Multiple nerve entrapment sites of groin

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Syndromes canalaires des nerfs ilio-hypogastriques, ilio-inguinaux, génitofémoraux, obturateurs et pudendal Entrapment neuropathy of ilio-hypogastric, ilio-inguinal, genito-femoral, obturator and pudendal nerves Jean-Marie Berthelot Service de rhumatologie, Hôtel-Dieu, CHU de Nantes, 1, place Alexis, 44093 Nantes cedex 01, France Reçu le 1er octobre 2006 ; accepté le 13 janvier 2007 Disponible sur internet le 20 février 2007

Mots clés : Syndrome canalaire ; Nerf ilio-hypogastrique ; Nerf ilio-inguinal ; Nerf génitofémoral ; Nerf obturateur ; Nerf pudendal ; Névralgies ; Douleur ; Région inguinale Keywords: Entrapment neuropathy; Ilio-hypogastric nerve; Ilio-inguinal nerve; Genito-femoral nerve; Obturator nerve; Pudendal nerve; Neuralgia; Pain; Groin

1. Syndromes canalaires des nerfs ilio-hypogastriques, ilioinguinaux et génitofémoraux

inguinal et du nerf génitofémoral, dont les symptômes sont souvent difficiles à distinguer l’un de l’autre.

Le nerf ilio-hypogastrique peut être impliqué dans deux types de syndromes canalaires :

1.1. Anatomie des nerfs ilio-hypogastriques, ilio-inguinaux et génitofémoraux

● celui touchant son rameau perforant latéral au-dessus de la crête iliaque, connu par les rhumatologues du fait de la topographie des douleurs induites (région sustrochantérienne) (Fig. 1) ; ● celui de la branche terminale du nerf, mieux connu des chirurgiens, car souvent induit par un traumatisme chirurgical (chirurgie herniaire ou du quadrant inférieur de l’abdomen) [1], les douleurs affectant la face interne du creux inguinal surtout (Fig. 2).

Le nerf ilio-hypogastrique est un nerf mixte (moteur et sensitif), qui naît du premier nerf lombaire et souvent du 12e dorsal, chemine en avant du carré des lombes, derrière le rein, puis perfore le muscle transverse de l’abdomen pour progresser ensuite entre celui-ci et l’oblique interne où il se divise. En effet, avant sa terminaison dans le creux inguinal, le nerf iliohypogastrique émet (comme le nerf sous-costal situé au dessus [2]) une branche perforante (Fig. 1). Celle-ci va traverser les muscles obliques puis passer au-dessus de la crête iliaque et se distribuer aux téguments de la partie supérieure de la fesse [3], et surtout de la face externe de la hanche dans sa portion supérieure (région sus-trochantérienne). Cette perforante, qui court sous la peau, manque dans 10 % des cas (étant alors remplacée par une branche perforante du nerf sous-costal, situé un peu plus haut), s’arrête avant le trochanter dans 20 % des cas, mais l’atteint ou le dépasse dans 70 % des cas [2,3]. Elle passe dans un défilé ostéo-aponévrotique, situé entre 7 et 11 cm de l’épine iliaque antérosupérieure (en règle à la verticale du grand trochanter) où elle peut être coincée [2,3]. La branche

Toutefois ce deuxième type de syndrome canalaire mérite aussi d’être connu des rhumatologues car il peut simuler des douleurs de la hanche ou de la région pubienne, ainsi que des pathologies radiculaires lombaires hautes. Il en est de même pour les compressions des branches terminales du nerf ilio-

Adresse e-mail : jeanmarie.berthelot@chu-nantes.fr (J.-M. Berthelot).

1169-8330/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2007.01.004


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Fig. 1. Syndromes canalaires des branches perforantes latérales des nerfs iliohypogastriques et sous-costaux [2].

terminale du nerf ilio-hypogastrique, après s’être faufilée entre les muscles obliques, poursuit son chemin vers la région inguinale et perfore l’aponévrose de l’oblique externe environ 2,5 cm au-dessus de l’anneau inguinal pour innerver la peau juste au-dessus du creux inguinal, ainsi que le pubis (Figs. 2,3). Le nerf ilio-inguinal est un nerf mixte (moteur et sensitif), émanant de L1, avec parfois quelques fibres de T12 et L2. Il transperce le muscle transverse 1 cm au-dessus de l’épine iliaque antérosupérieure, puis les muscles obliques (assurant l’innervation motrice de la partie basse du transverse et de l’oblique interne), pour cheminer ensuite sous l’aponévrose de l’oblique externe jusqu’à l’anneau inguinal, où il accompagne le cordon spermatique (ou le ligament rond chez la femme) sur 2 à 4 cm (en donnant parfois quelques branches

Fig. 2. Topographie des zones d’innervation sensitive élective des branches terminales des nerfs ilio-hypogastriques, ilio-inguinaux et génitofémoraux.

Fig. 3. Terminaison des nerfs ilio-inguinaux et génitofémoraux.

