t r i m e st r i e l µ janvier µ février µ mars
n °88 2013
LE
I N T E R N AT I O N A L C L U B TOQUES BLANCHES
e m manuel renaut
SOMMAIRE
JOURNAL DES TOQUES BLANCHES
JOURNAL DES TOQUES BLANCHES
éDITORIAL
International Club Toque s Blanche s
L'ÉDITO D e j ean - p ierre le p eltier , p r é sident
OURS
D i r ect eu r
so
m
m
de la direction de la publication aux côtés d’une équipe de
di r ect eu r de l a p u b l i cat i o n
journalistes.
D éb o r a h Ph a m d b r h .ph m @ g m a i l .c o m
Une présentation moderne et élégante ainsi qu’une ligne
Hél è n e Cl é m e n t Pi e r r e D u m a z ea u D éb o r a h Ph a m Fa n n y Ved r e i n e Mi n h Vi Ng u y e n Co n c e pt i o n g ra p h i q u e
aire
No é m i e C éd i l l e w w w.c- d i l l e . f r
Chaud !
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LIT TLE FERNA N D
Savoir-faire
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Christophe vasseu r
Le vin
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A N TO I N E P E T RUS
PANIC ROOM
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OMNIVORE FOOD FE STIVA L
La Madeleine
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GILLE S BROC H A R D
La vie du Club
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Assembl ée g éné rale
L'atelier des Toques
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Coq au v in
Les seconds
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c H LOÉ C H A R L E S
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S eptime
Le sucre
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JA N I C E WO N G
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H A R RY ' S bar
Le ventre
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E M M A NU E L R E N AU T
Ailleurs
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Impression
P a r te n a i r e G r a ph i q u e I n t e r n at i o n a l Clu b To q u e s B l a n c h e s Sect i o n F ra n c e
4 5 r u e Sa i n t Ro ch 75001 Paris
Cocktail
Le sel
Livres
34 38
R estos de terroir Coco
Toques Blanches. Deborah Pham s’occupe depuis un semestre
Jea n - Pi e r r e Le p el t i e r
r édact eu r s
Le plat d'Emmanuel Renaut ( p.20 ) : Féra du lac Léman, Flocons de sel.
L’année 2013 promet une belle évolution pour le Journal des
éditoriale en accord avec l’esprit du club, donnent un souffle nouveau au journal. Suite à notre enquête de lecture, nous avons essayé de répondre au mieux aux attentes de notre lectorat. On y retrouvera toujours la vie du club, moins présente dans ce numéro par le manque d’activité en fin d’année. Après douze années, Pierre Dominique Cécillon s’est retiré de la présidence mais restera à nos côtés pour devenir Président d’honneur. Son attachement pour le club n’en reste pas moins intact, et je suis certain d’avoir son soutien. Mes pensées vont vers Maurice Brazier, fondateur et premier Président d’honneur du club international des Toques Blanches. Nous lui devons son rayonnement aussi bien en France qu’à l’étranger.
REMERCIEMENTS Ma t h i e u Vi l a sc o ( ph oto g r a ph e ) Ec ol e Su p é r i e u r e d e Jo u r n a l i s m e d e P a r i s
Merci à Maurice et Dominique pour avoir dirigé une équipe d’administrateurs avec brio. J’ai beaucoup d’espoir en l’avenir du club et j’espère que vous apprécierez cette nouvelle version autant que moi.
SEAN BROCK
3
CHAUD !
JOURNAL DES TOQUES BLANCHES
LA LISTE DES
ANNONCEURS P.4
P.28
T ra it eu r d e Pa r i s
a l l f r e s h logi sti q u e
GR O U PE P O PY
P.31
P.6
f e r m e d e s loge s
Po m o nA
l e j eu n e
S F P, So c i ét é f r o m agè r e d e Pa r i s
va l r ho n a
P.8
P.35
Pa not e l
HUG
G ra n d M a r n i e r
demarne
P.10
P.37
Pa i n B r i do r
ec h i r é
P.12
e xc e l fo i e gras
C e r c l e V e rt
P.39
M . R. NET
l e co q sa i nt ho n o r é
P.19 pr é s i d e nt
P.22 t e r r e et m e r
P.25
bo u c h e r i e s n ive r n a i s e s
4 ème de couver t u r e n e st l é
EN AVANT LE HOT-DOG CHEZ LIT TLE FERNAND
UNE PANIC ROOM en plein XIème arrondissement
PA R FA N N Y V E D R E I N E
PA R FA N N Y V E D R E I N E
Les garçons du Big Fernand ont remis le couvert pour une nouvelle enseigne. Après le succès de leurs burgers à la française depuis moins d’un an, c’est au hot-dog qu’ils s’attaquent cette fois. Implanté à seulement dix numéros de son grand frère Big Fernand, rue du Faubourg Poissonière, on retrouve un Little Fernand dans une ambiance de bistrot new-yorkais. Au menu, un choix de cinq différents hot-dogs aux noms farfelus composés de produits frais et régionaux ayant permis la renommée des burgers. Vous pouvez également réaliser votre propre recette dans le pain au lait pétri par un boulanger du coin, le tout pour un prix abordable.
Situé au 101 rue Amelot à Paris, le Panic Room est un bar insolite et décalé pour les amateurs de bons cocktails et de musique électro. Entre les murs bétonnés aux couleurs vives et la musique bruyante du Dj, les barmaids préparent des cocktails subtils et originaux aux noms évocateurs des plus célèbres acteurs de films X pour 12€.
c h a mpagn e jacq ua rt
Servis dans une jolie boîte de carton rouge et blanc et accompagnés de chips faites maison, on apprécie l’originalité et la saveur de ce sandwich américain avec sa saucisse de volaille, veau ou boeuf.
Racheté il y a trois mois par trois associés experts dans la nuit parisienne, cet endroit offre une programmation musicale variée et différente chaque semaine. Avec un dancefloor, un bar à shots et un fumoir au sous-sol, ce lieu atypique propose deux ambiances festives à sa clientèle. A noter, leur cocktail appelé Dirk Diggler à base de poivron rouge vraiment surprenant. Et puis avec un joli sourire au barman il est également possible d’obtenir une création spéciale d’un cocktail selon l’envie. •
Coup de coeur pour le Bzzz avec sa Fourme d’Ambert fondante et ses oignons confits. •
Little Fernand
Panic Room
45 rue du Faubourg Poissonnière 75009 Paris
101 rue Amelot 75011 Paris
Ouvert du lundi au samedi de midi à 14h30 et de 19h30 à 22h30.
Ouvert du mardi au samedi de 18h à 2h. Réservations au 01 58 30 93 43.
5
CHAUD !
CHAUD !
phoTo : DAn I EL mAh on
JOURNAL DES TOQUES BLANCHES
LE FE STIvAL OMNIvORE ROuvRE SE S CuISINE S EN MARS
FOOD-FE STIvAL DE MELBOuRNE : PLACE À 17 JOuRS DE CRéATION
PA R FA N N Y V E D R E I N E
PA R P I E R R E D uM Az E Au
Cette année à nouveau, le festival Omnivore installe son Laboratoire de la Cuisine contemporaine à la Mutualité à Paris. Du 17 au 19 mars 2013, c'est le rendez-vous à ne pas manquer pour découvrir des nouveaux talents et des saveurs d'ailleurs.
Du 1er au 17 mars prochain se tiendra à Melbourne le Food Festival, rencontre festive des saveurs et des créations. Zoom sur l'événement culinaire qui va réveiller l'Australie.
