Dussurget 2010 Flyer

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our les hommes et les femmes de ma génération, Gabriel Dussurget aura été l’initiateur. Il nous aura conduits sur les chemins de l’opéra à une époque où n’existait que le 78-tours et où il était bien difficile de connaître les productions internationales. Grâce à lui, Aix-en-Provence devint notre Glyndebourn, notre Salzburg. Qui peut oublier l’ouverture de Don Giovanni lorsqu’elle s’élevait de la baguette d’Hans Rosbaud dans la nuit provençale ? Gabriel Dussurget reste pour tous ceux qui aiment l’opéra un exemple. Nous sommes nombreux à lui devoir une passion qui ne nous a jamais quittés. Lui rendre hommage est plus que nécessaire. Pierre Bergé

PRIX GABRIEL DUSSURGET « Découvertes de la scène lyrique » FESTIVAL D’AIX-EN-PROVENCE 2010

prix est décerné en hommage à Gabriel Dussurget, fondateur du Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence et son directeur artistique de 1948 à 1972. Ce prix récompense un artiste récemment « révélé » par le Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence, et ce dans tous les domaines concourant à la production des œuvres lyriques : chanteur, chef d’orchestre, interprète, compositeur, scénographe. Gabriel Dussurget a su, de son vivant, donner son sens plein à la notion d’opéra. Il était également reconnu pour son talent de découvreur. Il n’engageait pas de « noms », mais des artistes susceptibles de contribuer à la réussite du spectacle dans son ensemble. C’est ainsi qu’il fit débuter ou contribua aux débuts de chanteurs, de chefs d’orchestre devenus célèbres depuis, tout en privilégiant également la dramaturgie, avec son corollaire scénographique. Il se plaisait à dire que l’on ne venait pas voir ou entendre tel ou tel chanteur, telle ou telle œuvre, mais « Le » Festival. C’est cette conception de l’art lyrique que ce prix souhaite mettre en exergue. Ce prix est attribué, par l’Association Gabriel Dussurget, pour la cinquième année consécutive en 2010, à M. Oscar Bianchi, compositeur, qui va créer pour l’Académie européenne de musique 2011 du Festival un opéra sur un livret de Joël Pommerat.

Ce prix est matérialisé par un trophée commémoratif, remis au lauréat, créé spécialement par M. René Coutelle, sculpteur installé à Paris et aux Baux-de-Provence.

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Il fait suite à de talentueux jeunes artistes de la scène lyrique couronnés par notre Prix. Après 2006, où le Prix fut attribué au baryton Stéphane Degout à l’occasion du dixième anniversaire de la disparition de Gabriel Dussurget, autour de

Mme Edmonde Charles-Roux et de M. Jean Lacouture ; ce fut en 2007 le metteur en scène Jacques Osinski, aujourd’hui directeur du Centre dramatique national de Grenoble, sur le thème de la mise en scène de théâtre et de la mise en scène d’opéra, en présence de M. Jérôme Deschamps ; en 2008 le chef d’orchestre Jérémie Rhorer par Serge Baudo, sur le thème de la direction d’orchestre aujourd’hui ; en 2009 la mezzo-soprano Anna Grevelius par Marc Minkowski lors d’un débat sur le métier du chant lyrique et l’évolution qu’il connaît aujourd’hui. Le Prix sera remis cette année par Monsieur Jacques Charpentier, compositeur de la dernière création lyrique de l’époque Gabriel Dussurget, l’opéra Béatris de Planissolas, le 15 juillet, en l’Hôtel Maynier d’Oppède, lors de l’audition d’une cantate d’Oscar Bianchi, et d’un débat dont le thème sera « L’opéra, un genre en plein renouveau », animé par M. Alain Perroux, conseiller artistique du Festival et dramaturge, dans le cadre des Rencontres du Festival. Compte tenu de ce thème, notre brochure 2010, au-delà de la présentation de notre lauréat, est consacrée à la création musicale du Festival de l’époque de la direction de Gabriel Dussurget. Il nous importait de rappeler que le Festival, et, ce, dès son origine, avait consacré une large part de sa programmation à la création d’œuvres contemporaines. Le prix est matérialisé par un trophée commémoratif, spécialement créé pour le Prix Gabriel Dussurget par M. René Coutelle, sculpteur installé à Paris et aux Baux-de-Provence.

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OSCAR BIANCHI,

COMPOSITEUR

é le 5 août 1975 à Milan, de nationalité italienne et suisse, Oscar Bianchi débute ses études de musique et de piano dès l’âge de 8 ans. Il suit ensuite des cours de composition et de direction de chœur et d’orchestre au conservatoire Giuseppe Verdi à Milan, ainsi que des cours de musique électronique aux conservatoires de Milan et de Bologne et à l’académie de Modène. Il complète sa formation en participant au cursus de composition et d’informatique musicale de l’Ircam (2003-2004) et à de nombreuses masterclasses et résidences internationales (Stockholm International Composition Course, cours d’été de Darmstadt, Abbaye de Royaumont, Atlantic Center for the Arts en Floride…). Lauréat du Prix Gaudeamus en 2005, il est distingué par de nombreuses institutions musicales auxquelles il collabore, tels que ensemble ICtuS (2005-2007), DAAD en résidence à Berlin (2009), CCA Pro Helvetia de Varsovie (2010). Il est actuellement Faculty Fellow de l’Université Columbia de New York, où il prépare un doctorat de composition et enseigne. Sa musique est, selon l’IRCAM, « caractérisée par des textures denses, une imagination remarquable et un sens aigu de la dramaturgie musicale ». Ses compositions, déjà abondantes, sont données par les plus prestigieux interprètes et institutions, dont le Klangforum Wien, l’ensemble Modern, Ictus, les Percussions de Strasbourg, le nieuw ensemble, les neue Vocalsolisten Stuttgart, et l’Itinéraire. Elle est largement diffusée en Europe, notamment par la SWR (Allemagne), la RAI TRE (Italie), la RTBF (Radiotélévision belge de la Communauté francophone), la RTSI (Suisse), et la VPRO (Pays-Bas). Parmi ses œuvres les plus récentes, on note le Vishudda Concerto, créé à Francfort par l’Ensemble Modern, le concerto Anahata pour le Klangforum Wien, la cantate Matra, créée par Ictus avec les neuevocalisten Stuttgart. Ses projets concernent des compositions pour l’Orchestre philharmonique de New York, le concerto Ajna à créer par l’Orchestre philharmonique de Radio-France au Festival Musica de Strasbourg fin 2010, ainsi qu’un quatuor à cordes et l’opéra à venir pour 2011 dans le cadre de l’Académie européenne de musique d’Aix-en-Provence. Oscar Bianchi avec les cuivres de l’ensemble Modern à Johannesburg en 2010.

Oscar Bianchi vit à New York. Ses œuvres sont publiées aux Editions Musicales Durand (universal Music Pubblishing).

Sources : www. ircam. com ; http ://brahms. ircam. fr/works/work/24047 ; http ://www. oscarbianchi. com.

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RENCONTRE AVEC

OSCAR BIANCHI

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avec la voix est une opération de dévoilement de soi. C’est

cution en grandeur réelle des œuvres et des résultats des

pourquoi, me semble-t-il, certains compositeurs n’ont pas

recherches musicales qui y sont menées. Ce fut un vrai

écrit pour la voix. Et je comprends leurs difficultés.

L’opéra est un lieu où l’on peut conjuguer la force de transfor-

boursier et enseignant de la Columbia University de

mation du son avec la force de transformation du théâtre.

serait ma voie. Enfin, je me suis inscrit au Conservatoire de

New-York. L’atmosphère de la création musicale y est-

Cette alchimie, lorsqu’elle est réussie, porte en elle un grand

Milan, car je voulais acquérir la technique, quel que soit le

elle différente ?

pouvoir dans le cadre de l’expérience collective.

Oui, car c’est un lieu de synthèse, avec des apports culturels

Pendant ces années de formation, quels furent vos musi-

divers qui créent une grande richesse. Plusieurs mondes

ciens de référence ?

musicaux y sont présents et échangent entre eux de manière

Les plus grands, ceux que l’on me faisait étudier ! J’étais fasciné

moins cloisonnée qu’en Europe : la musique d’inspiration

par les chorals de Bach, leur harmonie, cristalline, parfaite et

européenne, des courants minimalistes très américains, ou

équilibrée, sur le plan sonore comme sur le plan symbolique. Je

une musique néoromantique, néo-tonale. Dans un même

suis tombé en admiration devant les variations sur un thème

concert, on peut passer de Boulez, à Reich et Lachenmann…

Mes parents n’étaient pas musiciens professionnels, mais ils

chestration même. Et puis, il y a aussi la dernière symphonie de

étaient mélomanes. J’avais bien une grand-mère concertiste,

Schubert… Ces musiques n’ont pas d’âge !

ans, je me reconnaissais une facilité dans la composition de

seulement en théorie, car les échanges y sont basés sur l’exé-

Vous êtes aussi passé par les États-Unis, où vous êtes

riche et belle, dans un exercice d’orchestration qui dépasse l’or-

mes frères, je suivis des cours de piano et que, dès neuf ou dix

est un geste très fort. Aussi, pour un compositeur, se mesurer

vais encore trop « classique » ! J’ai toujours pensé que ce

Comment avez-vous commencé votre carrière musicale ?

concerts de Milan. Toujours est-il que, dès sept ans, comme

sons qui sortent de notre corps, dans ce qu’il a de plus intime,

matique de la composition musicale contemporaine, et pas

groupe Fusion, Keith Jarett, puis par Miles Davis que je trou-

autant : prendre un thème et en composer une variation aussi

il pour créer une hérédité ? Surtout, il y avait la Scala et les

de l’Allemagne. À l’IRCAM, je fus immergé dans la problé-

« choc » pour moi, que de me confronter avec cette richesse.

de Haydn de Brahms. À cet âge, je rêvais de pouvoir en faire

XVIIIe siècle dans la Trieste du Saint Empire. Mais, cela suffit-

dimension physiologique et subjective. Signifier au travers de

hall. J’écoutais tout ; j’étais fasciné par le jazz instrumental, le

langage. Et c’est cela qui m’a ouvert sur la musique classique.

issue d’une famille d’origine juive polonaise et installée au

cale contemporaine en Italie, à la différence de la France ou

opéra pour Aix en 2011. Comment ce projet est-il né ? Comment travaillez-vous avec votre « librettiste » ? Notre tandem est une histoire. Nous avons été mis en contact par Antoine Gindt, qui, entre autres, dirige l’Atelier opéra en Création au Festival d’Aix. Il avait apprécié ma cantate Matra à Strasbourg en 2007, et il m’a proposé de travailler avec Joël Pommerat, qui est lui-même auteur et metteur en scène de

Je suis moins attiré que je ne l’ai été par le lyrisme, même si

ses propres textes. Sur sa proposition, j’ai choisi un de ceux

j’en garde les idées d’intensité et de force, que j’essaye

qu’il avait déjà écrits, que je sentais capable de m’inspirer par

d’explorer de manière plus transparente. Je voudrais arriver

sa poésie et son harmonie. C’est-à-dire une histoire sur

à une musique intensément poétique, qui ne soit pas tech-

laquelle ma musique peut interagir.

niquement étroite et distante des interprètes. Je pense avoir

Ligeti serait la référence la plus proche de ma sensibilité. Il a

conservé certaines constantes qui caractérisent ma musique

la capacité de conjuguer le dépassement d’un certain langage

en faisant évoluer mon langage.

comme lontano, ou bien au concerto de chambre.

