Dimondstein 2019 Door Locks Catalog

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Dimondstein

Tr i b a l A r t s

Serrures traditionnelles africaine Traditional African Door Locks Parcours des Mondes, Septembre 10–15, 2019



Dimondstein TRIBAL ARTS Serrures traditionnelles africaines Traditional African Door Locks

Parcours des Mondes, Septembre 10–15, 2019


Introduction The door locks of West Africa, while well known by collectors, are underappreciated as works of art and objects of cultural importance. Though they are recognized as elegant sculpture, most collectors are not aware of the multiple, complex social and spiritual functions that traditional African door locks represent. Beyond locking mechanisms, they were channels for teaching historical and moral lessons, objects for providing spiritual protection, and a means of identifying social standing. To read them simply as utilitarian objects is to miss important aspects of their cultural significance. The vast majority of the African door locks are from West Africa, owing in part to the amount of grain production in this area of the continent. The basic mechanism for the locks—gravity-fed metal pins fixing a cross bolt in place—originated in China and was brought to Africa by Asian and Islamic traders. In East Africa, locks were widely utilized and consisted primarily of basic rectangular shapes with minimal surface decoration. It was in West Africa—Mali, Burkina Faso, and Cote d’Ivoire—that locks reached their most creative level. Today, the utilization of these traditional locks is rare; the older locks were sold to meet the demand of the African art market or were discredited by Islamic practices. Most have been replaced by padlocks or other banal devices from the west. The descriptions of the pieces in this catalog aim to give an overview of door locks from traditional West Africa. Each description discusses an individual lock, and all of the descriptions together form an essay about West African door locks. Within the descriptions, some of the interpretations of the door locks’ iconography are surmised—but a door lock’s message was not always specific and was somewhat open to interpretation. Much of a door lock’s iconography represented general lessons to be used to the best of one’s ability in his or her personal growth, spiritual advancement, and mythological understanding. The two lock parts were identified by gender: the vertical lock body was considered female and the Dogon female granary. Yugo village, Mali. Photo by W. E. A. van Beek, 1981. African Studies Centre, Leiden.

horizontal cross bolt was considered male. If the vertical lock body depicted a male personage, it would be considered both female and male, not unlike a word with two different meanings. The locks, most frequently given as wedding presents, were intended to bless the conjugal harmony within the marriage. Over time a cross bolt and a lock body from a particular lock may have become separated from each other. This is understandable given the two were not permanently fastened together. Later, for the sake of the market, two parts that were not originally made for each other often appear together as one door lock. This is realized when the placement of the metal pins from the lock body do not line up with the cross bolt. All the cross bolts and lock bodies of the door locks in this catalog were “married” to each other by the blacksmith who originally created them. A special thanks to Paul Rossi for sharing with me his seemingly endless knowledge about African door locks. His passion for the locks’ forms and meanings inspired me to organize this exhibit for the 2019 edition of the Parcours des Mondes. Joshua Dimondstein


Introduction Les serrures de portes de l’Afrique occidentale, bien connues des collectionneurs, sont pourtant très sous estimées en tant qu’œuvres d’art et objets d’importance culturelle. S’il est vrai qu’elles sont bien appréciées comme des sculptures élégantes, la majorité des collectionneurs demeurent néanmoins inconscients des nombreuses et complexes fonctions spirituelles et sociales que les serrures traditionnelles devaient remplir. Elles servaient bien sûr à verrouiller ce qui avait de la valeur, mais audelà de cette fonction qu’elles avaient dans la vie quotidienne, elles incarnaient aussi un moyen de transmettre et d’enseigner des leçons morales et historiques essentielles, de se protéger, et d’identifier son statut social. On passe à côté de ces aspects importants de leur signification culturelle si on ne voit en eux que des objets utilitaires. La grande majorité des serrures de portes africaines proviennent de l’Afrique de l’ouest, et cela est sans doute dû au moins en partie aux quantités de céréales cultivées dans cette zone du continent. Le mécanisme fondamental des serrures – celui des goupilles retenant un verrou en place grâce à la force gravitationnelle – eut ses origines en Chine et fut importé en Afrique par des commerçants asiatiques et islamiques. En Afrique orientale, les serrures étaient très répandues et prenaient des formes rectangulaires simples dotées de décorations minimales sur leurs surfaces. C’était bien en Afrique occidentale – au Mali, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire – que la créativité dont les serrures peuvent faire preuve atteignit son apogée. Aujourd’hui, on ne s’en sert plus que rarement, et les plus anciennes ont été vendues, soit pour répondre aux demandes du marché occidental de l’art africain, soit parce que la tradition islamique les discréditait. La plupart d’entre eux ont de nos jours été remplacées par des cadenas ou par d’autres appareils banals venus de l’Occident. Notre espoir sera que les descriptions des objets dans ce catalogue fourniront un aperçu général des serrures traditionnelles de l’Afrique occidentale. Chaque description se rapporte à une serrure individuelle, et ensemble, ces descriptions forment une seule dissertation sur un ensemble d’objets intimement liés. Certaines des interprétations de l’iconographie des serrures demeurent conjec-

