’un livre audio, championnats de jeux vidéo, etc. Ce rapprochement répond à la présence de plus en plus prégnante des tablettes, et autres supports tactiles connectés, dans notre environnement quotidien et à l’immensité des propositions qu’ils amènent. Vu à la fois comme continuité et

complémentarité d’une collection existante, mais aussi comme un formidable outil de médiation, l’apport du numérique est indéniable notamment pour des actions auprès du jeune public et nécessite un accompagnement au quotidien, à travers la mise en place d’animations spécifiques. Peu à peu, il devient une réponse automatique aux demandes récurrentes du public. Exemple, Balad’ en bib, qui propose de découvrir une thématique à travers un parcours dans les différents espaces de la bibliothèque, s’est enrichie d’une nouvelle étape : une sélection de sites Web, en lien avec la thématique, est présentée à une trentaine d’enfants accompagnés de leurs parents, pendant quinze minutes. L’objectif est multiple et consiste notamment à suggérer aux enfants et parents d’autres sites que ceux consa-

crés aux jeux gratuits chargés de publicités qu’ils trouvent tout seuls et enfin à créer un lien autour d’Internet. En ce qui concerne les collections numériques, la richesse de l’offre pose encore la question des évolutions nécessaires du métier de bibliothécaire et l’adaptation de celui-ci aux sources et aux ressources. Synthèse de l’article « Espaces numériques et secteurs jeunesse : l’exemple de Lyon » de Violaine Kanmacher et Marie-Anne Dagoneau, in La Revue des livres pour enfants n°265, p. 138-142, BnF / CNLJ La Joie par les livres, juin 2012.

+++ Repères historiques • Sous l’Ancien Régime, les biblio-

• xixe-xxe siècles

thèques se développent dans le domaine

1803 : les bibliothèques de lycées

royal, ecclésiastique (incluant universités

(ex-écoles centrales) sont « mises à la

et collèges), municipal (constitution de

disposition et sous la surveillance » des

bibliothèques publiques issues de dons

municipalités.

ou de legs privés), et privé, autour de

À partir de 1830 : accroissement des

grands patrimoines nobiliaires ou de

bibliothèques municipales par achats,

riches particuliers.

dons, legs et envois de l’État.

• La période Révolutionnaire

1901-1905 : nouvelle vague de confiscations des congrégations religieuses.

réorganise ces domaines en Bibliothèque

xxe siècle :

nationale, bibliothèques municipales,

et des classifications et libre accès aux

savantes, d’université et privées.

salles de lecture.

1789-1793 : confiscations des biens du

1945 : création des bibliothèques centra-

clergé, des émigrés, des écoles, collè-

les de prêt (devenues départementales

ges, paroisses, communautés religieu-

en 1986).

ses, et suppressions des congrégations,

Les années 1970 marquent l’essor

universités, facultés, sociétés savantes.

des bibliothèques municipales avec la

Ce « butin » révolutionnaire est évalué à

mise en place de programmes d’aides

plusieurs millions de volumes.

incitatives.

1794-1796 : création des bibliothèques

amélioration des catalogues

de district et d’écoles centrales qui ont

• Aujourd’hui, plus de 16 000 biblio-

droit de constituer leurs collections à

thèques publiques sont recensées en

partir des ouvrages confisqués, stockés

France avec 6,7 millions d’inscrits,

dans des dépôts littéraires.

1,132 milliards € de budget de fonctionnement et d’investissement, 118 millions € de dépenses documentaires, 93,5 millions de livres, 10,2 millions de phonogrammes et 2,7 millions de vidéogrammes (chiffres SLL 2008).


