Villa Bianca, précurseur des logements de haut standing au Japon, inspiré par l'Occident.

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Séminaire d'initiation à la recherche : HISTOIRE DE L'ARCHITECTURE CONTEMPORAINE

Bréhier Dylan ANNÉE 2020 - 2021

ビラ.ビアンカ VILLA . BIANCA

Précurseur des logements de haut standing au Japon, inspiré par l'Occident

Sous la direction de Richard Klein et Caroline Bauer

École Nationale Supérieure d'Architecture et de Paysage de Lille

19 PHOTO : BAUEN + WOHNEN


COUVERTURE

Bauen + Wohnen : internationale Zeitschrift, Wohnbauten, 1966, p.238, "Jeu plastique de dalles, de sommiers croisés et de vitrages coulissants"; "Das plastische Spiel von Decken, Kreuz-Unterzügen und Schiebefenstern"

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REMERCIEMENTS

Je souhaite remercier l'ensemble des personnes qui m'ont aidé dans la réalisation de ce mémoire.

En premier lieu, Mme.Bauer et M.Klein, en tant que directeurs de mémoire, ont guidé mes recherches et mon travail.

Aussi, je remercie très chaleureusement la société KOWA SHOJI, et plus particulièrement M.Ishida Zachary. Leur soutien m'a permis de mener à bien ce travail de recherche.

Enfin, je remercie les re-lecteurs pour leur précieuse aide à la correction du mémoire.

NOTE

Concernant les noms de famille, la convention nippone a été adoptée pour les patronymes japonais. Ainsi, on aura : Hotta (le nom de famille) qui précède Eiji (le prénom ou le nom d’artiste).

L'ensemble des noms / mots japonais seront écris en alphabet latin pour en simplifier la lecture (on écrira Villa Bianca au lieu de ビラ.ビアンカ).

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SOMMAIRE

Avant-propos

p. 07

Introduction

p. 08-10

I.

Tokyo, expérimentation et reconstruction

A. Le programme innvoant du logement collectif japonais

1) L'Histoire du logement nippon

2) Premières verticalités : le béton remplace le bois

p. 13-19

p. 19-22

B. Le parcours des deux protagonistes, de leur naissance, à leur collaboration

1) L'aventure de l'entrepreneur Ishida Kanzo

2) L'histoire et la formation de l'architecte Hotta Eiji

3) La rencontre entre les deux hommes, et leurs premiers projets

p. 23-25

p. 25-27

p. 27-29

C. La genèse de Bianca

1) L'histoire de la commande

2) Le programme adopté pour l'opération

p. 30-33

p. 33-35

II. La Villa Bianca, avant garde d’une série d’innovations de standing, à l’aube des jeux olympiques de 1964 A. Une position urbaine atypique, un élément vertical surgit de l’horizontal

1) Une position traditionelle

2) Néanmoins moderne

p. 37-41

p. 41-43

B. Une structure complexe pensée au service des usages

1) Un rationalisme constructif

2) Spécifique à la condition nippone

p. 44-45

p. 46-48

C. Les espaces communs, tentatives innovantes de partage

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1) Des espaces extérieurs intériorisés

p. 49-51


2) Des espaces intérieurs fonctionnels

p. 51-54

D. Les appartements, richesse spatiale et qualités d’usages

1) Éléments communs structurant 2) Spécificité typologique

p. 55-59

p. 59-62

E. Un haut standing acquis dans le détail

1) L’individualisation des installations centralisées

2) Un équipement moderne d’origine japonaise

III.

D’une genèse inspirée de l’Occident, à « l’après Bianca »

p. 63-65

p. 65-69

A. Une conception influencée

1) À la recherche de références à travers l’Occident

2) Une relation maître / disciple déterminante

3) L’influence d'un Japon moderne

p. 70-72

p. 73-75

p. 75-78

B. De son inauguration, à son imminente destruction

1) D’une réception nuancée à une réception positive

2) Des transformations destructrices

3) Une démolition menaçante

p. 79-81

p. 81-83

p. 84-85

C. La fin d’une collaboration, deux chemins distincts

1) La séparation entre le concepteur, et le constructeur

2) Ishida Kanzo, une architecture de « SÉRIE »

3) Hotta Eiji, la suite d'une carrière discrète

p. 86-89

p. 90-91

p. 91-95

Ouverture p. 97-98

Sources documentaires, archives, iconographie

Bibliographie

Annexes

p. 100-105

p. 107

p. 109-136

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AVANT PROPOS

Une fascination pour le Japon, entretenue depuis l’enfance, m’a motivé à rédiger ces écrits. En effet, je place dans ce mémoire, l’espoir de pouvoir un jour m’y rendre afin de réaliser mon rêve.