turales, mais le message transmis par une serrure n’était pas toujours fixe ou sans ambiguïtés, et ces interprétations pouvaient varier. La belle part de l’iconographie d’une serrure de porte se rapporte à des leçons générales dont on doit se servir comme on peut pour s’avancer personnellement, spirituellement, et pour approfondir ses connaissances mythologiques. Les deux parties de la serrure étaient identifiées par sexe : la partie verticale du corps de la serrure était considérée féminine et le verrou horizontal était mâle. Si la serrure verticale dépeignait un personnage masculin, elle était considérée à la fois mâle et femelle, et appréhendée un peu comme un mot qui a deux significations différentes. Les serrures, le plus souvent offertes en cadeaux de mariage, devaient bénir et assurer l’harmonie conjugale du couple. Avec le passage du temps, le corps d’une serrure se séparait parfois de son verrou. On comprend facilement comment ceci pouvait se produire quand on considère que les deux éléments n’étaient pas attachés l’un à l’autre. Souvent, deux parties de serrures qui n’étaient pas à leurs débuts fabriquées ensembles furent jumelées ultérieurement pour satisfaire aux préférences du marché de l’art. On s’aperçoit que c’est le cas lorsque les goupilles dans le corps d’une serrure sont mal alignées avec son verrou. En ce qui concerne les objets dans ce catalogue, toutes les serrures et leurs verrous furent « mariés » par le forgeron qui les créa à l’origine, et le sont toujours Je tiens spécialement à remercier Paul Rossi pour avoir si généreusement partagé avec moi ses connaissances apparemment sans bornes des serrures de portes africaines. C’est à sa passion pour les formes et les significations de ces objets que je dois l’inspiration qui m’a poussée à organiser cette exposition pour l’édition 2019 du Parcours des mondes. Joshua Dimondstein


Dogon male lock Toro wood and metal H: 9.25” / 23.5 cm

Serrure Dogon masculine Bois toro et métal H: 9.25” / 23.5 cm

Provenance: Nobel Endicott, New York The head on this lock possibly represents Amma, the supreme being of the Dogon, who would guard the contents of the granary silo. The driftwood-like patina is indicative of a lock being mounted on the inside of a Dogon granary. The Dogon sometimes employed a double window or shutter panel on their granaries. The smaller, inside panel, framed by the larger panel to make a single shutter, would have a lock on the outside. This would be unlocked and opened, so one could reach into the granary and unlatch the interior lock, which held the entire shutter in place. As a result, the interior lock would be exposed to the dry heat in the silo and would develop a slightly desiccated patina. The engravings on the front of the lock, consisting of the diagonal lines within the rectangles, evoke the placement of the earth and space, and the “center of the world” (gana sibe nay logoro). The very pronounced horizontal lines and zigzags in the middle represent the boundaries between water and land. All of these together form a whole, which is indicative of an individual’s placement in the physical and spirit worlds, indivisible for the Dogon, and which also serves as a compass for the accrual of further wisdom in life.

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La tête de cette serrure pourrait représenter Amma, l’être suprême pour les Dogon, veillant sur le contenu du grenier de céréales. La patine érodée, semblable à celle du bois flottant, indique qu’elle avait servi à l’intérieur de l’édifice. Les Dogon employaient parfois des double fenêtres ou double volets dans leurs silos. Le panneau intérieur, le plus petit des deux, était encadré par le plus grand pour former un volet unique, et avait sa serrure à l’extérieur. Une fois ouverte et déverrouillée, on pouvait insérer sa main pour ouvrir la serrure intérieure du grand volet qui maintenait la porte entière en place. La serrure intérieure était donc exposée à la chaleur dans le silo et développait ainsi une patine légèrement desséchée. Les traits gravés sur la face de la serrure, consistant de lignes diagonales à l’intérieur de rectangles, évoque le placement de la terre et de l’espace, ainsi que le « centre du monde » (gana sibe nay logoro). Les lignes horizontales proéminentes et les zigzags au milieu représentent les frontières entre l’eau et la terre. Ces éléments ensemble forment une seule entité qui indique le placement d’un individu dans le monde physique et le monde des esprits, indivisibles pour les Dogon, et qui sert aussi de boussole pour l’acquisition de connaissances et de la sagesse dans la vie.



Dogon lock surmounted by two ostriches

Serrure Dogon surmontée de deux autruches

Toro wood and metal H: 15.5” / 39.4 cm

Bois toro et métal H: 15.5” / 39.4 cm

Provenance: Mona Gavigan, Washington DC The two birds perched on this lock are ostriches, which are associated with the zigzag line. The zigzag line was iconic in Dogon art, and it was used to represent aspects of both the spirit and the physical worlds. The motif was used to depict Nommo coming to earth, the movement of rain and water, the teeth of the heddle used for weaving, and other aspects of Dogon life and their mythology. Zigzag lines are clearly seen on the crests of the two birds. The engraved central vertical/horizontal cross that partitions the diagonal intersecting lines of the lock’s body represents the four cardinal points and the orientation of the individual within the cosmos, reflecting the relationship between the spirit world and the physical world. The two prominent horizontal bars delineate the earth and the sky; this motif is repeated in the two lower sections of the lock’s body as well. The open spaces on the bottom portion of the lock symbolize openings to the universe, evocative of the gaining of wisdom. In Dogon mythology, the ostrich represents the Master of Speech. The ostriches facing each other on this lock could symbolize communication between opposing life forces that are in a constant state of flux.

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Les deux oiseaux perchés sur cette serrure sont des autruches, et sont associés au trait zigzag. Le trait zigzag est emblématique dans l’art dogon, et il était utilisé pour représenter certains aspects du monde physique ainsi que du monde spirituel. On se servait du motif pour représenter Nommo arrivant sur la terre, le mouvement de la pluie et de l’eau, les dents de la lisse du métier à tisser, et d’autres aspects de la vie et de la mythologie dogon. Des traits zigzag sont ici apparents sur les crêtes des deux oiseaux. La croix gravée verticale/horizontale et centrale qui sépare les traits diagonaux qui se croisent sur le corps de la serrure représentent les quatre points cardinaux ainsi que l’orientation de l’individu dans le cosmos, et reflètent la relation entre le monde des esprits et le monde physique. Les deux bandes horizontales proéminentes délimitent le ciel et la terre, et ce motif est aussi répété sur les deux parties inférieures de la serrure. Les espaces ouverts sur la partie inférieure de la serrure symbolisent les ouvertures à l’univers, évoquant l’acquisition de la sagesse. Dans la mythologie des Dogon, l’autruche représente le Maître de la Parole. Les autruches face à face sur cette serrure pourraient symboliser une communication entre des forces de vie opposantes qui sont dans un état de flux perpétuel.



