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LA
TRANSFORMATION
DES
ESPACES PUBLI CS À HANOÏ
L’ i n t é g r a t i o n d e l a p re m i è re l i g n e a é r i e n n e d u m é t ro
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DUC THANH DO
LA TRANSFORMATION DES ESPACES PUBLICS À HANOÏ L’intégration de la première ligne aérienne du métro
Mémoire encadré par Anne Grillet-Aubert Diplôme de spécialisation et d’approfondissement en architecture ARCHITECTURE ET PROJET URBAIN Mention : Architecture des territoires
TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION
CHAPITRE 1: PORTRAIT DES ESPACES PUBLICS CONTEMPORAINS À HANOÏ
1.1 Hanoï : formation d’une ville orientale sous influence occidentale
1.2 Espaces publics en mutation depuis le « Đổi mới » de 1986
1.2.1 L’évolution urbaine de la ville de Hanoi depuis le « Đổi mới » a) L’agrandissement du centre-ville de Hanoi b) Le processus de densification urbaine
1.2.2 L’appropriation des espaces publics a) “Espaces publics protégés” b) Appropriation des “espaces publics décontractés”
1.3 Les enjeux actuels d’une valorisation des espaces publics à Hanoï
CHAPITRE 2: LA VILLE DE HANOÏ ET SON MÉTRO AÉRIEN
p.3 5
1.1.1 La ville orientale et les espaces villageois 1.1.2 L’arrivée des français et les premiers espaces publics à Hanoi 1.1.3 Les KTT à Hanoi et la vie collective (1954 – 1986) 20
36
1.3.1 La place des véhicules privés 1.3.2 Espaces publics aux regards des autorités vietnamiennes
2.1 Les grandes infrastructures de transport au centre de Hanoï
45
49
2.1.1
Espace urbains autour de la voie ferrée sur viaduc 2.1.2 Adaptations liées aux nouvelles infrastructures de transport
2.2 Le métro à Hanoï - ambition et enjeux d’une nouvelle urbanité
2.3 “Skytrain” : le symbole de l’urbanité à Bangkok (Thaïlande) et la création d'espaces semi-publics
2.2.1 vision 2.2.2
60
Le métro - l’élément structurant du Schéma Directeur de 2030, 2050 Enjeux d’une nouvelle urbanité a) La restructuration urbaine b) La valeur foncière c) Efficacité et attractivité du métro 78
CHAPITRE 3: IMPACTS DU PREMIER MÉTRO AÉRIEN SUR LES ESPACES PUBLICS À HANOÏ
91
3.1 Contexte général de la ligne de métro 2A
102
p.89
3.2 Impacts du métro 2A sur les espaces publics environnants
3.2.1 Implantation linéaire sur boulevard Nguyễn Trãi 3.2.2 Autour du lac Hoàng Cầu : la revalorisation d’un grand « espace public protégé » 3.2.3 Le passage au milieu du quartier Thịnh Quang : les vides urbains à aménager
CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE ANNEXE
1
INTRODUCTION
Hanoï, capitale du Vietnam, est une ville au dynamisme urbain
remarquable, symbolisé dans un premier temps par les circulations quotidiennes abondantes de millions de motos et scooters, mais également par l’ambiance chaleureuse et animée des petits commerces remplissant les espaces publics.
Hérités
des
caractéristiques
traditionnelles
asiatiques
et
transformés sous l’influence occidentale, les espaces publics de Hanoï ont connu sans cesse une évolution depuis la réforme économique du pays (appelé Đổi Mới) en 1986. La conception des espaces publics dans la capitale a toujours été remise en cause et encore aujourd’hui, il n’existe pas de vraie politique concernant l’usage et la gestion de ces lieux dans le système juridique du Vietnam. À travers leurs usages quotidiens, on peut distinguer ces espaces publics en deux 1 Les termes « espaces publics protégés » et « espaces décontractés » sont issus de l’observation personnelle de l’auteur de cet actuel mémoire à propos de la pratique paradoxale des espaces publics à Hanoï. L’étude détaillée de ces phénomènes se trouve notamment dans la partie 1.2.2 : « L’appropriation des espaces publics ».
JOUANCHICOT Arnaud. Fabrication et appropriation de l’espace public autour de la rue Hoàng Hoa Thám. Mémoire de Master en architecture. ENSA Toulouse. 2016. p.7 2
catégories : « espaces publics protégés » et « espaces décontractés» 1. Les « espaces publics protégés » sont formels, clos et entretenus par les gouvernements locaux. Cependant, les « espaces décontractés » représentent des morceaux urbains non privés sur lesquels on observe une gestion beaucoup plus laxiste. En conséquence, les habitants s’en sont appropriés, les ont transformés et exploités de manière spontanée. Ce phénomène se répand non seulement dans le centre-ville mais aussi aux abords des nouveaux quartiers. Comme l’exprimait l’architecte Arnaud Jouanchicot dans son mémoire de fin d’étude sur les espaces publics autour d’une rue – digue de Hanoï, les quartiers regroupent une multitude d’activités qui favorisent le dynamisme de la ville :
« Par ici un marché, par là une buvette, là-bas un coiffeur et en face un
cour de badminton. La richesse des usages se développant dans ces quartiers populaires est incroyable» 2
En 2008, suite à l’absorption de certaines provinces alentours,
Hanoï a connu un triplement de sa superficie puis un doublement de sa population lui conférant ainsi le statut d’une métropole. Ce processus d’expansion tend à favoriser son Schéma Directeur de 2030, vision 2050 qui vise à développer la capitale en grande métropole avec la
2
ville centre et 5 villes satellites. C’est dans ce cadre que le projet du métro de Hanoï a fait son apparition comme un élément structurant. Actuellement il n’y a qu’une ligne aérienne, la 2A : Hà Đông – Cát Linh, qui se trouve en voie d’achèvement pour une ouverture prévue début 2019. En traversant les quartiers extrêmement denses et complexes, le cheminement du métro a provoqué bien des modifications importantes pour le tissu urbain de Hanoï. Manquant des protections législatives, les espaces publics alentour du projet, surtout les « espaces décontractés », sont évidemment les plus vulnérables face à ces transformations.
L’objectif de ce mémoire est donc de clarifier les étapes de
transformation des espaces publics de Hanoï à travers les impacts du nouveau projet de métro.
Tout d’abord, la recherche se concentrera sur la conception des
espaces publics à Hanoï et leurs caractéristiques contemporaines. Ce premier chapitre nous permettra de dévoiler les secteurs généraux des espaces publics à Hanoï : son concept oriental sous l’influence occidentale, son évolution spectaculaire depuis la réforme économique (Đổi Mới) en 1986 puis, les enjeux existants.
Par la suite seront étudiés des espaces publics alentour de la voie
ferrée passant par la ville sur un viaduc, ainsi, ceux qui sont autour des autoponts. Cela permettra de contextualiser les infrastructures aériennes de Hanoï et leur rapport avec l’image urbain à proximité. Ce deuxième chapitre visera ainsi à expliquer l’anticipation de l’intégration urbaine du projet de métro sur l’échelle de la ville. Il clarifiera son rôle structurant, ses enjeux au sein du Schéma Directeur 2030, vision 2050.
Enfin, le dernier chapitre concernera le découpage précis pour
expliquer les impacts du métro 2A (première ligne aérienne du projet) avec trois morceaux urbains de Hanoï. Ce travail montrera les analyses et l’observation des espaces publics dans différents contextes dans lesquels le métro s’inscrit.
On obtiendra à la fin de ce travail des éléments de réponse aux
questions suivantes : Quels seront les impacts du projet de métro sur les espaces publics contemporains à Hanoï ? Est-ce que le nouveau métro peut
contribuer à la requalification des espaces publics de la capitale du Vietnam ?
Les réponses soulevées pourront permettre d’être des pistes de
réflexion pour les futurs projets urbains où intervient le métro de la capitale.
3
CHAPITRE 1: PORTRAIT DES ESPACES PUBLICS CONTEMPORAINS À HANOÏ
4
5
1.1 Hanoi : formation d’une ville orientale sous influence occidentale
La ville d’Hanoï se situe au cœur du delta du Fleuve Rouge qui
s’est formé par des millions de couches d’alluvions. Elle se caractérise par la proximité de groupements villageois à la fois agricoles et artisanaux. Depuis qu’elle est devenue la capitale du Đại Việt (ancien nom de Vietnam) en 1010, sa forme urbaine est tout d’abord organisée par la Cité impériale, la ville marchande, ainsi que par des groupements villageois alentours. Hanoï a été localisé selon les principes de Feng 3 CHATELET Raphaël, NGUYEN Ngoc Quyen. Hanoï – Une ville en mouvement, l’impact d’une nouvelle infrastructure de transport sur le développement urbain. EPFL-ENAC, Lausanne, Suisse. 2014. p.25
Shui, les religions confucianiste et taoïste 3, conséquence de mille ans de domination par la Chine. Par la suite, Hanoï est une ville qui a subi les influences occidentales y compris la colonisation à partir du Traité de Hué en 1883 lorsque la France a imposé son protectorat à l'empereur du Vietnam et puis, l’adoption du régime communiste d’origine soviétique après la Révolution d’Août en 1945. Ces événements historiques ont impacté la construction de la ville jusqu’à ce qu’elle devienne une composition urbaine enrichie par plusieurs entités harmonieuses mais aussi fragmentées. Dans une aire urbaine
4
Comité Populaire de Hanoï. Superficie et Population en 2009
de 3.324,92km2 4, le centre-ville de Hanoï est marqué par la coprésence du noyau historique qui contient le quartier marchand, la Citadelle et le quartier français ; d’anciens groupement villageois urbanisés, des KTT (quartier de logement collectif du type communiste), ainsi, de nouvelles constructions gigantesques de l’époque contemporaine.
6 Fig. 1 : Vue aérienne du centre-ville de Hanoï (Source photo : Thang Soi)
7
8
1.1.1
La ville orientale et les espaces villageois
Pendant les dynasties féodales, la Cité Impériale ( Cấm Thành)
fut le lieu symbolisant le pouvoir central majeur du Royaume. Les rois vietnamiens portaient le nom de Thiên tử ( fils du ciel ). Du trône, ils dirigeaient totalement le pays sans prendre en compte le peuple. Le modèle d’agora 5 n’était donc pas existant pendant cette période. Pendant presque mille ans d’histoire du féodalisme, il n’existait pas d’« espaces publics » dans la structure urbaine de la ville. Les espaces non privés au Vietnam avant la colonisation se trouvaient généralement dans les espaces villageois.
Etant formée comme une ville agraire, la civilisation de Thăng
Long (ancien nom de Hanoï pendant la féodalisme) s’est développée au milieu de groupements villageois agricoles, comme le décrit la
« Agora » - terme d’origine grecque qui signifie la population rassemblée dans un même endroit. « C’est avant tout un lieu d’assemblée et de discussion, rendu nécessaire par une forme de démocratie sélective mais participative ». Institut numérique. Agora et espace public 5
géographe Sylvie Fanchette dans son atlas urbain sur l’intégration des villages urbains à Hanoï : « Reprenant le modèle chinois, dont elle avait hérité pendant plus de 1 000 ans de colonisation, l’administration impériale (1010-1872) avait intégré dans les limites de la ville une centaine de villages, composant la ceinture verte et artisanale qui approvisionnait la capitale » 6
6
FANCHETTE Sylvie (éd).
Hà Nội, future métropole – Rupture de l’intégration urbaine des villages, Collection « Petit atlas urbain », IRD Éditions, Marseille, 2015. p.3
Fig. 2 : Le dragon, un élément de l’architecture impériale orientale
9
Fig. 3 : Rue des Chapeaux dans le quartier marchand des "36 rues” (Vieux Quartier d'Hanoï)
Fig. 4 : Marché informel de la rue Jean-Dupuis (rue des tapis) devant une porte de la Citadelle
Fig. 5 : Carte de Hanoï, dessin du Service Géographique de l’Indochine (Édition Avril, 1928). On peut voir clairement des centaines de villages traditionnels autour de la citadelle. Ces groupements villageois sont de tailles très diverses, disposés selon le système routier et hydraulique du territoire.
10
Les villages vietnamiens ( làng ) représentaient un modèle
d’habitat typique qui possède son organisation propre. Cette constitution lui a permis de renforcer sa structure sociale, ainsi que son autonomie au fil de l’Histoire. En effet, pendant la féodalité, les villages possédaient une autonomie significative comme en témoigne le proverbe vietnamien : « Phép vua thua lệ làng » qui signifie « l’ordre du roi est moins fort que la tradition du village » et qui désigne ainsi l’effacement du pouvoir féodal devant l’autorité villageoise.
Les espaces fondamentaux d’une société villageoise s’appuient
sur plusieurs éléments : « cây đa », le bananier (portail symbolique
du village), « giếng nước », le puits (source d’eau partagée entre les habitants) et « mái đình », maison communale (espace sacré pour exercer
des rituels ou pour la discussion de thèmes communs). On compte également un système d’espaces communs à plusieurs échelles qui valorise la cohabitation d’une société villageoise : des marchés ruraux, étangs, temples, locaux collectifs d’une corporation d’artisan... Ils sont utilisés pour des événements collectifs et également pour des activités quotidiennes comme lieu de rencontre, d’échange et de discussion entre habitants.
Cependant, il est nécessaire de préciser que ces espaces
villageois ne sont pas totalement ouverts au public mais portent en fait le nom d’une famille, d’une corporation ou d’un groupe d’anciens du village. Les habitants y font rarement leur apparition comme un individu seul mais ils s’inscrivent plutôt comme membres d’une collectivité. La communauté villageoise n’accepte d’ailleurs l’accès au public qu’à condition qu’il connaisse son rôle comme invité, chargé de suivre les règles en vigueur pendant sa présence au village. Tandis que la structure villageoise semble fermée aux étrangers, les relations internes sont forcements étroits. Comme la relation entre habitants était précieuse pendant époque féodale, le voisinage était souvent très présent dans la vie personnelle. La formation de ces relations ou ces espaces ne se fondait pas sur l’épanouissement de l’individu mais sur le renforcement de la structure et les fonctions d’une collectivité.
PHAM Thuy Loan, architecte, urbaniste et Directeur adjoint
de l’Institut national des architectes, Ministère de la Construction du Vietnam a écrit :
Ces espaces peuvent être considérés comme des espaces politiques
11
Fig. 6 : Les espaces fondamentaux d’un village typique dans la peinture vietnamienne : une maison communale, un point d'eau, un bananier (Source : https://tranhsondau.net/san-pham/cay-da-conglang-m238)
Fig. 7 : Entrée du village Thổ Hà (Source: https://www.lecourrier.vn/tho-ha-village-du-deltadu-nord/123515.html)
Fig. 8 : Performance traditionnelle Célébrations dans la cour d'une Maison communale
12
mais avec un système différent du système impérial. Il s’agit ainsi d’un type
d’espace public villageois qui joue le rôle d’une infrastructure permettant l’existence de chaque communauté pendant l’époque féodale. 7
« Les vestiges » de la société villageoise sont encore présents dans
le tissu urbain de la capitale du Vietnam. Il subsiste par exemple des portails d’anciens villages en plein milieu d’Hanoï. Ces portails servent comme le jalon symbolique pour qu’on peut distinguer l’intérieur et l’extérieur d’un village malgré le fait que l’urbanisation à Hanoï a bien estompé sa forme originale. Depuis les grands boulevards Hanoïens, on rencontre quelquefois ces anciens portails mêlant aux centaines de
« Vì vậy, cũng có thể coi những không gian này là dạng không gian quyền lực, nhưng là một hệ thống quyền lực khác với hệ thống triều đình, một dạng KGCC chính thống phục vụ thiết chế làng xã. Hay, là một dạng cơ sở hạ tầng phục vụ cho sự tồn tại của cộng đồng trong thể chế phong kiến. » PHAM Thuy Loan. « Không gian công cộng trong đô thị – Từ lý luận đến thiết kế » (Espace public urbain – De la théorie à la conception). Kienviet.com. Article. 2016 7
maisons tubes. En y traversant, on peut retrouver la forme urbaine typique d’un village Tonkinois. Par exemple, l’étude des villages anciens, montre qu’ils étaient desservis par « đường cái », c’est-àdire une allée principale qui mène à plusieurs impasses appelées ngõ. Ensuite, ces impasses dépassent les villages en se prolongeant vers les rizières alentour. Ces ensembles villageois étaient cependant bien limités physiquement par des haies de bambou. Aujourd’hui, après la disparition des terrains agricoles et avec une densité bâtie a été multipliée pour plusieurs fois, ce réseau viaire du type villageois existe encore au sein de Hanoï à travers mille couches de ruelles qui gèrent la vie quotidienne des habitants. Actuellement, ces ruelles et impasses appartiennent théoriquement au public mais elles sont ainsi considérées comme des biens villageois où les voisins peuvent s’interagir ensemble. C’est pourquoi, ils sont utilisés très souvent pour les activités propres à chaque village et seulement pour ce village. Fig. 9 : Evolution du village Văn Chương (Arrt. Đống Đa) à travers les cartes historiques et photo aérienne sur Google Maps (2016) de Hanoï : Autrefois un véritable village agricole, il se trouve maintenant au sein d’un quartier urbain le plus peuplé de Hanoï
13
Fig. 10 : Le portail de village Yên Thåi se cache au milieu du tissu urbain. Les deux photos montrent clairement le changement d’ambiance en traversant ce portail. (Source photo : Zing.vn)
14
1.1.2
L’arrivée des français et les premiers espaces publics à Hanoï
Les français furent les premiers urbanistes d’Hanoï pendant
l’époque de la colonisation de 1858 à 1954. Ils ont importé le principe d’aménagement occidental en installant un réseau de voirie orthogonal, ainsi que de grands boulevards centraux, surtout dans le quartier français au Sud du lac Hoàn Kiếm. Il est certain que cette construction immense est réalisée dans l’intention d’effacer l’identité locale vietnamienne en reprenant une morphologie urbaine française. On observe dans ce quartier une organisation d’îlots carrés ou presque carrés, entourés par des rues ou des boulevards urbains de plus de 20 mètres de larges, bordés par des alignements d’arbres de part et d’autre de la chaussée.
Plusieurs édifices comme le Palais du Gouverneur Général de
l’Indochine, l’Opéra de Hanoï, ou encore la Banque de l’Indochine pour ne citer qu’eux, ont été construits pour représenter « la puissance
Philippe PAPIN, Histoire de Hanoï. Édition Fayard, Paris 2001 8
coloniale dans la pierre » 8.
Malgré le fait que ces constructions gigantesques aient pour
but de favoriser la vie des colons au sein du quartier français, on ne peut pas nier leurs influences positives sur le mode de vie urbaine du peuple local. Pour la première fois, les habitants à Hanoï ont l’occasion de marcher sur les trottoirs, de se déplacer en tramway ou de se balader dans les parcs urbains. Au contraire de la structure villageoise, ces espaces publics de principe occidental sont des lieux où tous les individus ont le droit d'y accéder, quel que soit leur statut. Ces espaces publics peuvent-être considérés comme un « instrument physique »
PHAM Thuy Loan. Không gian công cộng trong đô thị – Từ lý luận đến thiết kế (Espace public urbain – De la théorie à la conception). Kienviet.com. Article, 2016 9
par l’État, afin qu’il puisse exercer sa responsabilité démocratique et d’interaction avec la société 9.
Fig. 11 : Les éléments de la vie urbaine à Hanoï pendant l’époque coloniale : Square Chavassieux, tramway, voiries à double sens avec trottoirs du vieux quartier.
15
Pont Paul Doumer
Palais du Gouvernement général de l’Indochine
Opéra de Hanoï
Cathédrale Saint-Joseph de Hanoï
Gare de Hanoï
Fig. 12 : Localisation du quartier français (pointillé rouge) à Hanoï, celui-ci ayant remplacé une partie de l’ancienne Citadelle (pointillé noir). Les français ont construit un réseau routier perpendiculaire, des boulevards urbains immenses ainsi que plusieurs ouvrages architecturaux significatifs. Sur ce plan de la ville de Hanoï (établi par le Lieutenant Colonel Aubé en Mars 1911), on peut observer la rupture entre le tissu villageois vietnamien et l’urbanisme français.
« Le 19 août, une grande effervescence populaire a lieu à Hanoï. Le même
jour, Bao Daï lance à Charles de Gaulle « l’appel d’un ami et non d’un chef » en lui demandant de reconnaître l’indépendance. Une importante manifestation
orchestrée par le Việt Minh a lieu, et la population prend d’assaut le palais 10
Jacques VALETTE, La Guerre d'Indochine 19451954, Armand Colin.1994. p.20.
du gouverneur royal du Tonkin, sous l’œil passif des Japonais. Dirigeant une foule de 20 000 à 25 000 personnes, les indépendantistes parviennent
à occuper les bâtiments publics, obtenant des Japonais la libération de 400 détenus et la remise d’armes confisquées aux Français en mars. 10»
16
Fig. 13 : Meeting de lancement de l’insurrection par le Front Viêt Minh commencé sur le parvis de l’Opéra de Hanoï le 19 Août 1945.
Malheureusement, comme le développement urbain s’est limité
au quartier français et au vieux-quartier, ces influences positives ne pouvaient pas s’étendre à toute la région.
De plus, les espaces civiques à Hanoï ont perdu leur valeur
démocratique sous le régime communiste. Aujourd’hui, il n’existe qu’une proposition du Droit de Manifester au Vietnam mais elle n’est pas encore approuvée. Tous les manifestations, rassemblement du public doivent être autorisés par le gouvernement si bien qu’ils sont placés toujours sous le contrôle strict et rigide de la police.
17
1.1.3
Les KTT à Hanoï et la vie collective (1954 – 1986)
L’histoire de Hanoï s’adapte au contexte socialiste après
la victoire de Điện Biên Phủ (1954) en adoptant le modèle urbain soviétique. En ce temps, tous les efforts du nouveau gouvernement étaient pour but de favoriser le développement de l’industrie lourde sur Minh Tung TRAN. Fabrication du logement planifié sous forme de « KDTM » à Hanoï : la ville de quartiers ou/ et la ville de projets ? Toulouse. Thèse de doctorat (spécialité : géographie et aménagement), 2014. p.45 11
le territoire de la capitale. Pour réaliser cette orientation, les dirigeants vietnamiens ont mis en œuvre des solutions fortes comme le dit Minh Tung TRAN, architecte, docteur en urbanisme : « le gouvernement a nationalisé tous les moyens de production, mis en œuvre rigoureusement des régimes d'enregistrement des ménages, monopolisé la gestion foncière et
la construction de logements » 11. Pendant 10 ans depuis 1976 jusqu’en 1986, les vietnamiens vivaient dans la « Période des subventions ». À cette époque, la majorité des activités économiques et commerciales au Vietnam se trouvait dans l’Économie planifiée après que le secteur privé ait été supprimé et remplacé par l’économie totalement dirigée par l’État.