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INTRODUCTION

Dans l'optique d'un départ pour Tokyo en mars 2021, je me suis intéressé dès septembre 2020 à trouver une opération dont je pourrai poursuivre l'analyse une fois sur place. Le sujet du séminaire m'a permis de cibler mes recherches : le logement de haut standing, construit entre 1946 et 1986. L'opération d'inspiration corbuséenne de Maekawa Kunio, Harumi apartments, les nombreux projets d'Antonin Raymond, pour ensuite, me tourner sur la Villa Bianca de Hotta Eiji. La revue d'architecture française, l'Architecture d’Aujourd'hui, m'a permis de découvrir l’opération. Un numéro spéciale portant sur le Japon (127), paru le 1er septembre 1966, dévoile aux débuts de ses pages, une opération de logements construite deux ans auparavant. Son caractère singulier, dans un premier temps, la (presque) non présence d'écrits, dans un second, et sa destruction imminente dans un troisième, m’ont convaincu de réaliser ce mémoire. Enfin, l'opération m'a permis de conserver et d'entretenir des liens avec mes camarades de séminaire, étudiants pour la majorité, des opérations du nord de la France.

Malheureusement, la pandémie eut raison de mon départ en mars, le repoussant au mois d'août. L'ensemble de mes recherches ont donc été réalisées à distance, sans avoir eu la chance de me rendre sur place. Cependant, j'ai eu la chance de rencontrer Ishida Zachary, petit fils d'un des protagonistes, qui a chaleureusement mis à ma disposition les archives privées de son entreprise1. Également, l’appuie des sources secondaires ont été indispensable : les revues japonaises2 en priorité, puis les revues occidentales3 (au nombre de 3) en second. Aussi, une interview du maître d’ouvrage, réalisée

1 Celles-ci sont composées des différents plans, de photos de maquette, de photos de chantier d'époque, de photos actuelles, ainsi que la brochure commerciale. Jutaku Kenchiku (Architecture de confiance), Kenchiku Bunka (Culture architecturale), Kindai Kenchiku (Architecture Moderne), Kokusai Kenchiku (Architecture internationale), Shinkenchiku (Nouvelle Architecture) 2

la revue allemande Bauen + Wohnen (1966), la revue française l'Architecture d'Aujourd'hui (1966), se trouve être une traduction de son voisin allemand, ainsi que l'ouvrage Neue japanische Architektur d'Egon Tempel (1969). 3

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pour le périodique japonais Casa Brutus4, sert de fil conducteur pour retracer l’histoire de l’opération. Enfin, s’ajoute l’entrevue réalisée en mai 2021 avec le fils de celui-ci. Cependant, cette dernière arrive tard dans l’écriture du mémoire et permet uniquement d’affirmer ou non certains éléments. L'ensemble des sources ont été traduites du japonais au français, par mes soins en partie. Des erreurs de traduction (et ainsi de compréhension) se sont certainement glissées dans ces écrits. Néanmoins, les éléments les plus importants ont été vérifiés, évitant toutes erreurs pouvant altérer l'histoire de l’opération.

Avril 1964, année de réalisation de la Villa Bianca, marque un tournant tant sur le plan urbanistique, que celle du logement. Une impulsion est donnée par les Jeux Olympique d'Été, qui pour la première fois, sont organisés sur le continent asiatique, à Tokyo. Une opportunité pour le Japon de donner au monde une nouvelle image du pays, symbole de la reconstruction, mettant en avant sa modernité. L'exemple du Gymnase National / Piscine des Jeux olympiques de Tokyo dans le quartier de Yoyogi, dessiné par Tange Kenzō, symbolise la manière dont le Japon moderne s'est hissé à des sommets de technologie tout en préservant son identité traditionnelle5. Conçu dans ce contexte, il est intéressant de se demander quelle a été l’importance de la Villa Bianca au Japon ?

Une première hypothèse se dessine. Dans un premier temps, on pourrait considérer l'opération « Villa Bianca » comme précurseur d'un nouveau programme pour le Japon, le logement de haut standing. En réalisant d’une part un état de l’art préalable du logement nippon, pour ensuite, d’une autre, développer l’opération sous 5 composantes : urbaine, structurelle, commune, typologique et détaillée. Une biographie des protagonistes ainsi qu’un bilan matériel et technique nous permet d’apporter une seconde question : Quels ont été les différentes références convoquées par l’architecte, pour nourrir l’ambition de renouveler la qualité du logement à Tokyo et au Japon ?

On peut alors supposer que l'opération « Villa Bianca » s’est fortement inspirée de l'Occident par le biais de références directes, la visite d'opérations FUJISAKI (Keiichiro),« Tout le monde veut vivre dans un appartement vintage », Casa BRUTUS, mai 2008, (interview manuscrite) 4

5 JACQUET (Benoît) et SOUTEYRAT (Jérémie), L'architecture du futur au Japon : Utopie et Métabolisme, Poitiers, Le Lézard noir, 2020, p.70, 271 p.

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emblématiques, ou de références indirectes. Une analyse approfondie des influences et références sera traitée avec l’appuie d’une dernière hypothèse : l’architecte de l’opération a acquis une pensée moderne liée à ses différentes filiations (directes ou indirectes).

Pour commencer, Tokyo, devient un terrain d’expérimentation et de reconstruction pour le logement urbain qui profite de l’arrivée de nouvelles techniques. Dans ce gigantesque laboratoire, nous exposerons le parcours des deux protagonistes menant à la genèse du projet traité. Puis, un développement monographique de l’opération sous cinq composantes (citées précédemment) détaillera le caractère luxueux de l’opération. Enfin, nous analyserons les influences (occidentales comme japonaises) et filiations (modernes) de l’architecte avant d’étudier « l’après Bianca ». De sa réception immédiate, en passant par ses transformations jusqu’à son imminente destruction, nous terminerons par l’aboutissement des deux carrières.