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BCL #9 / Mars 2013

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Bibliothèque municipale de Sançé (71) Création en 1989 > Construction du bâtiment en 2000 > Aménagement intérieur en 2012

Cécile Sareau et Catherine Labrosse

Catherine Labrosse et Cécile Sareau • Surface : 160 m² ouverts avec 5 espaces distincts • 2 salariées dont un mi-temps à la communication • Inscription gratuite • Budget hors salaires : 4 500 € financés par la mairie de Sançé • Communication : logo + charte graphique, magazine municipal, site Internet, facebook • Ouverture : 18h30 sur 5 j/semaine

Services Un café Internet, des films, des livres, des jeux wiidéo, un espace travail et formation, et de la musique. Orientation

Avec son modèle traditionnel, la bibliothèque était en perte de vitesse et de public. Nous avons voulu réagir et le concept de 3e lieu (entre le travail et le domicile), développé par Mathilde Servet dans son mémoire d’étude, nous a aiguillées. Cécile a monté un projet qui a enthousiasmé les élus : créer un lieu d’accueil, de séjour et d’exploration, rendre service à l’usager avant tout, s’adapter à ses besoins. En quelques mois et pour un budget de 5 000 €, nous avons retiré de nombreux livres du fonds, réorganisé l’espace, mis en place de nouveaux services. Le mobilier a été modifié, pour plus de convivialité, avec des étagères conçues pour présenter les livres de face et une nouvelle organisation thématique plus

parlante (nous n’avons conservé celle des systèmes de gestion documentaire que pour le travail en interne !).

Difficulté Agencer tous les espaces en les faisant cohabiter et en faisant attention au bruit !

Public 2 000 habitants dont environ 350 abonnés, et de nom-

breuses personnes des communes alentour. Nous sommes devenus un lieu de rendez-vous pour les groupes d’amis, les amoureux... Les parents et enfants profitent de moments d’attente, entre deux rendez-vous, pour venir.

Publics spécifiques

Nous accueillons chaque semaine des enfants en difficulté de l’Institut Pierre-Chanay, ainsi que des infirmes moteurs cérébraux. Il s’agit de les sociabiliser, les éveiller, les « sortir de leur ghetto » comme ils disent.

En plus Les jeux wiidéo. C’est un gros succès auprès des enfants et un bon « produit d’appel » qui a fait venir de nouveaux usagers. L’objectif, c’est la convivialité : pratiquement tous les jeux proposés se jouent à plusieurs. La bibliothèque devient un lieu de partage, de rendez-vous et le jeu amène de nombreuses règles sociales implicites. On a maintenant beaucoup plus de public le soir et cela a changé l’ambiance de la bibliothèque, on ne chuchote plus ! Avec le jeu Just dance, même les mamans viennent danser avec leurs enfants ! → 03 85 20 53 70 - www.sance.fr


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Bibliothèque intercommunale des Portes du Morvan, Lormes (58) Création en 2000, au moment de la constitution de la communauté de communes (CC)

Lisa Zouhri • Surface : 107 m² • 1 salariée + 7 bénévoles à Lormes + 17 bénévoles dans les 8 points lecture • Inscription gratuite • Budget hors salaires : 2 300 € financés par la CC • Communication : logo, magazine de la CC, page Internet, mailing • Ouverture : 18h sur 5 j/semaine

Services Notre fonds de livres, CD, DVD et livres audio provient à 87 % des collections prêtées par la Bibliothèque de la Nièvre, via le bibliobus ; le reste est issu de dons de particuliers. Notre budget modeste ne nous permettant pas de construire un fonds propre actualisé, nous choisissons de l’investir dans un programme d’animations (lectures, conférences, expositions, ateliers, spectacles, projections…). Orientation Nous nous appuyons sur les trois préconisations

du programme « Nièvre 2021 » du Conseil général : accompagner la transition vers le numérique, mettre l’humain au centre des préoccupations et inciter chaque canton à employer au moins un bibliothécaire. Par ailleurs, travailler en lien avec les autres bibliothécaires du département nous permet de dégager des besoins communs et de les défendre ensemble.

Difficulté

Avant de nous équiper en tablettes, nous avons besoin d’un réseau performant, d’outils informatiques qui

fonctionnent, d’un portail commun pour héberger nos catalogues... Certaines bibliothèques ne sont même pas encore informatisées !

Public La CC regroupe 10 communes et 3 400 habitants, dont

560 sont inscrits à la bibliothèque. Le territoire du Morvan est extrêmement rural et isolé : la bibliothèque en est l’unique équipement culturel offrant espace de rencontre et convivialité. Nous travaillons sur le long terme et très souvent hors les murs pour attirer de nouveaux publics à la bibliothèque. Nous devons aussi beaucoup à notre réseau de bénévoles, qui tisse et nourrit des liens. Tout le monde finit par se connaître et le service peut ainsi s’adapter au besoin de chacun (portage à domicile, par exemple). Il est important de préciser que ce réseau de bénévoles fonctionne grâce au travail de coordination du bibliothécaire salarié.