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qui cheminent au-dessus du cordon spermatique) [4]. Il perfore ensuite l’aponévrose du muscle oblique externe. Ses rameaux terminaux sous-cutanés innervent la partie la plus haute et interne de la cuisse, et souvent la racine de la verge et le scrotum chez l’homme, les grandes lèvres et le mont-de-vénus chez la femme (Figs. 2,3) [4]. Le nerf génitofémoral est un nerf surtout sensitif, même s’il innerve aussi le muscle crémastérien. Il naît des racines L1 et L2, et chemine à la face antérieure du psoas derrière l’uretère avant de se diviser en deux branches, 6 cm après avoir émergé du psoas. Sa branche fémorale suit l’artère iliaque externe, passe sous l’arcade crurale à la face externe de l’artère, accolée à son adventice. Cette branche participe à l’innervation de la partie supérieure et médiale de la cuisse, le territoire pris en charge étant toutefois moins médial (moins interne) que celui du nerf ilio-inguinal (Fig. 2). Sa branche génitale suit le cordon spermatique (ou le ligament rond) dans le canal inguinal, et innerve le scrotum ou les grandes lèvres (Figs. 2,3). 1.2. Fréquence des variations anatomiques La variabilité anatomique des nerfs ilio-hypogastrique, ilioinguinal et génitofémoral est grande [5]. En effet, les territoires d’innervation sensitive de ces trois nerfs se chevauchent et se suppléent souvent, la grosseur du nerf ilio-inguinal étant souvent inversement proportionnelle à celle du nerf iliohypogastrique (situé au dessus). La distribution des rameaux terminaux des nerfs ilio-inguinaux et génitofémoraux peut donc beaucoup varier d’une personne à l’autre [5], voire d’un côté à l’autre pour un même sujet (dans 60 % des cas [1]). De ce fait, en cas de douleurs du scrotum ou des grandes lèvres, il n’est pas possible d’affirmer cliniquement si les racines superficielles en cause appartiennent au nerf ilio-inguinal ou au génitofémoral. Dans une étude anatomique sur 32 sujets, Rab et al. ont ainsi noté quatre variantes d’innervation [1] : ● dans le type A (47 % des cas), l’innervation du scrotum et de la face interne de la partie haute de la cuisse est assurée par des branches du nerf génitofémoral ; ● dans le type B (28 % des cas), l’innervation sensitive de cette même région dépend surtout de l’ilio-inguinal, les branches du génitofémoral ayant seulement un rôle moteur (muscle et réflexe crémastériens) ; ● dans le type C (20 % des sujets) on note à nouveau une dominance du nerf génitofémoral (qui contribue même à l’innervation sensitive du mont-de-vénus et de la face antérieure des grandes lèvres ou du pénis), mais on relève aussi des anastomoses avec des branches terminales du nerf ilio-inguinal ; ● dans le type D (8 % des cas), l’innervation provient à part égale de branches terminales des nerfs ilio-inguinaux et génitofémoraux [1]. D’autres atypies ont été décrites : nerfs ilio-hypogastriques ou ilio-inguinaux accessoires, ou origine aberrante du nerf ilioinguinal à partir du génitofémoral.


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1.3. Le syndrome des branches perforantes du nerf iliohypogastrique (et sous-costal) (Fig. 1) La douleur peut être aiguë, mais reste le plus souvent chronique, faisant évoquer une périarthrite de hanche, une méralgie paresthésique, une sciatique, une enthésopathie des muscles s’insérant sur la crête iliaque, ou une douleur projetée d’origine rachidienne. Il n’y a pas d’hypoesthésie, cette zone cutanée étant également innervée par l’autre perforante (du nerf souscostal), ainsi que des rameaux provenant des nerfs fémorocutanés et sciatiques. Le diagnostic peut être très fortement suspecté par la reproduction de la douleur à la pression de la branche perforante lors de son passage au-dessus de la crête iliaque, dans la petite « rigole » que l’on peut souvent palper chez les sujets maigres. Il est conforté par la mise en évidence, à la manœuvre du pincer-rouler, d’une cellulalgie dans le territoire du rameau cutané (qui peut couvrir l’ensemble du trochanter), et surtout par les tests anesthésiques [2], à pratiquer au croisement de la crête iliaque, en injectant 5 à 10 ml de lidocaïne répartie entre 2 cm en avant du point de crête et 2 cm en arrière au contact du bord supérieur de la crête iliaque [3]. Ce test induit un soulagement de quelques heures, parfois plus [2], et permet de noter la disparition de la douleur souvent déclenchée à la pression du grand trochanter, traduisant, comme la cellulalgie, la sensibilisation de la peau à ce niveau et pouvant égarer vers une bursite ou une tendinopathie trochantérienne [2]. Ce test peut ensuite être complété par une infiltration de corticoïdes, une neurolyse chirurgicale étant à réserver aux cas rebelles [2]. 1.4. Les syndromes canalaires des branches terminales des nerfs ilio-hypogastriques, ilio-inguinaux et génitofémoraux lors de la traversée des muscles de la paroi abdominale 1.4.1. Nerfs ilio-hypogastriques et ilio-inguinaux Il s’agit d’une douleur inguinale à type de brûlure, plus continue que paroxystique [4], même si elle est accrue par la position assise (laquelle induit une compression du nerf lors de sa traversée des muscles obliques) ou lors de mouvements mettant en tension les muscles de la paroi abdominale [4–6]. Cette douleur peut aussi être majorée par l’éternuement et la toux, qui entraînent une contracture brutale de ces muscles [4]. De ce fait, les patients adoptent parfois une position antalgique en flessum de hanche et inclinaison du tronc du côté de la douleur. Des douleurs en éclairs évoquent plutôt un névrome qu’un syndrome canalaire. La topographie de la douleur dans les souffrances du nerf ilio-hypogastrique est la région inguinale et le quart inféro-interne de l’abdomen (Fig. 2). Dans les souffrances du nerf ilio-inguinal, la topographie est classiquement le creux inguinal, mais avec des irradiations variables, d’une part vers la face interne de la cuisse, d’autre part les grandes lèvres ou le scrotum, voire la face dorsale de la verge [4] (Figs. 2,3). Ces variations s’expliquent par la variabilité anatomique évoquée plus haut [1]. On peut trouver dans le même territoire une hyperpathie et/ou une hypoesthésie. Dans certains cas des douleurs référées dans l’abdomen, et surtout