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I.

TOKYO, EXPÉRIMENTION ET RECONSTRUCTION

A. LE PROGRAMME INNOVANT DU LOGEMENT COLLECTIF JAPONAIS

1)

L'HISTOIRE DU LOGEMENT NIPPON

Les villes japonaises, essentiellement basses il y a encore à peine soixante ans, se trouvent désormais parsemées d'immeubles d'habitations de plusieurs étages. Leurs noms, sont importés de l'Occident : les manshon6, symbole de la vie urbaine idéale (de l'anglais mansion) et les apāto7 (diminutif de apartment). La maison japonaise ancienne, dite traditionnelle, semble devenue un élément de plus en plus rare dans les paysages urbains. Historiquement représenté par la machiya8 en ville (ou la nōka9 en campagne), Tokyo, comme d'autres villes japonaises, tente néanmoins de les conserver. Devenue hors d'échelle, obsolète, ne possédant aucun des acquis de notre époque en matière de confort10, mais néanmoins témoin d'un Japon ancien fantasmé des touristes. Cependant, la maison traditionnelle n’a jamais constituée le cadre de vie général de la population. Les raisons de son effacement tiennent, sans doute, de la place qu'elle a occupé dans l'histoire du logement urbain.

Les nagaya, apparu à l'époque d'Edo (1603-1868), sont les prémices du logement en communauté. Originellement, il s’agit d’une bâtisse composée d’un seul et même long toit sous lequel des murs transversaux viennent départager l’espace en plusieurs unités habitables de même taille.11 Cette typologie, abrite cinq à six logements étroits, d'une surface d'environ 10 m².

Grands immeubles d'habitations collectifs (béton armé / acier) dépassant 5 étages, en location ou propriété. 6

Il s’agit d’un bâtiment en bois sur deux étages. Les loyers sont moins élevés que pour un manshon, bien que la surface habitable ne soit pas forcément moins étendue. 7

La machiya est une forme d'habitat urbain populaire, celle de l'artisanat et du commerce, présente dès la naissance des villes. 8

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La maison nōka est la typologie d'habitation agricole populaire.

Direction d'ouvrage : BERQUE (Augustin), Auteur : GUICHARD-ANGUIS (Sylvie), « Villes japonaises, passé et culture », pages 229 - 242 dans La maîtrise de la ville, urbanité française, urbanité nippone, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1994, 595 p. 10

Direction d'ouvrage : BONNIN (Phillipe), MASATSUGU (Nishida), SHIGEMI (Inaga), Auteur : ASANUMA-BRICE (Cécile), « Nagaya », pages 360 - 361 dans Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Éditions, 2014, 607 p. 11

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Destiné à la classe des guerriers, ce type de logement se propage dans le reste de la société et abrite les populations les plus pauvres. La promiscuité à l'intérieur comme à l'extérieur de la nagaya impose une vie communautaire permanente. Les nombreuses venelles roji servent à la fois de jardin, de parc pour les enfants, et d'extension pour l'habitat. On y retrouve la cuisine à l'entrée, de plain pied, en lien avec cette venelle. Derrière, s'articule l'unique pièce surélevée par un plancher (ou des tatamis). Il faut attendre 1907, l'ère Meiji, pour que la ville de Tokyo mette en place des règles de confort minimum et ainsi mettre fin à l'hygiène déplorable due à l'étroitesse des logements. C'est à partir de l'ère Taishō (1912-1926), qu'une évolution drastique s'opère. D'abord, l'arrivée des habitations à deux étages qui se multiplient. Ensuite, l'arrivée de l'eau courante et du gaz à l'intérieur des foyers supprimant toute nécessité d'articuler la cuisine avec la voirie.

Ce plan de base est particulièrement important car il est repris dans la production de la plupart des logements destinés à la classe populaire, notamment dans la production du logement ouvrier.

C'est à la fin du XIXème siècle que l'ont voit apparaître le terme de shataku "logement d'entreprise". Durant de nombreuses années, les ouvriers logeaient regroupés à plusieurs dans des dortoirs (ou le plus souvent entassés dans les nagaya) dont la densité pouvait être extrêmement forte, sans possibilité d'y accueillir femme et enfant12. Les entreprises vont alors concevoir des logements pour leurs employés. L'influence des cités jardins howardienne se traduiront par l'intégration d'équipements divers (hôpital, bain, crèche, théâtre…) au sein des opérations d'habitat13. L’apparition du béton armé assure une meilleure résistance aux intempéries et permet la construction en hauteur. Les appartements, auparavant mitoyens en bande au rez-dechaussée, se voient superposés les uns aux autres et constituent ce que l’on pourrait appeler des blocs de nagaya modernes14. Ainsi de 1870 à 1944, 25 entreprises privées construisent des quartiers d'habitation pour leurs ouvriers

Direction d'ouvrage : BONNIN (Phillipe), MASATSUGU (Nishida), SHIGEMI (Inaga), Auteur : ASANUMA-BRICE (Cécile), « Shataku », pages 410 - 412 dans Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Éditions, 2014, 607 p. 12