Publics spécifiques Nous travaillons avec les écoles, les Relais assistantes maternelles et des personnes-relais dans les maisons de retraite. En plus Parce que l’illettrisme est très répandu, nous avons

mis en place des sessions de sensibilisation des bénévoles. Nous projetons d’intervenir auprès de familles, en lien avec des enseignants et assistants sociaux. À travers une sélection de livres « médiateurs », il s’agirait d’identifier cette population puis de l’accompagner, la rassurer. → 03 86 22 85 47 - www.morvan-des-lacs.com


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Bibliothèque départementale de prêt de l’Yonne - BDP 89 Création en 1969 > Bibliobus en 1970 > Construction du bâtiment en 1982 > Rénovation intérieure et extérieure de 2009 à 2011

Le projet de valise numérique a été piloté par Cédric Le Floch, Frédéric Blanche et Estelle Bois (absente)

Frédéric Blanche • Surface : 1 450 m² • 14 salariés • Service gratuit • Budget hors salaires : 230 000 € financés par le Conseil général 89 (CG) • Communication : Bulletin La Perluette, site Internet, blog, facebook, portail numérique (oct. 2013)

Services Desserte documentaire (prêt de livres, CD) ; aide à l’animation culturelle (prêt d’expositions) ; formation ; assistance technique (création de bibliothèques, pilon) ; prospective et réflexion stratégique.

Public

Nos usagers sont les bibliothèques des communes de moins de 10 000 habitants : 150, réparties sur 5 niveaux : 75 bibliothèques (1-3), 48 points lectures (4) et 30 dépôts de livres (5). Elles sont administrées par des bibliothécaires salariés, des employés de mairie et des bénévoles. Ces derniers représentent 85 % du personnel global. Les bibliothèques de niveaux 1 à 3 ont au minimum une personne formée dans leur équipe. La population desservie compte 175 000 personnes.

Publics spécifiques

Nous desservons la bibliothèque du Centre de détention de Joux-la-Ville, ainsi qu’une vingtaine d’écoles. Cela ne fait plus partie de nos missions depuis 30 ans, mais nous continuons tant que nous ne pouvons pas les rattacher à une nouvelle bibliothèque.

En plus La valise numérique. 5 valises contenant 5 modèles

Orientation Nous réfléchissons à la manière d’organiser le

de liseuses sont prêtées pendant 3 mois aux bibliothèques du réseau afin de familiariser tant le personnel que les lecteurs. Les bibliothécaires qui s’interrogent peuvent tester ce service gratuitement. S’ils sont convaincus, ils auront les arguments pour convaincre leurs élus d’investir. Les liseuses contiennent des textes du domaine public ainsi que des nouveautés, avec une mise à jour régulière via un compte ouvert à la librairie Le Divan. Le budget est de 10 000 € et le déclencheur a été une aide financière du ministère de la Culture.

Difficulté Le type de partenariat à créer avec les bibliothè-

→ 03 86 48 20 30 - www.yonne-biblio.fr

réseau en lien avec 3 paramètres : le vieillissement et la crise du bénévolat, ainsi que la future carte des périmètres intercommunaux. Le CG favoriserait une structuration pyramidale. Au sommet, la BDP qui coordonne et soutient le réseau, puis les bibliothèques intercommunales qui rayonnent au-delà de leurs communes d’implantation, et enfin des services de proximité aux formes variées (petite bibliothèque rurale, portage à domicile).

ques hors réseaux (4 dans l’Yonne). On ne peut pas penser l’organisation du territoire sans elles.


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Bibliothèque intercommunale de la Butte de Thil, Précy-sous-Thil (21) Création en 2009

Claire Masson • Surface : 230 m² • 1 salariée + 4 bénévoles • Inscription payante • Budget hors salaires : 29 000 € financés par la Communauté de communes (CC) • Communication : logo, journal communal, page Internet, mailing, facebook • Ouverture : 20h sur 4 j/semaine

Services

Prêt de livres, CD et DVD ; 3 postes multimédias avec une connexion Internet ; des animations (lectures, conférences, expositions, ateliers, spectacles, projections) et un salon du livre.

