Brand Architecture

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FACULTE D’ARCHITECTURE LA CAMBRE HORTA

UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES MEMOIRE MASTER 2 ARCHITECTURE 2018 - 2019

BRAND ARCHITECTURE ou l’architecture comme stratégie

marketing pour les maisons de mode

TIRON TEODORA ANDREEA


BRAND ARCHITECTURE ou L’ARCHITECTURE COMME OUTIL MARKETING POUR LES MAISONS DE MODE

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Directeur du mémoire, Eric VAN ESSCHE


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SOMMAIRE


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SOMMAIRE REMERCIEMENTS

INTRODUCTION PARTIE I : Architecture et marketing d’une industrie créative, la mode I. L’architecture des espaces commerciaux 1. Histoire du commerce et des lieux de vente 2. 3.

Innovation technique et évolution architecture Modèles de distribution des marques de luxe

4.

Localisation des boutiques de luxe dans la ville

5.

Nouvelle architecture des boutiques de luxe

II. Le marketing des maisons de mode 1. 2.

Définitions et caractéristiques du marketing Un essai de définition de la notion de luxe

3.

Stratégies marketing spécifiques au luxe

4. 5.

Notions d’identité de marque et de logo L’icône architecturale comme outil marketing

III. La mode en tant que vecteur culturel

IV.

1. 2.

La mode, un fait social et économique Notion d’industries culturelles et créatives

3.

La mode en tant qu’industrie créative

4.

Génie du créateur et génie de l’architecte

Conclusion

PARTIE II : Flagship stores, étude architecturale I. Une marque, un architecte : Prada et Rem Koolhaas 1. 2.

New York Los Angeles

3.

Fondazione Prada

4.

Prada Transformer


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II. Une marque, plusieurs architectes : Louis Vuitton 5.

Jun Aoki

6. 7.

Kengo Kuma Kumiko Inui

8.

Frank O Gehry : Fondation Louis Vuitton

III. Un architecte, plusieurs marques : Peter Marino 9.

Chanel : Tokyo, Hong Kong

10. Louis Vuitton 11. Armani

PARTIE III : Brand architecture : luxe, marketing et culture I. Brand Architecture : nouvelle architecture du luxe

II.

1. 2.

Flagship stores, une architecture de branding Des signatures dans l’air du temps

3.

Une architecture d’exigence et d’innovation

4.

La façade, la nouvelle vitrine contemporaine

Brand Architecture : entre consommation et culture 1.

Experience economy et la singularité de l’expérience

2. 3.

Mondialisation, identité globale et style local (M)arketing, l’art contemporain au coeur des boutiques

4.

Muséologie : de la boutique à la fondation d’art

III. Conclusion CONCLUSIONS

BIBLIOGRAPHIE ILLUSTRATIONS GLOSSAIRE ANNEXES


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Je tiens principalement à remercier mon promoteur Eric Van Essche, qui durant cette année, m’a suivi, guidé et aidé pour la recherche et la rédaction de ce travail de fin d’études. Je remercie également toutes les personnes qui m’ont accordé un peu de leur temps pour lire ce travail.

REMERCIEMENTS


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INTRODUCTION


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INTRODUCTION L’origine du sujet de ce travail de fin d’études remonte à mon premier voyage en Asie, durant lequel j’ai été immergée dans un paysage architectural impressionnant composé d’édifices-phares toujours plus marquants et imposants. Marquée par l’architecture des espaces de vente, et plus précisément par l’architecture des grandes maisons de mode, j’ai voulu m’intéresser à ce phénomène architectural qui est très peu développé en Occident. L’’architecture des flagships stores*1 est un concept assez récent, qui date du début des années 2000 et qui est principalement répandu dans les pays asiatiques. Véritable objet de promotion des grandes maisons de mode et participant à renforcer leur pouvoir et leur suprématie, la brand architecture* est aujourd’hui un élément primordial des stratégies marketing des plus grandes marques de luxe. Elle se concrétise par la conception d’édifices phares, caractérisés par une architecture du pouvoir et de l’esthétique, et issus de la collaboration entre un architecte de renom et une grande marque de luxe. Ces nouveaux édifices phares s’imposent comme de véritables icônes architecturales dans les paysages urbains, mais aussi dans les revues et les médias. L’objectif de ce mémoire est de confronter l’univers de l’architecture à l’univers de la mode, en analysant les relations qui les lie. Le commerce date depuis l’apparition de l’agriculture au Néolithique et représente l’une des plus anciennes et plus importantes activités humaines. Ayant toujours eu un rôle particulier et essentiel dans la société, la commerce correspond à un besoin d’échange matériels, à une nécessité économique mais aussi à une demande sociale. Originairement organisés dans des espaces extérieurs, marchés, foires, etc., les espaces de vente ont pris une tournure marquante avec la création de nouvelles structures com1

tous les termes accompagnés d’un * sont repris dans le Glossaire, à la fin de cet ouvrage

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merciales : les passages couverts, suivis par les premiers grands magasins. La consommation représente donc un phénomène fortement ancré dans la société contemporaine et a été abordé dans la majorité des disciplines, que ce soit dans la sociologie, la philosophie ou l’architecture. Dans son ouvrage Harvard Design Guide School to Shopping, Rem Koolhaas aborde la sujet de la consommation en relation avec l’univers de l’architecture. Selon l’architecte, le commerce joue un rôle primordial dans la configuration de la ville moderne: bien plus que les bureaux, les espaces verts, les aéroports ou n’importe quel autres lieux favorisant les échanges entre individus, le lieu de vente est celui qui agit le plus sur l’ambiance de la ville2. Malgré qu’il n’y ait pas de lien direct entre les recherches de Koolhaas et l’engouement généralisé des grandes enseignes pour faire appel à des architectes de renom, il est aujourd’hui évident que l’architecture permet de rehausser le prestige d’une marque et de favoriser la diffusion de ses produits. Toutefois fortement remise en question, l’architecture au service du luxe est considéré comme trop élitiste et éloignée de l’essence première du mouvement moderniste, qui prône une architecture pour tous. En effet, la brand architecture du luxe est considérée comme une architecture commerciale, conceptualisée et sculpturale, la rendant peut être trop similaire à une oeuvre d’art. Etant devenue un véritable objet de promotion des grandes maisons de mode, la brand architecture est devenue un élément primordial des stratégies marketing de ces marques. Originairement incarnée dans un objet phare et iconique, les marques semblent aujourd’hui s’incarner dans l’architecture de leurs boutiques. Tandis que le luxe signifie la construction d’un univers propre et que l’architecture signifie la conception d’un environnement vécu, l’association entre ces deux univers aboutit à la construction d’un environnement exceptionnel et immersif. Malgré les controverses, les collaborations entres les architectes de renoms et les grandes maisons de

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KOOLHAAS, Rem, Harvard Design School Guide to Shopping, Teschen, 2000

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mode ont comme objectif l’échange d’une signature : un nom pour un nom. 3 Aujourd’hui, que ce soit les grandes marques, les gouvernements ou les institutions, tous ont recours aux starchitectes dans le but d’attirer l’attention du public et des médias. On assiste graduellement à une esthétisation du commerce et une commercialisation de la culture qui se concrétise par la conception d’espaces hybrides, mixant le commerce et la culture. De plus, à l’heure de la démocratisation du luxe et la perte de l’aura, il est devenu primordial pour les grandes marques d’offrir à leurs clients une architecture exceptionnelle. Parallèlement, la tendance actuelle vers une consommation d'expériences marque la fin de l’industrie des services. En effet, les économistes ont généralement regroupé leurs expériences dans les services, mais les expériences apparaissent comme des nouvelles offres économiques qui sont, selon Pine et Gilmore, «aussi distinctes des services que les services le sont des biens.»4 Les consommateurs souhaitent de plus en plus vivre des expériences lors de l’acte d’achat et les marques y répondent en concevant des espaces expérientiels. Alors que les services, comme les biens avant eux, deviennent de plus en plus banalisés, l’expérience architecturale est devenue la prochaine étape de l’économie contemporaine. Ce travail de fin d’études a comme objectif de comprendre comment ces grandes maisons de mode utilisent l’architecture pour renforcer leur pouvoir et pour se démarquer par rapport à la concurrence, mais aussi quelles sont les problématiques et les circonstances qui ont poussés celles-ci à faire appel à l’architecture. Ce mémoire va me permettre d’interroger la fonction de la brand architecture, de l’architecture des flagship stores, au sein de l’économie contemporaine qui est basée sur la consommation d’expériences.

MERYL, Martin, L’art du luxe: sur le processus de reconnaissance artistique et culturelle des maisons de luxe, 2014, en ligne 4 PINE, Joseph, GILMORE, James, The experience economy, Harvard Business School Press, 1999, page 2 3

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Originairement sous le pouvoir de l’église, puis de l’état, l’architecture au services des grandes marques s’inscrit-elle dans les valeurs propres à l’architecture ou se limite-telle à un aspect purement mercantile, participant ainsi à la valorisation de cette société de consommation ? Quel est le rôle de cette nouvelle architecture de marque et quelles sont ses caractéristiques principales ? Pour réaliser ce travail de fin d’études et pour répondre aux hypothèses énoncées, je me suis basée sur un important nombre d’ouvrages mais également sur de nombreux articles parus dans des revues et sur internet. En effet, à mon étonnement, certains sujet abordés dans ce travail ont été, à ma connaissance, très peu abordés dans des ouvrages scientifiques. Par exemple, concernant l’histoire de l’architecture de lieux de vente (Partie I), un nombre minime d’ouvrages m’ont permis de développer le sujet; cela est hypothétiquement une conséquence aux affirmations de Rem Koolhaas 5 selon lequel la high architecture* a habituellement montré très peu d’intérêt académique pour les espaces commerciaux. Néanmoins, pour d’autres thèmes abordés dans le travail (comme le marketing du luxe ou les notions d’industries culturelles et créatives), j’ai pu mettre à ma disposition un large éventail d’ouvrages, d’études et d’articles. Les travaux de Michel Chevalier6, Danielle Allères 7 ou Philippe Bouquillion8 sont les ouvrages principaux sur lesquels je me suis basée pour la rédaction de la première partie. L’ouvrage d’Alejandro Bahamon9 m’a été primordial pour prendre connaissance des projets architecturaux majeurs réalisés ainsi que pour sélectionner les projets qui allaient constituer mon étude architecturale. Parallèlement, les ouvrages publiés par les architectes de ces édifices et les informations mises à KOOLHAAS, Rem, Harvard Design School Guide to Shopping, Teschen, 2000 CHEVALIER, Michel, Management et marketing du luxe, Editions Dunod, 2008 et Luxe et retail : le point de vente, lieu d’excellence, Dunod à Paris, 2013, 7 ALLERES, Danielle, Luxe : stratégies et marketing, Economica, Paris, 2005 8 BOUQUILLION, Philipe, L’industrialisation des biens symboliques : Les industries créatives en regard des industries culturelles, Presses universitaires de Grenoble, 2013 9 BAHAMON, Alejandro, Mode : architecture corporative, L’inédite, 2008 5 6

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disposition sur leur site web, m’ont permis d’approfondir l’analyse de chaque bâtiment. La dernière partie de ce travail consiste en la confrontation entre les théories énoncées dans la première partie, sur bases des propos et ouvrages théoriques, et l’analyse architecturale des projets sélectionnés. Quelques ouvrages majeurs dont Brandscapes d’Anne Klingmann10 et Harvard Design Guide To Shopping de Rem Koolhaas11, mais également un grand nombre d’articles publiés dans des revues et sur internet m’ont permis de développer mes propos. En effet, le sujet de l’architecture des espaces de vente des maisons de mode est très peu abordé dans les ouvrages architecturaux, voire quasiment pas du tout. Toutefois, ce phénomène architectural étant inséré dans un paradigme social et économique plus vaste, j’ai pu m’appuyer sur les multiples ouvrages qui traitent de sujets comme l’experience economy*, le phénomène d’esthétisation de la société ou encore de la culturalisation du commerce. Ce travail est structuré en trois étapes principales : premièrement, un relevé de données théoriques concernant l’architecture des lieux de vente, le marketing du luxe et la mode en tant qu’industrie créative; deuxièmement, une étude architecturale des flagship stores sélectionnés; et pour finir, une dernière étape qui confrontera les bases théoriques à l’analyse architecturale dans l’objectif de répondre aux hypothèses et questions énoncées. La première partie, Architecture et marketing d’une industrie créative, la mode, est divisée en trois chapitres : I.L’architecture des espaces commerciaux tentera d’expliquer le phénomène architectural liée aux espaces de vente, en abordant l’histoire du commerce, la question des innovations techniques, les modèles de distribution spécifiques aux luxe ainsi que leur localisation dans le paysage urbain, pour aboutir à une brève présentation du concept de flagship store. Le deuxième chapitre traitera de la notion de marketing et des stratégies spécifiques au domaine du luxe, en abordant le concept d’identité

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KLINGMAN, Anne, Brandscapes : Architecture in the experience economy, MIT Press, 2007 KOOLHAAS, Rem, Harvard Design School Guide to Shopping, Teschen, 2000

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de marque et de logo ainsi que de l’insertion de l’architecture dans les stratégies marketing de ces grandes marques. Le dernier chapitre traitera de la mode en tant que fait social et économique; une brève introduction du concept d’industries culturelles et créatives permettra de mettre en lien l’univers de la mode et de l’architecture. La Partie II est une étude architecturale de quelques flagships stores sélectionnés et classés en trois catégories, dans l’objectif d’en analyser les différences et les ressemblances : premièrement, les projets issus de la collaboration exclusive entre une marque et un architecte (Prada/Rem Koolhaas); deuxièmement, les projets issus de l’association d’une marque à plusieurs architectes (le cas de Louis Vuitton); et pour finir, les projets issus de la collaboration entre un architecte et plusieurs marques (le cas de Peter Marino). La troisième et dernière partie, intitulée Brand architecture : luxe, marketing et culture, est divisée en deux chapitres : le premier abordera le concept de brand architecture d’un point de vue de ses caractéristiques architecturales, en commençant par le développement de la notion de flagship store. Seront ensuite abordés les questions du phénomène de starisation des deux univers, des caractéristiques d’excellence et d’innovation ainsi que de l’importante accordée à la façade, qui vient remplacer la notion de la vitrine. Le deuxième chapitre traitera de la brand architecture en tant que phénomène culturel, économique et social. Le premier point introduira la notion d’experience economy, concept énoncé pour la première fois en 1991, puis seront ensuite abordés le phénomène de mondialisation et d’internationalisation des marques. Pour finir, je vais introduire la notion de l’art-keting*, traitant de la place de l’art contemporain dans les boutiques, ainsi que des relations entre les marques et l’art qui se concrétisent par des actions de mécénat, des collaborations et des fondations d’art. La fin du travail comporte un glossaire définissant les termes spécifiques utilisés et sont accompagnées d’un*, ainsi qu’une annexe reprenant les marques et les architectes majeurs énoncés.

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PARTIE

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ARCHITECTURE ET MARKETING D’UNE INDUSTRIE CREATIVE, LA MODE

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I. L’ARCHITECTURE DES ESPACES COMMERCIAUX 1. BREVE HISTOIRE DU COMMERCE ET DES LIEUX DE VENTE Le commerce date depuis l’apparition de l’agriculture au Néolithique et représente l’un des plus anciens et des plus importants métiers du monde. Originairement se déroulant dans un cadre de proximité géographique, le commerce représente ultérieurement une activité faisant circuler des marchandises sur des marchés ou des foires, à plus ou moins grande échelle. Progressivement, l’activité commerciale se développe pour arriver à des échanges concernant des volumes de plus en plus importants et des produits de plus en plus valeureux.12 Débutant sous la forme de troc, le commerce se modernise ultérieurement grâce à l’apparition de l’or et de l’argent qui s’imposent progressivement comme monnaie commune dont la valeur provient de leur rareté. L’adoption de la monnaie dans les transactions commerciales ainsi que l’évolution des moyens de transport et de communication ont permis le développement des échanges entre les personnes, les régions et les pays.13 Parallèlement au développement du commerce, le Bas Moyen Age représente la période qui a vu fleurir les corporations* et les marchands. Originairement des confréries religieuses, les guildes et les hanses issues de cette deuxième partie de l’époque, ont donné naissance aux corporations durant l’empire Carolingien14. Le rôle des corporations consistait à défendre les intérêts des artisans mais aussi à contrôler la qualité des produits et à fixer les différentes taxes. Celles-ci disposaient de leurs propres règlements https://fr.wikipedia.org/, Commerce, consulté le 24/11/2018 BEAUVENT, Emilie, Histoire du troc, Troc en stock n°1 14 Les artisans qui exercent le même métier se regroupent au sein d'associations appelées corporations ou métiers 12 13

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Figure 1 Rue marchande au Moyen-Age

Figure 2 Foire marchande

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fixant les statuts du métier, les horaires, les conditions de travail, les salaires ou encore les prix de vente.15 Les artisans du même domaine d’activité se regroupaient dans les mêmes rues; aucun commerçant ne pouvait s'installer et vendre ses marchandises sans appartenir à une corporation. En s’installant plus près de leur concurrents, les commerçants estimaient que cela incitait les clients à visiter tous les magasins de la même rue, et donc à favoriser l’achat. D’ailleurs, on remarque une similitude entre la concentration des commerçants du Moyen Age et la concentration des magasins de luxe dans des quartiers spécifiques des villes contemporaines. Originairement, les boutiques étaient généralement étroites et sombres, et les marchandises étaient exposées à l’extérieur, sur l’éventaire. Le consommateur ne pénétrait dans la boutique qu’exceptionnellement, par exemple dans le cas où l’achat impliquait une pesée. L’essor du commerce international, principalement constitué par des produits alimentaires, comme le blé , le vin ou encore les épices et les fruits secs, mais aussi les fourrures ou la laine, a favorisé la multiplication des marchés et des foires dans la majorité des grandes villes. Tandis que les marchés étaient hebdomadaires, les foires représentaient des marchés périodiques qui se déroulaient à des dates fixes, souvent une fois par an, en suivant les fêtes religieuses et qui venaient s’ajouter au commerce régulier et permanent des villes.16

LE PASSAGE Le XVIIIe siècle a marqué un tournant péremptoire dans l’évolution du commerce avec l’apparition d’une structure de vente organisée : le passage*. D’origine française, le mot passage est utilisé pour désigner une rue étroite et privée qui traverse l’intérieur d’un grand îlot d’habitation.17 Ces esDELORT, Robert, Le monde des villes : marchands, artisans et bourgeois, Le Seuil, Paris, 1982, pages 231-274 16 ibid. 17 DE MONCAN, Patrice, Les passages couverts de Paris, Le Mécène, 2002, pages 14-16 15

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Figure 3 Passage des Panoramas, verrière sur toute la longueur

Figure 4 Le Passage Jouffroy et son ossature métallique

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paces de circulation, généralement couverts, étaient destinés au commerce et rassemblaient en un même lieu des activités commerciales telles que des magasins de tissus ou de mode, des cafés, des restaurants, des librairies ou encore des antiquaires. Les passages sont nés durant le XVIIIe siècle avec l’abolition des corporations et dans le but de mettre les produits à la portée de toute la population.18 Le développement massif des passages, principalement polarisé à Paris et à Londres, a été une réponse directe aux problèmes sociaux et urbains rencontrés dans les villes à cette période. En effet, les rues en pleine expansion étaient dangereuses, nauséabondes et peu agréables. Les passages sont rapidement devenus des lieux incontournables et de véritables noyaux du commerce car ils offraient un confort important aux clients, par la propreté des lieux et leur configuration architecturale. Leur succès est également dû au fait qu’ils connectaient les rues mouvementées en ramenant de cette façon la foule vers les magasins. De plus, étant éclairés et couverts, ces passages offraient un lieu sécurisé et adapté à la déambulation car ils étaient exclusivement réservé aux piétons.19 Pour qu’un passage soit définit comme tel, ce dernier devait : « être réservé aux piétons, relier deux rues animées en offrant un raccourci, être bordé de boutiques et avoir une couverture qui protège des intempéries tout en laissant passer la lumière et être éclairé par un moyen artificiel. Enfin, le luxe doit faire partie de son architecture et figurer dans ces boutiques comme dans les articles qui y sont vendus».20 . En raison de leur succès, plus de trois cents passages ont été construits en cinquante ans; en 1850, Paris comptait plus de 150 passages couverts.

LENOIR, Joëlle, Les passages ouverts. La modernité oubliée de Paris capitale, Histoire urbaine, vol. 36, no. 1, 2013, pages 73-103 19 ibid. 20 DE MONCAN, Antoine, Dans les passages de Paris, SEESAM, Paris, 1990, page 302 18

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Les passages présentaient tous des caractéristiques architecturales communes et facilement identifiables : une entrée ainsi qu’une sortie sur la rue en traversant par le coeur d’un ilot d’habitation, une attention particulière au sol, mur et plafond, ou encore un alignement de boutiques de part et d’autre sur la longueur. Parallèlement à leur essor, ces passages ont rapidement évolué d’un point de vue architectural avec comme conséquence trois générations de passages : les passages brillants, les passages lumineux et les passages métalliques.21 Les passages brillants sont inspirés de la galerie de bois du Palais Royal, mais toutefois, même si leurs noms évoquent un lieu brillant, l’éclat et le luxe émane plus de l’art de vivre que de l’architecture du lieu. En effet, la source lumineuse se limitait à seulement quelques lanternes en verre placées dans la toiture et l’éclairage zénithal était faible; l’espace résultant était assez sombre. Le Passage des Panoramas 22 marque la transition architecturale vers le passage lumineux; pour la première fois, la verrière couvre l’allée sur toute la longueur en révolutionnant l’éclairage de tous les passages qui seront tous dotés d’une toiture en verre par la suite. Parallèlement, les vitrines s’allègent en se débarrassant des coursées en bois qui laissent place à des grandes vitrines en verre. On remarque aussi l’apparition de nouveaux éléments de décor comme des ornements réalisés en fonte, des moulures en stuc ou encore des trompes l’oeil. Avec la construction du Passage Jouffroy23 et son ossature métallique, l’architecture des passages marque un dernier tournant, qu’on appellera les passages métalliques. Le caractère de ces passages est moins focalisé sur la richesse et se veut de mettre en avant la sobriété et l’élégance de l’époque. Dès le XIXe siècle, la lumière, la structure, les proportions ou encore ibid. Le Passage des Panoramas est un passage couvert parisien édifié en 1799, situé dans le 2e arrondissement de Paris 23 Le Passage Jouffroy est un passage couvert parisien datant de 1845, situé dans le sud du 9ème arrondissement de Paris 21 22

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le décor se trouvent au coeur des préoccupations poussant les architectes à innover dans la conception des lieux de commerce.24

LES GRANDS MAGASINS Au cours du XIXe siècle d’importantes transformations liés à l’urbanisme, aux transports ou encore à la publicité, redéfinissent l’espace urbain et valorisent le développement de nouveaux modes de vie. Entre 1850 et 1870, une grande partie des passages couverts de Paris sont détruits suite aux travaux d’Haussmann. En effet, la création des grands boulevards haussmanniens offre de nouvelles alternatives en ce qui concerne les espaces commerciaux. Les petits magasins disparaissent progressivement au profit des grands magasins qui mettent en avant une architecture innovante et des produits marchands variés. L’objectif de ces grands magasins est de « mettre à la portée du plus grand nombre, le maximum de marchandises, dans un même espace couvert et protégé »25. Les grands magasins sont des instruments de la démocratisation et de véritables temples de la consommation possédant une architecture fonctionnelle mais parée de toutes les grâces de la séduction comme la lumière, le luxe et la légèreté. La forme architecturale de ces espaces dérive des passages couverts, nés en 1784, dont ils ont conservé le plan.26 Un des événements fondateurs du développement des points de vente est la création, en 1851, du premier grand magasin au monde, Au Bon Marché à Paris. L’objectif de ce premier grand magasin était de concentrer, en un même lieu, du prêt-à-porter pour femme et pour homme ainsi que des accessoires, de la décoration ou des outils de cuisine. Aristide Boucicaut, propriétaire de ce grand magasin, est considéré comme le créateur de ce concept, malgré l’existence de nombreuses autres institutions similaires Patrimoine et cadre de vie, LUR, n°179, juin 2008, page 15 Le Grand Magasin à Paris, 1836 – 1936 26 MARREY Bernard, Les grands magasins, des origines à 1939, Editions Picard, 1979, page 38 24

25 Laboratoire Urbanisme Insurrectionnel,

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Figure 5 Au Bon Marché , Paris 1851

Figure 7 Le Mitsukoshi Nihonbashi, premier grand magasin en Asie

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construites avant l’apparition du Bon Marché, mais qui n’ont pas résisté au temps. En se basant sur les idées fondamentales de ses prédécesseurs, Boucicaut a contribué au succès de son grand magasin : entrée libre, prix affichés sur étiquettes et bénéfices réduits ont fait venir les clients en nombre important. C’est avec le Bon Marché que naissent les principes fondamentaux des grands magasins : le bien-être des consommateurs et le souci du personnel.27 Dés lors que les grands magasins connaissaient un grand succès en France, en 1856, le premier grand magasin américain voit le jour à New York : c’est le Macy’s. Aujourd’hui, le grand magasin Macy’s à Manhattan est considéré comme le plus grand bâtiment commercial au monde avec ses 198 500 m2 de surface commerciale au sol28. Plus de cinquante années plus tard, le premier grand magasin d’Asie est fondé à Tokyo, en 1915 : le Mitsukoshi Nihonbashi.29

2. L’INNOVATION TECHNIQUE ET ARCHITECTURALE Au cours du temps, l’apparence des lieux de vente et le système de présentation des produits ont été fortement marqués par les différentes innovations techniques et architecturales. Les grands magasins se développement conjointement aux Expositions Universelles, exemples en matière d’architecture et de présentation. En effet, Boucicaut fait appel à Gustave Eiffel pour la conception de l’agrandissement du Bon Marché en 1869 et ce dernier va valoriser les grandes baies vitrées, les coupoles en guise de puits de lumière et la massive utilisation du fer, technique innovante de l’ère industrielle.30

WHITAKER Jan, Une histoire des grands magasins, Citadelles & Mazenod, 2011, page 22 Wikipedia, Macy’s 29 https://wikipedia.org, Grands magasins, consulté le 13/12/2018 30 30 WHITAKER Jan, Une histoire des grands magasins, Citadelles & Mazenod, 2011 27 28

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Figure 8 Les ascenseurs mécaniques de Léon Edoux en 1864

Figure 9 Le premier escalator, nommé plan roulant incliné, installé dans le magasin Harrods à Londres en 1898

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L’architecture de ces nouveaux lieux de vente se rapproche souvent du modèle des palais ou des musées en raison des dimensions impressionnantes des immenses blocs d’immeubles bordant les grands axes de circulation. À Paris, l’implantation de ces lieux, le long de grands axes, est justifiée par les règles d’urbanisme; en effet, les immeubles ne peuvent pas dépasser en hauteur la largeur de l’axe qu’ils longent. En s’implantant sur une voie très large, cela permet non seulement une importante emprise au sol mais aussi de pouvoir augmenter le nombre d’étages, à l’opposé des Etats Unis, où les grands magasins peuvent atteindre la hauteur d’un gratte-ciel. D’un point de vue architectural, l’innovation la plus marquante concerne l’utilisation de la structure en acier qui va permettre de valoriser les principes de plan libre et de façades de verres qui laissent passer la lumière naturelle, en ouvrant de cette sorte de nouvelles perspectives à une architecture moderne et fonctionnelle. Les grands magasins représentent des symboles du progrès technique en s’adaptant constamment aux courants architecturaux et au développement industriel.31 Parmi les innovations techniques, l’ascenseur, l’escalator, le système de climatisation ou encore l’apparition de la caisse électronique constituent les éléments majeurs dans la transformation de l’apparence des grands magasins à travers le monde. L’ascenseur hydraulique a été présenté pour la première fois par Léon Edoux à l’Exposition Universelle en 1864. Quelques années plus tard, le premier ascenseur fut installé à Paris en 1869 dans le magasin La ville de Saint Denis, facilitant ainsi le passage des clients d’un étage à l’autre, et rendant possible la superposition des plus de quatre ou cinq niveaux différents. Toujours aussi visionnaire, Boucicaut intègre l’ascenseur dans son grand magasin en 1867.32 WHITAKER Jan, Une histoire des grands magasins, Citadelles & Mazenod, 2011 CHEVALIER, Michel, Luxe et retail : le point de vente, lieu d’excellence, Dunod à Paris, 2013, page 27 31 32

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Une autre invention ayant marqué l’apparence des grands magasins à travers le monde est l’escalator. Inventé en 1892, le premier escalier mécanique est installé en tant qu’attraction dans le parc Coney Island aux EtatsUnis. Toutefois, c’est en 1898 que le premier plan roulant incliné a été installé dans le magasin Harrods à Londres33. Cette nouvelle invention technique permet aux clients de se déplacer d’un étage à l’autre à leur propre allure sans avoir à attendre l’ascenseur. Ces escaliers mécaniques ont redessiné l’espace de l’ensemble des grands magasins à travers le monde; effectivement, on retrouve souvent « un puits central au milieu d’un hall aussi vaste et impressionnant que possible, parfois couronné d’une coupole, et des escaliers traversant ces puits »34. En 1900, le concept d’escalier mécanique a été présenté lors de l’Exposition Universelle de Paris, où il a remporté son premier prix. L’escalator « a donné au client un moyen de parcourir sans efforts les distances et les hauteurs des espaces commerciaux en constante expansion ».35 Une troisième innovation ayant marqué l’apparence des grands magasins est l’installation du premier système de climatisation dans la magasin Abraham & Strauss à New York en 1919. La climatisation moderne a été inventée en 1902 à partir d’un système de réfrigération muni d’un compresseur permettant ainsi de réduire sa taille.36 Cette nouvelle invention technique permet aux grands magasins de se passer des fenêtres qui jusque là assuraient la ventilation; les magasins peuvent dés lors être insérés dans des centres commerciaux car ils n’ont plus besoin de fenêtres. Toutefois, la vitrine reste encore un élément indispensable à la promotion et la présentation des articles.

WALLECHINSKY, David, Story Behind Inventors and Inventions Escalator, The People's Almanac, 1981 34 CHEVALIER, Michel, Luxe et retail : le point de vente, lieu d’excellence, Dunod à Paris, 2013, page 27 35 HERZBERG, Natalie, Rem Koolhaas, as du shopping, Le Monde, 2012, consulté le 22 Février 2019 36 ibid. 33

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3. EVOLUTION DES MODELES DE DISTRIBUTION DU LUXE Plus spécifiquement dans le secteur de la mode, au cours du temps, les circuits de distribution ont été fortement modifiés par le processus de démocratisation du luxe suite à la diffusion de l’industrialisation et de l’affirmation de la classe moyenne, principalement dans les pays occidentaux. D’un point de vue de la distribution, les marques de luxe ont été partagées entre deux tendances : le besoin d’aller vers la nouvelle classe moyenne et le désir de préserver l’exclusivité et l’image de la marque. « La distribution des articles de luxe est, par définition, synonyme de sélectivité sinon d’exclusivité »37. Dans le domaine du luxe, les circuits de distribution et leur spécificités sont indispensables au bon positionnement des produits et des marques sur le marché38. Aujourd’hui, dans le milieu du luxe, et le prêt-à-porter principalement, les marques adoptent la stratégie des boutiques mono-marques ou des shops-in-shops* dans les grands magasins internationaux. L’avantage stratégique des boutiques propres à la marque, est le contrôle strict et direct de la distribution tout en garantissant la préservation de l’image et de la réputation de la marque. En effet, cela est plus difficilement praticable dans le cas des grands magasins et les points de vente multi-marques. Il existe trois phases principales dans l’évolution de la distribution des produits de luxe. La première phase concerne la distribution exclusive, phase originaire durant laquelle les articles des grandes marques de luxe n’étaient disponibles que dans les magasins propres à la marque. A l’origine, les clients venaient aux marques; les boutiques étaient intimistes et les maisons de haute couture accueillaient les clients dans des salons situés à

ALLERES, Danielle, Spécificités et stratégies marketing des différents univers du luxe », Revue Française du Marketing, pages 71-95 38 ALLERES, Danielle, Luxe: stratégies et marketing, Economica, Paris, 2005, page 191 37

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l’étage 39. Le nom des marques était associé à l’emplacement de leurs boutiques, qui sont aujourd’hui devenues des points de vente ayant une forte charge affective et historique. Une marque, ou plutôt une maison, détenait une ou plusieurs boutiques dans son pays d’origine puis en se lançant à l’internationale, celle-ci devait employer des systèmes de distribution indirects, comme par exemple les grands magasins. Ce qui nous mène à la deuxième phase, qui débute avec la démocratisation des produits de luxe durant aux années 1980 et qui se définit par une rapide propagation des circuits de distribution et une croissance à l’internationale des plus grandes marques de luxe. En effet, suite à l’importante croissance économique et sociale durant la décennie 80, le secteur du luxe connait une véritable explosion, entrainant ainsi un développement considérable des circuits de distribution. Les marques de luxe sont dès lors partagées entre deux tendances : le besoin d’aller vers la nouvelle classe moyenne et le désir de préserver l’exclusivité et l’image de la marque. Durant cette phase, la stratégie de distribution est passée de l’exclusivité en boutiques propres à la sélectivité de grands magasins, qui deviennent les intermédiaires des marques. L’industrie du luxe va se diriger petit à petit vers la distribution mono-marque permettant ainsi d’exercer un réel contrôle de la distribution et de l’image de la marque.40 La troisième phase est caractérisée par une augmentation du pouvoir de la marque, une centralisation des boutiques propres ou encore par une modification des formats des magasins. Dès le début des années 1990, le développement des points de vente propres a clairement été l’objectif et l’enjeu stratégique majeur pour les marques de luxe. Entre 2000 et 2012 la majorité des marques ont doublé leur nombre de magasins en gestion di-

LE BAIL, Stéphanie, Le luxe : entre business et culture, Editions France-Empire Monde, Paris, 2011, page 113 40 40 CHEVALIER, Michel, Luxe et retail : le point de vente, lieu d’excellence, Dunod à Paris, 2013, page 32 39

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recte; par exemple, Louis Vuitton comptait 284 boutiques en 2000 et 502 en 2012; quant à elle, la marque Gucci est passée de 143 à 429 boutiques41. Cette troisième phase apparait comme une nouveauté; en effet, durant cette période, l’industrie du luxe a connu un changement majeur dans le passage d’une stratégie de distribution majoritairement indirecte à une stratégie de distribution majoritairement directe. L’exportation des grandes marques de luxe en Asie, et plus principalement au Japon, constitue une part importante dans la modification de leur stratégie de distribution. Initialement, les boutiques de grandes marques étaient dans l’obligation de passer par le réseau de distribution des grands magasins japonais pour vendre leurs produits dans l’archipel. Raison pour laquelle, la majorité des rez-de-chaussée des grands magasins japonais était souvent occupé par des alignements de corners* des grandes marques occidentales. Mais à partir des années 1990, lorsque le marché de luxe a commencé à fleurir au Japon, les capitaux ont explosé et les boutiques se sont installées non plus à l’intérieur des grands magasins, mais dans des espaces propres à la marque, avec vitrine sur rue. Parallèlement, le concept du grand magasin a commencé à se fissurer et une partie des principaux établissements de ce type s’est effondrée. Jadis dépendantes des grands magasins, les grandes enseignes misent désormais sur leur propres boutiques et leur destin n’est plus lié à celui des grands magasins. 42 Toutefois, le développement des chaines de distribution et l’ouverture des boutiques est souvent réservé aux marques les plus prestigieuses car cela demande un budget conséquent. « Les couts d’exploitation des boutiques en propre ne cessent d’augmenter, on estime qu’il faut dégager plus de 3 millions de dollars pour ouvrir une boutique sur Madison Avenue. De plus les tailles des boutiques augmentent avec les concept stores pour dépasser le CHEVALIER, Michel, Luxe et retail : le point de vente, lieu d’excellence, Dunod à Paris, 2013, page 35 42 IGARASHI, Taro, Luxe et chapelles à Tokyo, Stream 01, 2008 41

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Figure 10 Plan des boutiques de luxe sur l’Avenue Montaigne à Paris

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minimum de 1000 mètres carrées. (…) et on réalise à quels niveaux les seuils de rentabilité doivent s’envoler !» 43 De façon générale, les marques de luxe doivent donc avoir recours à un mélange de types de points de vente allant des boutiques propres à la marque aux shops-in-shops dans les grands magasins, en passant par les boutiques franchisées. Les grands magasins jouent un rôle important dans leur développement international et demeurent une source de rentabilité due à leur diminution de risque.