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idem note précédente

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ill. 01 Nagaya, Yoshida, Sakyō-ku, Kyoto, 1999. Photographie extraite de Vocabulaire de la spatialité japonaise, 2014

ill. 02 Les logements ouvriers de la compagnie Nihon tetsudō-gaisha, Omiya, préf. de Saitama. Photographie extraite de Vocabulaire de la spatialité japonaise, 2014

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dans le Kantō (région de Tokyo).15

En parallèle, le 1er septembre 1923, l'énorme tremblement de terre du Kantō détruit 70% de l'habitat à Tokyo et dévaste Yokohama16. Les nombreux incendies successifs détruisent la ville encore constituée de bois. Suite à cette catastrophe, la population entreprend de se reloger par ses propres moyens en construisant des cabanes plus ou moins élaborées à partir de matériaux récupérés dans les décombres (planche de bois, tôle, tatami).17 Barakku est le nom donné à ces habitations réalisées dans l'urgence. Celles-ci se démarquent des nagaya uniquement par l'absence de murs mitoyens.

Le pays rentre dans une phase de re-construction, bien avant les autres pays du monde, qui pour la majorité, reconstruiront leurs villes après la seconde guerre mondiale. Le gouvernement dresse un plan de restauration de la capitale dès (janvier-juin) 1924 et fonde l'organisation Dōjunkai18.

« Un programme ambitieux de constructions résidentielles financé par le gouvernement. Il s'agissait de ce que l'on appelle le Dōjunkai, une série de seize résidences d'avant garde destinées aux classes moyennes et réalisées de 1925 à 1927 aussi bien à Tokyo qu'à Yokohama. Des maisons à trois étages en béton armé, de type traditionnel (les bains sont communs), disposées autour d'une cour équipée.19 »

La Dōjunkai poursuit un triple objectif : construire pour les classes moyennes des logement pratiques et modernes, résorber des ilots insalubres et proposer le relogement sur place des populations ; réaliser des bâtiments résistants au feu et aux séismes.20 La structure en béton armé des immeubles accueille les espèces de boîtes en bois que sont les appartements. Ceux-ci suivent deux plans types : celui des maisons traditionnelles pour le premier, et celui des 15

idem note précédente

Direction d'ouvrage : BONNIN (Phillipe), MASATSUGU (Nishida), SHIGEMI (Inaga), Auteur : GLOAGUEN (Yola), « Barakku », pages 47 - 49 dans Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Éditions, 2014, 607 p. 16

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idem note précédente

Direction d'ouvrage : BONNIN (Phillipe), MASATSUGU (Nishida), SHIGEMI (Inaga), Auteur : MIURA (Atsushi), « Shūgō-jūtaku », pages 458 - 460 dans Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Éditions, 2014, 607 p. 18

SACCHI (Livio), Tokyo, Architecture et Urbanisme, Flammarion, Milan, traduction O. Menegaux, 2004, p. 52, 170 p. 19

Direction d'ouvrage : BONNIN (Phillipe), MASATSUGU (Nishida), SHIGEMI (Inaga), Auteur : BOURDIER (Marc), « Dōjunkai », pages 107 - 109 dans Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Éditions, 2014, 607 p. 20

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ill. 03 Dōjunkai, Harajuku, 1926. Photographie extraite de The Making of a Modern Japanese Architecture.

ill. 04 Abanrafure Nijigaoka nishi, construit entre 1997 et 2004, pref. d’Aichi. Photographie extraite de Vocabulaire de la spatialité japonaise, 2014

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nagaya pour le second. Dans les deux cas, le principe de communication immédiate entre l'entrée et les pièces est respecté, et celles-ci ne sont pas affectées à une fonction particulière.21

L'association est dissoute en 1941. C'est 12 000 logements qui seront réalisés de 1926 à 1934. Un chiffre bien trop faible aux regards des besoins de l'époque. Les travaux de la Dōjunkai sont le vrai signe de la naissance du logement moderne au Japon.22 Une réflexion qui mènera à la production en masse de logements après la seconde guerre mondiale. Il devient le nouveau modèle des shataku qui continue de se développer.

La capitale nippone, une nouvelle fois rasée par les bombes incendiaires américaines lors de la guerre 1939-1945, s'apprête à entamer une deuxième phase de reconstruction. Comme beaucoup de pays après la guerre, le Japon privilégie la quantité par rapport à la qualité. Les danchi, grands ensembles japonais, représentent un groupe d'immeubles d'environ 5 étages, alignés uniformément, à distance les uns des autres. En parallèle des danchi, on note la réalisation des new town (villes nouvelles) qui voient le jour dans les grandes agglomérations, Tama New Town à l'ouest de Tokyo par exemple. Les grands ensembles japonais représentent 5 000 000 de logements, soit l'équivalent de 10% du parc immobilier au Japon.23 Ils jouissent dans un premier temps, d'une grande popularité dans les années 1960-70. Le plan de ces appartements, faisant la promotion du style de vie moderne, se base sur le modèle DK.