Orientation Suite à un recensement des populations légales au milieu des années 2000, un gros déficit en lecture publique a été constaté dans le canton. C’est la volonté politique au sein de la CC qui a permis de mettre en place ce service indispensable à la vie d’un territoire. Difficulté

Convaincre de la nécessité d’employer un salarié pour administrer et faire vivre la bibliothèque, et donc d’y consacrer un budget. Autre difficulté : attirer le public adulte à nos animations.

Public La CC regroupe 3 200 habitants répartis sur 20 communes, la bibliothèque compte 457 abonnés actifs. Sur ce territoire rural, Précy est localisé approximativement au centre. La commune la plus éloignée bénéficie d’un dépôt de livres, ce qui permet de mieux irriguer le territoire et sa population.

Publics spécifiques Nous accueillons beaucoup de jeunes publics : 12 classes, les accueils de loisirs et les crèches. Je me déplace à la maison de retraite toutes les trois semaines, et je prépare une sélection pour chaque personne qui le souhaite. En plus

La particularité de la bibliothèque réside dans le bâtiment construit spécialement pour l’héberger. L’accueil, la répartition des espaces et l’atmosphère générale ont été pensés avec l’architecte. L’espace est ouvert à l’intérieur et sur l’extérieur. Avec la terrasse, nous espérons que les gens restent plus longtemps, s’installent pour lire et prennent le temps… Nous tentons également de mettre en place un service de portage de livres pour les publics empêchés (handicapés, isolés…) qui serait couplé avec le système de portage des repas.

→ 03 80 64 43 07 - www.cc-buttedethil.fr

Entretiens réalisés par Aurélie Miller


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BCL #9 / Mars 2013

à lire…

Pour des bibliothèques de qualité en prison Les bibliothèques des établissements pénitentiaires en France manquent cruellement de réalité : espaces insuffisants, accès compliqués, circulations difficiles, collections pas toujours actualisées, budgets restreints, personnels professionnels en très petit nombre, etc. Pourtant, les bibliothèques sont bien à la fois un droit et un atout pour la réinsertion sociale des détenus. Pourquoi les progrès sont-ils si lents en matière de lecture publique dans les prisons ?

C’est la question que s’est posée l’Association des Bibliothécaires de France (ABF). À la suite d’une année de travail, son conseil national a validé un texte important au double objectif : alerter les décideurs politiques sur la nécessité d’instaurer des bibliothèques de qualité en prison et donner une série de préconisations. Préconisations reprises depuis dans le Guide du prisonnier, document de référence écrit par l’Observatoire international des prisons, paru dans une quatrième version en décembre dernier à La Découverte. Voici la version abrégée du texte produit par l’ABF, La bibliothèque de prison : un droit pour les personnes détenues, et disponible dans son intégralité sur abf.asso.fr : Pour les personnes placées sous main de justice, la bibliothèque est un droit et un atout pour la réinsertion. C’est le devoir des pouvoirs publics de mettre ce service à leur disposition dans des conditions d’utilisation viables.

Pourquoi ? Les citoyens, même détenus, continuent à être des personnes humaines méritant le respect. Ils ont droit à la lecture, droit non limité par la décision de justice ou le règlement intérieur d’un établissement, y compris en cas de mise en isolement, de sanction disciplinaire ou d’internement psychiatrique. Il est nécessaire et légitime que les pouvoirs publics as-

surent réellement la satisfaction de ce droit. Cette population doit pouvoir bénéficier des meilleures conditions de réception de l’information, de la documentation et des fruits de la connaissance qui lui permettront de développer ses pensées et ses idées et de participer activement au débat public. La médiathèque doit pouvoir favoriser auprès de cette population le goût du loisir et du divertissement et lui donner l’occasion d’exercer une activité récréative importante.