Dans le domaine du logement, après l’interdiction des
transactions privées d’une économie de marché, seul le gouvernement fabriquait et attribuait des logements. En rapport avec les nouvelles zones industrielles construites dans le périurbain d’Hanoï, les KTT (Khu tập thể – quartier résidentiel collectif), formés par des immeubles de plusieurs étages, sur une superficie de moins de 50 ha (20 ha en 12
Ibid. p.315
13
CERISE Emmanuel, LANCRET Nathalie, de MAXIMY René, PEYRONNIE Karine, SISOULATH Bounleuam. Projets de voirie et recompositions urbaines à Vientiane et Hanoï. Rapport de recherche. 2004 Minh Tung TRAN. Fabrication du logement planifié sous forme de « KDTM » à Hanoï : la ville de quartiers ou/ et la ville de projets ? Toulouse. Thèse de doctorat (spécialité : géographie et aménagement), 2014. p.53 14
moyenne) 12, ont été construits pour répondre aux demandes de logements des travailleurs. Cela facilitait leur trajet quotidien et contribuait à l’image d’une ville socialiste et communiste. Avoir été construites en béton armé préfabriqué, ces lotissements d’habitat collectif en bande, généralement de trois à quatre niveaux étaient inspirés par le modèle soviétique 13. Au début, un foyer n’occupait qu’une pièce, en partageant les cuisines et salles d’eau (notamment dans les KTT Nguyen Cong Tru, KTT Nam Dong) 14. Peu à peu, la conception a été beaucoup améliorée donc un foyer pouvait posséder un appartement indépendant et fermé (le cas des KTT construits depuis les années 1970 comme KTT Trung Tu, KTT Thanh Xuan Bac, KTT Giang Vo…).
Les KTT ont une forme typique : des barres de logements collectifs
sont disposées uniformément autour du cœur de quartier. Ces sont des
18
endroits constitués par des équipements urbains comme les écoles, les centres médicaux ou le Comité Populaire 15. Suite à la collectivisation des biens, les habitants dans ces quartiers devaient partager beaucoup d’activités de vie comme manger, s’habiller, communiquer et travailler ensemble. La vie de chaque individu a été exposée à travers des espaces communs dans les KTT, où l’intimité est devenue moins importante.
15
« En vietnamien : Ủy Ban Nhân dân, en abrégé UBND), élu par le Conseil populaire, est l’exécutif du gouvernement provincial et l’institution chargée de l’administration publique au niveau local et de l’application de la Constitution, de la loi, des textes des autorités supérieures et des résolutions du Conseil populaire. Il prépare et met en place les projets avec les fonctions d’un cabinet gouvernemental. Il a un président, un vice-président et entre neuf et onze membres » – Administration territoiriale du Vietnam. Source Wikipédia.
Fig. 14 : Plan masse du KTT Giang Vo : barres de logements disposées autour des crèches (1), écoles (2) et équipements du quartier (3)
Fig. 15 : KTT Thanh Xuan Bac, 1985 (Source : TRAN Minh Tung. Image d’une conception homogène de tous les KTT de l’époque).
19
La naissance de ces quartiers de logements collectifs avec leur
principe de vie partagée typique au Vietnam est décrite comme telle :
« Après l’indépendance du Vietnam en 1954, des politiques sociales
répondant, entre autres, aux besoins des grandes villes du nord en matière de PEDELAHORRE DE LODDIS Christian, L’habitat collectif à Hanoï dans CLEMENT Pierre, LANCRET Nathalie, Hanoï, le cycle des métamorphoses, formes architecturales et urbaines. Editions Recherches. IPRAUS. Paris 2001. 16
logement ont été engagées. Une nouvelle typologie d’habitat permettant une
forte densité de population, à partir du moment où elle ne s’inscrit pas dans
un tissu existant car elle implique un mode d’implantation différent, apparaît sous la forme des KTT (ROS Lisa, 2001) des années 60 à 80 sur le principe de
partage : partage des accès, partage des salles de bains et des cuisines, partage des escaliers et des couloirs, promiscuité multifamiliale et superpositions verticales de cellules d’habitat » 16
Les vides entre barres de logement ont été transformés de temps
en temps en cours communes de quartier, destinées aux rencontres des habitants. A partir de ces espaces vides, on a installé des équipements simples comme bancs, arbres et jeux d’enfants pour améliorer l’expérimentation des usagers. Ces espaces communs témoignent aussi des événements de propagande, des rassemblements et des élections locales qui renforcent l’apparition de l’État communiste dans la vie quotidienne.
Fig. 16 : Cour communale du KTT Kim Lien C2 (en 1985) – espace vert avec équipements très simples comme le toboggan en béton pour les enfants (Source : Atelier Nelobo)
Fig. 17: Cour communale du KTT Kim Lien C3 (2013) pendant un événement politique local
20
1.2 Espaces publics en mutation depuis le « Đổi mới » de 1986 1.2.1 L’évolution urbaine de la ville de Hanoï depuis le « Đổi mới » a)
L’agrandissement du centre-ville de Hanoï
Dix ans après la réunification du pays et la « Période de
subvention » de 1975 à 1986, le Vietnam se trouvait dans une situation économique difficile et un contexte international instable. Ceci est la conséquence notamment du démantèlement du bloc soviétique puis de l’embargo des États-Unis. Pour faire face à cette situation difficile, en décembre 1986, pendant le VIème congrès du Parti communiste, le gouvernement vietnamien a adopté une réforme essentielle de l’économie appelée Đổi mới - renouveau). Le principe de cette politique d’ouverture était de transformer son économie planificatrice centralisée de subvention budgétaire en une « économie de marché à l’orientation du socialisme » (Kinh tế thị trường định hướng XHCN en vietnamien). Ce mécanisme est une économie de marché soumis à la gestion stricte du Parti Communiste Vietnamien 17. L’État conserve donc le contrôle des filières essentielles comme les mines, la banque et la défense.
Il s’agit de la reconnaissance par l’État du secteur privé, de
l’investissement étranger dans l’économie. Les ménages peuvent ainsi posséder leurs propres affaires et accumuler des richesses : la privatisation de l’agriculture, le droit de propriété des petites entreprises familiales où le commerce privé. Les grandes villes reçoivent de plus en plus d’investissements pour se développer. La majorité de ces capitaux vient des investisseurs étrangers qui recevaient bien des avantages consentis comme l’exonération d’impôt ou encore un taux préférentiel d’impôt sur les intérêts. De plus, auparavant, le gouvernement communiste contrôlait totalement l’habitation de chaque province. L’État prenait en charge totalement la répartition de la population (souvent planifiée selon les provinces natales ou les métiers de chacun) et les gens ne
17
HERLAND Michel, Le Vietnam en mutation. Paris. Notes et études documentaires. La documentation Française. 1999. p.79-80.
21
pouvaient pas déménager sans autorisation. Ainsi, la résiliation de la politique du contrôle d’enregistrement des ménages depuis le Đổi mới a stimulé l’augmentation de la population urbaine parce que les habitants sont devenus dès ce moment libres de leur migration. C’est la raison pour laquelle la réforme du « Đổi mới » est apparue à la fois comme un facteur important du développement économique mais également du développement urbain du Vietnam, notamment de Hanoï.
18 TRAN Minh Tung. Fabrication du logement planifié sous forme de « KDTM » à Hanoï : la ville de quartiers ou/ et la ville de projets ? Toulouse. Thèse de doctorat (spécialité : géographie et aménagement), 2014.
Fig. 18 : Le développement urbain du pays selon les prévisions (établies en 1998)18
Les grandes villes comme Hanoï, Hô-Chi-Minh-Ville deviennent
des « terres promises » pour les migrants ruraux-urbains. Jusqu’en 1986, la limite urbaine de Hanoï est restée confinée dans un espace limité de quatre arrondissements noyaux, soit une superficie de 35km2 environ. En 1995, face à l’urbanisation rapide, la municipalité a décidé de dépasser la deuxième rocade, pour aménager des nouveaux arrondissements urbains en remplaçant sur le plan administratif des communes périurbaines. Jusqu’en 2003, la ville de Hanoï compte 9 arrondissements urbains : Hoàn Kiếm (1), Ba Đình (2), Đống Đa (3), Hai Bà Trưng (4), Tây Hồ (5), Cầu Giấy (6), Thanh Xuân (7), Long Biên (8), Hoàng Mai (9). Désormais, le développement urbain de Hanoï n’a pas encore arrêté. En 2008, la ville a vu sa superficie tripler suite à l’absorption des communes alentour et de la province voisine Hà tây pour former une région capitale de plus de 3000 km2. Suite à cette intégration, son aire urbaine comporte maintenant douze arrondissements en ajoutant Hà Đông (10), Nam Từ Liêm (11) et Bắc Từ Liêm (12) et plusieurs communes/districts ruraux.
22
19
Fig. 19 : Limite administrative de Hanoï et ordre de formation des arrondissements urbains. Le fleuve Rouge reste toujours un grand obstacle imposant à la ville de s’étaler vers le sud-ouest. Les nouveaux arrondissements tels que Hoàng Mai (9) Hà Đông (10), Nam Từ Liêm (11) et Bắc Từ Liêm (12) possèdent des superficies énormes dont la plupart sont des terrains constructibles.
b)
Le processus de densification urbaine
En parallèle de son agrandissement, le tissu urbain de la ville
de Hanoï est devenu de plus en plus dense et complexe. D’un côté, en raison de l’augmentation démographique, le coût de foncier a progressé de manière considérable depuis les années 1990. Le droit d’usage du sol (DUS) est donc devenu une marchandise de grande valeur. La construction et distribution de logement n’était plus contrôlée que par le gouvernement en raison de la politique d’ouverture du Đổi mới. La population a été autorisée à construire et à se loger de manière autonome. Ces conditions furent le point de départ de la densification spontanée du bâti par les habitants.
Pour
rentabiliser
leurs
propriétés,
les
propriétaires
ont
commencé à diviser leur terrain en « tranches » à revendre. Par la suite, les nouveaux réseaux viaires ont favorisé des opportunités de commerce et de service sur les parcelles qui s’alignent de part et d’autre. L’implantation de logements du type habitation-commerce était connue depuis longtemps dans le vieux quartier marchand de
(Le) DUS, « Droit d’Usage du Sol » (« Quyền sử dụng đất » en vietnamien) est un type de droit important concernant la propriété foncière qui est essentiellement défini par la constitution de 1992 lorsque « les terres constituent la propriété du peuple tout entier ». « Alors que le détenteur de ce droit est simplement défini comme « l’utilisateur du sol » (người sử dụng đất) par les textes réglementaires, il nous est arrivé de rencontrer dans la presse l'expression assez surprenante de « propriétaire du droit d'usage du sol » (chủ quyền đất). Le seul propriétaire du droit d'usage du sol est bien sûr l’Etat (ou plutôt « le peuple tout entier » d'après la constitution). Cet amalgame montre à quel point la reconnaissance des droits d'usage des particuliers sur leurs terrains a été perçue dans la conscience collective comme la reconnaissance de la propriété foncière ». Selon TRAN Minh Tung. Fabrication du logement planifié sous forme de « KDTM » à Hanoï : la ville de quartiers ou/ et la ville de projets ? Toulouse. Thèse de doctorat (spécialité : géographie et aménagement), 2014. p.20
23
Hanoï. Cette logique de proximité a permis la division parcellaire qui donne, au final, une série des logements et une mixité fonctionnelle (habitation, commerce, bureau, logement locatif…) basés sur des parcelles très étroites de 3 à 6 mètres de largeur mais d’une profondeur allant jusqu’à 20 mètres, bien accessibles depuis les voies de dessertes ou les impasses.
Fig. 20 : Logique parcellaire et formation des nouvelles impasses. (Schéma réalisé d’après les cartes de l'IRD dans l’ouvrage : « Hà Nội, future métropole. Rupture dans l’intégration urbaine des villages. » FANCHETTE Sylvie (éd)) Fig. 21 : Vue en plongée d'un quartier résidentiel spontané. Des milliers de maisons tubes se pressent jusqu’aux bords du lac.
Fig. 22 : Maisons tubes ouvrant directement sur la voie et possédant une mixité fonctionnelle significative (commerces, services, bureaux en bas/ logement en haut) (Source photo : Janice Pierce)
24
En faisant face à la croissance de la population dans les grandes
villes, le gouvernement vietnamien a décidé de mettre en œuvre une politique pour encourager la construction des parcs de logement sous forme de quartiers résidentiels bien aménagés dans la surface de 20 à plus de 50 hectares – KĐTM (Khu đô thị mới – nouvelle zone urbanisée) 20. Depuis le démarrage de la première KĐTM en 1997, la ville de Hanoï est désormais entourée par plusieurs projets construits et projetés. Ces KĐTM existent en plusieurs classes et styles d’architecture, modestes ou aisés, à but d’habitation ou d’investissement. Elles sont construites par des promoteurs publics ou privés, même par les investisseurs
20
TRAN Minh Tung . Fabrication du logement planifié sous forme de « KDTM » à Hanoï : la ville de quartiers ou/ et la ville de projets ? Toulouse. Thèse de doctorat (spécialité : géographie et aménagement), 2014. p.338
étrangers sous des planifications plus contrôlées. Pour répondre aux besoins variés des clients, ces KĐTM comprennent en même temps des tours d’habitation de haute densité, des logements individuels du type maisons tubes, également, des villas luxueuses.
Tandis que les KĐTM accueillent une population très dense
notamment dans les tours résidentielles présentes en grand nombre, le tissu des constructions spontanées s’étale en remplissant de plus en plus les interstices restants. Finalement, la ville devient de plus en plus large tandis que les habitants sont au fur et à mesure à l’étroit. Fig. 23 : La mixité d’une KĐTM : vue plongée sur les tours résidentielles très denses, les villas luxueuses et les maisons tubes.
tandis que les habitants sont au fur et à mesure à l’étroit.
Fig. 24 : Différence de tissu urbain entre zone spontanée (à gauche) et KDTM (à droite). Dans les KDTM, les maisons tubes sont implantées de manière homogène et le réseau viaire est plus cohérent donc il y a très peu d’impasses ou ruelles. (Source graphique : Arnaud Jouanchicot, Fabrication et appropriation de l’espace public autour de la rue Hoàng Hoa Thám. ENSA Toulouse. 2016)
25
21 Comité Populaire de Hanoï. Calculation selon les chiffres officiels du Bureau de la promotion du commerce. Calcul pour 4 arrondissements : Hoan Kiem, Ba Dinh, Hai Ba Trung, Dong Da : population : 1 116 300 habitants – superficie : 34,59km2
22
Emmanuel CERISE, Sylvie FANCHETTE, Danielle LABBÉ, TRAN Nhat Kien, Julie-Anne BOUDREAU. « Extension de la ville par intégration des villages urbains ».
À Hanoï, les arrondissements centraux possèdent les densités
les plus élevées avec environ 32 373 habitants/km2 en 2017 21. Ensuite, les zones périurbaines participent également à ces « concours d’urbanisation ». Là-bas, on constate notamment la répétition de la densification aléatoire des groupements villageois. En devenant les quartiers urbains (phường) pour intégrer dans les arrondissements, ces villages perdent rapidement leurs terrains agricoles en raison d’augmentation du coût de foncier. Ce phénomène peut être observé à travers au moins 148 villages qui sont passés vers le statut urbain 22. Comme le coût du foncier dans le centre-ville est devenu de plus en plus hors de prix, ces nouveaux quartiers se transforment en destination favorable pour les nouvelles migrations rurales-urbaines.
Fig. 25 : Le calcul de densité résidentielle (nombre d’habitations/superficie), selon les chiffres de 2017, évoquant une densification concentrique importante.
Aujourd’hui, la morphologie urbaine de la ville centre de Hanoï est
représentée par un mélange très complexe où chaque entité urbaine (villages urbanisés, KĐTM, KTT, zone spontanée…) possède sa propre nature. Ces caractéristiques sont à la fois traditionnelles et modernes, harmonieuses mais aussi fragmentées. Il existe toujours parmi les espaces de transition euxmêmes, des conflits à intervenir. Ce phénomène pose toujours des enjeux importants pour les urbanistes et les dirigeants qui cherchent des solutions pour équilibre le développement de la capitale en mutation.
Fig. 26 : Vue satellite de HanoĂŻ
26
Fig. 27 : Localisation des entités urbaines de Hanoï en 2009 (Source : Carte27réalisée d’après les cartographies présentées dans l’ouvrage : « Hà Nội, future métropole. Rupture dans l’intégration urbaine des villages. » FANCHETTE Sylvie (éd)). Cette carte montre la complexité et la diversification urbaine de Hanoï.
Fleu
ve R
ouge
28
1.2.2
Il
L’appropriation des espaces publics
n’existe
aujourd’hui
pas
d’article
précis
concernant
l’exploitation des espaces publics dans le système législatif du Vietnam. En principe, tous les éléments urbains non-privés sont définis comme « paysage urbain » (cảnh quan đô thị en vietnamien) et sont protégés par la gestion du gouvernement local.
Le paysage urbain se met sous la gestion directe du gouvernement
local. Les propriétaires des ouvrages architecturaux et urbains sont chargés de le protéger, le maintenir pendant l’exploitation 23.
Pourtant, selon la recherche coopérative entre le Canada et le
Vietnam publiée en 2015 « Hanoï Youth Public Space », il existe une idée partagée par les urbanistes vietnamiens : les « espaces publics »
23
Article no 6.2.a, Chapitre 2, Décret 38/2010/NĐCP Gestion des espaces, architectures et des paysages urbains : « Cảnh quan đô thị do chính quyền đô thị trực tiếp quản lý. Chủ sở hữu các công trình kiến trúc, cảnh quan đô thị có trách nhiệm bảo vệ, duy trì trong quá trình khai thác, sử dụng ».
sont les lieux urbains où tout le monde peut venir afin de socialiser, se reposer et pratiquer des activités récréatives 24. Malgré la compréhension consensuelle de l’expression không gian công cộng (espace public) au sein de la communauté des urbanistes, les documents politiques évitent d’utiliser ce concept.
Les experts interrogés par la recherche « Hanoï Youth Public
Space » sont ainsi d’accord en donnant les exemples des espaces publics comme les parcs, les places urbaines, les squares, les lacs, les cours communs des quartiers résidentiels, les marchés, les espaces verts, les trottoirs et les rues 24. Mais dans la pratique à Hanoï et au Vietnam en général, ces espaces publics sont soumis aux différents mécanismes d’exploitation. Par l’observation et l’étude sur terrain, deux catégories se distinguent : les « espaces publics protégés » (espaces publics formels) et en particulier les « espaces décontractés » où l’on observe des phénomènes paradoxaux provoqués par une gestion beaucoup plus souple du gouvernement local et par les usages spontanés des habitants alentours.
24
Institut national de la recherche scientifique (INRS, Canada), l’Institut de sociologie de l’Académie des Sciences sociales du Vietnam (IoS-VASS, Vietnam) et l’association HealthBridge (Vietnam et Canada). Hanoï Youth Public Space. Rapport de recherche. 2015. p.29
29
a)
Espaces publics protégés
Les espaces publics protégés sont principalement des espaces
publics formels comme parcs/places/squares urbains... C’est-àdire les espaces qui possèdent une limite claire. La protection y est parfois représentée à travers les clôtures, les tarifs d’accès ou l’horaire d’ouverture. Quelques espaces existent dans la structure urbaine de Hanoï depuis l’époque coloniale française jusqu’à présent tandis quelques autres s’inscrivent dans les nouveaux projets comme étant des composantes indispensables. Les nouveaux parcs, jardins publics sont planifiés avec une fonction dédiée à la récréation, la détente ou encore à l’aération des habitants.
Concernant leur gestion, ces espaces sont surveillés par des
forces juridiques comme le gardien, les polices locales… Il y a aussi des organisations spécifiques prenant en charge les entretiens afin d’assurer l’intégrité de ces espaces. Par exemple, Hanoï Green TreesPark Company est la société publique de la ville qui s’engage à l’entretien, au développement des parcs et des jardins publics.
Fig. 28 : Activités des jeunes au parc Lénine (Source photo : Hanoï Youth Public Space) 25
AMEZ-DROZ Steve, ASTRUP CHAUVAUX Anne-Charlotte, CHATELET Raphaël, DEBONS Maurice, NGUYEN Ngoc Quyen, Les figures de l’espace public Hanoïen. Mémoire écrit. EPFL-ENAC, Lausanne, 2014. p.8
Actuellement, ces espaces sont très fréquentés et appréciés par
les gens parce qu’ils permettent d’offrir des espaces dégagés et frais, au contraire de la trame bâtie bondée et exiguë de la ville d’Hanoï. Dès six heures du matin, beaucoup de monde se retrouve dans les parcs, sur les places urbaines pour se divertir, faire du sport ou se promener dans « l’ambiance paisible et ombragée de ces espaces 25».
30
26
Fig. 29 : Graphique de la densité d’utilisateurs de midi à minuit au Parc Lénine (Source : Hanoi Youth Public Space). Les deux horaires les plus fréquentés sont juste avant et après l’heure habituelle du dîner pour les vietnamiens (18h et 21h)
Conformément au rapport « Hanoï Youth Public Space », le
centre-ville de Hanoï manque toujours d’« espaces publics formellement conçus » et ceux qui existent sont de plus en plus surpeuplés 26. Selon cette recherche, l’offre des espaces publics est pauvre dans la capitale du Vietnam en raison de la densité humaine la plus élevée au monde (jusqu’à 404 habitants/ha). Les « espaces publics protégés », autrement dit les espaces publics formels sont très rares, représentant seulement 0,3% du territoire de la ville, soit moins de 1m2 par habitant 27. Bien que la ville ait fait des efforts pour augmenter le nombre et améliorer la qualité des espaces, la situation reste encore insatisfaisante, notamment face au boom démographique des quartiers urbains à Hanoï (croissance de 1 million d’habitants entre 2000 et 2010 28).
À Hanoï, en dehors des parcs, jardins publiques,… on peut
rencontrer l’image typique des « espaces publics protégés » dans les figures des lacs urbains. Ces surfaces d’eau se présentent à travers 123 lacs répartis dans les arrondissements centraux et ceux en périphérie 29
. Ils constituent des espaces de détente favorables pour les habitants,
ceux qui pratiquent des activités physiques et des interactions sociales à leurs abords. Dans un environnement très dense et pollué comme celui de Hanoï, ces lacs jouent des rôles indispensables. Pendant l’été quand la température peut atteindre jusqu’à 42°C, ils constituent la fonction thermique, offrant des ouvertures spatiales, celles qui sont renforcée par la végétation qui s’y déploie en périphérie 30. Les
Institut national de la recherche scientifique (INRS, Canada), l’Institut de sociologie de l’Académie des Sciences sociales du Vietnam (IoS-VASS, Vietnam) et l’association HealthBridge (Vietnam et Canada). Hanoï Youth Public Space. Rapport de recherche. 2015. p.3 27
Ibid.