Au programme, 40 chefs cuisiniers et pâtissiers se relayent pour transmettre leur savoir-faire aux passionnés de cuisine à travers une cinquantaine de démonstrations. Une scène Salé et une scène Sucré où les chefs vont pouvoir se confronter devant les yeux des spectateurs tout au long de la journée. Pendant trois jours, de Paul Pairet, à Thierry Marx en passant par Christophe Felder et Pierre Marcolini vont pouvoir dévoiler leur nouvelles créations. De nombreux artisans et producteurs sont également attendus pour présenter leurs produits frais. •
Le Food-festival de Melbourne, c'est avant tout une série d'événements culinaires créatifs qui raviront amoureux de la gastronomie et amateurs éclairés. Au programme par exemple : relever le défi du déjeuner le plus long du monde, avec le plus de convives, mais aussi des ateliers culinaires autour de thématiques variées. Il y aura également des masterclass, animées par des chefs du monde entier, comme Bertrand Grebaut, Sean Brock ou encore Magnus Nilsson. Un événement complet qui allie culture de la nourriture et préparations techniques au cœur d'une des plus grandes villes d'Australie. •
FESTIVAL OMNIVORE
FOOD FESTIVAL MELBOURNE
Plus d'informations et réservations sur : www.omnivore.fr
Plus d'informations sur : www.melbournefoodandwine.com.au
GRAND MARNIER & TONIC RENCONTRE INÉDITE À L’APÉRITIF grand-marnier.com Grand Marnier® est à Paris depuis 1900 Grand Marnier® est une marque déposée de la Société des Produits Marnier-Lapostolle. L’ A B U S D ’ A L C O O L E S T D A N G E R E U X P O U R L A S A N T É . À C O N S O M M E R A V E C M O D É R AT I O N .
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LA MADELEINE
JOURNAL DES TOQUES BLANCHES
L E
G Â T E A U
B A S Q U E
DE GILLE S BROCHARD PA R Rd Dé E borah BO R A H P AM PA pH ha m
Alors que Gilles Brochard, spécialiste du thé et critique gastronomique, m’offre une dégustation de Oolong fraîchement rapportée de Taïwan, nous évoquons sa madeleine de Proust...
L’oncle de Gilles tenait un restaurant dans le Pays Basque, La Ferme d’Arbonne, « Mon oncle Caude W. Jullien avait reçu la Duchesse de Windsor, Maria Pacôme, … » Chaque été, il partait chez ses cousins avec son frère jumeau Dominique, « une à deux fois par semaine, on se rendait au Moulin de Bassilour pour acheter un gâteau basque ». Ce gâteau typique du Pays Basque existe dans une version traditionnelle aux cerises noires d’Itxassou et on le retrouve aussi dans une version à la crème pâtissière et aux amandes, quand le temps des cerises est passé. « Au fur et à mesure, on s’est mis à trouver des gâteaux basques au caramel ou encore au chocolat... », le message est clair, ces versions ne sont que pâles copies. Pour lui, ce gâteau représente l’enfance « rien qu’en en parlant, j’ai les saveurs de la croûte un peu dure et du centre un peu mou... Ma tante aussi faisait ce gâteau parfois, Dominique et moi aimions la croûte sur le côté ». Lorsque je demande à Gilles s’il a déjà essayé de faire ce gâteau chez lui, il m’explique que ça ne lui viendrait même pas à l’idée. Pour lui, c’est un gâteau de pâtisserie. Il l’attendait avec impatience chaque été « je n’ai jamais goûté meilleur que ça, c’est l’enfance », c’est un gâteau généreux qui se mange en famille « on pouvait l’acheter en version individuelle mais mon oncle prenait toujours un gâteau entier, et il en offrait des parts à ses clients ». Des années plus tard, le gâteau basque de la célèbre boulangerie-pâtisserie reste sa référence : « Avec mon frère, on comparait chaque gâteau basque à celui du Moulin de Bassilour, c’était notre étalon ». •
GUIDE SECRET DES TABLES POLITIQUES Editions Verlhac | 12,50 €
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LA VIE DU CLUB
JOURNAL DES TOQUES BLANCHES
JOURNAL DES TOQUES BLANCHES
LA VIE DU CLUB
A ssemblée générale des
toques blanches internationales à l ' hotel renaissance
un dernier hommage à
JEAN R O U G Ié
Le samedi 19 janvier a eu lieu à l'Hôtel Renaissance l'assemblée générale des Toques Blanches Internationales. Après 12 années de présidence, Pierre Dominique Cécillon, ancien chef de cuisine de l’hôtel Prince de Galles, a présenté, dans la plus vive émotion, son souhait de ne pas se représenter à la wprésidence du club.
Le conseil d’administration Pr é s i d e n t
Jean-Pi erre Lepel ti er Le rapport financier de notre trésorier sortant, Michel Bazin, clôture l’année avec un excédant de 2500, dû à une gestion claire et rigoureuse… Le rapport moral nous rappelle les nombreuses animations qui ont jalonné l’année : Trophée de Golf, Trophée de Karting, Atelier aïoli à Marseille, la Fête de l’olive au Cannet Rocheville, Journées gourmandes de Villeneuve de Loubet, Congrès PACA, 11 Ateliers d’innovation, 6 Ateliers de Tradition, Voyage à l’Ile Maurice avec les Toques Blanches de l’ile, soit 24 rencontres en douze mois, le calcul est simple !
ARCHI VES SéVE RINE LA MARQ UE
DÉBORAH LEPELTIER PHAM PAR PAR JEAN-PIERRE
Jean Rougié, entouré du chef Michel Trama et du maire de Sarlat Jean-Jacques de Peretti, lors du 1er Trophée Jean-Rougié en 2010, destiné aux apprentis cuisiniers.
Jean Rougié, un des fondateurs de l’InternationalClub-Toques-Blanches, vient de nous quitter à 89ans à la suite d’une longue maladie. Jean Rougié fut le grand ambassadeur du foie gras, gastronome hémérite, il a beaucoup contribué au développement le club à travers le monde. Le Présisident, le bureau et l’ensemble du club présentent leurs sincère condoléance à la famille. •
V i c e Pr é s i d e n t e n c h arge d e s pa rt e n a i r e s e t d e s r ég i o n s
Mi chel Bazin V i c e Pr é s i d e n t e n c h arge d e s pa rt e n a i r e s
Eri c Sanchez Lors du vote, tous les anciens administrateurs se représentant ont été reconduits. Jean-Pierre Lepeltier a été élu Président. Les trois démissionnaires : Pascal Ackerman, Pascal Bataillé et François Massaloux sont remplacés par : David Crenn, Fabrice Dubos et Yannick Jaouen.
Trésorier
Pi erre D omini qu e Cécill on S ec r é ta i r e
Dans la constitution du nouveau bureau, l’accent est donné sur la relation avec nos partenaires, deux vices présidents ont cette mission en particulier, Michel Bazin et Eric Sanchez. •
Jean-Yves Gui on Adm i n i st rat eu r e n c h arge des Boursiers
Yanni ck Ja ou en Adm i n i st rat eu r s
Bruno Bonnell es Jean-Pi erre Ca ssa gne Méhdi Cor thi er D avi d Crenn Mi chel D essesser t Ja cqu es D ol ci Fabri ce Dubos Ja cki e Mar tin Pa tri ck Morin Guy Vénu to
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JOURNAL DES TOQUES BLANCHES
L ' AT E L I E R D E S T O Q U E S
A T E L I E R
COQ AU VIN PA R R M Minh PA I N H vi V I nguyen n g u yen
Depuis deux ans c’est une formule qui fait ses preuves. L’atelier du savoir s’emploie à nous faire découvrir des recettes typiques de nos terroirs. Après les Terrines, le Koulibiac de saumon, les Coquilles St Jacques ou encore l’Aïoli, c’est au tour du Coq au vin rouge et du Coq au vin blanc de passer par les mains expertes des chefs de l’Atelier des Toques. Pour cette nouvelle édition de l’Atelier du Savoir des Toques Blanches, les chefs ont donc à nouveau préparé une recette typique ce jeudi 6 décembre, dans les cuisines du Lycée Hôtelier Belliard à Paris. Les chefs de l’atelier Jean-Yves Guion, Jackie Martin, Jean-Pierre Chapron, Serge Uriot, Serge Planet ainsi que Pierrick Thomas, délégué de la région Paca, ( spécialement venu de Cannes pour l’occasion ) ont accueilli en fin d’après-midi les cuisiniers qui s’étaient inscrits à ce huitième atelier traditionnel. Une trentaine d’élèves du GRETA des métiers de l’hôtellerie, de la mairie de Paris et bien sûr du Lycée Hôtelier Belliard ont participé activement à l’élaboration des recettes. Les coqs marinaient depuis la veille, après avoir été découpés. D’un côté il y avait la recette faite avec un vin rouge des Côtes du Rhône et de l’autre avec un vin blanc Alsacien le Riesling . Petits oignons, champignons boutons, carottes, laurier, thym, ail, c’est toute la saveur de la cuisine que faisaient nos grandmères que l’on retrouve dans les ingrédients. Le petit plus de nos chefs pour le coq au vin rouge est apporté par l’ajout d’une touche de sirop de cassis afin de donner encore plus de goût et de brillance à la préparation. Les coqs ont ainsi été mijotés pendant 3 heures à feu très doux. La cuisson se devait d’être à peine frémissante, sous peine de perdre son parfum. Une demi-heure avant la fin, les viandes ont été décantées afin de réduire et lier la sauce.
