Le musée des tumulus de Bougon
Bougon, Deux-Sèvres (79) Jean François Milou 1993
D. Laroche
Projeter avec l’existant -1-
Louise Chauvin
J’ai choisi d’étudier le musée des tumulus de Bougon parce qu’il incarne bien le sujet d’un projet contemporain intégrant une partie existant. J’ai hésité avec le projet du Centre national de la bande dessinée et de l’image à Angoulême, par l’architecte en Roland Castro en 1990. CE sont tous deux, deux projets qui transforme et mettent en valeur l’existant tout en promouvant l’architecture contemporaine intégrée. L'analyse, de l’un ou l’autre exemple de projet, se trouvant dans la région d’où je vient, me permet de voir on peut faire face à l’existant que j’ai l’habitude de rencontrer. Pour les deux projets, je disposais à peu prés de la même quantité et qualité d’information. J’ai décidé de me concentrer sur celui-ci parce qu’il je trouve qu’il pose une question difficile, l'intégration d’un bâtiment contemporain à un site très naturel où un besoin de beaucoup de respect est nécessaire, et que la réponse de l’architecte est réussie. Il est intéressant à analyser dans la manière qu’il a de s’intégrer à son environnement et de construire avec lui un lieu à part entière.
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Avant l’intervention
Ce site était marqué par un paysage de bocage, de petites haies et de murets de pierres sèches. Il est situé au lieu dit « Les Chirons », dans une boucle de la rivière Bougon, sur un plateau calcaire.
Pays de bocage
Le musée s’est implanté à l’endroit où quelque 6000 ans en arrière se déroulait une vie au néolithique, activité représentée par les édifices formant la nécropole. Ces édifices sont appelés “tumulus” et sont classés monuments historiques depuis 1960. La nécropole datée de 4700 ans avant J.-C, ce qui en fait la plus ancienne d'Europe, comprend cinq tumulus, tombes collectives sous forme de dolmens abritant une chambre funéraire. Depuis les premières découvertes du site en 1840, des centaines de squelettes, d'ossements et d'offrandes funéraires ont été exhumés.
Tumulus
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Le musée étant à l’emplacement même d’une ancienne ferme médiévale cistercienne, le site avant le projet était marqué par cet ensemble dont un volume d’habitation, une chapelle et une grange se trouvaient encore sur place, en ruine. Cette ferme a été établie par les cisterciens, avec une chapelle de la fin du XIIe siècle. Le logis accolé est daté du XVe siècle. Un corps de bâtiment en appentis est construit contre ce logis, au sudouest, au début du XVIIe siècle et un autre, au nord-est, au XVIIIe siècle, après 1738. Vendue comme bien national, elle est restée une ferme de rapport pendant tout le XIXe siècle.
Habitation médiévale
Chapelle
Grange
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Le projet
Le contexte : Le projet fait suite aux fouilles de la nécropole dans les années 1980. Il permet de présenter la nécropole et d’en exposer les fouilles et les découvertes dans un musée. Le Conseil Général des Deux-Sèvres lance un concours qui est remporté par l’architecte Jean François Milou en 1991. Le musée est inauguré en 1993. En 1997, la cafétéria est achevée par le même architecte. Les modifications du projet continuent, en 1998, des nouvelles plantations sont réalisées, en 2003, un nouveau grainage d’entrée est fait et en 2004, un sas d’entrée est créé. J.F. Milou est chargé de la continuité du projet au fil des ans, par des aménagements architecturaux et paysagers dans le voisinage du musée qui complètent la compréhension et l’exposition de la vie au néolithique. Ce site est alors toujours en renouvellement.
Chantier, la grange au premier plan n’est pas encore en construction.