28
PHAM Thi Thanh Hien, Danielle LABBÉ, Étienne PELLETIER. Một công viên cách bao xa ? Vẽ bản đồ về sự phân bố và khả năng tiếp cận không gian công cộng tại Hà Nội (La distance d’un parc ? Cartographie de la localisation et l’accessibilité des espaces publics à Hanoï). Article. Tạp chí Xây Dựng (Magazine de Construction) No 74. 2015 29
Katrine-Soleil ROY. L’aménagement des abords des lacs de Hanoï, Vietnam : la protection des lacs par l’appropriation de l’espace. Mémoire de Master en urbanisme. Université de Montréal. 2014-2016. 30
JOUANCHICOT Arnaud. Fabrication et appropriation de l’espace public autour de la rue Hoàng Hoa Thám. ENSA Toulouse. 2016. p.15
31
31 Résultat d’une observation de 66 lacs et d’entretiens avec 26 usagers sur 5 lacs. Katrine-Soleil ROY. L’aménagement des abords des lacs de Hanoï, Vietnam : la protection des lacs par l’appropriation de l’espace. Mémoire de Master en urbanisme. Université de Montréal. 2014-2016.
habitants dans les quartiers alentours apprécient vraiment les lacs de proximité et leurs abords pour leur espaces naturel et l’air frais donc ils s’y rendent plusieurs fois par jours 31. En raison de cela, ce n’est pas d’une exagération si on considère ces lacs urbains comme des lieux de vie sociale privilégiés. Pourtant, à Hanoï, malgré le fait que ces lacs se figurer comme des espaces publics formels, ils ont subi, depuis deux décennies, une chute considérable en termes de surface totale, sous la pression de la valeur foncière. Les problèmes actuels concernant l’aménagement des abords des lacs de Hanoï ont été cités par Katrine Soleil Roy, dans son mémoire de Master en urbanisme :
« Problème théorique : La population des communes urbaines de Hanoï a
doublé entre 2000 et 2010 et en même temps, on a observé une diminution de la surface totale des étangs et des lacs de 15%, pour passer de 224 lacs en 2000 à 123 en 2010. La pression foncière a un impact sur la disparition de ces espaces publics. Les
lacs sont remblayés pour faire place à de nouvelles constructions, réduisant ainsi le nombre d’espaces publics accessibles aux résidents.
Problème pratique : La société vietnamienne fonctionne de façon top-
down. Proposer des projets à implanter par la communauté s’avère difficile puisque la population en général croit que c’est le travail du gouvernement de s’assurer
que les endroits publics soient propres et bien entretenu, par exemple. Les projets 32
Ibid.
d’organismes locaux sont difficiles à mettre en place».32
32
Fig. 30: La distribution des jardins publics du centre-ville de Hanoï entre 2000 et 2010. On peut observer facilement que ces espaces publics se concentrent dans le cœur historique de la ville ce qui provoque un déséquilibre avec les autres arrondissements. (Source : Hanoi Youth Public Space)
Fig.31 : La transformation des parcs et surfaces d'eau du centre-ville de Hanoï entre 2000 et 2010. Alors que dix nouveaux parcs ont été créés et représentent un million de mètres carrés, on constate au contraire une diminution importante des surfaces d’eau (avec une centaine de lacs qui ont disparus sous l’impact de l’urbanisation) (Source : Hanoi Youth Public Space)
33
b)
Appropriation des « espaces publics décontractés
Le phénomène le plus lisible dans le contexte urbain
d’aujourd’hui est l’appropriation des espaces publics et leur occupation par des millions d’activités commerciales spontanées. Ces évènements sont provoqués par la libéralisation économique du Đổi mới qui permet aux habitants de mener leurs commerces privés en plus de leur travail principal. Par exemple, un fonctionnaire peut mener sa petite activité chez lui (réparation de vélo, petit buvette ou boulangerie…) après être sorti du bureau. Du point de vue des habitants, il s’agit d’une bonne façon d’améliorer leur cadre de vie après une difficile époque de subvention (Thời bao cấp en vietnamien). Cette époque, qui s’est 33
Le Vietnam, « La période de subvention – Souvenirs et renouveau », juillet 2016. Disponible à l’adresse : http://www.le-vietnam.net/ la-periode-de-subventionsouvenirs-et-revive/
appliquée entre 1976 et 1989, consistait à une économie planifiée par l’Etat, où les biens créés par les habitants étaient envoyés à celui-ci qui les redistribuait ensuite sous la forme d’une petite somme d’argent et de tickets de rationnement. L’économie de l’Etat interdisait et remplaçait l’économie de marché 33.
De plus, toujours à cette époque, la surface d’un logement ne
semblait pas toujours suffisante pour développer les commerces et se limitait à 4m2/personne. Il existait également des logements avec des localisations défavorables à l’installation d’un commerce. C’est pour cette raison que les espaces publics locaux sont devenus des terres promises pour l’appropriation spontanée et la création de commerces.
Selon les autorités locales, les activités commerciales à petite
échelle apportent quand même plusieurs avantages : elles favorisent l’économie privative, baissent le chômage, contribuent au budget des travaux publics par les taux et frais d’occupation. En matière de gestion, ce phénomène paradoxal existe puisque l’épanouissement économique 34
Truong Van. Mâu thuẫn giữa quy hoạch đô thị và kinh tế vỉa hè (Conflits entre planification urbaine et l’économie sur les trottoirs). RFA. 2008
est une priorité au Vietnam. Malgré leur statut ambigu, les petits commerces spontanés (kinh tế vỉa hè- l’économie sur les trottoirs ) jouent le rôle indispensable pour la vie d’une grande partie de la population urbaine 34. Dans les documents législatifs, les appropriations de l’espace public sont clairement interdites mais au niveau pratique, la gestion est beaucoup plus laxiste.
D’un autre côté, l’identité d’une population de nature villageoise
résiste plus ou moins aux éléments modernes. Les habitants qui se
34
sont habitués depuis plusieurs générations au faible rôle que tient un individu, ne se sentent pas très responsables des biens communs 35.
L’appropriation des espaces publics rencontre donc très peu de
restriction du gouvernement local et même peu de protestation des
35
Proverbe vietnamien : « Cha chung không ai khóc » (équivalent à « Everybody’s business is nobody’s business »)
habitants gênés.
A Hanoï, ce phénomène extraordinaire est devenu l’une des
caractéristiques les plus typiques de la ville. Très clairement, on assiste à l’installation de milliers des petits commerces dans presque tous les coins vides et non privés de la ville. Hanoï devient une « symphonie vivante » d’activités commerciales exposées sur son réseau viaire. Les commerçants étalent leurs produits, agrandissent la surface de leur commerce ou transforment quelques mètres carrés de trottoir en atelier, en places de stationnement ou pour d’autres usages divers. Les clients font leurs achats depuis l’extérieur, profitant de services et de plats délivrés directement avec confort. Dès cinq heures du matin, les marchés informels s’installent déjà sur les voies secondaires des quartiers résidentiels ou dans les cours communes des KTT (quartier de logements collectifs du type communiste). On retrouve ici l’image des anciens marchés communautaires où les commerçants se construisent leur organisation non officielle mais bien cadrée par les accords oraux. Cette organisation est forcément structurée et flexible, ainsi on observe parfois des commerces différents se remplaçant sans conflit dans un même endroit selon les horaires. Les habitants, notamment les femmes vietnamiennes, fréquentent ces lieux pour acheter de la nourriture fraîche, pour rendre visite et bavarder avec les voisins ou les vendeurs. De plus, comme la limite entre sphère publique et sphère privée au Vietnam s’est beaucoup estompée depuis l’époque socialiste, on observe ici des activités domestiques s’ouvrant en partie sur la rue, les ruelles devenant des cuisines, où l’on y fait la vaisselle ou accroche le linge. 36
« Alors que la ville offre peu de grands espaces, les vietnamiens
regorgent de solutions pour perpétuer les traditions dans leur quartier.
Les grands trottoirs périphériques aux bâtiments publics, industriels et
résidentiels sont pris d’assaut par les sportifs, les parkings et les commerces légers… Le parvis d’une école se transforme en terrain de badminton…» 36
AMEZ-DROZ Steve, ASTRUP CHAUVAUX Anne-Charlotte, CHATELET Raphaël, DEBONS Maurice, NGUYEN Ngoc Quyen, Les figures de l’espace public Hanoïen. Mémoire écrit. EPFL-ENAC, Lausanne, 2014. p.12
35
Cette observation des étudiants suédois a décrit la vitalité
continuelle de vie journalière autour des « morceaux publics » à Hanoï. Là-bas, les habitants vietnamiens sont généralement prêts à s’adapter avec tous les espaces non privés afin de contribuer à leurs usages. Il n'est pas exagéré de dire que chaque petit morceau dans la morphologie urbaine de Hanoï représente une opportunité économique ou un lieu d’accueil potentiel pour les activités très diverses et créatives.
Dans le contraire, comme la trame bâtie dense et très complexe
d’Hanoï pose beaucoup de difficultés en termes de gestion, les politiques urbaines semblent toujours en retard en empêchant l’explosion et la propagation de ce phénomène au niveau de la ville. Chaque année, il y a pas mal des campagnes de sensibilisation du gouvernement local afin de « rétablir l’ordre » sur les trottoirs ( Khôi phục trật tự ). Cependant, le résultat de ces campagnes ne dure généralement pas pour longtemps parce que toutes les sanctions sont toujours au niveau dissuasif ce qui ne peut pas changer la conscience des habitants au sujet de l’appropriation des espaces publics. Par conséquence, il est très facile de trouver la répétition de même manière des espaces appropriés aux abords des nouveaux grands projets. Fig. 32 : Image urbaine vivante et chaleureuse de Hanoï. (Source photo : CNN)
Fig. 33 : Mille et une façons de s'approprier les trottoirs et les réseaux viaires par les habitants: extension des ateliers, des boutiques sur rue, les marchés quotidiens sur trottoirs, les coiffeurs ambulants...
36
1.3 Les enjeux actuels d'une valorisation des espaces publics à Hanoï 1.3.1
La place des véhicules privés
Le paysage urbain à Hanoï est aujourd’hui très remarqué
par la primauté des véhicules privés. Sur les chaussées, les motos et voitures remplient tous les espaces vides en mélangeant dans une circulation très difficile voire chaotique. La capitale du Vietnam s’est développée rapidement au cours des dernières années (notamment grâce à la libéralisation du « Đổi mới » en 1986) et ceci a conduit à une forte motorisation et au problème de la congestion comme toutes les autres métropoles asiatiques. En 2000, les chercheurs ont évalué Hanoï comme étant une « ville dépendante au motocycle » avec notamment
37
« In the middle 2000, researchers assess Hanoï is a “motorcycle dependant city” (Khuat Viet Hung, 2006) and traffic congestion issues are becoming more and more an issue » Clément MUSIL, Christiane MOLT, Building a Public Transportation System in Hanoï : Between emergency and constraints, Hanoï, Document de conférence, 2010. p.2
des problèmes de congestion routière de plus en plus graves 37.
Auparavant, Hanoï était une ville très peu motorisée avec
la majorité de déplacements urbains réalisés à vélo et en transport en commun avec, par exemple, l’ancien tramway existant depuis la colonisation française. Cependant, la réforme de 1986 évoquée précédemment a conduit à une croissance économique impressionnante (entre 7% et 8% chaque année depuis le début des années 2000). Cela a permis aux habitants de commencer à acquérir leurs propres véhicules comme des motos et voitures. Jusqu’en 2008, les deux-roues à moteur constituaient 80% des déplacements quotidiens tandis que le transport en commun (réseau du bus) était de 11% 38. Les autres modes
38
NGUYEN Thi Thanh Huong – La répartition modale à Hanoï (Source : IMV, 2003 ; MOLT, 2008 ; JICA, 2007 ; HAIDEP, 2007, p. 8-21 ; CUSSET, 2003a ; et CAI, 2007) Éléments pour une mobilité quotidienne compatible avec le transport durable au Vietnam : Enjeux et perspectives d’un report modal vers les transports collectifs et les transports non motorisés, le cas de Hanoï. Lyon, Thèse d’études, 2011. p.88
de transport comme la voiture, le vélo ou encore le piéton restent à 9% en total. Selon NGUYEN Thi Thanh Huong, urbaniste et chercheuse vietnamienne, il existe plusieurs facteurs qui à l’affirmation des deuxroues à moteur à Hanoï et au Vietnam 39 : -
La croissance démographique et le développement
économique intensifient les déplacements en ville. Cela se traduit par le besoin d’une grande quantité de véhicules. -
L’importation de véhicules d’origine chinoise pendant
39
Ibid. p.82
37
les années 1990 dont les prix étaient très accessibles pour la majorité des habitants vietnamiens. Aujourd’hui, même une famille modeste peut acquérir au moins une sinon deux motos. -
La moto offre plusieurs avantages de déplacement : le
coût, le temps, la rapidité, la convivialité, l’indépendance… -
40
Jusqu’en 1998, le Comité Populaire de Hanoï s’est engagé à la restructuration du réseau de transport par bus, suite, la création d’une société d’exploitation en 2001 (TRANSERCO)
L’installation tardive du réseau de transport en commun
et sa faible intégration en raison d’une mauvaise coordination des horaires, des tarifs et de l’interconnexion. Aujourd’hui, le rôle des modes publics dans le transport quotidien à Hanoï reste très modeste. 40 -
Les habitants sont déjà dépendants de tous les conforts
spéciaux du motocycle et ne sont pas prêts à abandonner leur habitude.
En analysant l’aspect théorique et pratique du transport au
Vietnam, Raphaël Chatelet et Nguyen Ngoc Quyen, deux étudiants qui ont réalisé un mémoire de recherche sur la question de l’intégration du 41
CHATELET Raphaël, NGUYEN Ngoc Quyen. Hanoï – Une ville en mouvement, l’impact d’une nouvelle infrastructure de transport sur le développement urbain. EPFL-ENAC, Lausanne, Suisse. 2014. p.65
réseau de métro à Hanoï en 2014, ont décrit la relation entre les modes de transports et la fabrication spatiale de la ville :
« Les modes de transport conditionnent de manière puissante
l’organisation spatiale. Mais l’inverse est aussi vrai, le transport s’adapte au territoire dans lequel il s’inscrit » 41
En effet, l’histoire du développement urbain à Hanoï contribue
vraiment à l’épanouissement des deux-roues à moteur. La ville originale était conçue avec le réseau des petites voiries, impasses étroites (de 0,8 à 2 mètres) et sinueux. Aujourd’hui, on ne peut pas nier qu’un scooter est le choix optimal pour accéder efficacement aux petits coins bondés de la ville.
Fig. 34 : 80% des déplacements urbains à Hanoï sont réalisés par motos et scooters
38
L’augmentation des véhicules privés dans les grandes villes
vietnamiennes a rendu le contrôle difficile.
Dans un premier temps, la moto est un transport flexible à la
conduite spontanée difficile à encadrer. Etant devenue un élément indissociable de la circulation à Hanoï mais également dans le reste du Vietnam, sa forte présence met en péril la qualité des espaces publics. Depuis longtemps, on observe des maisons tubes s’alignant des deux côtés de la rue, ouvrant leurs rez-de-chaussée pour accueillir des activités commerciales comme des restaurants, boutiques et services. Leur développement et leur succès sont assurés par la desserte des motocyclistes. Dans les rues, les vendeurs ambulants venant de banlieue ou province, transportent des fruits, légumes, fleurs ou de petits objets ménagers en circulant et démarchant souvent les clients à vélo ou à moto. C’est ainsi que les clients ont l’habitude d’accéder facilement aux commerces au bord de la chaussée sans descendre de leur moto. Cette pratique provoque bien des méfaits sur la sécurité et l’efficacité du trafic urbain à Hanoï. Cela menace également l’intégrité des autres espaces publics de la ville ou des projets urbains à venir. Il semble très facile pour les habitants d’accéder, de transformer et de s’approprier les espaces ouverts grâce à leurs motos.
Dans un deuxième temps, tandis que le nombre de motocycles
a presque atteint la saturation (5,2 millions de motos sur 7,2 millions d’habitants 42), la voiture se révèle ces dernières années comme enjeu crucial pour la gestion du trafic à Hanoï. De nos jours, les véhicules privés ne sont pas tant un mode de transport que la représentation
42
Selon Bureau des Statistiques générales du Vietnam (GSO) en 2015
du statut de son propriétaire. Le parcours d’une voiture est en effet une preuve de richesse, de style et dénote une classe sociale. Il arrive qu’un ménage habitant dans le centre-ville, n’ayant donc pas vraiment besoin d’une voiture pour ses trajets, utilise quand même son véhicule. L’accroissement du parc automobile, malgré une volonté politique de limiter le nombre de voiture dans les grandes villes vietnamiennes, a atteint une augmentation annuelle de 13% (AFD-2012). Ce phénomène est en soi problématique car une voiture occupe beaucoup plus d’espace qu’une moto sur les voiries ou dans le stationnement « puisqu’elle accentue fortement la congestion ainsi que l’accidentologie» . Par 43
conséquence, bien des espaces publics ont été transformés totalement ou partiellement en devenant les parcs de stationnement.
43
AFD, Gestion et Exploitation du réseau de transport collectif de mass à Hanoï, compte-rendu du séminaire du 19 novembre 2012.
39
Fig. 35 : Le trottoir est utilisé pour le stationnement des commerces alors que le piéton doit emprunter la chaussée. Il s'agit d'une contradiction réelle présente aujourd'hui à Hanoï (Source illustration : FNT)
Fig. 36 : Le boom du nombre de voitures est un nouvel obstacle pour les aménagements urbains de Hanoï. Les infrastructures de transport dans la ville sont toujours surchargées
40
1.3.2 Espaces publics du point de vue des autorités vietnamiennes
Le Comité Populaire de Hanoï a annoncé au cours des dernières
années son « Schéma Directeur de 2030, vision 2050 ». Ce schéma officiel se concentre sur le développement de toute l’agglomération de Hanoï en tant que région-capitale constituée par la ville-centre et les cinq villes satellites alentours. L’intention principale du projet est de valoriser la connexion ville-campagne de toute l’agglomération, ainsi, d’établir un développement urbain plus profond comme un atout pour la ville d’Hanoï. Autrement dit, son ambition est développée toute la région en réduisant l’écart entre centre-ville et les périurbains. L’image prévue est une métropole d’Asie prospère qui favoriserait une économie dynamique et une vie de haut niveau à travers les aménagements et constructions prévues. 44
44
CHATELET Raphaël, NGUYEN Ngoc Quyen. Hanoï – Une ville en mouvement, l’impact d’une nouvelle infrastructure de transport sur le développement urbain. EPFL-ENAC, Lausanne, Suisse. 2014. p.54
Cependant, le rôle des espaces publics dans ce schéma directeur
reste très modeste et ambigu. Le projet prévoit que les ressources investies par la ville permettent sa modernisation en renforçant le cœur politique de Ba Đình, en développant les parcs de logements et l’éducation ou encore les équipements publics. Il n’existe qu’une orientation de l’aménagement sur le réseau des espaces verts qui rassemble à la fois des parcs, des parcs d’attractions selon ces règles : «-
S’efforcer d’atteindre la surface d’espaces verts dans la ville à 10-
15m²/habitant. -
Exploiter et protéger en même temps les paysages naturels à Sóc
Sơn, Ba Vì, Hương Tích puis le réseau fluvial, les lacs qui connectent des parcs urbains et parcs thématiques : le parc historique du Cổ Loa, Đền Sóc ; les parcs culturels dans les centres urbains, villages des métiers ; le parc d’attraction Hồ Tây, le parc zoologique, le parc Thống Nhất, Yên Sở, Mễ Trì … ; les parcs sportifs… » 45
On comprend à travers cette description du réseau des espaces
verts que les autorités vont renforcer et développer les anciens et nouveaux « espaces publics protégés » ainsi que plusieurs types de parc urbain. De plus, la définition et le mécanisme d’exploitation des espaces publics dans le système législatif du Vietnam ne restent pas clair. En termes de lexique, au lieu de mentionner les « espaces publics
45
La Partie 2.8.10. Orientation d’aménagement du réseau des espaces verts de description du Schéma Directeur 2030, vision 2050 décrit : « Định hướng quy hoạch mạng lưới không gian xanh : Phấn đấu chỉ tiêu đất cây xanh tập trung trong đô thị đạt 10-15m2/người. Khai thác bảo vệ cảnh quan các hệ thống cây xanh tự nhiên tại các khu vực Sóc Sơn, Ba Vì, Hương Tích và hệ thống sông hồ, kết nối với các công viên đô thị và công chuyên đề như: Công viên lịch sử Cổ Loa, Đền Sóc; Công viên văn hóa gắn với trung tâm các khu đô thị, khu làng nghề trồng hoa, gốm sứ...; Công viên vui chơi giải trí Hồ Tây, Vườn thú, công viên Thống Nhất, Yên Sở, Mễ Trì…; Công viên thể thao, phục vụ các hoạt động thể thao (khu liên hợp thể thao quốc gia, trung tâm thể thao… » - Synthèse de description du Schéma Directeur de Hanoï 2030, vision 2050 p.10
41
46 Article 2.14, Code de l’Urbanisme du Vietnam 30/2009/QH12 : « Cảnh quan đô thị là không gian cụ thể có nhiều hướng quan sát ở trong đô thị như không gian trước tổ hợp kiến trúc, quảng trường, đường phố, hè, đường đi bộ, công viên, thảm thực vật, vườn cây, vườn hoa, đồi, núi, gò đất, đảo, cù lao, triền đất tự nhiên, dải đất ven bờ biển, mặt hồ, mặt sông, kênh, rạch trong đô thị và không gian sử dụng chung thuộc đô thị »
» (không gian công cộng), le Code de l’Urbanisme en 2009 regroupe tous les éléments urbains non-privés sont définis comme « paysage urbain » (cảnh quan đô thị) :
côtés ouverts telles que les parvis des œuvres architecturaux, les places, le réseau viaire, les trottoirs, les voies piétonnes, les parcs, les végétations, les
jardins publics, les paysages naturels (collines, montagnes, îles, rivages…),
les surfaces d’eau (lacs, rivières, canaux), ceux qui sont compris dans la limite urbaine. » 46
47 Assemblée nationale du Vietnam. Projet du Code de Gestion du développement urbain. 2017.
« « Paysage urbain » est un espace urbain spécifique avec plusieurs
De même, le projet du Code de gestion du développement
urbain en 2017 continue à négliger le terme d’« espace public » ( không gian công cộng ) , en utilisant les mots « paysage urbain» ( cảnh quan đô thị )
et « espace vert » ( không gian xanh ) 47.
Cette
complications 48
Unité résidentielle dans le cadre vietnamien : l’ensemble des logements et des services urbains nécessaires. La population d’une unité résidentielle varie de 4.000 à 20.000 habitants. Source : Ministère de la Construction. Normes de construction du Vietnam : QCXDVN 01 :2008/BXD
ambiguïté empêchant
provoque la
bonne
malheureusement structuration
des
plusieurs espaces
publics. Par exemple, dans les schémas d’aménagements locaux, en dehors de surfaces constructibles et des réseaux techniques (voiries, infrastructures), les projets comme les nouvelles zones urbanisées doivent être convenable avec la norme du surface d’« espace vert ».