Comment ? La bibliothèque doit avoir sa place dans les bâtiments pénitentiaires. • Des lieux - une bibliothèque centrale de 100 m² minimum avec le bureau du bibliothécaire professionnel équipé d’outils informatiques, une salle d’actualité, un espace de formation multimédia, une aire d’exposition et d’accueil des animations ; - des bibliothèques d’au moins 50 m² dans les quartiers (hommes/femmes, maisons d’arrêt/centres de détention et lieux de régimes différenciés) ; - des points lecture dans les petits quartiers créés par l’Administration pénitentiaire (comme le quartier arrivants) … avec un équipement adapté : des fenêtres, du mobilier facilement modulable, des éclairages d’ambiance, des chauffeuses parmi les bacs à BD susciteront la détente ;

… localisés à proximité des salles de classe, de formation, d’activités sociales, d’espaces culturels. Le ministère de la Justice et des Libertés, par l’entremise de l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (Apij), a la responsabilité de garantir la prise en compte de ces besoins lors des constructions et aménagements de bâtiments pénitentiaires. • Les personnels - Les détenus bibliothécaires : ils participent du service public de lecture sous la responsabilité technique des bibliothécaires professionnels qui concourent à leur formation et organisent le suivi de leur travail. - Les bénévoles : ils seront formés afin de constituer un renfort auprès des bibliothécaires professionnels. - Les professionnels : l’existence d’un poste entier par établissement pénitentiaire est nécessaire, et 1 poste pour 500 détenus selon les recommandations de l’Ifla (International Federation of Library Associations and Institutions). • L’implication des collectivités territoriales Les collectivités territoriales et leurs bibliothèques sont des partenaires essentiels pour le conseil, l’accompagnement de projet, le prêt de livres et autres supports, l’organisation d’animations impliquant la participation active de détenus, la formation des détenus bibliothécaires.


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• La charte d’acquisition des documents Avec le concours des collectivités territoriales partenaires, les bibliothèques d’établissements pénitentiaires doivent pouvoir proposer aux détenus un choix d’ouvrages et de documents diversifié correspondant à leurs besoins de loisir, de culture et d’information. Les détenus doivent pouvoir, dans les locaux où exerce un bibliothécaire professionnel, accéder aux ressources d’information du monde actuel sous forme numérique. Une charte d’acquisition précisera ces choix.

Constat Entre 1949 et 2006 se sont succédé rapports, circulaires et conventions reconnaissant la nécessité du développement de bibliothèques en prison. Pour l’essentiel, ces intentions n’ont pas été suivies d’actions probantes et la situation actuelle est très insatisfaisante, malgré des réussites ponctuelles de partenariat avec des collectivités territoriales. C’est pourquoi l’ABF a créé en janvier 2011 un groupe de travail intitulé « Médiathèques/Bibliothèques d’établissements pénitentiaires » qui a défini quatre axes de travail correspondant aux quatre points développés ci-dessus.

Et maintenant ? L’Association des bibliothécaires de France invite tous les partenaires, institutionnels ou non, à faire l’effort nécessaire pour que les bibliothécaires puissent effectuer leur métier de médiateur dans des espaces modernes, des médiathèques d’établissements pénitentiaires de qualité, aux bénéfices de tous les citoyens, mais plus singulièrement de ceux dont la dignité doit être respectée et honorée malgré l’enfermement. Philippe Pineau, pour le Groupe de travail « Médiathèques/Bibliothèques des établissements pénitentiaires » de l’ABF

+++ Quelques références Prison

• 1973, révisées en 1987 et 2006 : Règles pénitentiaires européennes (RPE) • 6 août 1985 : Décret n° 85-836 modifiant le code de procédure pénale. Les articles D 443 et D 445 traitent de l’accès à la lecture et instituent une bibliothèque par établissement pénitentiaire • Code de procédure pénale : articles D 440, D 441, D 443, D 444, D 445, D 446, D 447 • 24 novembre 2009 : Loi pénitentiaire • Rapports annuels du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) Jean-Marie Delarue

Bibliothèques et prison

• 10 avril 1991 : Convention nationale entre la Direction du Livre et de la Lecture et la Direction de l’Administration pénitentiaire avenant au 2e Protocole d’accord Culture/Justice du 15 janvier 1990 • 14 décembre 1992 : Circulaire du ministère de la Justice, et des ministères de l’Éducation nationale, de la Culture et de la Communication intitulée Fonctionnement des bibliothèques et développement des pratiques de lecture dans les établissements pénitentiaires. Circulaire AP.92.08.GB 1 14.12.92 NOR JUS E 92 40087 C Annexes • Janvier 2005 : Rapport Les bibliothèques des établissements pénitentiaires, par Claudine Lieber, Inspection générale des bibliothèques, et Dominique Chavigny,