N Plan de situation -5-
Ce projet est un projet de mise en valeur d’un site de 15 hectares. Il comprend alors le musée, première approche du site, et un parc archéologique où la promenade du visiteur permet de découvrir la vie au néolithique et la nécropole du Ve siècle avant J.C. Mais il possède également une dimension de plus grande envergure : le Conseil Général avait chargé J.F. Milou d’une stratégie de mise en valeur des trois villages autour du site des tumulus. Un système d’allées plantées devait relier les villages et le musée, et les bourgs été censés être quelques peu réaménagés. Seul un des villages, Pamproux, a accepté un projet de réaménagement de son centre bourg de J.F. Milou.
Le projet du musée : Le musée est à 1 km de la nécropole, à l'emplacement de l’ancienne ferme monastique médiévale. Le parti pris pour le musée est d’exposer la recherche scientifique avant le parcours du visiteur sur le site des tumulus.
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Ainsi le musée adopte la forme de portiques comme espace d’exposition qu’on traverse, un passage entre intérieur et extérieur, comme un pavillon d’entrée du parc archéologique par lequel “on passe”.
Système de portique
Péristyle autour de la chapelle ouvrant sur le parcours
Il intègre dans ses murs la ruine d’une habitation médiévale existante dont les parties manquantes sont remplacées par un claustra de bois. La chapelle cistercienne attenante à l'habitation est préservée dans l’état et ceinte d’un péristyle de métal ouvert par trois côtés sur le paysage. Le toit de la grange existante face à la chapelle est remplacé par un auvent de toile composite. La surface SHON de la totalité du projet du musée (chapelle, grange, ... compris) est de 2871 m². Le musée présente la vie à l‘époque du néolithique : l'environnement, les évolutions technologiques et la vie quotidienne. Les vestiges de l'habitation médiévale et de la chapelle accueillent les expositions temporaires, les “plus belles trouvailles”, les résultats des fouilles régionales actuelles, ainsi que les maquettes et reconstitutions. La grange est devenue la cafétéria du musée.
Habitation médiévale à l’intérieur du musée
La grange, couverte d’un auvent de toile composite
Intérieur de l'habitation, la partie dans le musée couverte de claustra
Intérieur de l'habitation, la partie hors le musée, couvert d’une toiture -7-
Intérieur du musée, escalier vers la chapelle et le début du parcours
Péristyle autour de la chapelle, début du parcours
Le musée en lui-même est un volume simple et léger, un long rectangle se terminant par un péristyle, une halle de 10 m de haut. Le niveau du musée est 4 m en dessous de celui du sol actuel, creusé comme une cave dans le calcaire du jurassique, aligné alors sur le fond des fouilles archéologiques. Cette excavation permet d’obtenir plus d’espace pour l’exposition dans le musée qui s’établit sur deux niveaux. L'espace d’exposition occupe alors 800 m² au niveau bas et un plateau de 500 m² à l’entresol. Cette différence de niveau permet au musée d’avoir une scénographie dans l'exposition qui diffère : des espaces éclairés en lumière naturelle et d’autres obscurs en lumière artificielle. L'organisation interne est un jeu simple de volumes : de grandes salles et galeries parallèles reliées entre elles par des percements réguliers. Les murs sont traités en béton calcaire épais afin de ménager des baies qui peuvent être tantôt un passage, tantôt une niche ou une vitrine d’exposition. Le parcours est libre et changeant dans l’avenir au fil des évolutions des remplissages de ces baies.