4. LOCALISATION DES POINTS DE VENTE DE LUXE DANS LA VILLE « Dans un contexte immobilier ou chaque mètre carré compte, le luxe ultime, c’est l’espace perdu. L’espace qui n’est pas productif, qui n’est pas commercial, offre la contemplation, l’intimité et le luxe » 44 Dans le luxe, le principal critère des points de vente est le pouvoir d’attraction dont chaque marque bénéficie. En effet, spécifique au monde du luxe, les consommateurs achètent une image, ce qui signifie qu’ils n’achètent pas seulement dans leur propre pays mais aussi lorsqu’ils voyagent à l’étranger. Si une marque de luxe veut exister mondialement elle doit être disponible partout dans le monde et lorsque cette dernière n’est pas disponible dans un pays, elle perd une partie de son pouvoir d’attraction, et donc de sa force : aucune grande marque de luxe ne peut rester locale; toutes doivent se développer sur la scène mondiale. Au premier regard, la localisation des magasins pour les marques de luxe semble simple : « il faut s’implanter à proximité immédiate des principaux concurrents »45, dans des quartiers dédiés au luxe. L’industrie du luxe semble ROUX, Elyette, Problèmes économiques n°3008, 2010, page 13 KOOLHAAS, Rem, Projets for Prada : Part 1, 45 CHEVALIER, Michel, Luxe et retail : le point de vente, lieu d’excellence, Dunod à Paris, 2013, page 99 43 44

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donc reprendre le système médiéval des corporations où les commerçants cherchaient à implanter leurs magasins dans la même rue que leurs principaux concurrents. En effet, la proximité des boutiques de luxe dans un même quartier renforce mutuellement le pouvoir d’attraction des marques et transforme l’achat en une expérience plaisante et variée pour les consommateurs. Toutefois, pour les grandes marques de luxe, leur pouvoir d’attractivité étant très élevé, la manoeuvrabilité de leurs boutiques est grande et presque n’importe quelle localisation peut devenir rentable.46 Dans chaque ville donnée, les zones commerciales représentent le résultat d’un regroupement de magasins en fonction de leurs données économiques et commerciales. Que ce soit à Paris, New-York ou Tokyo, partout dans le monde, chaque grande métropole possède un ou des quartiers et des rues dédiées aux shopping de luxe. À Paris, l’avenue Montaigne représente un des hauts lieux de la mode parisienne, étant particulièrement tournée vers la haute couture. La Madison Avenue à New York est mondialement connue pour ses nombreuses boutiques de luxe tandis qu’à Tokyo, c’est l’avenue Omotesando ou le quartier Ginza qui sont synonymes d’élégance et de raffinement : de larges trottoirs au bord desquels se succèdent les boutiques des marques de luxe les plus connues comme Dior, Chanel, Louis Vuitton, Armani ou encore Prada. Tous ces quartiers forment le pôle luxe de leurs villes. 47

5. NOUVELLE ARCHITECTURE DES BOUTIQUES DE LUXE Durant les vingt dernières années, les marques de luxe ont basé leur stratégie marketing sur le passage d’un modèle de distribution géré par des intermédiaires, les grands magasins, vers un modèle de distribution où les boutiques propres à la marque représentent de plus en plus les points de

46 47

CHEVALIER, Michel, Luxe et retail : le point de vente, lieu d’excellence, Dunod à Paris, 2013 BAHAMON, Alejandro, Mode : architecture corporative, L’inédite, 2008

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vente principaux. Aujourd’hui la boutique est devenue le lieu de rencontre et d’expérience entre la marque et le client, en plaçant celle-ci au bout de la chaine de valeur de la marque48; en effet, la vente et la boutique sont devenus aussi importants que la création et il est évident que l’espace de la boutique doit être au coeur des préoccupations. Comme abordé précédemment, la mondialisation a poussé les marques à ouvrir des magasins non seulement dans les villes de leur pays d’origine mais partout dans le monde. L’architecture des boutiques constitue aujourd’hui une part essentielle dans le développement des marques de luxe; ce phénomène engendre la construction d’édifices exceptionnels, crées par des architectes de renom dans le but de propager au maximum l’image de la marque.49 Marque pionnière dans la matière, Prada a fait appel à l’architecte de renom Rem Koolhaas, en 1999, pour la conception de trois projets : des boutiques à New York, à Los Angeles et à San Francisco. Par cette collaboration innovante, Prada et Rem Koolhaas ont introduit un nouveau concept dans la distribution, qu’ils ont appelé magasin épicentre* et qui par la suite, s’est généralisé chez la majorité des marques de luxe sous la forme de flagship store50 ; il s’agit d’une boutique dont le rôle est de contribuer dans la définition de l’image de la marque. Les flagship stores* sont des boutiques dont l’objectif n’est pas premièrement de faire du profit mais plutôt de communiquer la force et le pouvoir de la marque, ainsi que de renforcer et de développer sa notoriété et son image.51 La plupart de ces flagship stores réalisent un chiffre d’affaire important et représentent de vraies institutions dans les villes où ils sont implantés. De plus, cette nouvelle stratégie de distribution peut être l’occasion de redéfinir l’image de la marque en introduisant un critère d’unicité. Les preCHEVALIER, Michel, Luxe et retail : le point de vente, lieu d’excellence, Dunod à Paris, 2013 BARRENECHE, Raul, Nouvelle architecture commercial, Phaidon, 2005 50 BAHAMON, Alejandro, Mode : architecture corporative, L’inédite, 2008, page 10 51 ibid. 48 49

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Figure 11 Le premier flagship store : la boutique Prada à New York par Rem Koolhaas, 1999

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miers flagship stores ont vu le jour dans les villes d’origines de chaque marque : traditionnellement ce sont les boutiques les plus anciennes de la marque, si ce n’est pas la boutique originelle. Toutefois, ces vingt dernières années les marques se sont mondialisées et le concept de flagship store s’est élargi. Aujourd’hui on retrouve ces magasins non seulement dans les villes d’origine mais aussi dans toutes les grandes villes des pays prioritaires pour les marques de luxe : New York, Tokyo, Hong Kong, etc. Cette extension du concept correspond à un désir de faire vivre la marque, de développer son concept et de montrer ses valeurs et son concept tout en renforçant les relations avec les consommateurs de ces pays. Les megastores* sont des magasins qui représentent un concept développé depuis les années 1995 par les marques de luxe. Ce sont des magasins suivant les mêmes principes que les flagship stores mais dont la superficie est d’au minimum 800 mètres carrés.52 La définition des megastores est en partie similaire à celles des flagship stores : en effet, la différence réside dans le fait que la plupart des megastores sont des flagship stores mais les flagship stores peuvent être des magasins d’origine dont la superficie ne dépassé généralement pas 200 mètres carrés. Parallèlement aux objectifs de valorisation de l’image de la marque ou de la création d’une véritable institution, les megastores sont également le fruit d’un désir de représentation de force : la marque veut montrer qu’elle a la capacité d’ouvrir un immense magasin, de le gérer et de faire de considérables bénéfices : dans la cas de la mondialisation et l’importante concurrence que celle-ci implique, ces nouvelles boutiques représentent une démonstration de pouvoir et d’ambition. En plus d’être des représentations de force, les flagship stores ou les megastores, tendent à devenir de véritables institutions dans les villes où elles sont implantées.53 (dans ce travail, j’utiliserai le terme flagship store pour désigner cette nouvelle architecture de marque.) CHEVALIER, Michel, Luxe et retail : le point de vente, lieu d’excellence, Dunod à Paris, 2013, page 103 53 ibid. 52

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La stratégie marketing mise en avant par les marques de luxe est la valorisation de l'expérience du magasin et pour atteindre les objectifs espérés, les magasins phares d’une marque doivent posséder une architecture unique et être conçues par les architectes les plus célèbres du XXIe siècle. L’idée soutenue est que le prestige et le statut de la marque, associés à la renommée de l’architecte sont transférés aux produits et donc aux clients eux-mêmes. L’architecture d’un flagship store ne reflète pas seulement le style de l’architecte mais aussi l’image de la marque, son point de vue artistique et les attentes de ses clients. Aujourd’hui, dans le marché de la mode, comme d’autres champs de la vie contemporaine, l’architecture a toute son importance.

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II. LE MARKETING DU SECTEUR DE LUXE 1. DEFINITIONS ET CARACTERISTIQUES DU MARKETING Originairement, l’étymologie du terme marketing* vient du verbe anglais to market qui signifie faire son marché, acheter ou vendre. Le terme français recommandé est mercatique dont l’origine vient du mot marché, originaire de l’italien mercante et qui signifie marchand.54 Selon le dictionnaire Larousse, le marketing est l’« ensemble des actions qui ont pour objet de connaître, de prévoir et, éventuellement, de stimuler les besoins des consommateurs à l'égard des biens et des services et d'adapter la production et la commercialisation aux besoins ainsi précisés.» 55 L’origine de l’apparition de la notion de marketing est assez floue; en effet, celle-ci est supposément devenue une discipline à part entière aux Etats Unis dans les années cinquante, comme une succession à l’ère de la vente (1930-1950). Entre 1969 et 1973, la notion est exportée en France pour la première fois. Theodore Levitt, économiste américain, définit le marketing comme étant « l’état d’esprit qui, dans une entreprise, accorde la primauté aux clients et à leurs attentes. Le marketing est une fonction de l’entreprise, mais c’est surtout une conception tout à fait particulière de l’activité commerciale, selon laquelle, les entreprises sont conçues comme pour attirer une clientèle et la conserver. » 56 Par ces définitions, le marketing représente donc le concept ou les actions mises en oeuvre dans l’objectif de prévoir, stimuler ou susciter les besoins et envies du consommateur. « Le marketing est la conquête mé-

Encyclopedia Universalis Définition du dictionnaire Larousse en ligne, https://www.larousse.fr 56 LEVITT, Theodore, L’esprit marketing, Editions d’Organisation, 1972, page 255 54 55

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thodique et permanente d’un marché rentable, réalisée par un produit ou un service capable de satisfaire durablement les consommateurs visés. »57 Etant rationnel et cartésien, le marketing semble se rapporter à la notion de méthodologie. En effet, « le marketing est une méthodologie qui cherche à déterminer les offres de biens et services en fonction des attitudes des consommateurs et à favoriser la commercialisation. Dans la perspective d’optimiser le profit de l’entreprise, la pratique du marketing consiste à construire son offre compte tenu de la demande, du jeu des autres et des moyens dont on dispose dans un cadre politique choisi. »58 Selon Michel Chevalier, spécialiste du marketing, « le marketing est une méthodologie qui coordonne de façon logique des techniques, des outils et des méthodes à des fins stratégiques. »59 Le marketing est originairement défini comme le paradigme des 4 P de Kotler60: politique de Produit, politique de Prix, politique de Placement (distribution) et politique de Publicité (communication). Ces quatre politiques définissent le produit et ses implications commerciales:

- la politique de produit définit les caractéristiques du produit - la politique de prix définit les tarifs, rabais et conditions de paiement - la politique de placement (distribution) définit les modes de distribution du produit (fabrication, entreposage, points de vente, etc.)

- la politique de publicité (communication) définit les modes de promotion du produit (publicité, packaging, promotions, échantillons, etc.)

VERNETTE, Eric, L’essentiel du marketing, Eyrolles, 3e édition, 2008, page 11 VILLEMUS, Philippe, Le plan marketing pour les managers, Vuibert, 2009, page 18 59 CHEVALIER, Michel, Les 100 mots du marketing, Que sais je ?, Presses universitaires de France, 2009, page 3 60 Le modèle de Philip Kotler, qu’on appelle couramment le marketing mix, est un modèle qui repose sur l’adaptation et la coordination des produits, du prix, de la communication et de la distribution. 57 58

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Toutefois, le début des années 2000 marque un tournant et les fameuses « 4P de Kotler font place à la chaîne de communication »61. Le marketing devient participatif, social, totalement dirigé vers la satisfaction du client et l’expérience de l’achat, et est moins axé sur la promotion du produit : le marketing devient dès lors une science dont l’objectif est de mettre sur le marché des produits qui répondent aux demandes et aux besoins des consommateurs. « La marque est devenue un projet de signification, dont le produit n’est qu’une des manifestations. »62

2. UN ESSAI DE DEFINITION DE LA NOTION DE LUXE Pour la suite de ce travail, il est primordial de définir le luxe non seulement en tant que notion mais aussi en tant que secteur économique. Le luxe est néanmoins une notion complexe qui est difficilement définissable car elle varie selon les individus et les époques. L’étymologie du mot luxe renvoie au terme latin luxus signifiant somptuosité excessive et ostentatoire. Originairement, le luxe renvoie à une connotation négative puis progressivement cette notion d’excès va s’imprégner de caractéristiques de distinction et de raffinement. Avec l’émergence d’une nouvelle société axée sur la consommation et les loisirs, après la Révolution Industrielle, le luxe ne signifie plus aberration mais rareté. La définition du terme luxe dans le dictionnaire Larousse montre encore à ce jour les différentes dimensions de la notion :

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« Caractère de ce qui est coûteux, raffiné, somptueux Environnement constitué par des objets coûteux et raffinés Plaisir relativement coûteux qu'on s'offre sans vraie nécessité Ce que l'on se permet d'une manière exceptionnelle (…) pour se faire plaisir Grande abondance de quelque chose » 63

CHEVALIER, Michel, Management et marketing du luxe, Editions Dunod, 2008, page 253 ibid. 63 Définition du dictionnaire Larousse en ligne, https://www.larousse.fr 61 62

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Figure 12 Hiérarchie des marques et produits de luxe D’après le schéma de Danielle Allérès dans Luxe : stratégies et marketing

Figure 13 Les trois grandes groupes économiques et la répartition de leurs activités LVMH, Kering et Richemont

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Parallèlement, le luxe possède une dimension esthétique qui renvoie fatalement à la dimension philosophique du beau. Dans ses écrits, le philosophe et sociologue Kant différencie le beau, objectif et universel, du plaisant qui est subjectif et personnel. Cette deuxième dimension renvoie à la définition de Christian Blanckaert selon laquelle le luxe est un concept individuel, personnel et complexe, qui renvoie non seulement à des objets mais aussi à des sentiments64. Le luxe est indissociable d’une affirmation existentielle fondée d’un coté sur la possession et de l’autre coté sur l’exclusion. Le luxe dans la mode, comme dans l’art, se porte sur des objets qui se distinguent par leur raffinement et leur beauté. Toutefois, le luxe et la mode ont des racines distinctes : en effet, la mode est une inscription dans le collectif tandis que le luxe est une revendication d’exception, la mode manifeste le lien social, tandis que le luxe se fonde sur l’exclusion sociale.65 Aujourd’hui, avec la démocratisation du luxe, ce dernier n’est plus singularité mais se situe en conformité avec les représentations symboliques du collectif, tout en conservant une expression du pouvoir, et ce sont sont principalement les marques qui constituent les principaux attributs de ce pouvoir. Une approche importante dans la définition du luxe est celle concernant les différents niveaux de luxe, abordée par Danielle Allérès dans son ouvrage Luxe : stratégies et marketing66, dans lequel elle distingue trois niveaux de luxe en fonction de leur sélectivité et leur exclusivité. Le luxe inaccessible est composé par les Maisons anciennes dont la notoriété est internationale. Il correspond à des produits exclusifs et précieux, généralement réalisés artisanalement, ayant une qualité exceptionnelle voire rare et qui pos-

BLANCKAERT, Christian, Les 100 mots du luxe, PUF, Paris, 2010, page 10 SOMMIER, Eric, Essai sur la mode dans les sociétés modernes, Editions L’Harmattan, Paris, 2007 66 ALLERES, Danielle, Luxe : stratégies et marketing, Economica, Paris, 2005 64 65

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sèdent une certaine perfection de réalisation. Le luxe inaccessible est très sélectif, prestigieux et intimiste et son prix est extrêmement élevé. Le luxe intermédiaire est destiné à une cible de consommateurs plus grande que la précédente, c’est une classe sociale intermédiaire souhaitant se distinguer par rapport aux classes inférieures. Les produits sont de grande qualité en mélangent la production artisanale et industrielle; et leur prix est plus accessible que le luxe précédent. Pour finir, le luxe accessible concerne tous les produits ayant une moins grande qualité et qui sont fabriqués en usine, ou dans des ateliers, en série : il s’agit principalement de parfums et de cosmétiques ou des produits de nouveaux créateurs, moins prestigieux. Le luxe accessible cible tous les consommateurs grâce à des prix plus abordables.67 Selon Michel Chevalier, la société ayant muté à travers le temps, le marché du luxe est aujourd’hui principalement un luxe accessible pour la majorité des individus et la classification d’Allérès reste valable uniquement pour définir les origines et les spécificités du secteur, de même que les stratégies spécifiques à chaque catégorie. Dans son ouvrage Management et marketing du luxe, ce dernier énonce trois critères pour qu’un produit soit considéré comme un article de luxe : il doit détenir un fond artistique, provenir d’un savoir faire artisanal et être distribué sur le marché international. Le critère artistique est ce que distingue le secteur du luxe de tous les autres secteurs. Cette dimension esthétique constitue un des éléments fondamental du secteur du luxe et doit susciter aux consommateurs un sentiment de beauté et d’exception. Un article de luxe doit être le résultat « d’un processus de recherche esthétique approfondi et raffiné. »68 Quant à lui, le savoir faire artisanal est tout aussi important que le critère précédent. Les articles issus du luxe doivent être fabriqués à la main ou en respectant les 67 68

ibid. page 15-17 CHEVALIER, Michel, Management et marketing du luxe, Editions Dunod, 2008, page 9

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techniques artisanales et traditionnelles. Cette dimension réconforte les consommateurs qui aiment croire que les produits sont issus directement de l’atelier du créateur. Pour finir, pour qu’une marque de luxe puisse exister et prospérer, elle doit impérativement être implantée dans toutes les grandes capitales du monde. Toutefois, la présence sur la scène internationale ne doit pas nuire au caractère national des marques.69 À travers le temps, le secteur du luxe a tiré profit de la mondialisation et de la démocratisation tout en revalorisant ses caractéristiques de rareté, exclusivité et esthétisme. Les années 1980 ont marqué un tournant important dans l’histoire du luxe avec la formation des plus grands groupes économiques. En effet, le domaine du luxe est aujourd’hui principalement composé de trois grandes groupes mondiaux : le groupe LVMH de Bernard Arnault (Moet Hennessy Louis Vuitton), le groupe KERING de François Pinault et le groupe RICHEMONT spécialisé dans les montres et la joaillerie. LVMH est le groupe économique le plus puissant, étant composé de 70 maisons et réalisant un chiffre d’affaires de plus de 42 milliards d’euros en 201770. Plus de la moitié de leur activité est dédiée à la mode et la maroquinerie, suivie par les vins et le spiritueux. Leur département mode comprend principalement Louis Vuitton, Marc Jacobs, Givenchy ou encore Fendi. KERING est le troisième grand groupe mondial, précédé par Richemont, et est majoritairement composé de maisons de mode ou de maroquinerie. Fondé en 1999 avec l’achat d’Yves Saint Laurent par Gucci, le groupe KERING détient aujourd’hui plus de 17 maisons dont Balenciaga, Alexander McQueen ou même la marque de sport Puma. En 2017, le chiffre d’affaire réalisé par le groupe s’élevait à 15,5 milliards d’euros 71.

ibid. https://lvmh.com 71https://www.kering.com 69 70

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3. STRATEGIES MARKETING SPECIFIQUES A LA MODE DE LUXE La Haute Couture est la conjonction de la mode et du luxe, en possédant toutes les caractéristiques de ce dernier : la création, la beauté, l’artisanat, etc. A travers le temps, la mode a été à la fois levier de pouvoir, de différenciation, de distinction ou d’émancipation. Originairement un des instruments de la suprématie du Roi, aujourd’hui la mode est un secteur très diversifié, principalement dominé par les maisons historiques françaises comme Louis Vuitton, Christian Dior ou Yves Saint Laurent et par des marques italiennes, plus récentes, dont Gucci, Armani ou Versace. 72 L’industrie de la mode est un des secteurs les plus puissants dans le monde, avec un chiffre d’affaires de plus de 150 milliards d’euros en France en 201673. Plus spécifique que le marketing de base, selon Christian Blanckaert, le marketing du luxe « est un marketing complexe et subtil qui allie une prise en compte de l’humeur, du temps, une bonne compréhension des moeurs, des tendances et des habitudes des clients, et en même temps une capacité à devancer tous ces mouvements pour anticiper sur les gouts et les aspirations, afin de donner naissance à des produits en avance sur leur temps.» 74 Les stratégies marketing dans le secteur du luxe sont basées sur le culte du nom et de la marque, reconnaissable à partir de ses signes et ses codes. En effet, l’originalité de la politique marketing dans le secteur du luxe, ou de la mode dans le cas de ce travail, provient de la diffusion des signes et de l’image des maisons de luxe. De plus, dans cette industrie, le produit est tout aussi important que la marque. En effet, « sans produit mythique, de qualité supérieure, rare, entouré d’une aura mystérieuse, il n’y a pas de marketing de luxe. »75

CHEVALIER, Michel, Management et marketing du luxe, Editions Dunod, 2008 Source : IFM, Institut Français de la Mode, 2016 74 BLANCKAERT, Christian, Les 100 mots du luxe, PUF « Que sais-je? », Paris, 2010 page 88 75 CASTAREDE, Jean, Le Luxe, Paris, PUF, 1992, page 76 72 73

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Les stratégies marketing varient en fonction des différents types de luxe. Comme abordé dans le chapitre précédent, selon Danielle Allérès, le marché du luxe se divise en trois catégories : le luxe inaccessible qui se base sur un marketing « intuitif », le luxe intermédiaire s’appuyant sur un marketing « élaboré », et pour finir le luxe accessible, axé sur un marketing dit « scientifique ». Le luxe accessible concerne les produits fabriqués industriellement, en série et à moindres couts et dont la qualité est moins élevée. Ce dernier suit une stratégie marketing qui doit intégrer rationnellement toutes les variables de l’environnement économique, social et culturel; tout en anticipant les courants de la mode et les tendances. Concernant donc des produits déclinés des grandes maisons de mode ou des produits de nouvelles marques accessibles, cette catégorie ne concerne pas le sujet de ce travail; je vais donc me concentrer sur les stratégies marketing du luxe inaccessible et du luxe intermédiaire.76 LUXE INACCESSIBLE ET MARKETING INTUITIF Le luxe inaccessible concerne les métiers d’Art ou d’Artisanat qui ont une histoire importante, sont très sélectifs et sont destinés à une élite de la population. Le secteur du luxe inaccessible est principalement composé par les maisons de mode anciennes qui restent encore très protégées de nos jours et dont la notoriété est internationale. Ce marché se distingue donc par une qualité remarquable des produits, par des méthodes de fabrication artisanales et traditionnelles, et surtout par la célébrité du créateur, autour de laquelle est construite l’image de la marque et sa notoriété. Les deux spécificités principales de ce luxe inaccessible sont la rareté de la production et l’intimité de la destination. Le processus d’élaboration du marketing intuitif suit les étapes suivantes: 1. Génie du créateur 2. Reconnaissance par un groupe 3. Transmission automatique de l’information 76

ALLERES, Danielle, Luxe : stratégies et marketing, Economica, Paris, 2005, page 154

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Histoire de la Maison

Prestige des créations

Célébrité du créateur

Politique de Relations Extérieures

Marketing intuitif / aval Figure 14 Le marketing intuitif D’après le schéma de Danielle Allérès dans Luxe : stratégies et marketing

Réputation de la marque

Qualité des produits

Distribution limitée

Communication selective

Politique de Relations Publiques

Marketing élaboré / intermédiaire Figure 15 Le marketing élaboré D’après le schéma de Danielle Allérès dans Luxe : stratégies et marketing

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4. 5. 6.

Culte du nom du créateur Culture de la marque et de la maison Reconnaissance universelle du style 77

Dans le marketing intuitif, le succès et le génie du créateur permet la naissance de la marque; en effet, si le talent du créateur est à la base du succès de la maison, son renom assure la durabilité de la notoriété. La durabilité du succès repose donc sur le culte du créateur et de la marque, tandis que la pérennité de la maison repose sur la culture de la marque. La gradation des étapes du succès d’un créateur ou d’une marque repose sur l’image de ses créations et sur la reconnaissance de sa notoriété. Cette reconnaissance universelle de la marque ou du créateur, est due à l’originalité, à l’esthétique et à la qualité des produits. Parallèlement, la stabilité de la reconnaissance repose sur le degré permanent de créativité de l’artiste et la fidélité des clients. Succès de la marque

Magie de la marque

Culte de la marque

Culture de la marque

Le marketing intuitif est un marketing partiel qui repose essentiellement sur une Politique de Relations Extérieures* de dimension internationale. En effet, seule une marque ou une maison aussi prestigieuse que Chanel, Christian Dior ou Louis Vuitton, peut construire son marketing en se basant sur une stratégie-aval, consistant en la mise en valeur constante de l’origine de la maison ou de la marque, de la célébrité de son créateur ainsi que le prestige de ses créations. C’est une sorte de marketing « automatique » car il est presque naturel, intuitif : il nait de la reconnaissance de l’unicité, de la rareté et de la beauté des produits et est suivi par le culte du talent du créateur, en perdurant la culture de la magie de la marque. Ce patrimoine culturel constitue l’une des plus grandes richesses de ces premières maisons de mode. 77 ibid.

page 161

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LUXE INTERMEDIAIRE ET MARKETING ELABORE Le luxe intermédiaire est né suite à l’industrialisation du secteur économique et par le développement des réseaux commerciaux. Les nouvelles classes issues de cette nouvelle société, ont voulu avoir accès à un luxe plus accessible et pour répondre à cette demande, les marques ont proposé deux sortes de produits : premièrement, la des produits simplifiés réalisés en plus grand nombre par les marques de luxe inaccessible ou deuxièmement, la création de nouvelles marques plus accessibles. Cette période marque donc l’apparition d’une luxe moins authentique, où les caractéristiques de beauté et de qualité demeurent, mais où l’on vont se substituer une moins grande rareté et une moins forte originalité des produits : c’est la naissance du prêtà-porter. Ce dernier, reposant moins sur les règles des métiers d’art et d’artisanat, développe des programmes de production semi-industrielle permettant ainsi de proposer un luxe plus abordable. Jusque là protégé, l’apparition du prêt-à-porter révolutionne le marché du luxe et le transforme en un marché concurrentiel. Le processus d’élaboration du marketing élaboré, moins automatique que le précédent, suite les étapes suivantes : 1. 2. 3. 4. 5. 6.

Attente des consommateurs Analyse de l’environnement concurrentiel Elaboration d’un concept homogène ( produit, présentation, prix) Diffusion du produit et de l’information Reconnaissance du produit Succès de la marque 78 Le luxe intermédiaire s’adresse à une nouvelle classe sociale, moins

aisée mais qui souhaite elle aussi maintenir une distance sociale bien marquée par rapport aux classes moyennes montantes. Cette catégorie est composée par des marques plus récentes comme Gucci, Burberry, Kenzo, etc. La 78

ibid. page 166

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stratégie marketing abordée par ces marques de luxe intermédiaire est une stratégie construite autour d’une politique de Relations Publiques; c’est une politique très sélective, cherchant à la fois à développer l’image de la marque et à confronter la rareté relative de ses produits. La reconnaissance des produits, obtenue grâce à leur qualité et leur esthétique, permet de fidéliser les clients à la marque. La stratégie de marketing élaboré vise à mettre en valeur les produits qui sont diffusés en quantités limitées et promus grâce à une communication restreinte, avec des prix moyennement accessibles.

4. NOTIONS D’IDENTITE DE MARQUE ET DE LOGO La notion de brand identity* apparaît au début des années 1980 et se répand rapidement chez les professionnels. À l’origine, le terme désigne tout ce qui peut identifier une marque et évolue par la suite vers une véritable abstraction de la marque; les termes personnalité, individualité ou encore identité deviennent courants.79 Le branding* représente les éléments forts et symboliques qui ont le pouvoir d’influencer les cultures, les sociétés et les générations. Le branding comprend le nom, le logo*, les couleurs, l’identité mais aussi les stratégies marketing de la marque : le résultat doit être fort, consistant et capable de produire un attachement émotionnel avec les consommateurs.80 Devenu le coeur des stratégies marketing, le branding définit les caractéristiques de chaque marque : l'identité de la marque, ses promesses, ses valeurs et ses différenciations. Tous ces éléments forment une garantie de crédibilité et la récognition des produits. Pour pouvoir prospérer, toute marque, de luxe ou non, nécessite la définition d’une forte identité. Dans le cas des maisons de mode, l’identité démarre souvent à partir du nom du créateur puis est élargie continuelleKAPFERER, Jean Noel, The luxury strategy: breaking the rules of marketing to build luxury brands, Kogan Page, 2009 80 OKONKWO, Uche, Luxury fashion branding : trends, tactics, techniques, Palgrave Macmillan, 2007, England 79

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ment par l’ajout de valeurs additionnelles. L’identité de la marque correspond à l’ensemble des caractéristiques de la marque comme l’image, la dénomination, le logo, les couleurs, l’histoire de la maison et l’histoire du créateur, les principes ou encore les valeurs. Dans son évolution, chaque marque doit mettre en avant des produits identifiables, qui possèdent un code esthétique tout en étant en cohérence avec les autres produits de la marque. « Le style est considéré comme la priorité des priorités. » 81 En effet, tous les produits de la marque doivent suivre les mêmes codes stylistiques et identitaires de sorte à contribuer à l’image de la marque. Pour résumer, chaque produit d’une marque donnée doit contenir toutes les valeurs esthétiques et éthiques de cette marque. Il existe une importante distinction entre image et identité82 : l’image de la marque est la résultante des perceptions des consommateurs, c’est la façon dont la marque est perçue; elle est de nature réceptive. L’identité, quant à elle, représente la façon dont la marque se présente aux consommateurs, c’est la substance de la marque; elle est de nature émissive. En effet, « l’image de la marque est liée à la réception et l’identité au processus d’émission.»83 Dans le monde du luxe, la notion d’identité est une contrainte importante car chaque produit doit rester dans la sphère de cette identité. Pour Michel Chevalier, l’identité d’une marque est "le fait, pour une marque, de pouvoir être reconnue comme unique, dans la durée, sans nulle confusion, grâce aux éléments qui l’individualisent. » 84 Le nom de la marque et son logo constituent les deux éléments visibles qui permettent de transmettre une réalité plus complexe : ces éléments représentent la médiation entre identité et image. Le nom de la marque est le premier signe de reconnaissance pour les consommateurs. Généralement, dans l’univers du luxe, le nom de la CHEVALIER, Michel, Management et marketing du luxe, Dunod, 2011, page 28 KOTLER, Piere, Marketing Management, Pearson, 2012 et CHEVALIER, Michel, Manage ment et marketing du luxe, Dunod, 2011 83 KAPFERER, Jean Noel, Les marques : capital de l’entreprise, Paris, Eyrolles, 2007 84 CHEVALIER, Michel, Management et marketing du luxe, Dunod, 2011, page 178 81 82

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marque est le nom et/ou le prénom de son créateur. Un bon nom possède deux caractéristiques principales : il est facile à retenir et détient un élément émotionnel et relationnel fort.85 En sémiotique, la notion d’icône désigne « l’image qui, s’articulant avec un sens, se rapporte à une entité physique ou simplement représentative» 86. L’icône incarne donc la représentation d’une entité et de son sens tout en conservant certaines de ses propriétés; par exemple, la tour Eiffel est l’icône de Paris, les frites sont l’icône du belge et Chanel est l’icône du luxe français. Originairement religieuse, la notion d’icône est aujourd’hui liée à la culture et notamment au branding culturel et urbain. Selon Denis Meyer, une icône est une « figure emblématique qui joue un rôle essentiel dans la construction et le soutien de l’imaginaire social et de l’identité collective. » 87 L’icône culturelle peut donc être représentée par un logo, un symbole, un nom ou encore un bâtiment. De plus, une icône doit facilement être reconnaissable et doit représenter une identité ou une idée. La notion d’icône s’apparente plus à un concept, souvent abstrait, et se rapporte à une image générale non absolue qui tend vers une pluri-généralité88 . « L’icône ne représente pas le réel, mais le signifie et le représente. Elle crée un signifiant avec une signification qui dépend de celui qui l’interprète. »89 Le logo, ou l’icône dans le monde du luxe, est donc associé à la notion d’image, de reflet et de symbolique de la marque. Jusque dans les années 1970, l’icône des marques de luxe était souvent représentée par un objetphare de la marque; c’était l’objet le plus connu, le plus historique ou le plus révolutionnaire : le tailleur tweed de Chanel ou la malle en monogramme de Louis Vuitton. L’objet, élément idéalisé, était le logo de la marque. ibid. page 110 La sémiotique est l'étude des signes et de leur signification, https://iris.univ-tlse2.fr 87 MEYER, Denis, Icônes culturelles : lecture textuelle et contextuelle, Synergies Chine, n°6, 2011, page 223 88 Selon Kant, l’idée de concept se rapporte à une idée générale, non absolue 89 LELOUP, Jean Yves, L’icône : l’école du regard, 2013, en ligne 85 86

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Figure 16 Logo et typo Chanel , reconnue aussi pour l’imprimé tweed

Figure 17 Logo et typo Louis Vuitton; marque reconnue aussi par le monogramme avec la fleur à quatre pétales et le damier

Figure 18 Logo et typo Gucci

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Le développement de la production en série et la diffusion à grande échelle ont soutenu l’essor des marques parce que le producteur est devenu une référence plus fiable que le lieu. La première fonction de la marque est donc la certification et son affirmation est la signature : celle ci satisfait l’envie de vrai et d’authentique. Toutefois, à elle seule une signature n’est pas une marque mais elle permet d’illustrer le double statut de la marque : d’une part elle singularise la provenance et d’autre part elle l’inscrit dans l’ordre social.90 Tandis que la marque quant à elle, participe à l’accroissement de la valeur symbolique du produit et bénéficie d’une faculté de désignation, le logo de la marque permet d’enrichir le pouvoir du produit en lui conférant les valeurs essentielles et les traits distinctifs de la marque. 91 Le terme logo est l’abréviation du terme logotype*. Etymologiquement grec, le mot comprend le radical logos, signifiant parole, et le suffixe type, évoquant le processus d’impression. La notion de logotype est apparue à l’avènement de l’imprimerie et de l’industrie du commerce et s’est généralisée avec le développement industriel et de l’économie de commerce. A cette époque, les logos sont utilisés pour permettre aux consommateurs, en grande nombre illettrés, de pouvoir distinguer les produits disponibles sur le marché. Originairement, les logos sont composés du noms des marques, de dessins ou des symboles, dont l’objectif est la reconnaissance directe de la marque.92 Toutefois, au cours de son évolution, la notion de logotype a introduit une certaine vulgarisation du concept de beau et une mutation de ses valeurs esthétiques vers une « confusion de l’esthétique et de l’utilitaire commercial.»93 Avec cette nouvelle dimension, les logos ont acquiert une importante valeur identitaire : en effet, que ce soit au moyen d’un dessin ou

SOMMIER, Eric, Essai sur la mode dans les sociétés modernes, Editions L’Harmattan, Paris, 2007 91 CHEVALIER, Michel, Management et marketing du luxe, Dunod, 2011 92 KAPFERER, Jean Noel, The luxury strategy: breaking the rules of marketing to build luxury brands, Kogan Page, 2009 93 FOSTER, Hal, Design & Crime, Les prairies ordinaires, Londres, 2008, page 32 90

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de l’écriture, ou un mélange des deux, le but du logotype est transmettre une identité par le biais d’une image. La gestion des logos est extrêmement délicate car leur conception, leur évolution esthétique et leur utilisation doivent entièrement correspondre aux stratégies marketing de la marque. En effet, « les logos sont le nouvel alphabet d’une société qui sur-communique. Ce sont les symboles de notre temps (…)Un bon logo doit avoir le pouvoir d’exprimer et de synthétiser les caractéristiques de la marque, posséder une force symbolique et être facile à retenir, par le biais d’une relative simplicité formelle. »94 Dans le cas des grandes maisons de mode, la forme de logos le plus fréquemment utilisée est celle s’inspirant de l’histoire de l’écriture et des signatures. Il s’agit notamment des monogrammes* formés par les initiales de la marque et de leurs dérivés, comme les deux C entrelacés de Chanel, le G de Gucci ou encore le LV de Louis Vuitton.