Dogon crocodile lock Toro wood and metal with Bagana sap patina H: 21.5” / 54.6 cm

Serrure Dogon représentant un croccodile

Bois toro avec patine de sève bagana H: 21.5” / 54.6cm

Provenance: Renaud Vanuxem, Paris There have been different understandings of the iconography of these door locks. Several Western scholars had originally described them as representing Sun-lizards. (Sun-lizards are an important symbol for the Dogon; because of their resemblance to genitalia—they represent sexuality). However, Sun-lizard locks are commonly a combination of iconography which results in very abstracted, geometric lock configurations. The prevalent interpretation of these locks is that they represent crocodiles (Ayo), one of the totemic animals of the Dogon. The crocodile, due to its aquatic nature, is associated with the Nommo, or sacred twins of creation. The crocodile is believed to have developed out of the severed left arm of one of the Nommo. Ayo killed Nommo, the prehistoric being who created order from a chaotic universe. Embodying Ayo on a door lock represents power. The body of this lock is covered with cross hatching that is indicative of both the rainfall (water) and the crocodile’s scales. The engraving on the cross bolt of the diagonal lines within the rectangle (gana sibe nay logoro) evokes space and the “center of the world” (i.e., the point of physical and spiritual orientation).

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Plusieurs interprétations ont été avancées pour expliquer l’iconographie de ces serrures. Certains experts occidentaux les avaient d’abord identifiés comme des représentations des lézards-soleil. Ces derniers étaient un symbole important pour les Dogon et représentaient la sexualité à cause de leur ressemblance aux organes génitaux. Cependant, les serrures lézard-soleil font souvent preuve d’un mélange d’éléments iconographiques qui produit des configurations géométriques très abstraites. L’interprétation la plus courante maintenant explique ces serrures comme étant des représentations du crocodile (ayo), qui est un des animaux totémiques des Dogon. En raison de sa nature aquatique, le crocodile est associé aux Nommo, les jumeaux sacrés de la création. On considère que l’origine du crocodile est le bras gauche coupé d’un des Nommo. Ayo tua Nommo, l’être préhistorique qui créa l’ordre dans un univers chaotique, et la représentation d’Ayo sur une serrure symbolise le pouvoir. Le corps de cette serrure est recouvert de motifs en hachures croisées qui représentent à la fois la pluie (l’eau) et les écailles du crocodile. Les lignes diagonales gravées dans le rectangle (gana sibe nay logoro) sur le verrou évoquent l’espace et le « centre du monde » (c’est-à-dire le point d’orientation physique et spirituel).



Dogon lock representing the Nommo.

Toro wood and metal with Bagana sap patina H: 17” / 43.2 cm

Serrure Dogon représentant le Nommo

Bois toro avec patine de sève bagana H: 17” / 43.2 cm

Provenance: Robert Duperrier, Paris The Nommo are eight sacred twins central to the Dogon creation myth, and they are commonly depicted on locks. Stylistic treatment of the figures varies greatly and a number of locks bearing this particular style of austere, minimalist half figures are known. The earlier examples of this style, such as this lock, are the most austere. Though this lock bears slight facial features, they are reduced to a minimum and the presence of the Nommo is carried by the simple geometry of their forms, perched on the lock body as unmovable, timeless guardians. In Dogon mythology, the Nommo are central to the Dogon understanding of the origin of the earth and the relationships of the material to the spirit world. While Amma created the universe, the Nommo are the principle beings associated with the earth. The Nommo are the first ancestors of all the Dogon and the force on earth that creates harmony and balance. Water and grain upon which the Dogon depend for their survival are attributed to the Nommo. The forms and representations on door locks serve as a reminder of the ever-present Nommo.

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Les Nommo sont huit jumeaux sacrés au cœur du mythe de la création des Dogon, et ils sont souvent représentés sur les serrures. Le traitement stylistique des personnages varie considérablement et de nombreuses serrures dans ce style particulier avec deux demi-personnages austères et minimalistes sont connues. Les exemples les plus anciens de ce style, comme la serrure montrée ici, sont les plus austères. On distingue des traits rudimentaires de visages, réduits à un minimum, mais la présence des Nommo est surtout portée par la simple géométrie de leurs formes, perchés immuables sur le corps de la serrure, et veillant éternellement. Les Nommo sont un élément essentiel dans la conception dogon de l’origine de la terre et des relations entre le monde matériel et celui des esprits. Amma créa l’univers, et les Nommo sont les êtres principaux associés à la terre. Ils sont les premiers ancêtres de tous les Dogon et la force terrestre qui leur apporte l’harmonie et l’équilibre. L’eau et les céréales sur lesquelles les Dogon dépendent pour leur survie sont attribuées aux Nommo, et les formes et les représentations sur les serrures des portes rappellent leur présence constante et éternelle.



Dogon hogon’s equestrian lock Toro wood and metal with traces of Bagana sap patina H: 19.25” / 48.9 cm

Serrure d’un Hogon Dogon représentant un cavalier

Bois toro et métal, traces de patine de sève de bagana H: 19.25” / 48.9 cm

Provenance: Erle Loran, San Francisco

Published: African and Ancient Mexican Art, The Loran Collection, Fine Arts Museum of San Francisco, 1974; p. 26, pl 8 While locks, or locks and doors together, were generally given as wedding presents to young couples, one exception was the lock on the hogon’s compound. The hogon was the eldest male and chief spiritual dignitary in a Dogon village, and the lock with the horse and rider, a symbol of the hogon, was exclusive to the hogon. This equestrian lock would have been created for the hogon by the most important blacksmith/priest in the village.