des douleurs pelviennes chroniques peuvent s’y associer ou être au premier plan (racines de T12 à L2), notamment chez la femme [4]. Les gynécologues ont donc souvent le réflexe de rechercher une souffrance d’un de ces nerfs lors de leurs traversées des parois abdominales en présence de douleurs pelviennes chroniques [4]. La souffrance d’un nerf est surtout à évoquer quand la douleur perdure quatre semaines après un geste chirurgical portant sur la région inguinale [4]. Toutefois la douleur peut aussi survenir des mois ou plusieurs années après la chirurgie [4] (dans 13/23 cas, dont neuf après un intervalle libre d’au moins quatre ans [7]). Le diagnostic peut être facilité par l’abolition des potentiels somatosensitifs évoqués à partir de la branche cutanée du nerf ilio-hypogastrique [8], technique qui pourrait être plus performante que l’EMG. En effet, chez 41 patients suspects d’un syndrome canalaire des nerfs ilio-hypogastriqueilioinguinaux, l’EMG n’était anormal que chez 15 des 25 patients chez qui le diagnostic était déjà certain (et a été confirmé par la chirurgie), et dans seulement 6/16 cas où le diagnostic était encore douteux [9]. Toutefois, le diagnostic est surtout conforté par la pratique de blocs anesthésiques [1,4], tant des nerfs ilio-hypogastriques et ilio-inguinaux que du génitofémoral. La pratique de ces blocs peut être optimisée par l’échographie qui peut visualiser les troncs nerveux, au moins chez l’enfant [10], ce que la variabilité anatomique de distribution de ces nerfs déjà citée rend encore plus souhaitable. Il reste toutefois à valider la valeur diagnostique de ces blocs par des études contrôlées [11]. En l’absence d’efficacité, certains auteurs pratiquent ensuite des blocs plexiques L1–L2, et, en cas de résultat positif, en concluent que les douleurs résultent surtout d’une souffrance du nerf génitofémoral, mais cela aussi n’est pas validé [11]. 1.4.2. Nerf génitofémoral La souffrance du nerf génitofémoral induit un tableau très proche de celle du nerf ilio-inguinal, ce qui n’est pas étonnant compte tenu du chevauchement des territoires d’innervation et des variations anatomiques évoquées plus haut. Le territoire de douleur et/ou de dysesthésies à la partie haute de la cuisse est toutefois un peu moins médial (Fig. 2), tandis que les douleurs dans la région scrotale peuvent être perçues comme plus profondes. La disparition du réflexe crémastérien est un argument supplémentaire pour une souffrance du nerf génitofémoral, mais la sensibilité et la spécificité de ce signe n’ont pas été évaluées. La fiabilité du diagnostic dépend donc en grande partie de l’expérience de la personne pratiquant les blocs anesthésiques, dont la spécificité n’est pas absolue, pour affirmer que le nerf génitofémoral est en cause (étant donné les anastomoses sus-citées avec le nerf ilio-inguinal) et qu’il s’agit bien d’un syndrome canalaire. 1.5. Étiologie des syndromes canalaires des nerfs iliohypogastriques, ilio-inguinaux et génitofémoraux La plupart (90 %) des cas de souffrance des branches terminales des nerfs ilio-hypogastriques et hypo-inguinaux survient