Les « espaces verts » dans la législation vietnamienne se divisent
en deux niveaux : l’un est à l’échelle d’unité résidentielle et l’autre est à l’échelle de la ville 48. Les « espaces verts » d’unité résidentielle sont composés des cours de récréation, jardins publics, terrains de sport
49
Ibid.
quotidiens avec une surface obligatoire minimum de 5.000m2 49. Les « espaces verts » de la ville (les parcs, jardins publics pour l’ensemble des unités d’habitation) doivent être conformés avec la surface minium mentionnée dans Normes de construction du Vietnam : QCXDVN 01
50 Ministère de la Construction. Normes de construction du Vietnam : QCXDVN 01 :2008/BXD
:2008/BXD :
Au Vietnam, les villes se distinguent les unes des autres par un classement de I à V qui signifie leur pouvoir économique et politique. Hanoï et Hochiminh-Ville est pourtant les villes de niveau supérieur (ville très importante)
Fig. 37 : Tableau de surfaces des espaces verts publics selon le niveau de ville50
42
Pour atteindre facilement la norme de surface minimum
d’espace vert en validant les projets, les promoteurs ont alors tendance à installer un noyau vert comme un parc urbain énorme au lieu de construire plusieurs espaces à l’échelle plus conviviale pour les unités d’habitation. Pour cette raison, les nouveaux espaces publics prennent surtout la forme de parcs avec des arbres pour la détente des habitants et l’aération urbaine. La conception de ces espaces publics contemporains se concentre plutôt sur la décoration et le côté « vert » (la surface minimum d’espaces verts) en négligeant l’attention des besoins des utilisateurs.
Fig. 38 : Vue aérienne du parc Hoà Bình - Grand espace vert, mais très peu fréquenté
Cependant, les habitants exigent sûrement beaucoup plus qu’un
parc de végétation à côté de chez eux. On observe bien de nouveaux « espaces publics protégés » qui ne sont pas très appréciés par les locaux. Ce phénomène apparaît très clairement quand on analyse les projets de ces dernières années à Hanoï. C’est le cas du Parc Hoà Bình (Parc de la Paix) – le plus grand parc de Hanoï avec une surface de plus de 20 ha, construit en 2010 à l’occasion de la Célébration millénaire de Thăng Long – Hanoï. Un an après l’inauguration, ce parc était presque déserté. Bien qu’il ait été conçu avec une image très moderne influencée par la Chine ou la Corée et qu’il bénéficie d’équipements coûteux, son attractivité reste encore modeste. Il y a bien des explications à cet échec comme par exemple sa localisation défavorable. Le parc se trouve en effet dans un nouvel arrondissement à 12 km au nord du centre-ville, à côté d’un boulevard très chargé. Il n’y avait pas beaucoup de grands arbres au moment de l’inauguration et son gabarit hors échelle n’est pas très favorable à l’interaction des habitants. Cependant, selon les
43
51 - Cafef.vn a décrit le phénomène dans sa publication en mai 2015 sous le titre « Đua nhau “băm nát” công viên Hòa Bình » (« Les gens ont déchiqueté le parc Hòa Bình) comme tel : Douzaine de buvettes, restos du pain, de crème, du thé glacé avec les clients et le transport ont fait l’image chaotique et bouleversante du parc Hòa Bình - Selon Báo Mới : Cette situation transforme l'amusement et le divertissement en une affaire commerciale pour gagner les profits illicites d'un groupe de personnes. Les restos, les buvettes, créent un espace désordonné et disgracieux pour le parc Hoà Bình
articles de presse depuis 2012 jusqu’en 2016, soit quelques années après l’ouverture du parc, de petits commerces apparaissent, s’installent sur le trottoir et encombrent l’entrée du parc 51. Ce phénomène donne une mauvaise image de l’ordre urbain de Hanoï selon les autorités, qui ont alors mis en œuvre des solutions fortes pour l’empêcher. L’article écrit par Chau Anh, journaliste de anninhthudo.vn en juillet 2016 nous informe que les autorités ont mis fin à des activités commerciales illégales autour du parc Hoà Bình et que le gouvernement local a installé un poste de garde permanent 52.
En regardant cet exemple, bien des problématiques se sont
révélées. Certes, ces appropriations spontanées sont illégales, mais elles ont montré le besoin des riverains locaux. Est-il possible, d’offrir des espaces plus adaptés aux utilisateurs ? Comment peut-on avoir des espaces
publics animés en conciliant l’ambition gouvernementale et la vie quotidienne des habitants ?
52
Chau Anh, « Trả lại vẻ đẹp công viên Hoà Bình » (Revitalizer le parc Hoà Bình). Anninhthudo.vn. 2016
Fig. 39 : Les petits commerces s'installent à l'entrée et sur les trottoirs autour du Parc Hoà Bình (Source photo : Baomoi)
Fig. 40 : Juste à côté de ce nouveau grand parc, les jeunes se retrouvent pour faire du sport (football, badminton...) sur une voie abandonnée. Cela soulève des réflexions sur le concept des espaces publics d'aujourd'hui. (Source photo : Baomoi)
44
Fig. 41 : Le nouveau métro aérien se superpose sur un immense boulevard urbain à Hanoï (Source photo : Tienphong.vn)
45
CHAPITRE 2: LA VILLE DE HANOÏ ET SON MÉTRO AÉRIEN
46
« Pendant longtemps, on a considéré que les seuls espaces de la mobilité
étaient les principaux axes de transport, qu’il s’agisse de la route ou de la voie ferrée. Ces axes étaient considérés comme de simples supports de flux sans
lien avec l’environnement urbain à travers lequel ils passent. Il y avait alors
déconnexion entre l’espace de la mobilité et l’espace de la ville » (DOULET Jean-François, 2001)
« Aujourd’hui, on se rend compte qu’une telle vision, trop technicienne,
est réductrice et nuit à un urbanisme soucieux de la qualité de la vie en ville. En effet, on s’est aperçu que les routes ou les voies de chemins de fer,
même lorsque leur efficacité technique est avérée, constitue une coupure dans l’espace et détériore le paysage urbain. Les autoroutes urbaines ne peuvent
pas être facilement traversées par les piétons ou les cyclistes car elles sont
dangereuses ; elles séparent des quartiers qui parfois pourraient bénéficier d’une plus grande proximité ; elles traversent des espaces urbains sans
s’occuper de l’équilibre avec les bâtiments ou les espaces verts existants » (DOULET Jean-François, 2001)
51
Le chapitre précédent nous a aidé à comprendre les éléments
de base des espaces publics contemporains à Hanoï : la formation, l’évolution, les enjeux… Cependant, afin d’étudier l’intégration du métro aérien avec des espaces publics, il est nécessaire de regarder le rapport entre la ville et les grandes infrastructures existantes.
Ces équipements de transport entrainent bien des coupures
dans le paysage urbain et la ville s’efforce de requalifier les espaces contemporains de mobilité et de mieux les intégrer. A Hanoï, les viaducs, autoponts… adaptent le tissu urbain, notamment les « espaces publics décontractés ». En retour, les habitants transforment ces équipements routiers majeurs en un élément qui contribue de plus en plus à la vie urbaine. Les adaptations spontanées ici semblent refléter, d’un autre côté, les éléments qui facilitent la vie des habitants. Autour des infrastructures de transport, les espaces publics sont des lieux où l’on observe de nombreuses activités quotidiennes : les marchés informels sous l’ombre des viaducs, des buvettes s’installant autour d’un autopont...
Comme les infrastructures visibles et aménagées en hauteur
possèdent en effet beaucoup de similitudes avec le métro aérien, on
53
DOULET Jean-François, « La mobilité urbaine : un nouveau cadre conceptuel ». L’institut pour la ville en mouvement. 2001. p.5
47
peut anticiper les problèmes de ce futur métro :
Comment l’appropriation des espaces publics affectera-t-elle le projet
de métro à Hanoï ? Est-ce que ce phénomène est le seul défi pour la réussite du projet de métro ?
Pour présenter correctement le projet de métro aérien à Hanoï, il
faut montrer le contexte dans lequel il s’est formé et l’objectif envisagé par les aménageurs. On y retrouve l’écart entre la planification et la réalité urbaine de la capitale du Vietnam. Ce phénomène représente très potentiellement un autre obstacle pour la mise en valeur du métro comme nouveau réseau de transport urbain.
48
Fig. 41 : Voie ferrée Nord-Sud passant par les cinq gares à Hanoï
49
2.1 Les grandes infrastructures de transport au centre de Hanoï 2.1.1 Les espaces urbains voie ferrée sur viaduc
autour
de
la
La ville de Hanoï ne connaissait jusqu’à aujourd’hui qu’une
ligne de chemin de fer intra-muros, partie de la ligne Nord-Sud qui traverse le pays. En fait, celle-ci n’est pas un transport urbain parce qu’elle ne sert qu’au passage du train « Thống Nhất » (signifiant « Réunification – Symbole de l’après-guerre »). Cette ligne relie les deux métropoles cruciales du pays : Hanoï et Hô-Chi-Minh-Ville, en passant par plusieurs villes principales telles que Huê, Nha Trang et Danang. Ce chemin de fer national a été tracé par les français pendant l’époque coloniale (1887-1954) et durant les années 1960, des extensions et transformations ont été réalisées par le Nord-Vietnam avec l’aide de la Chine. Actuellement, le train dessert cinq stations à Hanoï au total, dont trois stations en milieu urbain : Long Biên, Gare de Hanoï, Giáp Bát, et deux stations en banlieue : Yên Viên et Văn Điển. Ce chemin de fer s’intègre de deux manières très différentes dans les quartiers desservis.
Au Nord, en entrant dans la ville de Hanoï par le pont métallique
de Long Biên, le train passe sur le viaduc. En effet, tout au long de la rue Phùng Hưng (rue Orléans pendant l’époque coloniale) son passage se fait sur un viaduc en pierre de 1,2 kilomètres de long, construit en 1902 et suivant le tracé de l’ancienne muraille de Hanoï. Le chemin de fer se trouve donc à une hauteur de 3,50 mètres au-dessus du sol, descendant de plus en plus en traversant le centre-ville. Pour empêcher les rassemblements des gens et la délinquance au-dessous du viaduc mais aussi pour limiter la pollution sonore et les secousses causées par le train dans le quartier, la ville de Hanoï a notamment refermé de 1969 jusqu’à 1983, 127 voûtes sur 131. Par conséquent, les connexions de part et d’autre de la rue Phùng Hưng sont restreintes. Pour avoir accès à chez eux, les locaux doivent passer une centaine de mètres dans une ruelle extrêmement étroite, sombre et humide.
50
Fig. 42 : Le train passe sur un viaduc, dans un périmètre très proche des constructions résidentielles (Source photo : Tuoitreonline)
Fig. 43 : L’accès très étroit aux maisons à côté du viaduc
Fig. 44 : Il n’y a que trois carrefours le long de la rue (1,2 km environ). La voie ferrée sur viaduc représente un « mur » en pierre qui est très présent dans la ville, provoquant l’effet de coupure important, isolant de nombreuse maisons par des accès étroits
51
Comme le montre la carte, la voie ferrée provoque une coupure
importante dans les quartiers qu’elle traverse. Cet effet se matérialise non seulement par le faible nombre de points de franchissements mais également par le sentiment d’isolement des habitants.
En revanche, aux carrefours, le paysage urbain est marqué par
des activités commerciales extrêmement denses. Commencées avec des occupations « souples » (petite buvette, stand très simple de réparation de vélos, etc.), ces appropriations spontanées se sont bien renforcées au fil du temps, transformées en une série de kiosques en structure métallique. Sans restriction des autorités pendant de nombreuses années, ces installations se sont développées de plus en plus le long du viaduc. Ainsi, il existe aujourd’hui une communauté informelle de commerçants et de leurs familles, qui s’installent à côté des murailles en pierre du viaduc. Au lieu d’évoquer une infrastructure de transport, ce chemin de fer aérien évoque plutôt pour les gens un endroit où des ustensiles de cuisine ou goûter de bons plats dans les restaurants de rue.
Fig. 45 : Activités prolifiques spontanées sous le chemin de fer (Source : toquoc.vn)
52
On peut expliquer ce phénomène ainsi : au lieu de provoquer un
sentiment de danger, cette infrastructure fournit, au contraire, un abri propice pour les activités quotidiennes des habitants. La hauteur et la stabilité de cette structure en pierre représente plus ou moins l’élément d’ancrage et d’ombrage pour des centaines d’activités commerciales aléatoires.
Afin de poursuivre l’amélioration des espaces urbains, la ville de
Hanoï a annoncé son projet de récupérer ces 127 voûtes pour y établir un grand espace culturel. Inspiré par le Viaduc des Arts sur l’Avenue Daumesnil à Paris, ce projet estimé à 100 milliards de Vietnam dong (actuellement équivalent à 4 millions d’euros) vise à promouvoir les échanges culturels et artistiques pour la communauté alentour mais également pour tous les Hanoïens 54. Les autorités locales souhaitent transformer ce site en un espace public, en rue dédiée aux librairies ou en quartier d’art contemporain. Malgré la controverse sur la faisabilité du projet, cet avancement rare a offert des possibilités pour les infrastructures similaires dans la ville. Cependant, le questionnement persiste concernant l’avenir des habitants actuels, ceux qui ont adapté leur vie sur ce chemin de fer aérien pendant longtemps.
54
Estimation citée par M. DUONG Duc Tuan, Président du Comité Populaire de l’arrondissement Hoan Kiem, Hanoï. Source: Hanoï mulls over recovery of 127 archways under iconic elevated railway. Tuoi Tre News, Septembre 2017.
Fig. 46 : La structure en pierre est devenue un lieu favorable pour les activités commerciales spontanées (Source photo : Toquoc.vn)
Au Sud du centre-ville, le chemin de fer diminue peu à peu son
dénivelé au sein des paysages urbains jusqu’à être au même niveau que celui de la rue. Raphaël Chatelet et Nguyen Ngoc Quyen, dans un mémoire sur l’intégration du réseau de métro à Hanoï en 2014, le décrivent ainsi :
« Il provoque sur tout le long de son passage des moments d’arrêts
dans la fluidité du trafic, où un amas de motos et de voitures s’entasse pour le laisser défiler » 55
55
CHATELET Raphaël, NGUYEN Ngoc Quyen. Hanoï – Une ville en mouvement, l’impact d’une nouvelle infrastructure de transport sur le développement urbain. EPFL-ENAC, Lausanne, Suisse. 2014. p.74
53
56
Maisons, compartiments construits sur les parcelle très étroit (3-5 mètres de largeur avec longueur auprès 20 mètres), comme un long tube qui est subdivisé en sections qui servent tous les besoins de la famille 57
« There are barbershops, people selling goods, chefs cooking food and kids running around - all within inches of the tracks. The locals know when the train is coming so they all move out of the way - it is a part of their routine. Old men will sit on the tracks all day. Then, as it approaches four or six o'clock, they get up, move their chairs a metre away from the track and continue talking while the train goes past. When the track is clear they move back into the middle» - Mark DUELL, Now that's what you call door-to-door service: Railway line runs through streets so narrow the train squeezes past shop fronts and traders. Daily Mail. 2014.
Fig. 47 : Un passage à niveau dans le centre-ville de Hanoï. La régulation du trafic n’est pas efficace : bien des blocages, des embouteillages et aussi une violation du code de la route avec des véhicules à contresens comme sur cette photo.
De plus, l’endroit où le train Thống Nhất se déplace lentement
au milieu d’un quartier d’habitation très dense, devant les rez-dechaussée des maisons-tube 56, est devenu incontournable à Hanoï. Ce chemin de fer n’étant pas très développé et mal entretenu, les trains ne roulent que deux fois par jour à horaire fixe et à vitesse faible. Parmi les quartiers traversés par le train, on constate la transformation de l’utilisation de l'espace en sorte d’appropriation « temporaire ». Les habitants vietnamiens, avec leur capacité d’adaptation, ont profité de cet espace « inactif » en le transformant en « une pièce en plus » de leur vie quotidienne. Dans le journal anglais Daily Mail, le photographe indien Ashit Desai a décrit son expérience atypique comme telle :
« Il existe des salons de coiffure, des vendeurs, des cuisiniers et des
enfants qui jouent ensemble - tous à quelques centimètres des voies. Les locaux savent quand le train arrive alors ils s’éloignent à ce moment – c’est
une partie de leur routine. Les personnes âgées vont s’asseoir sur la chaussée toute la journée. Puis, vers quatre ou six heures, ils se lèvent, déplacent leurs
chaises à un mètre de la chaussée et continuent à parler pendant que le train passe. Quand la piste est libre, ils reviennent au milieu »
57
Fig. 48 : Quand le train ne passe pas, ce lieu se lit comme un « espace public décontracté ». Source photo : Ashit DESAI)
54
2.1.2 Adaptations liées aux infrastructures de transport
nouvelles
Depuis longtemps, le paysage urbain à Hanoï est très marqué
par la structuration du réseau viaire. Après avoir été bouleversée par les influences étrangères, la ville comporte actuellement plusieurs entités fragmentées : le vieux quartier, les KTT, le quartier français, les KĐTM (nouvelle zone urbanisée), les maisons-tubes... Cependant, le mécanisme de développement de Hanoï ne change pas beaucoup. Comme le dit d’ailleurs le proverbe vietnamien : nhất cận thị, nhị cận
giang, tam cận lộ , les meilleures localisations pour l’habitat sont « près de la ville, près du fleuve et puis près des voiries ». En conséquence, la construction d’une nouvelle voirie va entraîner rapidement l’arrivée de nouveaux habitants puis de nouveaux commerces et services de proximité.
Cependant,
les
projets
routiers
au
Vietnam
manquent
généralement d’intégration avec leur contexte urbain et sont considérés uniquement comme des axes de transports. En effet, au Vietnam, la planification urbaine (aménagement du territoire) et la planification des transports sont pris en charge par différentes agences du Ministère du Transport et du Ministère de la Construction, et leur coordination n’est pas très efficace. Très souvent, au Vietnam, les projets urbains doivent suivre et s’adapter aux mauvaises conditions que les infrastructures des transports ont déjà apportées. Les projets urbains concernant les zones environnantes des systèmes d’infrastructure de transport rencontrent des problèmes à cause de procédures administratives qui se chevauchent ou qui sont dans l’attente 58. Ce phénomène serait évitable à condition d’organiser une cohérence transversale des projets et d’intégrer le transport dans le champ des études urbaines.
Manquant d’une conception adaptée et de gestion ferme par les
politiques, les nouveaux espaces publics créés par les infrastructures majeures représentent une opportunité commerciale comme évoqué dans le chapitre précédent. Contrairement aux ruelles typiques de Hanoï qui sont étroites et étouffantes, l’installation d’infrastructures primordiales au milieu de la ville (passages, autoponts, chemin de fer sur viaducs…) entraîne souvent la création d’espaces ouverts comme
58
DO Thi Han, NGUYEN Ngoc Tram Anh. Quan hệ tương tác giữa quy hoạch xây dựng đô thị và quy hoạch giao thông (L’interaction entre planification urbaine et planification de transport). Union des associations de science et de technologie du Vietnam (VUSTA). 2011
55
de grands trottoirs ou encore des places de circulation. En raison de cela, les commerçants ont optimisé ces espaces en plein air pour y installer des buvettes, notamment pendant l’été.
Pourtant, il faut préciser tout le monde ne peut pas utiliser ces
nouveaux espaces pour installer des commerces de proximité. En effet, seuls les habitants dont le logement est en rez-de-chaussée et donne directement sur ces lieux publics, peuvent en bénéficcier. C’est une pratique qui s’est diffusée depuis l’apparition des compartiments ou maisons tubes dans la ville. Cette typologie permet d’avoir accès directement à la rue, ce qui est indispensable dans la culture locale. Il est très facile de retrouver des façades complètement ouvertes sur la rue qui répondent à des intentions diverses : faire du commerce ou encore agrandir un logement. La sphère publique – privée reste très ambiguë car l’intérieur d’une maison-tube se projette sur l’extérieur et fait donc partie intégrante de l’espace public. La partie du trottoir devant chaque maison est visuellement et physiquement occupée par l’appropriation 59
JOUANCHICOT Arnaud. Fabrication et appropriation de l’espace public autour de la rue Hoàng Hoa Thám. Mémoire du Master. ENSA Toulouse. 2016. p90
abusive des propriétaires des compartiments 59. Ce phénomène existe depuis si longtemps qu’il n’est pas possible de retracer son origine et aujourd’hui, cela est devenu une règle non conventionnelle parmi les habitants.
Fig. 49 : Coupe schématique sur rue Hoàng Hoa Thám : le trottoir est devenu un territoire privilégié de chaque maison tube (Source document : Arnaud Jouanchicot)
56
Dès le début de l’été, au carrefour Ngã Tư Sở, on peut observer
que des milliers de jeunes se rassemblent sur les grands trottoirs, en faisant face à l’autopont. La phrase Trà chanh Ngã Tư Sở (traduisible en « Thé glacé au citron au carrefour Ngã Tư Sở ») désigne un endroit très connu par les jeunes Hanoïens pour se rafraîchir.
Comme partout dans la ville, les autorités locales n’expriment
pas une attitude claire face à ce phénomène. Plusieurs fois par mois, dans une scène chaotique, des camions de police apparaissent soudainement pour chasser les commerces illégaux. Pourtant, la plupart du temps, ils ignorent ces « empiètements ». D’ailleurs, il existe des exploitations autorisées par le gouvernement local, avec le droit d’y réaliser un projet et d’occuper un lieu suivant une durée précise allant de 5 à 20 ans. Par exemple, les espaces sous les autoponts ou les viaducs ont été transformés en parcs de stationnement pour répondre à la pénurie de parkings de la ville. Cependant, par manque d’organisation en matière de conception et d’utilisation, les sorties des parkings ont souvent provoqué des conflits avec les flux de transport. Depuis le 1er décembre 2017, ces parkings privés sont interdits mais le problème n’est toujours pas résolu. 60
60
Xuan Ngoc. Bãi để xe dưới gầm cầu vẫn hoạt động sau lệnh cấm (Les parkings sous-pont sont toujours actif malgré l’interdiction). Dantri.com.vn. 2017
Fig. 50 : Agrandissement de l'espace ouvert au niveau du carrefour Sở après la construction de l'autopont et localisation des nouveaux trottoirs (pointillés jaunes)
57
Fig. 51 : Les nouveaux trottoirs sont convertis rapidement pour y installer des buvettes pendant l'été. Ces commerces ont été surtout déployés par les familles dont les maisons se trouvent autour de cet endroit (Source photo : Baomoi)
Fig. 52 : Parc de stationnement autorisé par gouvernement local sous le viaduc du quartier Chuong Duong, Hanoï (Source photo : Dantri)
En dehors des petits commerces de proximité, les nouveaux
espaces créés par les infrastructures à Hanoï ont été exploités pour d’autres activités quotidiennes. Par exemple, le terre-plein central audessous de la rocade aérienne numéro 3, sur la partie de l’autoroute 61
Première ligne du métro aérien à Hanoï, construite avec l’aide de la Chine. Cette ligne est en train d'être achevée et son inauguration est prévue pour début 2019. La construction de cette ligne rencontre bien des problèmes et elle est toujours en retard.