Les serrures, ou les serrures et les portes ensemble, étaient en général offerts en cadeaux de mariage aux jeunes couples, mais la serrure de l’hogon faisait exception à la règle. Le hogon était l’ainé masculin et le chef spirituel du village Dogon, et le seul à avoir le droit de posséder la serrure représentant le cheval et le cavalier, qui était son symbole. Cette serrure aurait été créée pour le hogon par le prêtre-forgeron le plus reconnu du village.

This particular lock has a very complex iconography. The horizontal zigzag lines symbolize the flow of water (di adu). The central square surrounded by the rectangular areas represents the ginna, the most important house in a Dogon village and frequently the hogon’s home. It also illustrates the door to the universe, which is symbolic of wisdom. The engraved rectangular and linear forms around this central square have multiple meanings; in the case of this particular lock they represent the solid earth (sibe ne pala), in juxtaposition with the symbolic representation of the water (di adu). Hence the lock itself, representing the wisdom of the hogon, becomes a microcosm of the world as a whole, and also represents both the orderly construct of the village and a constant protection against dangerous forces. The lower part of the lock body, with the series of horizontal lines, makes reference to the series of six words which organized the forces of creation. Binu Serou was chosen by the Nommo to hear the first word and then imitate it on a drum, thus bringing into existence that part of the creation.

Cette serrure a une iconographie très complexe. Les traits zigzag horizontaux représentent le flux de l’eau (di adu). Le carré central entouré par les zones rectangulaires représente le ginna, la maison la plus importante du village et souvent la résidence de l’hogon. Il dépeint aussi la porte de l’univers, symbole de la sagesse. Les formes rectangulaires et linéaires autour de ce carré central peuvent avoir plusieurs significations : dans le cas de cette serrure, elles représentent la terre (sibe ne pala) en juxtaposition avec la représentation symbolique de l’eau (di adu). La serrure, en tant que représentation de la sagesse de l’hogon, devient en même temps un microcosme du monde entier et une représentation de la construction ordonnée du village qui le protège aussi des forces dangereuses. La série de traits horizontaux sur la partie basse de la serrure fait référence à la série de six mots qui organisa les forces de la création. Binu Serou avait été choisi par Nommo pour entendre le premier mot et de l’imiter ensuite avec un tambour, donnant ainsi naissance à cette partie de la création.

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Dogon tortoise lock Toro wood and metal H: 12” / 30.5 cm

Serrure Dogon représentant une tortue Bois toro et métal H: 12” / 30.5 cm

Provenance: Lane Berk, Baltimore The common African spurred tortoise can live to over 100 years old, hence for many cultures it is a symbol of longevity. This is true for the Dogon, and it is not uncommon for a specific tortoise, well known in a village for generations, to be treated with loving reverence as the true village elder. The engraved diagonal cross motif on the central portion of the lock body has different symbolic interpretations, one being that they represent the four cardinal points (gana sibe nay). This surrounds the two vertical lines in the center of the lock, representing the division of earth and sky. It is possible that the tortoise’s head on this particular lock could have represented a male ancestral figure, and hence his relationship to the motifs engraved on the lock body below would indicate his placement or orientation in the universe.

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La tortue sillonnée africaine peut atteindre un âge de 100 ans, et est donc pour de nombreuses cultures un symbole de longévité. Ceci est vrai pour les Dogon, et il n’est pas rare qu’une tortue spécifique, bien connue des habitants de son village depuis des générations, soit traitée avec révérence et perçue comme le véritable ainé de l’endroit. Plusieurs interprétations symboliques sont possibles pour les motifs croisés gravés en diagonale sur la portion centrale du corps de cette serrure, l’une étant qu’il s représentent les quatre points cardinaux (gana sibe nay). Ils sont de part et d’autre des deux lignes verticales au centre de la serrure qui symbolisent la division du ciel et de la terre. La tête de la tortue sur cette serrure pourrait être une représentation d’un ancêtre masculin, et par conséquence sa relation avec les motifs gravés sur le corps de la serrure indiqueraient son placement ou son orientation dans l’univers.



Mossi or Gurunsi tortoise lock

Serrure Mossi ou Gurunsi représentant une tortue

Wood and metal with metal nails H: 14” / 35.6 cm

Bois et métal, avec clé en métal H: 14” / 35.6 cm

Provenance: James and Elisa Bakker, Seattle The African spurred tortoise is common throughout the Sahel from Mali to Ethiopia. Not unlike the Dogon tortoise lock found on the previous page, Mossi and Gurunsi tortoise locks from Burkina Faso are a symbol of longevity and embody the reverence accorded a “grandfather” or village elder. As such, the form of the tortoise is a sacred symbol used in the creation of door locks to symbolize an enduring existence. This lock has its original key—a rare find. The Mossi and Gurunsi have a bent metal key, which would be slid into the cross bolt at the right end through the top of the cross bolt, and angled up to lift the lock pins. This would free the cross bolt to slide over the cutaway in the body of the lock allowing the granary door to be opened. Dogon locks also functioned with a rigid key, but differed in design. The Dogon keys were straight and slid in horizontally through an opening at the end of the cross bolt. On the top of the cross bolt of most door locks is a metal strip designed to prevent excessive wear to the cross bolt from the lock pins rubbing it while it was moved. These were replaced fairly frequently with available metals. The metal strips were sometimes reused metal from old jerrycans, tomato paste cans, and other recycled metal.