La notion du DK24 apparaît en 1951, proposé par Yoshitake Yasumi (1916-2003), sous la demande du gouvernement qui souhaite une nouvelle politique du logement. Yoshitake propose trois modèles types, chacun composé de deux chambres (une pour les parents, une pour les enfants) et d'une cuisine. Cette séparation fonctionnelle se veut moderniser l'espace domestique, et s'oppose à la multi-fonctionnalité des maisons traditionnelles

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idem note précédente

Direction d'ouvrage : BONNIN (Phillipe), MASATSUGU (Nishida), SHIGEMI (Inaga), Auteur : ABE-KUDO (Junko), « Danchi », pages 96 - 98 dans Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Éditions, 2014, 607 p. 23

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Dining Kitchen

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représentatives de la féodalité.25 La surface totale de ces logements types est inférieure à 40 m².

« La plupart de ces habitations collectives massivement construites à partir des années 1950 jusqu'à nos jours sont basées sur le modèle LDK et ses variantes. Elles sont supposées être adaptées à la "famille moderne", caractérisée surtout par la séparation entre espace public et espace privé ; par la division sexuée du travail (l'homme à l'extérieur de la maison, la femme à l'intérieur de la maison) ; l'importance accordée à la dimension affective des liens familiaux ; et la forme nucléaire de la famille.26 »

Dans les années 1970, le salon L (living) est ajouté afin que les familles puissent se réunir. C'est un idéal qui attire les jeunes couples. Ils y voient un style de vie libéré de la contrainte sociale villageoise qui leur parait féodale, préférant ainsi l'anonymat aux relations de voisinage. Aujourd'hui encore, cet idéal persiste, expliquant le désintérêt et la disparition progressive des machiya. Le modèle LDK a continué de se propager après les années 1980, effaçant toutes particularités régionales ou locales et donne une impression de monotonie désincarnée.27 La majorité des manshon aujourd’hui, ont un plan presque identique, calqué sur ce modèle. Qu’ils s’agissent d’opérations publiques ou privées, seules quelques opérations se démarqueront. Benoit Jacquet, en introduction de son livre, L'architecture du futur au Japon : Utopie et Métabolisme, rappelle :

« Hormis quelques exemples isolés, les projets et aménagements urbains, grands ensembles de logements collectifs et autres plans directeurs, sont administrés et réalisés directement par des organismes gouvernementaux ou privés. Ils emploient pour ce faire des architectes et ingénieurs exécutant les projets selon des standards laissant peu de place à la créativité architecturale 28 ».

Cette évolution verticale du logement, autrefois en bande au RDC (nagaya) puis empilée sur 5 ou 6 étages (danchi / manshon), est influencée par l’Occident. De

Direction d'ouvrage : BONNIN (Phillipe), MASATSUGU (Nishida), SHIGEMI (Inaga), Auteur : MIURA (Atsushi), « LDK (living-dining-kitchen) », pages 293 - 294 dans Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Éditions, 2014, 607 p. 25

Direction d'ouvrage : BONNIN (Phillipe), MASATSUGU (Nishida), SHIGEMI (Inaga), Auteur : MIURA (Atsushi), « Shūgō-jūtaku », pages 458 - 460 dans Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Éditions, 2014, 607 p. 26

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Idem note précédente

JACQUET (Benoît) et SOUTEYRAT (Jérémie), L'architecture du futur au Japon : Utopie et Métabolisme, Poitiers, Le Lézard noir, 2020, p.18, 271 p. 28

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nombreuses mesures vont être prises pour densifier Tokyo qui s’approprie un nouveau matériau : le béton.

2)

PREMIÈRES VERTICALITÉS : LE BÉTON REMPLACE LE BOIS

Le béton incite plus naturellement à construire des murs kabe ou des parois coulées, alors que l’architecture traditionnelle a toujours privilégié le système constructif en poteaux-poutres, favorisé par le bois. Pour les édifices difficilement réalisables en bois d'oeuvre, l'archipel préfère le metal, qui reste dans sa technique, similaire à l'assemblage du bois. Le béton, apparait pour la première fois au Japon vers 1895 suivant un procédé français, et prendra réellement son essor au début des années 1920. Le mot konkurīto29, transposition phonétique en katakana30 de l’anglais concrete (béton en français), signale ainsi l’origine exogène du terme31 .

Le bâtiment n°30 de l'entreprise minière Mitsubishi sur l'île de Gunkanjima, Hasima apāto, est le premier ensemble de logement réalisé en béton. Construit en 1916, il s'agit d'un shataku, faisant parti des premiers du genre avec les nouveaux logements proposés par la Dōjunkai32. Le bloc 65, construit en 1945, est le plus fameux d’entre eux (9 étages). La maison Reinanzaka (1924), de l’architecte américain Antonin Raymond, est souvent considéré comme la première maison réalisée en béton sur le sol japonais. Ce n’est qu’après le tremblement de terre de 1923 qu’est mis en valeur sa résistance structurelle, ainsi que sa résistance aux flammes. Pourtant contraire à l'architecture vernaculaire, le Japon s'approprie cette technique et développe ses propres spécificités, lui trouvant la sécurité recherchée suite aux nombreux

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tekkin konkurīto pour sa version armé

Les katakanas sont un des deux syllabaire utilisés en japonais. Ils sont utilisés pour transcrire les mots d'origine étrangère. 30

Direction d'ouvrage : BONNIN (Phillipe), MASATSUGU (Nishida), SHIGEMI (Inaga), Auteur : TARDITS (Manuel), « Konkurīto », pages 279 - 280 dans Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Éditions, 2014, 607 p. 31

Direction d'ouvrage : BONNIN (Phillipe), MASATSUGU (Nishida), SHIGEMI (Inaga), Auteur : MAGNET (Dimitri), PELLETIER (Philippe), « Gunkanjima », pages 152 - 154 dans Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Éditions, 2014, 607 p. 32

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ill. 05 Vue panoramique du parc Yoyogi, vue du côté de Shibuya, lors de son ouverture complète en avril 1971. Photographie extraite de Midori to mizu no hiroba N°89, 2017, DR.

ill. 06 Vue panoramique du parc Yoyogi, vue du côté de Shibuya. Photographie extraite de Midori to mizu no hiroba N°89, 2017, DR.

