Cuisine & Saveurs
4€90
La cuisine des gourmets
Hors-Série - Janvier 2011 Mensuel du groupe 3G – 4€90
La citation du mois « L E D I N E R , D E ME ME Q U E L E D E J E U N E R E T L E S O U P E R , T O U J O U R S C O MP O S E S D E CHOSES EXQUISES, ETAIENT CUISINES AVEC CETTE SCIENCE QUI DI STINGUE LES GOUVERNANTES DE CURE ENTRE TOUTES LES CUISINIERES. » H. DE BALZAC, LES PAYSANS
SOURCE : CITATION CUISINE - 95 CITATIONS SUR CUISINE - DICOCITATIONS ™ - CITATION RIEN NE SERT DE SAIS IR, IL FAUT ROTIR A POINT » FRANÇOIS VATEL
AU MENU CE MOIS-CI …
Edito Aux origines … Biographie d’Hervé This : des laboratoires aux cuisines, itinéraire d’un physico chimiste atypique La vie d’un œuf Les secrets de la mayonnaise Biographie de Nicholas Kurtis : sur les traces d’un chercheur de talent La sphérification Les gels et les gelées La gélification Cuisson à basse température Une sucette de caramel … effervescente Nos recettes Interview de Laurent Maire, « cuisinier différent » Les additifs alimentaires L’enquête du mois La panoplie du petit cuisinier chimiste La cuisine moléculaire et les consommateurs Pour aller plus loin Sources documentaires
Moléculaire ?!
EDITO …
Loin de la tradition de la bonne vieille cuisine du terroir se développe depuis quelques années une gastronomie de laboratoire plus généralement appelée la cuisine moléculaire. Cette discipline, car c’en est une, mélange sciences physiques et mathématiques avec l’art culinaire. Ce sont ces savants dosages que nous nous sommes mis en tête de retrouver avec ce numéro spécial de « Cuisines & Saveurs » avec une idée bien précise : déterminer les limites dans lesquelles la cuisine moléculaire peut améliorer la cuisine traditionnelle. C’est une quête passionnante à laquelle nous devons à présent nous livrer, quête qui nous conduira tour à tour aux côtés des pionniers de la discipline et aux côtés de leurs détracteurs. Car c’est une des facettes de cette pratique que nous ne pouvons pas passer sous silence : la cuisine moléculaire est-elle vraiment sans risque pour la santé du consommateur ? Les éléments du dossier de ce mois vous sont proposés par Floriane Darmaisin, Morgane Delobel et Juliette Lalloyer.
Aux origines…
Après avoir distingué la gastronomie moléculaire de la cuisine moléculaire, on peut donc s'apercevoir qu'ils ont des objectifs différents. Les voici, présentés par leur inventeur Hervé THIS : La gastronomie moléculaire:
Dans les années 1980, Hervé THIS et Nicholas KURTI, tous deux physiciens ont inventé la gastronomie moléculaire. Mais qu'est-ce que la gastronomie moléculaire? Une question de bon sens dirait le professeur Hervé THIS. Mais plus concrètement, c'est la recherche des mécanismes des phénomènes. C'est-à-dire que c'est l'explication des transformations culinaires. Cette discipline scientifique vise à produire des connaissances précises dans le domaine de la cuisine afin d'optimiser la qualité de cette dernière. La gastronomie est venue simplement le jour où Hervé THIS s'est demandé : « Si, après le repos, le rôti est trop sec, pourquoi ne pas réinjecter, à la seringue, le jus qui en est sorti pendant la cuisson ? ». Ils décidèrent alors d’essayer de comprendre tous les phénomènes culinaires d’un point de vue scientifique : Un de leurs principes est que l’étude de la théorie permet une maîtrise parfaite de la pratique. Après la mort de Nicholas KURTI, Hervé THIS rebaptisa la discipline « cuisine moléculaire ». D'après lui, c'est un mode culinaire qui fait usage des résultats de la science, en introduisant de « nouveaux » ingrédients.
Introduire des outils, méthodes et ingrédients nouveaux en cuisine, Invente des plats nouveaux fondés sur les analyses des mets classiques, Présente les sciences au public, en se basant sur l'analyse des gestes culinaires, Explorer la composante technique de la cuisine, Explorer la composante artistique de la cuisine, Etudier de façon scientifique les précisions culinaires.
La cuisine moléculaire:
Explorer les tours de main et dictons culinaires, Explorer les gestes, recettes, méthodes et pratiques culinaires classique, afin de les améliorer, Introduire en cuisine des ustensiles, ingrédients et nouvelles méthodes Inventer des plats nouveaux en se fondants sur les explorations effectuées, Utiliser la cuisine afin de présenter les sciences au public.
HERVE THIS
Hervé THIS, des laboratoires aux cuisines, itinéraire d’un physico-chimiste atypique … Hervé This est l’une des plus grandes figures de cette discipline, pour la simple raison qu’il en est le coinventeur. Voici son parcours.
Né à Suresnes dans le Bassin Parisien le 5juin 1955, il entre en classe préparatoire au lycée Janson-de-Sailly après l’obtention d’un bac scientifique. A l’université, il suit simultanément un cursus littéraire et un cursus scientifique. Diplômé de l'École supérieure de physique et chimie industrielles de la ville de Paris et possédant une licence de lettres modernes à l’université Paris IV, il entame sa carrière en 1980 en tant qu’éditeur aux éditions Belin. Il devient ensuite rédacteur scientifique puis rédacteur en chef de la revue Pour la science. Il participe à de nombreuses émissions pour la radio et la télévision. En 1992, il se voit confier la direction du First International Worshop on Molecular and Physical Gastronomy. C’est officiellement à cette période qu’il invente un nouveau concept avec son ami Nicolas KURTI, qu’ils baptiseront « Gastromonie moléculaire ». Cette discipline, qui associe l’art culinaire et la science, à pour but d’explorer tous les adages et tours de mains utilisés en cuisine et d’en expliquer les mécanismes d’un point de vue scientifique. Il se passionne de ses recherches et tente de faire connaître ses découvertes au plus grand nombre au moyen d’articles de vulgarisation ainsi que de nombreuses conférences. Pour lui, la cuisine est tout d’abord une question d’amour, c’est pourquoi il faut la partager. En septembre 2000, il devient physico-chimiste à l’I.N.R.A. Il est aujourd’hui installé à l’AgroParisTech. Il travaille en partenariat avec le cuisinier Pierre Gagnaire, pour lequel il expérimente de nouvelles techniques et idées culinaires. Hervé This est un homme très actif : en dehors des cours et séminaires qu’il dispense régulièrement, il écrit onze chroniques mensuelles, fait partie de nombreux conseils et comités ; il a déjà publié une quinzaine de livres, et a reçu de nombreux prix pour son œuvre. Sa devise s’accorde avec son insatiable soif de savoirs : « Vive la Chimie en général, et la connaissance en particulier ! »
LA VIE D’UN OEUF
Pourquoi un œuf cuit-il ? Voici l’explication scientifique : Si nous prenons le cas de l’œuf sur le plat, nous pouvons penser que c’est un phénomène simple, mais ce n’est pas le cas. En effet, nous pouvons constater que la cuisson d’un œuf est complexe par son mélange de protéines et d’eau.