Vous travaillez, sur un thème de Joël Pommerat, à un

Avez-vous traversé plusieurs périodes dans votre œuvre ?

Et la musique du XXe siècle ?

avec une force musicale extrême. Je pense à des pièces

Alors, comment passe-t-on de la voix à l’opéra ?

Qu’est-ce que serait pour vous un opéra réussi ? Ce serait une expérience que l’on arriverait à vivre pleinement au travers de la musique. Une pièce devient un chef-d’œuvre

Quelle place réservez-vous au lyrique, à la mélodie ?

parce qu’elle est construite d’une manière qui transcende le

Pour moi, la voix est l’instrument par excellence, où le corps

son même. On est au-delà de l’harmonie, de la structure ou de la forme, cela dépasse le langage et devient une expérience qui

mélodies. La partie créative a toujours été présente chez moi,

Comment vous êtes-vous formé dans vos années de

entier entre en résonance, dans son intimité et sa fragilité. J’ai

plus que l’interprétative. J’ai toujours aimé l’improvisation, qui

maturité ?

déjà composé des cantates, dont dernièrement Matra, donnée

s’immisce dans notre intimité. Le livret seul peut être anodin,

est une forme de création entre la performance et l’invention.

Je suis passé par l’IRCAM, qui était évidemment très différent

à Strasbourg, Stuttgart et Bruxelles. C’est très différent

car ce qui compte c’est la manière dont il interagit avec la

Dès l’entrée dans l’adolescence, je n’ai plus eu de doutes sur

du conservatoire de Milan, resté très académique, sans beau-

d’écrire pour la voix ou un instrument ; ce n’est pas par la

musique ; comment il en résulte du sens et une expérience de

ma carrière. À cet âge, j’étais attiré par la chanson et le music-

coup de contacts avec la création. Il y a peu d’activité musi-

technique que cela diffère, mais par l’intervention d’une

beauté. C’est l’objectif que je voudrais atteindre.

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Comment travaillez-vous avec Joël Pommerat ?

graphiques m’ont beaucoup touché. Je pense par exemple à

Au moment où je vous parle, le texte du livret n’est pas encore

In the Mood for love ou bien 2046 de Wong Kar-Wai, où le son

finalisé, et il va non seulement l’écrire mais aussi le mettre en

touche les aspects les plus poétiques et esthétiques dans

scène ; ainsi, notre relation est-elle un peu particulière, car

l’imaginaire du cinéaste et où le résultat final transcende la

aucun de ses textes n’a encore été mis en musique, même si j’ai

spécificité de chaque media.

ressenti tout de suite la couleur et la poésie de son écriture.

L’opéra n’est-il pas un genre suranné ? A-t-il un avenir à

Recommenceriez-vous une telle expérience ?

vos yeux ?

Certainement ! Ne serait-ce que parce que je compose cet

Je ne me lancerais pas dans une aventure aussi complexe si je

opéra pour un orchestre de chambre et que j’espère bien le

n’étais pas convaincu que l’on peut y faire des choses de

faire pour un orchestre symphonique aussi. On ne peut

grande importance, comportant une épaisseur intellectuelle

aborder un domaine aussi vaste que l’opéra dans une seule

et poétique. Se confronter avec cet « objet-opéra » reste, me

de ses dimensions.

semble-t-il, une épreuve primordiale pour un compositeur, car il y aborde toute une diversité de dimensions musicales.

Que souhaiteriez-vous faire dans la suite de votre carrière ?

François d’Assise de Messiaen a renouvelé l’intérêt des jeunes

dien avec la création, me mesurer avec elle.

Mener ces deux carrières, j’aimerais que cela puisse advenir

J’aimerais écrire beaucoup de musique, bien sûr, mais qui

compositeurs pour l’opéra, et, aujourd’hui, on rencontre une

porte du sens pour les gens. La condition pour qu’elle

grande effervescence dans ce domaine, avec des langages

Comment composez-vous ?

s’adresse aux autres, c’est qu’elle ait une vraie raison d’être

musicaux très différents.

Je compose au piano ou à l’ordinateur. Je ne transcris pas

Peut-on « gagner sa vie » avec la composition musicale ?

toujours sur un instrument. J’entends ce que j’écris, et cela de

C’est effectivement difficile d’en vivre ! On surfe sur les

plus en plus en acquérant de l’expérience. Plus on apprend

bourses, les concours, les résidences et les commandes. J’ai eu

« le métier », mieux on anticipe l’exécution de son travail…

la chance de remporter le Prix Gaudeamus en 2005 et d’être

pour moi, corresponde à une exigence personnelle. Je veux me consacrer à des projets auxquels je crois et que je vais explorer pour des raisons musicales. Sur le plan institutionnel, j’espère travailler avec des partenaires convaincus, se sentant investis d’une véritable mission musicale.

La voix est-elle pour vous un instrument comme les autres, ou souhaitez-vous la mettre en valeur ? Une certaine idéologie a prévalu, après la seconde guerre mondiale, qui visait à proscrire toute hiérarchie, comme germe des folies xénophobes que nous avions traversées.

nommé « Faculty Fellow » à l’Université Columbia de New-

harmonies. Je suis amené à faire des choix, et pour cela il faut

York, où je finalise un doctorat de composition et je viens de

pouvoir entendre.

terminer ma résidence à Berlin chez DAAD. Autrefois, on

Cela a abouti à ne pas privilégier une expression sur une

encore fait ?

autre, ce qui est un choix moral que je comprends et ne

Avez-vous des regrets ?

Encore beaucoup de choses ! La composition d’un premier

critique pas. Mais, pour moi c’est une autre histoire. La voix

Peut-être pas, mais un souhait, oui ! J’ai été instrumentiste,

opéra, c’est déjà beaucoup, mais je continue par un quatuor à

porte certes une émotion supérieure, mais je ne voudrais pas

j’ai dirigé des chœurs ; l’exécution musicale a fait partie de

cordes. C’est un format plus modeste, mais qui a toujours une

pour autant la placer sur un piédestal. Il faut l’utiliser en

mon monde. Pourrais-je compléter cela par une carrière de

grande importance pour un compositeur. J’écris également un

tenant compte de son importance, sans plus.

chef d’orchestre ? Sauf exception, ce sont des mondes

beaucoup de formats pour lesquels écrire de la musique !

Quel serait votre plus grand bonheur ? Écrire et partager ma musique avec le plus grand nombre de

N’êtes-vous pas tenté par la musique de film ?

musiciens intéressés et le public. Le plus beau pour moi est ce

Je ne l’exclus bien sûr pas. Certaines expressions cinémato-

rapport avec le son à travers la composition, ce rapport quoti-

un jour pour moi.

L’ordinateur m’aide à entendre la complexité de certaines

Et que souhaiteriez-vous faire, que vous n’auriez pas

concerto pour violon pour la Philharmonie de New-York. Il y a

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L’ensemble Modern lors de leur interprétation du Vishuddha Concerto d’Oscar Bianchi, à Johannesburg, Afrique du Sud, en 2010.

Après une indéniable éclipse du genre, je pense que le Saint-

séparés. Et puis aussi, il faut pour diriger autant d’investissement personnel que pour composer, si bien qu’il est difficile de faire les deux de front. J’ai pu concilier ces exigences en

composait vite. Aujourd’hui, le langage musical contemporain demande du temps. L’enseignement est certainement la meilleure option, sans compter que, le métier de compositeur étant assez solitaire, la vie universitaire permet de garder des contacts, avec les collègues et avec les élèves. Certes, la musique de film ou la musique populaire peuvent permettre une grande aisance financière, mais ce peut être aussi un piège, car il est difficile d’en sortir une fois que l’on y est installé.

dirigeant mes propres œuvres. Ce fut une belle expérience.

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RENCONTRE AVEC

ÉMILIE DELORME Directrice de l’Académie européenne de musique du Festival depuis plus d’un an déjà, quelles orientations envisagezvous pour l’Académie ? Quelle approche de travail avec les jeunes artistes ? L’Académie d’Aix-en-Provence a la spécificité d’être plongée au

Académie européenne de musique 2009

Photos Élisabeth Carecchio – Festival d’Aix-en-Provence

sein du Festival. Elle donne donc l’occasion aux jeunes artistes de voir, d’entendre et de rencontrer une multitude de grands artistes, de disciplines très variées. Nous essayons donc de concevoir

de talents et beaucoup d’artistes programmés au Festival en sont issus. Il me semble que le Prix Gabriel Dussurget en est l’illus-

l’Académie comme un lieu de découverte, d’enrichissement, de

tration. Il permet au public d’identifier plus particulièrement l’un des jeunes artistes qui est passé par l’Académie, poursuit son

partage, de rencontre et d’expérience. En plus d’un programme

parcours au sein du festival et qui y reviendra certainement.

pédagogique exigeant, nous faisons en sorte que chaque jeune

Il est très symbolique pour nous que le prix 2010 soit remis à un compositeur. L’Académie 2010 accueillera en effet dix-huit

artiste puisse aller au-delà de ce qu’il connaît déjà, en le confron-

compositeurs vivants et permettra, tant aux jeunes artistes qu’au public, de faire un panorama de la création actuelle traversant

tant notamment à la création contemporaine et à des échanges

plusieurs générations et diverses esthétiques. La mise en place des « Master classes du compositeur » cette année favorisera

interdisciplinaires. Nous composons un programme pour chaque

l’accès aux œuvres en ouvrant la porte de la « cuisine » où se concoctent les œuvres de demain.

jeune artiste comprenant des master classes avec des artistes programmés au Festival et des maîtres invités spécialement ; l’accès à un maximum de répétitions et de manifestations, suivi d’un temps de discussion ; des présentations publiques dans le cadre du Passeport qui viennent jalonner leur parcours et qui permettent au public de suivre leur cheminement. Le lien entre les Académiciens et le public aixois est très précieux. Nous avons la chance d’avoir un public extrêmement fidèle, curieux et bienveillant.