5. L’ICONE ARCHITECTURALE COMME OUTIL MARKETING Premièrement, pour comprendre comment s’est construit l’icône architecturale dans le monde du luxe, il est important de comprendre ce qu’est une icône architecturale. Tous deux liés aux domaines des arts, le concept d’icône et d’architecture se joignent dans l’objectif de générer un nouveau concept : celui de l’icône architecturale. Originairement, le terme « architecture iconique » est utilisé pour définir une architecture exceptionnelle et emblématique. L’ambition de cette architecture est d’entrer dans l’histoire des réalisations architecturales; parmi ces réalisations nous pouvons citer les pyramides d’Egypte, la tour Eiffel, l’Empire State Building, etc. L’architecture iconique vacille constamment entre la représentation de l’objet physique et de l’image de l’objet95. 94 95

CHEVALIER, Michel, Management et marketing du luxe, Dunod, 2011, page 111 et 114 ibid. page 124

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En architecture, l’icône est donc un outil de conception cherchant la construction d’un objet architectural remarquable avec parallèlement la construction d’une image de l’objet et l’expression de l’identité et des valeurs. Dans l’architecture, l’icône persiste en tant qu’outil de pouvoir, de démonstration ou de propagande. En effet, dans le milieu du luxe, l’icône architecturale permet à une marque de montrer son pouvoir, principalement économique : l’architecture en tant qu’icône du luxe est une signe de richesse et un important vecteur de branding. Dans le passé, l’architecture et la forme urbaine ont joué un rôle central dans la production du paysage capitaliste et, étant donné que l’architecture a toujours été liée à l’économie, nous pourrions affirmer que l’architecture dans le système capitaliste est un produit: elle favorise, comme tout autre produit, la croissance du profit, l'augmentation de la production et, récemment, de la consommation. Le mouvement moderniste en architecture était contingent aux principes économiques fordistes. En effet, pour répondre à l’objectif d’accumulation de capital, l’architecture a premièrement optimisé spatialement la distribution des fonctions (la forme suit la fonction96) puis deuxièmement, elle a standardisé le processus de construction.97 De la même façon que l’architecture moderne a été motivée par les débuts du capitalisme, le mouvement post-moderniste est devenu la marque stylistique du capitalisme tardif, qui mettait l'accent sur la consommation. Tandis que l’économie capitaliste est passée de production à consommation, l’architecture est devenue de plus en plus dépendante de la production de signes et d’images. Parallèlement s’est déroulée une progression allant de l’objet à l’expérience : l’identité architecturale s’est éloigné de plus en plus loin de la fonction de l’objet et de l’aptitude de cet objet à pro« form follows function » : citation de Louis Sullivan, selon laquelle la taille, la masse, la spatialité et toutes les caractéristiques du bâtiment doivent dériver uniquement de sa fonction 97 KLINGMAN, Anne, Brandscapes : Architecture in the experience economy, MIT Press, 2007, page 3-7 96

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Figure 21 Construction du Musée Guggenheim à Bilbao, Frank Gehry

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duire une signification symbolique vers la production d’un acte catalyseur. L’Effet Bilbao en est l’exemple le plus probant : le musée Guggenheim de Frank Gehry à Bilbao n’est pas évalué par sa fonction primaire (un musée) mais par sa capacité à susciter un changement (croissance économique et renouvellement urbain) 98. Le branding a contribué à l’accroissement de l’homogénéisation des individus et des espaces tandis que « le branding en architecture a été largement assimilée à la marchandisation, à une architecture de signature, à la création d'icônes et à une notion plus large de vente.» 99 Toutefois, il est important de ne pas limiter l’architecture à un simple exercice de forme qui ne tient pas compte de son rôle primordial dans la construction des économies et du paysage urbain. En effet, cette architecture peut être utilisée dans le but de promouvoir les valeurs culturelles (de la marque, de l’endroit, de la population); en utilisant les stratégies identitaires de la marque, l'architecture de marque peut induire des changements durables et significatifs qui font appel au potentiel des cultures et des lieux particuliers où elle s’inscrit. Dans le contexte socio-économique actuel, l’architecture ne constitue pas une simple part du marketing, elle en devient presque l’essence. En effet, depuis les années 2000, les stratégies marketing des marques se sont fortement dirigées vers une diffusion architecturale, avec l’architecture comme important outil stratégique dans la définition et le renfort de l’identité de marque. De nombreuses collaborations entre marques at architectes de renom ont vu le jour ces deux dernières décennies : Prada s’est associé à Koolhaas, Louis Vuitton à Jun Aoki et Sanaa a travaillé pour Dior. L’architecture des boutiques des marques les plus prestigieuses est aujourd’hui devenue un vecteur d’image, une stratégie marketing participant fortement à L’ « effet Bilbao », également connu sous le nom d’effet Guggenheim, a trait à la relation de cause à effet qui se produit lorsqu'un projet unique devient le catalyseur de la revitalisation d’une ville, d’une région jadis en difficulté économique. C’est le « fondateur » de l’ architecture iconique contemporaine. 99 KLINGMAN, Anne, Brandscapes : Architecture in the experience economy, page 3 98

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Figure 22 House of Dior Seoul, Christian de Portzamparc, 2015

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l’établissement et à la propagation de leur notoriété. Il existe deux sortes d’icônes architecturales dédiées aux marques de luxe dans les paysages urbains contemporains : l’architecture qui devient icône ( cela concerne les premières boutiques des maisons de mode, comme par exemple la boutique Chanel à Rue Gambon, Paris), et l’architecture conçue comme icône ( cela concerne la nouvelle architecture des boutiques, celle des flagship stores dont l’objectif est de créer un héritage, un patrimoine). Ce travail est principalement concentré sur la deuxième sorte d’icône architecturale, les flagship stores, qui représentent un nouveau tournant dans l’architecture des magasins et dans le marketing des marques de luxe.

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III. LE SECTEUR DE LA MODE EN TANT QUE VECTEUR CULTUREL 1. LA MODE, UN FAIT SOCIAL ET ECONOMIQUE La mode en tant que phénomène social est une création occidentale, liée à l’avènement des sociétés où l’individu est devenu une valeur suprême, contrairement aux sociétés traditionnelles dans lesquelles la valeur est placée dans la société comme un tout100. L’origine d’une conception de la mode comme phénomène social, coïncide donc avec le phénomène des sociétés bourgeoises qui privilégiaient l’individu en tant que valeur. Ce passage de la mode dans la sphère privée, a engendré l’apparition de la Haute Couture en 1850. En effet, en ouvrant sa première maison de mode à la fin des années 1850, Charles Frederick Worth (1825-1895) est devenu le fondateur de la Haute Couture : les innovations qu’il a introduit dans le secteur sont toujours d’actualité aujourd’hui (les défilés semestriels, les mannequins vivants, etc. ).101 Pour le philosophe Gilles Lipovestsky, Worth symbolise l’émergence de ce qu’il appelle « la mode de cent ans »; c’est la première phase de la mode qui s’étend de 1850 à 1960 et qui définit la massification de la consommation. Selon Lipovetsky « Le geste de Worth équivaut à la destruction de la logique séculaire de subordination ou de collaboration entre la couturière et sa cliente au profit d’une logique consacrant l’indépendance du modéliste » 102 La mode a toujours représenté l’une des manifestations pratiques de la société et constitue, avec l’art, l’une des traductions les plus directes de MONNEYRON, Frédéric, La mode et ses enjeux, Klicksieck, Paris, 2005, page 12 CHEVALIER, Michel, Management et marketing du luxe, Dunod, 2011 102 LIPOVETSKY, Gilles, L'empire de l'éphémère: la mode et son destin dans les sociétés mo dernes, Gallimard, Paris 1987, page 109 100 101

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la culture des individus. C’est une culture tangible car elle est liée aux aspects matériels et à la dimension opératoire de la vie, et possède un caractère massif et collectif qui rend perceptible les transformations des cultures: elle s’impose aux consciences. Transcrivant les mutations des sociétés et inversement, en prenant source d’inspiration dans la sociologie, la mode se trouve au coeur des processus de construction des cultures collectives et nourrit les dynamiques sociales. Fait social à part entière, dès son origine la mode a intéressé les plus grandes sociologues du monde ( Weber, Simmel, Tarde,…). La définition de la mode est ambiguë car elle peut se définir de deux façons différentes : la mode comme une industrie de l’habillement et du luxe ( modes de consommation des individus, des groupes ou des classes sociales qui utilisent les vêtements pour définir une identité ) ou la mode en tant que type de changement social spécifique (d’après les théories du sociologue Simmel103). Ces deux définitions sont liées parce que l’industrie de la mode est une industrie productrice de styles qui sont marqués par les changements sociaux. En effet, la mode occupe un place importante depuis son existence car elle permet de définir l’identité sociale des individus. Elle est omniprésente dans les activités économiques et sociales de la société : c’est un fait social total.104 Le concept de « fait social total » représente des faits qui « mettent en branle dans certains cas la totalité de la société et ses institutions et dans d’autres cas seulement un très grand nombre de ces institutions ».105 Le fait social total est donc un fait social qui touche tous les individus et les groupes sociaux et dont la compréhension rend compte de l’humain dans sa totalité. La mode est un fait social total car elle implique simultanément la branche SIMMEL, Georg, Philosophie de la mode, 1905 Le fait social total est un outil méthodologique de sciences humaines, notamment en anthropologie et en sociologie, forgé par Marcel MAUSS dans son ouvrage Essai sur le don paru en 1923. 105 GODART, Frédéric, Sociologie de la mode, La découverte, Paris, 2010, page 9 103 104

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artistique, économique, politique et sociale et qu’elle implique l’expression de l’identité sociale. En effet, originairement apparu comme une réponse aux besoins de protection du corps, la signification du vêtement et sa relation entre le fonctionnel et le symbolique a évolué à travers le temps. En effet, le fonctionnel s’est effacé au profit du symbolique car dans la mode, l’importance du signe se révèle supérieure à l’importance de l’être ; la symbolique attribue souvent aux choses un sens déconnecté de leur fonction première. 106

IMITATION ET DISTINCTION Selon Tarde, la mode est entrée dans la pensée économique et sociale à travers le besoin d’imitation chez les individus. Pour lui, la mode s’oppose à la coutume: la coutume est une imitation routinière du passé tandis que la mode est une imitation du futur. De plus, la mode est une imitation qui apporte du nouveau tandis que la coutume est une imitation qui permet la reproduction à l’identique. « La mode est une imitation qui se joue des frontières sociales, culturelles ou géographiques.»107 En opposition, pour Simmel, la mode est distinction car elle permet de rendre compte des tensions ayant lieu dans la vie sociale. La mode est le résultat d’un besoin de distinction des classe supérieures et d'un besoin d’imitation des classes inférieures. Lorsqu’une classe supérieure adopte un style, celui-ci est copié par les classes inférieures qui veulent imiter les classes qui leur sont supérieures. Pour Simmel, l’intérêt de la mode se situe dans sa capacité à garder un équilibre dynamique entre deux pôles opposés de la vie sociale : la création et la destruction.

SOMMIER, Eric, Essai sur la mode dans les sociétés modernes, Editions L’Harmattan, Paris, 2007 107 ibid. page 16 106

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Dans son ouvrage Sociologie de la mode, Frédéric Godart définit les six principes de la mode108 : - Le principe d’affirmation qui définit la mode comme étant une fait social d’imitation et/ou de distinction

- Le principe de convergence signifie que la mode est définie par l’existence de tendances et par la particularité d’être à la fois une industrie et un art

- Le principe d’autonomie concerne le choix esthétique qui est libre au créateur et donc l’autonomie d’un point de vue de l’activité créatrice

- Le principe de personnalisation place le créateur au centre de l’industrie de la mode. En effet, l’autonomisation du créateur engendre donc une personnalisation de la création

- Le principe de symbolisation définit le rôle prépondérant des marques dans la relation entre le producteur et le consommateur. La mode en tant que système des marques est un système de signes et de significations : « la marque est une entité dotée d’une identité » 109

- Le principe d’impérialisation, qui comme abordé dans le chapitre précédent, signifie que la mode est un secteur dominé par un groupe restreint, dont principalement par des grands groupes mondiaux

2. NOTION D’INDUSTRIES CULTURELLES ET CREATIVES Avant de traiter des industries culturelles et créatives, je vais commercer par définir le terme culture, qui est un terme polysémique auquel nombreuses définitions y sont attachés. Généralement, le terme culture est utilisé pour désigner les services et les pratiques culturelles dans les sociétés contemporaines, et principalement dans le monde des arts et des lettres. Toutefois, de sorte à préciser et définir exactement dans quel sens j’aborde le terme dans ce chapitre, il est important de trier les différents significations.110 GODART, Frédéric, Sociologie de la mode, La découverte, Paris, 2010, page 16-92 ibid. page 86 110 MORIN, Edgar, L’industrie culturelle, Communications, 1, 1961, pages 38-59 108 109

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Le dictionnaire Larousse propose plusieurs définitions pour le terme, dont deux exprimant le mot culture au sens visé dans ce travail : « Ensemble des phénomènes matériels et idéologiques qui caractérisent un groupe ethnique, une nation, une civilisation, par opposition à un autre groupe ou à une autre nation » - Dans un groupe social, ensemble de signes caractéristiques du comportement de quelqu'un (langage, gestes, vêtements, etc.) qui le différencient de quelqu'un appartenant à une autre couche sociale que lui »111 En anthropologie, le mot culture désigne ce qui est différent de la nature, c’est-à-dire ce qui est de l’ordre de l’acquis et non de l’inné; toutefois assez ancienne, cette opposition entre nature et culture a déjà été contestée par de nombreux anthropologues. Dans le domaine de la sociologie, la notion de culture renvoie d’un coté à l’ensemble des symboles, des significations, des valeurs et des manières de faire propres à un groupe et simultanément; de l’autre coté elle renvoie au domaine des activités expressives, savantes ou populaires d’un groupe112. Dans la sociologie contemporaine, Pierre Bourdieu envisage la culture comme un espace d’aliénations; une caractéristique importante de sa sociologie concerne le capital économique qu’il nomme le capital culturel. Selon lui, dans les sociétés modernes, la quantité de ressources culturelles que possèdent les hommes joue un rôle primordial dans la définition de leur position sociale. Cela signifie que la position sociale d’un individu est tout autant déterminée par le diplôme qu’il a acquis que par la richesse économique dont il a pu hériter.113 Introduit en 1947, le concept d’industries culturelles est né de l’analyse critique de la standardisation et de la reproduction de masse des pro-

Définition du mot culture dans le dictionnaire Larousse, https://www.larousse.fr/ PAUGMAN, Serge, Les 100 mots de la sociologie, « Que sais-je? » 3870, PUF, Paris, 2010, page 59 113 BOURDIEU, Pierre, La Distinction. Critique sociale du jugement, « Le sens commun », Paris, Minuit 1979 111 112

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duits de contenu. Dans les années septante, la notion d’industries culturelles se renouvelle en intégrant l’analyse des modalités de production et de diffusion des biens culturels. Selon l’UNESCO, la définition des industries culturelles est formalisée comme « l’ensemble en constante évolution des activités de production et d’échanges culturels soumises aux règles de la marchandisation, où les techniques de production industrielle sont plus ou moins développées, mais où le travail s’organise de plus en plus sur le mode capitaliste d’une double séparation entre le producteur et son produit, entre les tâches de création et d’exécution. »114 Les industries culturelles sont composées par l’édition, le cinéma, la musique, la radio, la télévision et les arts de la scène. Apparues dans les années 1990, les industries créatives ont pour origine la créativité et la capacité de générer de nouvelles idées. En effet, la notion de créativité se trouve au coeur des industries créatives, qui contrairement aux industries culturelles, sont affranchies d’une dimension culturelle et patrimoniale obligatoire. En addition aux domaines traditionnellement reconnus en tant qu’industries culturelles, la notion d’industries créatives englobe les domaines de l’architecture, du design, de l’artisanat, de la mode ainsi que la publicité et les jeux vidéos. Le point commun entre tous les domaines cités est que tous les produits sont issus d’un processus de création. Pour résumer, la notion d’industries culturelles et créatives est définie par l’UNESCO comme « les secteurs d’activité ayant comme objet principal la création, le développement, la production, la reproduction, la promotion, la diffusion ou la commercialisation de biens, de services et d’activités qui ont un contenu culturel, artistique et/ou patrimonial.» Les principales caractéristiques des industries culturelles et créatives sont : 115

- « L’intersection entre l’économie et la culture UNESCO, Politiques pour la créativité. Guide pour le développement des industries cultu relles et créatives, article en ligne, http://www.unesco.org, consulté le 03/02/2019 115 ibid. 114

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- La créativité au cœur de l’activité - Le contenu artistique et culturel - La production de biens et de services protégés par la propriété intellectuelle

- La double nature : économique et culturelle - L’innovation et le renouvellement créatif » Les industries culturelles et les industries créatives ont de nombreux points communs mais il demeure une importante différence entre les deux notions : « culture et créativité ne sont pas équivalentes.»116 En effet, dans les industries créatives, le champ de la culture est considérablement élargi par rapport aux industries culturelles et la culture se définit par sa relation au marché. Les industries créatives regroupent l’ensemble des activités dont la production repose sur la création; elles sont donc liées à des savoirs-faire complexes, souvent spécifiques à un territoire, qui produisent une importante valeur ajoutée et sont créatrices d’emplois. Cet élargissement de la définition de la culture s’inscrit dans une perspective d’approfondissement des liens entre la culture et le marché. De plus, les industries culturelles sont déterminées par les exigences de la reproduction à grande échelle tandis que les industries créatives concernent des produits semi-reproductibles voir dénués de toute reproductibilité.117 Du point de vue du processus de production, on constate une extension du domaine de l’art à d’autres activités, venant intégrer une composante créative importante pour former donc les industries créatives. Par la suite, cette extension gagne l’ensemble de l’économie où la créativité et l’innovation sont devenus des facteurs déterminants de création de valeur : c’est ce qu’on appelle l’économie créative.118 Cette notion d’économie créative BOUQUILLION, Philipe, L’industrialisation des biens symboliques : Les industries créatives en regard des industries culturelles, Presses universitaires de Grenoble, 2013 117 ibid. 118 BUSSON, Alain & ÉVRARD, Yves, Les industries culturelles et créatives. Économie et straté gie, Paris, Vuibert, 2013. 116

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concerne une industrie plus large que les industries créatives et s’intéresse à la diffusion de la créativité et de l’innovation dans l’économie et la société. Se déroulant à une échelle bien plus grande, l’économie créative est définie par une suite de cercles concentriques; au coeur on y retrouve les arts et les industries créatives puis dans les cercles qui se suivent on retrouve les autres activités en fonction du rapport, plus ou moins important, qu’elles entretiennent avec la créativité (communication, distribution, etc). Pour fonctionner, les industries créatives doivent donc être trans-sectorielles et s’insérer dans les autres domaines d’activités économiques.

3.

LA MODE, UNE INDUSTRIE CREATIVE L’industrie de la mode représente un objet social singulier, se trou-

vant au croisement des arts et de l’industrie. En tant qu’industrie créative, la mode est définie par une dualité fondamentale : elle est à la fois une activité économique et une activité artistique. Selon le sociologue Pierre Bourdieu, la mode repose sur la puissance des créateurs qui transforment des objets inertes en objets magiques, porteurs de statut de distinction sociale, et définis par une couleur, une forme ou un logo. « La mode est une activité économique parce qu’elle produit des objets, mais c’est aussi une activité artistique parce qu’elle produit des symboles ».119 Le point commun entre toutes les industries créatives est le fait qu’elles sont définies par la créativité et l’esthétique dans le processus de production et par le loisir dans le processus de consommation. L’industrie de la mode constitue un point pertinent pour les industries créatives de par son importance économique mais aussi par son omniprésence dans les activités sociales. En effet, la Haute Couture produits des biens semi-reproductibles, en se rapprochant de la sorte de certains bien culturels qui peuvent être définis comme des biens qui supposent « l’intervention d’artistes dans la 119

GODART, Frédéric, Sociologie de la mode, La découverte, Paris, 2010, page 7

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conception et même la production. (…) De plus, « le critère de la limitation de la reproductibilité se combine avec un autre critère d’ordre stratégique, et qui motive les producteurs lorsqu’ils jouent autour de l’idée de rareté, caractéristique d’une conception bourgeoise de l’art qui est héritée du mécénat aristocratique. » 120 La limitation technique de la reproduction et le recours à la fabrication manuelle par de la main-d’ouvre qualifiée sont à l’origine de ces produits semi-reproductibles, qui présentent des caractéristiques communes échappant à la culture de masse d’une part et à la mode de masse d’autre part. Le secteur de la mode est une filière qui est adossée à son patrimoine et qui doit lutter en permanence contre le risque d’épuisement de cet effet de patrimoine. C’est un risque réel à l’époque de l’internationalisation des marchés et de la mondialisation de la clientèle, très sensible aux effets de distinction et aux relations que cette consommation entretient avec la valorisation des identités sociales et culturelles. De plus, les biens de la mode sont insérés dans les patrimoines personnels, ce qui les transforme donc en biens transmissibles et monétisables121. De ce point de vue on remarque une différence importante avec les industriels culturelles : bien que celles-ci soit adossées à des références culturelles, donc patrimoniales, elles ne peuvent donner lieu à la formation d’un patrimoine personnel. Les biens de la mode, où les processus de légitimation sont plus proches du marché de la peinture, ont donc beaucoup plus de points en commun avec des biens uniques, non-industrialisés, se rattachant plutôt au domaine des arts plastiques. La phase de conception des industries créatives détient une importante particularité : le processus de travail doit être artisanal et se dérouler

120MIEGE,

19

Bernard, Les industries du contenue face à l’ordre informationnel, PUG, 2000, page

BOUQUILLION, Philipe, L’industrialisation des biens symboliques : Les industries créatives en regard des industries culturelles, Presses universitaires de Grenoble, 2013, page 111-114 121

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Figure 23 Défilé Chanel A-H, 2019-2020 Revisite de l’imprimé Tweed classique

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dans des ateliers qui emploient du personnel très qualifié. Toutefois, de nos, jours, une dissociation s’est opérée entre le processus de conception et celui de fabrication. L’atelier de conception garde toujours une place importance et centrale, permettant ainsi d’entretenir la fiction sur le processus de production artisanal, qui aujourd’hui, est majoritairement semi-industriel. Cette valorisation de l’atelier de référence permet de mettre en avant la relation symbolique et prestigieuse avec l’histoire des couturiers et de la Haute Couture.122 Avec la démocratisation du luxe ainsi que la perte de reconnaissance du savoir-faire traditionnel et des compétences des métiers très qualifiées, les maisons de mode mettent en avant de façon insistante les notions de patrimoine et de créativité, en investissant récemment de manière croissante dans des campagnes publicitaires, des actions de branding et de renfort d’image et d‘identité. Que ce soit dans les industries culturelles et dans les industries créatives, dont le champ de la mode dans ce travail, on a affaire à des biens d’expérience (la consommation vérifie la qualité ) et des biens de confiance (réputation du production du bien). Toutefois, la grande différence entre les deux domaines est le fait qu’on n’achète pas du Gallimard mais un roman de tel auteur ou encore le fait que le succès d’un film est du à la participation de tel acteur ou tel réalisateur mais cela n’a rien à voir avec le rôle d’un seul créateur au sein d’une maison de haute couture. 123 4.

GENIE DU COUTURIER ET GENIE DE L’ARCHITECTE Dans le contexte actuel, marqué par l’internationalisation et la mon-

dialisation, la créativité est essentielle à la consolidation des marchés des industries créatives. Toutefois la gestion de la créativité montre des diffé-

BUSSON, Alain & ÉVRARD, Yves, Les industries culturelles et créatives. Économie et straté gie, Paris, Vuibert, 2013. 123 BOUQUILLION, Philipe, L’industrialisation des biens symboliques : Les industries créatives en regard des industries culturelles, Presses universitaires de Grenoble, 2013 122

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Figure 24 Coco Chanel

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rences notables avec celles en vigueur dans les industries culturelles.124 Dans l’industrie de la mode, le management de la conception et de la création est internalisé, ce qui rend donc autant plus nécessaire la gestion de la création et l’adossement à la marque. Cet élément s’observe dans toutes les industries créatives mais constitue l’un des éléments majeurs dans la secteur de la mode, et plus principalement dans le luxe, qui n’est censée ne pouvoir fonctionner que grâce à des génies créatifs125. Le créateur de mode est la figure centrale dans la champ de la mode tel que nous la connaissons aujourd’hui, conduisant de cette sorte à un important phénomène de starisation*. 126 La personnalisation de la mode, qui a débuté avec Worth, a profondément changé la structure de l’industrie en mettant en avant la célébrité du créateur et de sa griffe. Toutefois, ce phénomène ce n’est pas un mouvement isolé car on remarque une tendance similaire dans la littérature du 19e siècle avec le romancier comme figure emblématique du champ littéraire ou encore, plus récemment, la même tendance qui se déroule dans le champ de l’architecture avec les starchitectes*. Le couturier représente le génie créateur du champ de la mode : ce dernier se définit par son style, son identité ou sa griffe, et il est généralement associé à une marque prestigieuse, qui est souvent la sienne. Le couturier est à la base de la notoriété et du renom de la maison de mode à laquelle il est associé, et il est toujours placé au premier plan de la communication et la stratégie marketing de la marque, qui repose principalement sur son identité. « Il est logique que les fondateurs (Chanel, Dior, Louis Vuitton) détiennent un capital de légitimité spécifique, plus important que les simples suiveurs ou les créateurs qui se sont fait une marque sans réussir à s’imposer à leur concur-

MIEGE, Bernard, Les industries du contenue face à l’ordre informationnel, PUG, 2000 BOUQUILLION, Philipe, L’industrialisation des biens symboliques : Les industries créa tives en regard des industries culturelles, Presses universitaires de Grenoble, 2013 126 GODART, Frédéric, Sociologie de la mode, La découverte, Paris, 2010, page 68 124

125 125

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rent. De plus, « ce capital symbolisé par leur nom, peut se convertir (et se convertit) en un capital économique important (…). »127 L’imposition de la griffe, transforme presque de façon magique le statut du produit marqué par cette griffe, en un produit qui détient une importante valeur symbolique, de la même façon que l’oeuvre d’un peintre. En effet, « le pouvoir de la griffe du créateur n’est pas plus dans la griffe, que le pouvoir de la signature du peintre dans la signature »128 : le pouvoir du créateur n’est donc pas plus que sa capacité à transférer une valeur symbolique sur un simple objet. De plus, situé à la frontière entre le champ de l’art et le champ économique, le champ de la mode arrive à transférer les mécanismes caractéristiques d’une économie basée sur les gains et les intérêts, à une stratégie marketing des arts qui est symbolique car elle est protégée par l’effet de sacralisation. Dans l’industrie de la mode, les relations économiques dépendent donc de facteurs qui vont au-delà de l’offre et de la demande, incluant principalement des facteurs statuaires et identitaires. 129 Basé sur le nom du créateur, les grandes marques qui ont survécu au décès de leur fondateur ont réussi à perpétuer leur notoriété grâce à l’exploitation majeure de la griffe de ce dernier. Toutefois, il est important de noter ici un grande différence avec le champ de l’architecture, où le rôle de l’architecte de son vivant est difficilement maintenu après son décès. En effet, même si le bureau d’un starchitecte continue d’exister suite à sa mort, la notoriété basée sur son renom, son style et son identité est difficilement maintenue et est facilement remise en question par les critiques et les médias. Comme abordé dans le chapitre précédent, l’architecture logo est la réponse à une référence identitaire; en effet, elle véhicule l’identité culturelle BOURDIEU, Pierre, Le couturier et sa griffe : contribution à une théorie de la magie, Actes de la recherche en sciences sociales, 1975, page 9 128 ibid. page 23 129 BOUQUILLION, Philipe, L’industrialisation des biens symboliques : Les industries créatives en regard des industries culturelles, Presses universitaires de Grenoble, 2013, page 167 127

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d’un groupe d’individus. Cette architecture fonctionne comme le port traditionnel d’un culture, ou comme un habit folklorique, qui devient une sorte d’échantillon d’une identité locale à une échelle globale. Déjà cité auparavant, l’effet Bilbao a été l’un des phénomènes initiateurs de la mécanique des star architectes ou starchitectes* ; dans cette nouvelle mécanique, l’architecte devient aussi important que l’oeuvre elle-même et l’architecture devient une marque. Les architectes stars ont acquis leur renommée et leur notoriété grâce à leur style lisible et reconnaissable dans la grande majorité de leurs conceptions, ainsi qu’à des projets phares qui ont contribué à leur succès et célébrité auprès des individus qui ne sont pas expérimentés en matière d’architecture. De la même façon qu’un créateur présenterait ses nouvelles pièces vestimentaires, l’architecte présente ses nouvelles conceptions architecturales. De plus, parallèlement à cette notion d’identité et de tendances, la starisation dans le monde de l’architecture se fonde également à travers les consécrations par les prix et les publications. En effet, ces éléments participent à la patrimonialisation de l’objet architectural mais aussi de son concepteur. L’architecture devient dès lors une mode régie par le marché et les tendances; en effet, il demeure deux importantes similitudes entre la mode de l’architecture du star-system : la signature et l’industrie. En effet, que ce soit dans le monde de l’architecture ou de la mode, « la subordination au désirs du client s’efface au profit de l’initiative créatrice de l’offreur (…) et la norme est une norme esthétique » axée sur « la beauté et l’originalité créative.»130 De la même façon qu’une maison de couture, l’architecture du star-system se centralise sur le créateur, l’architecte star, « en renforçant la place de la créativité comme valeur suprême »131 de la conception.

BARRERE, Christian, Une économie de la créativité et du patrimoine, Note sur le Rapport du Ministère de la Culture et la Consommation, 2003, page 3 131 ibid. page 4 130

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Figure 25 Quelques architectes stars avec leur identité et réalisations phares sous la forme de logos

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On assiste donc aujourd’hui à une spectacularisation de l’architecture, à un valorisation de l’effet du commanditaire et grâce à la forte médiatisation, à la starisation de l’architecte. Cette notion de starchitecte définit un architecte qui jouit d’une grande notoriété dans le champ de l’architecture, qui est élevé au rang d’icône et qui devient le symbole d’un bâtiment spectaculaire, d’un bâtiment signature. Les starchitectes représentent donc une importante source financière pour les commanditaires car ils assurent la valorisation des profits du projet, grâce à une meilleure visibilité et un plus grand impact pour le public plus large. En effet, l’architecture qui en résulte est une architecture iconique qui attire l’attention du public et des médias. La célébrité et la notoriété est acquise grâce aux conceptions innovantes et avant gardistes. Toutefois, le fait d’associer la notion de célébrité au statut d’architecte n’est pas contemporain ; en effet, durant la Renaissance, le travail des architectes était déjà reconnu et cité dans les écrits132 . Durant la période moderniste, le champ de l’architecture prônait la valorisation de l’innovation collective et les grands noms de l’architecture moderne, tel que Le Corbusier, deviennent les icônes d’une architecture au service de l’évolution de la société. Néanmoins, la notion de starchitecte a pris une grande envergure lors de la montée du courant Post-Moderne dans les années 197080 , avec la valorisation de la culture populaire133 qui y est attachée. Dans le cadre de ce travail, il est important de relever qu’au cours de l’histoire de l’architecture et du phénomène de starisation du champ architectural, les principales sources de prestige qui ont assuré la notoriété des starchitectes ont été les bâtiments publics, tels que les opéras, les musées ou les biblio-

Les premières traces écrites qui vantent le mérite et le renom de certains architectes est la monographie de Giorgio Vasari, La vie des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, de 1550 133 La culture populaire est une culture qui a la principale particularité est d'être partagée par la plus grande partie de la population, à l'opposé d'une culture élitiste, composée d’un petite partie de la population. Toutefois, il ne faut pas confondre cette notion avec la culture de masse qui est une culture qui concerne une grande partie de la population mais qui est associée à la société de consommation. 132

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thèques. Aujourd’hui, avec l’association entre les grandes marques de mode et les grands noms de l’architecture contemporaine, les boutiques de ces marques prestigieuses deviennent une nouvelles source de renom pour les architectes. En effet, dans notre société axée sur la consommation (et la surconsommation), les lieux de vente des grandes maisons de mode deviennent, tels les musées, les nouvelles cathédrales de notre époque.

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IV. CONCLUSION Depuis son apparition, le commerce façonne les sociétés et les espaces: en effet, depuis la naissance des marchés jusqu’à l’apparition des grands magasins, les lieux de vente ont constamment modifié le paysage urbain. De plus, véritables symboles de progrès, l’évolution de leur apparence a toujours été fortement marquée par les innovation techniques et architecturales de chaque époque. Dans le champ de la mode, et plus principalement pour les grandes maisons de mode, nous avons vu que l’évolution des modes de distribution peut se résumer à trois phases principales : les premières boutiques originaires de la marque, les shops-in-shops dans les grands magasins internationaux et pour finir, la nouvelle vague de boutiques propres à la marque, dont les flagship stores et les megastores, qui constituent le sujet de ce travail et qui répondent à la nouvelles stratégie marketing de ces marques. En effet, depuis les années 2000 les stratégies marketing des grandes marques de luxe se sont fortement axées sur le développement et la valorisation de l’architecture de leur boutiques. Les flagship stores, icônes-architecturales des magasins de luxe, sont devenus le nouvel outil stratégique au service des politiques mercantiles et le nouveau moyen qui permet de valoriser et de renforcer l’identité de chaque marque. Les grands noms de l’architecture se sont associés aux grandes maisons de mode dans le but de concevoir des édifices spectaculaires, en créant ainsi une toute nouvelles architecture des magasins. Tous deux faisant partie des industries créatives, le secteur de l’architecture et le secteur de la mode ont de nombreux points en communs ; les deux domaines ont comme origine la créativité et la capacité à générer des idées innovantes. Toutefois, avec la perte de la reconnaissance de la mode en tant que tel, du à la démocratisation du luxe et la perte du savoir faire, le secteur de la mode doit aujourd’hui, prouver son prestige : pour ce faire, les

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marques mettent tout en oeuvre pour renforcer les notions d’identité forte et de patrimoine qui sont à la base de leur prestige. La tendance de l’association entre les grandes maisons de mode et les architectes de renom constituent l’une des principales stratégies à l’heure d’aujourd’hui. Effectivement, que ce soit dans le champ de la mode ou de l’architecture, le créateur est la figure centrale, conduisant ainsi à un phénomène de starisation de ces secteurs. Que ce soit le couturier ou le starchitecte, ce dernier se définit par son identité et détient une grande notoriété dans la culture populaire. L’association des grandes marques aux starchitectes, leur permet de tirer profit de la célébrité et la notoriété de ces derniers, et vice-versa. En effet, auparavant limité aux bâtiments publics, aujourd’hui les nouveaux lieux de vente devient une nouvelle source de prestige pour les architectes qui les conçoivent. La partie suivante est consacrée à l’analyse architecturale de quelques flagship stores réalisés par les starchitectes contemporains (Rem Koolhaas, Jun Aoki, Frank Gehry, Peter Marino,…) pour les grandes maisons de mode (Chanel, Louis Vuitton, Prada,…).

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PARTIE

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FLAGSHIP STORES ETUDE ARCHITECTURALE

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1. NEW YORK 
 Une vague expérimentale L’épicentre* Prada à New York est une conversion d’un espace de 2190 mètres carrés qui appartenait autrefois au musée Guggenheim, Soho. Le projet est la transformation d’un espace en une boutique en gardant les caractéristiques originaires tout en rajoutant des éléments nouveaux. Koolhaas a gardé les caractéristiques originales de la façade du 19ème siècle, ainsi que les colonnes de fonte et les doubles portes, tout en ajoutant de nombreuses innovations techniques au projet. La vague (le plan) est l'élément principal du projet: c’est un sol continue en bois dont le but est de ramener le sous sol au niveau de la rue, en créant un vaste volume invitant le visiteur à descendre vers les espaces d’exposition. La vague est utilisée pour l’affichage des produits et pour des représentations : la boutique ‣ Valorisation du patrimoine du lieu ‣ Boutique offrant l’expérience de la marque ‣ La vague relie les deux niveaux ‣ Espace commercial flexible

Quand : 2000 Où :New York, USA Surface : 2 190m2 Collaboration : Miuccia Prada a fait appel à l’architecte Rem Koolhaas en 1999 pour la réalisation de trois nouvelles boutiques

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I. PRADA + REM KOOLHAAS
 devient ainsi espace modulable en lieu de projection de films, de performances et de conférences. En redéfinissant la nature même de l’espace commercial, le projet consiste à mettre en avant une expérience et à orienter le public vers une plus grande conscience de la marque; l’espace commercial se

Illustrations, de gauche à droite: Figure 1: photo des escaliers et des cages; Figure 2,: schémas de composition; Figure 3 : photo façade; Figure 4 : photo de la vague

limite au sous-sol.