Enfin pour la dégustation, des petits cœurs en pain de mie ont été joliment découpés et frits par les chefs et les élèves pour accompagner le plat. Comme d’habitude l’atelier s’est déroulé dans une ambiance très chaleureuse, bien que professionnelle. Les plats préparés ont été à la hauteur des fumets que l’on pouvait sentir durant la cuisson, délicieux. •
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S AV O I R - F A I R E
JOURNAL DES TOQUES BLANCHES
JOURNAL DES TOQUES BLANCHES
S AV O I R - F A I R E
christophe vasseur le
m eilleur
p ain
au
m onde ?
PAR débo rah pham
C’est dans le Xe arrondissement de Paris que l’on peut trouver l’une des boulangeries les plus courues de la capitale. Chaque vendredi, avant que l’équipe prenne un repos bien mérité, c’est la ruée : les parisiens sont prêts à traverser la ville pour déguster le Pain des Amis.
Depuis quelques années, Christophe Vasseur, 45 ans, est devenu l’ambassadeur du bon pain à la française. Que ce soit en France ou au Japon, il profite d’une renommée grâce à son savoir-faire presque oublié. Le métier de boulanger est difficile, et pourtant il attire de plus en plus de monde « Il y a énormément de gens en reconversion professionnelle qui veulent le faire et j’essaie autant que possible de les mettre en garde. » Ce métier plait car c’est le travail manuel par excellence, il y a quelque chose d’infiniment chaleureux et poétique dans l’idée de faire du pain. « C’est un peu comme dans la femme du boulanger, on se dit que c’est fabuleux mais c’est surtout physique et très technique... Sur toutes les personnes qui me contactent, je pense que 90% d’entre eux ne se sentent pas prêts à exercer ce métier… Ils ont un manque de conviction, ils ne savent pas réellement quoi faire mais ils savent qu’ils veulent changer de vie. » En revanche, Christophe a toujours voulu devenir boulanger, depuis sa plus tendre enfance. Ses parents lui conseillent de faire des études d’abord et de voir ensuite. Il s’embarque pour deux années de prépa, suivies de trois années en école de commerce. « On nous fait croire qu’on est l’avenir et on finit par oublier l’essentiel. Le bonheur c’est pas de faire du fric. » 14
Christophe se lance finalement dans la boulange. Il passe son CAP en candidat libre, l’obtient ras les pâquerettes puis suit trois mois de formation. « A l’époque, je manquais de bouteille, il m’a fallu quatre ans pour obtenir ce niveau d’excellence. Par exemple, je ne poussais pas autant mes cuissons. J’étais aussi en quête de matières premières nobles avec plus de goût comme le lait Gaborit. Ce lait, on dirait de la crème, il a une palette aromatique fabuleuse. » À la boulangerie, Christophe utilise largement plus de 30% de bio mais il s’en fiche un peu, ce qui lui tient a cœur est de proposer un produit de qualité savoureux. Chez lui, il n’y a aucune boîte de conserve « on veut du goût. » Père d’une petite fille de 3 ans et d’un garçon de 7 ans, il raconte que sa plus belle récompense, c’est qu’un jour, sur la route des vacances il leur achète des petits pots « mais attention hein, le petit pot super top ! » Les enfants recrachent tout. L’an dernier, son garçon s’est retrouvé à un goûter d’anniversaire. Alors que la maman présente fièrement son fraisier, le gamin lui explique qu’il n’en veut pas, car c’est pas la saison. Et toc. Du savoir-faire et énormément de sentiments, c’est ce que l’on peut ressentir lorsqu’on apprend à connaître Chris-
Christophe Vasseur dans sa boulangerie.
tophe. Il a le souci du travail bien fait, du goût. « En cuisine, quand les gens sont bons, tu le vois dans l’assiette, eh bien je crois que dans mon métier c’est pareil. Dans notre activité professionnelle, on met plus que des idées, on y met aussi de l’amour, on donne des émotions. » Pour certains, goûter ce pain s’apparente à un retour dans le passé, les saveurs si particulières, la croûte du pain au goût délicatement fumé les ramènent à des souvenirs enfouis au plus profond de leur mémoire.
m’embrasse et commence a me raconter son histoire avec des trémolos dans la voix. Il me dit qu’il est petit fils de boulanger, qu’il se souvient de tout mais que le pain, il l’avait perdu. Son épouse était venue acheter le pain des amis et avait laissé le paquet sur la table. Le pépé me dit « heureusement que j’étais assis, c’est comme si j’y étais ». Dans une époque comme la notre, les gens sont sensibles à ça, a l’humain. C’est comme ça qu’on peut choisir de donner du sens a sa vie, et même si ça ne plait pas a tout le monde, on s’en fout. »
« Mes plus beaux moments restent quand je touche le cœur des gens. Il y a cinq ans, un homme qui devait avoir 80 balais bien tapés vient me voir à la boulangerie, il
La chose frappante dans l’équipe, c’est que la plupart sont japonaises. En effet, Christophe m’explique que le Japon a commencé à s’intéresser à la pâtisserie
il y a vingt ans et au pain il y a de ça une dizaine d’années. Parce qu’ils aiment l’authenticité du produit, voilà comment le boulanger s’est fait connaître jusqu’au pays du soleil levant. Les japonaises sont venues à lui afin d’acquérir son savoirfaire. Il les forme de A a Z. Lui-même n’a suivi que son instinct « C’est peut être une chance de ne pas avoir fait d’école, ça donne quelque chose de singulier et c’est ça l’artisanat. » En ce qui concerne les écoles, Christophe regrette que l’on n’apprenne plus à faire du vrai pain dans la plupart des centres d’apprentissage. De même, les croissants ont été retirés du programme à l’éducation nationale : « la profession de tourier, ça fait 20 ans qu’elle n’existe plus. Ils parlent de le remettre mais on n’en est qu’au balbutiement. » Il reste énormément de choses à repenser dans la profession, pour que ce métier reste attractif pour les jeunes et que le savoir-faire ne se perde pas. On peut compter sur Christophe Vasseur qui partage avec passion ses idées et son talent de boulanger. •
Du Pain et des Idées 34 rue Yves Toudic 75010 Paris. Ouvert du lundi au vendredi de 6h45 à 20h sans interruption.
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LES SECONDS
JOURNAL DES TOQUES BLANCHES
JOURNAL DES TOQUES BLANCHES
LES SECONDS
chloé charles, 2 6
A N S ,
S E P T I M E .
PAR débo rah pham
La salle.
Il est 15 heures passées à la fin de notre déjeuner chez Septime. Avec Chloé, la seconde du chef Bertrand Grébaut, on s’installe à une table en bois, échangeons quelques mots sur le menu du jour. L’occasion de lui dire que c’était assez insolite pour nous de goûter à de l’aile de raie. Elle nous confie que c’était la première fois qu’elle en cuisinait. Chloé occupe le poste de seconde chez Septime depuis l’été 2012. A seulement 26 ans, les gens du métier disent d’elle qu’elle dépote. Professionnelle et passionnée, elle nous en dit davantage sur son parcours culinaire.