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cataclysmes naturels. Néanmoins, le pays du soleil levant n’attend pas l'arrivée du béton pour développer la verticalité.

La pagode fût longtemps le plus élevé et le plus élancé des bâtiments de la cité japonaise. Elle représente un repère rassurant, un symbole spirituel, un signal collectif comparable au clocher des églises en Europe.33 Les premiers immeubles nippons sont édifiés aux alentours de 1895. Le mot japonais biru, abréviation de l'anglicisme building, démontre une nouvelle fois son importation occidentale. Les dictionnaires publiés après la seconde guerre mondiale définissent le mot biru ainsi « Un bâtiment d’usage commercial, de plusieurs étages et d’ossature en béton armé ou en acier ». Un immeuble d’habitation n’a alors pas de sens et semble hors de propos.34 Le professeur britannique Josiah Conder35 (1852-1920), invité par le gouvernement Meiji, va édifier des immeubles de bureaux dans le quartier de Marunouchi, et ce dans le style anglais de l’époque. Il sera le maître de cinq grands architectes japonais36 qui seront les premiers à construire des immeubles de style occidental. Le Japon utilise pour la première fois le terme de « gratte-ciel" pour qualifier le Kasumigaseki Building, de l’architecte Yamashita Toshiro37 (1888-1983), réalisé en 1968. Il s’agit du premier immeuble nippon à dépasser les 100 m de hauteur (156 m pour 36 étages).

Même si Tokyo voit se construire de plus en plus de tours de bureaux, la ville reste encore majoritairement basse. Livio Sacchi souligne : « la présence d'édifices élevés y est récente, puisqu'elle n'est guère antérieure aux années

Direction d'ouvrage : BONNIN (Phillipe), MASATSUGU (Nishida), SHIGEMI (Inaga), Auteur : BECHETOILLE (Soizik), « Tō / tōba », pages 496 - 498 dans Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Éditions, 2014, 607 p. 33

Direction d'ouvrage : BONNIN (Phillipe), MASATSUGU (Nishida), SHIGEMI (Inaga), ABEKUDO (Junko), « Biru », pages 56 - 57 dans Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Éditions, 2014, 607 p. 34

Figure occidentale marquante pour l’architecture moderne japonaise. La première promotion de ses élèves est sortit de l’école en 1879, la seconde en 1885 35

36 Il s’agit des architectes Tatsuno Kingo, Katayama Tōkuma, Sone Tatsuzō, Satachi Shichijirō et Shimoda Kikutarō Architecte connu pour l’immeuble Kasumigaseki Building, considéré comme le premier gratte ciel japonais, et le NHK Broadcasting Center. 37

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1960 ».38 Les unités d’habitations relativement basses traduisent d’une série de mesures prises en faveur de l'amélioration du logement.

En 1953 est promulguée une loi sur les manshon de grande hauteur (six étages ou plus) qui les obligent à avoir un ascenseur. Pour cette raison, les opérations de logements demeureront longtemps à R+5, ou moins. Une série de lois va ensuite tendre à densifier les sols urbains. Une première réforme sur le réajustement des limites de hauteur est faite en 1961 (fixées à 31 mètres), ainsi qu'un nouveau plan d'occupation des sols. La seconde réforme, en 1963, réajuste encore une fois les limitations des hauteurs et « amorce le processus d’irrépressible verticalité de la ville ».39

C’est dans cette course éperdue, au progrès technique et à la puissance économique, que deux acteurs expérimentent la manière de concevoir les verticales habitées tokyoïtes.

SACCHI (Livio), Tokyo, Architecture et Urbanisme, Flammarion, Milan, traduction O. Menegaux, 2004, p. 70, 170 p. 38

39

Idem note précédente

22


B. LE PARCOURS DES DEUX PROTAGONISTES, DE LEUR NAISSANCE, À LEUR COLLABORATION

1)

L'AVENTURE DE L'ENTREPRENEUR ISHIDA KANZO

Issu d’un milieu modeste, Ishida Kanzo est né le 2 juillet 1927 dans une famille d’artisans, brasseurs de saké depuis des générations. Dans son interview pour la revue Casa Brutus, il confie :

« Quand j'étais jeune, je volais dans des avions de l'armée, sur une base kamikaze à Kyushu40. Beaucoup d'entre nous sont morts et peu ont survécu. Heureusement, mon tour n'est jamais arrivé41 ».