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après chirurgie : appendicectomie, chirurgie herniaire (notamment endoscopique), hystérectomie avec incision du muscle transverse [1], néphrectomie [12], prise de greffon iliaque. Pour le nerf génitofémoral, il faut rajouter, pour la branche génitale, les chirurgies du psoas ou de l’uretère (compte tenu de la proximité plus grande de ce nerf avec le muscle), et, pour la branche fémorale, les abords de l’artère iliaque externe, le nerf étant souvent pris dans l’adventice de l’artère. Dans les 10 % de cas restant c’est après un traumatisme (par une ceinture de sécurité [1]) ou une pratique sportive que des syndromes canalaires peuvent se décompenser. Cela a été rapporté pour le nerf ilio-hypogastrique chez 23 athlètes présentant de petites hernies dans l’aponévrose du grand oblique où des rameaux du nerf ilio-hypogastrique étaient venus s’incarcérer. Des mécanismes similaires ont été décrits pour des rameaux des nerfs ilio-inguinaux ou génitofémoraux [13]. Les souffrances des nerfs après une chirurgie ne relèvent pas toutes d’un syndrome canalaire, le geste pouvant aussi être à l’origine d’un étirement du nerf (notamment quand le chirurgien doit soulever le cordon spermatique à la recherche d’une perforation du sac herniaire [4]), d’une compression par les écarteurs, de lésions par le bistouri (y compris une électrocoagulation par les bistouris électriques), d’un embrochage par une aiguille lors de la suture [14], ou de l’induction d’un granulome ou d’un névrome [4]. Toutefois, de véritables syndromes canalaires peuvent être générés par la suture de l’aponévrose des muscles obliques externes ou par la pose d’agrafes/ clips servant à fixer le matériel prothétique (filets ou plaques posés pour renforcer la paroi abdominale dans les cures de hernies) [4]. La fréquence des atteintes de ces trois nerfs varie selon les critères requis pour les diagnostiquer, mais rivalise avec celle du nerf obturateur après chirurgie majeure du pelvis [14]. En effet, sur 1210 femmes opérées, cinq avaient souffert ensuite des nerfs ilio-inguinaux ou ilio-hypogastriques, quatre des nerfs génitofémoraux, versus neuf des nerfs obturateurs (et 3 des nerfs fémoraux), soit une fréquence de 1 % environ, ces patientes ayant fini par guérir spontanément dans 73 % des cas [14]. Seules les douleurs durables (en rapport avec des sections de nerfs ou du plexus) ont induit une reprise chirurgicale. La fréquence des lésions et/ou syndromes canalaires de ces nerfs paraît surtout élevée après les interventions pour cures de hernies, même si les chiffres varient selon les séries de 1 à 20 %, avec une moyenne de 12 % [11], avec un risque sans doute accru lors des cures de hernies par voie endoscopique [15]. 1.6. Diagnostic différentiel des syndromes canalaires des nerfs ilio-hypogastriques, ilio-inguinaux et génitofémoraux Les blocs anesthésiques contribuent à éliminer de nombreux diagnostics différentiels des douleurs inguinales : tumeurs, torsion transitoire du cordon spermatique ou du ligament rond, varicocèle, hydrocèle, spermatocèle, hernies inguinales (parfois identifiées seulement grâce à l’échographie du scrotum et du canal inguinal), adénopathies, névrite du ligament large, élon-

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gation ou hématome des muscles de la paroi ou du muscle pectiné, périostites ou enthésites du pubis, pathologies urologiques, souffrance de la hanche [4], tendinopathies, bursites, ostéites, souffrance du tendon conjoint, enthésopathie du ligament inguinal [16]. 1.7. Traitement des syndromes canalaires des nerfs iliohypogastriques, ilio-inguinaux et génitofémoraux Le traitement préventif consiste à éviter une lésion des nerfs en peropératoire par leur dissection prudente. La pose de clips pour stabilisation du filet prothétique (parfois posé pour renforcer la paroi lors des cures de hernies inguinales) pourrait à l’avenir être remplacée par l’usage de colles biologiques, mais ce procédé n’est pas encore validé. La chirurgie curative ne doit être proposée que dans les formes chroniques (après au moins trois mois d’évolution), la plupart des douleurs notées en postopératoires régressant spontanément [6]. Il peut s’agir de cicatricotomie, d’une simple neurolyse, mais surtout d’une neurectomie qui paraît nécessaire pour éviter les récidives par fibrose [4]. Les 17 publications ayant trait à ces neurectomies sont de qualité méthodologique médiocre [11], aucun article ne précisant par exemple le degré de douleur, tant avant la chirurgie qu’après celle-ci [11]. Dans l’expérience de Kim et al., la neurectomie a certes induit une amélioration presque complète dans 21/23 cas de souffrance du nerf ilio-inguinal et dans 9/10 cas de souffrance du génitofémoral, les rares séquelles ayant été la disparition du réflexe crémastérien, ou un engourdissement persistant de la région [4]. Toutefois, tous ces patients avaient été prudemment sélectionnés sur une franche positivité des blocs anesthésiques et des taux d’échecs de 20 % ont été rapportés dans des séries de patients plus importantes [11]. Compte tenu des variations anatomiques évoquées plus haut et de la difficulté à certifier la souffrance élective d’un seul de ces trois nerfs, certains chirurgiens proposent d’intervenir sur les trois nerfs à la fois [17]. Cette attitude ne semble justifiable que si les blocs anesthésiques n’apportent pas un soulagement complet [4]. Une modalité originale de cryothérapie perchirurgicale a été testée, dont les résultats ne semblent durer que quelques mois seulement [4]. L’ablation isolée des filets de renforcement de parois (quatre cas) ou des agrafes ou clips posés pour fixer ceux-ci (quatre autres patients), n’a été que très rarement publiée, bien qu’un effet favorable sur les douleurs inguinales (parfois incomplet [11]) ait été constaté dans tous les cas. En fait, l’ablation des plaques peut être aussi périlleuse et celle des clips devrait être aussi économe que possible, en repérant au mieux au préalable par des blocs sous contrôles radiographique ou échographique le nerf présumé responsable du syndrome canalaire induit. Dans des cas sévères certains chirurgiens sont allés jusqu’à la pratique d’une orchiectomie, qui paraît d’autant plus condamnable que la douleur persiste après ce geste dans 80 % des cas et que la dénervation du cordon spermatique suffit en fait à induire un soulagement complet dans 75 % des cas [4].