Inspection générale de l’administration des affaires culturelles, www.culture.gouv.fr/culture/dll/bibliothequePrison.pdf • 2005 : Recommandations à l’usage des bibliothèques de prison, par Vibeke Lehmann et Joanne Locke, Ifla. Traduit l’année suivante par Claudine Lieber et Corinne de Munain, archive.ifla.org/VII/s9/nd1/Profrep97.pdf • 2009 : Motion sur les médiathèques pénitentiaires adoptée à l’unanimité par l’assemblée générale de l’ABF au Congrès de Paris

Références générales sur les bibliothèques

• 7 novembre 1991 : Charte du Conseil supérieur des Bibliothèques, www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/ document-1096 • 1994 : Manifeste de l’Unesco/Ifla sur la lecture publique, www.unesco.org/webworld/libraries/ manifestos/libraman_fr.html • 19 août 2002 : Déclaration de Glasgow sur les bibliothèques, les services d’information et la liberté intellectuelle (Ifla), archive.ifla.org/faife/policy/iflastat/ gldeclar-f.html • 11 novembre 2005 : Manifeste d’Alexandrie sur les bibliothèques et la société d’information www.ifla.org/files/wsis/Documents/ alex-manifesto-libs-info-society-fr.pdf

+++ Les nouveautés du centre de documentation du CRL Général

• Les nouveaux enjeux des politiques culturelles, dir. Guy Saez et Jean-Pierre Saez (La Découverte, 2012) • Guide du mécénat culturel territorial. Diversifier les ressources pour l’art et la culture, Marianne Camus-Bouziane et Jean-Pascal Quilès (Territorial, 2012) • L’Observatoire n°40. La participation des habitants à la vie artistique et culturelle (Observatoire des politiques culturelles, été 2012)

Bibliothèque

• TDC n° 1041. Les bibliothèques (Scérén [CNDP-CRDP], oct. 2012) • La Revue des livres pour enfants n°265. L’offre numérique et les bibliothèques pour la jeunesse (BnF, juin 2012) • Apprendre à gérer des collections patrimoniales en bibliothèque, dir. Dominique Coq (Presses de l’Enssib, BAO n°27, 2012)

Numérique

• Guide pratique du livre numérique en bibliothèque, Alain Patez (Klog éditions, 2012)

→ Le Centre de documentation est ouvert du lundi au vendredi, de 9h à 12h et de 14h à 18h. Consultation sur place et prêt gratuit.


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BCL #9 / Mars 2013

repères juridiques

Reprise d’une librairie : droit de préemption des communes

Auteurs, avez-vous droit à la formation continue ?

Transmission et reprise d’une entreprise : droit de préemption des communes sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce et les baux commerciaux tels que des librairies

En mai dernier, l’Association de gestion de la sécurité sociale des auteurs (Agessa) annonçait la mise en place d’un dispositif de formation professionnelle continue des auteurs : il s’accompagnait également d’une augmentation des cotisations, entrée en vigueur le 1er juillet 2012.

Régi par le Code de l’urbanisme, le droit de préemption urbain permet à une collectivité territoriale de se substituer à l’acquéreur lors de la vente de biens. Avant la loi du 2 août 2005, seuls les biens immobiliers étaient visés ; les fonds artisanaux, de commerce ou les baux commerciaux étaient exclus. Depuis la loi n° 2005-882 du 2 août 2005, JORF n° 179 du 3 août 2005, les communes ont un droit de préemption sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce et les baux commerciaux (chapitre IV au titre Ier du livre II du Code de l’urbanisme relatif au droit de préemption). Constituant une atteinte au droit de propriété, la préemption doit être motivée par l’intérêt général et répondre aux objectifs généraux de l’aménagement, soit notamment l’organisation, le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques. Une opération de préservation et de développement du commerce et de l’artisanat dans des centres-villes ou des quartiers peut ainsi justifier l’exercice par la commune de son droit de préemption sur un fonds de commerce tel qu’une librairie. La commune devient alors propriétaire des locaux mis en vente, afin de conserver leur affectation initiale. L’exercice de ce droit de préemption est soumis à des contraintes très spécifiques, notamment l’obligation, pour la commune, de rétrocéder le fonds préempté à une entreprise immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés ou au Registre des Métiers, dans un délai d’un an à compter de la prise d’effet de la cession. Franck Benalloul avocat à Marseille, pour l’ArL Paca, 2010

