Date : 22 JAN 15 Page de l'article : p.88-90 Journaliste : Romain Brethes
Pays : France Périodicité : Hebdomadaire OJD : 399243
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CULTUREBANDE DESSINEE
Dans les coulisses du
projet « Lastman »
A la fois bande dessinée, jeu vidéo et série animée, la série « Lastman» est une œuvre pop, conçue par Bastien Vivès et réalisée par un trio d'artistes selon une démarche révolutionnaire. i PAR ROMAIN BRETHES
'habitude, l'ambiance qui règne dans cet atelier | perdu dans une impasse de l'Est parisien est bien différente. Mais là, tous les dessinateurs, développeurs, programmeurs qui travaillent sur « Lastman » se forcent un peu à sourire, à l'image des trois maîtres d'œuvre de cette aventure. Balak, Michael Sanlaville et Bastien Vivès, en dessinateurs
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trentenaires qui ont grandi avec Charlie Hebdo, ont été naturellement touchés par la tragédie qui a frappé leurs comparses quelques jours auparavant. Tous trois se sont retrouvés il y a deux ans autour de Bastien Vivès.quifutl'instigateurdeceprojetinéditavantd'être rejoint par ses deux compères. Vivès ressemble à un Raphael 3.0, avec ses longs cheveux noirs et son air d'adolescent éthéré. La comparaison pourrait semhier saugrenue si Balak, Vivès et Sanlaville
Ruche. L'équipe de « Lastman » dans son studio parisien. «Jetravaille sur l'écriture, Balak (au centre) sur la mise en scene, et ensuite Michael Sanlaville (à dr.) et moî dessinons», èxplique Bastien Vivès (à g., cheveux longs).
Tous droits réservés à l'éditeur
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Date : 22 JAN 15 Page de l'article : p.88-90 Journaliste : Romain Brethes
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r-••^^r:^ ^ *ï; Le dernier homme. Vivès, l'un des auteurs, èxplique: «Nous signons "Team Lastman", comme une entité unique, que nous bossions sur le jeu vidéo ou sur la bande dessinée.» En haut et en bas, une planche et Adana, personnage de la BD; à g., l'affiche du dessin animé qui sortira en 2016.
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Date : 22 JAN 15 Page de l'article : p.88-90 Journaliste : Romain Brethes
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américains comme ceux de Spielberg ou Tarantino. On était soucieux aussi d'adoucir ou d'adapter les codes les plus stéréotypés du manga, comme les gros yeux ou les traits de vitesse, pour toucher un public plus large, plus féminin. » La question familiale, chère avivés dans certaines de ses BD à succès, comme «Polina», est ainsi au centre de son écriture et de ce point de vue « Lastman «est aussi un authentique roman d'initiation. La BD vient tout juste d'achever son premier cycle, avec six volumes édités, 1200 pages réalisées et plus de TOO DOO exemplaires écoulés.
A l'œuvre. Bastien Vivès sur sa planche a dessin numérique En bas, Rutord, l'un des personnages du jeu vidéo
n'avaient pas conçu« Lastman » dans un esprit digne d'un atelier florentin, où individuel et collectif se confondent harmonieusement. Vivès précise : «Dans nos contrats, nous signons "Team Lastman", comme une entité unique, que nous bossions sur le jeu vidéo ou sur la bande dessinée. En théorie, je travaille surl'écriture, Balak sur la mise en scène, et ensuite Sanlaville et moi dessinons. Mais, dans la réalité, comme nous travaillons tous les trois sur ordinateur, chacun peut retoucher ce que fait l'autre. » «Lastman» est une bande dessinée hybride, une explosion pop, fruit de la culture plurielle de ses créateurs. Elle débute avec un tournoi d'arts martiaux où s'affrontent des adversaires qui ont pour certains des airs des frères Bogdanov. Le jeune héros de la série, Adrian Velba, qui vit seul avec sa mère, doit faire équipe au cours de ce tournoi avec un aventurier sans scrupules, Richard Aldana, qui finit par prendre sous son aile le combattant en herbe et créer avec lui une étrange relation, entre filiation et rivalité. L'influence de « Dragon Ball », le manga au succès planétaire, est palpable, mais Balak, Sanlaville et Vivès ne sont pas de simples copistes : «"Lastman"s'inspire cènes rfesshonen [mangas pouradolescents masculins au Japon, NDLR), mais tout autant de la BD franco-belge, des séries et du cinéma