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2. LOS ANGELES

Une façade sans logo Contrairement à la boutique de New York, Prada Los Angeles est une nouvelle construction, qui suit les mêmes principes que dans la boutiques précédente. En effet, l’épicentre Prada sur Rodeo Drive entretient une relation particulière avec le magasin de New York de par son horizontalité et la nécessité de connecter les deux étages. Ici, un plan en bois se replie et crée une colline symétrique qui soutient une boîte en aluminium flottante au deuxième étage. À l'intérieur, le programme du magasin principal est organisé le long du périmètre. Dans ce projet, l’élément architectural majeur est défini par la façade qui est inexistante : en effet, toute la largeur du magasin s'ouvre complètement sur la rue

Quand : 2004

et fusionne l'espace public avec l'espace commercial. La nuit, un panneau

Où : Los Angeles, USA

en aluminium s'élève du sol et scelle ‣ No logo ou bâtiment logo ‣ Vague reliant le sous-sol et le rez ‣ Continuité entre la rue et l’épicentre ‣ Matériau innovant : l’éponge

Surface : 1900m2 Collaboration : La boutique de Los Angeles est pensée dans la continuité de la boutique Prada, New YorkLe point de départ des trois projets a été une étude poussée de l’acte d’achat et la création d’une nouvelle image

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Illustrations, de gauche à droite: Figure 5: photo de l’entrée ; Figure 6,: coupe et plans (RDC et NIV.1); Figure 7 : photo façade; Figure 8 : photo intérieur « l’éponge »

le bâtiment. Depuis l’extérieur, l’épicentre est perçu comme un volume austère et énigmatique, sans aucun logo apparent. L’innovation majeure dans ce projet est le matériau vert pomme que Koolhaas a conçu pour le magasin et qu’il a nommé l’éponge. Le troisième niveau a été pensé comme un lieu modulable en espace scénique, transparent, et dans lequel sont organisés les expositions.

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3. SAN FRANCISCO

Un gratte ciel translucide Ce projet non réalisé consistait en un bâtiment de 10 étages qui devait être implanté au centre-ville de San Francisco et devait être le siège de Prada sur la côte Ouest. Le bâtiment devait être un manifeste sur le gratte-ciel: une série de plaques de plancher avec des caractères tout à fait uniques, empilées les unes sur les autres et enveloppées d'une peau mystérieuse et neutre, devait révéler le sens de la diversité intérieure sans tout dévoiler. La structure du bâtiment est imprégnée d’un symbolisme : en effet, en coupe, deux cubes superposés semblent flotter; ils devaient renfermer une superficie de 1900 m2. L’innovation dans ce projet est la façade, que l’architecte a nommé le super foam poché : cette façade devait être constituée de panneaux en acier inoxydable perforés d’environ 10 000 trous ronds et de multiples fenêtres.

‣ Manifeste sur le gratte ciel ‣ Super foam poché : masse creusée ‣ Importance de la lumière du jour

Quand : Projet non réalisé Où : San Francisco Surface : 1 900m2 Collaboration : Les trois épicentres Prada conçus par OMA sont liés dans la définition de la nouvelle identité de Prada, qui devait culminer dans le magasin à San Francisco.

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Illustrations, de gauche à droite: Figure 9: représentation de la façade ; Figure 10,: coupe technique de la façade; Figure 11 : photo maquette ; Figure 12 : photo maquette « l’éponge »

La façade ne bloque plus toute la lumière, mais la filtre et la diffuse à travers divers matériaux translucides: poly-carbonate, résine colorée, etc. Semblable aux deux autres projets, en plus des espaces de vente et des bureaux, le bâtiment devait accueillir des espaces d’exposition et de galerie au sommet.

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4. FONDAZIONE PRADA Dialogue entre ancien et nouveau La Fondazione Prada, est une fondation pour l'art contemporain établie en 1995. Située dans une ancienne distillerie de gin à Largo Isarco datant de 1910, un complexe industriel à la périphérie sud de Milan. La Fondazione Prada est une coexistence de bâtiments anciens et rénovés comprenant des entrepôts, des laboratoires et des silos de brassage, ainsi que de nouveaux bâtiments, tous entourant une grande cour. La Fondazione n’est donc pas un projet de préservation mais pas une nouvelle architecture non plus. En effet, le concept majeur du projet est le valorisation des contrastes, grâce à la préservation de l’ancien et l’intégration du nouveau. Le complexe vise à élargir le répertoire des typologies spatiales dans lesquelles l'art peut être exposé.

‣ Intégration de l’ancien complexe industriel ‣ Un mélange entre préservation et nouveau ‣ Valorisation des contrastes ‣ Mécénat d’art contemporain

Quand : 2008-2018 Où : Milan, Italie Surface : 19 000m2 Collaboration : Depuis deux décennies, Prada collabore avec OMA dans la définition de son identité (défiles, site web, illustrations), ainsi que la conception des bâtiments phares. La conception de la nouvelle Fondazione s’inscrit dans la suite de cette collaboration.

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Illustrations, de gauche à droite: Figure 13: photo de la Maison Hantée ; Figure 14,: coupe et plans (RDC et NIV.1); Figure 15 : photo rapport entre ancien et nouveau; Figure 16 : modélisation 3D du complexe

Le projet comprend sept bâtiments existants et trois nouvelles structures: Podium, un espace d’expositions temporaires; Cinéma, un auditorium multimédia; et Torre, un espace d'exposition permanent de neuf étages. La Maison hantée est un bâtiment existant dont l’extérieur a été entièrement recouvert de feuilles d’or. En plus du patrimoine artistique, le projet est donc une collection d’espaces architecturaux grâce à la variété d'environnements spatiaux.

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5. PRADA TRANSFORMER

4 Expériences et 1 Espace Prada Transformer est une structure temporaire modulable grâce à des grues et qui accueille divers événements culturels. Lancé en 2009 à Séoul, Corée du Sud, le Prada Transformer conçu par Rem Koolhaas a présenté une série novatrice d’expositions inter-culturelles, de projections et d’événements en direct. Situé à côté du palais Gyeonghui du XVe siècle, du haut de ses vingt mètres, le Prada Transformer a juxtaposé de manière spectaculaire l’histoire et le folklore coréen à une architecture contemporaine. Le bâtiment, entièrement recouvert d’une membrane élastique lisse transforme complètement l’expérience du visiteur à chaque nouveau programme. En effet, le pavillon combine les 4 côtés d'un tétraèdre: hexagone, croix, rectangle et cercle; totalement modulable, les murs deviennent des sols et les sols deviennent des murs. ‣ Transformable ‣ 4 formes géométriques ‣ 4 identités, 4 espaces ‣ Intégration dans un contexte culturel

Quand : 2009 Où :Seoul, Corée du Sud Surface : 20m de haut Collaboration : Prada Transformer est une structure temporaire qui peut être tournée pour accueillir divers événements culturels.

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Illustrations, de gauche à droite: Figure 17: photo intérieur plan hexagone ; Figure 18,: schémas et pans; Figure 19 : photo extérieur; Figure 20 : relation avec le contexte historique

Chaque plan a été déterminément conçu pour accueillir une installation d’événement spécifique, en concevant de la sorte un bâtiment avec quatre identités. Selon Koolhaas chaque plan est le plan idéal pour répondre à chaque fonction particulière.

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1. TOKYO, OMOTESANDO

Un empilement de malles La boutique représente le 44ème magasin de la marque, et reçoit l’appellation de Maison du a l’importance des locaux et de son environnement. En effet, lorsqu’elle est projetée, la maison est annoncée comme la plus grande boutique du monde de la marque. Située dans le quartier Omotesando à Tokyo, le flagship store est un volume de quatre façades, implanté entre une église et un immeuble en céramique blanche. Louis Vuitton Omotesando est le deuxième projet de l’architecte Jun Aoki pour la marque. C’est une nouvelle construction dont le volume fait 32mètres de haut et 25 mètres de large, que l’architecte a pensé comme un empilement faussement aléatoire de malles de tailles diverses, qui rappellent les produits phares et identitaires de la marque.

‣ Empilement faussement aléatoire ‣ 9 niveaux ‣ Espace de vente, de bureaux et d’exposition ‣ Le damier en façade

Quand : 2002 Où : Tokyo, Japon Surface : 3359m2 Collaboration : Jun Aoki a été retenu au concours lancé par Louis Vuitton pour la réalisation du global store à Nagoya en 1999. Par le suite ce dernier à réalisé 8 autres boutiques dont celle à Omotesando.

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II. LOUIS VUITTON + JUN AOKI

Illustrations, de gauche à droite: Figure 21: photo façade ; Figure 22,: coupe et plan; Figure 23 : photo détail façade, écrans métalliques; Figure 24 : photo intérieur; espace d’exposition

La façade est une boite fermée, comme une sculpture, avec une illusion d’empilement des malles, réalisé principalement avec des mailles en acier et de verre. Les neufs volumes sont superposés et gainés d’acier inoxydable; ils sont parés d’écrans métalliques qui rappellent le monogramme de la marque. En plus des espaces de vente, 340m2 sont consacrés à des espaces d’exposition d’art.

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2. TOKYO, ROPPONGI HILLS
 Des tubes de lumière La boutique est située dans le quartier le plus central de Tokyo et vient en opposition avec la tour de Roppongi Hills se situant à proximité et qui s’élève à 238m de haut. Pour ce projet, Jun Aoki a travaillé à partir d’un volume préexistant pour lequel il s’est principalement focalisé sur la façade. En effet, la boutique haute de 16mètres, est composée d’une longue vitrine de 36 mètres qui se transforme en une entrée triangulaire, profitant ainsi de toute la longueur du bâtiment. Le concept de la façade a été de prêter une attention particulière à l’environnement et au quartier, tous deux connus pour la vie nocturne. La façade est une double enveloppe, composée de 28 000 tubes de verre transparent, de 10 centimètres de diamètre et de 30 centimètres de longueur, qui sont scellés entre deux plaques de verre.

‣ Façade écran de 36m x 16m ‣ Double enveloppe ‣ Représentation de la vie nocturne du quartier

Quand : 2003 Où : Tokyo, Japon Surface : 1147m2 Collaboration : Jun Aoki a travaillé pour de nombreux projets pour Louis Vuitton. Roppongi en constitue le troisième et a été réalisé en collaboration avec de le département d’architecture de la marque.

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Illustrations, de gauche à droite: Figure 25: photo façade ; Figure 26,: coupe et plans (RDC et NIV.1); Figure 27 : photo entrée et le jeu de formes rappelant l’identité de la marque; Figure 28 : tubes de lumière en façade

La façade est un système technique qui piège la lumière extérieure, offrant une ambiance douce et uniforme à l’intérieur et une texture particulière à l’extérieur grâce à un effet de distorsion dynamique. De plus, l’atmosphère à ’intérieur de la boutique donne une impression de boite de nuit. Le plan s’articule sur deux niveaux ouverts sur une zone de circulation, adjacente à l’entrée, de forme triangulaire et ayant la hauteur des deux étages

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3. TOKYO, NAMIKI DORI
 Cube opaque et transparent La boutique est implantée dans le quartier de Ginza qui est historiquement un quartier ayant un intense activité commerciale. Appelé pour restructure la boutique existante depuis 1978, Jun Aoki conçoit un volume cubique avec une enveloppe en béton de fibre de verre beige de 25mm d’épaisseur. L’utilisation de ce matériau permet à la lumière de traverser le bâtiment ; dans le béton, l’architecte a coulé de l’albâtre blanc et translucide de formes carrés de différentes tailles qui paraissent posés aléatoirement mais qui rappellent la forme du damier Louis Vuitton. En unifiant la structure et l’ornement, l’architecte a réussi à rendre floues les frontières entre les deux. De plus, le bâtiment possède deux aspects totalement opposés : en journée, le volume frappe par son opacité rompue par quelques ouvert-

Quand : 2004 Où : Tokyo, Japon Surface : 2133m2

‣ ‣ ‣ ‣

Cube de 21m de haut 6 niveaux Dichotomie entre le jour et la nuit La façade au centre du projet : lecture du damier

Collaboration : Implanté dans le quartier depuis 1978, c’est en 2004 que la marque décide de confier la restructuration du magasin à Jun Aoki.

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ures carrées, tandis que le soir, ce dernier prend une nouvelle dimension et permet d’apercevoir le travail presque artisanal réalisé par l’architecte. La conception a été focalisée sur le jeu de lumière et de translucidité sur les façades : en effet, l’enveloppe est pensée comme une partie indépendante du bâtiment. La boutique s’inscrit dans sont environnement grâce à sa volumétrie sobre et relativement basse.

Illustrations, de gauche à droite: Figure 29: photo de la façade ; Figure 30,: plan et dessin façades; Figure 31 : photo façade nuit ; Figure 32 : photo jour

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4. TOKYO, GINZA MATSUYA
 Edo-komon, art déco et damier Louis Vuitton a fait appel à Jun Aoki pour de nombreuses boutiques, pour son architecture avant-gardiste et l’importance accordée aux matériaux. Travaillant à partir d’un volume préexistant, l’architecte s’inspire de l’histoire du quartier Ginza, connu pour son design art-déco et sa vivacité culturelle pour la réalisation de la nouvelle façade. Fusionnant art-déco et edo-komon*, motif géométrique répété traditionnel, la façade représente le damier Louis Vuitton dans une version plus douce et organique que les autres flagship stores de la marque. Imprégnée de délicatesse et de richesse, comme l’édo-komon, celle-ci est composée d’une coque à motifs perforée en aluminium nacré préfabriquée. De plus, la reconstruction des deux façades sur l’angle a nécessité l’intégration de cette nouvelle structure à l’enveloppe existante, ce qui a limité son poids et sa hauteur. ‣ ‣ ‣ ‣

Haute technologie Association ancien / nouveau Valorisation de la culture Eclairage LED sur mesure : « phare »

Quand : 2013 Où : Tokyo, Japon Surface : 1475m2 Collaboration : Projet de rénovation. Le travail de Jun Aoki a été principalement focalisé sur la réalisation de la façade.

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Illustrations, de gauche à droite: Figure 33: photo de la façade ; Figure 34,: dessin technique de la façade; Figure 35 : photo détail façade jour; Figure 36 : photo détail façade nuit

Les panneaux en aluminium présentent des ailes et renforcements en forme d’étoiles, qui sont fusionnés dans le même ensemble. La profondeur de la façade a été déterminée par l’alternance entre les vides et les pleins. Les matériaux utilisés ainsi que les LED qui éclairent la façade ont une haute performance technologique.

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5. TOKYO, OSAKA 
 La pierre, réel et virtuel Kengo Kuma, architecte japonais, est connu pour son respect des traditions japonaises et de leur inscription dans les projets contemporains. La boutique, qui est une nouvelle construction, se situe le long de l’avenue Midosuji, important quartier de magasins de luxe à Tokyo et comprend une boutique ainsi que le siège de Louis Vuitton. La première image de ce bâtiment est celle d’une boite de pierre lumineuse. En effet, le projet constitue une recherche dichotomique entre pierre, le réel et pierre, le virtuel, ou encore une recherche de l’ambiguïté entre le mur et la fenêtre. Kuma a utilisé le mur extérieur comme point de départ du projet avec comme but de brouiller les distinctions entre ouvert et fermé. Se situant entre le mur et la fenêtre, le mur rideau est constituée d’une peau de pierre lumineuse, qui semble opaque en journée mais translucide la nuit. ‣ ‣ ‣ ‣

Siege Louis Vuitton Parallélépipède de 9 niveaux Le « mur » et la « fenêtre » : la façade Onyx en trois épaisseurs

Quand : 2002 Où : Tokyo, Japon Surface : 1650m2 Collaboration : Le projet a été attribué à Kengo Kuma suite à un concoursSa conception est principalement focalisé sur l’étude et le travail lumière.

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LOUIS VUITTON + KUMIKO INUI

Illustrations, de gauche à droite: Figure 37: photo de la façade ; Figure 38,: coupe, façade et plans; Figure 39 : photo détail façade en onyx; Figure 40 : photo intérieur, transparence de la pierre

La pierre utilisée est l’onyx, avec trois épaisseurs et trois techniques différentes permettant ainsi d’obtenir des différents degrés de transparence. Le résultat est une architecture capable de se transformer en fonction des conditions d’éclairage et de la position de l’observateur. En respectant le concept oriental de la transparence japonaise, la façade marque la liaison entre extérieur et intérieur.

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6. TAIPEI, TAIWAN
 Le visuel qui reflète une vision Les projets de Kumiko Inui se distinguent par des jeux visuel et illusions optiques ainsi qu’une importance donnée à l’environnement et le contexte spécifique à chaque projet. La nouvelle boutique se situe le long de l’avenue commerçante de luxe Zhongshan. La boutique a été pensée comme un bâtiment repère dans la ville tout en cherchant une intégration dans son environnement. La façade de la boutique Louis Vuitton Taipei est une impression du transfert abstrait des ombres projetées par les arbres environnants sur la surface, formant ainsi le damier de la marque. Le matériau utilisé pour la façade est une pierre calcaire percée et incrustée de 100000 carrés de résine translucide ; la nuit, un système de rétro éclairage illumine ces milliers de petits cubes de résine. L’intégration du bâtiment à l’environnement urbain se fait par le portique qui fait tout le périmètre extérieur du RDC : ‣ Translucidité et damier ‣ Intégration à l’environnement ‣ Capture de l’espace et du public

Quand : 2006 Où : Taipei, Taiwan Surface : 1220m2 Collaboration : Kumiko Inui est une architecte japonaise ayant travaillé pour Jun Aoki. La marque a fait appel à elle pour la réalisation de la boutique à Taipei.

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ILOUIS VUITTON + KENGO KUMA

Illustrations, de gauche à droite: Figure 41: photo de la façade ; Figure 42,: plan et façades ; Figure 43 : photo de la façade durant la nuit; Figure 44 : détail de la pierre calcaire en façade

c’est un espace de transition entre la rue et l’intérieur du magasin. L’intérieur du magasin, étalé sur quatre niveaux, est tapissé des oeuvres de Michel Lin- des imprimés floraux inspirés des tissus populaires taïwanais. La boutique est éclairée par de vastes baies rectangulaires, disposées de façon irrégulière sur les trois façades, et qui renforcent l’horizontalité du bâtiment.

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7. FONDATION LOUIS VUITTON 
 Un vaisseau de verre pour l’art Frank Gehry est l’un des pionniers dans l’emploi de logiciels appliqués à la construction ; avec la Fondation Louis Vuitton, il réalise un exemple exceptionnel d’une architecture non-standard. La Fondation d'entreprise Louis Vuitton lancée en octobre 2006, a été créée par le groupe LVMH. La conception de la Fondation Louis Vuitton a été commandé par le propriétaire Bernard Arnault, à l’architecte Frank Gehry avec l’intention d’ouvrir un nouvel espace dédié à la création artistique contemporaine sous toutes ses formes. La fondation est située dans le Jardin d’Acclimatation, dans le bois de Boulogne à Paris. Le bâtiment a une surface de 11 779 m2, dépasse les 40 mètres de haut et comporte 11 galeries sur trois niveaux destinées à présenter différentes collections, expositions ou interventions d’artistes. L’objectif a été de créer un édifice de verre ayant l’allure d’un voilier, donnant ainsi l’illusion du mouvement, du voyage. ‣ Musée d’art contemporain ‣ Innovations technique et technologiques ‣ Inspiration des navires et du voyage

Quand : 2014 Où : Paris,, France Surface : 117800m2 Collaboration : Les constructions de Frank O Gehry étant généralement remarquées pour leur aspect original et « tordu », Bernard Arnault lui a confié la commande pour la conception de la Fondation Louis Vuitton.

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LOUIS VUITTON + FRANK GEHRY

Illustrations, de gauche à droite: Figure 45: photo depuis le lac ; Figure 46,: 3D de la structure des voiles en verre; Figure 47 : photo détail des voiles; Figure 48 : illustration du bâtiment sur le site du groupe LVMH.

La conception évoque les bâtiments de jardin en verre du XIXe siècle. En effet, le bâtiment comprend un assemblage de blocs blancs, entourés de douze immenses voiles en verre, soutenus par des poutres. Ces voiles donnent à la Fondation Louis Vuitton sa transparence et son sens du mouvement, tout en reflétant l’eau du lac.

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1. TOKYO, GINZA
 Une boutique écran La boutique est implantée dans le quartier de Ginza, quartier historique de luxe. Nouvelle construction, ce bâtiment corporatif est une tour de 56mètres de haut, qui englobe la boutique, une salle d’exposition et de concerts, des bureaux et un restaurant. Le concept architectural a été de traiter le bâtiment comme un moyen d’expression tout en restant fidèle à l’identité de la marque. Ce siège de Chanel associe la sauvegarde des valeurs traditionnelles comme la commodité et l’intimité du client, avec la haute technologie, permettant ainsi au bâtiment de s’ériger comme modele du magasin idéal du 21ème siècle. Le volume a une surface totale de 6000m2 et comporte 10 niveaux ainsi que deux étages au sous-sol, destinés au parking. La façade écran et la structure sont les manifestations ‣ Innovation technologique et structurelle ‣ Mur rideau actif - façade écran ‣ Valorisation de l’art contemporain ‣ 10 niveaux

Quand : 2004 Où : Tokyo, Japon Surface :6 000m2 Collaboration : Pour Chanel, Peter Marino a réalisé de nombreux projets dont la rénovation complète du magasin historique de la rue de Cambon à Paris ainsi que des boutiques à New York, Hong Kong ou Tokyo.

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III. PETER MARINO + CHANEL

Illustrations, de gauche à droite: Figure 49: photo de la façade ; Figure 50,: plans; Figure 51 : graphique façade; Figure 52 : photo intérieur

les plus notables de cette innovation qui caractérise l’édifice. Le concept architectural majeur a été de traiter le bâtiment comme un moyen d'expression. Durant la journée, la façade sobre reflète l’environnement urbain, tandis qu’a la tombée de la nuit, la façade se transforme en un gigantesque écran. Ce mur rideau actif est composé d’une structure complexe de couche alternées de deux types de verres et de plaques d’acier inoxydable, qui prennent vie grâce à 700 000 diodes électroluminescents.

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2. HONG KONG
 Exhiber l’art à la ville Implantée dans le coeur financier de Hong Kong, cette boutique Chanel est enveloppée dans un système de façade en verre et pierre de 5 étages avec une vitrine donnant sur un escalier architectural intérieur. L’objectif a été de redéfinir le concept de boutique de luxe et montrant une image de marque tournée vers le futur. Les matériaux et systèmes de façade comprennent des fenêtres en verre feuilleté, un revêtement en verre cristallisé blanc et du granit noir. Le système d’éclairage, trois fois plus rapide que celui à Ginza, utilise des caissons lumineux à LED intégrés au système de revêtement, pour former l'éclairage horizontal. Pour le volume de l’édifice, l’architecte s’est inspiré des proportions et de la ligne noire sur l’emballage du parfum emblème de la marq! e Chanel : le N°5. A l’intérieur de la boutique, l’espace se divise en deux zones clairement distinctes autour d’un escalier en verre et métal qui semble flotter.

Quand : 2005 Où : Hong Kong, Chine

‣ ‣ ‣ ‣

Mur rideau actif - façade écran Innovation technologique Proportions du N° 5 Valorisation de l’art contemporain

Surface : 3 200m2 Collaboration : Cette boutique est un projet de rénovation, pour lequel Chanel charge Peter Marino de la transformation radicale du magasin.

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Illustrations, de gauche à droite: Figure 53: photo de la façade durant la nuit ; Figure 54,: plan RDC; Figure 55 : photo de l’escalier; Figure 56 : projection sur le mur rideau actif

Avec cette façade technologique composée de panneaux en verre et un système vidéo à haute résolution, Chanel devient la première boutique de mode à exhiber l’art à la ville, grâce aux projections (imprimé, défilés, logo). Le bâtiment résultant est une association entre la mode, la technologie LED et l’art contemporain.

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3. PLACE VENDÔME 
 L’histoire d’une marque royale La boutique est répartie sur deux hôtels particuliers historiques - conçus par l'architecte de Versailles en 1714 - et est située sur la place Vendôme, où Louis Vuitton a ouvert son premier magasin de malles. La boutique reflète l’évolution de la maison; pour renforcer son pouvoir et sa légende, l’architecte a mis en avant deux symboles: le Château de Versailles et le Roi Soleil. Le but de la boutique est de résoudre la conjugaison de la tradition et de la modernité. Les sols ont retrouvé leur cachet du 18ème siècle, les plafonds leur hauteur d’origine et la façade, œuvre de Jules Hardouin-Mansart, a été restaurée avec un soin extrême. Après avoir restauré la façade, l’architecte a ajoutée un élément principal : un soleil ruisselant de rayons en métal doré. La cour entre les deux hôtels a été transformée en espace à double hauteur avec lucarne, permettant à la lumière naturelle de pénétrer dans la boutique.. Quand : 2017 ‣ Valorisation du patrimoine et de l’histoire ‣ Tradition et modernité ‣ Valorisation de l’art contemporain ‣ Ateliers et savoir-faire artisanal

Où :Paris, France Collaboration : Peter Marino a réalisé de nombreuses boutiques Louis Vuitton; il entretient une relation très particulière avec Bernard Arnault, directeur de LVMH

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PETER MARINO + LOUIS VUITTON

Illustrations, de gauche à droite: Figure 57: détail du soleil rayonnant en façade ; Figure 58,: croquis du soleil et des oeuvres à l’intérieur de la boutique; Figure 59 : sculpture du roi soleil; Figure 60 : photo façade extérieure

La boutique met en relation l’histoire de la marque à celle de la France, et valorise le patrimoine ainsi que l’art contemporain; 22 artistes contemporains y sont exposés. Pour la première fois, la Maison Louis Vuitton Vendôme accueille également deux ateliers de travail ouverts aux clients.

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4. MARINA BAY SANDS
 Un pavillon de cristal Louis Vuitton a décidé de s’implanter sur le site de la Marina Bay qui a été conçu par Moshe Safdie. Premier dans son genre, le magasin se présente comme un volume isolé et posé sur l’eau, donnant l’impression d’une ile flottante en verre. L’accès au bâtiment se fait à partir d’une passerelle qui passe au dessus des eaux et renforce la nature maritime du projet. La structure du magasin est composée de deux éléments de 40 mètres de long tirés en lignes brisées, en opposition au lignes courbes du quartier Marina Bay. Le système d'ombrage couvre tous les éléments des murs et des plafonds intérieurs et rappelle les voiles et les mâts d'un voilier. Les espaces d'inspiration nautique sont réalisés à base des matériaux traditionnels du monde marin, y compris le bois utilisé pour les navires et la pierre des ports et des cales de halage.

‣ Concept de voyage ‣ Innovation technique (ombrage) ‣ Ile de verre

Quand : 2012 Où : Singapour Surface : 2 323m2 Collaboration : Le bâtiment fait partie d’un grand complexe réalisé par Moshe Safdie. Toutefois la conception de la boutique Louis Vuitton à été confiée à Peter Marino.

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Illustrations, de gauche à droite: Figure 61: photo depuis le pont ; Figure 62,: modélisation 3D du complexe et de la boutique Louis Vuitton; Figure 63 : photo détail intérieur; Figure 64 : l’intérieur de la boutique navire

Etant totalement vitré, des études approfondies ont été entreprises pour concevoir le système d’ombrage et pour trouver le juste équilibre entre la lumière naturelle, les vues et l’esthétique. La boutique vise une mise en valeur de la vie artistique et culturelle de la ville en offrant des espaces d’exposition d’oeuvres d’art et des expositions de bagages emblématiques de Louis Vuitton.

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5. MADISON AVENUE
 Un flagship hétérotopique * La mystique qui entoure Armani est palpable dans les espaces minimalistes raréfiés de ses boutiques à travers le monde. Le choix de l’architecte Marino est conforme à cette rigueur minimaliste de la marque. En suivant ces principes, l’architecture et les espaces minimalistes permettent de mettre en avant l’identité de la marque, en s’assurant que le consommateur n’est ni distrait, ni dissuadé de l’objectif premier, l’achat. Pour cette boutique, Marino se démarque des codes stricts établis par la ville de New York en maintenant la hauteur de la boutique à 18 mètres. Sur la façade minimaliste en calcaire français, l'architecte a incorporé une baie en retrait et une terrasse centrale au troisième étage dans le but d’ajouter quelques détails architecturaux. Du premier au troisième étage, de larges canevas divisent l'extérieur de l'intérieur, per ‣ ‣ ‣ ‣

Minimalisme 4 niveaux Façade en calcaire blanc L’ornement est un crime

Quand : 1994 Où : New York, USA Collaboration : En 1996, Armani a confié à l’architecte Peter Marino la conception d’une nouvelle boutique. Le premier projet réalisé par Peter Marino pour la marque a été la rénovation de leur boutique Palazzo à Milan en 1988

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PETER MARINO + GIORGIO ARMANI

Illustrations, de gauche à droite: Figure 65: photo de la façade ; Figure 66,: plan RDC; Figure 67 : photo intérieur; Figure 68 : photo intérieur de la circulation; Figure 69 : photo de la façade

mettant à la lumière de pénétrer, tout en obstruant la vue et en maintenant l'exclusivité hétérotopique de l’espace. En effet, malgré les panneaux de verre, la seule visibilité offerte aux piétons est dans l’entrée vitrée centrale. Une fois dans la boutique, le luxe est perçu de manière subtile dans les sols en bois français noirci, partiellement recouverts de moquettes épaisses et douces en lin tissé gris qui aident à délimiter les espaces.

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L’étude architecturale des différents bâtiments présentés dans ce chapitre, servira comme appui pour les propos énoncés dans la Partie 3 : Brand architecture : luxe, marketing et culture. Les différents bâtiments étudiés ont été divisés en trois catégories principales, dans le but d’en tirer les ressemblances et les différences :

- la première catégorie concerne la collaboration exclusive entre une marque et un architecte ( Prada et Rem Koolhaas)

- la deuxième catégorie concerne les collaborations entre une marque et plusieurs architectes (Louis Vuitton + Jun Aoki/ Kumiko Inui/ Kengo Kuma / Frank Gehry )

- la troisième catégorie traite des collaborations entre un architecte et plusieurs marques (Peter Marino + Chanel / Louis Vuitton / Armani ).

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PARTIE

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BRAND ARCHITECTURE : LUXE, MARKETING ET CULTURE

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I. BRAND ARCHITECTURE NOUVELLE ARCHITECTURE DU LUXE 1. FLAGSHIP STORES, UNE ARCHITECTURE DE BRANDING Depuis deux décennies, l’architecture fait entièrement partie des stratégies marketing des marques de luxe, dans l’objectif de contrôler et de renforcer leur identité et leur pouvoir. Grâce à une gestuelle architecturale et spatiale et des espaces de ventes uniques les marques tentent de gagner en notoriété et de se démarquer. En effet, la valeur d’une marque renvoie à deux significations ; la première se rattache au capital économique de la marque tandis que la deuxième, renvoie à la question de crédibilité.134 La forte concurrence dans l’univers commercial oblige donc les grandes maisons de luxe à développer des stratégies marketing de plus en plus sophistiquées, avec comme principal objectif d’éclipser les concurrents et de les surpasser. Constituant une part essentielle de ces nouvelles stratégies, la brand architecture engendre la construction de boutiques exceptionnelles, qui sont majoritairement conçues par des architectes de renom. Le PDG de la maison de mode Dior, Sidney Toledano explique que « les objets de luxe doivent susciter du plaisir, une envie, et leur mise en scène dans ces cathédrales est orchestrée au millimètres près pour pousser les hédonistes fortunés à sortir leur carte bancaire. L’architecture constitue un élément important dans la communication des marques de luxe.» 135 Le terme communication est importante car elle met l’accent sur le nouveau paradigme de la collaboration entre les deux univers; l’architecture n’est plus un simple support mais un outil de communication, agissant de la même manière qu’une compagne publicitaire.

CHEVALIER, Michel, Management et marketing du luxe, Editions Dunod, 2008 Propos recueillis par VULSER, Nicolas dans l’article web L’architecture écrin du grand monde, Le Monde, 2014 134 135

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Figure 1 Herzog & De Meuron, Prada, Tokyo

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Etant donné que l’architecture tire également profit de cette nouvelle association avec l’univers du luxe, la collaboration qui en résulte est du donnant-donnant. PDG de LVMH, Bernard Arnault déclare qu’il « est devenu impératif de repousser les limites encore plus loin dans l’exclusif, c’est une relation gagnant-gagnant.»136 Toutefois, il est important de préciser que pendant longtemps, le secteur de l’architecture n’a pas assumé cette collaboration avec le domaine du luxe. En effet, architecte pour Chanel, Karine Ripari, déclare qu’il a « longtemps existe une distance entre architecture et luxe. L’architecture s’est longtemps nourrit de cet univers mais a voulu prendre son indépendance. Pourtant les deux professions sont étroitement liées. Toutes les deux sont issues des arts appliques, toutes les ont les mêmes orientations de travail et d’excellence, et de nombreux personnalités ont la double casquette d’architecte et de créateur. Mais l’image trop mercantile, voire élitiste, a eu raison de cette collaboration, qui semble toutefois bel et bien renaitre aujourd’hui. »137 Parallèlement, l’architecture se nourrit de l’univers du luxe dans sa capacité d’expérimentation qu’elle lui offre; en effet, avec les immenses budgets mis à leur disposition, les architectes ont un large territoire d’expérimentation, une importante liberté créative et formelle, et peuvent mettre à leur disposition les arts et artisanats qu’offre l’univers du luxe. De la même façon que les pouvoirs religieux ou les pouvoirs publics par la suite, le luxe agit comme un mécène, en offrant à l’architecture une importante capacité d’innover, sans devoir se soucier des questions économiques. Mohsen Mostafavi, architecte, déclare que « le luxe et l’architecture entretiennent des rapports de plus en plus étroits depuis quelques années. Mais leur fascination réciproque actuelle - l’architecture comme support pour le luxe, et le luxe en tant que condition préalable du fait architectural - a contribué à masquer la longévité de leur association. (…) Nous vivons actuellement à une époque où le magaCitation tirée de CHEVALIER, Michel, Luxe et retail : le point de vente, lieu d’excellence, Dunod, 2013, page 253 137KIPARI, Karine, Art et Luxe : évolution de la place de l’art au sein du monde du luxe, UPEM, sous la direction d’Isabelle Lazzarus, 2016, page 16 136

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sin de produit de luxe est devenu un forum essentiel pour l’architecture. Alors que leur relation était interdite, ils ont enfin trouvé un terrain d’entente, aussi avantageux pour l’un que pour l’autre. »138 L’importance de cette collaboration est d’autant plus remarquable chez Louis Vuitton, qui est l’une des rares maisons de mode à posséder un véritable département dédié à l’architecture de leurs espaces. En effet, pour la maison de mode Louis Vuitton, l’architecture a toujours eu une place importante : en 1912, la maison fait construire au coeur de Paris, sur les Champs Elysées, un immeuble d’inspiration Art Déco signée par l’architecte américain Eric Carlson. Avec la mondialisation et le développement en masse de leurs boutiques, Louis Vuitton fait aujourd’hui appel à de nombreux architectes de renom( Jun Aoki, Kengo Kuma, Christian de Portzamparc), dans l’objectif de concevoir des bâtiments uniques. Selon Karine Kipari, « c’est véritablement avec Louis Vuitton que les barrières entre le luxe et l’architecture son tombées » et nous avons assisté à « une union décomplexée de ces deux univers. »139 Dans son ouvrage Harvard Design School Guide To Shopping140, Rem Koolhaas affirme que le commerce joue un rôle primordial dans la configuration de la ville contemporaine. En effet, selon l’architecte, bien plus que les bureaux, les espaces verts, les aéroports ou n’importe quel autres lieux favorisant les échanges entre individus, le lieu de vente est celui qui agit le plus sur l’ambiance de la ville. Il affirme également que la rue principale, le jardin public ou l’agora ont disparu, et que désormais, les espaces commerciaux représentent les seuls espaces publics dignes de ce nom. Malgré qu’il n’y ait pas de lien direct entre les recherches de Koolhaas et l’engouement généralisé depuis deux décennies des grandes enseignes pour les architectes de renom, il est aujourd’hui évident qu’un bâtiment ayant une forte qualité architecturale permet de rehausser le prestige d’une marque et de favoriser la MOSTAFAVi, Mohsen, Louis Vuitton, architecture et intérieurs, La Martinière, 2011, page8 KIPARI, Karine, Art et Luxe : évolution de la place de l’art au sein du monde du luxe, UPEM, sous la direction d’Isabelle Lazzarus, 2016, page 77 140 KOOLHAAS, Rem, Harvard Design School Guide to Shopping, Teschen, 2000 138 139

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diffusion de ses produits. Allant plus loin encore, Paul Goldberg, critique d’architecture, évoque à propos de la boutique Prada conçue par Koolhaas, la « frénésie de l’architecte » et « une conception de la ville ou la seule activité publique serait le shopping. Par des formes de plus en plus agressives, le commerce infiltre, colonise et remplace pratiquement tous les aspects de la vie urbaine. » 141 Cependant, l’association de l’architecture avec l’univers du luxe demeure, malgré sa vulgarisation, un sujet dénigré par la profession. A l’heure de l’architecture de spectacle et du phénomène de starisation du domaine, cette architecture en tant qu’icône pour le luxe garde une mauvaise réputation. En effet, fortement critiquée, la star architecture « héritée du star système et du système spéculatif, se développe comme une réponse au fantasme, une architecture de l’attraction qui bouleverse et influence le monde architectural, de plus grandes agences jusqu’aux plus petites. Ainsi, la société du spectacle se reflète au travers de l’architecture spectaculaire. Phénomène inévitable, la star architecture reste le baromètre sur lequel se braquent les yeux des médias, architectes et investisseurs, dans l’attente de la nouvelle attraction.»142 Cette architecture de branding, focalisée sur l’aspect mercantile, est considérée comme trop éloigné de l’essence première de l’architecture. En effet, la brand architecture du luxe est considérée comme une architecture commerciale, conceptualisée et sculpturale, la rendant peut être trop similaire à une oeuvre d’art; il en résulte une architecture image, ou comme décrit dans les chapitres précédents, une architecture icône. La question est donc de savoir comment prôner une architecture pour le luxe, qui ose toutes les libertés mais qui se limite à une architecture de l’esthétique, allant ainsi à l’encontre du mouvement moderne qui prône une architecture pour tous. Toutefois, utiliser l’architecture pour renforcer l’identité est un choix commercialement et culturellement cohérent, à l’heure du battage média141 142

BARRENECHE, Raul, Nouvelle architecture commerciale, Phaidon, 2005, page 8 BELLANAYA, Mourad, L’architecture du spectaculaire, Les Editions du Net, 2014

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Figure 2 Frank O Gehry et Bernard Arnault, PDG de LVMH

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tique croissant qui s’opère autour des grands projets architecturaux et l’intérêt quasiment obsessionnel des médias pour le design. De plus, lorsqu’une marque s’adresse à un architecte on assiste à un croisement de leurs points de vue artistiques. Il n’y a pas encore longtemps l’aménagement des magasins était confié à des architectes intérieurs attitrés ou à des salariés des enseignes et les espaces étaient simplement conçus comme des mises en scènes coupées du monde, destinées à attirer l’attention du consommateur sur le produit. Aujourd’hui, l’architecture des starchitectes comme Frank Gehry ou Rem Koolhaas est loin de cette conception traditionnelle de la boutique de luxe.