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2. Syndromes canalaires du nerf obturateur 2.1. Anatomie du nerf obturateur Le nerf obturateur naît classiquement des deuxième, troisième et quatrième racines lombaires. Les fibres se réunissent à la face postérieure du psoas, restent cachées au sein de celuici, puis en émergent derrière les vaisseaux iliaques pour prendre la direction du trou obturé, qu’il traverse. Il se divise alors en deux branches juste avant d’aborder le muscle obturateur interne et de traverser le canal obturateur [18]. La branche postérieure traverse le muscle obturateur externe (dont il assure l’innervation motrice, ainsi que celle des courts et grands adducteurs), puis descend devant le muscle grand adducteur, mais derrière le court adducteur, jusqu’au genou, où elle innerve l’artère poplitée et la face postérieure de l’articulation (le rameau articulaire pouvant toutefois manquer chez certains sujets) [18] (Fig. 4). La branche antérieure (qui donne un rameau articulaire à destinée de l’articulation de la hanche [16] avant de descendre dans la cuisse), descend d’ordinaire derrière le muscle pectiné et le long adducteur, mais devant l’obturateur externe et le court adducteur (Fig. 4). Chez quelques patients, cette branche antérieure peut toutefois passer derrière le muscle court adducteur (c’est-à-dire accompagner plus longtemps la branche postérieure). Elle contribue à l’innervation motrice des muscles du court et du long adducteur et du gracile. Cette branche antérieure se termine sous le muscle sartorius en donnant de nombreuses branches terminales, dont des rameaux anastomotiques pour le nerf fémorocutané et le nerf saphène interne, et, chez 20 % des sujets, des rameaux pour la face médiale du tiers inférieur de la cuisse. Rarement, une branche cutanée superficielle se détache sous le bord inférieur du muscle long adducteur, pour se terminer à la peau en longeant le bord médial du muscle sartorius [18]. Ces variations expliquent que la topographie de la zone d’innervation sensitive cutanée ne soit pas constante. Par ail-

leurs, du fait du chevauchement important avec les territoires d’innervation sensitive des nerfs sciatique et fémoral et contrairement à ce qu’indiquent certains traités d’anatomie, la zone cutanée la plus spécifique du nerf obturateur est située à la partie médiale et postérieure du genou et non à la face interne de la cuisse. De même, le nerf obturateur n’assure l’innervation motrice que d’une partie des muscles contribuant à l’adduction (70 % environ), puisqu’outre les muscles adducteurs, les muscles gracile, grand glutéal, pectiné, carré fémoral, obturateur externe, et semi-tendineux y contribuent aussi [18]. De ce fait, les déficits sensitifs ou moteurs manquent souvent à l’examen clinique, surtout lorsque la souffrance du nerf obturateur résulte d’un syndrome canalaire. Le nerf obturateur accessoire (qui serait présent chez 10 à 50 % des sujets) provient des racines L3 et L4 et chemine initialement avec le nerf obturateur mais, à la différence de celuici, passe au-dessus de la branche iliopubienne, dans l’anneau fémoral, avant d’aller s’anastomoser à la branche antérieure du nerf obturateur [16,19], après avoir donné quelques branches pour l’articulation coxofémorale ou la peau du trigone fémoral [18]. 2.2. Zones à risques pour le nerf obturateur La présence de graisse protège normalement d’un conflit au sein du trou obturé [16], et seuls des traumatismes sévères peuvent y induire des lésions du nerf obturateur chez les sujets jeunes [20]. En revanche, chez des sujets âgés et dénutris, la disparition de la graisse peut faciliter la migration dans le trou obturé d’épiploon ou d’intestin, avec création d’un syndrome canalaire à ce niveau. Plus bas, les branches antérieures et postérieures du nerf peuvent aussi être coincées : pour la branche antérieure, la zone à risque est le pourtour des artères circonflexes médiales ou fémorales profondes, où le fascia de la face postérieure du grand adducteur peut s’épaissir autour des vaisseaux [16] et créer alors un canal dans lequel la branche antérieure du nerf obturateur peut être cravatée (ce fascia plaquant la branche antérieure du nerf obturateur entre le court adducteur en arrière, et le pectiné et le long adducteur en avant) [16,21]. Pour la branche postérieure, la zone à risque semble être la traversée du muscle obturateur externe, ou d’un muscle obturateur externe surnuméraire présent chez 10 à 50 % des sujets et situé entre les court et long adducteurs et la partie supérieure du grand adducteur [22]. Ce syndrome canalaire de la branche postérieure est d’autant plus difficile à évoquer que celle-ci est surtout motrice, alors que les syndromes canalaires induisent surtout des signes sensitifs. 2.3. Signes cliniques de souffrance du nerf obturateur

Fig. 4. Anatomie du nerf obturateur.

Les signes moteurs ne sont, au premier plan, que dans les lésions sévères du nerf : gène à la marche, avec sensation d’instabilité de la jambe, encore plus marquée chez les athlètes pratiquant le saut. Une paralysie permanente avec atrophie des


