La Libre Immo - 13 juin 2024 - Luxe : les grandes marques misent sur l'expérience shopping

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Immobilier commercial Le marché du luxe a surmonté la crise sanitaire et a retrouvé ses bons résultats de la fin de l’année 2018. Les enseignes ont pris le pli de la modernité et voient plus grand. Elles gagnent même d’autres secteurs professionnels pour offrir toujours plus d’exclusivité à leurs clients.

Luxe : les grandes marques misent sur l’expérience shopping

Analyse Frédérique Masquelier

Après plusieurs années de hausses spectaculaires, les ventes de produits de luxe (vêtements et accessoires, bijoux et montres, maroquinerie, chaussures…) sont en train de se normaliser en Europe, se limitant à des niveaux de croissance plus modestes. Un constat posé par le conseiller et consultant en immobilier commercial Cushman&Wakefield, qui vient de publier son rapport annuel sur le sujet: European Luxury Retail Report 2024. En compulsant ses tablettes, le spécialiste passe en revue les différentes capitales du luxe en Europe, se penchant sur la bonne fortune des murs de ces prestigieuses adresses à Bruxelles (lire en page 6), au même titre que Paris, Milan, Rome, Londres, Barcelone, Lisbonne, Genève ou encore Amsterdam. Mais il dégage aussi des tendances plus générales sur l’état du marché.

1 Des magasins vecteurs d’expérience

Le succès est tel que les marques investissent également d’autres espaces, quittant les cellules commerciales pour s’aventurer dans les bars, cafés et restaurants, les hôtels ou même les musées et les galeries d’art.

À l’inverse du mass-market, le luxe souffre beaucoup moins de la concurrence du commerce en ligne. Et pour cause, les marques de luxe hissent leurs magasins au rang de sanctuaires au sein desquels elles offrent une expérience shopping personnalisée à leurs clients, avec un staff aux petits soins. “Que ce soit par l’adoption de la technologie en magasin (écrans interactifs, réalité augmentée, réalité virtuelle…), la création d’espaces exclusifs et privés (lounges et suites VIP, magasins privatisés…) ou l’organisation d’expositions et d’événements, les retailers positionnent leurs magasins comme une expérience

qui stimule l’engagement envers la marque et la fidélité des clients”, commentent les auteurs du rapport de Cushman&Wakefield. Le succès est tel que les marques investissent également d’autres espaces, quittant les cellules commerciales pour s’aventurer dans les bars, cafés et restaurants, les hôtels ou même les musées et les galeries d’art. “Le magasin Dior de 10000 m² situé au 30 de l’avenue Montaigne à Paris en est un exemple, décrivent-ils. Il comprend non seulement un vaste espace commercial, le restaurant Monsieur Dior et une pâtisserie, mais aussi un atelier de haute couture et un espace pour les commandes de bijoux sur mesure.” Sans oublier la Suite Dior, un appartement privé réservé aux clients VIP. “Un séjour dans La Suite Dior donne également droit à des expériences exclusives telles que du shopping privé en dehors des heures d’ouverture ou des vernissages privés à la Galerie Dior, la galerie d’art de la maison de haute couture.”

2Rues commerçantes: les loyers ont rattrapé leur niveau de 2018

Plus que leurs homologues mass-market, les enseignes de luxe érigent l’emplacement de leurs magasins en critère absolu. En se concentrant dans des rues et des quartiers dédiés, elles créent une véritable destination shopping pour leurs clients. “C’est la raison pour laquelle les principales rues commerçantes du luxe ont été remarquablement résistantes en termes de demande et constamment limitées en termes de disponibilité, soulignent les auteurs du rapport. Cela signifie aussi que les loyers y ont connu une hausse plus forte au cours des dernières années que pour l’ensemble du commerce de détail localisé en centre-ville.” Selon les données de Cushman&Wakefield, après le passage à vide du Covid, les loyers dans les principales artères du luxe ont désormais rattrapé leur niveau de la fin de l’année 2018. C’est en 2023 que la croissance des loyers a été particulièrement forte, atteignant +3% pour le seul luxe contre +1,6% pour l’ensemble des rues commerçantes.

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Prise en occupation: la demande ne démérite pas

Pour faciliter la mise en œuvre de concepts créatifs et innovants, de nombreuses marques de luxe cherchent à augmenter la taille de leurs magasins. “Cette expansion représente un défi considérable, notamment en raison de la disponibilité limitée de l’espace dans les grandes rues de luxe très convoitées”, observe Cushman&Wakefield dans son rapport, ajoutant que sur les vingt rues européennes qui y

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Immo - Semaine du 13 au 19 Juin 2024
Cushman&Wakefield

Libre Immo - Semaine du 13 au 19 Juin 2024

sont présentées, six n’ont pas de cellules vides et quatre présentent un taux de vacance de moins de 5%. “Par conséquent, de nombreux retailers de luxe cherchent à agrandir les magasins existants dans les espaces voisins, parfois en déplaçant des marques de la même écurie vers d’autres emplacements, voire en réaffectant ou en acquérant des espaces à l’étage supérieur pour des espaces de vente ou d’expérience.”

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À la conquête de nouveaux pôles commerciaux

Cette pénurie d’espace disponible dans les localisations traditionnelles conduit les retailers à imaginer de nouveaux pôles commerciaux, soit à court terme (via des magasins pop-up, par exemple), soit de manière permanente. “Il s’agit notamment de resorts et de stations balnéaires ou de haute montagne où les marques peuvent s’implanter davantage auprès d’une clientèle établie”, remarquent les auteurs de l’étude, ajoutant que “si certains retailers choisissent de diversifier leurs implantations, c’est en partie pour séduire des clients plus jeunes et ambitieux”. Une stratégie d’autant plus déterminante que “les projections indiquent que d’ici 2030, les générations Y, Z et Alpha représenteront collectivement environ 75 à 85% des acheteurs de produits de luxe”.