Masterclass de chant de Susanna Eken dans le cadre de Académie européenne de musique, juin 2009.

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Le Prix Gabriel Dussurget vient récompenser cette année un jeune compositeur se lançant dans la composition d’un opéra. Comment pensez-vous que l’Académie peut contribuer à la pérennité de l’opéra en tant que genre musical dans le contexte de notre époque ? Avec la mise en place il y a quatre ans de l’Atelier Opéra en Création, l’Académie offre la possibilité à de jeunes créateurs de questionner le genre de l’opéra et ses formes actuelles : les formes plus petites que l’opéra traditionnel ne permettent-elles pas une meilleure diffusion et un meilleur accès à tous ? Comment intégrer les technologies multimédia ? Quelles peuvent être encore les formes de narration ? Comment refléter la diversité culturelle ? Pour la première fois cette année, des artistes ayant déjà participé à cet atelier auront la possibilité de participer à un atelier

Que pensez-vous qu’un prix, comme le Prix Gabriel

pratique qui portera sur leur projet. Ces ateliers sont une étape supplémentaire dans le processus de création et laissent le temps

Dussurget, peut apporter de plus aux artistes qui sont passés

aux artistes d’explorer plusieurs pistes.

par l’Académie ?

Parallèlement, l’Académie a fondé le réseau européen ENOA (European Network of Opera Academies) qui permet également

Ce prix met en valeur non seulement la qualité d’un artiste mais

aux jeunes créateurs de poursuivre ce questionnement en participant à des ateliers dans toute l’Europe, ateliers qui devraient

aussi l’ensemble de son parcours. L’académie est un incubateur

mener à plusieurs créations. Toutes ces initiatives contribuent à la réflexion que mène le monde de l’opéra actuellement.

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Créations aux concerts, programme de 1957.

Créations aux concerts, programme de 1957.

LA CRÉATION CONTEMPORAINE

AU

DE

L’image du Festival de Gabriel Dussurget reste attachée à Mozart, et à juste titre, mais on oublie qu’il a aussi donné une large place à la création contemporaine. Tour d’horizon en texte et en image.

12 De gauche à droite : Lavinia, Henry Barraud, décor et costumes François Ganeau. s Les Caprices de Marianne, Henri Sauguet, décor et costumes Jacques Dupont. Infographie Benjamin Bisson

FESTIVAL D’AIX-EN-PROVENCE

s Les

1949 À 1971

Malheurs d’Orphée, Darius Milhaud, décors et costumes Jean-Denis Malclès. s Henri Sauguet dans Les Caprices de Marianne.

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LA CRÉATION CONTEMPORAINE AU FESTIVAL D’AIX DE 1949 À 1971 La Turangalïla-Symphonie par Olivier Messiaen, 1950 La Turangalîla-Symphonie fut donnée en première audition en Europe le 25 juillet 1950. Nous reproduisons ici l’introduction du texte écrit par Olivier Messiaen pour présenter son œuvre dans le programme. Cette œuvre est un chant d’amour. Commandée en 1945 par Serge Koussevitzky et la Fondation Koussevitzky pour le Boston Symphony Orchestra, elle a été écrite et orchestrée du 17 juillet 1946 au 29 novembre 1948. La première audition aux États-Unis en a été donnée à Boston (Symphony Hall) le 2 décembre 1949 […] avec Yvonne Loriod au piano solo et Ginette Martenot aux ondes, sous la direction de Léonard Bernstein. Outre les bois traditionnels et le quintette à cordes, la composition orchestrale de turangalîla-Symphonie est des plus variées. Pour les cuivres : aux cors, trombones et tuba, s’adjoint un important pupitre de trompettes (petite trompette en ré, 3 trompettes en ut, cornet en si bémol). Les 3 claviers : jeu de timbres, célesta, vibraphone, ont un rôle spécial, assez semblable à celui des « gamelang » hindous, tels qu’ils se

pratiquent au îles de la Sonde (Java et Bali). La batterie, très fournie, exécute de véritables contrepoints rythmiques, et comprend : triangle, temple-block, wood-block, petite cymbale turque, cymbale, cymbale chinoise, tam-tam, tambour de basque, maracas, tambourin provençal, caisse claire, grosse caisse, huit cloches en tube. De plus, une « onde Martenot » (admirable instrument radio-électrique) domine l’orchestre de sa voix expressive. Enfin, une partie de piano solo, d’une extrême difficulté, destinée à « diamanter » l’orchestre de traits brillants, de grappes d’accords, de chants d’oiseaux, fait presque de turangalîla-Symphonie un concerto pour piano et orchestre. La turangalîla-Symphonie est écrite dans un langage rythmique très spécial, et utilise plusieurs principes rythmiques nouveaux (ordres quantitatif, dynamique, cinématique, phonétique, valeurs ajoutées, rythmes non-rétrogradables, agrandissement asymétriques à plusieurs personnages rythmiques, modes rythmiques et union des ordres quantitatif et phonétique en renforçant les valeurs et le timbre de chaque instrument de la batterie par des accords qui en sont la résonance). Graziella Sciutti et Michel Roux, décors de François Ganeau.

Le téléphone, de Gian-Carlo Menotti, texte de Marc Pincherle pour le programme du Festival de 1951 On a tant et tant parlé de Gian-Carlo Menotti, à l’occasion du Consul, qu’il me semble utile de donner sur sa carrière quelques renseignements précis. […] Bien qu’il ait écrit de la musique instrumentale […], son principal effort s’est porté sur le théâtre lyrique, vers lequel l’attirait un assez rare ensemble de dons : il est à la fois le librettiste, le compositeur et le metteur en scène de toutes ses

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œuvres dramatiques […]. the telephone a été créé à New York le 18 février 1947, sous la direction de l’auteur. […] En mettant cette intrigue en musique, Menotti, sans la ralentir ou la faire dévier d’une ligne, a fait le plus plaisant comprimé de toutes les situations, de tous les ingrédients traditionnels de l’ancienne opera-buffa. L’air tendre, l’air à vocalises, le duettino d’amour, l’éclat de rire, tout cela est

Gian Garlo Menotti, à gauche, et Gabriel Dussurget, au centre.

enchaîné, incorporé au dialogue avec une adresse incomparable. le téléphone peut le plus légitimement du monde servir de lever de rideau au Mariage Secret. Son italianisme n’est pas, comme on l’a parfois avancé, celui des véristes de l’époque 1900, mais bien celui qui anime les intermezzi du dixhuitième siècle, transposé à l’époque où nous sommes, et tel que, vraisemblablement, Pergolese, Galuppi, Cimarosa aimeraient à y reconnaître leur descendance.

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LA CRÉATION CONTEMPORAINE AU FESTIVAL D’AIX DE 1949 À 1971 La voix humaine, 1960, texte de Claude Rostand

Graziella Sciutti et J.-P. Benoit.

Henri Sauguet et, derrière lui, Irène Aïtoff.

Les Caprices de Marianne, 1954, texte d’Henri Sauguet L’opéra que Jean-Pierre Grédy a tiré de la comédie d’Alfred de Musset comprend deux actes aux péripéties très proches de son modèle. Quelques personnages subalternes ont été supprimés. L’ouvrage a été orchestré pour un orchestre léger (1 flûte, 1 hautbois-cor anglais, 2 clarinettes, 1 basson, 2 cors, 1 trompette, 1 trombone, 1 harpe, timbales et percussion, le quintette à cordes correspondant, mais souvent divisé). La durée totale de l’ouvrage est d’environ deux heures. Son langage est celui de la vivacité et de la fantaisie. Il est déterminé par les nécessités de l’action dramatique. Il emploie les ressources diverses, et parfois contradictoires en apparence, offertes au musicien du vingtième siècle, sans arbitraire ; ainsi peut-on y trouver des épisodes entièrement tonaux, a-tonaux, poly-tonaux. Il était par-dessus tout essentiel de donner ici la vie lyrique à des personnages de comédie et de leur conserver

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le climat, l’accent, la démarche, l’enthousiasme et la passion romantiques, peints cependant par un artiste d’aujourd’hui. Par sa forme générale, l’œuvre ne marque aucun retour à l’une des formes connues jusqu’ici du théâtre lyrique, mais plutôt une naturelle évolution de celui-ci. Airs, ensembles (mais point de chœur) se succèdent, reliés entre eux par un style de « conversation lyrique » qui ne fait point usage du traditionnel récitatif, mais plutôt d’une mélodie continue. Commencée en janvier 1954, la composition de l’ouvrage a été terminée en avril ; l’instrumentation achevée en juin. C’est le Festival d’Aix-en-Provence qui en a accepté la création. Le peintre Jacques Dupont est l’auteur des costumes et du décor ; la mise en scène est de Jean Meyer. L’orchestre est dirigé par M. Louis de Froment. Les études musicales ont été assurées par Mlle Irène Aïtoff.