Qu’as tu fait après tes études ? Tu t’es tout de suite mise au travail ? Presque, mais j’avais d’abord besoin de voyager et de voir autre chose. Je suis partie un mois et demi en Australie. J’ai envoyé une carte postale à l’Ecole Ferrandi pour leur dire que je cherchais du boulot. Il y avait vraiment une bonne cohésion dans cette école, surtout que je venais d’une bonne promo avec une bonne ambiance. En gros des bons déconneurs mais surtout de bon bosseurs ! Bertrand Grébaut m’a envoyé un mail pour un poste de chef de partie à l’Agapé, à l’époque il était encore chef mais il n’est pas resté longtemps. Quant à moi, j’y suis restée un an et huit mois et j’ai connu trois chefs différents en l’espace d’un an. Après ça je suis repartie en voyage pendant trois mois en Asie. J’y ai vu des trucs incroyables niveau bouffe. En rentrant j’ai cherché du boulot... Je suis passée à l’Agapé Substance, ils avaient besoin d’une extra en salle puis finalement David Toutain m’a proposé un poste de chef de partie. Je voulais apprendre la rigueur, c’était ce qu’il me fallait. J’ai fait deux jours d’essai, le chef m’a dit «tu prends toutes les langues d’oursins et puisque c’est pas très beau, tu les mixes avec de la banane». Je me suis dit que ce mec était génial et que je voulais bosser avec lui. J’ai tellement appris, ça a été une expérience très formatrice, j’y suis restée pendant près de dix mois.
Chloé, peux-tu nous dire quelques mots sur ton parcours ? Après un Bac Littéraire j’ai fait un CAP cuisine à Ferrandi. J’avais 6 mois d’école et 6 mois de stage. A l’école j’avais une semaine de cuisine et une semaine de théorie avec des exercices intéressants qui ont le mérite de nous mettre dans le bain. Par exemple, on doit monter son resto de A à Z, on fait tout, tout seul. J'ai fait mon apprentissage à l'Épi Dupin, où l'on m'a inculqué des bases solides en me laissant gérer la mise en place commune et le service pâtisserie après seulement 5 mois d'apprentissage !
Et c’est après l’Agapé Substance que tu es arrivée chez Septime ?
Où as-tu fait tes stages ? J’ai passé 6 mois à m'occuper du poisson chez Lassere. On était quatre à passer nos journées ensemble, il y avait une bonne ambiance. J’ai acquis une vitesse et une précision qui ne viennent qu’à force de pratiquer. J’ai fait mon deuxième stage à l’Astrance. J’étais d’abord au garde-manger puis rapidement aux légumes, pendant quatre mois. Je trouve que ça nous ouvre à la créativité, et on devient vite très autonomes. J’ai fait trois mois chez Pic à Valence. C’était vraiment une autre ambiance qui me correspond moins, c’est une grosse machine, une grosse brigade avec des cuissons millimétrées. Je n’étais pas là pour inventer mais pour exécuter. J’ai vraiment besoin de me sentir bien dans une 16
Chloé chez Septime.
maison et dans ce cas j’étais beaucoup trop loin de chez moi. Après ça je me suis retrouvée au Versance pour un tout autre boulot. J’étais responsable du garde-manger et de la pâtisserie. Ce travail m’a appris à m’organiser et surtout à déléguer, chose qui n’était pas évidente au début. Je m’y sentais bien et j’aurais bien aimé rester mais j’ai vite compris que le second n’était pas prêt de partir !
Oui, je suis arrivée chez Septime fin juillet 2012. C’est mon premier poste de seconde, au début c’était pas facile, je découvrais un nouveau poste avec beaucoup de logistique. Il me faut organiser le travail en fonction du caractère de chacun. Finalement je fais le relais entre le chef et les autres, ou alors je vais apporter un peu d’organisation en leur demandant de faire une chose avant une autre. Je sais que ce job va beaucoup m’apporter, toutes ces expériences qu’on a, c’est pour se former pour la suite et moi mon but, c’est d’avoir mon resto. Chez Septime on profite de l'avantage des cuisines ouvertes, les gens viennent nous remercier directement s'ils le veulent.
Ce n'est pas uniquement le retour des serveurs. Ca fait du bien de savoir que les gens ont passé un bon moment, c'est quand même pour ça qu'on bosse autant!
Qu'en est-il de ta relation avec le chef, Bertrand Grébaut ? Avec Bertrand on n'a pas qu’une relation strictement hiérarchique. Je pense que c'est indispensable, on doit pouvoir se dire autre chose que « tu penses qu'il faut plus de sel dans la purée? »... Ce que j'aime aussi, c'est que Bertrand me laisse créer. Quand j'ai une idée de base mais qu'il manque le « twist » comme il dit, il apporte un regard tout neuf sur le menu. Il trouve l'idée top qu'il faut sur le plat en 20 secondes, alors que ça fait 20 min que je planche dessus ! C'est un vrai travail de binôme, comme le tandem cuisson/garniture.
Comment est-ce que tu décrirais la cuisine de Septime ? C’est une cuisine d’instinct, aucun des plats n’est goûté au préalable. On change les menus très souvent, on en parle avec le chef après le service du soir. Chacun peut proposer des idées et si ça plait, on se lance.
Tu as toujours voulu faire de la cuisine ? Disons que j’ai toujours aimé ça oui, depuis toute petite. Je viens d’une famille de gourmands. C’est qu’en 3ème que je me suis rendue compte que c’était un vrai métier, pas juste un hobbie que je pouvais pratiquer avec ma grand-mère. J’ai une copine qui s’est lancée là dedans, en apprentissage. Je voulais en faire de-même mais mes parents ont préféré que je passe mon bac d’abord. J’ai passé un bac L et je suivais des cours de cuisine aux Halles après les cours. On avait des cours avec des thèmes et des niveaux différents. J’ai passé des après-midis entiers à faire des macarons. Je mettais mes macarons tout moches dans de belles boîtes Pierre Hermé, et tout ça au lieu de réviser mon bac. Si bien qu’à l’époque ma mère me privait de cuisine pour me forcer à bosser ! •
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LE VENTRE
JOURNAL DES TOQUES BLANCHES
septim e ,
LA SAUCE C’EST VOUS, L’ONCTUOSITÉ C’EST PRÉSIDENT PROFESSIONNEL
tour d'horizon d'un menu
Courge, Boudin basque et Cerfeuil.
Chevreuil, Estragon et Olive de Kalamata.
Une tenue onctueuse pour toutes vos émulsions et vos sauces Ne tranche pas au déglaçage Une saveur unique qui donne du goût à toutes vos préparations
Dinde rouge fermière, lentilles blondes,
Aile de raie, échalote, jus corsé.
Fromages affinés.
Poire, Coing et Aspérule.
SEPTIME 80, rue de Charonne 75011 Paris Réservation : 01.43.67.38.29
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Crédit photo : Thierry Leroy.
carotte.
LE SEL
JOURNAL DES TOQUES BLANCHES
JOURNAL DES TOQUES BLANCHES
EMMANUEL RENAUT, L a
t ê te
dans
les
é toiles
PAR débo rah pham
Perché à 1300 mètres d’altitude, Emmanuel Renaut passait un été radieux dans son pays megevois, quelques mois seulement après avoir obtenu sa troisième étoile. A 44 ans, il est le seul chef français a avoir reçu cette distinction cette année. Flocons de sel, son restaurant situé sur les hauteurs de la ville, ne désemplit pas.