L’odeur de l’œuf dur, d’où vient-elle ? Lorsque que les œufs sont trop cuits, les atomes de souffre contenues dans les protéines du blanc d’œuf, libèrent un gaz nommé sulfure d’hydrogène, c’est ce qui dégage la célèbre odeur « d’œuf pourri ». Ce gaz contamine le blanc et lui donne une couleur verte.
Lorsque l’on chauffe de l’eau, aux environs de 100 degrés nous savons qu’elle se vaporise et éventuellement forme des bulles. Les protéines sont des molécules comportant de longs fils qui sont souvent repliés sur euxmêmes en raison de forces microscopique qui s’exercent entre les atomes d’une même molécule : ce sont des liaisons covalentes appelées ponts disulfures. Lorsque ces protéines sont chauffées, les forces faibles sont alors brisées et laissent donc deux atomes seuls. L’agitation moléculaire augmente, ce qui favorise les rencontre entre les esseules. Ils peuvent alors se lier même quand ils n’appartiennent pas à la même molécule. Nous savons donc que quand la température d’un œuf augmente, les pelotes de fils que sont les protéines commencent par former des chaines sans se dérouler (le blanc de l’œuf reste translucide. Il apparait ensuite un réseau dont les filaments sont composés de plusieurs protéines opaques, l’œuf est alors cuit ! .
De quoi est constituée la coquille d’œuf ? On peut trouver la réponse à cette question par une expérience très simple. On plonge l’œuf sans de l’acide (on travaille ici avec du vinaigre blanc). Pendant les 24h qui suivent, on constate l’apparition de gaz (CO2). A la fin de l’expérience, la coquille a totalement disparu, ce qui nous prouve qu’elle était constituée de calcaire. Le dioxyde de carbone qui a été libéré au cours de la réaction est l’un des produits : CH3COOH+(l) + CaCO3(s) → CO2 (g) + Ca(CH3COO) 2(l) + H2O(l)
LES SECRETS DE LA MAYONNAISE
Au cœur de la matière …
Donc, pour pouvoir créer cette mayonnaise, il faut réussir à mélanger l’eau et l’huile !
Commençons par le commencement ! De l’eau, de l’huile… Pourquoi ces deux matières se séparent-elles ? L’une plus lourde descend (l’eau) l’autre plus légère remonte (l’huile).
Et pour cela, nous avons besoins de molécules « tensio-actives ». Elles servent a enrober des gouttelettes d’huile en mettant à leur contact leur partie hydrophobe et à disperser ces gouttelettes enrobés dans l’eau en se liant aux molécules d’eau par leur partie hydrophile.
Mais vous êtes vous déjà posée la question : « comment se fait-il qu’elles se séparent ? » Tout d’abord, nous savons que les molécules d’eau sont composées d’un atome d’oxygène lié a deux atomes d’hydrogène (liaisons hydrogènes).
Les parties hydrophiles sont électriquement chargés, les gouttelettes sont donc de même charges et se repoussent c’est pourquoi les gouttelettes ne fondent pas en une seule phase. Cette caractéristique nous explique pourquoi les acides stabilisent la mayonnaise
Au contraire, nous savons que les molécules d’huile sont des ne se mélangent pas avec l’eau. Il s’agit de molécules en formes de peignes a trois dents composées d’atomes de carbone et d’hydrogène
COTE ASTUCE !
Comment rattraper une mayonnaise qui a tourné ? Certains livres de cuisines conseillent d’ajouter un jaune d’œuf. D’après Hervé THIS, il suffit simplement d’ajouter de l’eau et de battre la mayonnaise vigoureusement. Votre mayonnaise retrouvera alors son goût !
Nicholas Kurti, sur les traces d’un chercheur de talent … Co-inventeur de la gastronomie moléculaire, cet homme a mené une importante carrière scientifique. Voici son parcours.
Nicholas Kurti est né le 14 mai 1908 en Hongrie, à Budapest. Il entame des études au Minta Gymnasium, une université hongroise. Il est malheureusement contraint d’interrompre son cursus à cause de l’arrivée au pouvoir de l’Amiral Horty. Celui-ci instaure un régime antisémite ; la famille de Nicholas, juive, se réfugie en France. Il obtient son master à la Sorbonne, puis après une nouvelle immigration, en Allemagne cette fois-ci, il obtient un doctorat en cryogénie à Berlin. Il rencontre alors le scientifique Franz Simon, avec lequel il rejoint le Clarendon Laboratory de l’université d’Oxford en Angleterre à l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Tout au long de la seconde guerre mondiale, il travaille sur le projet de la bombe atomique. En 1956, il réalise avec Simon une expérience en laboratoire et arrive à atteindre la température du microkelvin. Cette réussite lui vaut d’être accepté à la Royal Society, l’équivalent anglais de l’Académie des sciences. Il occupe ensuite un poste de professeur de sciences physiques à Oxford de 1967 à 1975, date de sa retraite. En parallèle, il donnait également des cours au City College of New York, à l'Université de Californie à Berkeley et à l'Amhertst College of Massachusetts, tous deux situés aux EtatsUnis. Un prix a été crée à son nom, le Nicholas Kurti European Prize. Il est remis par l’université d’Oxford aux jeunes chercheurs européens travaillant sur la cryogénie et les champs magnétiques Cependant, Nicholas Kurti avait d’autres passions : c’était un grand amateur de cuisine. En 1985, il rencontre le physico-chimiste français Hervé This. Ensemble, ils vont inventer une nouvelle discipline : la gastronomie moléculaire et physique. Nicholas Kurti n’aura de cesse de répandre ce nouveau concept à travers de nombreux colloques internationaux et ce jusqu’à sa mort, le 24 novembre 1998.