Jusqu’à l’âge de quarante-cinq ans, Francis Poulenc n’avait jamais pensé devenir compositeur d’opéra. La musique de piano, la mélodie, la musique de chambre, le concerto et le ballet avaient été, jusque-là, ses moyens d’expression habituels. Sa première œuvre de théâtre date tout juste de sa quarante-cinquième année : c’est un opéra-bouffe terminé en 1944, et créé à l’Opéra-Comique de Paris, les mamelles de tirésias, d’après la pièce surréaliste de Guillaume Apollinaire. Douze ans plus tard paraissait son second opéra, de caractère tout différent, un drame historique et musical créé à la Scala de Milan, Dialogue des Carmélites, d’après la pièce de Georges Bernanos. la voix humaine, d’après la pièce de Jean Cocteau, est sa troisième réalisation dans le domaine du théâtre musical. L’œuvre fut composée en 1958, et créée le 6 février 1959 à l’Opéra-Comique de Paris. C’est une « tragédie lyrique » en un acte dont la formule est assez particulière puisqu’elle ne comporte qu’un seul personnage, ce qui est à peu près unique dans l’histoire de l’opéra. […] La conception prosodique de la voix humaine est très caractéristique du style de Poulenc, lequel est, on le sait, l’un des rares compositeurs ayant trouvé des solutions satisfaisantes au problème si difficile de la déclamation lyrique française, ainsi que le prouvent ses mélodies, de même que son précédent opéra sur le difficile texte de Bernanos. Francis Poulenc s’est toujours attaché à trouver la musique correspondant à chaque mot. Or ici, dans cette « tragédie lyrique » qui n’est en somme que l’intérieur d’un fait-divers, le style de Jean Cocteau est simple, prosaïque, réaliste, exactement comme celui que l’on emploie dans la vie courante. Francis Poulenc a donc cherché une déclamation lyrique conservant à ce texte son débit, ses intonations, sa pulsation de langue parlée naturellement. Et il a réalisé cette déclamation libre dans un style issu du recitativo instrumentale, mais dont de

Denise Duval.

nombreux passages à découvert utilisent la technique du recitativo secco. Poulenc joue de ces deux formules avec beaucoup de souplesse, sans recourir au moindre cliché conventionnel, et il donne au discours une mobilité et une vérité impressionnantes, dessinant ainsi les grandes lignes du drame d’un trait souple et incisif. Pour colorer ce dessin, le musicien a conçu une instrumentation d’une grande économie de moyens, mais d’une vive efficacité. L’orchestre, relativement restreint, comporte les vents par deux, batterie, harpe et quintette à cordes. Avec une justesse de touche aussi sûre que discrète, cet ensemble est utilisé de façon à faire corps avec le texte qu’il souligne et ponctue, le baignant dans un climat poétique et angoissant, d’une sensualité à la fois forte et subtile.

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RENCONTRE AVEC

JACQUES CHARPENTIER GABRIEL DUSSURGET ET LA CRÉATION DU PREMIER OPÉRA EN LANGUE D’OC (Festival d’Aix en Provence juillet 1971) Jacques Charpentier a été le compositeur de la dernière création lyrique du Festival de Gabriel, avec l’opéra Béatris de Plenissolas en 1971. Il a bien voulu nous faire part de ses souvenirs. Revenu des Indes en 1954, je me présentai au Conservatoire national de musique dans les classes de composition musicale (Tony Aubin) et philosophie de la musique (Olivier Messiaen). Quatre années plus tard, je quittai l’illustre établissement muni de deux premiers prix. Au cours de ces études, à l’occasion d’examens de contrôles internes et de concours publics, l’exécution de plusieurs de mes premières œuvres réclamaient la participation d’une soliste et d’un chœur. J’avais écrit pour mon épouse la cantatrice Danielle VouauxCharpentier, mes Quatre psaumes de toukaram pour soprano solo, chœur et orchestre. Ma femme me fit rencontrer le professeur de « chant choral » du conservatoire qui était également « chef des chœurs » du Festival d’Aix-en-Provence et maître de chapelle à Versailles : l’extraordinaire personnalité musicale de Mademoiselle Elizabeth Brasseur me subjugua complètement et c’est avec émotion et admiration que je l’écoutai mettre en œuvre son talent et son expérience au service d’œuvres encore timides. Mais elle apprécia ma musique qu’elle servit admirablement. Nous nous liâmes alors d’une amitié indéfectible. Ma jeune épouse ayant été recrutée pour participer aux noces de Figaro au festival d’Aix-en-Provence en 1962, je la rejoignis entre deux concerts que je donnais aux Jeunesses musicales de France. Je rencontrai alors pour la première fois Gabriel Dussurget.

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Jacques Charpentier, au centre, et Juvenal Sanso, décorateur, à gauche.

Gabriel Dussurget était impressionnant par son extrême élégance, son regard bleu telle la base de certaines flammes, ses propos riches d’une grande expérience artistique et culturelle, son attitude à la fois réservée et attentive guidés par une sûreté de jugement incomparable. Une personnalité dont on aurait pu penser qu’elle s’était trompée de siècle et que son siècle à elle était plutôt celui de la Renaissance dans lequel elle aurait brillé par son savoir et sa noblesse de caractère, ainsi que par sa totale liberté face à la mode qu’elle n’aurait jamais subie mais qu’elle aurait établie. Un festival n’est pas seulement un catalogue de manifestations ou une sorte de menu artistique, pour les consommateurs en mal de divertissement. En 1948, trois années seulement après la seconde guerre mondiale, il était osé en France de choisir comme référence l’œuvre lyrique et religieuse de Mozart, même servie par les merveilles de la ville d’Aix-en-Provence. Passant outre, grâce à son instinct généreux et novateur, Gabriel Dussurget gagna son combat en y associant les jeunes talents de multiples nationalités : musiciens, chanteurs, chorégraphes, peintres, décorateurs, poètes et compositeurs, collaborent ensemble à la réalisation d’ouvrages ayant en commun, malgré leurs éloignements historiques et esthétiques, le témoignage universel de la beauté. Toutes les œuvres présentées à Aix, anciennes ou neuves, deviennent alors miraculeusement contemporaines et modernes : nous quittions l’écoulement de la chronologie et des disputes stériles pour accéder à la conscience d’une reconnaissance pure : celle de la recherche et de la découverte du beau. Au cours de plusieurs festivals, Gabriel Dussurget programma quelques-unes de mes œuvres instrumentales et orchestrales. En majorité ces œuvres n’étaient pas des créations et un jour, au cours d’une conversation, il me demanda si je disposais dans mes cartons d’un inédit lyrique ou une œuvre s’en rapprochant. Je n’en avais pas, mais l’idée fit son chemin et c’est alors que le miracle se produisit. Au début des années 1960, l’historien Jean Duvernoy réalise la première publication des archives des procès de l’inquisition de Pamiers, présidés par l’évêque Jacques Fournier qui

deviendra le Pape Jean XXII. Parmi les procédures, j’en découvris une, riche d’un débat théologique, philosophique et très humain mettant en présence Jacques Fournier et Béatris de Planissolas, jeune veuve noble de Montaillou, accusée d’hérésie et dont l’issue de son procès décidera ou non de sa mort par le feu. Au fur et à mesure des interrogatoires, on découvre que Béatris est la maîtresse du curé de la paroisse : Pierre Clergue. Dans la controverse entre l’évêque et l’accusée apparaît un débat inattendu : celui de l’amour du corps et de l’âme, vécu par Béatris, dont elle témoigne violemment. En entendant Béatris, Jacques Fournier est troublé et arrive à la conclusion que l’accusée est d’une moralité douteuse mais qu’elle n’est pas hérétique. Grâce à ses écarts de conduite, l’accusation d’hérésie fut abandonnée et elle ne fut condamnée qu’à la peine du mur (prison). Quant au curé, dont la foi catholique parut entachée de croyances hérétiques, il disparaîtra. Au cours de l’année 1969, j’allai trouver l’écrivain, le poète, le philosophe ami René Nelli et lui proposai de m’écrire, en langue d’oc, le livret pour mettre en musique le procès de Béatris. À ma grande surprise il accepta et rédigea, l’un de ses plus beaux textes. De même, pour aider les chanteurs, face aux difficultés de la langue d’oc, qu’ils ne parlaient pas, il enregistra les règles d’articulation et de prononciation de cette superbe langue, ainsi que l’intégralité de son texte occitan. Dans le même temps une version française fut rédigée et placée dans la réduction piano et chant, sous le texte occitan, afin de pouvoir chanter au choix l’une ou l’autre version. Gabriel Dussurget heureux de suivre ces travaux me proposa de diriger moi-même mon opéra avec l’orchestre de Paris, les chœurs d’Elizabeth Brasseur, et une pléiade de chanteurs et de jeunes artistes techniquement au-dessus de toutes critiques. Les chanteurs étaient Liliane Guitton, magnifique Béatris, Marc Vento, admirable évêque Fournier, Michel Trempont, superbe abbé Pierre Clergue. Pour rendre le débat plus expressif j’avais eu l’idée de confier à un couple de danseurs de mimer au ralenti les propos tenus et les situations vécues par le couple Béatris et Pierre Clergue. Ils furent admirables et bouleversants. Incarnant l’âme de Béatris : Odile Dubosc et l’âme de Pierre

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RENCONTRE AVEC

HENRI DUTILLEUX Henri Dutilleux avait bien voulu, en 2008, nous accorder un entretien pour le tournage du film Gabriel, de Kathleen Fonmarty-Dussurget et Richard Andry, projeté à Aix et à Paris à l’occasion du soixantième anniversaire du Festival. C’est une grande partie de cet entretien, déjà partiellement repris dans le film, que nous reproduisons ici. Béatris de Planissolas, poème de René NELLI, Musique de Jacques CHARPENTIER.

Clergue : Jean Pierre Cornu. Une mise en scène émouvante et parfaite de Dominique Delouche, les décors remarquables de Sanso et les costumes de Michel Marchand créaient une profonde émotion colorée et mobile très enrichissante. Tout avait été créé pour réussir cette gageure de présenter un opéra en langue d’oc, le premier du genre, et, à la surprise générale, c’est ce qui arriva…À la création j’eus une grande peur : car avant que je ne rejoigne l’orchestre, Gabriel Dussurget m’informa que les hauts dignitaires de l’ordre des Dominicains étaient présents dans la salle. Lorsqu’après la représentation ils vinrent me saluer dans ma loge je fus pris d’une grande inquiétude m’attendant au pire. Je me trompais, le supérieur me dit textuellement : « Maître, vous venez de créer une belle œuvre et une œuvre utile. Je tiens à vous dire que si vous aviez demandé « l’Imprimatur », vous l’auriez obtenu ! » À part quelques critiques concernant le choix de la langue d’oc, l’ensemble de l’accueil, presse et public, fut très favorable. Jacques Longchampt dans le Monde : « J’ai éprouvé le même charme profond de la langue qu’en écoutant le catalan de Verdaguer dans l’Atlantide de De Falla. » Et plus loin il écrit : « S’il fallait établir un parallèle ce serait, toutes proportions gardées, avec le Combat de Tancrède et Clorinde de Monteverdi où l’on retrouve la même ardeur amoureuse et la même pudeur d’expression. » Il admira le double silencieux des danseurs qui portent à leur paroxysme l’équivoque de l’amour divin et de l’amour charnel, centre du drame, et note qu’il en fallut bien moins pour que le Martyre de