A Megève, tout le monde l’appelle Manu, même ceux qui ne le connaissent pas. Très vite, ils l’ont adopté, Emmanuel est devenu un enfant du pays. A l’annonce de sa troisième étoile, une bannière à l’entrée de la ville félicitait Emmanuel Renaut, fier représentant d’une cuisine des montagnes. Au premier abord, il faut bien admettre qu’on ne sait pas bien sur quel pied danser avec le chef, on n’ose à peine le déranger. « Alors on fait quoi nous ? », demande t-il lors de notre arrivée en cuisine. Nous avions prévu une interview, mais le chef en décide autrement et nous ne quitterons ce havre de paix que le lendemain matin. Né à Soisy-sous-Montmorency, Emmanuel Renaut a grandi dans le département de l’Aisne. Il explique que la montagne, c’était une passion « mes parents nous emmenaient faire du ski pendant les vacances ». Il a d’ailleurs fait son service militaire en tant que chasseur alpin. Plus jeune, Emmanuel pensait plus à faire de la moto que de la cuisine, puis il a fallu se reprendre en main. Il arrive à Paris, commence sa carrière au Lotti, puis entre au Crillon comme commis. Il passe un an avec l’équipe de Christian Constant. C’est là que la passion se réveille. Alors qu’avant la cuisine était avant tout un métier, Emmanuel Renaut se prend au jeu « Je n’étais pas forcément passionné de cuisine au départ. 20
arrive en 2001, la seconde en 2007. « Ce que j’ai pu observer, c’est que ma cuisine a évolué, je connais mieux les gens, je connais mieux les produits et surtout les producteurs ». En effet, les producteurs ont une place de choix puisque leurs noms sont affichés sur votre table aux Flocons de sel. Prenons Eric Jacquier, par exemple, qui n’y est pas allé par quatre chemins avec le chef « Si vous voulez mon poisson, il faut venir pêcher avec moi », voilà comment les deux amis se rencontrèrent. En 2004, Emmanuel devient Meilleur Ouvrier de France. En 2008, Flocons de sel déménage sur les hauteurs de la ville. L’endroit est devenu somptueux, en harmonie avec la nature « Avec mon épouse, nous avons choisi des matériaux bruts, simples. On ne voulait surtout pas suivre de modes, cet endroit devait être intemporel. On ne cherchait pas à trouver une déco qui fasse plaisir au client, on voulait créer un endroit où l’on voudrait vivre ». Le chef décide de m’emmener voir Flocons village, son bistrot en centreville ( anciennement Flocons de sel ), nous fonçons à vive allure sur la route du Leutaz en lacets qui mène à Megève. Emmanuel connaît tout le monde, les coups de klaxons fusent et le chef prend des réservations à la volée pour les copains. Au bistrot, j’en profite pour jeter un oeil à la carte, le menu est alléchant et les plats de région. On peut y déguster un risotto au fromage de montagne et champignons, ou encore une fine tarte au reblochon et au lard.
Noix de ris de veau dorée, Rue et citron, échalote rhubarbe, boutons de ciboulette comme un câpre.
Ce n’est pas en lisant des livres qu’on sait tout. Dans ce domaine il n’y a pas de parcours-type, et les rencontres nous permettent d’avancer. En tout cas la personne qui travaille doit se donner ». La curiosité pousse le chef à s’intéresser à tout, même à la pâtisserie « les techniques de pâtisserie apportent des choses à la cuisine, et vice versa ». Au Crillon, il explique qu’il n’y avait pas de fiches techniques «Il faut regarder par dessus l’épaule, presque voler les recettes !». Avec le temps, le chef s’ennuie à Paris, il souhaite retrouver ses montagnes afin de poursuivre ses deux passions. Il est engagé en tant que commis chez Marc Veyrat, et gravit doucement les échelons.
« Après ça j’ai fait une petite pause et je suis parti chez Yves Thuriès au Grand Ecuyer en 1992, où j’ai fait un peu de pâtisserie ». Marc Veyrat le rappelle et lui propose un poste de chef. Les deux hommes se donnent pour mission d’obtenir la troisième étoile ensemble. Deux ans plus tard, c’est chose faite. Emmanuel décide de voler de ses propres ailes. On lui propose le poste de chef au Claridge, à Londres. C’est là qu’il rencontre Kristine, sa future femme. En décembre 1997, ils partent tous les deux pour Megève où Emmanuel ouvre Flocons de sel dans une ancienne pizzeria, en plein centre-ville. La première étoile
Le service reprend au Flocons de sel. Face à la cuisine un écran de télévision restitue le service en salle, cela permet au chef de garder un oeil sur les tables et d’envoyer les plats à l’instant T. J’ai la chance d’occuper la « table du chef » au coeur de la cuisine me permettant d’observer le ballet de sa brigade. Un cuisinier me souffle que Masterchef reprend ce soir, et que l’ensemble de la brigade essaiera de regarder un peu ce qui s’y passe « parfois on abandonne un instant la salle pour jeter un oeil au score du match de foot, ou comme cet été pendant les JO ». Nicolas Thurin, chef pâtissier compose les « Flocons de sucre » au gré des saisons. A la carte, on rencontre La me-
LE SEL
Amuses bouche.
Biscuit de brochet du Léman, bouillon d'oignon et champignons.
ringue, lait d’alpage glacé et compote de rhubarbe, ou encore La tarte chaude au chocolat fumé, glace au bois et fine meringue, deux desserts exceptionnels... Ce qui est certain, c’est qu’Emmanuel Renaut nous offre une cuisine haute en couleurs, subtile et harmonieuse. Un vrai bol d’air frais à déguster sur les hauteurs, en observant les paysages verdoyants qui s’offrent à nous, un verre de chartreuse à la main. Sacré meilleur chef de l’année 2012, Emmanuel Renaut a aussi entraîné Thibaut Ruggeri - grand vainqueur du Bocuse d’or - dans les cuisines de Flocons de sel, aux côtés de Régis Marcon. •
Flocons de Sel 1775 Route du Leutaz, 74120 Megève Réservation : 04.50.21.49.99
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AILLEURS
JOURNAL DES TOQUES BLANCHES
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C’est en Caroline du Sud que nous avons fait la rencontre de l’un des espoirs de la cuisine américaine. après avoir posé ses valises à Charleston, le chef s’est donné pour mission d’offrir la cuisine la plus naturelle et savoureuse possible. Rencontre. L’histoire raconte qu’un jour Sean Brock s’est retrouvé face à cette maison étonnamment typique de la région, et qu’il pensa « c’est ici que l’on mangera le meilleur hamburger de la ville. » Ce que l’histoire ne nous dis pas, en revanche, c’est qu’il avait à la main un verre de son bourbon favori. Husk est né de l’envie d’offrir une cuisine exclusivement locale et faite maison. Si ça ne vient pas de la région, cela ne passe pas les portes de sa cuisine. La frontière fictive qu’a dessinée Sean tout autour de son restaurant témoigne de la richesse des produits de sa région. Non content d’avoir trouvé une huile d’olive au Texas, le chef s’est mis à planter des oliviers dans l’arrière-cour du restaurant « si ça marche, on en plantera davantage ! » Le toit de son second restaurant, Mc Crady’s, sert déjà de petit jardin. On y trouve des fleurs comestibles, des herbes aromatiques ou encore du pourpier… La fraîcheur des produits étant primordiale, la carte change au moins deux fois par jour. J’ai eu la chance de déguster des plats à la fois traditionnels et très modernes. Nous avons commencé par des crostinis grillés avec du « pimento cheese » ( une spécialité du sud des Etats-Unis ), le tout surplombé de jambon de pays… Nous poursuivons avec le mets le plus surprenant que nous avons goûté lors de ce séjour américain : des oreilles de porc fumées, des cacahouètes, le tout servi dans un wrap de laitue. Une petite bombe de saveurs. Nous poursuivons avec un cheeseburger, accompagné de ses traditionnelles frites maison. 23
ailleurs
JOURNAL DES TOQUES BLANCHES
Voilà ce qu’on attend d’un vrai burger américain. S’il vous reste une place, n’hésitez pas à goûter le traditionnel brownie. Un serveur viendra vous verser une sauce au chocolat au dernier moment pour rendre ce dessert encore plus gourmand…
L’art de l’essentiel
Dans son second restaurant Mc Craddy’s, Sean Brock propose une cuisine résolument moderne en faisant la part belle aux produits de la ferme et aux producteurs, qui disposent d’une place centrale dans le menu.