Fig. 53 : Adaptation spontanée des habitants sous les infrastructures aériennes de Hanoï (Source photo : vietnamnet)
Khuất Duy Tiến, est devenu un espace de repos idéal pour les travailleurs manuels durant l’été. Ces ouvriers apprécient la commodité de ces espaces malgré la pollution ou le bruit. Un autre exemple très intéressant d’appropriation est celui de l’apparition de maraîchages privés sur le terre-plein central sous les pilotis du métro aérien. Sur le chantier de ligne 2A Hà Đông – Cát Linh, de nombreux ménages ont planté plusieurs types de légumes sur une surface de 500m2 environ. 61
58
Ce phénomène de reconversion fonctionnelle est dû d’une part à
la gestion laxiste des autorités locales et d’autre part, au comportement habituel de la population vietnamienne. En effet, dans leur regard, ces grands équipements de transport ne représentent pas un danger ou une chose à éviter. Au contraire, ils leur semblent que les structures gigantesques métalliques ou bétonnées représentent un terrain d’opportunité. Les gens sont tout à fait prêts à s’y adapter et à les transformer pour contribuer à leur usage. Cela se révèle plutôt positif puisque ces pratiques réduisent quelque peu l’effet de coupure provoqué par ces équipements majeurs. Ils encouragent l’affranchissement d’un côté vers l’autre en créant un paysage urbain vivant et animé. Pourtant, la répétition d’un tel phénomène sur les nouvelles infrastructures sera un vrai défi pour la gestion urbaine à Hanoï. Les affranchissements de manière spontanée des buvettes, petits restaurants sur trottoirs ou autres commerces risquent d’entrer en conflit avec les flux de transport alentour.
Fig. 54 : Photo prise au boulevard Nguyễn Trãi, Hanoï en 2018. Sur le trottoir, sous l'ombre de l'escalier de la passerelle piétonne, une petite buvette est installée . À côté du poteau d'arrêt bus, un xe ôm (moto-taxi) est en attente de clients. Les infrastructures de transport favorisent la fréquentation des petits commerces. En retour, ces activités les rendent animés. Néanmoins, cette image soulève des réflexions sur cette relation fragile : les designs urbains n'ont pas pris en compte leur sécurité et l'existence des petits commerces risque d'être en conflit avec le flux de transport.
59
De plus, il semble possible de prévoir l’évolution de la ligne
pilote du métro aérien de Hanoï dans l’avenir proche. Par manque de projets urbains étudiés à une échelle plus concrète, plus soigneuse que le Schéma Directeur, cette ligne sur pilotis traversant plusieurs quartiers d’habitation denses pourra certainement donner l’ombrage idéal sous lequel les gens peuvent s’installer. Au fur et à mesure de la construction 62
Les gens privilégient très souvent leur relation avec les fonctionnaires afin d’obtenir l’avantage dans cette concurrence. Chaque mois, les commerçants doivent payer une cotisation informelle pour les autorités locales afin d’assurer leur installation.
de tels agencements, le paysage urbain autour de la ligne se trouvera dans un état chaotique. Aussi, malgré le fait que les petits commerces vivants représentent une attraction pour les étrangers, ils provoquent certainement l’inégalité entre habitants : les espaces sont certes publics mais n’appartiennent pas à tous les citoyens. Il existe quand même une concurrence informelle pour obtenir le droit d’exploitation qui conduit souvent par la suite, à une corruption inévitable. 62
Quoi qu’il en soit, on ne peut pas nier que toutes ces
appropriations spontanées proviennent de besoins réels des habitants. Les projets urbains à l’avenir devront considérer ces aspects en termes de programmation afin d’harmoniser les éléments modernes et la réalité urbaine.
1
2
3
Fig. 55 : Il faut anticiper l'avenir des espaces sous le métro-aérien à Hanoï. S'il manque une gestion ferme de ces projets urbains, ces espaces seront dégradés (3), puis risqueront d'être utilisés brutalement et sans ordre comme les espaces déjà présents sous la voie ferrée dans la ville (1). Est-ce alors que la bonne solution que de proposer des espaces publics sportifs comme celle que l'on trouve sous la ligne 6 du métro à Paris (2)? Ou faut-il une autre programmation qui vise à concilier les deux facteurs : usages publics et activités commerciales?
60
2.2 Le métro à Hanoï – ambition et enjeux d’une nouvelle urbanité 2.2.1 Le métro – l’élément structurant du Schéma Directeur de 2030, vision 2050 En 2008, la décision du Premier Ministre appuyée par un vote de
l’Assemblée Nationale a permis à la capitale vietnamienne de redéfinir ses limites administratives. Cela a permis l’intégration de la province limitrophe de Hà Tây et d’y ajouter le district de Mê Linh (province de Vĩnh Phúc) ainsi que quatre petites communes de la province de Hoà Bình, lui conférant alors le statut d’une région-capitale. La ville de Hanoï a donc connu plus qu’un triplement de sa superficie (de 1000 km2 à 3324,92 km2
63
) pour presque un doublement de sa population
63
Wikipédia. Hà Nội.
(passée d’environ 3.400.000 habitants à 6.232.940 habitants). Selon les prévisions de l’État, Hanoï devrait atteindre dix millions d’habitants en 2030 . Cette évolution radicale est conforme aux intentions du Schéma 64
Directeur 2030, vision 2050 de Hanoï.
Parallèlement, le Schéma Directeur de Hanoï a été annoncé,
visant à concrétiser les volontés majeures du gouvernement vietnamien pour sa capitale. Son objectif est de renforcer le rôle de Hanoï en tant que futur centre politique, économique et culturel du pays à travers le développement urbain intense du centre-ville et de ses cinq villes satellites. La répartition de la population et des projets de développement dépendent de trois principales orientations : -
Le tissu urbain du centre-ville continuera à s’étendre aux
environs périurbaines (jusqu’à la 3ème rocade). Les nouvelles constructions manifestent toujours au centre de la préoccupation de Hanoï. La ville concentrera ses ressources sur les projets d’infrastructure (renforcer le réseau routier, promouvoir les transports en commun (bus, BRT – Bus à haut niveau de service, métro…) et s’engagera ainsi à la requalification urbaine. -
La 4ème rocade devrait accueillir les nouveaux projets
64
Prévision issue des études réalisées dans le cadre de l’élaboration du Schéma Directeur de Hanoï à l’horizon 2030 (décision 1259/QD-TTg 2011)
61
résidentiels pour une population aisée. Cette rocade deviendra ainsi la nouvelle limite urbaine de Hanoï. La rive droite du fleuve Rouge (où sont situés les districts Gia Lâm et Long Biên) devrait développer des activités commerciales et financières. Le plan comprend ainsi le prolongement des axes radiaux concentriques 65
CHATELET Raphaël, NGUYEN Ngoc Quyen. Hanoï – Une ville en mouvement, l’impact d’une nouvelle infrastructure de transport sur le développement urbain. EPFL-ENAC, Lausanne, Suisse. 2014. p.54
Fig. 56 : Plan masse officiel de la région de Hanoï (Source légende : CHATELET Raphaël, NGUYEN Ngoc Quyen, 2014).
et développe des rocades pour desservir la communication de tout le territoire. -
Les cinq villes satellites : Hoà Lạc, Phú Xuyên, Xuân
Mai, Sóc Sơn, Sơn Tây seront dynamisées par le développement d’activités à vocation spécifique (industrie, culture, tourisme, science, administration) 65
62
Afin de réaliser ce projet d’aménagement régional, la ville
de Hanoï a mis en place une stratégie de développement du réseau de transport qui en constitue l’un des éléments principaux. La hiérarchisation de ces transports s’établit à plusieurs échelles du territoire. Les premières dessertes projetées le sont à l’échelle nationale, ouvrant ainsi la région capitale sur son environnement externe : villes portuaires, zones économiques, ainsi que les pays limitrophes. Ensuite, les nouvelles liaisons routières et ferroviaires sont majoritairement à vocation régionales et enfin, les dessertes urbaines concernent le centre-ville de Hanoï avec la création de dix lignes de métro.
Malgré leur épanouissement significatif des dernières années,
les infrastructures routières ne peuvent pas encore répondre aux besoins actuels de la ville. L’idée d’un réseau de quatre lignes de métro a fait sa première apparition en 2007 dans The Comprehensive Urban Development Program in Hanoi Capital City (HAIDEP). Étant donné la
coopération entre le gouvernement vietnamien et l’Agence Japonaise de Coopération Internationale (JICA), le rapport a conclu que la ville de Hanoï a besoin d’un nouveau système d’Urban Mass Rapid Transit (UMRT) car le trafic dans la capitale s’aggrave de jour en jour. Les
66
JICA. The Comprehensive Urban Development Programme in Hanoï Capital City of the Socialist Republic of Vietnam (HAIDEP). Rapport. 2007
solutions appliquées comme le développement du réseau viaire, la gestion du trafic, la meilleure sensibilisation du public ne semblent pas suffisantes pour faire face à la demande tendue 66. Pour répondre au Schéma Directeur du « Grand Hanoï » en 2008, la ville a annoncé son nouveau plan en ajoutant quatre lignes en plus par rapport aux propositions de JICA. À travers plusieurs hypothèses, l’ensemble de dix lignes (418 km en total), dont la majorité est de type aérien, se superpose au-dessus du réseau viaire, ferroviaire et fluvial existant 67. De plus, par rapport au choix de renforcer le système actuel du réseau de bus ou de reprendre l’ancien tracé du tramway, l’idée d’un mode de transport collectif plus intense comme le métro semble plus raisonnable 68. Elle se conforme à l’orientation du développement de Hanoï en tant que future métropole de dix millions d’habitants.
67
MAUBOIS Raymond, IMV, Stratégie de développement des transports, INPUR, 2005, p.2
68
CHATELET Raphaël, NGUYEN Ngoc Quyen. Hanoï – Une ville en mouvement, l’impact d’une nouvelle infrastructure de transport sur le développement urbain. EPFL-ENAC, Lausanne, Suisse. 2014. p.81
63
Fig. 57 : État actuel de l’habitat dans le "Grand Hanoï". Par rapport à sa nouvelle limite territoriale, le coeur de Hanoï reste encore modeste. La logique de densification radiale concentrique est très présente. Le projet de métro est donc imaginé pour desservir premièrement le cœur urbain (zone avec une population de 20 000 à 40 000 habitants), puis la première couronne (zone avec une population de 3 000 à 9 000 habitants). Graphique réalisé selon les chiffres officiels de 2017
Sur le plan du métro (fig.59), on peut noter que l’ensemble
du réseau va desservir le territoire urbain à l’intérieur du du 4ème périphérique. Aujourd’hui, dans cette limite, le tissu est encore mélangé et comprend le centre-ville surpeuplé, les villages périurbains mais
64
aussi des zones rurales peu développées. Cependant, les périurbains proches du 4ème périphérique sont ainsi en zones urbaines importantes, bordées par de nombreux projets de KĐTM (nouvelle zone urbanisée) planifiés. Dans ce cadre, la dynamique du transport entre la villecentre et ses environnants périurbains sera profondément stimulée par le métro suivant des mouvements à double sens : (fig. 58) : -
De nos jours, le centre-ville de Hanoï représente la
centralité unique du territoire en raison du développement supérieur par rapport à ses zones périurbaines. Les trajets domicile-travail depuis les périphéries vers le centre-ville sont logiquement les plus élevés. On peut facilement constater ce phénomène en considérant les flux des véhicules sur les boulevards radiaux structurant ainsi fortement l’urbanisation. En plus, ceci dépend les volontés du Schéma Directeur 2030 qui prévoit une grande quantité de logements collectifs, des KĐTM à proximité de la 4ème rocade (situé à 20km du centreville), ce qui va augmenter la tension du transport quotidien. Sur le plan spatial, l’accroissement du trafic est le résultat de l’allongement des distance 69. Pour les déplacements migratoires
69
GRILLET-AUBERT Anne, GUTH Sabine. Transport et architecture du territoire. Édition de recherche. IPRAUS. 2003. p.15
de la périphérie vers le centre-ville, le métro répondra aux congestions, notamment sur le côté Sud-Ouest où les constructions augmentent le plus rapidement. Ces migrations s’intensifieront en raison de la connexion offerte par le métro. Comme l’accès sera facilité par ce transport, le centre-ville de Hanoï pourra se renforcer en tant que cœur urbain de toute la région. -
70
Thai Son PHAM. Morphologie urbaine, dispositifs techniques et pratiques sociales : cas des quartiers de ruelles Hanoïens. Thèse en Architecture, aménagement de l’espace. INSA de Lyon, 2010.p.63
L’expansion de ses limites administratives en 2008
et 41,2% du territoire urbanisé fait de la capitale du Vietnam une région semi rurale 70. Malgré son accroissement grâce au politique d’ouverture économique de Đổi Mới depuis 1986, la ville de Hanoï rencontre encore bien des problèmes en conciliant l’inégalité du développement entre le centre-ville et ses périphéries. Afin d’« industrialiser » et de « moderniser » la capitale, le gouvernement a tendance à diminuer tous les formes de ruralité 71. Le Schéma de 2030 propose l’externalisation de fonctions urbaines en périphérie comme les administrations, les
71
« Industrialiser, Moderniser » (« Công nghiệp hoá, Hiện đại hoá ») est un slogan gouvernemental très connu au Vietnam, notamment dans les campagnes du développement urbain. Son objectif est de développer en restructurant l’économie : augmenter de plus en plus la proportion de l’industrie et des services et au contraire, diminuer le rôle de l’agriculture.
65
universités et les usines 72.
72
CHATELET Raphaël, NGUYEN Ngoc Quyen. Hanoï – Une ville en mouvement, l’impact d’une nouvelle infrastructure de transport sur le développement urbain. EPFL-ENAC, Lausanne, Suisse. 2014. p.105
-
Ces périphéries desservies par le nouveau métro et
directement reliées au centre-ville, seront donc développées et dynamisées. L’objectif porté sur ce nouveau système d’Urban Mass Rapid Transit (UMRT) de Hanoï est donc beaucoup plus ambitieux que celui prévu par l’Agence Japonaise de Coopération Internationale (JICA). Dans ce cadre, le projet de transport collectif pour répondre à la congestion due à la croissance est alors perçu comme un support prometteur pour « changer l’image urbaine » de la capitale millénaire. Représentant un « atout dans l’irrigation et la distribution de la population », il est attendu pour accélérer et uniformiser le processus
73
d’urbanisation dans les environs de Hanoï 73. Le métro, dans
Ibid. p.109
ce scénario, va entraîner une urbanisation articulée depuis le centre-ville vers ses périphéries. Cette ambition a pour résultat un étalement important le long des axes structurants.
L’importance du futur chemin de fer urbain est bien mentionnée
dans la Décision N° 90/2008/QĐ-TTg portant sur la planification de développement de transport de Hanoï en 2020 : 74
Décision N° 90/2008/ QĐ-TTg portant sur la planification du développement de transport de Hanoï en 2020.
“Le métro de Hanoï jouera un rôle majeur dans le système de transport
public massif à grande vitesse afin de relier les zones urbaines, les parcs
industriels, les commerces – services – tourismes – écoles. Parallèlement, l’ensemble des lignes du métro doit être bien relié entre eux, formant un réseau couvrant toutes les zones urbaines importantes de Hanoï” 74
Selon
un
récent
rapport
du
Parlement,
la
croissance
démographique de Hanoï reste excessivement rapide et en 2020, la population de la capitale du Vietnam va dépasser les chiffres estimés pour 2050. En effet, le nombre d’habitants de Hanoï en 2017 a déjà 75
Hà Nội : Tăng trưởng dân số vượt dự tính 30 năm và hạ tầng « trên giấy » (Hanoï : la croissance démographique dépasse la prévision pour 30 ans et les infrastructures sont toujours « en projet »). Vietnammoi. 2018
atteint 9,6 millions. Avec un taux de croissance annuel de 3%, la population estimée en 2020 sera de 10 489 772 habitants, c’est-à-dire égale à la projection démographique prévue pour 2050 75. La tension sur le fonctionnement des infrastructures urbaines de Hanoï, en particulier sur le métro, se multiplie alors plus que jamais.
66
Fig. 58 : Le déplacement entre la ville centre et ses périphéries joue un rôle crucial dans le schéma de développement du « Grand Hanoï »
67
Fig. 59 : Ensemble du projet de dix lignes de métro qui ne desservira que la nouvelle limite urbaine de Hanoï, à l’intérieur de la 4ème rocade, vision 2050
68
2.2.2
Enjeux d’une nouvelle urbanité
a)
La restructuration urbaine
Tout d’abord, la création du réseau de métro va entraîner la
formation de stations comme pôles d’échanges multimodaux. Ce sont des lieux de correspondances entre différents modes de transports : métro, bus, modes privés (moto, voiture…). La présence d’un pôle d’échanges peut générer bien des changements sur les fonctions et usages d’un quartier environnant 76. Sa construction comprend non seulement le bâtiment principal mais également bien des services plus ou moins liés au transport et au quartier d’implantation. La performance ou la desserte d’une station de métro concerne surtout un territoire inscrit dans un rayon de 800 mètres, ce qui correspond à 10 minutes à pied 77. C’est ainsi dans ce rayon que l’on constate la compression du bâti et la dynamique des activités mixtes.
76
ZELEZNY Richard. Insertion urbaine des pôles d’échanges : outil d’un urbanisme ”orienté vers le rail” ? Géotransports, Commission de Géographie des Transports, 2013, 1 (12), pp.77-90. 77
Définition du quartier de la gare selon l’Atelier Parisien D’urbanisme (APUR). Observatoire des quartiers de gare du Grand Paris. 2015
Au Vietnam en général, les grandes villes comme Hanoï et
Hô-Chi-Minh-Ville ont connu une longue histoire de développement longitudinal. Les fonctions urbaines en tant que résidentielles, économiques, administratives ou sociales sont dispersées le long des routes. Même dans les quartiers les plus denses, il existe rarement des centralités qui permettent de positionner efficacement les futures stations du métro. Pham Thai Son, docteur en géographie, en aménagement et urbanisme, a mené une étude sur le potentiel d’exploitation du réseau de métro au Vietnam 78. Voici certains de ses constats : -
Dans un périmètre de 300 m autour de toutes les stations
UMRT planifiées, on ne compte que 8% de la population urbaine et dans le périmètre de 500 m, le chiffre s’élève à 21%. Comme tout le monde ne va pas choisir le métro comme mode de transport principal, le nombre des utilisateurs potentiels reste encore bas. -
Parmi
(équipements
1221
nouveaux
publics,
tours
projets
publics
d’habitation,
et
privés
bureaux,
commerces…), 17% seulement s’inscrivent dans un périmètre de 500 m des stations de métro.
78
Tue Khanh. Cảnh báo đáng lo ngại cho sự thành công của Đường sắt đô thị (Les inquiétudes pour le succès du métro). Vnmedia. vn. 2016
69
-
Dans les périmètres de 300 m, 500 m, 800 m autour des
stations, la situation générale n’est pas favorable à la mobilité douce des piétons et vélos.
Fig. 60 : Représentation des stations nodales du réseau métropolitain de Paris. Ces pôles d'échanges représentent aussi la localisation des centralités urbaines (commerces, services, habitats alentours) (Source cartographie : Dupuy G, 1993)
Fig. 61 : Extension linéaire du coeur urbain de Hanoï le long des grands axes. (Source graphique : JICA, 2007)
Il est donc très logique de penser à la restructuration urbaine
dans les quartiers auxquels s’inscrivent les futures stations. Cette restructuration a pour but, tout d’abord, de développer les activités, former des îlots à fonction mixte (résidences, commerces, services…) et de regrouper le plus que possible des fonctions urbaines de Hanoï dans le périmètre de desserte du métro. Cela entraînera la formation des zones urbaines plus denses autour du métro, qui par la suite, promouvra son
70
efficacité. Cette vision du Transit Oriented Development (TOD) sera réalisée en collaboration entre les sociétés ferroviaires, les promoteurs immobiliers et les autorités locales.
Cependant, au Vietnam, le TOD reste encore un concept nouveau,
c’est pourquoi il faudra du temps et de nombreuses recherches pour vérifier sa faisabilité dans chaque contexte local. La construction d’une nouvelle infrastructure comme le métro, au sein des quartiers surpeuplés et complexes, a plusieurs impacts qui exigent, par la suite, des approches et interventions à étudier.
Le développement du réseau du métro à Hanoï et Hô-Chi-Minh-
Ville stimulera fortement les constructions, ainsi que le renouvellement urbain dans les quartiers traversés. Les idées principales du TOD ont déjà été empruntées dans le Schéma Directeur 2030 à travers des propositions promouvant le transport public, la densification des projets autour des nœuds urbains, des nouveaux quartiers, ou encore la conquête des constructions souterraines qui relient le métro avec plusieurs équipements urbains.
D’un autre point de vue, un travail dédié au développement et
renouvellement des espaces publics autour du projet sera obligatoire. Dans le centre-ville de Hanoï où le tissu urbain est vraiment fractionné, il est très difficile de mettre en œuvre de nouvelles centralités ou des espaces publics majeurs créant la jonction entre les infrastructures de transport et leur environnement urbain. Au contraire, les petits espaces publics comme les squares, trottoirs, voies piétonnes… sont vraiment animés par la fréquentation des habitants. Il y a donc une possibilité de transformer ces espaces à l’échelle locale en un réseau secondaire qui relie le métro avec les quartiers alentours. Ce principe exige un nouveau cadre juridique portant sur la gestion des « espaces publics décontractés », ainsi que sur le renforcement du rôle de piéton dans la notion de transport urbain.
Bien que les urbanistes vietnamiens aient pris conscience de cette
restructuration indispensable, la structure urbaine dense et fragmentée de Hanoï représente un défi majeur pour la faisabilité du projet. Les restructurations urbaines du centre-ville de Hanoï nécessitent bien des ressources et une compréhension des différentes époques qui ont permis sa formation. Cependant, pour les zones périurbaines proches, la mise en œuvre intégrale du TOD sera facilitée car de
71
79 PHAM Hoai Chung, PHAM Tuan Anh. Thiếu gắn kết giữa quy hoạch đô thị với quy hoạch giao thông (L’absence de la cohérence entre planification urbaine et planification de transport). Tapchigiaothong.vn. 2018.
nombreux terrains constructibles sont disponibles et les contraintes moindres. Actuellement, dans le centre-ville de Hanoï, il n’y a pas assez de foncier urbain disponible pour développer les infrastructures nécessaires. En effet, de 5 à 12% seulement du foncier urbain (variant selon les quartiers) sont dédiés aux transports 79. Dans la majorité des cas à Hanoï, afin de préparer un chantier, les acteurs des projets doivent dépenser énormément pour l’expropriation d’un terrain. De plus, les nouveaux projets en centre-ville de Hanoï, notamment dans le cœur historique, doivent être cohérents avec les normes de densité, de hauteur de construction tout en suivant les taux de population planifié pour chaque quartier. En parallèle avec le développement moderne, la préservation du patrimoine et l’identité urbaine y est toujours remise en cause.