LA SPHERIFICATION
La sphérification est une technique culinaire qui est utilisée pour mettre une préparation liquide sous forme de sphère. Elle a été créée dans les années 90 pour former des sphères gélifiées à partir de liquide. Pour cela, plusieurs additifs peuvent être utilisés. Tout d’abord, l’alginate de sodium. Il s’agit d’un additif alimentaire (E401) de formule C6H7NaO6 qui est aussi inclus dans les boissons. Elle est présentée sous forme d’une poudre blanche, inodore et très soluble dans l’eau. On l’utilise pour améliorer la texture de la boisson. L’alginate de sodium est une longue molécule extraite d’algues brunes, qui sont elles-mêmes constituées d’hydrates de carbone. Si l’on veut sphérifier une préparation grâce a de l’alginate de sodium, il faut plonger la solution dans un bain de calcium. Alors, une pellicule gélifiée se forme instantanément en surface et s'épaissit vers l'intérieur (le calcium entre dans la préparation et forme un gel avec l'alginate de sodium contenu dans celle-ci). On obtient une sphère au cœur liquide, instable dans le temps (le calcium progressant vers l'intérieur, la sphère gélifiera complètement). Ces sphères doivent donc êtres consommées immédiatement.
Il est également possible d’utiliser le lactate de sodium, qui est un additif alimentaire naturel (E327). Il est fabriqué par les bactéries dans la nourriture fermentée. Le lactate et l’acide lactatique sont utilisés comme des conservateurs ou pour augmenter la stabilité des antioxydants.
Lorsque l’acide alginique (contenu dans l’alginate de sodium) est mis en solution aqueuse, il perd une liaison hydrogène, ce qui nous donne alors :
C6 H8 O6 (s) C6 H7 O6 - (aq) +
+ H2 O (l) + H3 O
Le calcium (Ca) contenu dans le lactate de calcium, lui devient ion calcium (Ca2+) Dans l’eau, l’alginate se présente sous la forme de longs brins. Le calcium (2+) se lie à deux alginates (-).
GELS & GELEES Le poulet en gelée La gelée a un aspect plutôt appétissant, de plus elle fond dans la bouche, ne laissant que le goût des arômes. Après avoir laissé le plat mijoter, nous pouvons préparer un poulet en gelée. Si l’on chauffe assez longtemps la volaille dans un liquide puis qu’on laisse la préparation refroidir alors la solution restera transparente mais gélifiée !
Vous voulez préparer des sauces ? La glace de viande peut être utilisée ! Tout d’abord, nous devons vous expliquer comment la préparer d’après Hervé This : « Dans un bouillon agrémenté de carottes, d’oignons et de divers autres ingrédients aromatiques, on cuit quelques os concassés sur lesquels subsiste un peu de chair. Après une longue réduction, le collagène (la principale protéine de la peau, des tendons, des cartilages, des os et des tissus conjonctifs) est progressivement extrait, transformé et concentré en un sirop visqueux que l’on utilise pour épaissir ultérieurement quelque jus corsé. » Vous pouvez à la place des glaces de viande utiliser des feuilles de gélatine qui apportent les mêmes molécules de collagènes.
LE SAVIEZ-VOUS ? Il existe des gels « physiques » par exemple la confiture, et des gels « chimiques » qui sont ceux des œufs, en cuisant le blanc d’œuf coagule et forme un gel définitif. Vers 1920, le physico-chimiste M. Staudinger forgea le concept de macromolécules*. Il comprit qu’elles étaient comme celles des gommes, de la gélatine ou encore de la cellulose et qu’elles pouvaient se lier en solution aqueuse. Il suffit de très peu de macromolécules pour immobiliser une grande quantité d’eau. La gélatine a un gel transparent et homogène qui se forme lorsque l’on abaisse la température au dessous de 30 degrés.
Gélifiants Il n'existe pas que la gélatine pour gélifier les différentes sauces et préparations. Le carraghénane peut aussi avoir cette fonction, tout comme l'agar agar qui vient d'une algue. L'agar agar s’utilise dissout dans une préparation chauffée à environ 50°C. Lorsque celle-ci refroidit, des réseaux se créent entre les molécules d'agar agar. Ils forment une structure qui emprisonne les molécules d'eau. La formule chimique de l’agar agar est C12H18O9. Il est constitué d'agorose et d’agaropectine, qui sont eux même constitués de radicaux hydrophobes et de radicaux hydrophiles : Agar Agar = Agarose + Agaropectine
Voici une recette que nous avons réalisée avec de l’agar agar : Les spaghettis à la grenadine. Ingrédients et matériels :
Eau Sirop Agar Agar Seringue Tube
Ajouter 2g d'Agar Agar dans 200g d'eau et de sirop Porter à ébullition Aspirer le liquide dans la seringue et le tube Mettre le tube dans de l'eau refroidie par des glaçons
Une fois le spaghetti gélifié, injecter avec la seringue dans une assiette
Bon appétit !
La cuisson à basse température La cuisine à basse température est utilisée depuis longtemps, avec des viandes qui restaient sur le feu durant une vingtaine d’heures. La cuisine douce est ‘tendance’ chez les chefs français qui font cuire leurs plats dans des poches en plastique. Un des intérêts est qu’il n’y a aucun risque de contamination bactérienne lors des manipulations.
Voici ce qui se passe lors d’une cuisson classique : A température ambiante, les protéines de la viande sont enroulées sur elles-mêmes. Les acides aminés qui les composent sont maintenus en forme grâce à des liaisons covalentes appelées ponts disulfures. Les molécules sont en mouvement, c’est ce qu’on appelle l’agitation thermique.
Lorsque l’on augmente la température, elles s’agitent de plus en plus vite. Les molécules d’eau entrent en contact avec les protéines. Sous le choc, celles-ci se déroulent, leurs liaisons sont rompues : on dit qu’elles sont dénaturées. Ce phénomène est irréversible.
Lorsque la température monte à plus de 70°C, les protéines qui se sont déroulées s’emmenent et emprisonnent les molécules d’eau, ce qui donne à la viande une consistance dure.