Pour vous, Sean a accepté de répondre a une poignée de questions, en direct de son bar adjacent au restaurant Husk. Quand avez-vous fais vos débuts dans le monde de la cuisine ? J’ai commencé très tôt vers 5-6 ans, en donnant des coups de main à ma mère qui cuisine beaucoup. Je viens d’une petite ville de Virginie où il n’y a pas de restaurants donc tout le monde fait à manger. Dès que j’ai terminé le lycée, j’ai commencé une école de cuisine à Charleston. Depuis tout petit, je savais que j’y consacrerai ma vie et je n’ai jamais voulu faire autre chose qu’être cuisinier, la gastronomie c’est quelque chose qui rassemble les gens, peu importe l’âge, le sexe etc. On peut rappeler des souvenirs en faisant goûter un plat, voire même en créer de nouveaux !
Deux restaurants, un bar, est-ce que vous décrochez un peu quand vous rentrez chez vous ? Non pas du tout ! J’y pense tout le temps. Pour moi, cuisiner c’est comme une thérapie, je trouve ça relaxant de préparer mes légumes, même peler des carottes. Toucher des bons produits et respecter l’ingrédient dans le but de créer un plat intéressant, c’est un plaisir ! C’est ce qu’on essaye de transmettre au restaurant aussi : donner du temps au produit afin de créer notre idée de la perfection. Je passe plus de temps dans mon jardin maintenant, créer mon propre potager m’a fait prendre conscience que je passais trop de temps en cuisine, récolter est une étape importante dans le processus.
Assiette de légumes, riz et buttermilk.
Et pourquoi ce tatouage ? Ah oui, alors en fait j’ai grandi dans un jardin où j’adorais passer du temps avec ma grand-mère, ce tatouage me rappelle constamment d’où je viens et l’importance de la nature qui est une collection quotidienne d’ingrédients.
Comment s’est passé votre séjour à Paris lors du festival Omnivore ? J’y étais une petite semaine et c’était la première fois. J’aime Paris, son architecture et qu’on puisse manger n’importe où et n’importe quand. J’ai l’impression que les français prennent plus leur temps au restaurant, ils se font plaisir, c’est l’ambiance que j’essaye de recréer dans mes restaurants. •
Et quel est ton plat comfort food préféré ? Probablement des ramen… Ou alors un vrai cheeseburger… Mais avec du mauvais fromage américain seulement. Et jamais dans un fast-food !
Husk 76 Queen Street Charleston, SC 29401, Etats-Unis
Mc Craddy’s 2 Unity Alley, Charleston, SC 29401, Etats-Unis
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le vin
JOURNAL DES TOQUES BLANCHES
JOURNAL DES TOQUES BLANCHES
le vin
Antoine petrus, un
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entre
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PAR umazent eau PAR pierre Hé lè nedClém
Souvent présenté comme le jeune prodige de la sommellerie française, Antoine Petrus a été propulsé directeur de salle du restaurant Lasserre il y a deux ans. Après une formation en sommellerie et un passage chez Bocuse, El Bulli ou encore le Crillon, il collabore aux guides de vin les plus prestigieux. Après la célèbre anecdote de sa rencontre primordiale avec Olivier Poussier au Salon des Vins de Loire, de ses amitiés avec les vignerons, jusqu’à son titre de MOF, Antoine Pétrus a bien voulu livrer les faits marquants de cette fulgurante ascension.
« Le Patron » « Il est là. » Antoine Pétrus, raconte, encore impressionné, son premier dîner à Lyon chez Paul Bocuse. « Il est là » murmurèrent les deux jeunes amis à table, en apercevant le grand Paul à l’entrée de la salle à manger. Lorsque quelques mois plus tard, Antoine rentre dans la brigade du grand chef, ne serait-ce que comme stagiaire, l’émotion est immense. « ça a changé ma vie professionnelle. Ce fut la plus dure et la plus belle des écoles : quatre mois fabuleux » raconte-t-il. Entouré de cinq Meilleurs Ouvriers de France, - trois en cuisine et deux en salle -, sa passion pour le métier n’en est que plus vive et l’envie de devenir à son tour un jour MOF commence à poindre. Rencontres et dégustations se multiplient mais une personne surtout est à l’origine de son engagement dans la compétition. « Le MOF, c’est pour François Pibala que je l’ai fait ». Bel hommage rendu au premier MOF maître d’hôtel qui dirige la salle à manger de Collonges.
« Une équipe a le visage de son directeur » Antoine Pétrus fait ses armes ensuite au Royal Barrière à Deauville et au Crillon aux côté de David Biraud avant d’être rappelé chez Lasserre en 2010 comme directeur de salle avec une mission bien définie, dépoussiérer cette institution de la 26
gastronomie française, maison fondatrice avec La Tour d’Argent et Taillevent de la prestigieuse association des Grandes Tables du Monde. « J’avais un cahier des charges et des idées, c’est-à-dire alléger simplifier, décomplexer et, en même temps, assurer un peu plus de présence auprès du client. » Afin d’assurer une « présence utile et intelligente » auprès de chaque table, il est chargé d’épurer les équipes et d’obtenir plus d’efficacité sans la lourdeur d’un service obséquieux. Cette nouvelle responsabilité sied à merveille à son caractère perfectionniste et son but est de faire passer la jeunesse et la compétence qu’il incarne à toute la brigade de salle. « Une équipe a le visage de son directeur » explique-t-il. « Si ça ne va pas en haut, ça ne suivra pas en bas. Il faut intéresser ses équipes, les motiver, les remette en question, les cultiver, changer les certitudes de travail… »
Une grande école du service Pour motiver ses collaborateurs, Antoine a mis en place des briefings, chaque soir avant le service, où chaque corps de métier présente aux autres un thème sur l’actualité des dix derniers jours concernant sa spécialité. Ainsi, un sommelier est chargé de présenter un exposé sur le Chablis, un maître d’hôtel, sur le colvert, etc. Une méthode de travail digne des grandes écoles ! « Chacun en salle doit être capable de répondre au client sur les questions d’actualité » explique-t-il. Une façon de redonner sa noblesse à un métier trop longtemps cantonné à l’image de « porteurs de verres et d’assiettes. » Pour lui, la brigade doit être une équipe soudée, motivée par un travail collégial et le rôle du directeur de salle est celui de donner « le tempo et l’impulsion aux acteurs ».
Restaurant : le lieu de l’ailleurs à part cet hommage rendu à François Pibala, l’initiateur, le déclencheur de passion, Antoine Pétrus
aime citer trois maisons, trois personnages, comme exemples à suivre. Il revient tout d’abord sans hésiter à ses premières amours : « Bocuse est une maison exemplaire pour la chaleur qui peut se dégager de la maison. Un dimanche midi chez Monsieur Paul, on a l’impression de passer un dimanche en famille, dans le sens noble de l’expression, c’est-à-dire partage, échange et plaisir. Exactement tout ce que j’attends dans une salle de restaurant. » Ensuite, la personne qui l’a le plus impressionné en salle pour son professionnalisme est Denis Courtiade du Plaza Athénée. « Un tueur, dans le bon sens du terme. Gilles est très posé, fin psychologue, extrêmement précis. » Puis vient Bras à Laguiole avec son maître d’hôtel, Sergio Calderon, qu’Antoine aime citer quand il s’agit d’évoquer la dimension intemporelle que doit revêtir ce moment du repas dans un grand restaurant. « Manger chez Bras est une parenthèse hors du temps » et il précise : « Pour moi, un restaurant doit être hors du temps. Cela ne veut pas dire tendance, cela veut dire que ce qui va se dérouler pendant le repas vous emporte ailleurs. »
Aller chercher le meilleur à sa source Même si ce nouveau métier de responsable de salle l’occupe beaucoup, sa passion première reste le vin. « Je me déplace peut-être moins mais je goûte toujours autant si ce n’est plus, pour moi cela n’a pas tellement évolué dans la notion technique ou théorique. » La physionomie de la carte des vins du prestigieux restaurant en a été pourtant changée. « J’ai instauré une parité de vins français et de vins du monde et tous les vins étrangers sont servis en magnum. La place parisienne fait que l’on doit être international. Si l’on considère que le meilleur Riesling demi-sec est fait en Moselle Allemande et que le meilleur carignan que nous puissions trouver est dans le Priorat, notre devoir est d’aller chercher le meilleur à sa source. » Ambassadeur des vignerons auprès du client ou interprète ? Le jeune directeur de salle conçoit sa fonction avec
humilité, décomplexer la relation au vin reste son maître mot. « Etre sommelier c’est comprendre son client, transmettre de façon très courte par la parole ce qu’un vigneron a voulu exprimer avec ses différentes cuvées ou dans un millésime. Seule la lecture du vin est différente. » •
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Comme un peu partout en Asie, les jeunes Singapouriens sont de plus en plus friands de desserts. La France est d’ailleurs considérée comme un vrai modèle dans l’art de la pâtisserie. Nous avons découvert un endroit élégant niché au coeur du quartier des affaires, le "2am dessert bar". Janice Wong, jeune chef talentueuse et passionnée, nous a fait découvrir son univers hors du commun...