Fig. 62 : Un modèle idéal de développement urbain autour d'un pôle d'échange : l’usage du sol peut avoir un impact sur l’insertion urbaine de ce dernier, ainsi que sur la fréquentation du transport en commun (Peter Calthorpe, 1993, cité par Richard Zelezny, 2013)
72
Fig. 63 : Le tissu urbain de Hanoï n'est pas assez favorable pour l'insertion du concept TOD. Au lieu d'imposer une grande interface entre le pôle d'échange et la ville, le choix de restructurer le système des espaces publics locaux afin de mieux desservir le métro semble plus faisable. (Source graphique : VU Manh Thang)
b)
La valeur foncière
Le métro de Hanoï a commencé à augmenter la valeur foncière
des terrains et immeubles proches. Selon VNREA (Association de l’immobilier national du Vietnam), le prix du logement dans les KĐTM (nouvelle zone urbaine) et du terrain résidentiel à proximité du métro aérien ont été valorisés de manière notable en 2017, d’environ
73
80
Linh LE. Giá đất nền, thổ cư gần tuyến Cát Linh, Hà Đông tăng 15% (Prix du terrain résidentiel à proximité de la ligne Cát Linh, Hà Đông augmente 15%). Vietnambiz. 2017
10-15% par rapport au dernier trimestre de 2016 80. Par manque de gestion efficace du marché immobilier, les parcelles près des futures stations, notamment dans le centre-ville, sont de plus en plus chères. La croissance des prix fonciers ralentit l’avancement du chantier notamment parce que l’expropriation d’un terrain coûte de plus en plus cher. De plus, il est évident qu’une station de type « aérien » est plus visible dans le tissu urbain que les stations souterraines. Autrement dit, elle consomme beaucoup plus d’espace urbain que celle en soussol. Il y aura donc bien plus de terrains expropriés par les chantiers. Plus la compensation foncière est élevée, plus la rentabilité du métro est faible.
Selon Clément Musil et Christiane Molt, deux chercheurs
urbanistes qui travaillent depuis longtemps sur des projets de transport en commun au Vietnam, la question foncière est le problème le plus inquiétant du gouvernement local. En effet, l’acquisition du terrain 81
Clément MUSIL, Christiane MOLT. Building a Public Transportation System in Hanoï : Between emergency and constraints. Rapport de conférence. 2010
provoque souvent des retards de construction des infrastructures. Ce phénomène est lié aussi au manque de gestion ferme
quant à
l’exploitation des sols mais aussi à la faible capacité des administrations de prioriser les projets d’infrastructures de transport 81.
La construction de la ligne 2A a nécessité le dégagement de
41,11ha dont la majorité se situe dans le tissu résidentiel. Par exemple, 132 familles dans les quartiers Cát Linh, Ô Chợ Dừa et Thịnh Quang ont été expropriées en suivant un « processus de réinstallation », c’est-à82
Hoang TRAN. Hoàn thành GPMB Dự án Đường sắt Cát Linh-Hà Đông trước tháng 9 (Finilisation du défrichement du Projet métro aérien Ha Dong – Cat Linh avant septembre). Tienphong.vn. 2014.
dire en ayant une contrepartie financière ou un logement en échange 82. Ce projet a rencontré bien des difficultés pour avoir l’accord universel entre tous les ménages affectés. L’obstacle du processus reste sur la conciliation des intérêts des propriétaires dont les biens immobiliers devaient être expropriés. Le remboursement et la réinstallation dans une autre zone résidentielle ne répond pas au problème de ces habitants pour qui un logement au centre-ville représente aussi le lieu avantageux à de nombreuses activités commerciales.
Dans plusieurs cas au Vietnam où la négociation entre l’État et
les habitants ne donne pas un résultat positif, l’expropriation coercitive est réalisée. C’est la raison pour laquelle de nombreux habitants 83
Proverbe vietnamien : « Tấc đất, tấc vàng » (un morceau du terrain équivaut à un morceau d’or)
s’opposent à de nouveaux projets au Vietnam. Dans le tissu surpeuplé comme celui de Hanoï où chaque petit morceau urbain représente une fortune 83, la compensation foncière est toujours remise en cause.
74
c)
La
Efficacité et attractivité du métro : réalisation
du
réseau
de
métro
nécessite
un
coût
d’investissement énorme. En raison d’une capacité financière limitée, le gouvernement vietnamien rencontre bien des difficultés en coordonnant les acteurs et en réalisant l’ensemble d’un projet. À l’heure actuelle, la plupart des lignes à Hanoï et à Hô-Chi-Minh-Ville sont financées par des investissements étrangers venant de la Chine, du Japon ou de la France. En revanche, les maîtres d’œuvre étrangers retenus pour ce projet de métro doivent être du pays d’où vient l’aide financière. Cela conduit à une complexité au sein du réseau car il est difficile de synchroniser les standards des équipements technologiques. Ce défi s’est révélé lors du chantier, tel que le rapportent Raphaël Chatelet et Nguyen Ngoc Quyen dans leur entretien réalisé avec les spécialistes de ce projet :
« Notre entretien avec François Carcel, chargé de projet de l’AFD à
Hanoï, nous a permis de relever un point essentiel dans l’organisation du
projet de métro : l’absence d’une autorité de transports qui puisse coordonner l’ensemble des recherches, des travaux et plus tard de s’occuper de la mise
en service et du bon fonctionnement du réseau. En effet, à cause de sa propre
situation économique et politique, le Vietnam s’est vu contraint de demander une aide financière et technique de la part de pays étrangers, dont par exemple la France, le Japon (qui finance la ligne 1 et 2) et la Chine (qui finance la ligne 2A). Le réseau de métro comporte donc une multiplicité de bailleurs de fonds,
ce qui crée plus de procédures administratives. Il s’agit désormais de bien séparer les rôles sans éclater les compétences, tout en nécessitant une autorité qui harmonise l’ensemble des projets de transports»
84
Les retards et la mise en œuvre au fur et à mesure de chaque
ligne 85 réduissent beaucoup l’efficacité du projet. En faisant face à cette problématique, la ville de Hanoï a annoncé le scénario pour la construction des métros suivants. Selon l’instruction générale qui souhaite « échanger des terrains contre des infrastructures », la ville va préparer 6.000 ha 86 de terrain en échange de la construction du métro par les investisseurs privés sous forme de PPP (Partenariat Public – Privé).
84
CHATELET Raphaël, NGUYEN Ngoc Quyen. Hanoï – Une ville en mouvement, l’impact d’une nouvelle infrastructure de transport sur le développement urbain. EPFL-ENAC, Lausanne, Suisse. 2014. p.109 85
Le projet de métro à Hanoï a connu bien des retards depuis le démarrage de sa construction en 2008 en raison des difficultés de financement, de la lenteur de l'expropriation des terrains,... 86
Phuong Dung. Hà Nội muốn đổi 6.000 ha đất làm 10 dự án đường sắt đô thị (La ville de Hanoï veut échanger 6.000 ha du terrain contre la construction de 10 lignes de métro). Article. VOV.vn. 2017
75
87 VNexpress. Will the public use metro systems in Vietnam when they're ready to depart?. 2017
En novembre 2017, un sondage a été réalisé par le magazine
électronique Vnexpress.net afin de répondre à la question : « Le public utilisera-t-il les systèmes de métro au Vietnam quand ils seront prêts à démarrer?» 87
Fig. 64 : Le résultat du sondage de Vnexpress.net
Bien que le nombre de participants à ce sondage ne fût pas
important, il illustre le point de vue des habitants sur ce nouveau mode de transport urbain. Il représente ainsi une nouvelle vie urbaine qui 88 Source : IMV, 2003 ; MOLT, 2008 ; JICA, 2007 ; HAIDEP, 2007, p. 8-21 ; CUSSET, 2003a ; et CAI, 2007
89
Cette restriction sera menée en 3 phases : (20172018) : renforcer la gestion des véhicules privés et la gestion du trafic ; (20182020) : contrôle stricte de quantité et qualité des véhicules, restriction selon les jours pairs et impairs dans les quartiers les plus denses ; (2020-2030) : Limiter au fur et à mesure sur certains zones et temps pour préparer l’interdiction totale en 2030 au tout centre-ville.
incite les vietnamiens à abandonner leurs motos et sans doute aussi leur spontanéité. Car, une fois que ce système a été formé, les activités de commerces, services autour du métro va remplacer potentiellement ses concurrences de petite taille. Sans la moto, la commodité supérieure des services le long des voiries sera énormément réduite. 61% des réponses se sont révélées positives tandis que 39% des gens ayant participé ont donné des réponses négatives ou ne savaient pas. La plupart des personnes contre le projet ont fait part de leurs doutes sur la qualité de la construction et la capacité de desserte du projet.
À l’heure actuelle, il reste bien des choses à faire afin de
persuader les gens à abandonner leurs véhicules privés car les deuxroues motorisés occupent une grande partie de déplacements (environ 80% des déplacements réalisés 88). Tandis que la ville de Hanoï a annoncé son plan d’interdiction totale des motos dans le centre-ville en 2030 89, la vision de la capitale vietnamienne avec des transports urbains multimodaux reste encore incertaine. D’ici à 2030, les autorités
90
Source : IMV, 2003 ; MOLT, 2008 ; JICA, 2007 ; HAIDEP, 2007, p. 8-21 ; CUSSET, 2003a ; et CAI, 2007
s’engagent à développer les transports en communs qui ne couvrent pour l’heure que 12% des déplacements à Hanoï 90. Malgré ce délai, le fonctionnement de deux ou trois lignes de métro ne répondra pas efficacement aux besoins de déplacement des populations.
76
L’arrivée du réseau de métro est l’opportunité de renforcer le
rôle des transports en commun existants mais aussi de revaloriser le rôle du piéton. En effet, le réseau de métro ne peut pas couvrir l’intégralité de la ville. Pour se rendre d’un point à l’autre du territoire, il faudra très possiblement emprunter deux ou trois moyens de transport (par exemple : métro – bus – vélo/piéton). L’interconnexion entre le métro et les modes secondaires comme bus à haut niveau de service (BRT), le bus, le vélo en libre-service à Hanoï devrait être étudiée précisément. C’est en effet l’intermodalité qui fluidifie les déplacements. Depuis les sorties du métro, il est souhaitable d’aménager les autres arrêts de transport en commun dans une distance raisonnable. La correspondance entre moyens de transport publics/privés est aussi une question à étudier. Il est nécessaire de penser aux parcs relais situés aux portes des arrondissements centraux dans lesquels les motos seront interdites. Sans ces efforts, le futur métro ne peut pas fonctionner à pleine capacité.
Fig. 65 : Selon l’avancement du projet, d’ici 2030, les trois premières lignes de métro (2, 2A et 3) ne desserviront que les liaisons NordSud-Est-Ouest. Cela pose une question sur l'organisation des déplacements urbains du reste de toute la ville sans les motos.
77
Fig. 66 : Image de rendu de la future station du métro aérien (ligne 3) à Hanoï : le métro est une opportunité pour restructurer l'image urbaine et faciliter le transport des habitants. Pourtant, est-ce que les vietnamiens sont prêt à abandonner leurs chères motos? (Source image : Hanoi Metropolitan Rail Transport Project Board (MRB))
78
2.3 Skytrain : le symbole de l’urbanité à Bangkok (Thaïlande) et la création d'espaces semipublics
Bangkok, en tant que région métropolitaine de la Thaïlande,
a réussi à développer son centre-ville et ses extensions urbaines en périphérie. Comme Hanoï, Hô-Chi-Minh-Ville et les autres pôles majeurs de l’Asie du Sud-est aujourd’hui, Bangkok devait faire face aux problèmes sérieux de développement urbain. Tout d’abord, la transformation rapide de Bangkok pendant l’épanouissement économique qui favorise la cohabitation de plusieurs éléments urbains disproportionnés. A côté de l’apparition de nouveaux quartiers centraux d’affaires, le tissu urbain de Bangkok connaît encore le phénomène répandu des espaces privilégiés d’installations spontanées 91. Aussi,
91
Fanny GERBEAUD, L’habitat spontané comme un outil de développement urbain. Le cas de Bangkok, Article, Mousssons, 2011, p.121-138
la métropole thaïlandaise subit en ce moment la pire congestion automobile du monde selon une enquête récente dans 38 pays 92. Dans ce cadre, afin de faciliter les connexions depuis les périphéries vers la ville-centre et de façonner un développement urbain planifié, le gouvernement de thaïlandais a mis en œuvre, dès 1999, le système de métro léger sur rail. Le réseau du métro à Bangkok comprenait deux lignes aériennes nommées BTS Skytrain avec 34 stations. En 2004, il a été renforcé par l’ajout d’une ligne souterraine. Le réseau a mené plusieurs changements positifs qui améliorent le transport des habitants de la capitale thaïlandaise. Concentré principalement dans le centre-ville moderne de Bangkok, ce réseau devrait être prolongé d’ici à 2020 pour répondre au besoin de la métropole en pleine expansion.
Le réseau a contribué de manière significative à changer l’image
du centre-ville de Bangkok par ses connectivités avec plusieurs équipements comme des institutions gouvernementales, des centres commerciaux et des hôtels. Le long du BTS Skytrain, on constate un paysage urbain étouffé par plusieurs centres commerciaux énormes et abondants, des tours de bureaux et d’habitation de haut de gamme et des enseignes de services alternant avec les shophouses. À l’intersection du
92
Enquête réalisée par la Société d’analyse de transport basée au État-Unis INRIX en 2017. Source : Thailand has world’s most congested road : Survey. Article. The Straits Times. Février 2017
79
réseau, deux stations de métro, Siam et Chitlom, rendent la connexion directe vers des dizaines des bâtiments mixtes, centres commerciaux, le long d’un trajet de plus de 1,5 km environ, constituant l’image brute du Central Business District (CBD) de Bangkok.
Fig. 67 : "Skytrain" est devenu le fil rouge du développement urbain à Bangkok. Le long du métro aérien, on peut constater sa connexion efficace avec les projets tertaires et résidentiels. (Source photo : Carl's Captures)
On peut trouver des points en communs dans la conception
du métro aérien à Bangkok et à Hanoï. Les dalles en béton énormes s’étendent depuis les piliers géants, supportant toute la lourde structure au-dessus. L’ensemble des tracés en béton armé est perché à 15 mètres de haut, s’accordant avec les stations aménagées sur piliers.
La station Siam, le plus grand hub, s’organise en trois niveaux
: deux niveaux pour les trains, un niveau dédié à la station, aux boutiques et à la plateforme qui relie de part et d’autre aux centres 93
LE DROUPÉET Maxime. Bangkok : portrait d’une globalisation singulière. Mémoire de Master. ENSA de Nantes. 2017. p.56
commerciaux 93. Depuis Siam, le métro aérien est ouvert sur d’autres activités urbaines à travers la place parvis du centre commercial Siam Paragon. Cette place privée offre une grande « mezzanine » en plein air pour la ville, ce qui est au contraire avec l’ombre de la structure énorme en béton du métro aérien. Elle représente un « point de convergence
80
», bien fréquenté par les passagers, visiteurs et notamment par les jeunes thaïlandais. L’accès de cette place soulevée du rez-de-chaussée de la ville reste grâce à plusieurs escaliers, ascenseurs et au réseau de skywalk, un système de passerelle piétonne aérienne. Extrait depuis le
tissu existant du quartier, le skywalk est né pour faciliter la connexion entre les bureaux, institutions administratives et surtout entre les centres commerciaux.
Fig. 68 : "Skytrain" (haute) et métro 2A à Hanoï (bas) (Source photo : slxgram, Nguyen Quan)
81
Fig. 69 : Coupe schématique de la station Siam (selon Maxime Le Droupéet, 2017). Accessible par des grands escaliers et par la passerelle de la station du métro, la place Siam se détache de la vie étouffante d'en bas. Elle favorise une autre image urbaine de Bangkok où les centres commerciaux se trouvent au coeur des préoccupations des habitants. (Source photo : Google Streeet Views, Bangkok.be)
94
LE DROUPÉET Maxime. Bangkok : portrait d’une globalisation singulière. Mémoire de Master. ENSA de Nantes. 2017. p.56
En empruntant ce chemin soulevé, les utilisateurs ont l’impression
de marcher dans une nouvelle rue. Cependant, cette rue est toujours anonyme et indique seulement les équipements commerciaux qu’elle relie sur son plan 94.
Pour tenter de transférer ce modèle de Bangkok à Hanoï, il faut
comprendre le mécanisme entre le métro aérien, le Skywalk et les centres
82
commerciaux. En poursuivant le long du Skywalk, il arrive très souvent que l’on entre directement dans un centre commercial. Ces locaux commerciaux ont bénéficié du Skywalk, organisant en fonction leurs boutiques et kiosques à l’intérieur, de telle sorte qu’une partie couverte s’intègre dans le parcours. Après avoir traversé plusieurs stands, le chemin aérien se continue de l’autre côté du bâtiment. Cette continuité renforce l’attractivité du cœur commercial de Bangkok, de plus en plus de grands magasins tentant d’avoir accès au Skywalk et au métro aérien 95. Le métro, dans ce cas, tient le rôle de point de convergence
95
BENGTSSON Magnus. The Bangkok Skytrain – the transportation solution for Bangkok people ?. Mémoire de Master. Université d’UMEA. 2006. p.35
des flux. Ensuite, ces flux de voyageurs sont orientés efficacement vers les centres commerciaux à travers la diffusion du réseau des chemins piétons sur piliers. C’est une relation à double sens : d’une part, le métro et le skywalk favorisent la fréquentation et les ventes en magasins et d’autre part, les centres commerciaux renforcent la rentabilité du métro.
Fig. 70 : Le skywalk est un équipement piéton destiné seulement à mieux relier les centres commerciaux (Source photo : Google Street Views)
83
A Hanoï, comme le budget de l’État pour le métro est très limité,
les investissements du secteur privé sont essentiels pour stimuler l’avancement de l’ensemble du projet. C’est la raison pour laquelle il faut penser à multiplier les intérêts avec des projets immobiliers alentours. Malgré le fait qu’il soit vraiment difficile de former une centralité urbaine assez significative comme le modèle du Central
Business District (CBD) de Bangkok autour du métro, la ville de Hanoï peut toujours essayer de s’inspirer d’une telle conception d’équipement urbain. Dans le cas où les fonctions urbaines doivent s’affranchir des trames bâties bondées pour accéder au métro, la construction d’une passerelle du type skywalk, cofinancée par l’État et les promoteurs immobiliers, représentera peut-être la réponse. De plus, l’aménagement d’un chemin piéton de type aérien aide les autorités locales de Hanoï à éviter un processus de longue haleine pour réorganiser tous les espaces publics et mieux connecter le métro. Un réseau des passerelles aménagé en hauteur se distinguant du tissu existant va faciliter énormément l’accessibilité au métro. Au lieu de déboucher simplement sur les trottoirs, les sorties pourront être dirigées vers différents points du quartier comme les écoles, commerces, parcs urbains…
Fig. 71 : Image de rendu officiel d'une station de la ligne 3 à Hanoï en connexion avec les passerelles piétonnes (Source : baomoi.com)
84
Fig. 72 : Ligne du métro aérien 2A de Hanoï et ses connectivités potentielles avec les fonctions urbaines (Source : PFE de VU Manh Thang, étudiant DSA Projet Urbain 2016)
85
Pourtant, est-ce que ces nouveaux espaces aériens seront
vraiment destinés au tout public ?
Le travail de recherche portant sur la dialectique entre espaces
publics, semi-publics et privés de Giovanni Fusco, maître de Conférences à l’Université Nice-Sophia Antipolis, a bien décrit la notion d’espace public et d’espace privé de nos jours : 96
FUSCO Giovanni. L’appropriation de l’espace - La dialectique entre espace pubic, semi-public et privé dans les usages et les appropriations. L’analyse des espaces publics. Les places. Université Nice-Sophia Antipolis et Université Ouverte des Humanités.
« L’espace public urbain est ainsi celui du domaine public et ouvert
au libre accès et au libre mouvement de toute la population urbaine, il ne peut pas être juridiquement approprié par des individus ou des groupes à l’exclusion du reste de la population (…) Les espaces privés sont en revanche ceux qui sont régis par le code de la propriété privée : leurs propriétaires (ou leurs occupants selon les accords en vigueur) sont les seuls à pouvoir décider de l’accès de personnes tierces à ces espaces. » 96
Quant à Bangkok, les stations du métro aérien et le Skywalk
s’inscrivent au milieu de ces deux grandes catégories : les espaces semi97
LE DROUPÉET Maxime. Bangkok : portrait d’une globalisation singulière. Mémoire de Master. ENSA de Nantes. 2017. p.55
publics. L’observation de Maxime Le Droupéet, dans son mémoire de master sur l’urbanisme à Bangkok, a mentionné ainsi que l’accès aux passerelles aériennes est « limité aux horaires d’ouvertures des centres
commerciaux et du réseau de transport 97» . En plus, il est interdit de fumer, de mendier, de manger ou de boire de l’alcool dans le métro aérien ainsi que sur le Skywalk. Ces équipements urbains assurent toujours la liberté d’accessibilité et de circulation d’un espace public. Cependant, ils possèdent des restrictions en termes d’horaires et des activités conformées. En parlant de l’impact urbain de ce type d’espaces semipublics à Bangkok, il est évident que les passerelles Skywalk ont formé une liaison spatiale assez efficace entre points d’activités et en franchissant plusieurs axes de transports. Le temps de trajet entre plusieurs centres commerciaux est réduit de manière considérable tandis que les piétons bénéficient d’un microclimat plus agréable sur les passerelles couvertes. Pourtant, cette pratique urbaine nuit malheureusement à la mixité sociale qui est très importante pour la vitalité d’un espace public. La place Siam, le métro et le Skywalk s’éloignent de la rue traditionnelle par sa hauteur de 5 à 7 mètres, évitant tous les facteurs indésirables : les embouteillages, la chaleur, les klaxons, et parfois la délinquance… Malgré qu’il arrive que les passerelles deviennent des lieux abritant
86
la délinquance ce qui explique que plusieurs villes occidentales ont décidé de les démolir pour remettre les circulations au sol, à Bangkok, ce n’est pas le cas. Le contrôle strict de tous les équipements urbains de haut de gamme de cette ville (parvis de centres commerciaux, passerelles…) empêche efficacement toutes les spontanéités pénibles. Cette organisation verticale permet de favoriser les classes sociales aisées en laissant tous les éléments indésirables et modestes en dessous. Ce filtrage, en ajoutant le tarif assez élevé du métro aérien, a provoqué inévitablement l’écart entre le niveau bas délaissé et le niveau haut privilégié. C’est en observant cette situation que l’on peut noter que les activités civiques sur les skywalks sont très homogènes et qu’il y a peu d’interactions entre public car leur seule raison d’être est circulatoire.
Fig. 73 : L'agent de sécurité est l'un des "filtres" pour ces espaces semi-publics
Fig. 74 : Les chemins piétons aériens n'ont pas de dénomination et indiquent seulement les équipements commerciaux avec lesquels ils sont reliés sur un plan. Sa seule raison d'être est de favoriser la circulation piétonne entre les centres commerciaux. Il n'y a donc que très peu d'interaction sociale. (Source photo : Siam Legal)
87
Quant à Hanoï, il faut anticiper une gestion ferme régie par
la loi portant sur ces passerelles piétonnes si l’on veut éliminer les appropriations spontanées. Quand on les considère simplement comme un équipement de transport il est sûr que les petits commerces feront leur apparition. Les commerçants vont profiter facilement de l’abri, des pilotis pour s’y installer. Ainsi, ils vont bénéficier de la fréquentation énorme menée par les sorties du métro. En fait, ce phénomène a été un problème prédominant pour les gestionnaires de Hanoï depuis longtemps. Malgré qu’il a existé les panneaux d’avertissement, les interdictions, on trouve très souvent les appropriations illégales sur les passages piétons.