Elle se répartit comme suit : - à la charge de l’auteur : une contribution de 0,35 % du montant brut des droits d’auteur versés ; - à la charge de l’éditeur : une contribution de 0,10 % du montant brut des droits d’auteur versés. Rappel Cotiser ne suffit pas pour être affilié : l’auteur doit adresser une demande volontaire d’affiliation à l’Agessa qui sera accordée seulement si celui-ci peut justifier d’un revenu annuel relatif à ses droits d’auteurs au moins égal à 900 fois le smic horaire moyen de l’année écoulée. En dessous de ce seuil, l’auteur cotise mais n’ouvre de droits ni au chômage, ni aux congés payés, ni à la retraite. À cela s’ajoute aujourd’hui le droit à la formation. Exemple de calcul Smic horaire brut 2013 : 9,43 € 900 x 9,43 = 8 487 € Ajoutons à ce chiffre les assurances sociales, la CSG, la CRDS, et la contribution formation professionnelle auteur/diffuseur pour obtenir 9 264,41 €. En 2013, un auteur devra donc percevoir 9264,41 € de droits d’auteur de la part de son éditeur pour qu’une fois défalquées les cotisations, il puisse se prévaloir auprès de l’Agessa de la somme minimum de 8 487 € et avoir droit à la sécurité sociale et à la formation professionnelle continue. Dans le cas d’un contrat d’édition proposant à l’auteur 10 % de droits sur un ouvrage vendu à 15 € TTC, il faudra que l’auteur vende 6 525 exemplaires de cet ouvrage pour être affilié… David Demartis


livre & théâtre

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Les actes mis en pages du TéATr’éPROUVèTe Dans la campagne nivernaise et morvandelle, c’est un théâtre aux semelles de vent qui, depuis l’Abbaye du Jouïr à Corbigny, fait halte dans les villages. Le TéATr’éPROUVèTe est un théâtre sans théâtre et qui n’en voit pas l’utilité. Il agit selon sa devise : « des hommes qui se regardent, qui échangent, qui se créent les uns les autres ». traverse Corbigny, est ainsi devenu un roman-fleuve à trente bras orchestré par Ricardo Montserrat : 15 riverains et un écrivain. « Nous ne cherchons pas à éditer pour éditer, mais nous avons la capacité de le faire, ce qui nous permet d’être beaucoup plus libres » souligne Jean Bojko. D’ajouter : « J’ai par ailleurs une vision particulière des choses : on ne peut pas être auteur, on ne peut être que passeur. Quand on écrit, ça devrait être un hommage à ceux qui nous ont permis d’écrire. On est ce qu’on est parce qu’on a rencontré les autres ».

Photographie de Sylvie Roche extraite de l’exposition Lectures, pour le TéATr’éPROUVèTe.

« Quand on habite un territoire rural, on s’aperçoit très vite qu’il faut changer de forme » indique Jean Bojko, l’animateur du TéATr’éPROUVèTe. Le levain de son action, il l’a puisé chez Armand Gatti dont il monta La Vie imaginaire de l’éboueur Auguste G. en 1997. Jean Bojko avait alors émis le vœu que Gatti s’engageât dans un projet traitant de la pauvreté dans la Nièvre. « Il m’a renvoyé à moi et c’est comme ça que ça a commencé. » Décloisonnant complètement la pratique théâtrale, le TéATr’éPROUVèTe s’engage dans ce qu’il définit comme « une mise en scène dans l’espace social ». « On relève un problème de société. On y travaille avec un groupe de personnes concernées. Ensuite on y associe des artistes. Ce sont ces deux différents types d’acteurs qui vont faire qu’il y aura un événement. » Les outils à disposition ? Tous les moyens et les supports d’expression. Voilà comment le livre et l’édition sont entrés dans le travail accompli par le TéATr’éPROUVèTe. « Tout ce qui fait notre réel est source d’histoires possibles. » Quatre de celles échafaudées selon le schéma décrit par Jean Bojko sont à lire dans trois ouvrages1 édités par l’Abbaye du Jouïr. Une pièce dans l’Anguison (2006), du nom de la rivière qui 1. Voir le site du TéATr’éPROUVèTe : www.theatreprouvette.fr