Voici ce qui se passe lors d’une cuisson basse température : La cuisson basse température permet justement d’éviter ce problème. On fait cuire la viande plus longtemps, mais on diminue le thermostat de façon à ne pas dénaturer les protéines. Cela évite que les molécules d’eau restent prisonnières, et donc permet d’obtenir une viande plus tendre. Cette technique a été développée par des scientifiques, notamment par Hervé THIS. Il a montré qu’un œuf dur cuit à 62°C présente un blanc bien plus moelleux qu’un œuf plongé dans une eau bouillante à 100°C. Comme l’œuf est également riche en protéines, le phénomène est le même que pour la viande. Bien que le phénomène soit étudié depuis une dizaine d’années, il n’en existe pas de réelle définition : tout dépend du type d’aliment que l’on veut faire cuire. Cependant, la cuisson ne dépasse en général pas les 80°C. De plus, cette technique est meilleure pour la santé, car les nutriments, vitamines et protéines ne sont pas détruits par la chaleur. Notre organisme en profite donc plus. Enfin, la cuisson basse température permet également un meilleur rendu du point de vue de la présentation. La viande est plus tendre, donc plus facile à découper, et dégage moins de jus au cours de la cuisson.
En voila la preuve par l’image : à gauche sur la photo, un rôti cuit de façon traditionnelle, à droite, un autre cuit à basse température. Lequel voudriez-vous manger ?
Quelques exemples à tester chez soi
Roastbeef (entrecôte), 800 gr : saisir la viande pendant 10 min, puis faire cuire pendant environ 2 heures à 55°C Filet de veau, 800 gr : saisir la viande pendent 5 min, puis faire cuire environ 1,5 heure à 60°C Noix de veau ronde, 800 gr : saisir la viande pendant 10 min, puis faire cuire pendant environ 3 heures à 60°C Rognon de porc, 800 gr : saisir la viande pendant 10 min, puis faire cuire pendant environ 3 heures à 65°C Carré d’agneau, 180 gr : saisir la viande pendant 3 min, puis faire cuire pendant environ 30 minutes à 55°C Blanc de poulet, 180 gr : saisir la viande pendant 4 min, puis faire cuire pendant environ 45 minutes à 70°C+
UNE SUCETTE DE CARAMEL … EFFERVESCENTE ! Le principe de l’effervescence L’effervescence est utilisée pour des médicaments par exemple, mais aussi pour des aliments ! C’est la formation de bulles de gaz dans un liquide. Elle se produit au contact d’un acide et d’une base.
La sucette de caramel effervescente : Pour réaliser cette expérience il faut faire agir un acide sur une base. Nous prenons l’acide citrique comme acide et le bicarbonate de sodium en poudre comme base (Le jus de citron peut être utilisé pour remplacer de l’acide citrique car il est luimême composé d’acide citrique et d’eau.).
Si nous prenons un mélange d’acide citrique et de bicarbonate de sodium en poudre, que l’on solubilise dans de l’eau, il va alors se déclencher une réaction chimique qui libère du dioxyde de carbone (CO2). Voici la réaction acido-basique entre l’acide citrique et le bicarbonate de sodium :
On commence donc à faire chauffer du sucre, du jus de citron et de l’eau dans une casserole (à feu moyen et sans remuer). Au bout d’une vingtaine de minute, la solution va brunir se qui signifie que le caramel se forme.
Couple 1 acide/base : C6H8O7 / C6H5O73Couple 2 acide/base: H2O, CO2 / HCO3Nous obtenons alors l’équation chimique:
Ensuite, on retire la casserole du feu, et on ajoute à ce mélange le bicarbonate de sodium (auparavant dilué dans une cuiller à soupe d’eau), tout en remuant la préparation. Celui-ci entre alors en réaction avec l’acide citrique. Cela produit du CO2, la préparation va donc mousser.
-
C6H8O7 + 3 (Na+HCO3-) ---> (3Na+, C6H5O7 3-) + 3(CO2) + 3(H2O) (Acide citrique +3 Bicarbonate de sodium --> citrate de sodium + 3 dioxyde de carbone + 3 eau) Les ions Na, qui sont les ions sodium sont spectateurs, cela signifie qu’ils n’ont pas d’influence sur la réaction.
[Remarque : Dans cette expérience, on peut noter une 2ème réaction chimique : la caramélisation. En effet, le bicarbonate de sodium a diminué l'acidité de la préparation, ce qui favorise la caramélisation. Au final, après refroidissement, on obtiendra donc des bulles de CO2 enfermées dans du caramel. ]
NOS RECETTES Mousse aérienne d’herbes aromatiques : 10 feuilles d’herbes aromatiques 100ml d’eau 100ml de lait 1gr de lécithine de soja (émulsifiant)
Mixer les feuilles d’herbes aromatiques dans le mélange eau+lait
RECETTES
Passer au chinois Ajouter la lécithine de soja au liquide récupéré, mixer et laisser reposer quelques minutes Avant de servir, mixer la préparation en veillant à n’immerger que la moitié du mixer plongeant et en l’inclinant, de manière à incorporer un maximum d’air à la préparation Récupérer la mousse ainsi produite et l’intégrer au plat.
Comment ça marche ? La lécithine de soja est un tensioactif…il s’agit d’une molécule composée de deux parties : Une partie qui aime l’eau (hydrophile) et une partie qui ne l’aime pas (hydrophobe), ces molécules vont se placer entre l’eau et les bulles d’air, permettant ainsi de stabiliser la mousse… diminuera l’effet moussant de la lécithine de soja…en effet, la lécithine se placera entre l’eau et la matière grasse de la préparation, plutôt qu’entre l’eau et les bulles d’air.
Tablette de chocolat pétillant : 200gr de chocolat noir (forte teneur en cacao) 50gr de sucre pétillant Faire fondre le chocolat au bain marie à feu doux Le laisser refroidir Ajouter le sucre pétillant et mélanger rapidement de manière à enrober le sucre pétillant de chocolat fondu Couler la préparation dans les tablettes
Nougats mous effervescents : 0.7gr d’acide citrique 1.5gr de bicarbonate de sodium Nougats mous Mélanger l’acide citrique et le bicarbonate de sodium Au moment de servir, rouler chaque nougat mou dans le mélange, en prenant soin d’enlever l’excédent et de ne laisser qu’un léger voile de poudre.
Laisser durcir au frais
Comment ça marche ? Comment ça marche ? Le sucre pétillant qui renferme du dioxyde de carbone mélanger à du chocolat riche en beurre de cacao (matière grasse) ne se solubilise pas…dans le chocolat refroidi, le sucre est protégé de l’humidité de l’air et conserve donc ses propriétés pétillantes en bouche.