2. DES SIGNATURES DANS L’AIR DU TEMPS La collaboration récente entre les maisons de mode et les bureaux d’architecture les plus prestigieux, et la construction de bâtiments plus en plus emblématiques, n’a pas comme seul but d’augmenter la valeur marchande de la marque. Malgré les controverses, les collaborations entres les architectes de renoms et les grandes maisons de mode ont comme objectif l’échange d’une signature : un nom pour un nom.143 Aujourd’hui, que ce soit les multinationales, les gouvernements ou les institutions, tous ont recours aux starchitectes dans le but d’attirer l’attention du public et des médias. 144 En effet, il est évident que plus le nom d’un architecte est célèbre, plus le bâtiment sera visité et médiatisé; la collaboration des marques avec des architectes de renom, offre donc à ces grandes marques la possibilité de s’étendre au delà de l’univers du luxe. Parallèlement, pour les architectes, cet échange de signatures, comme Koolhaas/Prada, Gehry/Vuitton ou encore Hadid/ Chanel, implique une assurance de l’accession à une certaine prospérité en raison du prestige des commanditaires. MERYL, Martin, L’art du luxe: sur le processus de reconnaissance artistique et culturelle des maisons de luxe, 2014, en ligne 144 BAHAMON, Alejandro, Mode : architecture corporative, L’inédite, 2008, page 7 143

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Toutefois, des raisons plus profondes unissent l’architecture et le monde de la mode. Les deux disciplines sont liées par la recherche sur les matières premières, l’innovation créatrice poussée au plus haut niveau et surtout le caractère artisanal de chaque projet. Cette nouvelle collaboration, outre le fait de rapprocher l’architecture et la mode du monde des arts, transforme les produits de consommation ainsi que leur contenant architectural en des objets uniques et exclusifs. L’architecture est devenue une sorte de valeur ajoutée pour les grandes maisons de mode 145, parce qu’elle permet de susciter une plus grande curiosité chez les consommateurs, en leur offrant une expérience qui va au-delà de la simple acquisition d’un produit: le client est immergé dans l’univers de la marque grâce à l’expérience d’une boutique conçue selon son identité. Les marques de luxe « s’allient aujourd’hui aux bâtisseurs de renom pour offrir de nobles écrins à leurs produits de luxe. Sur la 5eme Avenue à New York, Zara est à coté de Gucci, et dans leur publicité, les deux enseignes font appel aux mêmes mannequins, qui posent devant les mêmes photographes. Le mass-market s’est emparé des codes de luxe. Pour les grandes marques, il est devenu impératif de repousser les limites encore plus loin dans l’exclusif, l’originalité et la singularité : d’où le recours à des architectes renommés. (…) L’architecte, pourvu qu’il soit mondialement connu, donne une crédibilité culturelle au luxe. Jean Nouvel, Frank Gehry, Rem Koolhaas, tous se sont frottés à l’univers des marques de luxe pour mettre en avant un propos novateur, une remise en question.» 146 Les deux univers, par l’échange des signatures, arrivent à assoir leur crédibilité. De plus, ces nouvelles boutiques cristallisent les tendances, les mouvements et les orientations esthétiques dans l’air du temps. L’architecture d’un flagship store ne reflète pas seulement le gout de l’architecte mais reflète aussi l’image de la marque, son point de vue artistique et les attentes des clients. Dans le cas de figure d’une collaboration exclusive entre une ibid. SCHONENBERG, Geraldine, L’architecture dernier bastion conquis par le luxe, Le Temps, 2013, Interview de Vincent Grégoire 145 146

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marque et un architecte, Prada et Rem Koolhaas sont l’exemple le plus probant de l’association de deux identités: celle de la marque et celle de l’architecte. Avant de s’associer à Rem Koolhaas, toutes les boutiques de la marque Prada étaient caractérisée par l’utilisation d’une couleur unique, le vert menthe identitaire à la marque; à cette époque, l’architecture et le design ne faisaient pas partie de la stratégie de la marque, et seul le vert Prada était reconnaissable par les adeptes de la marque 147. A partir de l’association avec Koolhaas, Prada marque un tournant décisif en plaçant l’architecture au coeur de son identité; lorsque Miuccia Prada, directrice de la marque, contacte Koolhaas elle souligne le désir de concevoir des boutiques qui mettent en avant la différence et non la ressemblance. « Le lien principal entre nos deux sociétés réside dans une conviction partagée dans le processus de recherche, d'analyse et de réflexion conceptuelle.(…) Avec Prada, nous essayons constamment de clarifier ensemble un concept ou une idée, puis de le transformer en projet. » 148 La première boutique Prada à New York, nommée épicentre, n’est pas une nouvelle architecture en soi, mais pour la première fois, l’architecte intègre l’expérimentation et l’innovation au coeur de la boutique, en reconsidérant entièrement l’expérience du shopping.149 La proposition la plus surprenante dans la conception de Koolhaas pour le premier épicentre, est l’intégration d’un espace culturel à l’intérieur de la boutique ; visible des l’entrée dans le magasin, la dimension culturelle se manifeste par la présence d’une tribune en bois continue, que l’architecte nomme la vague, et qui est pensée comme un espace d’affichage des chaussures mais également un espace qui peut être utilisé pour des concerts, des expositions ou des conférences. En plaçant les espaces de vente à l’arrière du magasin et au sous sol, l’architecte poignarde le commerce, alors que celui-ci était à la base de la commande

BAHAMON, Alejandro, Mode : architecture corporative Rem Koolhaas dans 032C, OMA/PRADA, https://032c.com/oma-prada 149 https://oma.eu/ 147 148

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Figure 3 Défilé Prada Printemps/ Été 2018, conçu par OMA

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qui la a été faite 150; cette position radicale de Koolhaas dans la conception de cet épicentre, démontre bien que la collaboration entre la marque et l’architecte est basée sur l’échange de deux signatures. En effet, basée sur une relation de partage, leur association est gagnante pour les deux parties : l’architecte arrive à traduire le design de Prada en une esthétique construite.; tandis que, l’étude du fonctionnement d’un espace lorsqu’il est composé uniquement pour la fabrication d’images, ou la conception d’espace devant fonctionner de manière extrêmement performative, a influencé plusieurs autres projets de l’architecte.151 La collaboration entre Rem Koolhaas et Prada continue d’exister depuis maintenant deux décennies; hormis les deux épicentres à New York et Los Angeles, on doit à l’architecte le pavillon éphémère Prada Transformer implanté à Seoul ainsi que la grande majorité des défilés de la maison. L’association de la marque avec OMA a démarré avec la conception de deux boutiques, puis elle s’est rapidement étendue à à de nombreux autres domaines ( avant-postes, structures d’exposition, pavillon,.) Chaque année, Prada organise quatre défilés dans un hall en béton, situé à Milan, qui est devenu la toile blanche du bureau OMA pour la conception des défilés immersifs de la maison. En plus de constituer la pièce centrale de la collaborations entre les deux acteurs, pour Koolhaas, les défilés représentent l’occasion d’expérimenter de nouveaux essais dans l’objectif de reformuler la relation entre la culture et le commerce. Effectivement, les décors des défiles conçus par l’architecte, en plus de refléter l’identité de la marque, mettent en scène des événements politiques et économiques, ou encore la culture populaire, en allant de cette sorte au delà du monde clos de la mode.152

OMA*AMO for/with Prada, https://oma.eu/projects/oma-amo-for-with-prada AJ, Architecture + Fashion: A Look At OMA And Prada’s History Of Collaboration, https://architizer.com/ 152 032C, OMA/PRADA, https://032c.com/oma-prada 150

151ARTEMEL,

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Figure 4 Détail de la façade de la boutique Louis Vuitton conçue par Jun Aoki

Figure 5 Détail de la façade de la boutique Louis Vuitton conçue par Kumiko Inui

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Toutefois, dans ce nouveau courant architectural, les collaborations ne se limitent pas toujours à une association exclusive entre une marque et un architecte. Dans la Partie 2, j’ai mis en avant deux autres cas de figure : celui de la collaboration entre une marque et plusieurs architectes (le cas de Louis Vuitton), ainsi que la collaboration entre un architecte et plusieurs marques (le cas de Peter Marino). Louis Vuitton est l’une des marques les plus puissantes et l’une des seules marques ayant son propre cabinet d’architecture. Toutefois, la collaboration de la marque avec des architectes de renom a commencé en 1999, avec la construction de la boutique Louis Vuitton à Nagoya, Tokyo conçue par l’architecte Jun Aoki. Ce dernier a été retenu suite au concours lancé par Louis Vuitton pour la réalisation de leur premier global store à Tokyo en 1999.153 Par la suite, faisant entièrement partie de leur développement, la marque a fait appel à de nombreux architectes de renom pour la conception de leurs flagship stores : Frank Gehry, Peter Marino, Kumiko Inui ou encore Kengo Kuma. Contrairement à l’exemple de l’association Prada/Koolhaas, la relation entre la marque Louis Vuitton et les architectes de renom auxquels elle fait appel est complètement différente. Premièrement, ne s’agissant pas d’une collaboration exclusive sur le long terme, la signature de l’architecte est moindre et la conception est souvent réalisée en collaboration avec le département d’architecture propre à la marque. Deuxièmement, la marque possédant déjà un identité forte, marquée par des codes précis et des signes iconiques ( le monogramme LV, le damier, la superposition de cercles, la gamme de couleurs, etc.), les architectes doivent se restreindre a interpréter ces identifiants universels de la marque. En effet, « la marque a fondé une grande partie de sa démarche sur la construction d’architecture dont l’inspiration repose sur l’appropriation et le remaniement visuel des produits et des motifs Louis Vuitton. » 154 Toutefois, ces contraintes permettent de mettre en http://www.aokijun.com/en/works/louis-vuitton-nagoya/ MOSTAFAVi, Mohsen, Louis Vuitton, architecture et intérieurs, La Martinière, Louis Vuitton, l’architecture, la mode et la fabrication, 2011, page 242 153 154

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exergue la capacité des architectes à s’émanciper et à innover ces codes identitaires. En revenant à l’étude architecturale de la partie précédente, nous pouvons remarquer que dans toutes les boutiques Louis Vuitton, que ce soit les conceptions de Jun Aoki, Kengo Kuma ou Kumiko Inui, nous pouvons retrouver les mêmes signes iconiques, toutefois chacun interprétées selon le style de l’architecte; damier, cercles interpénétrés, malles, etc. En effet, en prenant comme exemple deux boutiques Louis Vuitton conçues par deux architectes différents on s’aperçoit les similitudes entre les deux conceptions. Pour la boutique Louis Vuitton à Ginza, Jun Aoki a interprété les codes de la marque en proposant une façade en albâtre blanc et translucide, provenant d’Inde, et coulée dans un béton renforcé de fibres de verre beige. Les formes carrées de différentes dimensions ont une épaisseur de 15mm et sont renforcées d’un panneau de verre; semblant être faussement dispersées de façon aléatoire sur les façades extérieures, l’architecte les a pensé de façon a réinterpréter le damier de la marque. Les zones carrées paraissent opaques en journée et laissent traverser la lumière durant la nuit, en surprenant par le jeu de lumière et de transparences. 155 Parallèlement, dans la même logique de conception, pour la boutique Louis Vuitton à Taipei, l’architecte Kumiko Inui a interprété le damier distinctif de la marque, en travaillant avec une impression du transfert d’ombres projetées par les arbres bordant la route. Pour y arriver, l’architecte a utilisé une pierre calcaire percée par une série d’orifices carrés de dimensions variables et remplies d’une résine transparente.156 Durant la journée, les passants peuvent deviner la subtilité du jeu de lumière et de transparence, qui est toutefois pleinement révélé à la tombée de la nuit, lorsque la lumière intérieure traverse les orifices et transforme l’apparence de l’édifice.157

http://www.aokijun.com http://www.inuiuni.com/ 157 BAHAMON, Alejandro, Mode : architecture corporative, L’inedite, 2008, page 114 155 156

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Le troisième cas de figure étudié concerne la collaboration entre un architecte et plusieurs marques; l’association de Peter Marino avec Chanel, Louis Vuitton et Armani. Différent des autres cas d’étude, Peter Marino est une architecte principalement spécialisé dans la conception de boutiques de luxe; en effet, ce dernier à réalise des boutiques pour quasiment l’ensemble des marques de luxe qui existent. Marino est l’un des rares architectes qui est capable de concevoir des boutiques voisines pour des maisons concurrentes, tout en les rendant chacune d’elles uniques et représentatives de chaque marque.158 En effet, depuis plus de 20 ans, l’architecte conçoit des boutiques, principalement pour la maison Chanel et les maisons du groupe LVMH, ce qui semble être une anomalie dans un domaine où chaque marque possède son créateur star attitré et une identité forte. Néanmoins, sachant accorder une place centrale à l’identité de chaque marque, l’architecte arrive à developper un vocabulaire, des codes, des nuanciers et des matières, tous uniques et fidèles à chaque marque. Dans ce dernier cas de figure, la génie de l’architecte est limité à la transcription architecturale d’un identité préexistante, celle de la marque et de ses codes.

3. UNE ARCHITECTURE D’EXIGENCE ET D’INNOVATION Dans le secteur du luxe, la valeur de l’excellence est la valeur la plus fondamentale: elle est présente tant dans la conception et le design des produits (artisanat, matières,…), dans la communication (publicité, égéries, …) mais aussi dans la distribution (présentations, personnel, …). L’excellence joue un rôle primordial dans l’affirmation de la marque en tant que marque de luxe et renforce sa légitimité; parallèlement cette valeur permet de définir la philosophie, l’histoire et la clientèle de la marque. Originairement focalisée sur le produit de luxe, aujourd’hui l’excellence fait entièrement partie des

LAROCCA, Amy, Peter Marino, the Leather Daddy of Luxury, 11 aout 2012, The Cut, en ligne, https://www.thecut.com 158

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critères imposés à l’écrin qui accueille et présente ces produits : l’architecture. En effet, une marque proposant des produits iconiques a comme exigence première de produire des édifices aussi impressionnants que leurs produits. Parallèlement, ces nouveaux espaces représentent un réel terrain d’expérimentation architecturale, qui bien au-delà de définir et de renforcer l’identité de la marque, engendrent des processus de création et de techniques de construction originales et innovantes; l’excellence est mise en oeuvre dans l’objet architectural lui-même. Une grande maison de mode possède le pouvoir auratique d’évoquer une mystique de distinction, d’authenticité et d’exclusivité, engendrant de cette sorte un culte dévoué de la part des consommateurs. L'aura qui entoure le nom du créateur amplifie la valeur des objets et les transforme en de véritables objets de luxe.159 Cependant, aujourd’hui l’étiquette elle-même ne suffit plus, et l’objet nécessite d’être présenté dans un espace possédant le potentiel nécessaire pour susciter le culte et le plaisir; la boutique ellemême doit être tout aussi efficace sur le plan visuel et matériel que l’étiquette cousue sur les produits. «A travers l'espace, la marque doit non seulement articuler un message distinctif, mais aussi une identité émotionnelle. » 160 A l’heure de la démocratisation du luxe et la perte de l’aura, il est devenu primordial pour les grandes marques d’offrir à leurs clients une architecture exigeante et innovante. De fait, « par leur collaboration avec des architectes stars, elles (les marques) ont réussi à révéler à nouveau le coté exceptionnel de leurs produits ».161 De plus, la valeur d’excellence de l’association entre une maison de mode et un architecte de renom est double; les deux entités étant individuellement excellentes dès le départ, il s’agit d’une association pour l’excellence, BOURDIEU, Pierre, Le couturier et sa griffe : contribution à une théorie de la magie, Actes de le recherches en Sciences Sociales, 1975, pages 7-36 160 POTVIN, John, The places and spaces of fashion, 1800-2007, Routledge, 2008, page 247 161 RIPARI, Karine, Art & Luxe : évolution de la place de l’art au sein du monde du luxe, 2016, page 52 159

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dans l’objectif de l’affirmer et la renforcer, mais aussi une association par l’excellence, étant donné qu’elle n’est possible que parce que les deux entités sont excellentes. Pour garantir le respect de leurs valeurs, les grandes marques doivent innover dans le lieu de rencontre avec ses clients, en plaçant le point de vente au coeur de la relation entre la marque et les clients. Robert Triefus, vice-président de Giorgio Armani, déclare que «les magasins sont le visage d'une marque (…) L’architecture est une partie très importante de la communication de marque. Lorsque vous arrivez dans un magasin, il doit être conforme à vos attentes en matière de marque ».162 Les architectes ont le devoir d’insuffler à leurs projets les mêmes qualités d’excellence qu’on retrouve dans les produits proposés par les marques de luxe; tout doit être pensé et adapté au détail près, aucune conception ne doit être standard. Les flagship stores doivent être conçus comme un produit haute couture, étant en analogie avec les produits de luxe. L’association des grandes marques de mode avec des architectes et des bureaux d’architecture de renom, pour la conception de boutiques emblématiques, n’a pas comme seul objectif d’augmenter la valeur marchande de leurs produits ; en effet, les deux secteurs faisant partie des industries créatives, de nombreuses autres raisons les unissent. Par exemple, dans les deux domaines, sont mis en avant la recherche sur les matières premières, l’innovation créatrice de haut niveau ou encore le caractère artisanal propre à chaque projet; la collaboration entre ces deux univers font que le produit vestimentaire ainsi que son écrin architectural deviennent des objets uniques et exclusifs. 163 L’icône architecturale dans le domaine du luxe devient une incarnation de la marque et de ce qu’elle représente : à elle seule, l’architecture doit transmettre les valeurs, la philosophie, l’histoire et l’univers de la marque. Ce sont toutes ces caractéristiques qui lui confèrent son statut d’excellence. De 162 163

POTVIN, John, The places and spaces of fashion, 1800-2007, Routledge, 2008, page 248 BAHAMON, Alejandro, Mode : architecture corporative, L’inedite, 2008, page 8

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Figure 6 The sponge - matériau innovant conçu par Rem Koolhaas pour Prada

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plus, dans la majorité des projets, en plus du critère d’une création exigeante, vient s’ajouter le critère d’innovation, qui est associé à l’utilisation des nouvelles technologies : façades actives, installations en fibre optique, dispositifs à base de LED, etc. « La créativité et l’innovation sont inscrites dans nos gènes. Elles ont, au fil du temps, assuré le succès de la Maison et assis sa légitimité. (…) ce tandem créativité-innovation est au coeur d’une délicate équation : renouveler notre offre et être résolument tournés vers l’avenir, tout en s’inscrivant dans le respect de notre patrimoine ».164 La technologie est devenue de plus en plus un élément déterminant de l'expérience d’achat dans l’architecture de ces flagships. En effet, avec une vision innovante, les épicentres Prada ont lancé une longue discussion sur le rôle de la technologie dans le domaine de la vente de luxe - qu'il s'agisse de technologie comme divertissement ou de la technologie en tant qu’aide à l'acte de consommation. «Le shopping, surtout lorsqu'il est question de mode et de tendances, reste associé à la nouveauté, et la technologie est un élément fondamental du nouveau. Les magasins utilisent la technologie pour montrer qu'ils sont à jour (…) Le média est vraiment le message dans un environnement commercial. (…)Je crois que les entreprises existent entre l’identité et l’innovation. L’identité, une image de marque, dépend de la stabilité et du contrôle; l'innovation est basée sur l'acceptation de l’inattendu.»165 Tous les magasins Prada se définissent par un emploi innovant de la technologie; en effet, que ce soit dans l’épicentre à New York ou à Los Angeles, la technologie interactive est la clé de l'expérience d'achat. Les cabines d’essayage sont des espaces conçus à partir de parois de verre Privalite qui passent de transparentes à translucides lorsqu’elles sont occupées, grâce au passage d’un courant électrique. En addition, les images des clients sont projetées sous différents angles sur les quatre faces des cabines et ces derLouis Vuitton, https://lvmh.fr Markus Schaefer dans MANUELLI, Sara, Design for Shopping: New Retail Interiors, Laurence King Publishing, 2006, page 37 164 165

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Figure 7 Le travail de l’acier et du verre par Jun Aoki à Omotesando, Tokyo

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niers peuvent essayer leur sélections dans des conditions d'éclairage différentes: dans une lumière chaude de soir ou une lumière bleue de jour. Dans les épicentres Prada, l’architecte à pensé la technologie de sorte à ce qu’elle fonctionne de manière non-intrusive et fonctionnelle, tout en aidant Prada à renforcer son image de marque profondément engagée dans le contexte culturel actuel.166 En plus de la technologie expérimentale, une recherche et le développement de nouveaux matériaux et des méthodes d'affichage innovantes ont été utilisées dans les deux épicentres, dans l’objectif d’enrichir et de transcender l'expérience d’achat des clients. En effet, parallèlement à l’utilisation d’une technologie innovante, de sorte à developper la palette des matériaux à l’intérieur des magasins, Koolhaas a conçu un nouveau matériau innovant, qu’il a utilisé dans la boutique à Los Angeles. Ce nouveau matériau, que l’architecte a nommé the sponge*, est un matériau conçu à base de polyuréthane dont l’agrégat est composé de pleins et de vides. Pensé comme une redéfinition de la surface et du matériau, cette mousse de consistance spongieuse est à la fois irrégulière et régulière. Pouvant être coulée par étapes, sa consistance peut varier de douce à dure et son aspect de transparent à opaque; la mousse peut être utilisée pour construire des objets ou pour sculpter des espaces entiers.167 Chez Louis Vuitton, l’architecture « n’est pas sans analogie avec la façon dont les stylistes développent les idées en fabriquant divers échantillons de leur travail. »168 De la même manière que les produits proposés par la marque (par exemple la toile PVC à partir de laquelle sont réalisés une grande partie des produits), les matériaux utilisés dans la conception de ces édifices ne sont pas nécessairement luxueux ; toutefois, ces derniers ibid. page 38 https://oma.eu/projects/prada-sponge 168 MOSTAFAVI, Mohsen, Louis Vuitton : architecture et intérieurs, La Martinière, 2011, page 243 166 167

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Figure 8 Détail de la façade high-tech de Peter Marino pour Chanel

Figure 9 Parking high-tech donnant accès à la boutique Chanel, conçu par Peter Marino

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semblent l’être grâce à leur traitements, à leurs finitions et à leur composition bien pensée. Dans la majorité des boutiques Louis Vuitton étudiés plus haut, les architectes ont utilisé des matériaux simples, comme le béton, l’albâtre, la pierre ou le métal. Toutefois, grâce à une association et une innovation en ce qui concerne leur utilisation, ces matériaux prennent l’apparence d’objets luxueux. C’est par exemple le cas de la boutique Louis Vuitton à Omotesando, où la façade a été conçue comme une sculpture donnant l’illusion d’un empilement des malles et qui est réalisée principalement en acier et de verre. Dans l’architecture de Louis Vuitton, même si l’excellence ne se trouve pas dans le choix des matériaux, elle l’est indéniablement dans l’apparence des édifices. Spécialisé dans le domaine du luxe, depuis l’ouverture de son bureau, Peter Marino a travaillé sur la redéfinition des boutiques de luxe modernes. « Nous nous exprimons à travers des matériaux de luxe. Pour évoluer avec la marque, il nous faut des lignes épurées, cultiver un sens des textures et de la couleur. »169 En effet, dans nombreux de ses projets, l’architecte accorde une attention particulière aux matériaux nobles et aux textures, en mettant en avant le luxe comme valeur élémentaire. « On a pris le parti prix du luxe »170, affirme-t-il concernant la boutique Chanel à Ginza; en effet, le prix de la construction s’élève à 250millions de dollars. Le bâtiment de 56 mètres de haut est une association entre les valeurs traditionnelles de la marque et la haute technologie, s’érigeant ainsi comme le modèle de la boutique idéale du 21e siècle. La façade représente la manifestation la plus évidente de l’innovation technologique qui définit le bâtiment. « Nous avons inventé un nouveau type de verre pour la façade qui n'avait jamais été employé auparavant. » 171 La façade est composée de deux couches alternées de verre et d’acier inoxydable qui s’illuminent grâce à 700 000 diodes électrolumines-

Peter Marino, Le Figaro, http://madame.lefigaro.fr/ Peter Marino, Le luxe absolu de Chanel à Ginza, http://luxe-magazine.com 171 ibid. 169 170

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centes, et de plus de 6 kilomètres de câbles ainsi que 3 ordinateurs de commande. L’apparence sobre de la façade durant la journée, se transforme à la tombée de la nuit pour devenir un écran géant sur lequel sont projetés des séquences de défiles ou l’imprimé tweed de la marque, à partir d’une installation video. 172 Outre l’innovation technologique de la façade, l’excellence et le luxe se retrouve dans l’intégration d’un parking de 22 places et d’une zone de réception des véhicules à l’intérieur de la boutique. Elément exceptionnel dans le secteur des boutiques de luxe, mais surtout dans le quartier Ginza à Tokyo, le siège de Chanel offre un service de stationnement innovant à ses clients. Implanté dans la partie arrière du rez-de-chaussée, un système de parking innovant offre l’accès de clients depuis leur automobile à la boutique. L’espace qui relie la zone de réception des voitures à la boutique est pavé de dalles de granit gravées de l’imprimé tweed, tandis que les murs sont recouverts de marbre blanc.173 Dans sa conception pour la boutique Louis Vuitton dans le Marina Bay Sands au Singapour, le principal défini de Peter Marino a été de gérer l’ombrage du le pavillon qui est tout en verre, afin de protéger les produits des rayons UV. En s’associant au bureau FTL Design Engineering Studio de New York, l’architecte à proposé une solution innovante composée de 300 panneaux avec une résistance aux UV, couvrant une superficie totale de 2300m2. De sorte à répondre aux translucidités et transparences spécifiques à chaque mur et plafond, deux matériaux ont été utilisés dans la conception des panneaux, dont le PTFE174 pour l’un et la fibre de verre recouverte de polymères pour l’autre. Malgré la géométrie complexe du bâtiment, les panneaux offrent une lumière diffuse constante, sans aucune ombre sur les bords, tout en offrant aux clients des vues spectaculaires vers la baie environnante.

BAHAMON, Alejandro, Mode : architecture corporative, L’inedite, 2008, page 71-73 ibid. 174 = polytétrafluoroéthylène, communément appelé TEFLON 172 173

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4. LA FACADE, NOUVELLE VITRINE DE LA BRAND ARCHITECTURE Avec le développement de l’activité commerciale durant la renaissance, l’espace urbain a vu l’apparition des boutiques, originairement sous le nom d’échoppe. Les premières vitrines de ces échoppes avaient comme objectif de montrer au maximum les produits et étaient souvent surchargées. Avec l’apparition des grands magasins, les devantures commencent à abriter des mises en scène des produits, constituant ainsi les bases du merchandising visuel contemporain. En effet, le premières vitrines étaient souvent de tailles assez petite et leur fonction première était de faire pénétrer la lumière dans les boutiques étroites; de sorte à ne pas faire obstacle à la lumière, les articles étaient disposés au fond de la vitrine.175 Par la suite, les formes et les tailles des vitres se sont diversifiées et les vitrines sont devenues des outils indispensables à la vente. Cependant, les vitrines telles que nous les connaissons aujourd’hui sont un phénomène récent qui date de la fin des années 2000. « Si les yeux sont les fenêtres de l’âme, les vitrines révèlent l’âme d’un magasin. Elles communiquent ce qui fait son essence mais par l’intermédiaire d’une présentation impassible, qui reste la même longtemps après l’heure de fermeture et le départ du dernier client. » 176 Originairement, la conception d’une devanture traditionnelle devait être symétrique et proportionnelle à l’élévation du bâtiment existant. En effet, dans la majorité des cas, il était inhabituel pour les marques de créer une nouvelle devanture de magasin, sauf obligation pour des raisons de planification urbaine. Pareillement, dans certains cas, des restrictions urbanistiques pouvaient également être induites en ce qui concerne la mise en place de la signalisation et la couleur dans laquelle la devanture pouvait être peinte; parfois, la signalisation, la police, la taille et la couleur du texte pouvaient être spécifiés aussi.177 PORTAS, Mary, Vitrines- Stratégie de la séduction, Thames and Hudson, 2000 ibid. page 6 177 MESHER, Lynne, Basic Interior Design, Retail design, AVA Publishing, 2010, page 144 175 176

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Figure 10 Façade de la boutique Chanel située à Rue Cambon 31, Paris

Figure 11 La façade de l’épicentre Prada à Los Angeles

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La boutique Chanel implantée au 31 rue Cambon à Paris est un exemple toujours existant d’une boutique de luxe traditionnelle. Les bâtiments construits dans la rue Cambon sont issus du classicisme, un courant architectural qui privilégie les lignes pures et la rigueur des proportions; l’ensembles des façades sont lisses et le volume des bâtiments est unifié. C’est dans cette rue que Gabrielle Chanel a ouvert sa première boutique au numéro 21 en 1910, puis rapidement célèbre pour ses créations, celle-ci a ouvert une deuxième boutique au numéro 31 en 1918, en y inventant le concept de la boutique contemporaine. En observant la façade on peut remarquer les qualités typiques d'une vitrine traditionnelle, dont les proportions sont pensées par rapport à l'élévation du bâtiments existant. De nos jours encore, la configuration, imaginée par Gabrielle Chanel est restée intacte : le rez-dechaussée accueille la boutique et le premier étage est aménagé en un grand salon utilisé pour présenter les collections; tandis que l’appartement, le studio et les ateliers sont implantés au deuxième et troisième étage.178 Aujourd’hui la notion de vitrine est considérée à une échelle beaucoup plus importante, celle de la façade. En effet, de la même manière que la vitrine, la façade des flagship stores est un outil essentiel pour les grandes marques de luxe car elle reflète les valeurs de la marque et elle joue un rôle stratégique dans la construction de son image : la façade est la signature de la marque. Elle est la médiation entre la rue et l’espace de vente, entre l’extérieur et l’intérieur, entre le public et le privé et surtout, entre l’offre et la demande 179. D’une façon générale, il existe trois typologies de façades : la façade en tant que séparation entre le monde extérieur et le monde de la marque (Armani sur Madison Avenue), la façade comme dialogue entre intérieur et extérieur (Louis Vuitton à Taipei - le porche) , et pour finir la façade où l’intérieur et l’extérieur se fondent sans frontière précise (Prada à Los Angeles). 31 Rue Cambon, Une histoire derrière la façade, https://www.chanel.com/ FLOCH, Jean-Marie, La vitrine : de la vision au sens, Nouveaux actes sémiotiques, Pulim, Université de Limoges, 1996, page 1 178 179

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Constituant fondamental des stratégies marketing, le merchandising visuel passe par plusieurs étapes, allant du choix du concept à la mise en valeur de la façade et de la vitrine, en passant par le choix de l’implantation de la boutique. La façade représente l’image extérieure qui transmet aux consommateurs l’identité des la marque; l’architecture de la boutique, au même titre qu’un musée, doit être un lieu de visite grâce à un aspect extérieur qui doit capter l’attention: les choix architecturaux doivent définir l’identité de la marque.180 Pour des marques comme Louis Vuitton, Chanel ou Armani, les façades constituent de véritables supports d’expression servant à transmettre aux consommateurs leurs valeurs et leur identité; en effet, le logo, les codes et la signature des marques sont mis en valeur tel des emblèmes. « A partir de la vitrine, premier point de contact avec le point de vente, le consommateur peut, en interprétant les codes de présentations de la vitrine, développer certaines attitudes ou croyances relatives au magasin. »181 Une façade est composée de plusieurs éléments : le style architectural du bâtiment lui même, la vitrine, ou encore la porte d’entrée qui marque le passage concret entre l’espace extérieur de la rue et l’espace intérieur de la boutique. D’une façon générale les marques ont deux façons d’aborder la conception de la façade: d’une part, les marques choisissent des boutiques dont l’architecture se détache volontairement du contexte environnant : c’est le cas de la boutique Louis Vuitton à Roppongi, composée de milliers de cylindres de verre qui sont en contraste avec les bâtiments en briques qui l’entourent; et d’autre part, des marques qui choisissent de s’insérer dans le décor, grâce a des bâtiments qui respectent les codes urbanistiques de la ville: c’est le cas des boutiques d’Occident, comme Louis Vuitton sur la Place Vendôme.