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Saint Sébastien fût mis à l’index par l’archevêque de Paris. Il évoque le passage constant du Christ à Pierre Clergue, de Béatris à Marie Madeleine en « des visions audacieuses mais toujours sauvées par leur profonde beauté »… Il termine son article en écrivant que « Jacques Charpentier dirige excellemment cette représentation étonnante du 24 juillet 1971 ». Le succès était là, bien présent. Il était dû bien sûr aux talents des artistes mais surtout à l’énergie efficace, communicative, compétente et généreuse de Gabriel Dussurget qui avait eu l’entière responsabilité de l’ensemble des choix depuis celui de l’œuvre elle-même jusqu’à chacun des participants. À la suite de cet ouvrage nous avons évoqués ensemble plusieurs projets d’ouvrages lyriques. Hélas, le départ de Gabriel Dussurget n’a pas permis de les réaliser et à partir de ma carrière administrative et officielle je m’interdis ensuite de promouvoir mes œuvres personnelles. J’ajouterai que l’opéra Béatris de Planissolas, composé de cinq « tensons », est dédié à Gabriel Dussurget. Après Aix, Béatris a été joué en concert à Paris, en représentation au Capitole et à la Halle aux Grains de Toulouse et au théâtre de Béziers. Gabriel Dussurget aimait et tenait beaucoup à cet ouvrage. Il rêvait parfois que je puisse composer tout un cycle concernant le drame cathare dans les différentes langues et lieux concernés. Qui sait, peut-être un jour ce rêve se réalisera-t-il? JACQUES CHARPENTIER

Pensez-vous que le Festival d’Aix fut important, dès ses débuts pour la création musicale ? J’ai commencé à comprendre l’importance du Festival d’Aix dès les premières créations. Par exemple, la turangalila de Messiaen dont j’avais entendu la retransmission à la radio en 1950, ou l’une des premières auditions de ma Première symphonie en 1951, toutes deux sous la direction de Désormière. Ce fut très important pour moi, et je suis resté très impressionné de ce qui se faisait à Aix. Et puis, il y avait Mozart, dirigé par Rosbaud dans ces lieux enchanteurs que Gabriel savait si bien trouver pour y mettre en valeur la musique… Ce fut certes un coup de génie que d’associer Rosbaud à Mozart ! Votre concerto Tout un monde lointain, remporta un triomphe à Aix pour sa première audition européenne en 1970, avec Serge Baudo dirigeant l’orchestre de Paris, et Mstislav Rostropovitch au violoncelle. Ce fut en effet un grand souvenir que cette œuvre, que Slava m’avait inspirée. Il me l’avait même commandée. C’était en fait de la part d’Igor Markévitch, pour qui j’ai beaucoup d’admiration. Ses interprétations du Sacre du printemps de Stravinski sont pour moi les plus proches de l’esprit de l’œuvre. Lors de cette première audition de mon concerto, il se produisit une chose unique et un peu fantastique. La journée avait été pleine d’un fort mistral, « le diable » disait Van Gogh. Nous avions travaillé dans des conditions difficiles. Je vois encore les musiciens dans la cour de l’Archevêché rattrapant les partitions chahutées par le vent. Le soir, cela s’est calmé. Or, tout au

début de la partition, il y a un effet de percussion voulant évoquer comme un bruit de vague au bord de la mer – sans que j’aie voulu être imitatif. Et, il se trouve qu’il y a eu comme un écho dans la nature à ce moment-là : par un bruit de vent, la nature a répondu. Cela ne se reproduira jamais. J’ai eu tendance à croire que ce ne fut pas totalement par hasard ! Votre concerto fut même bissé ce soir-là. Les musiciens ont tout de suite accepté le bis, Serge Baudo était allé les voir pour le leur demander. Je dois dire, d’ailleurs, que je pense que l’on devrait toujours jouer deux fois les œuvres lors de leur première audition. Peut-être pas immédiatement après, mais à la fin du concert. C’est une chose que j’ai souvent imaginée, mais qui n’est certes pas toujours possible… Ce fut un grand souvenir, et je dois à Gabriel Dussurget d’avoir programmé cette œuvre. Et dans cet hommage, je n’oublie pas Marc Pincherle, que Gabriel savait écouter.

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Cette création de 1971 était-elle unique en son genre ? Cette création n’avait certes pas été unique depuis l’origine du Festival dirigé par Gabriel ! Je n’avais pas manqué d’être attentif à ce qui s’était passé les années précédentes. Déjà, la création de la turangalila avait laissé des traces. Cela avait donné lieu à des réactions et des discussions à Aix, je le sais, entre Auric et Poulenc. L’un était pour et l’autre contre. Chaque fois que l’on rencontrait ces deux musiciens, c’était un événement ! En allant à Aix, on ne pouvait ignorer ce qui se passait dans la musique. La critique internationale y venait et y séjournait. Des personnalités comme Britten, par exemple. Il était encore jeune. Je me souviens de ses récitals avec Peter Pears. Et puis, il y avait le cadre de la ville ! On avait l’impression que les organisateurs connaissaient tous les lieux qui pouvaient nous plaire, et qui étaient favorables à l’audition de la musique. Je n’ai jamais retrouvé cela, avec une telle intensité ! On retrouvait ainsi au Festival, au décours des années, tout un ensemble de créations en concert comme dans le domaine lyrique. Ainsi, vous pensez que le Festival du temps de Gabriel a pu apporter à la musique du XXe siècle. Oui, tout à fait. Il a permis de faire connaître de jeunes compositeurs. Par ses goûts, ce serait quelqu’un que je situerais sous le signe de musiciens comme Poulenc et dans la ligne du Groupe des Six, mais sans attache particulière ni sectaire. Il était très attentif à l’égard de la jeune musique. Il a ainsi fait donner Boulez. Gabriel avait été très impressionné par lui. Il m’avait dit de lui, je me souviens, qu’il était « d’une intelligence intimidante », ce qui est vrai au fond. Boulez écrivait des articles et des critiques intéressants et intelligents sur les musiciens. À l’époque, l’avant-garde était d’une grande sévérité à l’égard de ses prédécesseurs. J’étais attentif à cette avant-garde sérielle, même si j’en étais loin. Cela m’a amené à me remettre en question. Il y a des pièces de Schoenberg que j’adore, comme Farben, qui signifie couleurs. Ce n’est pas un de mes dieux, mais je pense que l’on aurait dû mieux connaître cette école en France. Et Gabriel, quels que fussent ses goûts personnels, n’était pas passé à côté, puisqu’il avait fait donner une des

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RENCONTRE AVEC

DOMINIQUE DELOUCHE Dominique Delouche, cinéaste et metteur en scène, pourvu d’une excellente formation musicale, fut l’assistant de Fellini et, parallèlement à sa carrière cinématographique, mit en scène opéra et théâtre. En 1971, Gabriel Dussurget lui confie la mise en scène de Béatris de Planissolas de Jacques Charpentier. Il lui confie ensuite, après son départ de la direction du Festival, la réalisation de deux spectacles, avec les décors et les costumes : Esther de Racine en 1972, et Dido and Æneas de Purcell, en 1974, à l’Opéra royal du château de Versailles. De gauche à droite, Mstislav Rostropovitch, Henri Dutilleux et Serge Baudo.

La mise en scène d’une œuvre nouvelle, dont l’auteur est un contemporain, est-elle très différente de celle d’une œuvre du répertoire ancien ? Je vais vous décevoir ! Il n’y a pour moi aucune différence. Je pense que les œuvres du répertoire doivent être montées comme des créations. On ne peut se laisser influencer par les mises en scènes de nos prédécesseurs. Chaque fois doit être une recréation, un nouveau départ à partir de l’empreinte que l’œuvre laisse en soi. On doit tout oublier, et partir de sa propre impression et de sa propre sensibilité.

premières auditions du Marteau sans maître. Rosbaud, lui, était très intéressé par ces musiciens. D’autres que Gabriel auraient peut-être écarté cette famille de pensée, mais il était sans esprit de chapelle. On voit d’ailleurs, au travers des programmes, que le Festival a voulu tout de suite entraîner le public vers autre chose que des œuvres consacrées. La personnalité de Gabriel vous paraissait importante ? Il avait une aisance merveilleuse à se comporter dans tous les milieux. Mon épouse, Geneviève Joy, avait beaucoup de sympathie et d’affection pour lui. Avec Jacqueline Robin, qui avait aussi beaucoup d’estime pour Gabriel, elles donnaient des concerts. Nous nous y retrouvions en famille, ayant eu les mêmes professeurs. Les artistes lyriques aimaient bien se faire accompagner par elle, comme Élisabeth Schwarzkopf ou Michel Sénéchal. Il y avait des moments très amusants pendant le Festival, et Gabriel n’était pas le dernier à y prendre sa part. Je me souviens de moments particulièrement drôles avec le pianiste Gorget-Chemin. Il y avait aussi Poulenc, qui assistait aux répétitions et donnait des conseils aux jeunes gens. Je me souviens ainsi de lui, disant à des jeunes pianistes jouant Fauré : « Mais, non ! Ce n’est pas comme cela ! Clapotez ! Clapotez ! » en accompagnant cela d’un geste de la main. C’était une bonne humeur et une joie de vivre, que la personne de Gabriel représentait tellement bien. Le chic ! INTERVIEW RÉALISÉ PAR

Comment avez-vous travaillé avec Jacques Charpentier ? Avait-il des idées précises sur la mise en scène ? Jacques Charpentier était présent, mais n’est pas intervenu. Je suppose que ce que j’ai fait lui convenait… Je pense d’ailleurs que c’est la règle, et, au demeurant, compte tenu de l’importance accordée aujourd’hui à la mise en scène, je ne pense pas que l’opinion du compositeur l’emporterait. Mais, il y a eu dans l’histoire de la musique des créations qui se sont moins bien passées. On dit qu’Olivier Messiaen n’était pas très satisfait de la manière dont son Saint-François d’Assise fut monté à l’Opéra de Paris en 1983. Je me souviens aussi de Ligeti, criant du balcon lors de la générale du Grand Macabre : « Ce n’est pas ça ! Ce n’est pas ça ! » Il est vrai aussi qu’à l’inverse les nécessités de la scénographie influent sur l’œuvre : Debussy, par exemple, avait dû écrire des interludes peu avant la première

KATHLEEN FONMARTY-DUSSURGET

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de Pelléas et Mélisande pour donner le temps de changer les décors. La leçon de cela, soyons modestes, c’est que c’est la scène, l’action qui s’impose au musicien comme elle s’impose à tous ceux qui y contribuent. Quels étaient les rapports de Gabriel Dussurget avec la création musicale et lyrique contemporaine ? Gabriel avait son goût pour le Grand Siècle et le classicisme, et son choix pour Aix-en-Provence et Mozart n’était pas fortuit. Il n’en demeurait pas moins qu’il connaissait bien la musique de son temps, sur laquelle il avait d’ailleurs des idées tranchées. Il ne supportait pas la musique de Stockhausen, mais il appréciait celle de Sauguet et de Poulenc, lesquels étaient de ses amis. Il a ainsi créé les caprices de Marianne du premier et donné la voix humaine du second peu après sa création à Favart. Il a aussi donné Darius Milhaud et Boulez. Je sais qu’il appréciait beaucoup Varese, Jolivet, Dutilleux et Messiaen, mais, s’il a donné de leurs œuvres, ils n’ont pas écrit, eux, pour l’opéra. Dido and Æneas de Purcell, 1974.