Une effervescence se produit lorsqu’un acide (ici citrique) entre en contact avec le bicarbonate de sodium…on observe alors un dégagement gazeux (CO2) lorsque le mélange est solubilisé dans l’eau (ici salive).
L’INTERVIEW
LAURENT MAIRE Laurent Maire pratique la cuisine moléculaire. Il travaille parfois avec Hervé THIS. Le reste du temps, il anime des ateliers, donne des cours de cuisine ou cuisine à domicile chez ses clients. Il se qualifie luimême de « cuisinier différent ». Il a accepté de répondre à nos questions sur son métier par e-mail. Avant de commencer, il souhaite nous donner quelques précisions sur les termes : Laurent Maire : Histoire de savoir de quoi l’on parle, je me permets de vous citer une définition de la Gastronomie moléculaire, à mon avis fort juste puisque définie par son créateur !!! Le programme initial de la discipline, publié notamment dans la thèse de Hervé This soutenue en 1996 sous le titre La gastronomie moléculaire et physique, à l'Université Paris VI :
le recensement et l’exploration physico-chimiques des dictons culinaires. (+ de 25000 rescencés) la modélisation des pratiques culinaires en vue de perfectionnements. l’introduction d’outils, méthodes et ingrédients nouveaux en cuisine domestique ou de restaurant. l’invention de plats nouveaux fondés sur les analyses des mets classiques. la présentation des sciences au public, fondée sur l’analyse des gestes culinaires (ex: ateliers expérimentaux du goût). La Gastronomie moléculaire est donc une science et la cuisine moléculaire son application....Je me permets de préciser ceci car beaucoup de choses on été écrite sur la GM et hélas bien souvent éloigné de la démarche initiale…
Que certains guignols s’amusent avec de l’azote liquide car le spectacle est ainsi assuré, c’est bien dommage, tout comme certains médias qui ne cherchent qu’en la gastronomie moléculaire un phénomène de mode spectaculaire ou des commerçants malins qui surfent sur la vague en vendant des kits et des produits hors de prix… Il faut raison garder et cela marche aussi avec la Gastronomie Moléculaire !! Nous : Tout d'abord, nous souhaiterions savoir en quoi consistait votre collaboration avec Hervé THIS, et ce qu'elle vous a apporté. LM : La participation avec H.This consistait à participer et animer les ateliers à Agroparistech autour des dictons culinaires... Je vous donne un exemple : On enseigne dans les écoles de cuisine que les haricots verts doivent cuire dans 5x leur volume d'eau bouillante et salée et sans couvrir la casserole pour qu'ils conservent leur couleur verte... Fort de cet impératif, lors des séminaires de gastronomie moléculaire nous 'vérifions' à travers des tests croisés si l'adage est vrai ou pas... Des groupes d'études sont ensuite constitués afin de rendre compte des expériences (j'en fais toujours partie)...
Les résultats sont parfois surprenants : Par exemple il n'est pas nécessairement obligatoire de clarifier son beurre pour monter une sauce hollandaise. Si l'on rajoute le beurre avec le petit lait le résultat n'en sera que plus aérien... Quand aux haricots verts, eau salée ou pas, casserole couverte ou pas, refroidis dans de l'eau glacée ou pas cela ne modifie en rien le résultat: la couleur des haricots est similaire !! Des dictons de la sorte envahissent les enseignements pratiques en cuisine, transmission empirique tronquée car non vérifié, qui enferme les étudiants et les ‘professionnels de la cuisine’ dans des dogmes pesants, car la remise en cause n'est pas de rigueur dans beaucoup d'enseignements en cuisine...or c'est une discipline en évolution permanente. C'est, à mon avis, une des causes principales qui a fait que la Gastronomie Française ait perdu son aura à travers le monde (pas complètement mais tout de même...), ces idées préconçues, fausses, qui enferment les cuisiniers à un non renouvellement de leurs pratiques et ainsi de transmettre sous l'égide de la tradition, de la culture, des informations erronées. La collaboration avec H.This m'a également ouvert d'autres champs de créativité, notamment grâce au concours Art, Science et Gastronomie dont j'ai été lauréat lors des 3ème rencontres. Le principe des ateliers expérimentaux du goût résonne également avec ma démarche de sensibiliser au goût, de faire prendre conscience à un jeune public l'importance que revêt le fait alimentaire... A ce titre j'interviens dans des écoles pour mettre en place des ateliers du goût. Nous : Pratiquez vous toujours la cuisine moléculaire? Si oui, quel genre de plats réalisezvous? LM : Si l'on se base sur le fait que la CM c'est aussi comprendre les interactions entre les aliments alors comme tout à chacun (ou presque), je la
pratique quotidiennement à travers une simple vinaigrette ou mayonnaise, un soufflé ou une meringue... Une fois que l'on a intégré quelques notions élémentaires de physique et chimie cela devient très compliqué de rater ce genre de recette... Pas plus tard qu’hier j’ai passé un potage à base de panais dans un siphon à chantilly, encore une application très simple de GM, du panais de l’eau, du sel, une cuillère d’huile d’olive, un siphon, une cartouche de gaz…la texture est modifié et le goût exalté…simplissime. Avec un blanc d'oeuf on peut monter un mètre cube de blanc en neige en y intégrant de l'eau...cela peut-être très amusant un dimanche après midi avec les enfants mais je n'ai pas encore trouvé de fouet assez grand !!! Les espumas, les nougats mous effervescents, … sont quelques exemples d'applications que j'intègre volontiers dans mes plats, non pas pour faire du 'tout moléculaire' mais pour amener une note originale, surprenante, qui conduira le ou la convive à se questionner sur son alimentation. Cuire un aliment à base température (viande ou poisson) est aussi une application de gastronomie moléculaire très intéressante (tendreté, valeur nutritionnelle, facilité…) . Nous : Pensez-vous que les additifs employés dans certains plats pourraient avoir un impact nocif sur la santé? LM : Au même titre que l'ensemble des denrées que l'on trouve sur le marché alimentaire... Hélas oui et c'est maintenant vérifié. Il est possible de trouver de la lécithine (extraite du jaune d'oeuf) sans OGM, l'agar agar et le carraghénane sont des extraits d'algues et seulement 3gr suffisent à gélifier 1litre de préparation... Malgré les études contradictoires je reste très prudent sur certains produits et dosage (ex: colorants) et je préfère ne pas les utiliser sauf pour des essais où l'aliment ne sera pas consommé (projet « eat art »).