Angoulême, sous le signe de l'émotion La 42 e édition du Festival dangoulême (29 janvier-ier février) se déroulera dans une ambiance toute particulière. Après k cacophonie concernant une possible attribution du Grand Prix du festival à Charlie Hebdo, il a été décidé, en accord avec la rédaction de la revue endeuillée, la création d'un prix Charlie Hebdo de la liberté d'expression. Le Grand Prix lui-même, plus haute récompense attribuée à un auteur de BD, sera désigné parmi ces trois noms : le Japonais Katsuhiro Otomo (auteur d'« Akira »), l'Anglais Akn Moore (scénariste des « Watchmen » et de « Prom Meli ») et le Belge Hermann (dessinateur de « Jeremiah» et de « Comanche »). Les vedettes de cette édition seront le mangaka Jirô Taniguchi (« Quartier lointain »), le scénariste de comics américain Brian K. Vaughan (collaborateur dans la série « Lest ») et Bill Watterson, génkl créateur de « Calvin et Hobbes » et Grand Prix 2014, mais qui a arrêté la BD il y a vingt-cinq ans et ne fera donc pas le dépkcement dans la capitale de k Charente •
Mousquetaires. Unrythme délirant, là où une BD traditionnelle prend entre six mois et un an à son auteur. A mesure que le récit progresse, les personnages secondaires gagnent en épaisseur, l'intrigue prend des chemins de traverse pour ouvrir sur un monde d'une richesse prodigieuse, digne des feuilletons d'Eugène Sue ou de Gustave Le Rouge. La visée éclectique et la frénésie créatrice du trio ne pouvaient donc s'arrêter là, selon Vivès : «Des le début, nous avons voulu développer "Lastman" sous une forme de cross-média. Les filles et les garçons lisent aujourd'hui des romans comme des bandes dessinéesjouent à des jeux vidéo comme ils vont au cinéma. Nous avons commencé à travailler sur le jeu vidéo sanssavoirsinousobtiendrionslesflnancements nécessaires. Nous avons «Dès le début, finalementobtenu lesfondsetune dinous avons voulu zaine de personnes travaillent dessus à temps plein. Le jeu vidéo met développer "Lastman" sous en scène des héros du livre qui s'affrontent dans le cadre d'une arène et une forme de sortira au printemps.» Le milieu cross-média.» ultraconcurrentiel du jeu vidéo, qui brasse des milliards de dolkrs, n'effraie pas ces mousquetaires biberonnes à Facebook et YouTube : «Comme pour le cinéma d'auteur, il est possible pour les jeux vidéo indépendants de tirer leur épingle du jeu, notamment grâce aux plateformes de téléchargement pour les consoles», rappelle Sanlaville. La série animée, elle, n'était pas forcément prévue, mais a bénéficié d'un heureux concours de circonstances : « "Polina" va être adaptée au cinéma [parle chorégraphe Angelin Preljocaj, NDLRJ et, quand le producteur est tombé sur "Lastman", il a dit qu'il souhaitait l'adapter, mais en série animée», se souvient Vivès. La série, qui bénéficie d'un budget de plusieurs millions d'euros et sera diffusée en 2016 sur France 4, fera date dans l'histoire de la télévision française. Balak n'y croyait pas : «Avec Sanlaville, nous connaissons bien le monde de l'animation, qui a l'habitude de tout lisser. Nous pensions qu'il était impossible défaire la série comme nous l'imagi-1 nions, à destination d'un public plus adulte, avec une éon- \ turc nerveuse, de la drogue, des prostituées... Mais le ï producteur a dit oui !» Aj outez à cela la s ortie d'une édi- ?t lion américaine de « Lastman » en mars, chez First Se- ; cond Books, et vous obtenez l'un des projets les plus u excitants de l'ère numérique. Qui a dit que les artistes ; français n'étaient pas entrés dans le XXF siècle ? • i «Lastman», de Balak, Sanlaville et Vives (Casterman, 214 p, 12,50 e) =
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