La nuit est tombée et l’effervescence regagne le quartier des affaires. On y trouve des restaurants traditionnels aux allures d’échoppes qu’on appelle Hawker centre, où les locaux dégustent une cuisine traditionnelle savoureuse et bon marché. Parmi les nombreux restaurants se trouve le 2am dessert bar où est installée Janice Wong depuis plus de cinq ans. Après avoir déménagé au Japon puis à Honk Kong, Janice part faire ses études à Melbourne puis en France dans la célèbre école du Cordon bleu. C’est à 24 ans qu’elle décide d’ouvrir son propre
établissement, aux côtés de Robert, un américain tout droit venu de Chicago. Janice a créé cet endroit pour que les gens n’aient plus à patienter la fin d’un repas pour déguster une petite douceur « Il fallait toujours attendre la fin du menu pour avoir son dessert. » Très vite elle s’essaye aux mélanges de textures, de saveurs sucrées et salées. Ne soyez pas étonné de voir en ses desserts une certaine forme d’art puisque la plupart sont inspirés de sa peinture. On y retrouve ce qu’elle appelle la beauté de
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l’imperfection et une certaine féminité. Janice explique qu’il y a de la beauté dans l’imperfection, quelque chose de fragile. « Il faut apprécier ce qui n’est pas lisse et parfait . » Lorsqu’on lui demande ce qui l’inspire, la chef nous explique qu’elle interprète souvent ses rêves, même s’ils n’ont aucune signification au premier abord. Ca lui permet de créer une image. Il lui est aussi arrivé de tenter des expériences pour le moins inattendues : « Un jour j’ai décidé de me bander les yeux pendant 72h, je voulais stimuler mon imagination et en ouvrant les yeux, c'est comme si je n'avais jamais rien vu auparavant. Je pense que ça m'a poussée à créer. » Dans ce même esprit de recherche, Janice a créé un laboratoire « On y teste des recettes, de nouvelles techniques, on découvre des choses et on partage énormément avec tout le monde. Si je ne partage pas, je pense que ma technique ne sera pas la meilleure, d'autres chefs peuvent la rendre meilleure, on peut toujours faire mieux. » 30
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Nous avons pu déguster des desserts intéressants parmi les 13 proposés, du plus simple au plus aventureux « Généralement, si c’est votre première fois, on vous guidera plutôt sur des classiques de la maison. Il y a certains desserts qu’on ne vous recommandera pas si c’est votre première fois au bar. On souhaite construire une relation avec le client, un peu comme un parcours de saveurs. » Ce n’est qu’au terme de ce fameux parcours gourmand que nous avons pu déguster un dessert composé de sabayon, de gelée de fruits accompagnée de mousse au caramel et de miso. Un savant mélange entre le sucre et le sel qui n’a pas manqué de nous surprendre. Voilà un endroit que vous ne voulez pas manquer lors de votre prochain voyage à Singapour. •
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Voilà plus d’un siècle que le bar à cocktails du 5 rue Daunou à Paris fait rythmer le coeur des français, américains et touristes du monde entier. Avec son équipe de barmen qui compte parmi les meilleurs du monde, cet endroit mythique a su conquérir les générations par l’invention de nombreux cocktails ou encore grâce à la convivialité constante du lieu. De Ernest Hemingway à Valérie Lemercier en passant par Marcel Cerdan et Quentin Tarantino, tous ont passés des moments mémorables, assis au comptoir de cette institution. Automne 1911 à Manhattan, la rumeur fait rage : le président américain réclame la prohibition de l'alcool dans tout le pays. Coup dur pour les propriétaires de bars. C'est à ce moment là que Tod Sloan, ancien jockey, s'associe avec un ami pour ouvrir un nouvel établissement à Paris. Le New York Bar est créé, premier bar américain du pays. Situé en plein coeur du quartier de l'Opéra, à deux pas du Ritz et du Café de Paris, l'emplacement est idéal puisque c'est le point de chute habituel de tous les américains. A l'entrée, les deux portes battantes en bois accueillent les curieux en quête d'un remontant. Le prestigieux barman écossais, Harry MacElhone, est engagé derrière le comptoir. Les clients s’entichent tellement de ce personnage, qu’ils vont jusqu’à renommer le lieu : « Harry’s Bar. » En 1923, le bar est à vendre. Harry saute sur l’occasion et concrétise un rêve de longue date : détenir un bar à cocktails. A cette époque, le cocktail ne fait pas partie des habitudes des français mais Harry excelle dans l’art de mixer les saveurs et va très vite inventer grand nombre de mélanges qui séduiront les français. La plus célèbre création du barman reste sans aucun doute le Bloody Mary, créé à l’occasion de la commercialisation du jus de tomate en boite. Côté décoration, Harry prête attention au moindre détail. Sa collection d’emblèmes des plus grandes universités américaines ainsi que ses drapeaux d’équipes de football américain sont affichés sur les murs de l’établissement. Des gants de boxe, 32
A l'occasion des cinquante ans de la sortie du film Dr No, le premier volet de la célèbre saga des James Bond, le Harry's Bar a remis en avant son cocktail au nom de l'agent 007. Le savant mélange de cette boisson à base de champagne et de vodka est un classique de la maison depuis sa création en 1962. Son zeste de citron et d’orange apporte une touche d’amertume qui satisfait au fil des années aussi bien la gent féminine que masculine. Servi dans une coupe de champagne, les clients du bar à cocktails le plus vieux d’Europe profitent de ce puissant mélange également d’un point de vue visuel. Avec son sucre de canne en effervescence dans le fond du verre, les barmen garantissent un subtil spectacle au client.
offerts par Primo Carnera en 1933 après son sacre de champion du monde des poids lourds, trônent au dessus du comptoir. Harry MacElhone est très vite apprécié par les célébrités du monde entier. Sportifs de haut niveau, acteurs, musiciens, philosophes, écrivains et journalistes, tous veulent se rendre dans ce lieu insolite. Afin que tout le monde puisse trouver le bar dans Paris, il indiquait dans la presse américaine « just tell the taxi driver Sank-roo-doe-noo and get ready for the worst », (ndlr : « dites au chauffeur de taxi de vous déposer au Sank-roo-doe-noo et préparez-vous au pire ») expression en phonétique pour dire 5 rue Daunou. Jusqu’à sa mort en 1958, Harry MacElhone aura gardé pour objectif de distraire ses clients. En 1933, après avoir fait découvrir le coca-cola aux français, il investit dans une machine à hot-dog afin de faire connaitre ce célèbre sandwich américain et de satisfaire ses clients en cas de fringales nocturnes. Le Harry’s Bar c’est aussi le seul bar américain en France où un vote blanc a lieu avant chaque élection américaine par les américains résidant en France. La tradition perdure depuis 1924. Aujourd’hui la famille MacElhone est toujours à la tête de cette institution avec l’arrière petit-fils d’Harry, Franz-Arthur. Le Harry’s Bar est loin d’en avoir fini avec la préparation de ses fabuleux cocktails qui satisfont ses clients du monde entier. •
la recette du James bond cocktail 1.