HOMMAGE À MAURICE JARRE Maurice Jarre commença sa carrière par des études au Conservatoire de Paris, et l’une de ses œuvres de jeunesse, Mouvements en relief, fut donnée par Gabriel Dussurget au Festival d’Aix en 1953. Il avait bien voulu accepter de remettre le Prix Gabriel Dussurget dès qu’il aurait été attribué à un compositeur. Malheureusement, son décès l’année dernière est venu empêcher la réalisation de ce projet. Nous publions ici, à titre d’hommage, et avec l’autorisation de l’auteur, des extraits d’un article écrit par Renaud Machart et publié dans Le Monde du samedi 15 novembre 2003. « La dernière fois que Maurice Jarre a déposé de la musique le long des images d’un film français, c’était pour le premier opus de Bernard-Henri Lévy, le jour et la nuit (1997). Ce que tout le monde a un peu oublié. Mais, ce dont chacun se souvient, ce sont des deux grands thèmes qui ont fait sa réputation, sa carrière et sa fortune : celui de Lara dans Docteur Jivago (1965) et celui de lawrence d’Arabie (1962). Des musiques inscrites dans la mémoire collective, sans doute pour toujours. […] Mais, peu se souviennent des années de formation classique de ce triple oscarisé […], de ses collaborations chez Renaud-Barrault au Théâtre Marigny après la Libération et au Théâtre national populaire (TNP) de Jean Vilar à partir de 1961. […] Le compositeur ultra-doué ne lisait pas une note de musique à 16 ans. « Mon père voulait que je sois, comme lui, un ingénieur spécialisé dans la radio-diffusion. J’ai refusé, car je ne vivais que pour la musique, une découverte tardive, mais fracassante. Il m’a coupé les vivres, je suis entré par dérogation dans la classe de solfège du Conservatoire de Paris, pleine de gamins de moins de 12 ans. et, très vite, j’ai fait les classes d’harmonie et de contrepoint. Comme je ne pouvais me mettre à cet âge-là au violon et au piano, j’ai choisi la percussion, avec pour condisciples deux futurs chefs d’orchestre, Jean-Claude Casadesus et Serge Baudo ! » Le grand Charles Munch lui donne des conseils de direction d’orchestre : « les gestes, c’est facile, ça s’apprend en quelques heures, mais le reste, tu ne le comprendras qu’en pratiquant », lui dit le chef. Le compositeur Arthur Honegger le prend sous son

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aile : « Il était formidable, se souvient Jarre. Il me donnait des cours gratuits car il savait que je n’avais pas un sous, même si je jouais de la batterie dans des orchestres de variété. Il ne m’a pas enseigné la composition à proprement parler, mais on a regardé ensemble beaucoup de musique et il m’a montré quelques trucs de métier. » Maurice Jarre à l’époque ne songe pas une seconde au cinéma. Il veut être chef. En attendant, il écrit des « illustrations sonores » pour la radio, que lui commande Henri Dutilleux (« un être si généreux, qui a beaucoup fait pour m’aider ») et joue ici ou là de la percussion et des ondes Martenot, cet instrument monodique à clavier dont les sons fantomatiques lui serviront plus tard dans les scènes de désert de lawrence d’Arabie. « la compagnie Renaud-Barrault cherchait un musicien. Je me suis retrouvé avec Pierre Boulez dans les coulisses du théâtre Marigny. on passait des disques de musique enregistrée, puis, une fois l’aiguille sur le pick-up, on courait à nos instruments pour doubler le disque et donner l’illusion d’un grand ensemble ! on s’est bien amusés, Pierre était si turbulent, si polémiste à l’époque. C’est ainsi que Jean Vilar, venu jouer à Marigny, m’a repéré et m’a demandé d’être son compositeur et chef pour le tnP. » […] Que lui semble la musique de cinéma d’aujourd’hui ? Jarre soupire : « De nos jours, on fait des bandes-son à partir d’ordinateurs, on colle des chansons à succès et surtout des bruits. on suggère des atmosphères, mais il n’y a plus guère de vraies partitions de cinéma. Y a-t-il d’ailleurs encore de grands films pour de telles partitions ? Ceux de Spielberg, mais il a son compositeur attitré, John Williams… »

MUSIQUE ET CINÉMA Le cinéma est un domaine largement investi par la composition musicale. Pour essayer de comprendre son rôle dans la création cinématographique, nous avons demandé à Bertrand Tavernier, qui est un cinéaste particulièrement attentif à la musique des films qu’il réalise, de nous dire ce qu’il en pense. Qu’est ce qui détermine le choix d’une musique ? Son auteur, le genre du film, votre envie de travailler avec quelqu’un ? Serait-ce la connaissance des œuvres musicales déjà écrites par cet auteur ? Tout cela à la fois. Par exemple, c’est le sujet et la découverte que le personnage principal du film le Régent avait composé un opéra qui a dicté le choix de cette musique qu’Antoine Duhamel avait retranscrite. Le talent mélodique de Pierre Papadiamandis et d’Henri Texier m’a poussé à les prendre pour une semaine de vacances et Holy lola. Tous deux ont écrit de magnifiques partitions. Et puis le désir de pousser certains compositeurs, Sarde, Duhamel, de les provoquer, de leurs donner des défis. Avez-vous déjà une idée de la musique du film au moment de l’écriture du scénario ? Oui. Toujours. J’ai pensé à Fauré dès l’écriture du scénario de un dimanche à la campagne. Et je faisais écouter Maurice Jaubert, Carla Bley, Duke Ellington à Bertrand Tavernier sur le tournage de Daddy nostalgie, musique d’Antoine Duhamel.

Philippe Sarde bien avant de commencer Coup de torchon. La valse de Ça commence aujourd’hui, je l’ai choisie avant de commencer le tournage. En entendant Louis Sclavis la répéter avec l’Harmonie d’Anzin. Une musique a-t-elle pu vous influencer avant le choix d’un sujet de film ? Je ne sais pas. Peut être. J’avais choisi la valse un dimanche à la campagne, composée par Marc Perrone, avant de commencer le film. Est ce que des œuvres musicales existantes ont influencé la manière dont vous avez réalisé certaines scènes de vos films ? Certainement. Je faisais jouer Fauré sur le plateau de un dimanche à la campagne et je rythmais les mouvements d’appareil en me laissant porter par la musique. De même pour le juge et l’assassin, dont Sarde avait enregistré la musique avant le tournage et qu’on jouait sur le plateau. Je vivais avec les chansons cajun et les blues de Clifton Chenier pendant le tournage de Dans la brume électrique. Pouvez-vous concevoir un film sans musique ? Oui, bien sûr. Mais je m’amuse tellement avec un compositeur ! Peut-on dire qu’il y a une similitude entre la relation musique / film et musique / opéra ? Certainement. La musique dans un opéra ne commente pas le livret. Et pour un film, la musique ne doit jamais expliquer ou souligner. Plutôt éclairer, prolonger des sentiments, faire jaillir une émotion. Philippe Sarde dit qu’il est un scénariste musical. J’aime bien cette expression.

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BIOGRAPHIE DE GABRIEL DUSSURGET

Il connaît la fin de l’âge d’or des grands salons parisiens. Lors d’un séjour à

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Londres, le jeune homme avec qui il se lie à la sortie d’un opéra, est le futur Benjamin Britten. C’est un jeune homme de son âge, Marcel Massé, rencontré au music-hall à un tour de chant de Damia, qui le propulse dans le monde du théâtre, du cabaret, et surtout dans les « lieux de plaisir », nombreux à cette époque, particulièrement ceux où se retrouvent les homosexuels. Il faut dire que Gabriel

La vie est faite de rencontres, dit-on. Cet adage se vérifie particulièrement avec Gabriel

l’est, homosexuel, radicalement, ouvertement, sans ostentation non plus, tran-

Dussurget. Mais, encore faut-il savoir convaincre et s’attacher ses amitiés. Ces qualités rela-

quillement ; ce qui ne manquait pas de courage pour son époque ; et cette

tionnelles et de cœur, Gabriel les réunissait au plus haut point. Il naît en Algérie, le 31

particularité n’est pas pour rien dans l’accomplissement de son destin. Le

décembre 1904 à Aïn M’lila, village du Constantinois, dans une famille aisée, où rien ne le

milieu homosexuel, occulté en ce début de siècle, mis au ban de la société,

prédestinait à devenir l’un des piliers du monde artistique du siècle. Son père, ingénieur

cultivait sa différence avec entrain : la liberté, la curiosité, l’audace coloraient

des ponts et chaussées, hydrologue, est souvent absent, en visite sur des chantiers. Dans

son drapeau. La sensibilité artistique avait toutes les chances de s’y déve-

la grande maisonnée de sa petite enfance, où se pratique l’éducation bourgeoise rigoriste

lopper. Gabriel possédait cette sensibilité, et, malgré sa grande timidité, il

de l’époque, il établit avec sa sœur Marthe, de huit ans son aînée, une complicité faite de

suivait, écoutait et était aussitôt adopté.

rires et de joies partagées, qui ne se démentira jamais tout au long de leur existence. Très

Le jeune Gabriel mord à pleines dents dans une vie déjà hors du

musicienne, elle lui apprend le piano et le solfège. Puis, avant dix ans, il entre avec sa sœur

commun. Ce sont les années vingt, les années d’apprentissage. Il rencontre

en internat au lycée de Constantine. Son correspondant est le concierge de l’opéra de la

en 1928 l’ami avec lequel il bâtira sa vie, Henri Lambert, son aîné de cinq

ville, dirigé par Salvatore Spina, chef d’orchestre, dont il devient le familier. Alors, le jeune

ans, décédé en 1959. Cette rencontre transforme ce jeune homme de 24

Gabriel assistait régulièrement à des représentations et baignait dans cette atmosphère

ans, brillant mais éparpillé, en homme conscient que l’art est toute sa vie.

musicale et lyrique... Dès 1918, la paix revenue, des tournées de spectacle reviennent en

Gabriel a toujours reconnu qu’Henri Lambert l’avait révélé à lui-même.