5 Une brique dans le ventre des grandes enseignes de luxe

Les experts de Cushman&Wakefield se font l’écho d’une autre conséquence de la pénurie d’espace disponible dans les principales rues commerçantes: l’appétit des enseignes de luxe pour l’immobilier. Celles-ci envisagent de plus en plus l’acquisition de bâtiments plutôt que de s’en remettre à la seule location. “Ce sentiment a contribué à une tendance croissante des grandes enseignes de luxe à acquérir des immeubles commerciaux, soit pour les occuper directement, soit à titre d’investissement, notent-ils. En Europe, l’intérêt a été particulièrement vif à Paris, Londres et Milan.” Dans la capitale française, pour ne citer qu’elle, LVMH et Kering ont chacun acquis deux immeubles proches de l’avenue des Champs-Élysées, de l’avenue Montaigne et de la rue Saint-Honoré en 2023.

En Belgique, le luxe est installé à Bruxelles, mais il s’aventure depuis peu à Knokke

Chez nous, le marché du luxe est concentré dans la capitale, sur une artère bruxelloise en particulier: le boulevard de Waterloo. C’est la portion située entre le n°46 et le n°66 qui est la plus recherchée par les grandes enseignes, s’étendant du rond-point Louise à la rue de Namur. “Les cellules commerciales se trouvent pour la plupart dans des bâtiments patrimoniaux magnifiquement préservés, avec quelques développements modernes disséminés dans la partie haute du boulevard”, indique Jonathan Delguste, Partner en charge du Retail au sein de Cushman&Wakefield en Belgique, plus spécifiquement responsable de l’équipe High Street et spécialiste Luxury pour le Belux. “Cette composante patrimoniale limite la taille des cellules, mais aussi les possibilités de va-et-vient des marques.”

Surtout des locaux

En 2023, le boulevard de Waterloo a vu l’ouverture de trois magasins de luxe, dont Saint Laurent qui a inauguré son premier flagship store belge, tout comme l’enseigne américaine d’ameublement Restoration Hardware et la marque française de soins de luxe Biologic Recherche qui a fait son entrée à Bruxelles. Cartier a entrepris de gros travaux et a déménagé temporairement du n°54 au n°26.

ché bruxellois est dépourvu de dynamisme. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l’ouverture d’un nouveau point de vente dans le luxe nécessite un investissement autrement plus lourd que dans le mass-market. “Les matériaux utilisés sont plus nobles et donc plus onéreux. Il faut aussi prévoir des portes blindées et des vitrines sécurisées pour les bijouteries, par exemple”, argue le responsable de Cushman&Wakefield.

“On observe un intérêt plus important pour Knokke par rapport à Anvers. Ce faisant, les enseignes captent leur clientèle bruxelloise et anversoise quand elle est en vacances à la mer.”

“Le marché bruxellois du luxe est plus calme et plus stable que celui d’autres métropoles européennes, reconnaît Jonathan Delguste. Cela tient notamment au fait que la clientèle de ces grandes enseignes y est moins le fait de touristes que de locaux (à hauteur de 50 à 60% du chiffre d’affaires), parmi lesquels figurent en bonne place les expatriés installés dans la capitale. D’ailleurs, lors des attentats, le luxe a beaucoup moins souffert à Bruxelles qu’à Paris.” Ce qui ne veut pas dire pour autant que le mar-

À noter que la physionomie et l’attractivité du boulevard de Waterloo sont appelées à changer. “Il y a un projet de réhabilitation de la zone occupée par l’ancienne pompe à essence et une partie du parking en surface. Les travaux des impétrants auraient dû démarrer l’an dernier, souligne l’expert. Ce redéveloppement sera de nature à redorer l’image du boulevard et à le hisser dans son ensemble au rang de véritable artère du luxe.” Et d’ajouter que l’ancien BMW Brand Centre au n° 22-25 est en étude d’optimisation afin d’offrir son lot d’opportunités dans un futur proche. “Avec trois cellules vides seulement, le taux de vacance tombe à 4%”, souffle-t-il.

Anvers et Knokke

Outre Bruxelles, le luxe s’est invité à Anvers, capitale de la mode en Belgique. Et, depuis peu, il gagne aussi de plus en plus la Côte, par la porte de la commune huppée de Knokke. “On observe un intérêt plus important pour Knokke par rapport à Anvers. Ceci a été confirmé par le déménagement futur de Hermès à Knokke dans une boutique plus grande en même temps que la fermeture de sa boutique d’Anvers. Louis Vuitton compte également s’agrandir sur Knokke, acquiesce Jonathan Delguste. Ce faisant, les marques captent leur clientèle bruxelloise et anversoise quand elle est en vacances à la mer.” F.Ma.

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DÈS SEPTEMBRE 2024
INFORMATIONS
Jonathan Delguste Partner chez Cushman&Wakefield Cushman&Wakelfield
Suite de la page 4

Jean Baheux Head of Retail Belux

jean.baheux@cushwake.com

+32 478 96 08 61

Jonathan Delguste Partner jonathan.delguste@cushwake.com

+32 479 78 08 30

cushmanwakefield.be cushmanwakefield.lu

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