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adducteurs, perte de l’adduction et de la rotation interne (induisant de ce fait une marche en rotation externe et circumduction [23]) est donc absente dans les syndromes canalaires et ne survient que dans les atteintes majeures du nerf. Une disparition du réflexe des adducteurs est de même exceptionnelle et n’a de valeur que si ce réflexe est très bien trouvé de l’autre côté [23]. Les signes sensitifs ne surviennent que si la branche antérieure est impliquée. Ils peuvent n’apparaître qu’à l’exercice : douleur inguinale, ou douleur à l’insertion des muscles adducteurs, pouvant irradier à la face interne de la cuisse vers le genou. Les irradiations au-dessous du genou sont rares [23], et pourraient s’expliquer par l’anastomose avec le nerf saphène (branche du nerf fémoral). On constate rarement la présence d’une zone d’hypoesthésie à la face interne des deux tiers inférieurs de la cuisse et exceptionnellement plus bas que le genou [23,24]. Le piège à retenir par le rhumatologue est que cette douleur est accrue par l’abduction, l’extension et la rotation interne, ce qui oriente vers une pathologie de la coxofémorale. Toutefois, une souffrance du nerf obturateur peut être évoquée durant l’examen si la douleur est soulagée par la flexion (signe d’Howship-Romberg), ce qui n’est pas le cas en général dans les coxopathies. 2.4. Facteurs favorisant la survenue d’un syndrome canalaire du nerf obturateur Une position anormale de la cuisse pendant une longue période pourrait favoriser un syndrome canalaire transitoire (surtout en cas d’accouchement, quand une malposition fœtale ou l’usage de forceps participent aussi à l’étirement d’amont du nerf) [23]. L’autre situation où un syndrome canalaire peut être noté est la survenue d’une hernie à la partie proximale du canal obturateur. Une masse de petite taille (correspondant parfois à un ovaire chez la femme, mais étant le plus souvent de l’épiploon, ou, très rarement, un kyste synovial en provenance de la hanche [25]), peut parfois être palpée à la partie médiale du creux inguinal, entre le muscle obturateur externe et le muscle pectiné (la pratique d’un toucher rectal pouvant sensibiliser cette recherche [26]). Ces hernies obturatrices concernent six fois plus souvent les femmes, dont le canal obturateur est plus large, et le côté droit est atteint plus souvent que le gauche (ratio de 3/1). Elles sont favorisées par tous les facteurs de pression abdominale : constipation, ascite, cyphoscoliose, bronchite chronique, mais restent cliniquement méconnues trois fois sur quatre. Leur diagnostic peut être confirmé par l’échographie ou le scanner préopératoire dans la plupart des cas. Cette étiologie rare de douleurs inguinales est à évoquer chez toute patiente âgée, amaigrie et présentant des signes d’occlusion intestinale, compte tenu, notamment de sa gravité (nécrose de l’intestin pouvant conduire au décès). La compression de la branche antérieure du nerf obturateur dans l’épaississement du fascia du grand adducteur formant un canal autour des vaisseaux circonflexes, apparaît souvent lors de la pratique sportive, notamment le football. Les douleurs partant de la partie haute et médiale de la cuisse, majorées

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par les mouvements d’adduction, sont alors souvent attribuées à tort à une pubalgie [27] ou à une souffrance musculaire lorsque l’IRM met aussi en évidence des signaux inflammatoires au sein des muscles adducteurs ou de l’obturateur externe [16]. 2.5. Électrophysiologie et blocs anesthésiques du nerf obturateur Le diagnostic peut être conforté par l’électrophysiologie, à la recherche de signes d’instabilité de membrane (potentiels de fasciculations) dans les muscles adducteurs, lesquels apparaissent après au moins trois semaines de souffrance, mais ne deviennent vraiment nets qu’au bout de trois mois. Pour apporter des arguments au caractère tronculaire de l’atteinte, la démonstration de l’intégrité du nerf fémoral et des muscles paraspinaux peut être bienvenue. La mise en évidence d’un ralentissement des vitesses de conduction sensitive ou motrice est techniquement délicate, ces dernières nécessitant une stimulation du nerf en regard du ligament inguinal et l’étude de la réponse dans le muscle gracile. Les latences distales de conduction motrice sont de 3,9 ± 0,7 ms [28]. La mesure des vitesses de conduction motrices proximales (entre le rachis et le trou obturateur) est encore plus délicate, nécessitant, pour réaliser cette stimulation, la pose d’une électrode entre les lames de L1 et L2 (la vitesse de conduction motrice normale étant de 10,4 ± 0,3 ms) [28]. Les blocs anesthésiques du nerf obturateur sont aussi de réalisation délicate du fait de la profondeur du nerf et de la discrétion ou de l’absence (dans environ 50 % des cas) d’induction d’une hypoesthésie. Seule l’apparition d’un déficit moteur des adducteurs peut alors attester de l’efficacité du geste [18]. Ces blocs doivent être souvent précédés d’une neurostimulation pour aider à localiser le nerf, mais ce repérage pourrait être assuré par la pratique d’une échographie. Ces blocs doivent être réalisés assez haut pour que les branches antérieure et postérieure soient anesthésiées, c’est-à-dire par la voie classique de Labat qui aborde le nerf à son émergence du foramen obturé. La voie basse, inguinale, permet en revanche l’anesthésie sélective des branches antérieure ou postérieure du nerf. Quand elle est obtenue, l’hypoesthésie affecte surtout la face postéro-interne du genou à hauteur du creux poplité [18]. 2.6. Diagnostics différentiels des syndromes canalaires du nerf obturateur La souffrance du nerf obturateur est rarement due à un syndrome canalaire. Si l’on excepte de rares étiologies rachidiennes (sans doute méconnues car souvent mélangées à des souffrances du nerf fémoral ou confondues avec elles) [29], la plupart des névralgies obturatrices relèvent d’une irritation du nerf à son émergence à la partie basse du psoas ou à son entrée dans le canal obturateur : cancer pelvien (prostate, vessie) [parfois par l’intermédiaire d’adénopathies métastatiques au contact du nerf], anévrisme de l’artère hypogastrique, chirurgie vasculaire, urologique, abdominale, pelvienne, orthopédique (extru-