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La tortue sillonnée est répandue dans le Sahel depuis le Mali jusqu’en Éthiopie. Comme la serrure Dogon représentant la même espèce de tortue sur la page précédente, les serrures-tortue Mossi et Gurunsi du Burkina Faso sont un symbole de longévité et incarnent la révérence qu’on accorde à un « grand-père » ou à un ainé d’un village. La forme de la tortue est ainsi un signe sacré utilisé dans la création des serrures de porte qui symbolise une existence durable. Cette serrure retient sa clé, ce qui est rare. Les Mossi et les Gurunsi se servaient de clés courbées qui devaient être glissées dans le verrou à son extrémité droite et passées par sa partie supérieure, et ensuite manipulées pour soulever les goupilles de la serrure. Le verrou était ainsi libéré et pouvait glisser par-dessus la découpe dans le corps de la serrure, rendant possible l’ouverture de la porte du grenier. Les serrures Dogon étaient aussi actionnées à l’aide de clés rigides, mais de construction différente. Les clés Dogon étaient droites et étaient insérées dans les serrures en les glissant horizontalement par une ouverture à l’extrémité du verrou. Une bande en métal est le plus souvent affixée à la surface supérieure d’un verrou. Elle sert à empêcher l’usure excessive qui résulterait de son frottement contre les goupilles lorsqu’il est glissé. Ces bandes en métal étaient souvent remplacées quand elles étaient érodées, et on se servait de bouts de n’importe quel métal disponible pour cette tâche, provenant par exemple de jerricans, de bidons, ou de boites de conserve.



Bobo or Mossi male lock representing a male ancestor

Toro wood and metal with Bagana sap patina H: 14.2” / 36 cm

Serrure Bobo ou Mossi représentant un ancêtre masculin

Bois toro et métal avec patine de sève bagana H: 14.2” / 36 cm

Provenance: Lane Berk, Baltimore Door locks as works of art or sacred objects from Burkina Faso, which includes locks of the Mossi, Gurunsi, Bwa, Nuna, and Bobo people, are much rarer than those from Mali. This could be because door locks are less commonly utilized in Burkina Faso as a means to express culture and beliefs. Though the cultures of the two countries differ, their door locks often contain the same themes and engravings. The theme of ancestors is prevalent throughout the African continent. The four major themes depicted on locks from Burkina Faso are male and female figures, tortoises, and crocodiles. Perhaps the latter two resulted from influence through trade and association with the people of Mali, as both countries share an extended, common border. The body proportions of this particular lock are stylistically similar to those of locks that have been identified as Bobo, the largest group in western Burkina Faso. Many of the Bobo locks are similar in overall design, with the major variations being in the iconographic design and placement of engravings on the legs and surface of the body.

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Les serrures de portes en tant qu’objets d’art ou objets sacrés du Burkina Faso, qui incluent celles des peuples Mossi, Gurunsi, Bwa, Nuna et Bobo, sont beaucoup plus rares que celles du Mali. Ceci pourrait être dû au fait que les serrures de portes sont moins souvent utilisées au Burkina Faso comme un moyen d’expression culturel et de croyances. Les cultures des deux pays diffèrent, mais on retrouve souvent les mêmes thèmes et les mêmes gravures repris sur leurs serrures. Le thème des ancêtres est très courant partout sur le continent africain. Les quatre sujets principaux représentés sur les serrures du Burkina Faso sont les ancêtres masculins et féminins, les tortues, et les crocodiles. Il est possible que ces deux derniers aient été l’apport d’une influence qui résulta du commerce et de l’association avec les peuples du Mali, et les deux pays partagent effectivement une très longue frontière. Les proportions du corps de cette serrure ont une similarité stylistique aux serrures qui ont été identifiées comme Bobo, le plus grand groupe du Burkina Faso occidental. Beaucoup des serrures Bobo se ressemblent dans leur aspect général, les variations importantes se rapportant aux dessins iconographiques et au placement des traits gravés sur les jambes et la surface du corps.



Senufo lock representing a male ancestor and crocodile Toro wood and metal H: 15” / 38.1 cm

Serrure Sénoufo représentant un ancêtre masculin et un crocodile Bois toro et métal H: 15” / 38.1 cm

Provenance: Paul Rossi, Westport This Senufo door lock depicts a male ancestor figure and a crocodile. The crocodile, a symbol of aggression and dominance, represents both the personal and the supernatural powers held by members of the Poro secret society. The initiated Poro member was tasked with preserving the Senufo culture and community in the face of external influences. Locks and their iconogaphy were part of this mission by means of the message they imparted, as were the masks and figures used in their ceremonies. A lock like this would have been on the door of a protective shrine or meeting place. It communicated stature and authority, and it would have been a status symbol for the Poro member who owned it.

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Un ancêtre masculin et un crocodile figurent sur cette serrure Sénoufo. Le crocodile, symbole de l’agressivité et de la dominance, représente à la fois les pouvoirs personnels et surnaturels détenus par les membres de la société secrète du Poro. Le membre initié du Poro était chargé de la préservation de la culture Sénoufo et de la protéger des influences externes. Les serrures et leur iconographie avançaient l’accomplissement de ces devoirs avec les messages qu’elles transmettaient, tout comme les masques et les sculptures employés dans les cérémonies. Une serrure comme celle-ci aurait été sur la porte d’un autel protecteur ou d’un lieu de rencontre. Il communiquait un certain rang et une autorité, et aurait été un symbole du haut statut du membre du Poro qui la possédait.



Bamana lock with symbols of the Komo Society Toro wood and metal with traces of Bagana sap patina. H: 17.25” / 43.8 cm

Serrure Bamana avec symboles de la société Komo

Bois toro et métal, traces de patine de sève bagana. H: 17.25” / 43.8 cm

Provenance: Warren Robbins, Virginia; Mona Gavigan, Washington DC This lock represents Faro, the supreme deity and protectorate of the Komo Society. The ears on this lock have a multiple function symbolically—they simultaneously represent crocodile jaws, capable of intercepting and neutralizing witchcraft (thus acting to protect the residents of the house or compound) and the all-hearing ears of Faro, who detects every movement, day and night. The ears also represent the raised index and little fingers, sign of the Komo Society. The rectangular pattern on the central part of the body lock represents the order of the village, which protects from the chaos and danger. Of note is the absent mouth. This teaches a very important lesson to young people coming of age: the significance and power of the spoken word and how an illtimed or badly thought-out remark can wreak great harm. Contemplation first, in silence, is the domain of wisdom.