Algérie. Une troupe de la Comédie Française vient jouer à Timgad et s’installe dans la maison paternelle. Gabriel, adolescent, se

Dans toutes les interviews qu’il donnera plus tard, il n’oubliera jamais de

lie avec le jeune sociétaire Maurice Escande, de douze ans son aîné et futur administrateur du Théâtre Français.

dire « Henri Lambert et moi ». Car Gabriel n’était pas homme à se mettre

Atteint de paludisme, les médecins conseillent à ses parents de l’envoyer en métropole. Il arrivera donc à Paris peu après la fin de la guerre. Sa sœur, déjà mariée, mais toujours chérie, aimante et fantasque, sa confidente, l’accueille chez elle. Aussitôt à Paris,

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en avant et à oublier le mérite de l’autre. C’était un homme juste et reconnaissant, c’était aussi un homme fidèle en amour et en amitié.

le hasard de ses rencontres commence à tramer un destin exceptionnel. Par une grâce qui lui est propre dans ses innombrables

Pendant dix ans, ce couple uni, dont l’amour est fait de respect et de

rencontres, il se lie d’instinct aux jeunes gens les plus singuliers et talentueux. Il retrouve Maurice Escande, qui le met en contact

passion, se nourrit de tous les opéras possibles, de Milan à Salzbourg, et de

avec le monde du théâtre. Il prépare son baccalauréat sur les bancs d’une boîte à bachot, où il noue une amitié solide avec Doda

toutes les amitiés de musiciens, compositeurs et comédiens. La fortune

Conrad, fils de la cantatrice Maria Freund, interprète, entre autres, du « Pierrot lunaire » de Schoenberg, ainsi qu’avec Georges

d’Henri le permettait, et ils avaient décidé de la consacrer à la beauté. Leur

Hugnet, jeune poète très lié à Cocteau et Supervielle. Ainsi, avant 20 ans, il se mêle au tout Paris musical de l’époque, fréquente

vie fut une fête dans le palais vénitien qu’ils louèrent de 1928 à 1938 et dans

régulièrement la Comédie Française, le salon de Mme Freund et l’entourage de Jean Cocteau.

le vaste appartement du boulevard Magenta à Paris, où, avec des amis, ils

Après une incursion professionnelle passagère dans la banque, il sort beaucoup pendant les années vingt et rencontre écri-

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improvisaient des spectacles, donnaient des concerts.

vains, peintres et musiciens. Il fréquente Max Jacob, Marcel Jouhandeau, Henri Sauguet, Francis Poulenc. Il va chez la princesse de

Avec Henri Sauget et Francis Poulenc, ils organisent des parodies

Polignac, chez Marie-Laure de Noailles, chez le comte de Beaumont. Il continuera après la guerre avec le salon de Mme Wesweiller.

d’opéra et de ballet. Gabriel se produit aussi comme danseur. L’expérience

1. De gauche à droite : Gabriel Dussurget, Roger Bigonnet et Marc Pincherle. 2. Henri Lambert et Irène Aïtoff. 3. À gauche, Antoní Clavé, Gabriel Dussurget et Jean-Pierre Cassel.

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Pendant cette période, il se lie d’amitié avec le compositeur Olivier Messiaen, qui écrit « les vingt regards de l’enfant Jésus » sur son

des Ballets russes, où les décors sont réalisés par des peintres, le marque tout particulièrement. Il est passionné par l’activité chorégraphique ; il rencontre Diaghilev, croise Nijinski et Karsavina, se lie étroitement à Lifar et à Kochno.

l’opéra aux étoiles… Au premier rendez-vous que Don Juan nous avait donné à

d’épuration du spectacle, fonctions dans lesquelles l’équité et la tempérance de son jugement sont reconnues par tous.

Aix, nous étions venus avec une curiosité inquiète. nous ne

En 1945, avec Roland Petit et Boris Kochno, il participe à la fondation du Ballet des Champs-Élysées, qu’il administre avec

Ils voyagent souvent, notamment à Salzbourg. C’est là qu’il

connaissions ni le nom qu’il portait à la ville, ni le son de sa

Henri Lambert et le concours de Jean Robin. À ce ballet, collaborent les plus grands danseurs et chorégraphes, ainsi que des

se découvre une passion pour la musique de Mozart, alors

voix, ni la couleur de son plumage. Aujourd’hui, nous nous

peintres et décorateurs, tels que Christian Bérard, Marie Laurencin et Picasso. Le ballet est vite célèbre, surtout après la création des

méconnu en France. Il dira lui-même plus tard : « le festival de

hâtons vers le second rendez-vous, assurés de notre plaisir.

« Forains », sur une musique de Sauguet, et il fait des tournées dans toute l’Europe.

Salzbourg célébrait le culte de Mozart. J’y avais découvert tous ses

la divine musique, délivrée de l’atmosphère confinée du

L’après-guerre lui fournit ainsi l’occasion de renouer avec les voyages lyriques, de rencontrer de nouveaux artistes et créateurs,

opéras, qu’on ne jouait guère en France en dehors de La flûte

théâtre, monte vers les étoiles et le ciel nocturne l’accueille et

dans un échange intellectuel et esthétique permanent avec son ami Henri Lambert. Il dira de cette époque : « J’ai des souvenirs de

enchantée, Don Giovanni et Les noces de Figaro. Il n’était pas rare

la commente. À Aix, nous passons insensiblement des décors

journées à parler, de soirées à rêver, de nuits à rire, à faire de la musique, à imaginer ». Après ces années de réalisations, Gabriel a 43 ans

même d’entendre dire par les mélomanes français d’alors : Mozart,

de Cassandre aux constellations sombrement sereines,

et il est prêt à devenir « Le magicien d’Aix ». En 1948, se présente en effet l’événement qui donnera toute sa dimension à sa vie de

c’est de la musiquette ! Cosi fan tutte, par exemple, n’était au réper-

comme la musique de Mozart unit aux folies de l’opera-

créativité : la comtesse Lily Pastré, musicienne, mécène et femme de cœur – elle a protégé de nombreux artistes juifs durant la

toire d’aucun théâtre, pas même de l’opéra de Paris. et pourtant, Cosi

buffa, aux guitares sous le balcon espagnol, le silence des

guerre, dont Clara Haskil et Samson François – voulant créer un festival à Marseille ou dans l’arrière-pays, fait appel à Gabriel. Il

est peut-être le chef-d’œuvre absolu de Mozart, le moment où vérita-

morts tragiquement rompu par la voix sainte et terrible du

décrit cette grande mécène avec la verve qui le caractérisait : « C’était une femme à la taille imposante, à la curiosité sans cesse en éveil,

blement il a entendu le ciel. » Il fréquente aussi les cabarets, le

Commandeur.

une femme aussi pleine de générosité, et profondément anti-conventionnelle, une sorte de hippie fortunée. » Le choix se porte sur Aix-en-

cirque et le music-hall. C’est là qu’il découvre la jeune Irène

FRANÇOIS MAURIAC

Provence, la belle endormie. Ainsi, avec Henri Lambert, il crée le Festival d’Aix-en-Provence, soutenu par le Casino de la ville

Aïtoff qui accompagne Yvette Guilbert, et dont il fera plus tard

représenté par Roger Bigonnet, et le sous-préfet Richardot, entreprise à laquelle la jeune Edmonde Charles-Roux apporte sa

l’une des chefs de chant du futur Festival d’Aix. En ce temps-là,

collaboration talentueuse.

on passait sans complexe de l’opéra au music-hall. Il avait beau-

Le Festival s’ouvre dans un coin de la cour de l’Archevêché, sur une scène de fortune, avec un Cosi fan tutte de Mozart, dans les

coup d’admiration pour Damia, Fréhel et Yvette Guilbert. Toutes

décors créés à cet effet par Georges Wakéwitch, et dirigé par Hans Rosbaud. Gabriel dira plus tard : « J’ai décidé d’ouvrir le premier

ces femmes interprètes chantaient sans micro. Ces années de

Festival d’Aix en juillet 1948 par Cosi Fan Tutte, pour d’emblée affirmer un choix artistique, un esprit. l’installation était rudimentaire. Mais,

formation expliquent la suite des réalisations de Gabriel

Georges Wakéwitch nous avait fait un très joli décor, avec un baldaquin, quelques plumes, on a mis des bancs dans la cour, des gradins à peine

Dussurget et son goût pour le spectacle et la musique, mais aussi

surélevés, et, pour donner un fond à la scène, Wakéwitch avait peint lui-même les murs ! et autour de ce Cosi, j’avais programmé quelques

pour ce que l’on pourrait appeler le multimédia de l’époque.

concerts, dont l’un avec une pianiste encore inconnue à l’époque, elle s’appelait Clara Haskil. »

Pendant la guerre, en 1940, en pleine débâcle, l’homme qui

Dès la deuxième année, pour 1949, il confie à Cassandre les décors et les costumes d’un Don Giovanni de Mozart. Ce dernier

le ramène à Paris dans son camion du Service cartographique de

accepte à la condition de construire aussi le théâtre. Sous la direction de Rosbaud et avec la mise en scène de Jean Meyer, cette

l’Armée, est un certain Cassandre. Puis, avec Henri Lambert, il

production marque les esprits et donne son identité au Festival. Une identité faite d’une collaboration, novatrice pour l’époque,

crée le Bureau des Concerts de Paris, qui fait débuter, entre autres

entre des peintres, des metteurs en scène venus du théâtre et de jeunes talents musicaux. On comprend que ce spectacle soit

grands interprètes, le violoncelliste Maurice Gendron, le quatuor

accueilli avec enthousiasme par Pierre-Jean Jouve, François Mauriac et Jean Giono, ainsi que par toute la critique et un large public.

Calvet, la pianiste Yvonne Loriod et l’extraordinaire violoniste

Ces Mozart dépoussiérés, retrouvés, joués en costumes de l’époque contemporaine de leur création, trouvent une portée et un

Ginette Neveu. Au théâtre Daunou, en 1942, tous deux fondent une école d’art dramatique avec Jean-Louis Barrault, Raymond Rouleau, Madeleine Renaud, Pierre Bertin et Julien Bertheau. Un acteur comme Serge Reggiani fait ses classes dans cette école.