Fig. 75 : Photos prises à la passerelle du boulevard Cầu Giấy à Hanoï. On y trouve déjà une organisation de petits commerces.
98
Donnée de la Banque Mondiale pour l’année 2017
De plus, comme la Thaïlande (PIB par habitant : 6593 USD en
201790) possède un niveau de vie plus élevé que le Vietnam (PIB par habitant : 2343 USD en 201798), il faut considérer la pertinence de cette conception dans la vie quotidienne. Le modèle des passerelles à but commercial de haut de gamme comme celui à Bangkok ne peut pas toucher la majorité des habitants. En effet, au Vietnam, les grandes halles de commerce n’intègrent pas efficacement dans la mode de consommation des gens. Les boutiques, magasins de proximité, en fait, restent encore d’actualité. La question pour Hanoï dans ce cas reste donc à savoir quel est le choix du niveau d’accessibilité des nouvelles passerelles et des types des activités pour y intégrer. À côté des efforts pour assurer une bonne circulation, est-ce qu’il y a des possibilités pour transformer ces équipements aériens en espaces publics animés ?
88
89
CHAPITRE 3: IMPACTS DU PREMIER MÉTRO AÉRIEN - LIGNE 2A SUR LES ESPACES PUBLICS À HANOÏ
90
Fig. 74 : la ligne 2A s'intègre dans le tissu urbain de la capitale du Vietnam (Souce photo : Zing.vn)
91
3.1 Contexte général de la ligne de métro 2A
La ligne 2A Hà Đông – Cát Linh, est un segment de ligne 2 dont
le branchement se trouvera au centre-ville, à proximité de la 2ème rocade. La ligne a pour but de desservir le territoire de Hanoï le long d’un axe nord-sud-ouest. Son positionnement au sein de la ville semble stratégique et c’est la deuxième ligne conçue depuis le début du projet. Elle apporte des réponses pragmatiques aux problèmes urbains du 99
CHATELET Raphaël, NGUYEN Ngoc Quyen. Hanoï – Une ville en mouvement, l’impact d’une nouvelle infrastructure de transport sur le développement urbain. EPFL-ENAC, Lausanne, Suisse. 2014. p. 190
nord au sud-ouest de la capitale 99. Longue de 42 km, elle a pour but de connecter l’aéroport Nội Bài (l’aéroport majeur de toute la région du Nord du Vietnam) avec la ville de Hanoï. Aujourd’hui, cette connexion est réalisée seulement par deux voies automobiles express, celles qui débouchent sur les deux rocades numéro 2 et 3. Par conséquent, ces boulevards sont de plus en plus surchargés. Son tracé devrait être prolongé encore lors des prochaines phases, d’ici 2050, vers le Nord, reliant la ville satellite de Sóc Sơn. Cette ville nouvelle a été planifiée pour une population urbaine de 250.000 habitants et sera développée comme centre de services d’aéroports et de logistique. Au Sud-Ouest, en traversant plusieurs zones de développement urbain à la porte de Hà Đông, la ligne 2A peut être prolongée jusqu’à la future rocade numéro 4. Cette destination représente ainsi la limite de nouvelle extension urbaine de Hanoï, selon le Schéma Directeur 2030, vision 2050.
92
Fig. 75 : Ligne 2, 2A et les stations emblématiques du futur (Source graphique : Chatelet Raphaël, Nguyen Ngoc Quyen)
93
La partie nord, intitulée ligne 2, vise à relier l’aéroport
international Nội Bài et le centre-ville de Hanoï. Avant de dépasser le fleuve Rouge et d’entrer dans le cœur urbain, depuis l’aéroport, ce métro aérien suit le tracé de l’autoroute AH14 et traverse une série de villages périurbains, de zones de maraîchage puis de parcs industriels. Ce territoire comprend encore des terrains constructibles. D’ici 2050, il sera probablement transformé en ville nouvelle selon le Schéma Directeur porté par l’ambition gouvernementale. Cette ville se développera le long d’un boulevard urbain (renouvellement de l’autoroute AH14) avec plusieurs opérations de logements haut de gamme, commerces et services. Ce projet d’aménagement représente depuis 2016 comme l’une des intentions urbaines les plus importantes de Hanoï. Traversant le fleuve Rouge, la ligne desservira plusieurs KĐTM majeures, pour ensuite desservir de nombreux sites cruciaux à côté du Lac de l’Ouest (le Grand Lac). Le tronçon suivant est souterrain, comptera 8 des 20 stations planifiées, dessinant un contour autour du noyau historique (arrondissements Hoàn Kiếm et Ba Đình) avant de se brancher sur la partie sud-ouest, ligne 2A, à la station Thượng Đình. 100
Plus précisément, le projet de ligne 2, secteur Nam Thăng Long – Trần Hưng Đạo a augmenté l’investissement estimé de presque 1 milliards à 2,2 milliards USD. Après révision, le gouvernement du Vietnam propose en ce moment une baisse à 1,5 milliards USD.
Actuellement, cette partie nord est financée sur la première phase de 15 km par JICA (l’Agence Japonaise de Coopération Internationale) à hauteur de 1,2 milliards USD. Ce projet reste à l’étude (phase PRO) et est soumis aux appels d’offres. Pourtant, le démarrage du chantier doit attendre encore l’approbation du gouvernement vietnamien car le montant estimé de l’investissement a dépassé 2,2 milliards USD risquant de faire échouer la rentabilité du projet et donc sa faisabilité 100.
La partie sud-ouest, nommée ligne 2A, est quant à elle financée
par un conglomérat chinois appelé « Département ferroviaire 6 ». À la fin de 2018, le gros œuvre et les installations d’équipements de base ont été terminés donc il s’agit de la première des dix lignes à voir le jour. En effet, la ligne 3, cofinancée par la France (prêt de la Direction Générale du Trésor de la France, AFD), la Banque Asiatique de Développement et la Banque Européenne d’Investissement, est encore en chantier tandis que les autres lignes sont toujours en phase d’études (lignes 3, 4, 5, 6, 7, 8) ou en phase d’appels d’offres (ligne 2, 1).
94
95
Fig. 75 : Localisation du métro 2A dans le projet de métro de Hanoï d'ici 2050. Cette ligne pilote représente 13,5 km des 318 km du réseau prévu.
96
L’avancement spectaculaire de ligne 2A, par rapport à l’ensemble
des dix lignes, révèle la volonté des Chinois d’être présents au Vietnam 101. Depuis son terminus sud-ouest, la majorité de ligne 2A s’impose sur un axe-corridor : le boulevard Nguyễn Trãi. D’un côté, l’épaisseur de cette route est très propice pour la construction du métro 2A comprenant une série des piliers en béton armé sur terre-plein central. Cela favorise la construction en évitant une grande compensation foncière à fournir en
101
Entretien CERISE Emmanuel 06/09/2013. CHATELET Raphaël, NGUYEN Ngoc Quyen. Hanoï – Une ville en mouvement, l’impact d’une nouvelle infrastructure de transport sur le développement urbain. EPFL-ENAC, Lausanne, Suisse. 2014.
cas d’expropriation. D’autre part, la solution du problème de trafic sur cet axe radial est une mission prioritaire de Hanoï depuis longtemps. En effet, cette zone se situe entre la capitale et son périurbain majeur (les communes de l’ancienne province de Hà Tây) qui connaissait antérieurement un dynamique territorial. La proximité de la ville de Hà Đông – centre urbain, administratif et économique de l’ancien province de Hà Tây a contribué à ce développement. Avant l’agrandissement du territoire de Hanoï en 2008 102, il existait déjà des activités industrielles légères depuis les années 1960 et les artisans étaient assez nombreux. Cet axe radial garde toujours la fonction d’entrée/sortie principales de Hanoï, reliant les productions et les fins commerciales. En raison de l’augmentation des déplacements entre ville et banlieue, la circulation du boulevard Nguyễn Trãi s’est intensifiée de plus en plus. De nos jours, il accueille un trafic quotidien extrêmement important, provoquant des embouteillages catastrophiques aux portes sud-ouest de la capitale. Après d’emprunter le virage depuis la station Thượng Đình, le tracé aérien traverse plusieurs quartiers surpeuplés et provoque un effet de coupure. Son terminus du centre-ville se positionne à côté du carrefour Cát Linh depuis lequel les voyageurs peuvent accéder à plusieurs bassins d’emploi, parcs de logements, commerces, services ou sites touristiques en empruntant de nombreux trajets courts. De Hà Đông à Cát Linh, métro 2A comprend plusieurs intersections majeures en traversant 4 ceintures périphériques (Rocades no 1, 2, 3, 3.5) de la ville de Hanoï. Ce raisonnement explique le rôle stratégique de cette ligne du métro.
Sur les cartes suivantes, on voit qu’il relie des zones périurbaines
en mutation, traverse les rocades cruciales, débouche sur le bord du cœur historique de la ville de Hanoï. Le long de 13,5 km de son tracé, elle propose de nombreuses connexions avec le réseau routier et plusieurs correspondances au niveau de projet. Sur ses communications avec
102
Suite à l’agrandissement de limite administrative de Hanoï en 2008, le province de Hà Tây a été absorbé intégralement dans la région capitale de Hanoï.
97
les futurs métros (lignes 2, 3, 4, 6, 7, 8), il est important d’éclairer le concept de liaison entre elles car ces nouvelles lignes sont en souterrain. D’un autre côté, sur le réseau actuel de bus, la mission préalable reste une restructuration pour mieux établir la correspondance avec le métro 2A. Actuellement, les arrêts du bus sont assez dispersés donc il est souhaitable de former les vrais pôles d’échanges, permettant une performance plus efficace. Ce sujet est abordé actuellement par le Département des transports de Hanoï, travaillant sur l’élaboration d’un système de bus soutenant le métro.
Fig. 76 : Tracé du métro 2A dans le tissu urbain de Hanoï. Ce métro relie le centre-ville dense avec l'une des zones périurbaines en développement. Les rizières (grande zone verte sur photo aérienne) seront bientôt remplacées par les nouvelles constructions.
98
Fig. 77 : Ligne 2A et sa correspondance avec les futures grandes lignes, vision 2050 (mĂŠtro 2, 3, 4, 6, 7, 8, monorail 2 et BRT). Sa position radiale est stratĂŠgique car elle relie le centre-ville avec la zone pĂŠriurbaine importante, en traversant des rocades de la ville
99
Fig. 77 : Ligne 2A et le réseau actuel de bus. Ce réseau est en attente d’une restructuration pour une meilleure cohérence (Aujourd’hui, il existe plusieurs bus suivent le même tracé que le métro 2A. De plus, les stations sont dispersées donc il faudrait avoir de vrais pôles d’échanges)
100
Actuellement, après des retards consécutifs, l’image nette de
ligne 2A au sein de la structure urbaine de Hanoï a été éclairé. Selon le maître d’ouvrage, l’architecture des stations aériennes est inspirée de modèle occidental, mais avec une sensibilité à la culture et au climat du Vietnam notamment dans les détails architecturaux tels que les matériaux choisis, les débords de toiture, les façades en couleurs
103
CHATELET Raphaël, NGUYEN Ngoc Quyen. Hanoï – Une ville en mouvement, l’impact d’une nouvelle infrastructure de transport sur le développement urbain. EPFL-ENAC, Lausanne, Suisse. 2014. p. 190
locales, puis, l’ouverture bioclimatique 103. Selon la conception, les douze stations aériennes possèderont des toitures incurvées, adaptés aux températures chaudes et humides, aux pluies fortes du Vietnam. Elles seront normalement conçues avec le style d’architecture du Vietnam et Asie de Sud-Est, équipées des matériaux résistants au vent et au rayonnement solaire. Cependant, il faut des études plus approfondies pour évaluer l’intégration de ces structures en béton armé dans le contexte urbain de Hanoï.
A part la conception architecturale, il reste encore la question du
parking des motos pour assurer la commodité de l’usage. En attendant la réalisation du l’ensemble des dix lignes à l’avenir, il nous faut encore utiliser des motos pour arriver aux stations du métro 2A, depuis une distance de plus de 2 kilomètres. Selon le Département des Transports de Hanoï, toutes les stations du métro 2A ont la possibilité d’aménager les parkings au-dessous des escaliers ou sur les trottoirs environnants. Pourtant le type de stationnement et sa capacité ne sont pas encore détaillés. Ce département a annoncé ainsi le projet d’installation des équipements urbains qui permettent une accessibilité dans un rayon de 100 à 500 m autour des stations de cette ligne 104. À travers l’observation sur terrain, il est très probable que ces équipements urbains seront majoritairement des passerelles qui faciliteront l’usage du piéton dans les points encombrés.
104
Đường sắt Cát Linh – Hà Đông sẽ kết nối với các tuyến đường Hà Nội như thế nào? (Comment est-ce que le métro Cát Linh – Hà Đông va connecter avec le transport de Hanoï?). Agence de presse du Vietnam.
101
Fig. 77 : Architecture des stations aériennes. Station La Khê (photo) est peinte en vert, chaque station étant de couleur vive (rouge, vert, jaune, orange…)
Fig. 78 : Les stations sur pilotis comprennent 2 étages : Bloc technique et services (3), Quai du train (2). L’ensemble du bâtiment est couvert par la toiture en métallique (1), bien accessible par l’escalier, l’escalator et l’ascenseur PMR
102
3.2 Impacts de la ligne 2A sur les espaces publics environnants
Le chemin de fer du type “aérien” signifie les voies construites
au-dessus du niveau des rues pour supporter le roulement des trains ou des lignes de métro. De nos jours, nous pouvons compter plusieurs exemples de lignes aériennes parmi les principaux réseaux de métro dans le monde : la ligne 6 Charles de Gaulle Étoile – Nation à Paris, le Monorail de Tokyo, le Skytrain à Bangkok, ou encore l’Astoria Line qui traverse l’arrondissement du Queens à New York.
Le choix de construire le métro aérien découle toujours d’études
urbaines dans les villes où il s’inscrit, surtout après avoir effectué un comparatif des avantages et des limites de ce système par rapport au métro souterrain. Malgré sa présence très visible dans le tissu urbain, il existe bien des métros aériens s’y intégrant de manière harmonieuse. Ces réseaux sont devenus des éléments d’identification urbaine aussi bien qu’un support de développement des quartiers traversés. Pour renforcer cet argument, on peut citer la remarque de la Société du Grand Paris à propos du choix entre métro souterrain ou aérien :
« Les infrastructures aériennes, véritables ouvrages d’art, et les espaces
sont désormais soigneusement pensés par des architectes et des urbanistes
impliqués dans le processus de conception dès les premières phases d’étude.
Ces derniers s’attachent aussi bien à l’esthétique et à l’éclairage de l’ouvrage, qu’à la valorisation de l’espace public environnant» 105
À Hanoï, le choix de construire un système de métro en grande
partie aérien, vient du coût de construction plus raisonnable par rapport à celui de type souterrain. Pourtant, comme les chemins aménagés en hauteur sont très présents dans le paysage urbain, ils provoquent plusieurs impacts à éclairer. Sa présence amène certainement des transformations pour les espaces publics traversés. Notre proposition ici est d’étudier ces impacts à travers le découpage en trois morceaux principaux : l’implantation sur le boulevard Nguyễn Trãi (1), au tour
105
La Société du Grand Paris (SGP), Un métro souterrain ou aérien ? Commission particulière du débat public (CNDP)
103
du lac Hoàng Cầu (2) et puis, la partie traversant du quartier Thịnh Quang (3). Chaque zone correspond à des espaces publics possédant des caractéristiques particulières. Cette étude du terrain contribue à l’image transversale de ligne 2A dans son contexte urbain. L’émergence de la première ligne du métro aérien est ainsi une belle occasion pour repenser des espaces publics de manière plus systématique. Les modifications du tissu urbain qu’elle traverse peuvent donner de réflexion pour les projets urbains au futur, servant au meilleur dialogue entre l’infrastructure et la ville.
2
1
3 Fig. 79 : Localisation des 3 cas d'études.
104
3.2.1 Implantation boulevard Nguyễn Trãi
linéaire
sur
le
Il est intéressant d’étudier ce tronçon de 9,3 km, l’essentiel de
la ligne 2A de 13,5 km de long. Comprenant un boulevard urbain très large, cet axe radial supporte un trafic énorme. Ce phénomène peut être expliqué par la position stratégique de ce boulevard urbain. Cette voie importante existe depuis très longtemps comme le montre plusieurs cartes historiques de Hanoï.
Fig. 80 : La route "Thượng đạo lai kinh" (Route prioritaire pour accéder à la capitale) ancien nom du boulevard Nguyễn Trãi pendant l’époque féodale. En sortant des anciens villages, cette route relie la capitale Thăng Long (Hanoï) avec les provinces du Sud-Ouest. Sur la carte de Hanoï en 1873 (Auteur : Phạm Đình Bách), on peut voir son emplacement au milieu des terrains agricoles.
105
Fig. 81 : Pendant l'époque coloniale (1887 – 1954), la route est encore l'un des accès principaux de la capitale. Comme preuve, le gouvernement de l’Indochine a construit une ligne de tramway pour desservir cet axe. La route renforçait son rôle à la rencontre avec la rocade no 3 qui vient d’être formé pendant cette période (Source : Carte de Hanoï, dessiné par le Service Géographique de l'Indochine (Édition Avril, 1928))
Fig. 82 : À la fin des années 60, cet axe relie Hanoï et le centre urbain de Hà Đông, traversant plusieurs usines importantes du NordVietnam et des parcs de logements collectifs du type KTT (Source : Carte de Hanoï en 1968, enregistré par Central Intelligence Agency (CIA) des Etats-Unis)
106
Fig. 83 : Limite (en noir) du projet de renouvellement urbain le long du boulevard Nguyen Trai (2016) (Source : HUPI). A l’époque contemporaine, cet axe s’est intensifié considérablement avec l’implantation d’équipements publics (administrations, écoles, grandes université…), des KDTM (nouvelle zone urbanisée), des commerces et services importants. Le métro 2A devrait répondre aux besoins de déplacement de ce territoire.
107
Son rôle majeur en tant qu’un axe radial et puis, l’une des
congestions automobiles les plus graves de Hanoï ont incité à la création de la ligne 2A. Dès que le chantier a été ouvert, la morphologie de cette route a beaucoup changé. Au début des années 2000s, ce boulevard comprenait deux sens de circulation avec le terre-plein central assez étroit. Sur deux côtés, il était équipé de deux voies propres pour le bus et vélo. Le paysage urbain était très convivial avec des rangées d’arbres qui offrait l’ombrage idéal pour les habitants, les voyageurs, et aussi les petits commerces pendant l’été tropical. Le démarrage du chantier en 2008 a amené, tout d’abord, l’élargissement du terre-plein central pour accueillir les piliers gigantesques du métro. En 2015, sous prétexte de faciliter la construction du métro sur ce boulevard, la ville de Hanoï a abattu presque tous les grands arbres et regrouper la circulation des automobiles, du bus et de vélo. Ces travaux ont énormément changé l’image habituelle de ce grand boulevard animé. La construction de la ligne 2A du métro est devenu, malheureusement, le moteur pour tous ces changements, ceux qui provoquent, par la suite, une dégradation importante du paysage urbain. Cette transformation peut être synthétisé à travers les schémas suivants (dimension estimée par photo aérienne sur Google Earth pour les années 2007, 2012 et 2018) :
108
En 2007 : Le trafic était plus ou moins orienté (voie
automobile, voie pour bus et vélo…). Le boulevard Nguyễn Trãi restait très animé grâce aux activités mixtes des habitants, voyageurs et des petits commerces sous l’ombrage des grands arbres. Bien des adaptations spontanées avaient lieu sur les terres pleines, avec des trottoirs des deux côtés.
En 2012 : Le boulevard devenait de plus en plus
encombré (notamment après l’augmentation importante du nombre des voitures dans les grandes villes vietnamiennes, l’élargissement du terre-plein central). Comme la circulation était de plus en plus difficile, les motocyclistes empruntaient habituellement la voie de bus. Ainsi, le développement considérable des commerces, les services le long du boulevard ont entraîné une fréquentation accrue.
En 2018 : le boulevard s’est beaucoup densifié par de
nombreux projets ; le trafic se trouve dans un mélange de tous les véhicules (avec l’absence des vélos car ils ne sont plus en sécurité sur cette route). Sur des trottoirs rétrécis, les activités civiques (piétons, petits commerces, …) sont bien plus denses qu’avant. La plantation des moyens palmiers sur le terre-plein central plutôt le sens de décorer pour le métro que d’améliorer le microclimat.
109
2007
2012
2018
Fig. 84 : Coupes schématiques du boulevard Nguyễn Trãi au fil du temps
110
En conséquence, les espaces urbains et l’échelle très humaine
du boulevard Nguyễn Trãi ont été remplacé par la création brutale de l’infrastructure.
Ici, on ne remarque qu’une route automobile
spacieuse, encombré et étouffante avec la répétition rigoureuse des piliers du métro et la foule des différents types de véhicules. Sur ce chemin, les usagers de la route, les riverains souffrent progressivement des embouteillages, des émissions et des pollutions sonores. Désormais, la fréquentation faible des piétons et cyclistes sur cet axe est une autre preuve de sa qualité réduite en tant que boulevard urbain, selon la définition proposée par Centre d’Études sur les Réseaux, les Transports, l’Urbanisme et les constructions publiques (CERTU) : « Le concept de boulevard urbain dépasse la simple insertion paysagère d’une voie supportant un trafic important pour l’intégrer véritablement dans le tissu urbain et permettre l’expression d’une vie locale riveraine»106
Fig. 85 : Image de la vie urbaine sur Bld Nguyễn Trãi avant les modifications des chaussées : un motocycliste s’arrête pour acheter des fruits d’une vendeuse ambulante, à côté d’un vétéran reposant sous l’ombre des grands arbres.
Fig. 86 : Après les travaux en 2015, son image a été beaucoup changé : les éléments de vie quotidienne ont au fur et à mesure disparu, le trafic est maintenant chaotique. L’élargissement de la voie ne semble pas suffisant pour autant de véhicules toujours en croissance.
106
CERTU. Les boulevards urbains. Des voies qui permettent de réconcilier vie locale et circulation. Fiche technique No 28. Janvier 1998
111
Cette nuisance pose toutefois la question de l’intégration urbaine
du projet de métro 2A. Après avoir été conçu comme un support améliorant l’image urbaine de la ville de Hanoï, ce projet devrait répondre au problème de la congestion automobile très forte sur cet axe et ainsi valoriser les usages piétons dans cet endroit.