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Cette serrure représente Faro, la divinité suprême et le protecteur de la société du Komo. Les oreilles de cette serrure ont plusieurs significations symboliques. Elles représentent en même temps les mâchoires du crocodile, capables d’intercepter et de neutraliser las sorcellerie (protégeant ainsi les habitants de la maison ou de l’enceinte), et les oreilles de Faro qui entendent tout et détectent tout mouvement, de nuit comme de jour. Les oreilles représentent aussi l’indexe et le petit doigt levés, le signe de la société du Komo. Le motif rectangulaire sur la partie centrale du corps de la serrure représente l’ordre du village, qui protège du chaos et du danger. On remarque l’omission de la bouche. Elle est absente pour communiquer une leçon importante aux jeunes gens en train de passer à l’âge adulte : la signification et le pouvoir du mot parlé, et comment une phrase mal formulée ou inopportune peut faire des ravages. La contemplation d’abord, en silence, sera le premier pas vers la sagesse.



Bamana Komo Society lock Toro wood and metal with traces of Bagana sap patina H: 17.5” / 44.5 cm

Serrure Bamana de la société du Komo Bois toro et métal, traces de sève bagana H: 17.5” / 44.5 cm

Provenance: Jerry Vogel, New York, Amyas Naegele, New York This lock, like the one on the previous page, represents Faro, a manifestation of the supreme deity among the Bamana and protective entity for the Komo society. The heads of both locks contain the same symbols of Faro. The triangulated bottom part of this lock is representative of the python’s head. The engraving on the lock body and cross bolt refer to the celestial voyages of Faro and Mousso Koroni Koundye, and the delineation of land and sky. The very top diagonal engravings on the lock body represent the clavicle or shoulders of Faro. Aside from their religious and personal importance, locks also played a very significant social role. They functioned as emblems of identity for the family who owned them. Thus, for example, a member of the Komo society, traveling beyond his own village, could identify the household of another member of the Komo society by the lock on the compound door and know that he had brethren therein and a place to seek welcome and shelter.

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Cette serrure, comme celle sur la page précédente, représente Faro, une manifestation de la divinité suprême des Bamana, et le protecteur de la société du Komo. Les têtes des deux serrures ont les mêmes symboles de Faro. La partie inférieure de cette serrure en forme de triangle inverti représente la tête du python. Les gravures sur le corps de la serrure et le verrou font référence aux voyages célestes de Faro et de Mousso Koroni Koundye, et à la délimitation entre le ciel et la terre. Les traits diagonaux gravés sur la partie supérieure du corps de la serrure représentent les clavicules ou les épaules de Faro. Outre leur importance religieuse et personnelle, les serrures jouaient un rôle social très appréciable. Elles fonctionnaient comme des emblèmes de l’identité de la famille qui les possédait. Ainsi, par exemple, un membre de la société du Komo, voyageant au-delà de son village, pouvait identifier le foyer d’un autre membre de la société par la serrure sur la porte de son demeure, et savait qu’il y trouverait un endroit où il serait bienvenu et hébergé.



Bamana female lock Toro wood and metal with glossy, wellhandled Bagana sap patina H: 17.5” / 44.5 cm

Serrure Bamana représentant une femme

Bois toro et métal avec patine luisante d’usure de sève bagana H: 17.5” / 44.5 cm

Provenance: John and Nicole Dittenfass, New York; Michael Rhodes, New York Door locks portraying women are common among the Bamana. While western interpretation maintains that they generally portray ancestors, in fact, they can depict any number of different women including ancestors, women of legend, local heroines, women of great prestige, and mythical figures. In addition, they can represent myths, messages, or great Bamana teachings. Often the significance of the lock was known only to its maker and the people for whom it was created. As such the complex engraving on the body and cross bolt of a lock such as this one, on which the blacksmith obviously spent much time, becomes difficult to interpret; the meanings are suggestive rather than precisely descriptive. The meanings would change depending on whom or what the lock represents. Nonetheless, there are common features found among the Bamana female door locks, including breasts and extended ends of the hair crest, that are representative of a woman’s coiffure. Frequently, they have multiple knees, as seen on this door lock. These represent the tails of the scorpion, thus making reference to the legend of Mousso Koroni Koundye in the Bamana creation myth. Bamana door locks were commonly given to a bride, sometimes as heirloom pieces, during her wedding ceremony and then used on structures where needed. They were found on homes, cookhouses, sacred places, and storage buildings.

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Les serrures de porte représentant des femmes sont répandues parmi les Bamana. Les interprétations occidentales maintiennent en général qu’il s’agit de portraits d’ancêtres, mais elles peuvent en fait dépeindre de nombreuses femmes différentes, y compris des ancêtres, des femmes légendaires, des héroïnes locales, des femmes de haut rang, et des êtres mythiques. Elles peuvent en outre représenter des mythes, ou être porteurs de messages ou d’enseignements Bamana. La signification d’une serrure n’était souvent connue que par son créateur et par ceux pour qui elle avait été fabriquée. Les gravures complexes sur le corps et le verrou d’une serrure comme celle-ci, que le forgeron avait évidemment passé beaucoup de temps à exécuter, sont donc difficiles à interpréter. Les sens sont suggérés plutôt qu’explicites. Les significations pouvaient varier selon la personne ou l’objet représenté. Il y a cependant certaines caractéristiques que les serrures bamana féminines partagent, par exemple les seins et les prolongements de la crête capillaire qui représentent la coiffure de la femme. Elles ont souvent de multiples genoux, comme notre exemple. Ces derniers représentent la queue du scorpion, et font référence à l’histoire de Mousso Koroni Koundye dans le mythe Bamana de la création. On faisait très souvent cadeau des serrures en tant qu’objets d’héritage aux jeunes mariées pendant leurs cérémonies de mariage, pour ensuite être utilisées sur les édifices là où elles pouvaient servir. On s’en servait sur les portes des maisons, des cuisines, des endroits sacrés, des greniers et des entrepôts.