Il faut Apprendre à comprendre. Lorsque je parle de gastronomie moléculaire à des cuisiniers et qu'ils me rétorquent ne pas désirer ajouter de produits chimiques dans leurs préparations, je me dis que l'ignorance et bien le pire des maux…Que la compréhension de certains phénomènes peut permettre de sortir un travail de meilleure qualité et plus rapidement… Que quoi qu'il arrive des portes se sont ouvertes, donnant accès à d'autres portes que les cuisiniers peuvent éventuellement pousser pour évoluer…En gardant à l'esprit que le rôle majeur d'un cuisinier c'est déjà de procurer du plaisir et le plus sainement possible. Que s'interroger c'est déjà évoluer… Il faut comprendre avant de juger.
L’azote liquide Cette technique développée par des chimistes permet de donner une meilleure texture aux glaces. On l’utilise en général jusqu’à -195,79°C. Il faut le manipuler avec de grandes précautions (gants, tablier, lunettes), car il peut provoquer de graves brûlures.
Nous : Enfin, dans quelles limites pensez-vous que la cuisine moléculaire peut améliorer la cuisine traditionnelle? LM : Si vous avez compris de quoi il en ressort, il n'y a pas de limites puisque l'idée c'est de comprendre et d'expérimenter... Elaborer des plats en y intégrant de la cuisine moléculaire permet aussi d'ouvrir des champs de créativité et c'est surtout cela qui m'intéresse... Un exemple simple, le foodpairing qui consiste à isoler les molécules odorantes des aliments et ainsi de les marier entre eux (ex: L'huître et le brie, la carotte et la violette, le concombre et l'orange amère). Les possibilités d'assemblages sont infinies. N’oubliez pas que l’introduction d’outils, méthodes et ingrédients nouveaux en cuisine domestique ou de restaurant fait partie du programme de gastronomie moléculaire, aujourd’hui grâces à certains appareils de mesure il est possible d’obtenir des cuissons idéales (thermoplongeur, thermocouple…) Et des systèmes de filtres qui facilitent l’obtention de liquide clair sans passer la fastidieuse « clarification »…
L’entonnoir automatique Il s’agit d’un ustensile permettant de mélanger plusieurs saveurs. On peut, par exemple, réaliser des huiles parfumées (champignons, basilic, coriandre, truffe…). L’entonnoir automatique fonctionne sur le même principe que l’ampoule à décanter : il en est le descendant. Il est plus perfectionné dans le sens où la décantation peut avoir lieu malgré les particules en suspension.
LES ADDITIFS ALIMENTAIRES Déjà, dès la plus haute antiquité, les Égyptiens utilisaient les additifs alimentaires pour conserver les aliments. Ainsi, on peut parler tout d’abord du sel utilisé pour la conservation de la viande et quelques années plus tard des épices et des colorants. Aujourd’hui ils sont bien sur encore utilisés, l'industrie agroalimentaire par exemple à recours à des additifs mais ils sont généralement artificiels car, ils sont moins chers.
Leurs buts : But technologique: facilite la fabrication des aliments But sanitaire: conservation des produits Les additifs alimentaires, ont à la fois un rôle de conservateur pour protéger les aliments contre les attaques des micro-organismes et freiner la détérioration. Mais aussi d’antioxydants, en protégeant les aliments du rancissement, c'est-à-dire de la dégradation des graisses. De plus ils sont un rôle d’action sur la texture (c’est le rôle des émulsifiants des gélifiants et des épaississants), et sur le goût. But organoleptique: ils maintiennent ou améliorent la texture, les couleurs, les goûts de l’aliment. But nutritionnel: ils donnent de nouvelles valeurs nutritives aux aliments.
Les trois types d’additifs alimentaires : Les additifs naturels: Ils sont issus du monde végétal, naturel ou animal. Les additifs artificiels : Ils sont crées de toutes pièces dans des laboratoires spécifiques. Les additifs synthétiques : Ils sont crée pour remplacer les additifs naturelles plus chers.
Les différentes familles : La dénomination des additifs est constitué d’une lettre indiquant d’où elle provient ( en Europe «E») suivis de 3 chiffres (100 pour les colorants, 200 pour les conservateurs, 300 pour les antioxydants ,…) Les principaux additifs sont donc : Les colorants: car des études ont montrés que la couleur des aliments influence fortement l’idée du goût que se fait le consommateur. Les conservateurs: ils s’améliorent la conservation des aliments dans lesquels ils sont ajoutés Les antioxydants: ils servent à diminuent l’oxydation pour protéger les aliments du rancissement, présent généralement dans les aliments. Les émulsifiants: ils augmentent l’onctuosité de certains produits. Les gélifiants: ils permettent de donner aux aliments la forme d’un gel Les stabilisant: ils font en sortes que les matières plastiques restent stables même lors de chaleur élevé. Les édulcorants: ils sont le même goût que le sucre, ils peuvent donc parfois le remplacer.
LA CUISINE MOLECULAIRE EST-ELLE DANGEREUSE POUR LA SANTE ?
Au cours de nos investigations culinaires, nous avons entendu parler à de nombreuses reprises d’additifs alimentaires. Cependant, toutes les sources que nous avons pu consulter jusque là sont restées assez évasives sur le sujet. La question mérite néanmoins d’être posée : Ces additifs peuvent-ils avoir des effets néfastes sur la santé ? Si ce n’était pas le cas, pensons-nous, alors pourquoi de plus en plus de grandes entreprises agroalimentaires affichent sur leurs produits « sans colorants », « sans conservateurs », etc… ? Car, si on y réfléchit, la gastronomie moléculaire emploie majoritairement des ingrédients de type additifs alimentaires (émulsifiants, gélifiants, exhausteurs de goût…) afin d’arriver à de telles prouesses techniques. Une dernière question nous contrarie, et c’est peut être la plus inquiétante : pourquoi un tel silence à ce sujet ? Nous décidons de mener notre enquête.