En terme d’effet de coupure, l’élargissement de la voirie et la
construction de la ligne aérienne ont pour conséquence d’éloigner l’usage et l’interaction des habitants le long du boulevard. Actuellement, on y compte des dizaines de passages piétons qui permettent de franchir un côté vers l’autre. Pourtant, ces aménagements sont encore très faibles et peu assurés en raison de la surcharge du trafic pendant la journée, puis de la grande vitesse des véhicules du soir. L’installation de feux de circulation ne semble pas souhaitée par les autorités qui préfèrent donner à cet axe le caractère d’une voie expresse. Dans le cas où le métro 2A n’atteindrait pas rapidement son niveau de desserte, cet axe radial doit encore assurer le trajet domicile-travail d’une grande population, mais aussi le transport de marchandises. De plus, l’existence des quatre passerelles piétonnes ne semble pas suffisante car ces équipements publics ne sont pas assez accessibles. Ce phénomène est provoqué par le manque d’éléments adaptés aux personnes à mobilité réduite ou aux personnes âgées, qui se retrouveront face à des escaliers de presque 30 marches consécutives. Également, les matériaux (les marches de l’escalier en brique, garde-corps en fer) choisis pourront se dégrader rapidement. La nouvelle forme de cet axe urbain représente aujourd’hui, des obstacles physiques, provoquant le délitement du lien social et rendant difficile l’accès aux services de proximités comme les écoles, la poste ou les commerces. Il est donc plus facile de traverser ce boulevard en moto plutôt qu’à pieds.
Dans ce cadre, l’aspect aérien du métro 2A est très intéressant
pour l’affranchissement, offrant plus de liaisons sur les deux côtés de la route. En dehors des passerelles piétonnes indépendantes, quelques stations stratégiques peuvent servir de plateformes piétonnes surélevées s’ouvrant au public et valorisant des connexions par rapport au boulevard. Comme les trottoirs deviennent de plus en plus étroits, ce type de plateforme peut accueillir ainsi les commerces de proximité, les services quotidiens pour établir une relation complémentaire entre le métro, les commerces et l’utilisateur.
112
En termes d’espaces publics, cet axe n’offre aujourd’hui pas
assez d’ouvertures permettant son dialogue avec les tissus urbains alentours. Sur tout le long du boulevard faisant 9 km, il existe très peu de morceaux publics qui est desservis directement. Ils sont une gare routière au terminus Yên Nghĩa, à deux marchés quotidiens, à deux petits parcs et un terrain de foot de l’échelle du quartier. Dans un périmètre de 800 mètres à proximité des stations de métro, on compte ainsi deux grandes étendues d’eau représentant des « espaces publics protégés ». Dans ce contexte, le métro et son articulation au flux peut générer une revitalisation pour les espaces existants et ainsi, stimuler la création de nouveaux espaces publics à l’avenir.
Fig. 87 : Localisation des connexions piétonnes vis-à-vis du boulevard Nguyễn Trãi. Toutes les stations du métro possèdent une possibilité d’ouverture publique pour le piéton. Les stations stratégiques ont été sélectionnés en fonction de leur localisation dans les quartiers surpeuplés, selon un manque d’espaces publics et une forte demande de commerces et services de proximité.
Fig. 88 : Piste de réflexion de la nouvelle plateforme pour l’espace piéton sur boulevard Nguyễn Trãi : organisation de manière harmonieuse des commerces, services de proximité et des espaces publics sur la passerelle. Il permet de préserver la commodité de vie des habitants. La plateforme a aussi une possibilité de se raccorder avec les centres commerciaux.
113
114
3.2.2 Autour du lac Hoàng Cầu : la revalorisation d’un grand « espace public protégé »
L’intégration du métro 2A s’accompagne de modifications
conséquentes dans le tissu urbain qu’il traverse. Durant cette évolution, les « espaces publics décontractés », victimes aussi bien d’une gestion laxiste du gouvernement local que des appropriations spontanées, sont les plus vulnérables. Cependant, l’apparition d’une telle infrastructure de transport provoque aussi des transformations sur les espaces publics formels dits « espaces publics protégés ».
Hanoï est une ville toujours en manque d’espaces publics en
raison de son boom économique et démographique qui a fortement transformé la ville depuis une vingtaine d’années. Dans ce cadre, la revalorisation des espaces publics existants sera fortement appréciée. Sur le territoire d’étude, la ligne 2A traverse le quartier du lac Hoàng Cầu au sein de l’arrondissement Đống Đa dont la densité démographique est la plus élevée de la ville . La morphologie de ce voisinage s’est densifiée avec des milliers de maisons tubes formant un tissu urbain à constructions spontanées et informelles, ainsi qu’avec de nombreuses tours d’habitation. Contrairement à l'installation linéaire favorable du métro aérien dans le boulevard Nguyễn Trãi grâce à la largeur actuelle de la voie, l’implantation du métro dans ce quartier très dense rencontrent plus de défis. Cela nécessite des traitements plus profonds pour réduire les impacts environnementaux, socio-économiques de la ligne sur l’existant.
Actuellement, l’image urbaine de cet endroit a connu bien des
changements consécutifs dès l’apparition du projet de métro 2A. Ses évolutions emblématiques sont représentées dans les figures suivantes. Les photos aériennes extraites de Google Earth et les cartes d’analyse urbaine sont ici présentées dans l’ordre chronologique de la construction de la ligne 2A :
En 2004, avant la naissance du Schéma Directeur et projet du
métro de Hanoï. (Fig. 89). -
En 2008, lors du démarrage du chantier de la ligne 2A. (Fig. 90).
115
-
En 2012, lorsque la construction subit d’importants retards. (Fig.
91). -
En 2018, où le site est un chantier presque terminé. (Fig. 92).
116
Fig. 89 : Morphologie du quartier Hoàng Cầu en 2004. La densité de construction était encore faible (il restait des friches, terrains constructibles, le tissu principal était constitué de maisons tubes). Le quartier est encadré de quatre routes principales. Les zones d’eau étaient assez importantes mais mal traitées (pas d’aménagement des abords du lac, le watringue étant pollué) donc n’étaient pas considérés et appréciés comme espaces publics.
Fig. 90 : Morphologie urbaine du quartier Hoàng Cầu en 2008. L’intensification urbaine dépend des constructions résidentielles (maisons tubes, plusieurs nouvelles tours d’habitation). La diminution de la surface d’eau était remarquable (le petit lac a été remblayé, la moitié du watringue a été canalisé en sous-sol). Le lac Hoàng Cầu est devenu l’espace public majeur du quartier. La circulation intérieure du quartier a été développée, permettant le déchargement des routes principales. A ce moment, le démarrage du chantier de métro ne touchait pas encore cet endroit.
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Fig. 91 : Morphologie du quartier Hoàng Cầu en 2012. La densité du quartier a augmenté de manière brutale en raison de nombreuses tours d’habitation. Le réseau routier, les équipements et services, ainsi que les espaces publics du quartier sont devenus surchargés. L’impact visible du métro était la création de l’axe central, suivie au-dessous par une ligne aérienne. Bien que cette nouvelle liaison automobile a ouvert le quartier sur la ville, elle a aussi provoqué une séparation entre lac Hoàng Cầu et l’autre côté de la voirie.
Fig. 92 : Morphologie actuelle du quartier Hoàng Cầu (2018). Comme il reste très peu de terrain constructible, la densité de construction a presque atteint la saturation. Dans un futur proche, ce quartier deviendra le cœur administratif de l’arrondissement avec la construction du nouveau Comité Populaire à côté du lac. Actuellement, le chemin de fer aérien s’est superposé au tissu urbain. Son intégration reste encore une priorité pour les projets urbains futurs. On peut se demander comment les deux stations peuvent mieux se connecter avec le tissu résidentiel tout en limitant les impacts, les effets de coupures urbaines. Également, comment le fonctionnement de la ligne aérienne peut-il contribuer à la valorisation des espaces publics dans ce quartier, notamment au lac Hoàng Cầu?
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Bien souvent, lorsqu’il y a requalification urbaine, de nombreux
projets portés par des quartiers locaux ont échoués en raison d’une conception inadaptée, d’une gestion laxiste du gouvernement local, mais aussi du manque de conscience des habitants. Une gestion au niveau des quartiers n’est donc pas une bonne pratique et ne conviendrait pas à l’ambition d’ampleur du projet de métro. Ce travail de renouvellement urbain exige donc des schémas d’organisation à une échelle supérieure, celle de la ville de Hanoï, pour répondre aux facteurs juridiques et pour rassembler suffisamment de ressources. Dans cette situation, on peut imaginer que l’arrivée du métro 2A, en tant que projet de transport urbain primordial, représentera un moteur gigantesque pour la revalorisation de ces espaces publics.
La plupart des lacs à Hanoï sont touchés par un manque
d’accessibilité et une mauvaise conception.
Autrefois sous forme
d’étangs naturels, ces lacs ont été traité de manière très simple, juste avec des limites données. Parfois, quelques équipements comme des sentiers pédestres, des bancs, sont installés pour profiter de la vue.
Pour le cas du lac Hoàng Cầu, la plupart des abords mesurent
1,5 mètre de largeur sauf sur son côté sud où un nouveau trottoir réalisé après l’ouverture de la voie automobile mesure maintenant 4 mètres de largeur. Cette dimension faible ne permet pas l’organisation d’activités sociales comme celles d’un vrai espace public et développer l’usage piéton. La fréquentation de ce lac est assez faible malgré son rôle indispensable (les lacs à Hanoï constituent des espaces de détente favorables pour les habitants, ceux qui pratiquent des activités physiques et des interactions sociales à leurs abords). En fait, dans le quartier où il est implanté, le lac Hoàng Cầu représente un espace majeur qui possède une localisation emblématique mais menace d’être dégradé. En faisant face à la densification urbaine importante, au renforcement du quartier comme centre administratif de tout l’arrondissement et à la mise en service du métro aérien, un projet de requalification urbaine pour ce lac devra donc être mis en œuvre. Ce travail comprendra non seulement sa préservation en terme de surface d’eau mais également la revalorisation de ses abords, en les rendant plus accessibles aux habitants.
La mise en service du métro aérien dans le quartier du lac Hoàng
Cầu s’accompagne de problèmes qui empêchent plus ou moins son
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Fig. 93 : Inscription urbaine du lac Hoang Cau. Afin de valoriser ce lac, il faut retravailler les abords pour qu’ils deviennent les espaces publics accessibles pour les habitants. Ainsi, il faut imaginer sa correspondance avec le nouveau métro aérien et sa position stratégique parmi l’ensemble des espaces publics du quartier.
intégration urbaine. Comme la gestion urbaine de Hanoï manque très souvent de cohérence sur le long terme entre la planification, les projets urbains et les constructions neuves, des espaces assez larges n’ont pas été préparés pour accueillir de grandes stations aériennes. Tout d’abord, la largeur des trottoirs où demeureront les sorties du métro sur la route centrale (escalators, escaliers et ascenseurs) ne mesureront que de 1,5 à 2 mètres dans la plupart de cas. Ensuite, bien que le gabarit du terre-plein central ici soit assez large pour les appropriations spontanées des habitants avec entre autres l’installation de petites buvettes, de déchetteries, ou encore le maraîchage des légumes, il est trop petit pour enrichir les usages publics en terrain de sport ou en promenade. Cette largeur a cependant une importance dans le projet. Il faut en effet repérer que la nouvelle route centrale du quartier (qui se superpose au-dessous du métro) sert plutôt des déplacements moins cruciaux que les rues ou boulevards latéraux. C’est la raison pour laquelle la densité de véhicules qui s’y trouvent y est beaucoup plus faible. Cette particularité permet de pressentir plus d’affranchissement des habitants vers ce terre-plein central.
D'un autre côté, depuis ces 3 dernières années, la ville de
Hanoï a fait bien des efforts pour revaloriser les espaces publics en espaces piétons autour des lacs célèbres. C’est le cas des phố đi bộ (rue piétonne) qui s’installent hebdomadairement, surtout le week-end, sur ses abords et dans le quartier alentour du Hồ Gươm(Le Petit Lac) et Hồ Tây (Le Grand lac de l’Ouest). Ces espaces publics ont été animés par la mise en place de spectacles, de concerts et de jeux traditionnels. Pour la première fois, on peut constater que les habitants de Hanoï
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apprécient le mode de vie piéton, en délaissant leurs chères motos. Même si les supports législatifs ont besoin de temps pour ajuster l’usage et l’exploitation d’une rue piétonne, ce projet nous a montré sa valeur urbaine qui favorise le piéton pour les gens locaux. Il est donc souhaitable de reproduire ce modèle dans les grands espaces publics de la ville.
Pour ce qui est du lac Hoàng Cầu, il est tout à fait possible d’être
inspiré par le modèle de phố đi bộ (la rue piétonne) pour favoriser les mobilités douces dans ce quartier. Dès la mise en service du métro aérien, le besoin de terrain pour les piétons et les stationnements sera en crise. Cela rend indispensables l’élargissement du trottoir et du terre-plein central pour accueillir les nouveaux usages.
Fig. 95 : Schéma d’intention urbaine du concept. Sur l'échelle du quartier, la rue piétonne va connecter deux stations du métro et ainsi, valoriser la connexion entre le grand parc d’habitation au Nord et avec le lac Hoàng Cầu. Les connexions paysagères sont souhaitables pour lier, orienter les espaces verts autour du lac, assurant le cheminement piéton vers les stations de métro.
121
Fig. 96 : Coupe schématique de l'état projeté du site qui nous montre des problèmes : le lac dévalorisé, les espaces piétons appropriés, la route centrale provoque un effet de coupure important.
Fig. 97 : Proposition pour valoriser la mobilité douce et trouver un meilleur rapport entre l’usage public, le lac et le métro. Il est donc proposé d’agir pour une nouvelle répartition de l’espace, en regroupant le trottoir côté lac et le terre-plein. La route centrale devrait être reconfigurée en retrouvant une bande de 2,5 mètres pour le stationnement. Les nouveaux espaces publics piétons et paysagers constitueront la connexion entre la ville et son lac. Cela permettra la réappropriation de l’espace public par les piétons et les riverains en proposant des animations et des activités. Il s’inscrit dans l’amélioration du cadre de vie et le renforcement de l’efficacité du métro.
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3.2.3 Le passage au milieu du quartier Thịnh Quang : les vides urbains à aménager
Ce territoire d’étude est un cas particulier à cause de sa formation
et son gabarit. Depuis le virage de la station Thượng Đình, qui s’oriente vers le centre-ville, le métro 2A se détache des voiries au-dessous. En poursuivant son chemin en forme d’arc, il traverse le quartier Thịnh Quang. Ce chemin de fer sur piliers a créé une chaîne de vides urbains, mesurant une largeur de 10 mètres en général. Ces espaces s’enchaînent sur une longueur de 200 mètres environ.
Fig. 97 : Localisation du site d’étude : le passage du métro est au milieu des intersections routières, à côté de la rocade n°2 où se trouve le trafic en tension. A 100m de la station Láng cela deviendra un grand pôle d’échange (lignes 2A, 4 et bus).
Depuis longtemps, quartier Thịnh Quang connaît une densité de
population et de bâtis très élevés. Il devrait se confronter prochainement à la revalorisation de ces nouveaux vides urbains. Ces espaces non-privés ont en effet un potentiel grâce à leurs dimensions et leur localisation qui pourraient accueillir des programmations en tant qu’espaces publics. Cependant, ils représentent aussi des espaces d’opportunité que les habitants ont commencé à s’approprier pour leurs usages divers. En effet, dès leur apparition à la fin du chantier de métro, ils ont connu un mélange d’usages à la fois publics et privés.
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Depuis les dernières phases de construction du métro, un revêtement
de brique en béton a été réalisé tout comme les trottoirs du quartier sur l’ensemble de ces espaces. Cela signifie que l’intention des autorités est claire : dédier ces nouveaux espaces à l’usage piéton du public. Sur chacun d’entre eux, sous l’ombre du métro aérien, les aménagements les plus modestes prenant par exemple la forme d’un terrain de sport ont été réalisés par la communauté locale. Le marquage par des lignes blanches simplement peintes sur le sol permet d’identifier par exemple des cours de badminton ou de plumfoot. Ces aménagements sont assez appréciés par les jeunes du quartier, mais seulement pour des durées courtes (le début de la matinée, la fin de l’après-midi) car ils n’offrent pas de diversité en termes d’activités annexes.
La plupart du temps, ces vides urbains sont réorientés en usages
spontanés par les riverains. Le sol revêtit est bien exploité par des commerces (boutiques, cafés, garages…) qui se trouvent au rez-de-chaussée des maisons tubes alentours. Sur les espaces publics, à côté des piliers, les vendeurs ambulants ont commencé à déployer leurs petits buvettes ou coins cuisine.
Fig. 98 : Analyse du site sur photo aérienne : le site est entouré par des administrations importantes et des commerces. La ruelle 1 connaît une fréquentation énorme en raison de l’expansion spontanée du marché quotidien donc elle est transformée en marché informel pendant la matinée. Les grandes surfaces de commerces côtés nord-ouest construites sur la structure légère, enclavent ces espaces publics sur la ville.
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Fig. 99 : Coupe 1-1 schématique du site. Ces espaces sont transformés en « espaces décontractés » : appropriés pour les activités quotidiennes des habitants. L’usage public du piéton est donc de plus en plus réduit.
Fig. 100 : Coupe 2-2 schématique du site. Les commerces côtés nord-ouest (à côté de la rue Yên Lang) empêchent la connexion entre ces espaces publics et la ville. Ces espaces sont mal traités par la ville donc ils provoquent des nuisances sur l’image urbaine de Hanoï.
Pour bien orienter les nouvelles programmations sur le site, j’ai mené
une enquête de terrain en partenariat avec des camarades de l’Université d’Architecture de Hanoï entre le 10 et 13 mai 2018. Elle s’appuie sur des entretiens effectués avec une trentaine d’habitants vivant à proximité de ce passage urbain. Les principales questions posées portaient sur le niveau de satisfaction des riverains sur l’état actuel de ces espaces, puis, sur les programmations et usages souhaités pour les projets à l’avenir.
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Fig. 101: Graphique du résultat de l'enquête pour orienter les nouveaux designs sur site
Sur les graphiques, on peut noter qu’il y a trois types d’usage
considérés comme les plus importants pour les habitants : les espaces publics (terrain de sport, aire de jeu pour enfants, espace vert…), la surface pour le commerce et les stationnements. Ce sont ainsi les enjeux qui leur semblent primordiaux pour valoriser ces espaces vides et qui doivent répondre en même temps à plusieurs fonctions urbaines.
Fig. 102 : Aménagement potentiel du site
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Les nouveaux designs devront répondre à plusieurs exigences afin
de contribuer à l’usage piéton public, puis afin de diminuer les impacts de l’infrastructure aérienne dans le quartier : -
Intégrer une surface de stationnement pour le besoin
des activités locales et pour supporter le fonctionnement du métro. Ce parking devrait être installé sur le côté sud du site qui se trouve juste à 100 mètres de la station Láng. Le gabarit du parking doit être limité pour permettre au moins une circulation piétonne d’un côté. -
Le marché quotidien existant sera rénové, créant une
extension potentielle sur les espaces dédiés aux activités commerciales sous le métro aérien. Le fonctionnement de nouveaux espaces commerciaux devrait être ajusté pour équilibrer l’activité du marché matinal et des petits commerces occasionnels et réguliers. -
La surface de commerce côté nord-ouest du site sera
réaménagée pour permettre une ouverture vers la rue Yên Lang. D’une part, il s’agit de la combinaison des grands commerces existants au sein d’un seul nouvel immeuble. D’autre part, le terrain exproprié servira aux usages communs : cage ou terrain de sport multifonctions, espaces communs, espaces verts… Les nouveaux équipements devraient favoriser l’accessibilité et l’éclairage naturel du site.
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Fig. 100 : Pistes de réflexion concernant l’ouverture du site et résultat de la transformation des vides urbains crées par le métro aérien en espaces publics multifonctionnels. Ces espaces favorisent la cohabitation entre l’usage piéton public et les activités commerciales, l’équilibre entre l’image urbaine formelle très conviviale et le secteur privé de l’économie informelle des habitants.
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CONCLUSION
Les espaces publics à Hanoï ont été conçus par combinaison
entre concept spatial de la société asiatique et influences occidentales. Ils sont le résultat d’une transformation qui n’a cessé depuis le Đổi
Mới, réforme économique de 1986. Les figures de ces espaces restent donc très ambiguës entre les caractéristiques planifiées et spontanées. Ce sont théoriquement des espaces urbains ouverts au public mais en pratique, ils sont personnalisés selon les constructions variées de chaque époque et chaque communauté. Evoluant au fil de l’histoire moderne de la ville, ils subissent une forte influence due à la mutation urbaine. Cela les amène actuellement à faire face à des enjeux importants. Tout d’abord, le manque de cadre législatif sur la gestion et l’exploitation a provoqué des appropriations incontrôlables, notamment sur les « espaces décontractés ». Ensuite, la présence importante des motos et scooters, ainsi que le boom du nombre des voitures privées ces dernières années à Hanoï montrent des obstacles pour valoriser l’usage piéton public sur ces morceaux urbains. Enfin, malgré l’intérêt des autorités sur la notion des espaces publics qui a permis des progressions, la planification au Vietnam fonctionne encore de manière descendante et génère des espaces monofonctionnels, peu adaptés à la vie urbaine dynamique et animée.
Dans ce cadre, le projet de métro de Hanoï répond à l’ambition
gouvernementale visant à moderniser la capitale, à engendrer des dynamismes économiques, démographiques, sociétaux et culturels. Étant l’élément structurant du Schéma Directeur 2030, vision 2050, le métro de Hanoï va avoir plusieurs impacts cruciaux sur la métamorphose des espaces publics alentours. D’une part, sa configuration du flux de transport, son concept de développement en tant que Transport Oritented Development (T.O.D), sa multipolarité, nécessitent une restructuration importante des tissus urbains dans lesquels il s’inscrit. Pour favoriser cette « renaissance » nécessaire des espaces urbains, il faut que la ville de Hanoï élabore des politiques et schémas plus concrets pour clarifier les facteurs juridiques et rassembler suffisamment de ressources. Leur travail portera sur la densification des fonctions urbaines autour des stations et pôles d’échange. Ainsi, la revalorisation
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du mode piéton et des espaces publics est indispensable pour assurer l’attractivité et l’efficacité du réseau. D’autre part, comme le métro aérien provoque bien des effets de coupure, il est essentiel d’enquêter sur les projets urbains à venir pour réduire ces impacts. Cela permettra de tenter d’empêcher la dégradation et l’appropriation des espaces publics comme autour des infrastructures aériennes existantes.
Concernant la ligne pilote du métro aérien 2A Hà Đông – Cát
Linh, elle représente une épreuve pour la structuration urbaine tout autour du réseau. La ligne 2A évoque de nombreux potentiels pour fabriquer une meilleure intégration. Son facteur aérien, très présent dans les tissus urbains traversés, peut renvoyer à des pistes de réflexion sur l’aménagement des espaces publics alentours. Surtout, il s’agit de conceptions pour privilégier la mobilité douce et mettre l’accent sur les espaces publics en revalorisant les « espaces publics protégés » et encadrant les « espaces décontractés ». Les nouveaux concepts urbains, suivant le tracé du métro aérien, devraient trouver une programmation adaptée avec chaque contexte précis, et être en cohabitation harmonieuse entre les secteurs formels et informels, entre l’ambition déterminée de la planification et la flexibilité de la vie urbaine.
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Articles : 1 .
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ANNEXE Quelques photographies sur la vie urbaine à Hanoï
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Ă mon cher HanoĂŻ. Mars 2019