PORTAS, Mary, Vitrines- Stratégie de la séduction, Thames and Hudson, 2000 SMAOUI, Lilia, Impact de la vitrine du point de vente sur les réactions des consommateurs, Etude, Université Paris-Dauphine 180 181

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Pour la conception des épicentres Prada, le point de départ des trois projets, dont seulement deux construits, a été une étude poussée de l’acte d’achat et la création d’une nouvelle image. De plus, pour chaque projet, Koolhaas a mis un avant un concept architectural spécifique à chaque épicentre : dans le Prada New York, l’élément architectural majeur est le plan, plus précisément la vague; dans la boutique à San Francisco, l’épicentre était sensé être un manifeste du gratte ciel, le focus architectural étant porté sur le volume de l’édifice; tandis que dans la boutique Prada à Los Angeles, le concept architectural majeur est la façade, ou plus précisément l’absence de façade. En effet, la façade sur Rodeo Drive est littéralement inexistante. 182 Sans posséder une devanture de magasin classique et des vitrines en verre, la boutique Prada s'ouvre complètement sur toute la largeur de la rue, en fusionnant l’espace public avec l'espace commercial. Cette absence de façade et de logo représente la caractéristique la plus déterminante et la plus surprenante de la boutique à Los Angeles. Ouverte en totalité sur une longueur de 15 mètres, l’épicentre invite le public à entrer dans le bâtiment en créant un continuum entre l'extérieur et l'intérieur. La nuit, un mur en aluminium s'élève du sol et scelle hermétiquement le bâtiment.183 Malgré le climat favorable de Los Angeles, un dispositif thermique a été mis en place : en cas de besoin, la séparation climatique est obtenue grâce à un système de rideau d'air. De sorte à garantir le contrôle du magasin, des antennes de sécurité invisibles ont été placées à l’entrée.184 L’apparente simplicité des façades des flagship stores Chanel conçus par Peter Marino à Tokyo et Hong Kong, semblables aux classiques de la marque, dissimule un important processus de recherche et de création. En effet, grâce à une technologie innovante, les façades sobres qui reflètent l’environnement urbain durant la journée, se transforment, à la tombée de la

https://oma.eu/projects/prada-los-angeles MANUELLI, Sara, Design for shopping : New retail interiors, Laurence King, 2006, page 40 184 OMA, Prada Los Angeles, https://oma.eu/projects/prada-los-angeles 182 183

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Figure 12 La façade minimaliste de l’architecte Peter Marino pour la maison Giorgio Armani

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nuit, en écrans gigantesques qui projettent des images de l’imprimé tweed et du logo de la marque ou encore des vidéos des défilés récents. De plus, pour la conception de l’enveloppe de la boutique à Hong Kong, l’architecte s’est inspiré des proportions et de la ligne noire sur l’emballage du N°5, parfum emblème de la marque. "Coco Chanel et moi sommes des modernistes du design. L’architecture et les façades des boutiques d’aujourd’hui sont le reflet de ce qu’était cette femme moderne et intemporelle. » 185 En les rendant spectateurs, ces façades hyper-technologiques permettent donc de facilement transmettre aux passants les caractéristiques identitaires de la marque, qui sont la modernité et l’innovation. En 1996, Giorgio Armani a confié à l’architecte Peter Marino la conception d’une nouvelle boutique située au 760 Madison Avenue, New York. Ici, contrairement à ses conceptions pour la marque Chanel, la façade de l’architecte est minimalisme, étant en adéquation avec la vision identitaire minimaliste de Giorgio Armani. En effet, respectant les demandes de la marque, l’espace architectural minimaliste de Marino permet de transmettre au mieux l'identité de la marque aux consommateurs, en s’assurant que ces derniers ne soient distraits de l’objectif premier, qui est l'achat d’une identité. De plus, le minimalisme de la façade, mais aussi de l’intérieur de la boutique, rappellent le minimalisme d'une galerie d'art moderne; renforçant l’identité de la marque par la création d'une aura d'originalité et d'exclusivité.186 De sorte à ajouter quelques détails architecturaux ou une légère touche décorative, pour rester fidèle à ses conceptions habituelles, l’architecte a également incorporé à la façade, une baie en retrait et une terrasse centrale allant du deuxième au troisième étage. Dans cette boutique sur la Madison Avenue à New York, la solidité des panneaux de calcaire français couleur crème qui ont été utilisés pour la façade, est contrebalancée par la transparence des panneaux de verre. Cependant, au rez-de-chaussée, malgré les larges vitrines de Peter Marino dans Le Figaro, http://madame.lefigaro.fr/ POTVIN, John, The places and spaces of fashion : 1800-2007, Armani/Architecture, Routledge, 2008, page 248-251 185 186

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Figure 13 Détail de la façade Louis Vuitton à Roppongi Hills tubes de verre et interprétation des codes identitaires de la marque

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verre, des panneaux en bois sont utilisés comme toile de fond pour les mannequins et empêchent la vue vers les espaces intérieurs de la boutique depuis la rue. Dans la façade, des frontières sont donc créées; elles sont perçues et matérielles. La notion d’hétérotopie* de Michel Foucault est ici utile pour la signification de l'aura de la boutique. En effet, selon Foucault, les hétérotopies «supposent toujours un système d’ouverture et de fermeture qui isole et laisse pénétrer. En général, le site hétérotopique n’est pas librement accessible comme un lieu public. Pour entrer, il faut avoir une certaine permission et faire certains gestes.» 187 Ici, dans la boutique Armani, du premier au troisième étage, un épais canevas sépare l'extérieur de l'intérieur, permettant à la lumière de pénétrer, tout en obstruant la vue et en maintenant l'exclusivité hétérotopique de l’espace; la seule visibilité offerte aux passants se fait par l’entrée vitrée centrale, gardée par un portier.188 Dans les boutiques Louis Vuitton, le travail de la peau et et le revêtement des façades représente une préoccupation majeure de la conception architecturale. En effet, « c’est à travers le revêtement que la marque s’annonce à la clientèle.(…) A la différence d’Adolf Loos, qui voyait dans l’ornement une forme de crime, les auteurs des façades ne le considèrent pas comme un ajout rapporté après coup, mais plutôt comme un matériau constitutif de la logique esthétique de l’enveloppe. A l’instar d’un certain type de vêtements, l’attrait, la texture et les motifs des façades sont des composantes essentielles de leurs fonctions. Les façades à double peau (…) sont des accessoires de l’architecture de la marque Louis Vuitton qui n’ont cessé d’évoluer. Ils fournissent une sorte d’appareillage, ou d’échafaudage, une enveloppe spatiale permettant d’explorer d’éventuelles variations de profondeur du revêtement extérieur de l’édifice. »189 FOUCAULT, Michel, Des espaces autres, in Architecture, Mouvement, Continuité, n°5, octobre 1984, pages 46-49 188 POTVIN, John, Giorgio Armani : The empire of the senses, Routledge, 2013, page 297 189 MOSTAFAVI, Mohsen, Louis Vuitton, architecture et intérieurs, La Marinière, 2011, pages 243-244 187

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Figure 14 Façade la boutique Louis Vuitton à Ginza Namiki, Tokyo

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La majorité des façades des flagships Louis Vuitton mettent en avant un important travail des matières, textures et sensations visuelles. « L’utilisation de couches de matériaux tels que le verre ou le grillage métallique a été un facteur clé pour le développement des qualités perceptuelles complexes qui visent à évoquer des sentiments de confort, de sensualité et de luxe. Les effets produits par les façades des bâtiments Louis Vuitton sont toujours discrets, et dépendent avant tout des changements de la lumière. »190 Les façades Louis Vuitton ont souvent une double peau résultant de la juxtaposition de matériaux comme la pierre et du béton percés de trous, dans les boutiques Louis Vuitton à Ginza Namiki et Louis Vuitton Taipei, ou les plaques de verres et les mailles métalliques, dans la boutique à Roppongi Hills. En effet, dans cette boutique, la façade est composée de vingt milles types de verre, fonctionnant comme un système qui piège la lumière en créant une impression visuelle ambiguë et confuse, et qui varie en fonction des conditions d’éclairage. L’objectif de cette façade est de faire naître une curiosité chez les passants grâce à cet effet de distorsion dynamique.191 Un autre élément récurent dans la conception des façades Louis Vuitton est la dichotomie visuelle entre le jour et la nuit. Reprise et réinterprétée par la majorité des architectes ayant travaillé pour la marque, cette caractéristique dichotomique est devenue un élément distinctif de l’architecture Louis Vuitton. Que ce soit Jun Aoki à Ginza Namiki, Kumiko Inui à Taipei ou encore Kengo Kuma à Osaka, tous ont mis en avant un important travail de l’enveloppe en ce qui concerne le jeu des lumières et des transparences. Dans la boutique Louis Vuitton à Ginza, Jun Aoki s’est principalement concentré sur l’aspect des deux façades principales; en effet, celles-ci se transforment radicalement au cours de la journée. En journée, le bâtiment frappe par son opacité, tandis que la nuit, celui-ci prend une nouvelle dimension qui permet d’apercevoir le jeu de lumière et de translucidité des

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ibid. page 246 BAHAMON, Alejandro, Mode : architecture corporative, L’inedite, 2008, page 88

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façades. Cette dichotomie est aussi présente dans le projet de Kumiko Inui pour la boutique à Taipei. L’architecte, passionnée par les jeux visuels et les illusions optiques, réalise une façade qui laisse apercevoir subtilement la trame dessinée par les perforations en journée, mais qui se révèle entièrement à la tombée de la nuit, lorsque la lumière artificielle traverse la bâtiment et le transforme en un volume entièrement éclairé, comme un phare doux. 192

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ibid. pages 94-95 et 144

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II. BRAND ARCHITECTURE ENTRE COMMERCE ET CULTURE 1. EXPERIENCE ECONOMY, LA SINGULARITE DE L’EXPERIENCE La tendance actuelle vers principalement une consommation d'expériences marque la fin de l’industrie des services. En effet, les économistes ont généralement regroupé les expériences dans les services, mais les expériences apparaissent comme des nouvelles offres économiques qui sont, selon Pine et Gilmore, «aussi distinctes des services que les services le sont des biens.»193 Les consommateurs souhaitent de plus en plus vivre des expériences lors de l’acte d’achat et les marques y répondent en les concevant et en les promouvant. Alors que les services, comme les biens avant eux, sont de plus en plus banalisés, les expériences sont devenues la prochaine étape de ce que Pine et Gilmore appellent la progression de la valeur économique. 194 Ce paradigme de l'expérience n'affecte pas uniquement les industries des médias et de la vente, mais aussi les institutions culturelles et civiques, qui s'attachent de plus en plus à fournir une culture et une éducation sous la forme d’expériences divertissantes.195 Aujourd’hui la majorité des efforts que les marques et les concepteurs entreprennent pour se différencier de leurs concurrents sont placés sous la notion de l’expérience, du experience design ou du marketing expérientiel. Dans l’actuelle experience economy*, les marques s’accordent pour affirmer que pour vendre à des clients, il ne suffit plus d’offrir uniquement

PINE, Joseph, GILMORE, James, The experience economy, Harvard Business School Press, 1999, page 2 194 the progression of economic value, PINE, Joseph, GILMORE, James, Welcome to the Expe rience Economy, Harvard Business Review, 1998, page 97 195 KLINGMANN, Anne, Brandscapes : Architecture in the experience economy, MIT Press, 2007, page 42 193

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des biens et des services, il faut offrir une expérience de la marque.196 Bien que le concept d'expérience ait une longue histoire dans diverses disciplines, le concept de l’expérience economy en tant que tel, a été développé et discuté pour la première fois dans les années 1980, lorsque le concept est apparu dans des études relatives à la consommation et au marketing. En 1999, les auteurs américains Joseph Pine et James Gilmore ont publié un livre qui présentait les expériences comme une nouvelle offre économique, dépassant celle des biens et des services. Lorsqu’ils ont introduit la notion d’experience economy dans la discipline du management en 1999, les auteurs ont présenté les expériences comme un nouveau type d’offre, particulièrement bien adaptées aux besoins de la société postmoderne.197 Actuellement, vingt ans plus tard, l'expérience est devenue un élément clé dans la compréhension du comportement des consommateurs dans de nombreux domaines, dont celui de la vente. En effet, dans le contexte économique actuel, il semble exister un lien complexe entre la vente et l’expérience, car les expériences permettent aux marques de faire appel non seulement à l’envie des consommateurs, mais également à leurs émotions. Cela est d'autant plus renforcé par le fait que l'objectif des consommateurs est passé de l'obtention de biens à l'acquisition d'expériences.198 Étant donné que les expériences jouent un rôle important dans la logique actuelle du marché, la conception des boutiques doit viser à créer une atmosphère qui déclenche une expérience mémorable et personnelle. Dans l’économie de l’expérience actuelle, «la consommation est devenue une activité qui implique une production de sens, ainsi qu’un champ

PINE, Joseph, GILMORE, James, The experience economy, Harvard Business School Press, 1999, page 4 197 PETERMANS, Ann, Retail design in the experience economy: conceptualizing and measu ring customer experiences in retail environments, Doctorat, Hasselt University, 2012, pages 7-8 198 HIRSHMAN, Elizabeth, Experience seeking: a subjectivist perspective of consumption, Journal of Business Research,1984, pages 115-120 196

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d’échanges symboliques».199 Il est toutefois important de préciser que cette montée de l’experience economy ne s’est pas produite de manière inattendue; en effet, elle peut être considérée comme le résultat de circonstances économiques, culturelles et sociétales qui sont en constant changement. 200 D’un point de vue uniquement économique, les marques sont aujourd'hui en concurrence à un niveau mondial : attirer et retenir l’attention des consommateurs, grâce à l’expérience de la marque, constitue donc le point central des stratégies marketing contemporaines. 201 La conception d’environnements de vente, où plusieurs stimuli tangibles et immatériels peuvent interagir, et qui déclenchent des expériences et des sensations aux consommateurs, semble donc offrir des perspectives intéressantes pour les grandes marques. Cette tendance peut facilement être confirmée dans le secteur de la vente dans lequel les consommateurs s’identifient à certaines marques non seulement en raison des produits qu’elles vendent mais aussi en raison de l’expérience d’achat qu’elles offrent. Les espaces de vente, auparavant de véritables machines de vente fonctionnelles, sont devenus des environnements très immersifs, où l'éclairage, la musique ou le choix des matériaux permettent d’offrir aux consommateurs une ambiance idéale et une expérience de la marque. 202 En effet, tandis que les individus s’appuient sur des attitudes, des esthétiques et des styles pour construire leur identité personnelle, l’architecture a inévitablement du intégrer, dans sa conception, un système de signes perpétuant les distinctions entre ces différentes identités. Etant donné que le rôle de l’architecture est de refléter et de promouvoir les PINE, Joseph, GILMORE, James, The experience economy, Harvard Business School Press, 1999, page 6 200 VAN DER LOO, Hans, Shopping experiences: kathedralen van de 21ste eeuw, R. van Amerongen & H. Christiaans, Retail & Interior Design, pages 89-120 201 RIFKIN, Jeremy, The age of access: the new culture of hypercapitalism, Penguin Putnam, 2004 202 KLINGMANN, Anne, Brandscapes : Architecture in the experience economy, MIT Press, 2007, page 36 199

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valeurs sociales, la production de ces distinctions ne dépend plus des particularités régionales ou culturelles, dont les frontières disparaissent de plus en plus face à la mondialisation.203 En effet, étant donné que l’identité est aujourd’hui définie par les expériences particulières, l’architecture a le devoir de concevoir la transcription spatiale de ces expériences. D’un point de vue social, la sociologue Regina Bittner affirme dans son ouvrage Ville de l’événement, que cette orientation de la vie vers le plaisir et l’expérience marque un nouveau paradigme du lifestyle*; et ce dernier semble toucher toutes les classes sociales et tous les individus. Elle affirme également à cet égard, que la focalisation sur l'expérience comme étant étroitement associée à la notion d’identité montre, premièrement une tendance qui est liée aux principes économiques du consumérisme, et deuxièmement, un véritable paradigme social. En effet, la construction de l’identité personnelle à partir du style de vie, a engendré une culture hétérogène dans laquelle chaque groupe social développe des champs de référence sémantiques et des attentes normatives.204 De plus, chaque individu évalue l’autre à travers les interactions et la communication qui se développent en fonction des similitudes et des préférences perçues. Ce changement d'attitude des consommateurs a été répercuté par un changement de paradigme du marketing, qui a ajusté l’attention portée sur les attributs fonctionnels d'un produit vers la création d'expériences hollistiques. 205 Aujourd’hui plus que jamais, la capacité de l’architecture à susciter des expériences est essentielle pour la mise en place de cadres culturels, économiques et sociaux. Afin de créer une architecture qui offre une expérience de la marque, il faut recentrer l'attention sur la dimension sensorielle de l'espace et les émotions créées par son utilisation. "Pour communiquer ibid. page 45 Préface de BITTNER, Regina, Ville de l'événement, Campus, Francfort, 2001 205 KLINGMANN, Anne, Brandscapes : Architecture in the experience economy, MIT Press, 2007, page 47 203 204

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efficacement une idée en tant qu’expérience transformative, les exigences esthétiques, symboliques et institutionnelles des clients doivent être combinées de manière créative avec les motivations et les ambitions de l’architecte. »206 Ainsi, selon Otto Riewoldt, «avec le même soin et le même professionnalisme qu'au théâtre, la séquence des événements liés au shopping doit être élaborée en détail, afin de transformer la vente des produits en une expérience intense, dans laquelle les potentiels consommateurs sont acteurs plutôt que des spectateurs passifs. »207 En effet, les gens ordinaires consomment de l'argent, de la nature, des idées, de l'environnement, de l'architecture et en même temps des expériences; selon Kotler, de sorte à valoriser cette expérience il s’agit essentiellement de concevoir des d’environnements pouvant générer des effets émotionnels particuliers chez les consommateurs, les encourageant à concrétiser l’acte d’achat.208 Dans les projets de Koolhaas, chacun à leur manière, l’architecte exprime l’écart qui se réduit graduellement entre la culture commerciale et la production culturelle, accéléré par l’expérience du capitalisme tardif. Allant encore plus loin, dans son ouvrage Harvard Design School to Shopping, Koolhaas conteste la notion d'architecture comme projet culturel auto-réalisé, en affirmant que le shopping est devenu l’activité essentielle de la vie publique; en effet, selon l’architecte « non seulement le shopping se fond dans tout, mais tout se fond dans le shopping, (…) le shopping étant la dernière forme d’activité publique restante. »209 Dans le même ouvrage, les architectes Hiromi Hosoya et Markus Schaefe affirment dans leur l’essai Brand Zone que

ibid. page 51 Traduction personnelle de RIEWOLDT, Otto, Retail Design, Laurence King Publishing, London, 2000, page 9, « with the same care and professionalism as in the theatre, the sequence of events of shopping must be worked out in detail, including everything from props to stage directions, in order to transform the sale of merchandise into an experienceintensive act - in which the potential customers are actors rather than passive spectators » 208 KOTLER, Pierre, L’atmosphère comme outil de marketing, Journal of Retailing, 1973, pages 42,49 & 56. 209 KOOLHAAS, Rem, Harvard Design School to Shopping, Taschen, 2000 206 207

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Figure 15 La vague expérimentale de l’épicentre Prada à New York, conçue par Rem Koolhaas

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« dans les flagship stores des brand zones* des villes mondiales, il faut créer et fournir des expériences, des images et des mythes. Le mouvement, les symboles, le son et l’odorat renforcent le message des magasins, qui trouve son incarnation ultime dans la figure des concepteurs qui leur ont généralement été nommés. L’obsession du shopping pour le comportement et la perception de chacun transforme ces espaces en des environnements synthétiques conçus.»210 Sympotmatique de cette tendance est, en effet, le nombre croissant de starchitectes qui utilisent de plus en plus leur expertise pour brouiller les frontières existantes entre le consumérisme et la culture, en transformant l’expérience d’achat. La high architecture* est donc devenue le nouveau moyen pour mettre en valeur les marques haut de gamme. En utilisant des architectes de renom, les marques de mode redéfinissent leur identité de marques élitistes démodées en concevant des boutiques comme des espaces congrégionaux destinés non seulement au shopping, mais également à la transmission d'un système culturel à part entière, qui n’est plus uniquement destiné à une classe aisée homogène.211 Aujourd’hui, les consommateurs n’achètent plus les produits de marques phares telles que Prada, non seulement en raison de leur design et leur qualité, mais aussi en raison de la collaboration avec Rem Koolhaas et de l'émergence de ses théories architecturales. L’objectif de Prada lorsqu’elle a contacté Koolhaas, était d’offrir une nouvelle expérience d'achat à ses clients, grâce à de nouvelles boutiques qui reflètent la conviction de la société contemporaine, selon laquelle faire du shopping devrait être une expérience particulière de la culture et de la consommation. A ce sujet Koolhaas affirme que « Miuccia Prada était une

HOSOYA, Hiromi, SCHAEFER, Markus, Brand Zone dans The Harvard design school guide to shopping, pages 164-171, Taschen, 2000, page 165 211 KLINGMANN, Anne, Brandscapes : Architecture in the experience economy, MIT Press, 2007, page 125 210

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Figure 16 La boutique Louis Vuitton à Roppongi Hills et l’ambiance intérieure qui rappelle une boite de nuit

Figure 17 Le Bag Bar, présentoir des sacs à mains pensé comme le bar d’une boite de nuit Louis Vuitton, Roppongi Hills

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communiste et une sociologue (…) donc, je pense qu'elle a été embarrassée par le consumérisme et devoir fonctionner à l'intérieur de celui-ci. Avec Prada, il était donc possible de voir comment créer une sorte de bulle, peut-être pas de son contraire,(…) mais en en faisant un espace de vente ou de rencontre.»212 Axé sur l'idée que les individus dépensent d’avantage dans des espaces qui ne sont pas uniquement commerciaux, Koolhaas a conçu le magasin Prada à New York comme un espace hybride, adaptable aux performances culturelles. Dans sa conception de l’épicentre Prada à New York, Koolhaas ne s’est pas limité a simplement réinterpréter l’acte d’achat comme un mélange entre la culture et la consommation contemporaine, il a également permis au magasin de devenir un lieu de rencontre urbain : en effet, grâce aux expositions, aux événements de mode et aux soirées, la boutique se positionne de manière ambiguë comme une espèce d’espace public créé de manière privée.213 L'épicentre offre une diversification de l'expérience de shopping en insérant dans la fonction commerciale une série de thèmes expérimentaux tels qu'une clinique (soins et services personnels); une archive (inventaire des collections récentes et passées); une bibliothèque (zone d'information dédiée à l'évolution du système de mode; ou encore une rue (la vague, espace public à activités multiples). En concevant une architecture en tant qu’outil marketing mais en valorisant une conception expérientielle, Koolhaas a créé un espace qui ferme le schisme entre l’architecture en tant qu’art et l’architecture en tant que commerce214: en intégrant un mélange de programmes artistiques à l’espace commercial, l’épicentre Prada est devenu un contexte qui ne semble plus séparer les deux.

Rem Koolhaas dans KHALILI, Ali, Creativity in Store Design - A Study on the Influential Role of Store Design and Storefront Design in a Relationship with Urban Perception to Present a Brand, The University of Newcastle, Australie, 2017, page 95 213 032C, OMA/PRADA, https://032c.com/oma-prada 214 KLINGMANN, Anne, Brandscapes : Architecture in the experience economy, MIT Press, 2007, page 126 212

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Pour la conception de la boutique Louis Vuitton à Roppongi Hills, Jun Aoki a dévié de la réponse typique d’un espace architectural fixe, qui va à l’encontre de la constante évolution de la mode, en proposant un environnement de vente de 1000m2 qui s’articule sur deux niveaux et qui est pensé comme un instrument architectural capable de s’adapter aux rythmes saisonniers changeants. Parallèlement aux nombreux demi-niveaux permettant de casser la monotonie de ce cube, l’architecte a essayé de recréer un environnement qui rappelle le monde de la nuit, étant en relation avec le quartier de Roppongi Hills.215 Presque entièrement dépourvu de décoration, l’iconographie est émise par un circuit de fibres optiques constitué d’images changeantes et mouvantes semblables au jeu de lumières d’une boite nuit. A l’intérieur, pour faire vivre l’expérience du monde de la nuit, l’espace est peuplé de mannequins qui se font face comme des clients d’une discothèque, comme un rappel de l’environnement bruyant de la rue. Pour rappeler l’intense activité récréative qui caractérise le quartier, de nombreuses installations transportent les clients dans une ambiance de bars de nuit ou de clubs. C’est le cas par exemple du Bag Bar, où sont exposés, derrière un comptoir de bar, les articles les plus chers et exclusifs de la collection, tandis que les clients peuvent s’installer sur des tabourets en cuir; ou encore le Luggage Lounge où on retrouve de larges divans.216

2. MONDIALISATION, IDENTITE GLOBALE ET STYLE LOCAL Si le luxe tend aujourd’hui vers une démocratisation, cela résulte d’une véritable volonté des marques; volonté premièrement économique, dans l’objectif de toucher un public plus large; et deuxièmement une volonté de modernité dont le but est de marquer une rupture avec le luxe élitiste, en totale rupture avec la société populaire. L’objectif des marques de luxe aujourd’hui est de s’ancrer dans une couche de la société moins homogène; 215 216

http://www.aokijun.com/en/works/louis-vuitton-roppongi-hills/ Louis Vuitton, Roppongi, https://www.cbdarch.com/

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l’architecture, étant un vecteur de démocratisation important, en est l’outil principal. L’architecture permet une médiatisation et une sensibilisation croissante, donnant l’impression d’un accès plus facile au luxe à un plus grand public. « L’architecture semble bénéficier depuis plusieurs années d’une attention nouvelles de la part des médias de tous ordres. Sa visibilité dépasse largement les cercles professionnels et les initiés.(…) Par ailleurs, l’architecture s’est glissée dans les collections permanente et les expositions thématiques des musées comme le Centre Georges Pompidou (…) et la question de l’héritage architectural est soulevé chaque année par les journée du Patrimoine. La fonction médiatique de l’’architecture a été extraordinairement bien illustrée depuis 1998 par ce que l’ont peut désormais dénommer l’effet Bilbao. »217 En utilisant l’architecture, qui s’est médiatisée et démocratisée, le marché du luxe visent les mêmes finalités. Parallèlement, le phénomène d’internationalisation rend possible la conception de stratégies marketing au niveau mondial, tout en exploitant les différentiels économiques et sociaux entre les diverses régions de la planète, en vue de maximiser les profites et de diminuer les risques. Cette tendance de l’internationalisation a pris un essor considérable depuis les années 1980, en raison de l’accélération de la mondialisation des marchés et et de l’évolution technologique.218 L’internationalisation des marques a principalement eu comme conséquence une intensification de la concurrence internationale, et une constante remise en cause des comportements, des valeurs et des attendes des consommateurs. Les années 1980 ont marqué la fin du modèle aristocratique basé sur la Haute Couture, pour passer à un nouveau système, où la définition du produit n’est plus l’expression du créateur mais la conception de stylistes et de couturiers qui se basent sur le patrimoine de la marque mais qui tiennent également compte des préférences des

COHEN, Jean Louis, L’architecture saisie par les médias, Les cahiers de médiologie, n°11, 2011, page 310-317 218 BRUXEILLE, Charlotte, L'internationalisation des marques, Mémoire, 2005, 217

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consommateurs.219 À l’ère de l’industrie du luxe, le défi du secteur de la mode consiste principalement à renouer avec leur patrimoine tout en valorisant une économie adaptée à la mondialisation des marchés. L’univers du luxe, et plus précisément l’univers de la mode dans le cas de ce travail, obéit à des ambitions de plus en plus globalisantes. La question de l’homogénéité ou de la diversité des espaces de vente dépend de la stratégie commerciale de chaque marque, ainsi que du marché dans lequel elle s’insère; certaines marques privilégient un modèle facilement identifiable tandis que d’autres marques adaptent constamment leurs boutiques au marché local. 220 D’une façon générale, la majorité des marques de luxe adoptent les deux stratégies, mais dans le cas des flagship stores il s’agit d’une conception de lieux uniques et facilement identifiables. En effet, « depuis les années 1980, l’internationalisation des marques, qui ont ouvert des points de vente et des corners partout dans le monde, a poussé celles-ci à devoir se singulariser de façon toujours plus spectaculaire, pour maintenir une image forte aux yeux du consommateur exigeant »221 Par exemple, avant son association avec Rem Koolhaas la marque Prada possédait des boutiques similaires, toutes caractérisées par la couleur vert Prada; la collaboration avec Koolhaas a marqué un tournant dans sa stratégie de distribution, en mettant en avant la différence et l’unicité des épicentres et non plus leur uniformité. Lorsque les marques s’internationalisent, elles gardent toujours leur aura de qualité et de créativité, mais pour réussir elles doivent créer une collusion avec la culture, les traditions et les moeurs locales. Dans cette logique, il n’est pas rare que les marques de luxe développent des produits exclusifs, ROUET, Françoise, Structure et mutations de l’économie de la mode : La dynamique créa tion/patrimoine d’une industrie créative, Développement culturel, Ministère de la culture et de la communication, n°149, 2015 220 CHEVALIER, Michel, Management et marketing du luxe, Dunod, 221 SCHONENBERG, Geraldine, L’architecture, dernier bastion conquis par le luxe, Le temps, Publié le 4 Juin 2013, en ligne 219

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souvent proposés en édition limitée, pour chacun de leurs nouveaux marchés. Parallèlement à la proposition des produits, les stratégies de communication et de distribution des maisons de mode doivent s’adapter à la culture de la population locale. En effet, un pays différent signifie une culture différents, et qui implique donc des consommateurs différents; toutefois, malgré un rapport au luxe qui varie d’une culture à l’autre, tous les consommateurs s’attendent à recevoir la même qualité de services de la part des grandes maisons: qualité, disponibilité, variété, etc.222 « Dans les pays émergents, l'enjeu est d'imposer une marque dans la durée. Il faut y mettre un maximum de moyens : médias digitaux et traditionnels, distribution sélective si possible contrôlée par la marque elle-même afin de garantir une expérience homogène. C'est ce qu'a réussi à faire en très peu d'années Louis Vuitton, qui est en passe de devenir une icône au Japon.»223 L’internationalisation des marques dans le monde entier, et principalement dans les pays émergeants, n’est pas une stratégie nouvelle; en effet, cela a commencé en 1992, lorsque les marque Cartier et Louis Vuitton ont décidé de se déployer en Chine, dans l’objectif de diversifier et de multiplier leurs implantations. Aujourd’hui, selon Elisabeth Ponsolle, déléguée générale du Comité Colbert ( association constitué de 75 maisons de luxe françaises), « près de 80 % des maisons de mode sont aujourd'hui présentes en Chine. »224 Toutefois, le succès de leur exportation sur la scène internationale est le résultat d’une politique marketing pensée et redéfinie en fonction de chaque pays et chaque culture. En effet, « l’ingrédient moteur d’une globalisation à succès reste le potentiel d’universalisation de l’identité de la marque. Inutile d’espérer réussir son implantation à l’étranger si les valeurs exprimées par la marque n’intéressent pas les Japonais, les Américains ou les Chinois... CHEVALIER, Michel, Management et marketing du luxe, Dunod, DELAGE, Ambre, Marketing - La mondialisation du luxe, Autres contrées, autres clients, autres aspirations mais aussi autres recettes, Le Nouvel Economiste, 201, en ligne, https:// www.lenouveleconomiste.fr 224 ibid. 222 223

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Figure 18,19,20,21 Imprimés floraux inspirés de la tradition taïwanaise et japonaise, réalisés par Michel Lin pour Louis Vuitton Taipei

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Une approche globale intelligente tendra à coller aux marchés locaux, tout en maintenant, dans les limites du possible, les invariantes qui forment l’identité de la marque.»225 Les particularités culturelles spécifiques à chaque pays, ville ou culture, représentent souvent la garantie du succès et de la différenciation par rapport aux concurrents du secteur. Le développement des marques sur la scène internationale implique de devoir valoriser, lors de l’élaboration du projet, les codes et les signes identitaires, qui reflètent la richesse et le patrimoine de la marque, tout en s’insérant dans la typologie des lieux environnants. Louis Vuitton possède des flagship stores dans de nombreux pays et leur l’originalité ainsi que le point fort de leur projets, est principalement la prise en considération des savoir-faire locaux, et l’intégration de leurs boutiques dans l’architecture et la culture de chaque pays. Dans la majorité des projets, on retrouve les signes identitaires et universellement connus de la marque, à partir desquels les architectes s’inspirent pour innover, qui s’expriment à travers l’architecture, les matériaux et les aménagements intérieurs.226 Parallèlement, chaque projet est basé sur l’intégration, dans la conception du projet et de ses intérieurs, des savoir-faire traditionnels et artistiques locaux; l’objectif de la marque étant de s’insérer dans la culture du pays de sorte à renforcer le lien avec le nouveau consommateur. Dans cette logique, nous pouvons relever au sein de la boutique Louis Vuitton à Taipei, un contraste important entre les éléments identitaires de la marque et l’œuvre réalisée par Michael Lin, artiste spécialisé dans l’utilisation de textiles imprimés aux motifs floraux mixant les traditions japonaise et taïwanaise. Dans la majorité de ses oeuvres, l’artiste utilise et réinterprète des motifs inspirés des textiles taïwanais traditionnels, et ses œuvres ont été exposées dans de grandes institutions et lors de biennales interna-

225 226

CHEVALIER, Michel, Management et marketing du luxe, Editions Dunod, 2008, page 148 GERVAL, Olivier, Concept stores, Carnets de mode, Eyrolles, 2009, page 156

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Figure 22,23 Façade du flagship store Louis Vuitton à Ginza Namiki Figure 24,25 Imprimés Edo-Komon traditionnels

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tionales dans le monde entier.227 Dans la boutique à Taipei conçue par Kumiko Inui, le contraste entre les deux univers représente une mise en scène des valeurs fortes de Louis Vuitton : la tradition, l’innovation et l’art du voyage. 228 En effet, pour la boutique à Taipei, la marque a choisi de valoriser le mélange entre l’identité et les ambiances caractéristiques de Louis Vuitton (le damier sur les sols, le revêtement mural ou encore dans la composition géométrique des niches), et la culture locale, à travers les motifs floraux des murs, sols et plafonds. Avec cette insertion de l’art local, au moyen de la collaboration avec Michel Lin, Louis Vuitton ajoute un important contenu culturel à sa boutique. « From edo-komon to art deco. Art deco to the soft damier. This is a journey to the history of Ginza»229 affirme Jun Aoki lorsqu’il évoque son projet de façade pour la boutique Louis Vuitton à Ginza. En effet, pour la conception de la nouvelle façade, l’architecte s’est inspiré de l'histoire de Ginza, un quartier originairement connu pour son architecture art-déco. L’architecte a réussi à produire une version plus douce du damier de la marque, grâce à un design à base de motifs art-déco, mis en relation avec l’edo-komon, un motif géométrique traditionnel de Tokyo, très abstrait et stylisé basé sur la répétition. Le terme edo komon fait référence à une technique de teinture japonaise traditionnelle. De nos jours, principalement reconnu pour ses motifs de kimono, ce dernier fait référence à une technique de teinture au pochoir très artisanale, développée durant le 14e siècle. Plus tard, durant la période Edo (1603-1868), couramment utilisé pour teindre les kimonos, l’edo komon est devenu populaire parmi les individus branchés et avant-gardistes de la mode, n’étant plus réservé au samouraïs.230 La façade résultante se présente

http://www.ateliermichaellin.com https://en.louisvuitton.com 229 « D'edo-komon à l'art déco, de l’art déco au doux damier. C'est un voyage dans l'histoire de Ginza » http://www.aokijun.com/en/works/louis-vuitton-matsuya-ginza/ 230 Edo Komon: The History of Traditional Patterns in Japanese Kimono, http://goinjapanesque.com 227 228

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donc comme un mélange entre l’identité d’une marque globale, et le patrimoine et les traditions d’une culture locale. Avant de conclure ce point, il est important de préciser que le phénomène d’internationalisation des marques, présentes dans toutes les grandes villes du monde, est le plus flagrant au Japon et plus précisément à Tokyo. En effet, il suffit de regarder la proportion de projets implantés à Tokyo parmi les projets sélectionnés dans l’étude architecturale dans la deuxième partie de ce travail. Comme abordé précédemment, la présence des grandes marques dans des villes comme Paris, New York, Londres ou Milan est habituellement caractérisée par une implantation dans des édifices historiques et emblématiques. A l’opposé, dans les grandes villes asiatiques, et plus précisément Tokyo, de multiples raisons ont poussé les marques à developper un nombre importante de bâtiments phares, plus impressionnants les une que les autres. A Tokyo, les marques possèdent jusqu’à deux ou trois édifices phares, qui sont répartis dans les quartiers le plus luxueux de la ville, et qui renforcent l’image de cette métropole en tant que véritable temple de consommation, de la mode et de l’innovation. 231 Ne constituant pas le sujet majeur de ce travail, je vais me limiter à citer quelques circonstances, qui ont poussé les plus grandes marques du secteur de luxe à investir au maximum dans cette métropole.232 Premièrement, le contexte juridique concernant la propriété immobilière est toujours basé sur le système féodal ce qui implique une valorisation de la démolition et la reconstruction de nouveaux édifices, contrairement aux logiques de patrimoine valorisées dans les pays occidentaux. Deuxièmement, la culture nippone est très perméable à l’influence étrangère et le changement faire partie des valeurs traditionnelles de cette société. Troisièmement, et surtout fondamentalement, l’implantation d’un grand nombre de flagship stores, éparpillés dans les quartiers de mode 231 232

BAHAMON, Alejandro, Mode : architecture corporative, L’inedite, 2008, page 6 BARRENECHE, Raul, Nouvelle architecture commercial, Phaidon, 2005

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les plus fréquentés, sont le résultat direct de la loi du marché. En effet, le marché japonais, et le marché asiatique en général, représente un taux majeur de leur ventes, ce qui explique pourquoi ces grandes marques choisissent d’investir principalement dans les grandes métropoles asiatiques.