Bamana female ancestor lock Toro wood and metal with Bagana sap patina H: 17” / 43.2 cm

Serrure Bamana représentant un ancêtre féminin

Bois toro avec patine de sève bagana H: 17” / 43.2 cm

Provenance: Morton Dimondstein, Los Angeles; John Rich, Beverly Hills Identifying the gender of the Bamana figure on a lock usually depends on the area around the head. A female ancestor has long, downpointing extensions on either side of the head that represent the coiffure of a Bamana woman. A Bamana female door lock has breasts which represent fertility. This lock has a large body that possibly represents a pregnant woman. Of particular interest in this lock is the addition of the diamond-shaped form beneath its body. This form would invoke Faro, the supreme deity and the powers he brings to bear. The facial area of this lock is an excellent example of the glass-like patina locks can develop with continued handling and the Bagana plant sap used to coat the locks. The Bagana bean pods are boiled to make a pitch-like substance, which is then applied to the lock surface. This serves two functions: it acts as a preservative for the wood and imparts a darker color, which is aesthetically desirable.

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L’identification du sexe d’un personnage sur une serrure Bamana se fait le plus souvent à partir de la zone autour de sa tête. Un ancêtre féminin a des prolongements vers le bas de part et d’autre de sa tête qui représentent sa coiffure, et ses seins représentent la fertilité. Cette serrure a un grand corps qui fait vraisemblablement allusion à une femme enceinte. L’addition de l’élément en forme de diamant sous le corps de l’objet est à noter. Cette forme indique Faro, la divinité suprême, et les pouvoirs qu’il exerce. Le visage de cette serrure fournit un exemple excellent de la patine lisse et vitreuse qu’on observe sur les objets de ce genre qui ont été très souvent manipulés, et de la sève végétale bagana avec laquelle on les frottait. Les cosses des haricots bagana sont bouillies pour en faire une pâte qui est ensuite appliquée à la surface de la serrure. Cette manipulation a une double fonction : elle protège et aide à conserver le bois, et elle confère une couleur plus foncée à l’objet, qui est considérée plus esthétique.



Bamana female ancestor lock Toro wood with Bagana sap patina H: 18” / 45.7 cm

Serrure Bamana représentant un ancêtre féminin

Bois toro avec patine de sève bagana H: 18” / 45.7 cm

Provenance: Hiroshi Ogawa, Tokyo; Thomas Murray, Belvedere The simple, geometric realization of the body on this Bamana female ancestor door lock would be indicative of its coming from the Cercle district of Bougouni. This door lock has many similarities to the Bamana female ancestor door lock seen on the previous page. It also has a finely developed patina from the thick coating of Bagana seed pod sap, and exhibits a warm glass-like surface on the areas most frequently touched: the face, the hair crest and the breasts. The engravings on these door locks were done with very fine and sharp, hot chisels. The residual charcoal was then scraped clear. With this technique they were able to get the incised lines very close together. The slight engraving on the cross bolt of this lock, consisting of a diagonal cross motif within a rectangle, represents benevolent natural forces, the earth, and the security of the village.

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La réalisation simple et géométrique du corps de cette serrure indiquerait qu’elle provient de la région de Cercle de Bougouni. Elle ressemble en beaucoup à la serrure Bamana représentant un ancêtre féminin qui figure sur la page précédente. Elle a aussi une patine épaisse de sève de cosse de bagana et révèle une surface lisse et vitreuse sur les parties les plus souvent touchées – le visage, la crête de la coiffure, et les seins. Les gravures sur ces serrures étaient exécutées avec un ciseau fin, bien aiguisé et chauffé. Les restes de charbon étaient ensuite enlevés. Avec cette technique, les artistes arrivaient à graver des traits très près les uns des autres. Les quelques traits que l’on observe sur la partie verrou de cette serrure, qui forment un motif de croix diagonale dans un rectangle, représentent les forces naturelles bénéfiques, la terre, et la sécurité du village.



Bamana crocodile/ male ancestor lock

Toro wood with Bagana sap patina H: 18.25” / 46.4 cm

Serrure Bamana représentant un crocodile ou un ancêtre masculin

Bois toro avec sève bagana H: 18.25” / 46.4 cm

Provenance: John Giltsoff, Girona; Kevin Conru, Brussels The interpretation of this lock’s deceptively simple iconography is complex. This form of the head represents a stylized bamada, the hat commonly worn by Bamana men; hence, it is identified as a male ancestor. Added to this interpretation is the representation of the head of a crocodile. As the iconography of locks can be multifaceted in their significance to their respective cultures, it is natural for this lock to be read as both a male ancestor and a crocodile. Here the crocodile is a symbol of the Komo Society and Faro, a manifestation of the supreme deity. Further symbolism is found in the ridged pattern on the center of the head which in all probability refers to a scorpion’s tail, evoking the sacred death of Mousso Koroni Koundye (little old woman with white head)—the first woman to die, killed by the bites of the scorpion. The lozenge-shaped bottom end of the lock body represents the head of the python.

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L’interprétation de l’iconographie de cette serrure à premier abord simple est en fait complexe. La forme de la tête représente un bamada (le chapeau porté par les hommes Bamana) stylisé. Il est donc identifié comme un ancêtre masculin. On peut rajouter à cette interprétation celle de la tête d’un crocodile. Comme l’iconographie des serrures peut avoir des sens multiples pour leurs cultures, il est naturel que cette serrure soit considérée comme à la fois un ancêtre masculin et un crocodile. Le crocodile est ici un symbole de la société du Komo et de Faro, une manifestation de la divinité suprême. La surface crénelée au centre de la tête recèle d’autres symboles. Elle représente très vraisemblablement la queue du scorpion, évoquant ainsi la mort sacrée de Mousso Koroni Koundye (petite vieille femme à la tête blanche), la première femme à mourir, tuée par les morsures du scorpion. La partie basse du corps de la serrure en forme de losange représente la tête d’un python.