Les additifs sont des substances, naturelles ou artificielles, ajoutées à un aliment, de façon à modifier ses propriétés. Il en existe plusieurs grandes familles : les colorants, les conservateurs, les anti-oxydants, les agents de texture, les émulsifiants, les édulcorants, les exhausteurs de goût, les acidifiants, etc… Ils sont indispensables pour le marché agroalimentaire moderne car ils permettent le conditionnement des denrées, leur transport, mais surtout la réduction de leur coût de production. Les additifs alimentaires sont soumis à une réglementation très stricte de façon à garantir la sécurité des consommateurs. La législation est basée sur le principe de liste positive : seuls les additifs expressément autorisés peuvent être employés dans les produits alimentaires. Il existe également des règles qui définissent le type d’additif pouvant être utilisé, en quelle quantité, dans quel type de denrée et en employant quels moyens technologiques. Les additifs sont codés par la lettre E (pour Europe), suivie d’un chiffre entre 100 et 500. Les fabricants sont tenus de signaler précisément sur l’emballage des produits alimentaires tous les additifs utilisés, en indiquant leur nom, ou leur numéro E, ainsi que leur catégorie (édulcorant, acidifiant, conservateur, etc…).
Si la réglementation est si stricte, c’est parce que certaines substances peuvent se révéler dangereuses lorsqu’elles sont mal utilisées. C’est la raison pour laquelle on a fixé un taux à ne pas dépasser, la DJA (Dose Journalière Admissible). Cet indice est exprimé en mg.kg-1, avec la quantité d’additif absorbé exprimé en mg, et la masse corporelle de l’individu en kg. Chaque substance possède une DJA qui lui est propre. Celle-ci est fixée après une série de tests sur des animaux, qui permettent de déterminer la DSEIO (Dose Sans Effet Indésirable Observé), NOAEL en anglais. Ce seuil est la limite au-delà de laquelle on observe des mutations ou des disfonctionnements dans les corps étudiés. Lorsqu’on a fixé cette limite, on lui applique ensuite le plus souvent un facteur 102 (pour les substances non cancérigènes) ou 103 pour prévoir les différences de réactions à l’additif lorsqu’on extrapole de l’animal à l’homme. La DJA ainsi obtenue procure donc une grande marge de sécurité, ce qui permet de minimiser les effets de synergie, ainsi que les réactions amplifiées chez les individus allergiques, ou plus fragiles. Voici quelques exemples : Substance
Espèce
Dose
Effet
DSEIO
Indigotine
Porc
1350
Anémie
450
Rat
1000
Croissance
500
Souris
800
Anémie
600
Rat
20
Croissance
10
Carbaryl
Facteur sécurité
de DJA
100
5
Néphro Tox
Aldrine
Homme
0,12
N. Urinaire
0,06
<10
0,01
Rat
0,05
Atteinte foie
0,05
>200
0,0001
Cette étude montre bien la différence importante qu’il existe entre différentes DJA. Les effets observés sur les animaux sont parfois très graves : ils peuvent aller de conséquences négligeables jusqu’à la létalité, en passant par la chute des poils, des morts prénatales ou une immunosuppression. Ces substances peuvent s’avérer très dangereuses si elles sont mal dosées, c’est pourquoi la législation est très stricte à ce sujet. Une fois la DJA fixée, on peut l’appliquer à une certaine substance. Par exemple, celle de l’aspartame est de 40 mg.kg-1 de masse corporelle. Pour un homme de 80kg, il suffit donc de faire :
massehomme x DJA = 80 x40 = 3200mg Un homme de 80 kg peut donc absorber jusqu’à 3200mg d’aspartame par jour sans risque pour sa santé.
Après cette mise au point, nous revenons à notre sujet. En effet, les restaurants servant une cuisine dite moléculaire ont souvent recours à ces additifs. Cependant, contrairement aux firmes agro-alimentaires, ils ne sont pas tenus de donner les ingrédients employés dans leurs plats. Les recettes sont même jalousement gardées. A El Bulli, le restaurant considéré comme le meilleur du monde, certains ont essayé d’en savoir plus sur la composition des plats. La seule réponse qu’ils ont obtenue est « secret du chef ». Dans ces conditions, comment être sûr qu’on peut manger tranquillement, sans mettre sa santé en jeu ? Car, dans la mesure ou les restaurants ne révèlent pas la composition de leurs plats, aucun contrôle ne peut être effectué. Il ne reste plus qu’à faire confiance au cuisinier. Sur son site Internet, Ferran Adrià dévoile tout de même quelques unes de ces recettes, dont celle des boulettes de fèves tendres. En voici les ingrédients : Pour le mélange de Métil : -
100g d’eau 3g d’E461 (Métil)
Pour les boulettes de fèves tendres : -
65g de fèves tendres écossées et épluchées 20g de mélange d’E461 (Métil)
Le « Métil » est le nom commercial de la méthylcellulose. Il s’agit d’un gélifiant utilisé sur les aliments tièdes : il se dilue lorsque les ingrédients refroidissent. Aux Etats-Unis, on emploie cette substance dans le traitement de la constipation et des hémorroïdes, mais aussi comme lubrifiant, comme additifs au mortier ou à la colle à papier peint. En Grande-Bretagne, la méthylcellulose aide les gens à perdre du poids en leur remplissant l’estomac, car elle n’a aucune valeur nutritive. Pour la réalisation de cette recette, il faut laisser le mélange de Métil gonfler dans l’eau, avant de l’incorporer à la préparation. Si on ne respecte pas cette précaution, il gonfle dans l’estomac et provoque un effet laxatif immédiat. Enfin, on remarque que cette préparation emploie environ 1/4 d’additif pour 3/4 de produit naturel, ce qui est énorme si on prend en considération que la quantité présente dans les produits manufacturés est d’à peine un ou deux pourcents. On peut également retenir l’exemple de l’émulsifiant E473 appelé sucroester. La DJA de cette substance était de 20mg.kg-1, mais elle vient d’être récemment augmentée à 40mg.kg-1, ce qui équivaut pour une personne saine de 80 kg à une consommation pouvant aller jusqu'à 3,2g par jour. Les autorités compétentes ont toutefois précisé que dépasser le seuil des 2 grammes par jour peut provoquer chez les adultes des troubles gastro-intestinaux. Sachant cela, il parait ensuite difficile de déguster la recette d’Adrià intitulée « Air de cerise », qui en contient six grammes.