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sion de ciment), lymphadénectomie. L’accouchement et l’endométriose [23] sont des étiologies exceptionnelles, de même que les myosites ossifiantes du muscle obturateur [24]. De rares cas de schwannomes, de kystes mucoïdes développés au contact du nerf, de neuropathies diabétiques, ou de souffrances dissociées du plexus lombaire ont aussi été rapportés [24]. Les autres causes de douleurs de la partie interne de l’aine doivent aussi être évoquées quand les douleurs sont au premier plan : hernie inguinale, fracture de fatigue du cadre obturateur, ostéoarthropathies de la symphyse pubienne, souffrance du tendon conjoint, enthésopathie du ligament inguinal [16], déchirure des muscles adducteurs. 2.7. Traitement des syndromes canalaires du nerf obturateur En cas d’atteinte isolée de la branche antérieure du nerf obturateur, la stimulation électrique des adducteurs et fléchisseurs de hanche a été proposée, conjointement avec des étirements. En fait, ces modalités thérapeutiques ne sont utiles que dans les formes modérées découvertes tôt. Dans les syndromes canalaires plus durables, tels que ceux observés chez les athlètes, un geste chirurgical doit d’autant plus être proposé que des anomalies électrophysiologiques sont apparues. Cette chirurgie consiste en une section du fascia couvrant le pectiné et le long adducteur, complétée d’une dissection minutieuse de l’espace entre ces deux muscles, pour décoller le nerf de ses adhérences au fascia et/ou aux vaisseaux environnant. La simple libération du nerf du fascia a pu suffire à induire une amélioration complète [21], dans 41/52 cas de douleurs considérées jusque-là comme des « pubalgies » chez des footballeurs [27]. 3. Syndromes canalaires du nerf pudendal Les névralgies pudendales résultent de l’irritation du nerf pudendal sur son trajet, surtout au niveau de la pince formée par les ligaments sacroépineux et sacrotubérositaires, mais aussi dans le canal d’Alcock (dédoublement du fascia de l’obturateur interne dans sa portion intrapelvienne) (Fig. 5). 3.1. Anatomie du nerf pudendal Le nerf pudendal naît de branches venant des racines S3 et S4, et parfois S2. Il descend en dedans du tronc du sciatique, puis sort temporairement de la région pelvienne en passant sous le muscle piriforme, en dedans du sciatique. Toutefois, à la différence du sciatique, le nerf pudendal retourne dans la région pelvienne en se faufilant entre deux ligaments qui forment à ce niveau une pince : en dessous, le ligament sacrotubéral (tendu entre le sacrum et la tubérosité ischiatique) et, au dessus, le ligament sacroépineux (tendu entre le sacrum et l’épine ischiatique). C’est dans ce « canal » (qui n’est en fait qu’une « pince ») où il est accompagné de l’artère et des veines pudendales, que le nerf est le plus souvent irrité. Toutefois il peut, 15 mm plus loin, être encore irrité dans un second canal, décrit par Alcock, qui correspond à un dédoublement du fascia

Fig. 5. Anatomie et sites de conflit du nerf pudendal.

du muscle obturateur interne. Dans ce canal pudendal (qui mesure en tout 16 mm), la disparition de la graisse remplacée par un tissu fibreux (notamment après un traumatisme) ou une stase veineuse, peut faciliter l’apparition d’un syndrome canalaire en position assise, surtout lorsque le canal d’Alcock est déjà naturellement serré ou « soulevé » par un processus falciforme. Dans ce canal le nerf pudendal se divise en plusieurs branches terminales : ● nerf anal, contribuant à la sensibilité de la marge de l’anus et à la motricité du sphincter externe strié ; ● nerf périnéal sensitif assurant l’innervation des téguments du périnée aux bourses–grandes lèvres ; ● nerf périnéal moteur commandant les muscles érecteurs (ischio- et bulbocaverneux) et le sphincter strié de l’urèthre ; ● nerf dorsal de la verge ou du clitoris [30]. 3.2. Clinique [31–34] La douleur de tonalité neurogène siège surtout dans le périnée, mais peut irradier à la vulve ou au scrotum, voire dans la région anale. Des irradiations atypiques ont été aussi décrites vers la face interne des cuisses, les ischions et les fesses. Contrairement à la plupart des autres syndromes canalaires, elle évolue sur un mode continu, des douleurs paroxystiques devant faire évoquer un autre diagnostic (lésion cordonnale ou tumeur de la queue-de-cheval). Elle apparaît surtout en position assise. De ce fait, les patient(e)s évitent de s’asseoir et redoutent les longs trajets. La douleur diminue lors du décubitus et elle disparaît souvent à la marche. Elle n’est pas majorée par la toux, ni par la miction, mais la défécation peut induire ou majorer de manière différée des irradiations rectales. Il n’y a pas de troubles sexuels et les signes sphinctériens restent discrets (tendance à la constipation ou à la pollakiurie). Le diagnostic doit surtout être évoqué à l’interrogatoire, car on ne trouve en général que