3.

(M)ART-KETING*, L’ART CONTEMPORAIN AU COEUR DES BOUTIQUES

Ces nouveaux espaces de vente, en plus d’être des espaces expérientiels, deviennent des espaces où sont repris les codes des musées, en ajoutant à leur conception architecturale des expositions d’oeuvres réalisées par des artistes contemporains. Cette collaboration, un plutôt cette implication, des grandes marques de mode dans le domaine de l’art démontre la mutation socio-culturelle qui est en cours dans le domaine du luxe. Fedor Dostoïevski affirmait que « l'art sauvera le monde »; il semble que pour les grandes marques, l'art peut sauver leurs enjeux économiques. 233 Aujourd’hui le luxe veut se revendiquer comme une véritable industrie culturelle, en renforçant ses liens à l’histoire et la culture et en se détachant des valeurs purement commerciales. En s’associant avec des artistes contemporains, l’objectif des marques est d’acquérir une dimension supérieure à celle de la valeur d’un produit de qualité, en s’élevant à une dimension culturelle; la boutique devient donc un espace hybride, située à la frontière entre le commerce et la culture. L’art est devenu la nouvelle acquisition des grandes marques; on assiste de nos jours à une esthétisation progressive de la marchandise, et parallèlement à une marchandisation croissante de la culture. Déjà en 1977, Andy Warhol avait prédit que les grands magasins deviendraient des musées et que tous les musées deviendraient des grands magasins234; sans le savoir, CHAHINE, Vicky, Le luxe se paie l’art, Le Monde, 06 décembre 2013, en ligne, https:// www.lemonde.fr/ 234 « all department stores will become museums, and all museums will become department stores », WARHOL, Angy, The Philosophy of Andy Warhol (From A to B & Back Again), 1975 233

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l’artiste évoquait déjà la notion d’art-keting* avant que celle-ci n’apparaisse. Nous nous trouvons actuellement à l’heure de collaborations florissantes entre les grandes marques et les artistes, que ce soit pour designer les produits, concevoir des vitrines ou créer des fondations; à l’heure où les espaces dédiés à l’art développent leur image de marque; et surtout à l’heure où les boutiques des grandes marques se transforment en galeries d’art en organisant des expositions et des projets d’art.235 Avec cette disparition graduelle des frontières qui séparent l’art, la mode, le commerce, il semble que les prédictions de d’Andy Warhol deviennent réelles. Toutefois, la collaboration entre l’art et la mode ne date pas d’aujourd’hui; en effet, les deux domaines ont toujours été intimement liés. Durant l’Antiquité, le luxe et l'art représentaient le même concept; dans la Grèce Antique il n’y avait pas de distinction entre l'artiste et l'artisan. Par après, et principalement depuis l’existence de la Haute Couture, les couturiers ont toujours été très proches des artistes: Christian Dior, Yves Saint Laurent, ou encore Coco Chanel étaient tous très liés au monde de l’art. En effet, mécène et associée, Gabrielle Chanel s’est entourée d’artistes comme Cocteau, Picasso, ou encore Dali tout au long de sa vie. Quant à lui, avant de devenir un célèbre créateur, Christian Dior faisait partie du milieu de l’art, étant directeur d’une galerie de peinture; Yves Saint Laurent, grand amateur d’art, a accumulé plus de 700 œuvres d’art durant sa vie. 236 C’est cet attachement qui lie les deux domaines que les grandes maisons de mode veulent valoriser de plus en plus grâce à des associations avec des célèbres artistes, que ce soit pour la conception de collections ou l’exposition d’oeuvres d’art, en se définissant ainsi comme de véritables lieux culturels. 237

ACKERMAN, Julie, Et si l'art contemporain était l'avenir de la mode ?, Les Inrockuptibles, en ligne, https://www.lesinrocks.com, 25 mai 2018 236 SACRE, Julie, L’art et la mode : une histoire de collaborations, Elle Belgique, en ligne, https://www.elle.be/, 12 février 2018 237 RAJON, Florence, Pourquoi les marques de luxe investissent des milliards dans leurs bou tiques?, Capital, en ligne, https://www.capital.fr/ 23 mars 2018 235

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En effet, malgré le fait que les boutiques des grandes marques ont toujours accordé une attention particulière à la façon de montrer leur produits et de les mettre en scène; nous nous retrouvons aujourd’hui face à des boutiques qui sont de plus en conçues comme des galeries d’art, dont l’objectif est de renforcer leur aspect mythique et leur valeur culturelle. 238 Comme je l’ai développé dans le chapitre précédent, les enjeux causés par le développement et l’internationalisation des marchés, oblige les marques à redoubler d’effort de sorte à continuer à préserver leurs caractéristiques d’unicité, de patrimoine et de sacralité. Les marques se trouvent d’une part, face à une demande en croissance exponentielle et d’autre part, face à une clientèle qui est d’avantage intéressée par une expérience de la marque plutôt que par une consommation purement ostentatoire. L’insertion des valeurs culturelles dans leurs stratégies de distribution et de communication sont des réponses à ces problématiques contemporaines.239 Grace à ces collaborations entre les grandes marques et les artistes contemporains, le luxe n’est plus perçu comme un outil de distinction économique mais comme une offre d’histoire et de culture. Nous sommes actuellement en train d’assister à un changement de paradigme du caractère symbolique des marques, qui relève de la magie du créateur ou de la marque.240 En se détachant du caractère purement commercial du domaine, les grandes marques de luxe mettent en avant la valeur culturelle; en effet, aujourd’hui ce n’est plus le produit mythique qui définit la valeur de la marque mais plutôt son patrimoine et ses actions culturelles. Par l’insertion de l’art à l’intérieur des boutiques, les oeuvres participent à l’accentuation de

DIOR Delphine, ARNOULD Eric, Retail Luxury Strategy: Assembling Charisma through Art and Magic, Journal of Retailing, n°87, 2011, pages 502–520 239 LIPOVETSKY, Gilles, ROUX, Elyette, Le Luxe éternel : De l’âge du Sacré au temps des Marques, Gallimard, 2003 240 En reprenant la métaphore de Pierre Bourdieu dans son article « Le couturier et sa griffe, Contribution à une théorie de la magie » publié en 1975 238

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la valeur de la marque grâce à leurs caractéristiques de rareté et d’unicité. 241 L’architecture innovante et expérentielle des flagship stores associés avec cette valorisation de l’art, transforme les espaces de vente en de véritables galeries d’art, et immergent les consommateurs dans un expérience semblable à un lieu d’exposition. « L’art devint ainsi un formidable moyen de promotion et de diffusion des marques, le meilleur vecteur d’expression de leurs valeurs. Grâce à l’art, on entre dans une dimension symbolique supérieure, et dans une économie du fétiche»242, où tous les cas de figure existent; allant du mécénat suivi dans le temps à la collaboration ponctuelle avec un artiste pour valoriser la marque, et fondée sur une fascination mutuelle; ou encore de la conception de collections capsules part des artistes pour une marque à la conception d’oeuvres d’art spécialement pour la décoration d’une boutique. Depuis les années 1990, les deux plus grands groupes mondiaux du luxe, le groupe LVMH de Barnard Arnault et le groupe KERING de François Pinault, possèdent, hormis les grandes maisons de couture, de véritables musées, des fondations et d’importantes collections d’art; se trouvant ainsi dans une véritable course aux valeurs ajoutées à l’heure d’une société de plus en plus esthétisante. En effet, dans ses écrits, le philosophe Yves Michaud annonce que depuis les années 1980, l’esthétisme, qui succède a l’ère du travail, est la principale structure conceptuelle à travers laquelle les individus perçoivent le monde. Selon ce dernier, l’art a traversé la frontière des galeries pour envahir toutes les couches et les domaines de la société, dans l’objectif de créer des ambiances esthétiques à l’aide du marketing.243

KAPFERER Jean-Noel, et BASTIEN, Vincent, The specificity of luxury management : tur ning marketing upside down, Journal of Brand Management, n°16, 2009, pages 311-326 242 QUIN, Elizabeth, L’art et la mode : bouillon de culture, Madame Le Figaro, 12 mars 2014, en ligne, http://madame.lefigaro.fr/ 243 MICHAUD, Yves, L’art à l’état gazeux. Essai sur le triomphe de l’esthétique, Paris, Stock, 2003, pages 388-390 241

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« L’art a toujours inspiré la création de produits d’exception grâce à la parfaite maîtrise d’un haut artisanat et de métiers rares qui constituent l’actif culturel de LVMH.(…) Dès la création du Groupe, j’ai voulu faire du mécénat en faveur de l’art et de la culture un axe de notre développement. Car il porte les valeurs de savoir-faire, d’excellence, de créativité de nos Maisons en les inscrivant pleinement dans leur environnement artistique, culturel, social.»244 De la même optique, à travers son mécénat, Chanel à fait appel à Zaha Hadid pour la conception d’un pavillon itinérant, le Mobile Art, dont l’objectif était d’accueillir les oeuvres d'artistes contemporains du monde entier; véritable musée d’art contemporain itinérant, ce dernier a fait le tour du monde en commençant à Hong Kong, et en passant par Tokyo et New-York, avant d'être immobilisé à Paris.245 Pour résumer, que ce soit Chanel, Prada, Louis Vuitton ou Gucci, toutes les grandes maisons de monde sont activement impliquées dans la valorisation et la promotion de l’art contemporain, que ce soit à travers des actions de mécénat ou des collaborations ponctuelles. Chez Louis Vuitton, l’art a toujours été au cœur de la marque et de ses stratégies marketing; depuis plus de quinze ans, la marque intègre l’art contemporain dans la conception de ses boutiques en commandant des oeuvres majeures. Lorsque la marque ouvre son flagship store sur les Champs Elysées en 2005, elle collabore avec des artistes comme James Turell pour la conception de l’écran lumineux sur la façade ou encore avec l’artiste Olafur Eliasson, pour la réalisation de l’ascenseur plongé dans l’obscurité, oeuvre que ce dernier a intitulé « Votre perte des sens ». Par la suite, Louis Vuitton s’est associé à de nombreux artistes comme Anish Kapoor, Richard Prince, Takashi Murakami, Giuseppe Penone, etc. 246 Toutefois, le dernier flagship store de la marque à Paris, implanté sur la Place Vendôme et conçu par Peter Marino, est l’exemple le plus probant de l’engagement de la marque ARNAULT, Bernard, https://www.lvmh.fr/groupe/engagements/art-culture/ https://www.zaha-hadid.com/ 246 GUILBAULT, Laure, Un écrin pour le design et l’art, Les Echos, 5 octobre 2017, en ligne, https://www.lesechos.fr 244 245

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Figure 26 Fauteuils Pumpkin de Pierre Paulin et au fond, une toile de Kimiko Fujimura Figure 27 “Les Objets Nomades“

Figure 28 L’escalier décoré avec une toile de Vik Muniz et des sculptures d’Annie Morris

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dans l’art contemporain. La nouvelle boutique, répartie sur deux hôtels particuliers historiques - conçus par l'architecte de Versailles Jules HardouinMansart en 1714 - est située sur la Place Vendôme, là où la Maison Louis Vuitton a ouvert sa première boutique de malles. L’objectif de la boutique a été de résoudre la conjugaison entre la tradition, le patrimoine et la modernité, en reflétant l’évolution de la maison. Pour renforcer le pouvoir et le magie de la marque, Peter Marino a mis en avant deux symboles: le Château de Versailles et le Roi Soleil. La façade historique a été restaurée à l’identique et décorée d’un grand soleil doré; toutefois c’est à l’intérieur que la boutique se transforme en un écrin pour le design et l’art contemporain. 247 En effet, réparties sur les quatre étages, 33 oeuvres d’art commandées à 20 artistes différents habillent l’espace et le transforme en une galerie d’art. Collectionneur et mécène d’art lui-même, Peter Marino a commandé un grand nombre d’oeuvres pour la boutique: «sa pratique centre souvent la construction architecturale autour d'une oeuvre d'art spécifique. Il est connu pour déplacer les murs afin de mieux accueillir un tableau ou augmenter la hauteur de plafond pour faire de la place à une sculpture ».248 Dans la boutique, bagages, malles, parfums, prêt-à-porter ou encore joaillerie côtoient 33 oeuvres d’art contemporain, dont certaines ont été spécialement réalisées pour la boutique. En effet, les produits historiques de la marque sont présentés à coté d’œuvres d’art contemporain signées Stephen Sprouse, Rashid Rana, Farhad Moshiri, Annie Morris, Kimiko Fujimuou encore Yan Pei Ming, artiste qui a réalisé un portrait de Louis Vuitton jeune.249 On retrouve par exemple, autour de l’ascenseur en verre et acier, une sculpture réalisée par l’artiste Annie Morris, un empilement de sphères colorées, et une

GODFRAIN, Marie, Louis Vuitton, à la conquête de Vendôme, The Good Hub, 29 novembre 2017, en ligne, https://ideat.thegoodhub.com/ 248 Gay Gassmann dans GUILBAULT, Laure, Un écrin pour le design et l’art, Les Echos, 5 octobre 2017, en ligne, https://www.lesechos.fr 249 DEMAURY, Franck, Vuitton rayonne sur la place Vendôme comme le Roi Soleil, Forbes, 11 octobre 2017, en ligne, https://www.forbes.fr/ 247

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Figure 29 Michael Rovner, 2005, installation vidéo pour la boutique Chanel à Hongkong

Figure 30 Sculpture de parles en verre de Murano de Jean Michel Othoniel Figure 31 Portrait de Chanel en poudre de diamant réalisé par Vik Munik

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toile colorée par Vik Muniz. On retrouve également dans la boutique des sculptures lumineuses spécialement conçues par Philippe Anthonioz et d'autres œuvres d'artistes tels que Stephen Sprouse, Laurent Grasso et Gregor Hildebrandt.« Ces œuvres inspirent pour la plupart la joie et sont placées de manière à rappeler l’architecture du lieu. Le shopping se doit d’être un instant joyeux et instructif, il ne doit pas se résumer à quelques clics ennuyeux et mécaniques. »250 Comme dans une galerie d’art, la maison a joué sur l’aspect temporaire en y ajoutant une exposition des oeuvres de la collection Objets Nomades, réalisés avec le concours de designers de la fondation. En effet, à côté des 33 œuvres d’art, la boutique expose une collection de 25 objects liées au voyage; s’axant sur la notion temporaire des galeries d’art, l’exposition est renouvelée tous les trois mois de sorte à pouvoir montrer tous les objets aux clients.251 Dans cette collection on retrouve également neuf pièces de mobilier réalisées par de célèbres designers comme Paul Evans, Gilbert Poillerat et André Dubreuil. La collection est inspirée de l’univers du voyage, élément identitaire de la maison depuis sa création; dans la boutique sont exposés entre autre une table Talisman par India Mahdavi, les assises suspendues Cocoon des frères Campana ou le fauteuil Concertina par Raw Edges. Implantée au deuxième étage, cette exposition veut démontrer l’intérêt de Louis Vuitton de valoriser le contemporain tout en perpétuant la tradition artisanale de la maison.252 Peter Marino, mécène actif dans le monde de l’art, a été nommé en 2012 Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres par le ministre de la Culture en reconnaissance de ses multiples contributions dans le monde de l’art et de la culture. En effet, « depuis 1986, date à laquelle Peter Marino commanda

Peter Marino dans BILLARD, Thierry, Maison Louis Vuitton, D’un soleil à l’autre, Paris Capitale, 27 novembre 2017, en ligne, http://pariscapitale.com/ 251 GODFRAIN, Marie, Louis Vuitton, à la conquête de Vendôme, The Good Hub, 29 novembre 2017, en ligne, https://ideat.thegoodhub.com/ 252 DEMAURY, Franck, Vuitton rayonne sur la place Vendôme comme le Roi Soleil, Forbes, 11 octobre 2017, en ligne, https://www.forbes.fr/ 250

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pour la première fois une œuvre à un artiste, quelques 250 œuvres sont issues du lien fort qui unit l’architecte à de nombreux artistes du monde entier. »253 Pour la boutique Chanel à Hong Kong, l’architecte fait appel à l’artiste Michal Rovner pour la conception de l’impressionnante installation projetée sur la façade. L’oeuvre, inspirée par l’imprimé tweed de la marque, est crée à partir de la déambulation des passants dans la rue; avec cette façade active, Chanel devient la première boutique qui non seulement intègre l’art contemporain dans sa conception, mais qui l’exhibe à la ville. A l’intérieur de la boutique, de nombreuses oeuvres d’art, inspirées par l’identité de la marque et spécialement conçues pour la boutique, y ont été incorporées; par exemple la sculpture de perles en verre réalisée par Jean Michel Othoniel, le portrait de Chanel réalisé par Vik Muniz ou encore une toile représentant une camélia de Joseph Stashkevetch.254

4.

MUSEOLOGIE, DE LA BOUTIQUE À LA FONDATION D’ART Les collaborations citées dans le chapitre précédent supposent plus

qu’une juxtaposition de deux univers, mais plutôt la combinaison des deux : celui de la marque et de l’artiste, et parallèlement donc celui du luxe et de l’art. Dans la majorité des cas, comme nous l’avons vu, la nature de cette collaboration est le produit d’une initiative menée à long terme par la marque, faisant partie intégrante de sa stratégie marketing. Le résultat de ces collaborations est la naissance d’un objet hybride, situé entre le produit commercial et l’oeuvre d’art. L’une des conséquences élémentaires de ces collaborations, ou de l’association au monde de l’art, est de se libérer d’une simple logique économique et commerciale du produit, pour y intégrer une valeur culturelle. En opposition, différent de la logique de la collaboration pour la réalisation d’oeuvres pour une boutique, le mécénat de ces maisons est dépourBLEY, Marion, Peter Marino, mécène des arts, Architectural Design, 7 octobre 2016, en ligne, https://www.admagazine.fr/ 254 BAHAMON, Alejandro, Mode : architecture corporative, L’inedite, 2008 253

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vu de toute implication identitaire; par exemple lorsque LVMH est mécène d’une exposition ou d’un artiste, la maison investit une certaine somme d’argent sans aucun réel échange et imbrication des deux univers. Le mécénat se limite donc à l’apposition d’un nom – celui d’une marque – à un autre – celui d’un artiste ou d’une institution; le terme désigne donc « le fait d'aider et de promouvoir des arts (…)par des commandes ou des aides financières privées, que le mécène soit une personne physique ou une personne morale, comme une entreprise.»255 « Pour les maisons de luxe, la culture est le premier domaine choisi pour le mécénat, car elle véhicule des valeurs communes comme la beauté, l'excellence, la rareté. »256 « La culture a toujours eu besoin des riches et des puissants. Les marques de luxe sont les Médicis, les Borgia des temps modernes. Aller vers la culture, c'est transformer le produit en objet chargé de patrimoine. Après les égéries qui tirent vers l'éphémère, il faut redonner du fond, du durable, du non-commercial. D'où cette volonté des marques de se référer à l’art. »257 Les grandes maisons de luxe, ensuite les grandes groupes mondiaux, ont toujours été des mécènes de l’art, et par la suite de l’art contemporain; en effet, cette association leur permet de renforcer leur image, surtout depuis l’internationalisation du luxe. Mais plus récemment, le paysage artistique a vu naitre des fondations privées appartenant aux maisons ou aux grandes groupes mondiaux du luxe. De simples mécènes et sponsors, ces grandes marques représentent aujourd’hui de véritables acteurs du marché de l’art, en devenant des acheteurs. Précurseur dans le domaine, Cartier est la première marque à avoir lancé en 1984 la Fondation Cartier, sous la direction d’Alain Dominique Perrin. Ce n’est que dix ans plus tard, que celle-ci vient s’installer à Paris dans un bâtiment tout en transparence conçu par l’architecte Jean Nouvel. Cette initiative à incité de nombreuses autres maisons à investir dans le monde de DEBIESSE, François, Le Mécénat, Presses universitaires de France, Que sais-je ?, 2007. Charlotte Dekoker dans CHAHINE, Vicky, Le luxe se paie l’art, Le Monde, 06 décembre 2013, en ligne, https://www.lemonde.fr/ 257 VINCENT, Bastien, KAPFERER, Jean-Noël, Luxe oblige, Eyrolles, 2012 255 256

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Figure 32,33,34,35,36 Fondazione Prada à Milan, Fondation Louis Vuitton à Paris, Fondation Fendi à Rome, Fondazione François Pinault à Venise, Fondation Cartier à Paris

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l’art contemporain; en effet, Miuccia Prada reprend l’idée en 1995 à Milan, suivie ensuite par François Pinault, directeur de Kering, qui fait appel à l’architecte Tadao Ando en 2005 pour la rénovation du Palazzo Grassi qui allait accueillir la Fondation François Pinault.258 Par la suite, de nombreuses fondations d’art contemporain dans l’objectif de promouvoir l’art ont vu le jour; nous pouvons citer la Fondation Louis Vuitton, implantée dans un incroyable bâtiment conçu par le célèbre architecte Franck Gehry, mais également la nouvelle Fondazione Prada à Milan conçue par Rem Koolhaas en 2014 ou bien la Fondation Fendi à Rome implantée dans un bâtiment datant des années 1930. 259 La concept de mécénat n’est toutefois pas une invention du 21ème siècle; en effet, la famille des Médicis demeure une référence en la matière : grand patron de Florence, elle était mécène de grands artistes comme Leonard de Vinci ou Michel-Ange. Contrairement à la situation contemporaine, le mécénat des Médicis était attaché à la sphère publique, comme l’histoire des famille princières et la grande noblesse, et s’appuyait sur une la structure économique du pays. Le modèle actuel est un mécénat privé, dans lequel les maisons de luxe sont plus que de simples commanditaires : « nous vivons à l'ère de l’art-keting », une ère de la fusion de l'art et du marketing.260 Parallèlement, aujourd’hui le mécénat n’est plus réservé à l’art, il est également présent sous bien d’autres formes, comme les secteurs de la solidarité, de l’enseignement et de l’écologie. C’est par exemple le cas de la Fondation Chanel261 qui soutient et développe des projets de solidarité en partenariat avec des ONG, et dont les principaux objectifs sont la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la promotion sociale des femmes. Paris Post, Fondation Louis Vuitton, le mécénat, l’art et la mode, 1 novembre 2014 en ligne, https://theparispost.com 259 GUENON, Fanny, Les marques de luxe qui exposent l’art, Architectural Digest, 20 juillet 2017, https://www.admagazine.fr 260 Paris Post, Fondation Louis Vuitton, le mécénat, l’art et la mode, 1 novembre 2014 en ligne, https://theparispost.com 261 La Fondation Chanel, http://www.fondationchanel.org 258

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Figure 37 Fondation Prada

Figure 38 Fondation Prada, la Torre en blanc

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D’un point de vue architectural, de la même manière que pour les flagships stores, les maisons et grands groupes du luxe font appel à des architectes de renom pour la conception de leurs fondations. En effet, la Fondation Cartier est installée à Paris depuis 1994, dans un bâtiment entièrement en verre, qui a été conçu par l’architecte Jean Nouvel. Possédant en son sein plus d’un millier d’œuvres de 300 artistes différents, la Fondation s’est imposée comme une référence et est aujourd’hui considérée comme une institution culturelle à part entière. Annuellement la Maison Cartier finance la Fondation avec un budget de plus de cinq millions d’euros, lui permettant ainsi de gagner un place en tant professionnel de la culture depuis sa création en 1984.262 « À la fois espace de création pour les artistes et lieu de rencontres entre l’art et le grand public, la Fondation Cartier pour l’art contemporain a pour vocation de favoriser la création contemporaine et d’en diffuser la connaissance. Chaque année, la Fondation Cartier programme des expositions thématiques ou personnelles et passe alors commande aux artistes, enrichissant ainsi une importante Collection. (…)La Fondation Cartier fait ainsi valoir son savoir-faire et son parti pris, un mélange de rigueur et d’éclectisme, qui tend à rendre l’art contemporain ouvert et accessible. »263

La Fondation Prada à Milan quant à elle a été conçue par l’architecte Rem Koolhaas, se situant ainsi dans la continuité de leur association, qui dure aujourd’hui depuis vingt ans. La Fondazione Prada, est une fondation pour l'art contemporain établie en 1995 et implantée dans une ancienne distillerie de gin à Largo Isarco datant de 1910, située dans un complexe industriel à la périphérie sud de Milan. Le complexe de la Fondazione est une coexistence de bâtiments anciens et rénovés comprenant des entrepôts, des laboratoires et des silos de brassage, ainsi que de trois nouveaux bâtiments , 
 MOUSSEUX, Pauline, Fondations d’art contemporain : le BA du luxe, FastNCurious, https://fastncurious.fr 263 Un mécénat d’entreprise singulier, https://www.fondationcartier.com/histoire-mission/ mecenat 262

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Figure 39 Axonométrie du complexe de la Fondation Prada à Milan, les nouvelles constructions en orange

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tous entourant une grande cour. Le projet consiste à élargir le répertoire des typologies spatiales dans lesquelles l'art peut être exposé; il comprend sept bâtiments existants et trois nouvelles structures: le Podium, un espace d’expositions temporaires; le Cinéma, un auditorium multimédia; et la Torre, un espace d'exposition permanent de neuf étages permettant de présenter la collection et les activités de la fondation. 264 La Fondazione n’est pas un projet de préservation, mais pas une nouvelle construction non plus. En effet, le concept majeur du projet est le valorisation des contrastes, grâce à la préservation de l’ancien et l’intégration du nouveau. Selon Rem Koolhaas, « la Fondazione n'est pas un projet de préservation ni une nouvelle architecture. Deux conditions, généralement séparées, se font face dans un état d’interaction permanente: elles offrent un ensemble de fragments qui ne se figeront pas en une seule image ou ne permettront à aucune partie de la dominer. Neuf, ancien, horizontal, vertical, large, étroit, blanc, noir, ouvert, fermé - tous ces contrastes établissent la gamme d’oppositions qui définissent la nouvelle Fondazione. En introduisant autant de variables spatiales, la complexité de l’architecture favorisera une programmation instable et ouverte, où l’art et l’architecture tireront profit des défis de chacun. »265 La Maison hantée est un bâtiment existant dont l’extérieur a été entièrement recouvert de feuilles d’or, et dont l’intérieur, grâce à l’intimité des espaces, crée un décor domestique pour des œuvres spécifiques. Adjacent, le Podium constitue le centre du complexe et se situe à l'intersection des deux axes perpendiculaires du site. Le dernier bâtiment de 60 mètres de haut en béton blanc exposé, la Torre, marque l'achèvement du complexe de la Fondation Prada à Milan. Chacun des neuf étages de la Torre offre une perception originale des espaces intérieurs grâce à une combinaison spécifique de trois paramètres spatiaux: dimension du plan, hauteur libre et orientation. La moitié des niveaux se déploie sur un plan rectangulaire, tandis que l’autre

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Fondazione Prada, https://www.archdaily.com/ http://www.fondazioneprada.org/

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Figure 40 Structure de la façade de Fondation Louis Vuitton

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moitié se déploie sur un plan trapézoïdal; la hauteur libre des plafonds accroit de bas en haut, allant de 2,7 mètres au premier étage, à 8 mètres au dernier. Les façades extérieures sont définies par une alternance de béton et de verre, avec une exposition au nord, est ou ouest aux différents étages, tandis que la galerie située au dernier étage est exposée à la lumière zénithale 266. Sur l’ensemble du complexe, en plus du patrimoine artistique, le projet de Koolhaas est une véritable collection d’espaces architecturaux grâce à la variété d'environnements spatiaux proposés par l’architecte.

La Fondation Louis Vuitton lancée en octobre 2006, a été créée par le groupe LVMH et l’ensemble de ses maisons de luxe. Elle a pour objectif de pérenniser les actions de mécénat engagées depuis 1990 par le groupe. La conception de la Fondation Louis Vuitton a été commandé par le propriétaire Bernard Arnault, à l’architecte Frank Gehry avec l’intention d’ouvrir un nouvel espace dédié à la création artistique contemporaine sous toutes ses formes. Frank Gehry est l’un des pionniers dans l’emploi de logiciels appliqués à la construction ; avec la Fondation Louis Vuitton, il réalise un exemple d’une architecture innovante et non-standard. Implanté dans le Jardin d’Acclimatation, au bois de Boulogne à Paris, le bâtiment a une surface de 11 779 m2 et dépasse les 40 mètres en hauteur; au total, l’espace met à disposition 11 galeries, implantées sur trois niveaux et destinées à présenter différentes collections, expositions ou interventions d’artistes.267 Le concept majeur a été de créer un édifice de verre ayant l’allure d’un voilier, donnant ainsi l’illusion du mouvement, du voyage, caractéristique première de la Maison Louis Vuitton. Frank Gehry a eu pour ambition de « concevoir à Paris, un vaisseau magnifique qui symbolise la vocation culturelle de la France (…) À l’image du monde qui change en permanence, nous voulions concevoir un bâtiment qui évolue en fonction de l’heure et de la lumière afin de créer une impression

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https://oma.eu/projects/fondazione-prada https://www.archdaily.com Fondation Louis Vuitton

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Figure 40 Structure de la façade de Fondation Louis Vuitton

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d’éphémère et de changement continuel. »268 La conception évoque les bâtiments de jardin en verre du XIXe siècle. En effet, le bâtiment comprend un assemblage de blocs blancs, entourés de douze immenses voiles en verre, soutenus par des poutres. Véritable catalyseur d’innovation en matière de conception numérique, les façades de la Fondation sont réalisée à partir de plus de 3 600 panneaux de verre et 19 000 panneaux de béton, qui ont été conçus à l'aide de techniques mathématiques et moulés à l’aide d’un nouveau logiciel spécifiquement développé pour le projet.269 Construit sur le bord d'un jardin d’eau créé spécialement pour le projet, ces voiles donnent à la Fondation Louis Vuitton sa transparence et son sens du mouvement, tout en reflétant l’eau du lac, le bois et le jardin.270 Le hall d'entrée situé au rez-de-chaussée sert à la fois au musée et au jardin; il a été conçu comme un espace social actif, comprenant un restaurant et une librairie. Le grand espace polyvalent situé juste à côté du hall d’entrée peut servir d’auditorium pour 350 personnes, d’espace d’exposition ou de lieu d’événement. Au fur et à mesure que les visiteurs se déplacent de galerie en galerie, les grandes baies vitrées offrent une vue pittoresque sur les jardins, intégrant le paysage à l'expérience du musée.

https://www.fondationlouisvuitton.fr/ Fondation Louis Vuitton, https://www.archdaily.com 270 La Fondation Louis Vuitton, https://www.fondationlouisvuitton.fr/ 268 269

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III. CONCLUSION Dans cette troisième et dernière partie de ce travail, composée de deux grands chapitres, j’ai tenté d’analyser le concept de brand architecture des maisons de mode: premièrement, d’un point de vue de ses caractéristiques architecturales, et deuxièmement, d’un point de vue de sa relation avec le domaine de la culture et le secteur des arts. Dans le premier chapitre Brand architecture : nouvelle architecture du luxe, je me suis focalisée sur la définition et l’analyse du concept de flagship store d’un point de vue de ses caractéristiques architecturales principales. Premièrement, l’architecture des flagship stores est une architecture de l’image, une architecture de l’esthétique : en effet, à une époque où l’on assiste à une marchandisation de l’art et une esthétisation du commerce, les grandes marques de luxe ont compris que l’architecture consiste en une importante valeur ajoutée. L’architecture mise au profit des grandes maisons de mode, est devenue un outil de communication permettant de renforcer la notoriété et la magie de la marque. Aujourd’hui le secteur de l’architecture est de plus en médiatisée en raison de l’engouement de la société contemporaine pour le design et l’esthétique, mais aussi en raison du phénomène de starisation du secteur architectural. En s’associant à des architecte de renom, les grandes maisons de mode tirent profit de la médiatisation de ce dernier; l’aura de l’architecture devient un gage d’excellence et vient renforcer la magie et la pouvoir de la marque, tout en y insérant une valeur culturelle. Cette association entre les deux domaines varie en fonction de la stratégie marketing et le positionnement spécifique de chaque marque: en effet, la collaboration peut consister en l’association exclusive entre une marque et un architecte, Prada et Rem Koolhaas, où l’architecte a carte blanche sur des projets qui durent dans le temps et qui dépassent le domaine de l’architecture; le collaboration peut également être une association entre une marque et plusieurs architectes, comme dans le cas de la maison Louis Vuitton, qui est une marque forte-

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ment impliquée dans l’architecture de ses lieux de vente et qui possède une esthétique forte, laissant ainsi aux architectes uniquement la liberté d’interpréter le codes distinctifs de la marque; pour finir cette collaboration peut consister en des associations ponctuelles entre une architecte et plusieurs marques: en prenant l’exemple de Peter Marino, la conception architecturale et la vision de l’architecte est limitée à une transcription de l’identité de la marque sans imposer son style et ses codes. La brand architecture est définie par des caractéristiques d’excellence et d’innovation, qui sont pensées en parallèle avec les produits de qualité et uniques de ces grandes maisons; en effet, la valeur de l’excellence est la valeur la plus fondamentale de cet architecture de marque. Premièrement, l’excellence se reflète dans la collaboration même avec les architectes de renom qui renforce le caractère exceptionnel; c’est une association par l’excellence et pour l’excellence. Ensuite, l’excellence est insufflée dans les matériaux, qu’ils soient luxueux ou non, en raison de leur combinaisons, leur finitions et leur traitements: même si les matériaux ne sont pas luxueux, ils en ont toutefois l’apparence. Le dernier gage d’excellence se retrouve dans le caractère innovant de ces édifices, qui se reflète à travers l’utilisation de technologies innovantes, d’innovations en termes de construction ou encore par l’utilisation de matériaux innovants, dont certains sont spécialement conçus pour ces boutiques. L’élément architectural majeur de ces flagship stores est la façade, qui originairement exploitée à l’échelle de la vitrine, représente aujourd’hui la signature de la marque. Toujours plus impressionnante, toujours plus innovante, la façade est le vecteur de communication de la marque permettant de refléter ses valeurs et de renforcer son image: c’est la médiation entre l’espace de vente et les consommateurs. En effet, dans la majorité des flagship stores étudiés, les architectes ont accordé une attention particulière à la conception de la façade; que ce soit chez Prada et le manifeste de la façade inexistante de Koolhaas, chez Louis Vuitton et ses façades dichotomiques qui reprennent les codes identitaires de la marque (mono-

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gramme, damier, etc), ou encore chez Chanel avec la conception d’un façade en tant qu’écran gigantesque innovant de Peter Marino. Dans le deuxième chapitre Brand architecture : entre commerce et culture, je me suis penchée sur la mise en relation de l’architecture des flagship stores avec les notions de culturalisation et d’esthétisation du commerce. Pour commencer, l’architecture des flagships s’insère dans les logiques d’experience economy, tendance économique contemporaine marquée par une consommation d’expériences, mettant fin de la sorte à l’économie des services. La stratégie marketing des grandes marques de luxe étant désormais focalisée sur l’offre d’expériences, l’association à des starchitectes dans l‘objectif de concevoir des espaces expérientiels faisant vivre une expérience de la marque aux consommateurs, semble être la solution adéquate pour répondre à ces nouvelles problématiques commerciales. Parallèlement à cette offre d’environnement expérientiels, les marques utilisent les flagships stores en tant que réponse à la démocratisation et l’internationalisation du secteur du luxe. L’architecture de ces nouveaux espaces de vente représente un outil leur permettant aux grandes marques de s’intégrer dans la culture locale de chaque nouveau pays/ville : en effet, un pays différent, signifie une culture différente, et donc des consommateurs différents. Tout en sauvegardant et en valorisant leurs valeurs et leurs codes identitaires, les marques utilisent donc différentes stratégies dans le but de s’insérer dans les cultures locales; au moyen d’associations avec des architecte japonais pour la conception des boutiques au Japon( Jun Aoki, Kengo Kuma), d’associations avec des artistes locaux (Louis Vuitton et Michal Rovner à Taipei) ou encore par intégration de l’histoire dans le processus de conception (l’artdéco et l’édo-komon dans la boutique Louis Vuitton à Ginza Matsuya). Le secteur de la mode, et ce principalement depuis la naissance de la Haute Couture, a toujours accordé une importance particulière à l’art et a été toujours été lié aux artistes. Toutefois, aujourd’hui, l’art est devenu une véritable religion pour les maisons de mode et les grands groupes du luxe,

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qui se transcrit principalement par des commandes, des collaborations, des actions de mécénat, etc. Le paradigme socio-culturel récent dans le secteur de la mode, poussent les grandes marques à mettre en avant leur dimension culturelle et patrimoniale : l’association à des artistes contemporains et la transformation de leur espaces dédiés à la vente en de véritables galeries d’art, leur permet d’atteindre une dimension supérieure à celle du produit. En voulant se débarrasser du caractère purement économique et commercial de leur secteur, et en se positionnant comme de véritables industries culturelles, les grandes maisons de mode arrivent à camoufler les frontières qui séparent l’art, la mode et la commerce. Par ailleurs, dans le contexte actuel qui démocratise de plus en plus l’accès aux produits de luxe, l’art devient un outil qui permet d’accentuer la valeur et la magie de la marque, en raison de ses caractéristiques d’unicité et de rareté. Le dernier point abordé dans ce travail, et parallèlement le dernier bastion conquis par les maisons de mode et les grands groupes du luxe, concerne le phénomène des fondations d’art contemporain. En effet, récemment, le paysage urbain et artistique a été témoin de la naissance de multiples fondations d’art privées, appartenant aux puissances du luxe. Suite à la fondation pionnière en la matière, la Fondation Cartier établie en 1994 à Paris, une multitude de marques ont investi dans le développement de leur propre fondation: la Fondazione Prada à Milan, la Fondation Louis Vuitton à Paris ou encore la Fondation François Pinault. Mécénats privés, ces fondations déclarent avoir comme objectif la promotion de l’art contemporain pour tous. De sorte à créer un double effet culturel, la conception de ces fondations d’art est habituellement confiées aux grandes architectes de notre époque : Frank Gehry, Jean Nouvel, Rem Koolhaas ou encore Tadao Ando.