Il semblerait que ce genre d’abus soit fréquent. En février 2009, le Fat Duck, célèbre restaurant britannique servant de la cuisine moléculaire a reçu une quarantaine de plaintes pour intoxication alimentaire. Le chef, Heston Blumenthal, a été contraint de fermer son restaurant pour le soumettre à une enquête sanitaire. Après cette annonce, 400 personnes se sont manifestées comme ayant également été intoxiquées après leur passage au restaurant. Celui-ci a rouvert ses portes après une durée de quinze jours, mais le trouble demeure : la raison de l’intoxication demeure inconnue. Même si le chef prétend qu’elle était due à un virus présent sur six de ses employés, il y a de quoi rester sceptique. En effet, les 400 intoxications étaient trop étalées dans le temps pour que cette explication soit plausible. Les grands restaurants de cuisine moléculaire ne peuvent pas se sortir indemnes de telles accusations. C’est tous les chefs moléculaires qui auront été éclaboussés par cette affaire. Certains ne les prennent pas au sérieux. Joël Robuchon, grand cuisinier français, répond dans une interview que, pour lui, la cuisine moléculaire est «une parenthèse *dans l’histoire de la gastronomie+ qui ne va pas tarder à se fermer ». Cependant, il faut rester réaliste : la cuisine moléculaire ne tuera personne. L’absorption d’additifs en trop grande quantité, si elle n’est pas régulière, ne présente pas de danger majeur pour la santé. Une solution honnête serait d’« étiqueter » les plats servis. Ce serait faire preuve d’un minimum de respect envers les clients. On peut néanmoins se poser la question : vaut-il vraiment la peine d’aller au restaurant si on sait qu’on risque d’être malade le lendemain ?
LA PANOPLIE DU PETIT CUISINIER – CHIMISTE !
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LA CUISINE MOLECULAIRE ET LES CONSOMMATEURS
La cuisine moléculaire est un concept relativement récent. De par sa dimension avantgardiste, elle est parfois méconnue du grand public. Les restaurants en ont fait un produit de luxe, n’hésitant pas à faire payer le menu 300€, ce qui ne la rend pas accessible à tout le monde. Le concept est-il populaire ? Quelques chiffres pour tenter d’y voir plus clair ... 1ère question : Connaissez vous la cuisine moléculaire?
On constate que la plupart des personnes interrogées ont déjà entendu parler de ce concept. Ceux qui sont les plus informés sur le sujet sont les plus de 30 ans.
2ème question : Avez vous déjà goûté ?
Sur cet histogramme, on remarque que le pourcentage des personnes qui ont déjà goûté la cuisine moléculaire augmente en fonction de l’âge. Cependant, il reste très faible : dans toutes les catégories, la réponse qui domine est le ‘non’. Les personnes qui ont déjà entendu parler de la cuisine moléculaire ont bien souvent été informées par des émissions télévisées ou des articles dans les journaux. Cependant, la cuisine moléculaire, malgré les efforts de ses créateurs pour aller dans ce sens, n’est pas accessible au plus grand nombre. On remarque que le pourcentage de ceux qui en ont entendu parler est de 65,80%, mais que celui de ceux qui y ont goûté est de seulement 23%. On peut attribuer cette différence à la relative rareté des restaurants proposant ce type de nourriture, ou au prix des menus.
POUR EN SAVOIR PLUS …
Voici quelques livres que nos journalistes ont lus et appréciés. Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas !
Les secrets de la casserole, Hervé THIS, éditions Belin, €€
De la science aux fourneaux, Hervé This, éditions Favre
Cours de Gastronomie Moléculaire n°1, Hervé THIS, éditions Belin €€
Les dessous peu appétissants de la Cuisine Moléculaire, Jörg ZIPPRICK
La cuisine, c’est de l’amour, de l’art, de la technique, Hervé THIS et Pierre GAGNAIRE, éditions Odile Jacob
SOURCES DOCUMENTAIRES … Sites internet:
http://www.lacuisinedefabrice.fr/2009/03/09/la-cuisson-basse-temprature/ http://www.art-et-science.fr/creart/2009/gastronomiemoleculaire.htm http://www.inra.fr/la_science_et_vous/apprendre_experimenter/gastronomie_mol eculaire http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/ http://podcast.agroparistech.fr/users/gastronomiemoleculaire/ http://www.agroparistech.fr/-Theme-Gastronomie-Moleculaire-.html http://www.sur-la-toile.com/article-1790-Experience--pondre-un-%9Cuf-sanscoquille..html http://fr.wikipedia.org/wiki/Agar-agar http://www.intellego.fr/soutien-scolaire-1ere-S/aide-scolaire-Chimie/Lagelification/19806 http://fr.wikipedia.org/wiki/Azote_liquide www.sciencesetgastronomie.com http://www.pointsdactu.org/article.php3?id_article=1053 http://www.inra.fr/la_science_et_vous/apprendre_experimenter/gastronomie_moleculair e/conferences_herve_this http://www.marmiton.org/magazine/dossiers_marmiton-cuisine-moleculaire-1.cfm http://www.futura-sciences.com/fr/doc/t/chimie/d/la-gastronomie-moleculaire-ou-lagastronomie-deshabillee_367/c3/221/p1/ http://amp2005.blog.lemonde.fr/2005/03/21/2005_03_herv_this_et_la/ http://www.cuisinemoleculaire.com/index.php?option=com_content&task=view&id=13&It emid=28 http://chefsimon.com/alginate.htm http://chefsimon.com/algiperles.htm http://tpe-cuisinemoleculaire.sup.fr/ http://www.cuisine-et-molecule.fr/techniques/spherification http://www.linternaute.com/femmes/cuisine/magazine/itvw/it_this.shtml http://www.passeportsante.net http://cieh.iut.u-bordeaux1.fr/modules/coursenligne/ribera/riberarisqalim.pdf http://www.les-additifs-alimentaires.com http://www.azaquar.com/iaa/index.php?cible=la_additifs http://www.st2s-casteilla.net/spc/pole-4-des-molecules-de-la-sante/128-calcul-de-ladja.html http://www.albertyferranadria.com http://www.omnivore.fr http://faostat.fao.org/ http://www.evene.fr/celebre/biographie/herve-this-22810.php http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/pour-en-savoir-plus/cv-complet http://rms.medhyg.ch/numero-198-page-795.htm http://fr.wikipedia.org http://www.dictionnaire-environnement.com/dose_journaliere_admissible http://www.futura-sciences.com http://chefsimon.com/litterature/herve-this.html
Périodiques :
Périodique « ça m’intéresse » avril 2010, numéro 350
Science&vie junior N°252 p78 à p83
Comment ça marche ? , décembre 2010, n°6