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peu d’anomalies à l’examen clinique (pas d’anesthésie en selle, ni de perte des réflexes anal ou bulbocaverneux). En fait, l’examen clinique peut brouiller les pistes s’il trouve des contractures douloureuses des muscles de voisinage (dont celle du muscle piriforme). Un toucher rectal peut conforter la suspicion diagnostique s’il déclenche au palper de l’épine ischiatique une douleur reproduisant la douleur spontanée. 4. Facteurs favorisant la survenue d’un syndrome canalaire du nerf pudendal La compression dans le canal d’Alcock peut être favorisée par une insuffisance du plancher pelvien ou une ostéotomie du bassin (de type Chiari). Elle peut aussi être déclenchée par un évènement précipitant : grand écart, chute sur les fesses, cyclisme, billot périnéal lors de certaines chirurgies, endoscopies urologiques, gynécologiques [35], ou digestives. Toutefois, la douleur apparaît le plus souvent insidieusement. 5. Nécessité d’explorations électrophysiologiques et de blocs anesthésiques L’examen de stimulodétection [34] confirme souvent le diagnostic en enregistrant : une augmentation de la latence du réflexe bulbocaverneux, ou des signes de dénervation périnéale, et, surtout, une augmentation de la latence distale du nerf pudendal après stimulation par voie endorectale. Celle-ci est pratiquée avec un doigtier spécial au contact de l’épine ischiatique, les potentiels étant recueillis au périnée. Des potentiels évoqués peuvent également être sollicités [36], mais la valeur de ces examens dépend de l’expérience des opérateurs. Il en est de même pour les blocs anesthésiques [37] qui ont l’avantage de pouvoir indiquer si l’irritation du nerf a lieu dans la pince entre les ligaments sacrotubérositaires et sacroépineux, ou, plus en aval, dans le canal d’Alcock. Ces gestes peuvent être menés sous contrôle scopique, tomodensitométrique [38] et plus récemment échographique [39]. 6. Diagnostic différentiel des syndromes canalaires du nerf pudendal Il faut d’abord éliminer une pathologie proctologique, gynécologique (endométriose, vulvodynie), ou urologique (prostatodynies, syndromes uréthraux, et orchialgies). Il faut particulièrement distinguer les douleurs du scrotum des orchialgies (douleurs des testicules). Ces dernières sont en effet dues à la souffrance de rameaux « viscéraux » innervant le testicule : nerfs spermatiques inférieurs, moyens et supérieurs, qui remontent vers la moelle via les plexus hypogastriques inférieurs et supérieurs, et le plexus intermésentérique en établissant de nombreuses anastomoses avec les fibres viscérales en provenance des reins, de l’intestin et de l’aorte. De ce fait une douleur testiculaire doit faire évoquer d’abord une souffrance de ces viscères (comme une appendicite, une souffrance urétérale ou un anévrisme de l’aorte). Si la douleur a une composante

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neurogène évidente, il faut écarter les douleurs cordonnales qui sont souvent paroxystiques et les autres causes de souffrance des racines de S2 à S4 (syndrome de la queue-de-cheval, kystes arachnoïdiens à développement extracanalaires, fistules artérioveineuses), qui peuvent s’accompagner d’une hypoesthésie ou d’une anesthésie en selle. Les syndromes canalaires des nerfs précédemment traités (nerfs ilio-hypogastriques, ilioinguinaux et génitofémoraux) doivent aussi être discutés quand les douleurs concernent surtout le scrotum ou les grandes lèvres, compte tenu des variantes anatomiques. Il est plus rare qu’une névralgie obturatrice induise des irradiations atypiques vers le périnée. 7. Traitement des syndromes canalaires du nerf pudendal 7.1. Traitement chirurgical Il n’est indiqué que dans les formes chroniques ayant résisté aux blocs anesthésiques, qui, outre leur intérêt diagnostique peuvent induire aussi des améliorations durables dans près de la moitié des cas. Il consiste, après avoir désinséré le gluteus maximus de la face dorsale du ligament sacrotubéral, à réséquer le tiers externe du ligament sacrotubéral sur 2 à 3 cm pour soulager le nerf et ses vaisseaux. Le chirurgien décolle ensuite avec le doigt (digitoclasie) le nerf de ses adhérences au ligament sacrotubérositaire, puis à celles contractées plus bas dans le canal d’Alcock. Une fois le nerf ainsi libéré, on retourne en arrière pour sectionner le ligament sacroépineux, et on fait basculer le nerf pudendal au-dessus de l’épine ischiatique [40,41]. Cette chirurgie induit une amélioration chez environ deux tiers des patients [42], les échecs étant surtout constatés lorsque la chirurgie a été réalisée très tardivement et/ou chez les patients non améliorés par les blocs anesthésiques [43]. 7.2. Traitement rééducatif Quand le diagnostic n’est pas assuré par une franche positivité des explorations électrophysiologiques et/ou des blocs anesthésiques, ou dans les formes mineures de syndrome canalaire du nerf pudendal, des techniques de rééducation sont proposées. Références [1] Rab M, Ebmer J, Dellon AL. Anatomic variability of the ilioinguinal and genitofemoral nerve: implications for the treatment of groin pain. Plast Reconstr Surg 2001;108:1618–23. [2] Maigne R, Maigne JY. Syndrome des branches perforantes latérales des nerfs sous-costal et ilio-hypogastrique. Une cause méconnue de douleurs de hanche. Rev Rhum 1986;53:307–11. [3] De Visme V, Picart F, Le Jouan R, Le Grand A, Savry C, Ek F. Bloc des branches perforantes latérales des nerfs sous-costal et ilio-hypogastrique pour la chirurgie proximale du fémur. Ann Fr Anesth Reanim 1997;16: 982–4.


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