À l'âge de 17 ans, à la fin de la seconde guerre mondiale, le jeune miraculé quitte l’île de Kyushu pour retrouver Tokyo. Sa maison familiale, détruite par les bombes incendiaires américaines comme un quart de la ville42, va être reconstruite avec l’aide de sa famille et ses amis. Il réalise une bâtisse (que l’on pourrait définir comme barakku) avec du bois provenant de Matsuyama, dans la préfecture de Saitama, au nord de Tokyo. Il travaille avec les charpentiers et les bûcherons locaux pour couper, transporter et transformer les arbres en bois d’oeuvre. La couverture est réalisée d’écorces de pin, et les fenêtres sont récupérées dans les nombreux abris antiaériens abandonnés par la guerre. Ishida considèrera cette période comme charnière dans sa future relation à l’architecture.

En parallèle des travaux de reconstruction, il termine le lycée et poursuit ses études à l’université, faisant le choix d’étudier l’économie. Ishida se souvient d’un professeur insistant sur la nécessité de gagner des devises étrangères. Encore étudiant, il décide de devenir le gérant d'un restaurant pour recueillir de l’argent. Selon lui, la meilleure façon de gagner des devises étrangères était de Il s'agit de la base de Chiran sur l'île de Kyushu, elle a servit de base de départ pour les kamikazes en 1945. 40

FUJISAKI (Keiichiro),« Tout le monde veut vivre dans un appartement vintage », Casa BRUTUS, mai 2008, (interview manuscrite) 41

SACCHI (Livio), Tokyo, Architecture et Urbanisme, Flammarion, Milan, traduction O. Menegaux, 2004, p. 57, 170 p. 42

23


créer une entreprise hôtelière. Dès l’obtention de son diplôme, il choisit de construire un hôtel et d’en devenir le gérant. Il emprunte à la banque et achète un terrain de 160 tsubo43 (530m²) à 5 000 yen/ tsubo pour y concevoir un bâtiment de quatre étages, dans l'actuel quartier de Kabukicho (contenant les chambres, les bains communs, téléphones et chauffage). À cette époque, alors que le modèle est traditionnel, le ryokan44, l’hôtel que souhaite réaliser Ishida est occidental.

Pour réaliser son « Grand Hôtel », le jeune entrepreneur fait appel à la société Taisei Corporation45 pour la conception. Cependant, en 1950, débute la guerre de Corée et l’entreprise de construction nippone est mobilisée par le gouvernement japonais. Ishida redoute de devoir combattre une nouvelle fois pour le Japon. Dans cette période d’incertitude, le jeune homme fait appel à l’un des directeurs de Taisei qui vient tout juste de créer son entreprise de construction. Il souhaite que son projet soit réalisé rapidement et décide avec son équipe de s’occuper de la conception. En 1951, Ishida Kanzo inaugure son « Grand Hôtel », un an après la création de son entreprise Kowa Shoji (juin 1950). D’après ses dires, l’hôtel profitera d’une très bonne réception, et suscitera beaucoup d’intérêts de la part des locaux, comme des étrangers. Néanmoins, Ishida Kanzo se rend très rapidement compte que l’hôtellerie n’est pas ce qu’il désir faire de sa vie. En 1955, quatre ans après l’édification de son hôtel, il n’a qu’une seule chose en tête : la construction de maison. Il abandonne son hôtel, qui sera détruit dix ans après son édification, pour se lancer dans la construction. Alors que Tokyo se reconstruit peu à peu, Ishida profite du prix des terrains très bas pour construire ses premiers projets de logement individuel. Le jeune entrepreneur est déterminé à n’user que de qualité dans ses projets et se résigne à vendre des constructions répétitives qui prônent l’utilisation d’un plan unique. Toujours dans le périodique japonais Casa Brutus, il manifeste :

Le tsubo désigne une unité de mesure toujours utilisée au Japon pour définir une surface correspond à deux tatamis (=3,30m²). 43

44

Il s’agit d’auberges traditionnelles japonaises.

Taisei Kensetsu Kabushiki-gaisha) est une société japonaise fondée en 1873. Ses principaux domaines d'activité commerciale sont la construction de gratte-ciel, l'ingénierie civile, et la promotion immobilière. 45

24


« Puis des entreprises sont apparues, elles prétendaient construire plusieurs maisons en même temps. Les hommes derrière eux, portant souvent de vieux vêtements militaires américains, alignaient simplement des blocs et posaient des piliers dessus, quel travail minable.46 »

En 1955, alors qu’il s’est déjà constitué une petite équipe d’architectes pour nourrir son ambition, Ishida Kanzo rencontre par hasard le jeune Hotta Eiji.

2)

L'HISTOIRE ET LA FORMATION DE L'ARCHITECTE HOTTA EIJI

La première partie de la biographie de Hotta Eiji sera brève car essentiellement écrite sur la base d'une notice47 découverte dans la revue japonaise Title48 d'octobre 2005.