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piano. Son comportement exemplaire durant l’Occupation lui vaut, à la Libération, d’être nommé président de l’un des comités

écho qu’on ne leur avait jamais connus en France, tout en se mariant à merveille aux nuits provençales. De gauche à droite, Daniel Lesur, Arthur Honneger, Georges Auric et François Mauriac, 1950.

Gabriel préside aux destinées du Festival jusqu’en 1972, et découvre nombre de chanteurs qui font carrière après s’être produits à Aix. Il privilégie toujours la présence de nouveaux talents. Parmi les chanteurs, on trouve Mariella Adani, Jeanne Berbié,

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Teresa Berganza, Suzanne Danco, Christiane Eda-Pierre, Mady Mesplé, Anna Moffo, Graziella Sciutti, Teresa Stich-Randall, Luigi

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Alva, Gabriel Bacquier, Renato Capecchi, Nicolai Ghiaurov, Robert Massard, Michel Sénéchal, Léopold Simonneau, José Van Dam… Parmi les chefs d’orchestre, Hans Rosbaud, Serge Baudo, Pierre Dervaux, Alberto Erede, Carlo-Maria Giulini, Lorin Maazel, Diego Masson, Sir Georg Solti… Parmi les peintres et décorateurs, Cassandre, Balthus, Clavé, Clayette, Derain, Dupont, Ganeau, Gontcharova, Louradour, Malclès, Masson, Sanso… Parmi les metteurs en scène, Pierre Bertin, Jean-Laurent Cochet, Jean Cocteau, Michel Crochot, Dominique Delouche, Jean-Pierre Grenier, Jean Le Poulain, Jacques Mauclair, Jean Meyer, Maurice Sarrazin… On y découvre aussi des ensembles de musique de chambre, comme le Quartetto Italiano et I Musici. Sans oublier les créations des œuvres contemporaines de Boulez, Britten, Dutilleux, Honneger, Menotti, Messiaen, Nono, Sauguet, Xenakis et même Maurice Jarre… ni oublier Mireille de Gounod, donné en décors naturels aux Baux de Provence. Il dira, plus tard : « on pense aujourd’hui que c’étaient des affiches de stars. Ce n’était pas le cas. Je constituais les distributions sans chercher les vedettes. l’aurions-nous voulu, nous n’aurions pas eu l’argent, mais, de toute manière, ce n’était pas notre choix artistique. on allait chercher des jeunes qui étaient peu ou pas connus du tout. on écoutait à foison, et on tenait à ce qu’ils soient disponibles pour des répétitions, dans l’es-

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prit d’un vrai travail d’équipe. » À partir de mai 1959, il travaille parallèlement à l’Opéra de Paris, où il est le conseiller artistique de Georges Auric, administrateur, tous deux nommés par le ministre André Malraux. Il met en œuvre à Paris les préceptes inaugurés au Festival. Souvenonsnous des représentations de Wozzeck, donné pour la première fois en France sous la direction de Pierre Boulez, des représentations de Petrouchka, noces et le sacre du printemps de Stravinsky, encore dirigées par Boulez. On peut se souvenir d’un Carmen de Bizet qui fit date à Garnier, mis en scène par Raymond Rouleau, avec Jane Rhodes, dirigé par Roberto Benzi, des sensationnelles réalisations scéniques de Georges Wakéwitch, Margherita Wallmann, André Masson ou Jacques Dupond, des plus grandes vedettes du lyrique en représentation, dont Régine Crespin, Nicola Ghiaurov et Maria Callas, sous la direction des plus grands chefs. Mais, les temps changent. Une autre époque s’annonce, on oublie les créations passées. Gabriel quitte le Festival et l’Opéra de

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Paris en 1972. Son dernier spectacle est, en juin 1974, un mémorable Didon et énée de Purcell au Théâtre Gabriel du château de Versailles. Il continue cependant sa vocation de découvreur de talents. Très demandé par les concours de chant, il y participe ou les préside. Membre du jury de la Fondation de la Vocation, il s’intéresse toujours aux jeunes chanteurs ; et c’est ainsi que, dès les années 80, il reconnaît le génie prometteur du jeune ténor Roberto Alagna qu’il encouragera de ses conseils. Il s’éteint à Paris le 28 juillet 1996, au moment même de la dernière représentation de cette saison du Festival. Si le monde artistique d’« amateurs éclairés » dans lequel évoluait Gabriel Dussurget, est aujourd’hui révolu, son exemple, celui d’une exigence artistique mettant au premier plan la sensibilité, la légèreté et la justesse du chant et de la musique, ainsi que

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la curiosité d’esprit pour toutes les formes du spectacle, tout en ayant le respect absolu des textes et des partitions, mérite certainement de toujours être médité et présenté aux générations futures. Tant il est vrai, comme le disait encore Gabriel Dussurget, que « la curiosité et l’amour permettent une éternelle jeunesse ». Il ajoutait : « tout ce que j’ai fait, c’est parce que je l’aimais. le goût, c’est autre chose. D’ailleurs, le mauvais goût, c’est celui des autres. Je crois au naturel, à l’intuition. » KATHLEEN FONMARTY-DUSSURGET ET JEAN JAVANNI

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1. Kathleen Fonmarty-Dussurget, présidente de l’Association Gabriel Dussurget, en compagnie de Pierre Bouteiller lors de la projection du film Gabriel, Paris 2009. – 2. Remise du Prix Gabriel Dussurget à Anna Grevelius par Marc Minkowski le 5 juillet 2009. – 3. Remise du Prix Gabriel Dussurget le 4 juillet 2008 à Jérémie Rohrer, en présence de Serge Baudo et Bernard Foccroulle. – 4. Remise du prix à Jacques Osinski, le 15 juillet 2007, par Jérôme Deschamps en présence de Bernard Foccroulle et Serge Baudo. – 5. Débat à l’issue de la projection du film Gabriel, avec au centre Edmée Santy et Gabriel Bacquier, Aix-en-Provence, salle Armand Lunel, 4 juillet 2008. – 6. Remise du Prix Gabriel Dussurget à Stéphane Degout, le 2 juillet 2006, en présence d’Edmonde Charles-Roux et Jean Lacouture.

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L’ASSOCIATION GABRIEL DUSSURGET G

abriel Dussurget a été un acteur important de l’histoire de la musique et de la scène lyrique du milieu du XXe siècle. Précurseur dans bien des domaines, c’était un « passeur », en ce sens qu’il savait transmettre à autrui l’héritage culturel du passé, enrichi par sa propre expérience. Gabriel a été ce grand découvreur de talents, doublé de l’alchimiste capable de provoquer la symbiose entre toutes les formes de représentation artistique, au service de la musique et de l’opéra et au bénéfice de tous les autres arts. Son action a permis l’éclosion de nombreuses œuvres artistiques, dont les témoignages subsistent au travers des décors et des costumes. L’association a été créée après la disparition de Gabriel Dussurget, en 1997, et elle œuvre à pérenniser son œuvre et sa mémoire, ainsi qu’à sauvegarder et promouvoir ce patrimoine. Ce patrimoine garde son actualité du fait qu’il est un témoignage irremplaçable de la création contemporaine de son époque, mais aussi parce qu’il constitue un exemple d’une action culturelle mettant en correspondance diverses formes d’art. Nous orientons nos actions selon les trois axes suivants. Tout d’abord, catalyser les énergies, publiques et privées, pour mettre à l’abri les décors et les costumes, réunir des témoignages de toutes sortes, enregistrements, photos, écrits, qui se rapportent à cette histoire du Festival. Nous avons ainsi mobilisé les esprits et les institutions publiques en vue de la sauvegarde des anciens

décors et costumes du Festival. Nous avons aussi recueilli de nombreux témoignages audiovisuels de témoins et acteurs de l’époque Dussurget, dont certains sont aujourd’hui disparus, ce qui nous a permis de présenter en 2008 un film de quatre-vingt-dix minutes pour la célébration du 60e anniversaire du Festival. Un second est en préparation sur le thème des Don Giovanni légendaires du Festival de cette époque, pour être présenté fin 2010. En second lieu, ce patrimoine riche et instructif doit faire l’objet d’une véritable politique de préservation lui donnant sa place et permettant sa visibilité et son accessibilité. Nous soutenons ainsi l’idée de la création d’une Maison du Festival qui, dans l’esprit de « passeur » de Gabriel, établirait un lien entre ce passé prestigieux et la création vivante, à l’instar de la Maison Jean Vilar d’Avignon. Enfin, nous souhaitons mettre en exergue cet esprit de découverte et d’innovation, qu’incarne toujours le Festival d’Aix-enProvence, en distinguant un artiste ou un acteur des métiers de la scène lyrique que le Festival a contribué à faire connaître ou à révéler, par un prix portant le nom de Gabriel Dussurget, son créateur.

L’Association Gabriel Dussurget, association loi de 1901, est placée sous le haut-patronage du ministre de la Culture et de la Communication. Elle bénéficie du soutien de l’Etat, du Conseil régional, du Conseil général et de la municipalité d’Aix-enProvence. La poursuite et la pérennité de son action dépendent aussi du soutien des personnes et entreprises attachées à une certaine idée de la création artistique et de l’art lyrique. Les dons à l’association ouvrent droit à réduction d’impôt selon la législation fiscale en vigueur (articles 220-1 et suivants du Code général des impôts), sur chèque à l’ordre de l’Association Gabriel Dussurget, qui en délivrera reçu.

Association Gabriel Dussurget C A M PAG N E B E L L E V U E –

CHEMIN DE LA

gabriel.dussurget@free.fr

G R AV E S O N N E – 13100 A I X - E N -P R OV E N C E

– kathleen.f@free.fr

– jean.javanni@orange.fr

Cette brochure a été publiée par l’Association Gabriel Dussurget à l’occasion de la remise du Prix Gabriel Dussurget 2010. Directrice de la publication : Kathleen Fonmarty-Dussurget. Secrétaire de rédaction : Jean Javanni. Maquette et conception : Studio Jean-Luc Tamisier. Impression : Clip (Centre littéraire d’impression provençal), Marseille. Crédits photographiques : Agence Bernand : 2e de couverture – page 14 : n° 1, 2 et 3 – page 15 – page 22 : n° 5 – page 27. xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

Prix Gabriel Dussurget « Découvertes de la scène lyrique » 15 juillet 2010

Attribué à

OSCAR BIANCHI Compositeur par l’Association Gabriel Dussurget Sous l’égide du Festival d’Aix-en-Provence et de l’Académie européenne de musique

Remis par M. Jacques Charpentier


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