Galeries d’exposition -8-
Ce musée face à son environnement fait preuve de modestie. Il se tient à distance respectueuse du site des tumulus et dans un souci de ne pas s’imposer à la nature voisine, par son demienfouissement, il ne dépasse pas la cime des arbres autour. Le travail au niveau du sol permet d’ancrer le bâtiment à son site. En effet le parvis extérieur est traité de manière à ce qu’on aperçoit comme affouillées les strates de calcaires, d’où s'appuient alors des épais murs de béton dont la brutalité est adoucie par des lattes horizontales d’acajou rappelant les strates. Cet aspect brut fait ressortir une certaine rugosité et rusticité propre au site. Les trames du toit et des façades de verres et d’acier forment un quadrillage qui rappelle le travail de l’archéologue. Vue de l’entrée, escalier
Vue de l’entrée, en bas des escalier
Vue de l’entrée, vue des strates de calcaires
En incluant le bâti ancien dans sa conception contemporaine le risque aurait pu être que cette “halle” paraisse disproportionnée. Mais elle répond finalement de manière juste au paysage. C’est une grande vitrine qui invite à la promenade jusqu’aux tumulus dont elle reste à l’écart pour une découverte plus surprenante. Sans interférence visuelle entre elle et le site des tumulus, elle ne porte pas atteinte à son intégrité et permet l’introduction du parcours vers la visite de la nécropole ellemême. Ce parcours est jalonné de dispositifs d’interprétation de la vie au néolithique tout du long : ateliers pédagogiques, reconstitution d’un habitat communautaire néolithique, module de fouilles, labyrinthe pédagogique, reconstitution d’un chantier mégalithique, passerelle d’interprétation des activités de la rivière.
Les matériaux utilisés montrent la volonté de légèreté et de sobriété que l’architecte voulait apporter à son bâtiment : le béton et la pierre calcaire pour les murs, la pierre et le bois pour les sols, l’ossature de métal et le verre pour les parois vitrées, le remplissage en caillebotis, la toile composite pour l’auvent de la grange. De plus, ces matériaux sont employés dans des couleurs aux tonalités douces, proches de celles de leur vieillissement propre, intégrant le projet dans son environnement. -9-
Appréciation personnelle Ce que je trouve intéressant dans ce projet tient en deux points. Tout d’abord, la mise en valeur du bâtiment ancien (chapelle, grange, ferme) par le bâtiment contemporain est bien traité. Le bâtiment ancien compris dans le musée se voit en transparence par les façades vitrées du bâtiment contemporain avec le jeu de laisser la ruine et de venir rajouter à celle-ci une nouvelle couche contemporaine en plus du bâtiment contemporain. La chapelle, quant à elle, est mise en exergue par le péristyle en acier qui fait perdurer la forme du bâtiment contemporain, l’intégrant dans le musée. Cela crée une terrasse invitant à la poursuite du parcours dans le site. Pour la grange, le mélange de l’ancien participe à l’impression d’extérieur à l’intérieur et inversement.
L’existant est vu soit en transparence, soit à travers du bâtiment contemporain
Par la couleur des matériaux, l’utilisation du verre, la mise en place d’un claustra, d’une toile et d’un péristyle, la lumière devient un élément important, créant des jeux d’ombre de la création contemporaine sur l'existant. Par exemple la vue dans l’habitation médiévale avec, du fait du soleil, l'ombre du claustra qui vient se refléter sur les murs est très belle.
Vue de l’habitation médiévale avec le claustra en bois
Vue de la cafétéria, l’extérieur est à l’intérieur de l’existant
En outre, la mise en valeur du site entier existant par le bâtiment contemporain est aussi intéressante. Ce bâtiment sert vraiment comme porte d’entrée à un plus grand musée en extérieur. Pour cela, il incite au passage et au parcours. - 10 -
D’un autre côté, par le nouveau bâtiment contemporain mettant en valeur la nécropole et la ferme monastique médiévale, le site présente alors trois échelles de temps différentes. Ces trois échelles se complètent. Les fouilles des vestiges néolithique permettent la mise en place d’un bâtiment contemporain qui lui-même permet leur mise en valeur et la reconversion des bâtiments de la ferme monastique, non utilisée alors. En outre ce bâtiment contemporain et l’aménagement du site ont été pensés de façon à avoir une évolution dans le temps : de nouveaux dispositifs d'interprétations sont installés sur le parcours et, dans le nouveau bâtiment par exemple, les espaces d’expositions sont évolutifs. Le bâtiment contemporain incarne le fait qu’il y a l’existant, ancien, qu’on vient de transformé et mettre en valeur et qu’il y a le bâtiment contemporain qui, pensé de la sorte, pourra être transformable dans l’avenir à son tour.
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