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CONCLUSIONS BRAND ARCHITECTURE

OU L’ARCHITECTURE COMME OUTIL MARKETING POUR LES MAISONS DE MODE

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Depuis son apparition, le commerce façonne les sociétés et les espaces: en effet, depuis la naissance des marchés jusqu’à l’apparition des grands magasins, les lieux de vente ont constamment modifié le paysage urbain. De plus, véritables symboles de progrès, l’évolution de leur apparence a toujours été fortement marquée par les innovations techniques et architecturales de chaque époque. L’évolution des modes de distribution spécifiques aux grandes maisons de mode peut se résumer à trois phases : les premières boutiques originaires de la marque, les shops-in-shops dans les grands magasins internationaux et pour finir, la nouvelle vague de boutiques propres à la marque, les flagship stores, qui répondent aux stratégies marketing contemporaines de ces marques. En effet, depuis les années 2000 les stratégies marketing des grandes marques de luxe se sont fortement axées sur le développement et la valorisation de l’architecture de leur boutiques. Les flagship stores, icônes-architecturales du luxe, sont devenus le nouvel outil stratégique au service des politiques mercantiles, permettant de valoriser et de renforcer l’identité de chaque marque. Les grandes maisons de mode se sont associés aux grands noms de l’architecture dans le but de concevoir des édifices spectaculaires, en créant ainsi une nouvelle architecture des boutiques. L’industrie de la mode représente un objet social singulier, se trouvant au croisement des arts et de l’industrie. En tant qu’industrie créative, celle-ci est définie par une dualité fondamentale : elle est à la fois une activité économique et une activité artistique. Parallèlement, faisant tous deux partie des industries créatives, le secteur de l’architecture et le secteur de la mode ont de nombreux points en communs et ont comme origine la créativité et la capacité à générer des idées innovantes. De plus, dans les deux univers, le créateur est la figure centrale conduisant de cette sorte à un important phénomène de starisation.271 Le couturier représente le génie créateur du champ de la mode; il se définit par son style, son identité ou sa griffe, et il est généra271

GODART, Frédéric, Sociologie de la mode, La découverte, Paris, 2010, page 68

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lement à la base de la notoriété et du renom de la maison de mode à laquelle il est associé. Il est également à la base de la stratégie marketing qui repose principalement sur son identité. Parallèlement on assiste aujourd’hui à une spectacularisation de l’architecture, à une valorisation de l’effet du commanditaire et grâce à la forte médiatisation, à un phénomène de starisation de l’architecte. Les starchitectes représentent donc une importante source financière pour les commanditaires car ils assurent la valorisation des profits du projet, grâce à une meilleure visibilité et un plus grand impact sur un public plus large. Il est important de rappeler qu’au cours de l’histoire de l’architecture et du phénomène de starisation du champ architectural, les principales sources de prestige qui ont assuré la notoriété des starchitectes ont été les bâtiments publics, tels que les opéras, les musées ou les bibliothèques. Aujourd’hui, la collaboration entre les grandes marques de mode et les grands noms de l’architecture contemporaine, implique que les boutiques de ces marques prestigieuses deviennent une nouvelle source de renom pour les architectes. En effet, dans notre société axée sur la consommation, les lieux de vente des maisons de mode deviennent les nouvelles cathédrales et les grandes marques deviennent les mécènes du champ architectural de notre époque, en offrant à l’architecture une importante capacité d’innover, sans devoir se soucier des questions économiques. Face au phénomène de démocratisation du secteur du luxe, l’architecture se présente comme l’art le plus démocratique, en permettant au luxe de garder son prestige, de par l’aspect culturel du domaine artistique, mais aussi de s’adresser à un public plus large en raison de l’engouement médiatique pour le domaine architectural. L’architecture conçue comme un outil de représentation, de promotion et de médiatisation, semble être une réponse pertinente face aux problématiques contemporaines auxquelles doit faire face le secteur du luxe. L’architecture mise au profit des grandes maisons de mode, est donc un outil de communication permettant de renforcer la notoriété et la magie de la marque; en effet, l’architecture des flagship

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stores est une architecture de l’image, une architecture de l’esthétique. À une époque où l’on assiste à une marchandisation de l’art et une esthétisation du commerce, il parait évident que les grandes marques de luxe fassent appel à l’architecture, qui constitue ainsi une importante valeur ajoutée. Etant un secteur de plus en médiatisé en raison du phénomène de starisation des architectes, en s’associant avec l’univers de l’architecture, les grandes maisons de mode tirent profit de la médiatisation de ce dernier. L’aura de l’architecture devient un gage d’excellence et vient renforcer la magie et la pouvoir de la marque, tout en y insérant une valeur culturelle. La brand architecture est définie par des caractéristiques d’excellence et d’innovation, pensées en parallèle avec les produits de qualité et uniques de ces grandes maisons; en effet, la valeur de l’excellence est la valeur la plus fondamentale de cet architecture de marque. Premièrement, le caractère exceptionnel se reflète dans la collaboration avec ces architectes de renom; c’est une association par l’excellence et pour l’excellence. Ensuite, l’excellence est insufflée dans le choix des matériaux, qui sont ou non luxueux, mais qui en ont toujours l’apparence en raison de leur association, leur finition et leur traitement. Le dernier gage d’excellence se retrouve dans le caractère innovant de ces édifices, qui se reflète à travers l’utilisation de technologies innovantes, d’innovation en terme de construction ou encore dans l’utilisation de matériaux innovants, dont certains sont spécialement conçus pour ces boutiques. Récurrent dans la majorité des projets, l’élément architectural majeur de ces flagship stores est la façade : elle représente aujourd’hui la signature de la marque. Toujours plus impressionnante, toujours plus innovante, la façade est le vecteur de communication de la marque dont l’objectif est de refléter ses valeurs et de renforcer son image: c’est la médiation entre l’espace de vente et les consommateurs. L’architecture des flagship stores, au delà des stratégies marketing, s’inscrit dans le phénomèned’experience economy, qui est marqué par une consommation d’expériences, mettant fin de la sorte à l’économie des ser-

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vices. Etant désormais focalisée sur l’offre d’expériences plutôt que la valorisation des produits, l’objectif de cette nouvelle architecture est de concevoir des espaces expérientiels qui font vivre une expérience de la marque aux consommateurs. Cette nouvelle architecture produit des espaces qui vont au-delà de simples espaces commerciaux, en proposant une expérience sensorielle dans le but de fidéliser le consommateur. Parallèlement à cette offre d’environnement expérientiels, les marques utilisent les flagships stores en tant que réponse à la démocratisation et l’internationalisation du secteur du luxe. Les flagship stores sont des espaces architecturaux qui tentent de camoufler les intentions purement mercantiles des grandes marques, en mettant à disposition des consommateurs des environnements hybrides qui se situent entre le commerce et la culture; en y intégrant les activités culturelles, comme des expositions ou des conférences, et des projets artistiques, l’objectif des maisons de mode est de s’éloigner de l’aspect commercial en se présentant comme une véritable industrie culturelle. La brand architecture est donc une expression de notoriété et de pouvoir; elle ancre la marque dans la culture en lui accordant ses valeurs et elle l’institutionnalise en la transformant en un véritable acteur du paysage urbain contemporain. Parallèlement, la globalisation des marques à eu comme conséquence principale une intensification de la concurrence internationale et une perte de leur aura en raison d’une identité de plus en plus globalisante. L’architecture est devenue un outil majeur permettant aux marques de s’intégrer dans la culture locale de chaque nouveau pays/ville : en effet, un pays différent, signifie une culture différente et des consommateurs différents, ce qui implique donc une architecture unique et locale. L’univers de la mode et l’univers de l’art ont toujours été liés; toutefois, aujourd’hui, l’art est devenu une véritable religion pour les maisons de mode et les grands groupes du luxe, qui se transcrit principalement par des commandes, des collaborations, des actions de mécénat, etc. Le paradigme socio-culturel contemporain dans le secteur de la mode, poussent les

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grandes marques à mettre en avant leur dimension culturelle et patrimoniale : l’association à des artistes contemporains et la transformation de leur espaces dédiés à la vente en de véritables galeries d’art, leur permet d’atteindre une dimension supérieure à celle du produit. Par ailleurs, dans le contexte actuel qui démocratise de plus en plus l’accès aux produits de luxe, l’art devient un outil qui permet d’accentuer la valeur et la magie de la marque, en raison de ses caractéristiques d’unicité et de rareté. L’architecture innovante et expérentielle des flagship stores, associée avec cette valorisation de l’art, transforme les espaces de vente en de véritables galeries d’art, et immergent les consommateurs dans un expérience semblable à un lieu d’exposition. En voulant se débarrasser du caractère purement économique et commercial de leur secteur, et en se positionnant comme de véritables industries culturelles, les grandes maisons de mode arrivent à camoufler les frontières qui séparent l’art, la mode et la commerce.

En conclusion, l’architecture a toujours joué un rôle central dans la production du paysage économique et urbain; en effet, dans le système capitaliste, comme toute autre activité, l’architecture a été un produit. Elle a favorisé la croissance du profit de même que l'augmentation de la production et de la consommation. Contingent aux principes économiques fordistes, le mouvement moderniste a participé à l’objectif d’accumulation de capital, premièrement en optimisant spatialement la distribution des fonctions (la forme suit la fonction) et deuxièmement, en standardisant le processus de construction.272 Aujourd’hui, dans notre société de consommation, tout est commerce. Ce dernier joue un rôle primordial dans la configuration de l’espace urbain moderne; le lieu de vente étant celui qui agit le plus sur l’ambiance de la ville.273 Longtemps dénigrés par la high architecture, les espaces commerciaux constituent la ville et dans leur conception, les architectes KLINGMAN, Anne, Brandscapes : Architecture in the experience economy, MIT Press, 2007, page 3-7 273 KOOLHAAS, Rem, Harvard Design School Guide to Shopping, Teschen, 2000 272

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doivent y accorder autant d’importance qu’aux espaces publics et institutionnels. Toutefois, il est important pour les architectes de ne pas se limiter à un simple exercice de forme, qui ne tient pas compte du rôle primordial de l’architecture dans la construction du paysage urbain. De plus, majoritairement réservée à un secteur élitiste, celui du luxe, la brand architecture doit valoriser la démocratisation de ces espaces, de sorte à ne pas devenir une architecture réservée à une élite sociale. De plus, tout en s’inscrivant dans les stratégies marketing des marques, l’architecture a le rôle de promouvoir les valeurs culturelles non seulement de la marque, mais aussi de la ville/du pays et de la population, en faisant appel au potentiel des cultures et des lieux particuliers où elle s’inscrit. Outre les problématiques qui ont poussé les grandes marques à faire appel à l’architecture, et qui ont été abordées dans ce travail : phénomène d’experience economy, la globalisation des marques et le perte de leur aura, la démocratisation du luxe, etc., nous vivons aujourd’hui à l’heure d’un majeur développement du e-commerce*. En effet, la notion de digitalisation semble être indispensable pour la conclusion de ce travail. Le paradigme que l’e-commerce semble instaurer dans le secteur économique, commercial et culturel dessine un nouvel axe de recherche potentiel. La starisation du secteur architectural et sa médiatisation, pourrait donc constituer une réponse à cette nouvelle problématique à laquelle doivent faire face non seulement les grandes maisons de mode, mais le secteur économique en son entier. Alors que l’architecture est aujourd’hui placée aux coeur des stratégies marketing des grandes maisons de mode, n’est-elle pas compromise face à la digitalisation du secteur ? Ou au contraire, est-ce que l’architecture des flagship stores permettra-t-elle aux marques de surmonter le phénomène du e-commerce, en raison de ses qualités spatiales, esthétiques et culturelles?

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ILLUSTRATIONS PARTIE 1 • Figure 1 : Rue Marchande, http://www.histoire-france.net/moyen/commerce • Figure 2 : Foire, http://www.histoire-france.net/moyen/commerce • Figure 3 : Passage des Panoramas, https://en.parisinfo.com/paris-restaurant/97812/Coinstot-Vino • Figure 4 : Passage Jouffroy, https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/fd/Arkade. 1.jpg • Figure 5 : Au bon Marché • Figure 6 : Macy’s • Figure 7 : Mitsukoshi Nihonbashi • Figure 8 : Ascenseur Leon Edoux, https://www.akg-images.fr/archive/Les-ascenseurs-mecaniques-de-M.-Leon-Edoux-2UMEBMYU3ZVNE.html • Figure 9 : Escalator, https://brandondonnelly.com/2014/09/21/riding-an-escalator-for-thefirst-time/ • Figure 10 : Avenue Montaigne à Paris, https://www.avenuemontaigneguide.com/ • Figure 11 : Prada store, NY • Figure 12 : Triangle luxe, Danielle Alleres • Figure 13 : Graphique grands groupes mondiaux, http://luxe.co/post/7575 • Figure 14 : Le marketing intuitif, basé sur le schéma Danielle Alleres page 151 • Figure 15 : Le marketing élabore, basé sur le schéma de Danielle Alleres page 151 • Figure 16 : Logo Chanel • Figure 17 : Logo Louis Vuitton • Figure 18 : Logo Gucci • Figure 19 : Le prisme d’identité de Kapferer, Michel Chevalier, 2011, page 180 • Figure 20 : Le carré sémiotique de Jean Marie Floch, Michel Chevalier, 2011, page 195 • Figure 21 : Musée Guggenheim, Bilbao, https://www.guggenheim.org • Figure 22 : Dior store, Seoul • Figure 23 : Défilé Chanel collection automne-hiver 2019-2010, https://www.vogue.fr/defiles/ pret-a-porter-automne-hiver-2019-2020/chanel • Figure 24 : Coco Chanel, couverture Livre Mémoire • Figure 25 : Architectes stars et projets phares, Mathilde Cochard, Vers une architecture logo, École Nationale d'architecture de Paris Val de Seine, 2016, page 52

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PARTIE 2 • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •

Figure 1 : https://oma.eu/projects/prada-epicenter-new-york Figure 2 : BAHAMON, Alejandro, Mode : architecture corporative Figure 3, 4 : https://oma.eu/projects/prada-epicenter-new-york Figure 5,7 : https://oma.eu/projects/prada-los-angeles Figure 6 : https://arcspace.com/feature/prada-epicenter/ Figure 8 : BAHAMON, Alejandro, Mode : architecture corporative Figure 9,10,12 : https://oma.eu/projects/prada-epicenter-san-francisco Figure 11 : http://www.wzarc.com/projects/prada_sf_epi Figure 13, 15, 16 : https://oma.eu/projects/fondazione-prada Figure 14 : https://www.archdaily.com, Fondation Prada Figure 17, 19, 20 : https://oma.eu/projects/prada-transformer Figure 18 : https://www.archdaily.com , Prada Transformer Figure 21, 23, 24 : http://www.aokijun.com/en/works/omotesando/ Figure 22 : Jun Aoki - Complete Works 1 [1991-2004] Figure 25, 27, 28 : http://www.aokijun.com/en/works/louis-vuitton-roppongi-hills/ Figure 26 : Jun Aoki - Complete Works 1 [1991-2004] Figure 29, 31, 32 : http://www.aokijun.com/en/works/louis-vuitton-ginza-namiki/ Figure 30 : Jun Aoki - Complete Works 1 [1991-2004] Figure 33, 35, 36: http://www.aokijun.com/en/works/louis-vuitton-matsuya-ginza/ Figure 34 : https://inhabitat.com Figure 37, 38, 39, 40 : https://kkaa.co.jp/works/architecture/lvmh-osaka/ Figure 41, 43, 44 : http://www.inuiuni.com/projects/1111/ Figure 42 : Kumiko Inui: Episodes, 2008 Figure 45, 46, 47, 48 : https://www.archdaily.com Fondation Louis Vuitton Figure 49, 51, 52 : http://www.petermarinoarchitect.com/work/projects/chanel-ginza Figure 50 : BAHAMON, Alejandro, Mode : architecture corporative Figure 53, 55 : http://www.petermarinoarchitect.com/work/projects/chanel-princes-building Figure 54 : BAHAMON, Alejandro, Mode : architecture corporative Figure 56 : https://www.behance.net/ Chanel Hong Kong Figure 57, 59, 60 : http://www.petermarinoarchitect.com/work/projects/louis-vuitton-placevendome Figure 58 : http://actualite-design-corbusier-de2017a2018.over-blog.com/ Figure 61, 63, 64 : http://www.petermarinoarchitect.com/work/projects/louis-vuitton-singapore Figure 63 : https://www.safdiearchitects.com/projects/marina-bay-sands-crystal-pavilions Figure 65, 67, 68, 69 : http://www.petermarinoarchitect.com/work/projects/giorgio-armani Figure 66 : http://studio.maetadesign.com/retail_giorgio-armani-on-madison-ave

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PARTIE 3 • Figure 1 : https://www.herzogdemeuron.com • Figure 2 : https://howtospendit.ft.com/art-philanthropy/62661-fondation-louis-vuittonsopening • Figure 3 : https://www.dezeen.com/ • Figure 4 : http://www.aokijun.com/en/works/louis-vuitton-ginza-namiki/ • Figure 5 : http://www.inuiuni.com/projects/1111/ • Figure 6 : https://oma.eu/projects/prada-sponge • Figure 7 : http://www.aokijun.com/en/works/omotesando/ • Figure 8,9 : http://www.petermarinoarchitect.com/work/projects/chanel-ginza • Figure 10 : https://www.vanityfair.fr/ • Figure 11 : https://oma.eu/projects/prada-los-angeles • Figure 12 : : http://www.petermarinoarchitect.com/work/projects/giorgio-armani • Figure 13 : http://www.aokijun.com/en/works/louis-vuitton-roppongi-hills/ • Figure 14 : https://www.gpsmycity.com/ • Figure 15 : https://oma.eu/projects/prada-epicenter-new-york • Figure 16,17 : https://www.cbdarch.com/ • Figure 18,19,20,21: http://www.ateliermichaellin.com • Figure 22,23 : http://www.aokijun.com/en/works/louis-vuitton-matsuya-ginza/ • Figure 24 :http://maihanami.blogspot.com/2013/12/types-of-kimono-05.html • Figure 25 : https://www.japancrafts.co.uk • Figure 26 : http://www.pointdevue.fr , Louis Vuitton ouvre sa nouvelle boutique place Vendôme • Figure 27, 28 : https://fr.louisvuitton.com/fra-fr/notre-histoire/store-vendome#interior • Figure 29 : https://www.artspace.com • Figure 31, 31 : http://www.petermarinoarchitect.com/work/projects/chanel-princes-building/info • Figure 32,33,34,35,36 : https://www.admagazine.fr/art/news/diaporama/les-musees-etfondations-des-marques-de-luxe/44674 • Figure 37, 38 : https://oma.eu/projects/fondazione-prada • Figure 39 : https://www.archdaily.com, Fondation Prada • Figure 40 : https://www.archdaily.com, Fondation Louis Vuitton • Figure 41 : https://fr.louisvuitton.com/

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GLOSSAIRE • art-keting : désigne l’utilisation de l’art par une marque à des fins mercantiles, pour des raisons de marketing et d’image. L’artketing est généralement utilisé par les marques de luxe. Les formes les plus courantes d’artketing sont le mécénat d’artiste ou d’événements artistiques, la création d’expositions de marque, les associations artistiques pour la créations d’oeuvres pour les boutiques ou encore la collaboration avec des artistes pour la création de certains produits. • branding : désigne la logique d’action marketing ou publicitaire qui cherche à positionner favorablement une marque dans l’esprit du consommateur • brand identity : terme anglais pour désigner l’identité de marque, celle-ci est constituée des éléments visibles d'une marque, tels la couleur, le design et le logo, qui identifient et distinguent la marque dans l'esprit des consommateurs. L'identité de la marque est distincte de l'image de marque. • brand zone : terme utilisé par Hosoya Hiromi and Schaefer Markus dans le Harvard Design School Guide to Sopping, qui désigne les zones urbaines qui regroupent un ensemble d’espaces commerciaux, tels les quartiers dédiés aux boutiques de luxe • corners : un corner shop ou corner store désigne un espace réservé à une marque ou une enseigne au sein d’un point de vente multimarques; le concept du corner s’est développé initialement dans les premiers grands magasins parisiens • corporations : jusqu'au 18e siècle, le terme désigne une association d'artisans, organisme social qui groupait tous les membres d'une profession, de la base au sommet, en vue de réglementer leur profession et de défendre leurs intérêts sous l'Ancien Régime • flagship store : terme anglais qui signifie littéralement « vaisseau amiral » et peut se traduire en français par « magasin amiral ». C’est le magasin emblématique d’une marque : son premier représentant aux yeux du monde. Il peut être considéré comme la vitrine d'une marque puisqu'il est le représentant de son identité, de ses valeurs et de sa notoriété. Aujourd’hui, le flagship store constitue une part entière de la stratégie marketing des grandes marques

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• edo-komon : désigne un motif traditionnel de Tokyo, c’est un motif géométrique très abstrait et stylisé qui se répète. Originairement le terme edo Komon fait référence à une technique de teinture japonaise traditionnelle, mais de nos jours, principalement reconnu pour ses motifs de kimono, ce dernier fait référence à une technique artisanale de teinture au pochoir • e-commerce : désigne le commerce électronique, pratiqué par l'intermédiaire du réseau Internet • épicentre : terme utilisé par Rem Koolhaas pour nommer les flagship stores qu’il a conçu pour Prada • experience economy : terme anglais qui désigne l’ « économie de l’expérience » et qui a été utilisé pour la première fois dans un article de 1998 de Joseph Pine et James Gilmore, décrivant l'économie de l'expérience comme la prochaine économie après l'économie agraire, l'économie industrielle et la plus récente l’économie de services • hétérotopie : du grec topos, « lieu », et hétéro, « autre » : « lieu autre », le terme désigne un concept forgé par Michel Foucault dans une conférence de 1967 intitulée « Des espaces autres », où il définit les hétérotopies comme une localisation physique de l’utopie. Les hétérotopies, d'après Foucault, sont des sortes d'utopies effectivement réalisées et réelles. Concept complexe, l'hétérotopie peut être juxtaposé en un seul ou plusieurs espaces; elle peut s'ouvrir et se fermer, ce qui à la fois l'isole, la rend accessible et pénétrable • high architecture : terme utilisé dans l’ouvrage Harvard Design School Guide to Shopping de Rem Koolhaas, en faisant référence à l’architecture académique, à une architecture élitiste = haute architecture • lifestyle : terme anglais pour désigner « style de vie », c’est la manière de vivre d'une personne ou d'un groupe d'individus. C'est son comportement quotidien, sa façon de vivre fondée sur certaines opinions, comportements et valeurs • logotype/logo : désigne un groupe d’éléments graphiques ou une représentation graphique d'une marque ou d'une entreprise qui est utilisé sur les différents supports de communication. Le logo renforce l'image de la marque et doit représenter les valeurs de la marque • marketing : désigne l’ensemble des actions ayant pour objectifs d’étudier et d’influencer les besoins et comportements des consommateurs ainsi que de réaliser

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BRAND ARCHITECTURE ou L’ARCHITECTURE COMME OUTIL MARKETING POUR LES MAISONS DE MODE

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en continu les adaptations de la production et de l’appareil commercial en fonction des besoins et comportements précédemment identifiés • megastore : terme utilise par Michel Chevalier dans son ouvrage Le point de vente : Lieu d’excellence du luxe, pour désigner une certaines catégories de flagship stores qui dépassent une superficie de 800m2 • monogramme : désigne un emblème qui réunit plusieurs lettres en un seul dessin, avec ou sans ornements supplémentaires, en référence aux monogrammes Louis Vuitton (LV), Chanel (les deux C) ou Gucci (GC) • passage : désigne une galerie tracée au milieu d’un ilot d’immeubles, abritant le plus souvent des espaces commerciaux, et qui étaient recouvertes d'une structure protectrice (les passages couverts) • shops-in-shops : désigne au sens strict du terme un espace dans un point de vente qui est réservé à une autre enseigne, on trouve ainsi un magasin dans un magasin (shop in shop), le principe du shop in shop permet d’accroître la visibilité de la marque • sponge: désigne le matériau conçu par l’architecte Rem Koolhaas spécialement pour les boutiques Prada, matériau vert réalisé à base de polyuréthane dont l’agrégat est composé de pleins et de vides • starchitecte : regroupant "star" et « architecte », le terme désigne un ou une architecte qui jouit d'une grande notoriété dans le monde de l'architecture, et qui se voit élevée au statut d'icône culturelle, en raison d'un important succès auprès de ses pairs et de la critique; le/la starchitecte jouit généralement d’une importante visibilité médiatique

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NNEXES

A



FRANK O. GEHRY

https://www.foga.com

JUN AOKI

http://www.aokijun.com

Frank Owen Goldberg, dit Frank Owen Gehry, né le 28 février 1929 à Toronto, est un architecte américano-canadien. Sa carrière professionnelle a été lancée en 1962, lorsqu’il a fondé son bureau d’architecture, Gehry Partners, à Los Angeles, toujours actif. Professeur d’architecture à l’université Yale, il est considéré au début du 21e siècle comme un des plus importants architectes vivants. Ses constructions sont généralement remarquées pour leur aspect original et « tordu »; Ses œuvres sont citées parmi celles les plus importantes de l'architecture contemporaine dans le World Architecture Survey. Les œuvres les plus connues de Gehry comportent le Musée Guggenheim (Bilbao) en Espagne, le Ray and Maria Stata Center à Cambridge (Massachusetts), le Walt Disney Concert Hall à Los Angeles, la Maison dansante à Prague, le Musée des beaux-arts à Toronto ou encore la Fondation LouisVuitton.

Architecte diplômé de l’Université de Tokyo, Jun Aoki a travaillé chez Arata Isozaki & Associates avant de créer son propre cabinet basé à Tokyo en 1991. Ses travaux consistent en une série de maisons, une architecture publique et des boutiques de mode, une série de magasins Louis Vuitton. Ses projets majeurs sont le Fukushima Lagoon Museum (1997), qui a remporté le prix annuel de l’Architectural Institute of Japan, et le Aomori Museum of Artterminé en 2005, grand prix du concours international. Sa première monographie, Jun Aoki Complete Works 1, a été publiée en octobre 2004 et la deuxième monographie, Jun Aoki, complète 2: Le musée de l’art d’Aomori et l’édition réimprimée Jun Aoki 1991-1999 ont été publiées en 2006. Il s’est vu décerner le prix Encouragement de l’art par le ministre de l’Éducation.


KENGO KUMA

https://kkaa.co.jp

REM KOOLHAAS

https://oma.eu/

Kengo Kuma est né en 1954. Avant de créer Kengo Kuma & Associates en 1990, il a obtenu sa maîtrise en architecture de l’Université de Tokyo, où il est actuellement professeur d’architecture. Après avoir été chercheur invité à la Columbia University à New York, il a établi son bureau à Tokyo. Depuis lors, Kengo Kuma & Associates a conçu des œuvres d'architecture dans plus de vingt pays et a reçu des prix prestigieux, notamment le prix de l'Institut d'architecture du Japon, le prix de l'architecture en bois Spirit of Nature (Finlande) et le prix international de l'architecture en pierre (Italie). Kengo Kuma & Associates a pour objectif de concevoir une architecture qui se confond avec son environnement culturel et naturel en proposant des bâtiments à la taille humaine et douce. Le bureau est constamment à la recherche de nouveaux matériaux pour remplacer le béton et l’acier.

Rem Koolhaas, né à Rotterdam en1944, a fondé le bureau d’architecture OMA en 1975 avec Elia et Zoe Zenghelis et Madelon Vriesendorp. Il est diplômé de l'Architectural Association de Londres et a publié son livre majeur en 1995, S, M, L, XL qui résume les travaux de l’OMA. Il co-dirige les travaux de l'OMA et de l'AMO, la branche de recherche de l'OMA. Il a notamment travaillé à la Bibliothèque nationale du Qatar et au siège de la Fondation du Qatar (2018), à la Fondation Galeries Lafayette à Paris (2018), à la Fondazione Prada à Milan (2015/2018), au Garage Museum of Contemporary Art de Moscou (2015), siège de Télévision centrale de Chine (CCTV) à Beijing (2012), ou encore la Casa da Musica à Porto (2005). Koolhaas a dirigé la Biennale d'architecture de Venise 2014, est professeur à l'Université de Harvard et prépare une grande exposition pour le musée Guggenheim qui ouvrira ses portes en 2019 intitulée Countryside: Future of the World.


KUMIKO INUI

http://www.inuiuni.com

PETER MARINO

http://www.petermarinoarchitect.com

Kumiko Inui est née à Osaka (Japon) en 1969. Elle a étudié l’architecture à l’université d’art de Tokyo et a obtenu son diplôme en 1992. En 1996, elle termine un master supplémentaire à la Yale School of Architecture. Après son retour au Japon, elle travailla pendant quatre ans dans le studio de Jun Aoki. Ses premières œuvres sont principalement des façades de bâtiments commerciaux, remarquables pour leurs jeux visuels ou leur illusion d’optique et basées sur l'environnement et la ville: des œuvres telles que Dior Ginza (2004) et Louis Vuitton Taipei Building (2006) ont reçu plusieurs prix et publications. D'autres projets remarquables sont la House H (2009) ou l’Apartment I (2007) un immeuble résidentiel. L’architecte a également travaillé sur des projets de reconstruction suite aux catastrophes naturelles qui ont dévasté la côte est du Japon en 2011; Inui a rejoint d'autres architectes japonais tels que Akihisa Hirata et Sou Fujimoto, dirigés par Toyo Ito pour le projet "Home for all ».

Peter Marino, dirige le bureau d’architecture Peter Marino Architect basé à New York, et fondé en 1978. Le travail de Marino comprend projets résidentiels, commerciaux, culturels et d’hôtellerie dans le monde entier. Reconnu pour intégrer l'art dans ses conceptions architecturales, Marino a commandé plus de 300 œuvres d'art durant sa carrière. Parmi les projets architecturaux achevés importants figurent Hublot à New York (2016), Louis Vuitton à Los Angeles. (2015), la tour Chanel Ginza à Tokyo (2005), le bâtiment Armani à New York (1995) et les produits phares de Barney à Los Angeles (1991) et NYC (1990). Marino a reçu de nombreux prix prestigieux de l’industrie architecturale, et en 2012, le ministère français de la Culture l'a nommé Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres. Il a également été nommé Officier de l'Ordre des Arts et des Lettres en 2017.


CHANEL

https://www.chanel.com/

GIORGIO ARMANI

https://www.armani.com/

Chanel SA, connue comme Chanel, est une entreprise française productrice de haute couture, ainsi que de prêt-à-porter, accessoires, parfums et divers produits de luxe. Elle est fondée dans les années 1910 par Gabrielle Chanel, appelée Coco Chanel, alors que l'entreprise Les Parfums Chanel voit le jour la décennie suivante. Elle appartient à Alain Wertheimer et Gérard Wertheimer, les petits-fils de l'associé de Coco Chanel, Pierre Wertheimer et contrôlée par un holding implanté aux Pays-Bas. Coco Chanel a ouvert son premier magasin de chapeaux au 21, puis un deuxième au 31 rue Cambon, à Paris. Inspirée par les vêtements masculins et son désir d’émanciper la femme, la maison Chanel est connue pour ses vêtements sobres, contemporains mais toujours classes et élégants. Un style épuré et minimaliste qui constitue l’identité de la marque et confère à la maison Chanel l’image de la marque la plus luxueuse et la plus classe de tous les temps.

Giorgio Armani est un maison de mode créée par le styliste Giorgio Armani, à Milan en 1975. Giorgio Armani est une ligne de prêt-à-porter de luxe pour Hommes et Femmes, ainsi que des accessoires. Elle est disponible dans les boutiques Giorgio Armani et les grands magasins de luxe dans de nombreux pays. La vision de l’élégance Armani allie modernité, simplicité et intemporalité : coupes épurées, matières chaudes, tissus raffinés et nobles, superposition des matières : tels sont les maîtres mots des collections de prêt-à-porter Armani. Elle propose notamment des costumes sur-mesure. Aujourd'hui le Groupe Armani conçoit, fabrique, distribue et vend au détail des produits mode et style de vie comprenant des vêtements, des accessoires, de la lunetterie, des montres, des bijoux, de l’art de vivre et de l’ameublement ainsi que des parfums sous 13 enseignes différentes.


LOUIS VUITTON

https://fr.louisvuitton.com

PRADA

https://www.prada.com

Louis Vuitton est une maison française de maroquinerie de luxe, mais également de prêt-à-porter depuis l'aube des années 2000, fondée en 1854 par le malletier, plus tard maroquinier, Louis Vuitton (1821-1892) dont l'œuvre est poursuivie par ses descendants. Louis Vuitton Malletier est la première marque du groupe LVMH - Moët Hennessy Louis Vuitton fondé en 1987 par le rapprochement de la maroquinerie Vuitton et des Champagne Moët & Chandon, et propriété du milliardaire Bernard Arnault depuis 1989. Louis Vuitton a une présence mondiale, avec un fort développement vers l'Asie depuis les années 2000. Louis Vuitton est représenté dans plus de 50 pays et plus de 500 boutiques à travers le monde. Soucieuse de conserver la qualité française de ses produits la maison préserve la plupart de ses ateliers en France, en Espagne et aux États-Unis.

Prada est une maison de mode fondée en 1913 à Milan par Mario Prada et son frère Martino Prada sous le nom de Fratelli Prada. À l'origine une petite entreprise de maroquinerie et importateur de bagages en provenance d'Angleterre, la marque s'est diversifiée vers le prêt-à-porter à la fin des années 1980, jusqu'à devenir un groupe de luxe grâce à Miuccia Prada. Après le grand succès de sa maroquinerie dans les années 1980, la marque lance une collection de prêt-à-porter pour hommes lors de la décennie suivante, ainsi que Miu Miu, collection féminine plus abordable. Les usines de la marque sont concentrées en Italie avec 14 sites de production et en Angleterre avec 2 sites. Par son non-conformisme raffiné et dans l’air du temps, Prada est reconnaissable entre toutes et a singulièrement marqué le monde du prêt-à-porter de luxe.





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