Rencontrer et débattre de paroles à même d’ouvrir un étonnant champ de réflexion, tel fut l’objet de l’Université des bistrots entre 2007 et 2010. Peu ou prou le modèle des universités populaires transposé dans une dizaine de villages et le double de cafés. Parmi la quarantaine d’intellectuels, de scientifiques, de praticiens, bref de « connaisseurs » abordant de multiples sujets : Jean Viard qui se trouve diriger une collection, « Monde en cours », aux Éditions de l’Aube2. Or tout ce qui s’est dit et échangé au cours de cette université a été enregistré ; sept thèmes ont été retenus en vue d’une édition. À ce jour, quatre titres sont parus3 dans une série intitulée L’Abbaye du Jouïr. « Voilà qui nous permet de dire qu’il ne s’agit pas uniquement d’une animation locale et que cette action peut avoir des répercussions au-delà. » Jean Bojko nourrit le projet d’inviter le libraire de la Librairie Tartinerie, ouverte il y a dix ans à Sarrant, petit village du Gers. Libraire et éditeur dont il montre un ouvrage : De la nécessité du livre… et des libraires. Et pour les trois ans à venir, le TéATr’éPROUVèTe entend (se) poser cette question : ? « C’est l’incertitude qui fait l’intelligence » estime Jean Bojko, revenant à Armand Gatti qu’il cite de mémoire : « Dieu n’a pas créé l’homme, il a créé le point d’interrogation ». Ce simple (?) point qu’il pense installer jusque dans le paysage. Michel Pulh

2. La Tour d’Aigues (Vaucluse). 3. Id. note 1.


P o u r t o u t s a v o i r, o u p re s q u e , s u r l a v i e d u l i v re e n B o u rg o g n e e t a i l l e u r s / G r a t u i t Une publication du Centre régional du livre de Bourgogne - 71, rue Chabot-Charny - 21000 Dijon - Tél. : 03 80 68 80 20 Fax : 03 80 68 80 24 - Courriel : info@crl-bourgogne.org - Tirage : 2 000 ex - Dépôt légal : 1 er trimestre 2013 Directrice de la publication : George Bassan - Directrice de la rédaction : Marion Clamens - Coordination et rédaction : Aurélie Miller - Ont collaboré à ce numéro : Agnès Barthelet, Marie-Jeanne Bausson, Hélène Certain, Marylou Clément, Cécile Clerc-Denizot, Didier Cornaille, Véronique Davenne, David Demartis, Henry Ferreira-Lopes, Katia Fondecave, Solène Ledru, Pauline Lesieur, Philippe Pineau, Claude Poissenot, Michel Pulh, André-Pierre Syren et Alice Zunino - Graphisme : Anne Gautherot - Illustration : Jérôme Derieux - Crédits photo : CRL Bourgogne, Benoit Cassegrain (p.8), ABF Bourgogne (p. 11), Sylvie Roche (p. 25) - Impression : ICO - Parution : mars et septembre Le Centre régional du livre de Bourgogne est une association au service des professionnels du livre (auteurs, éditeurs, bibliothécaires, libraires, associations, etc.) et des lecteurs. Sa mission de conseil et d’accompagnement des professionnels bourguignons s’exerce dans trois secteurs : la vie littéraire, le patrimoine écrit et l’économie du livre. Il veille également à informer tous les publics et les sensibilise aux enjeux liés au livre et à la lecture. Le CRL est accompagné par la Direction régionale des affaires culturelles de Bourgogne et le Conseil régional de Bourgogne dans le cadre de leurs politiques en faveur du livre et de la lecture. Il reçoit le soutien de la Bibliothèque nationale de France dans le cadre d’un pôle associé régional. Le CRL est membre de la FILL – Fédération interrégionale du livre et de la lecture.

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ISSN 1966-5563

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