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Dans une coupe de champagne, laissez tomber un morceau de sucre saturé d’Angostura.
Ajoutez de la glace ainsi que deux onces de vodka.
Complétez ensuite avec le champagne puis terminez en rajoutant un zeste de citron et d’orange.
C’est le barmaid Andy MacElhone qui est à l’origine de ce cocktail. Créé en l’honneur de Ian Fleming, l’écrivain père du héros James Bond, il était un fidèle habitué du Harry’s Bar. Le célèbre auteur avait d’ailleurs relaté dans son premier roman sur l’agent 007 qu’il aurait perdu son portefeuille mais également sa virginité après une nuit fortement arrosée dans le bar à cocktails parisien. Depuis un demi-siècle cette histoire emblématique attire encore la curiosité de milliers de touristes du monde entier afin de goûter à ce précieux mélange aux couleurs ambrées. •
Harry’s Bar 45 rue du Faubourg Poissonnière 75009 Paris Ouvert du lundi au samedi de midi à 14h30 et de 19h30 à 22h30.
The Original Harry’s Bar Aux éditions de la martinière
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LIVRES
L a
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Paris :
OUI, C’E ST POSSIBLE ! PAR PIERRE pierre DUM d umaz eau PAR AZEAU
Peut-on manger des spécialités de notre terroir français en plein Paris? « Restos de terroir à Paris » est le titre du nouveau livre de la journaliste Claire Delbos, qui a travaillé avec le photographe Gérard Cambon. à mi-chemin entre le livre de cuisine ( les recettes « phare » sont en fin d’ouvrage ) et le beau livre de photographie, « Restos de terroir à Paris » dresse le portrait de chefs soigneusement sélectionnés pour leur cuisine et l’ambiance de leur établissement. C’est au restaurant le Patio Provençal, dans le XVIIème arrondissement de la capitale, que s’est faite la présentation du livre. Parmi les invités, certains chefs dont le portrait est fait dans l’ouvrage. Le but du livre n’est pas de faire un simple catalogue de chefs, mais bien de rassembler les professionnels de la cuisine capable de nous faire voyager au cœur des terroirs français tout en restant à Paris. Le classement se fait par arrondissements. Cependant, il serait faux de penser que l’ouvrage s’adresse uniquement aux habitants de Paris : en fin de livre, les recettes fétiches des chefs sont présentées, illustrées de très belles photographies. Au-delà du sujet traité, on peut constater que le retour à l’ambiance « bistrot à l’ancienne » ou « restaurant de terroir » revient à la mode. Volonté d’un retour au traditionnel, soif du « fait maison» 34
Homard bleu à l'américaine, riz pilaf, du Terroir Parisien.
livres
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La salle du bistrot Le Bec Rouge.
ou plus simplement recherche de qualité, les amateurs de cuisine raffinée et -crise oblige- pas trop chère semblent avoir trouvé une bonne formule dans le bistrot ou la restauration de terroir. Cette volonté de simplicité dans la cuisine, Jean-Luc Maurice nous l’explique très bien. Chef du bistrot de quartier Le Bec Rouge, situé dans le XVème arrondissement de Paris, il s’efforce de maintenir des prix corrects, et de toujours cuisiner des produits frais. Pour Jean-Luc Maurice, c’est une évidence que la formule bistrot soit désormais à la mode : « Le bistrot a cet avantage de proposer un véritable côté professionnel, car ce sont toujours des produits simples qui sont retravaillés. On trouve chez nous une technicité et un savoir-faire qu’il n’y a pas dans les restaurants classiques ; beaucoup par exemple savent faire une blanquette, mais pas une bonne blanquette. Avoir de bons produits ne suffit pas : il faut les retravailler. De plus, nos clients viennent pour retrouver une ambiance spécifique, bien particu-
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lière, qu’il n’y a pas forcément dans les restaurants classiques. » Le chef poursuit son développement : « chez nous, il y a un accueil différent : tout le monde est de bonne humeur, et nous proposons un menu abordable. C’est ce qui fait la force du bistrot aujourd’hui. La crise est réelle pour tous, c’est pour cela qu’à midi nous proposons une formule à 18 euros. On essaie au maximum de donner du bonheur dans les prix… et dans l’assiette. » A la question concernant ses méthodes de travail, la réponse est sans appel : « J e vais me fournir à Rungis, chez des producteurs que je connais depuis plus d’une dizaine d’années. » Quant à céder à l’appel du bio, de plus en plus en vogue depuis plusieurs années? « ça m’arrive en effet. Sur le vin surtout, mais aussi sur des produits, comme le chou-fleur, ou la carotte. On ressent une véritable qualité. Cependant, il ne faut pas trop retravailler le produit afin de ne pas le dénaturer. » C’est indéniable, les bistrots sont en constante augmentation à Paris. Signe d’une nouvelle forme de cuisine, re-
tour à des plats simples du terroir, de la tradition française, ils font de plus en plus d’ombre aux restaurants plus traditionnels, et forcément un peu plus cher. Produits de saison, cuisine simple mais travaillée et de qualité, la capitale mondiale de la gastronomie n’en a pas fini de magnifier, par le biais des chefs cuisinier, les richesses du terroir français. •
Restos de Terroir à Paris Collection Beaux livres Déclic, 125 pages | 18,50€
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P H A I D O N
PAR MIN Minh PAR H vi VI nguyen n guyen
Publié chez Phaidon, maison d’édition réputée pour le soin qu’elle accorde à l’esthétisme de ses livres, Coco ne déroge pas à la règle. Ce grand ouvrage regorge de photographies et d’illustrations pour mettre en avant la cuisine de 100 chefs contemporains. Il regroupe en réalité trois fonctions en étant à la fois livre de cuisine, guide mondial des meilleurs restaurants mais aussi Who’s who des acteurs de la gastronomie internationale. Dans Coco ce sont les professionnels qui parlent puisque dix grandes figures de la gastronomie actuelle présentent 100 chefs qu’ils considèrent comme les plus talentueux du moment. Leurs noms vous sont sûrement familiers : Ferran Adrià, Mario Batali, Shannon Bennett, Alain Ducasse, Fergus Henderson, Yoshiro Murata, Gordon Ramsay, René Redzepi, Alice Waters et Jacky Yu ; ces 10 personnalités sont internationalement reconnues. Le livre est composé de 6 parties dont la plus grande - pas moins de 400 pages ! présentent les 100 chefs contemporains, avec à chaque fois l’avis du maître qui le parraine, de l’histoire de leur rencontre à ce qu’il trouve de particulier à son restaurant. Une brève biographie, un exemple de menu proposé ainsi que des photographies du restaurant et des cuisines complètent la présentation. Mais le plus intéressant pour le lecteur sera sûrement les recettes illustrées que le 38
chef propose dans son restaurant avec des astuces et des idées de présentations.
de référence des 10 maîtres de cuisine, chacun évoque le plat qui a marqué sa carrière, avec la recette et les photographies l’illustrant encore.
Issus des 4 coins du monde, ces 100 valeurs montantes de la cuisine ont en commun le respect des ingrédients et des méthodes et ont à cœur de tendre vers la perfection. Ils ont été choisis pour la qualité de leur carte mais aussi pour la façon de diriger leurs cuisines et la manière dont leurs restaurants contribuent à la richesse de la gastronomie contemporaine.
Facile à lire et s’adressant aussi bien aux néophytes de la gastronomie qu’aux connaisseurs qui veulent approfondir leurs connaissances, Coco est un bel objet qui aura sa place dans toutes les cuisines. •
Enfin, avant les glossaires, répertoire et index on peut trouver les 10 recettes
Coco
Édition Phaidon | 440 pages | 45,95€