Bamana male lock Toro wood and metal H: 12” / 30.5 cm

Serrure Bamana masculine Bois toro et métal H: 12” / 30.5 cm

Provenance: Richard Scheller, Stanford This Bamana lock has a traditional body but an unconventional head. It has been attributed to the Malinke or the Senufo people, but most likely it is a Bamana lock created by a non-Bamana artist. Locks were among the most difficult objects for blacksmiths to carve, and as such it was not uncommon for people with means to travel to a renowned carver from another village or even another ethnic group in order to commission a lock or lock-and-door combination. Though a lock was sculpted according to specifications of Bamana iconography for a Bamana person, a Senufo blacksmith might create the cross bolt in Senufo form (horizontal key entry), which can make positive identification sometimes difficult. The figure on this lock could be either a manifestation of a deity or a historic hero. The fact that the mouth is visible here, instead of obscured as is most often the case, suggests the figure could rule with words or have magic powers. The horizontal lines represent divisions in space, and the complexity and multiple spaces rendered reinforce the interpretation of the lock as representing a personage of either divine powers or heroic lineage. The intricacy and multiplicity of the engravings point to a significant trajectory of both power and presence in the universe.

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Cette serrure bamana a un corps traditionnel mais une tête inhabituelle. Elle a été attribuée aux peuples sénoufo ou malinké, mais elle est en fait vraisemblablement une serrure bamana créée par un artiste non-bamana. Pour les forgerons, les serrures étaient parmi les objets les plus difficiles à tailler, et il n’était ainsi pas rare qu’un individu avec les moyens nécessaires fasse un déplacement pour consulter un artiste de renommée dans un autre village, ou même chez une ethnie voisine, et pour lui commander une porte avec une serrure. Même si une serrure était sculptée selon les spécifications de l’iconographie bamana pour un individu bamana, un forgeron sénoufo aurait pu la fabriquer avec un verrou de type sénoufo (entrée horizontale de la clé). Les identifications certaines sont donc parfois difficiles. Le personnage représenté sur cette serrure pourrait être la manifestation d’une divinité ou d’un héro historique. Le fait que sa bouche est visible, au lieu d’être cachée comme dans la plupart des cas, indique qu’il pouvait diriger avec ses paroles, ou qu’il avait des pouvoirs magiques. Les traits horizontaux représentent des divisions dans l’espace, et l’aspect chargé et les multiples espaces du dessin soutiennent l’interprétation du personnage comme étant un individu doté de pouvoirs divins ou d’une ligné héroïque. La quantité et la complexité des gravures suggèrent une trajectoire importante de puissance et de présence dans l’univers.



Bamana male lock Toro wood and metal, Bagana sap patina H: 13.25” / 33.7 cm

Serrure Bamana masculine Bois toro et métal, patine de sève bagana H: 13.25” / 33.7 cm

Provenance: Hélène Leloup, Paris; James Stephenson, Brooklyn We will probably never know who is represented by this very old lock. The geometric simplicity of the head, which expresses so much with such a minimum of means, gives few clues to its identity. It could represent an ancestral figure, a prominent or highly respected person, or a mythical being. The engraving on the lock body and cross bolt are ambiguous. They may refer to land and space, possibly referencing the placement of a person of great lineage on their life journey. The diagonal engraving on the cross bolt may be evocative of the falling rain. This, of course, is conjecture and, without knowing who or what is represented, the true identity of the lock can only be known to the blacksmith who made the lock and the family who commissioned it. The identity of some locks would be as mysterious to other members of the Bamana community as they are to us today. And yet, in a way, ambiguity is what imbues locks with much of their expression and power. The lock’s iconography would not be defined, but rather absorbed, both consciously and unconsciously, by those seeing it, and would enlighten people according to their own personal experience. The iconography would indicate a general direction—socially, morally and spiritually. Lessons would unfold in accordance with each individual’s capacity to understand them. Like a receding horizon, the more one understood and matured, the more one realized that there was another level of wisdom to be attained.

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Nous ne saurons vraisemblablement jamais qui cette vieille serrure représente. Lasimplicité géométrique de la tête, qui exprime tant avec si peu de moyens, nous fournit cependant avec quelques indices de son identité. Elle pourrait être la représentation d’un ancêtre, d’une personne prestigieuse de haut rang, ou d’un être mythique. Les gravures sur le corps de la serrure et sur le verrou sont ambiguës. Elles pourraient faire référence à la terre et à l’espace, indiquant le placement d’un personnage de grande lignée dans le passage de sa vie. Les gravures diagonales sur le verrou pourraient évoquer la pluie qui tombe. Ce ne sont bien sûr que des conjectures, et comme nous ne savons pas de qui ou de quoi il s’agit dans cette représentation, la véritable identité de cette serrure ne sera connue que par le forgeron qui l’a créée et la famille qui l’avait commandée. Les significations de certaines serrures auraient été aussi énigmatiques pour certains membres de la communauté Bamana qu’elles ne sont pour nous aujourd’hui. Et pourtant, dans un sens, c’est leur l’ambiguïté qui confère aux serrures la belle part de leur expressivité et de leur pouvoir. L’iconographie de la serrure n’était pas définie, mais plutôt absorbée, consciemment et inconsciemment, par ceux qui la voyaient, et elle les éclairait en fonction de leurs propres expériences personnelles. L’iconographie donnait donc l’indication d’une direction générale – sociale, morale et spirituelle. Les leçons en découlaient selon la capacité de chaque individu de les appréhender. Comme un horizon qui va toujours en reculant, plus on murissait et plus on comprenait, plus on se rendait compte qu’il restait encore un prochain niveau de sagesse à atteindre.



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