Hotta Eiji est né en 1928 dans la capitale nippone. Il obtient son diplôme d'architecture par le département de la construction, faculté des sciences et de l'ingénierie n° 1, de l'université de Waseda, à Tokyo, en 1952. Il suit l'atelier de l'architecte expressionniste / moderne Imai Kenji49 (1895-1987), connu pour la bibliothèque de l'université Waseda (1925) et le monument des vingt-six martyrs, à Nagasaki (1962). Hotta réalise, avant de devenir architecte, son premier projet. Une maison en béton armé nommée : Residence of Mr. M., with an Out-door Barbecue50, pour un dénommé M. Tomitoki. Ce projet est réalisé en collaboration avec son camarade de promotion Shoichi Atarashi. Tout deux obtiennent leur diplôme dès l'achèvement des travaux, leur permettant ainsi de commencer leur carrière.

Le jeune architecte nippon, tout juste diplômé, débute en 1952 avec le bureau de design Yamashita Toshiro (1888-1983), père du premier gratte ciel japonais. FUJISAKI (Keiichiro),« Tout le monde veut vivre dans un appartement vintage », Casa BRUTUS, mai 2008, (interview manuscrite) 46

47

L'article reprend les grandes lignes de la Villa Series, commandée par la société Kowa Shoji.

MASATAKA (Baba), « Une lignée de villas et de curiosités dans la ville de Tokyo », TITLE, oct 2005, pages 34 - 37 48

Imai Kenji est l'un des principaux architectes du design expressionniste moderne japonais. Il est également connu comme l'architecte qui a introduit Gaudi au Japon. Il enseignera de 1937 à 1965. 49

Residence of Mr. M., with an Out-door Barbecue », Kenchiku Bunka, Vol.7, N°9, 1952, pages 21- 23 50«

25


ill. 07 Photographie de l’inauguration de la Villa Bianca. À gauche (probablement) Hotta Eiji, au centre, les mains sur les jambes, Ishida Kanzo. Photographie de Kowa Shoji, 1964.

ill. 08 Photographie façade Est, Residence of Mr. M., with an Out-door Barbecue. Photographie extraite de Kenchiku Bunka, Vol.7, N°9, p.21-23, sept. 1952, DR.

26


Parallèlement, il décide de rejoindre, en 1957, l'atelier d'architecture du maître revenu du Bauhaus : Yamawaki Iwao51 (1898-1987). Hotta conjuguera, non pas deux, mais trois emplois différents. En 1955, il réalise, en temps partiels, plusieurs dessins pour une jeune société : Kowa Shoji.

3)

LA RENCONTRE ENTRE LES DEUX HOMMES, ET LEURS PREMIERS PROJETS

Le jeune architecte Hotta Eiji, par manque d’argent, intègre la société Kowa Shoji. Ishida demande à Hotta, comme à d'autres jeunes architectes, de concevoir des plans de maisons. L'entreprise achète des terrains, entre Bunkyo-ku et Jiyugaoka (quartiers de Tokyo), pour y construire ses maisons individuelles qu'elle revend ensuite. Elle utilise intensément les cartes postales comme outils de publicité pour ainsi promouvoir ses projets. Très vite, celle-ci propose la conception de maisons sur mesure pour des clients de plus en plus fortunés (cadres de la Shimizu Corporation52, le directeur général de Taisei, des avocats, etc.).

En travaillant avec plusieurs architectes, Kowa Shoji s'assure que chaque maison est unique, et qu’aucune, contrairement au reste de la promotion immobilière japonaise, soit un "copié-collé" de la précédente. La société pose une seule condition : elle n’accepte aucune instruction détaillée, c’est elle qui choisis les matériaux utilisés ainsi que la disposition et l’articulation des espaces entre eux.53 Si celle-ci n’a, à ses débuts, aucun mal à trouver des parcelles pour construire ses projets, la tâche commence à devenir de plus en plus difficile. Tokyo se reconstruit à une vitesse folle et les « bons terrains », comme les appelle Ishida, commencent à manquer. Le prix du tsubo54 flambe, les parcelles passent très rapidement de 20 000 yen/ tsubo, à 50 000 yen/ Architecte / Photographe formé au Bauhaus, avec l'enseignement du peintre Josef Albers et le photographe Walter Peterhans jusque sa fermeture en 1933. 51

52

L'une des entreprises japonaises les plus importantes dans le secteur du bâtiment

53

L’entreprise réalise et facture ses projets 100 000 yens par tsubo environ.

Le tsubo désigne une unité de mesure toujours utilisée au Japon pour définir une surface correspond à deux tatamis (=3,30m²). 54

27


ill. 09 Photographie façade Nord, A grid-planned dwelling by E. Hotta, Arch. (Auberge réalisée pour Kowa Shoji) Photographie de F. Murasawa extraite de Kenchiku Bunka, Vol.15, N°12, p.34-38, dec. 1960, DR.

ill. 10 Frise chronologique réalisée par l’auteur, avril 2021.

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tsubo en l’espace de quelque années. L'entreprise se décide à construire des opérations de logements collectifs si le prix dépasse 100 000 yen par tsubo. Ce chiffre, très vite atteint, précipite Ishida à établir un état de l’art du logement collectif japonais. Force de constater qu’il dispose de peu d’exemple dans son propre pays, celui-ci entreprend de partir à la recherche de références à travers l’Occident. Il emmène avec lui son meilleur concepteur, Hotta, qu’il considère comme l'architecte le plus talentueux de Kowa Shoji. Il dira de lui :

« Hotta était très doué pour le multitâche, il était ambidextre. Lorsque je lui donnais des instructions d'un côté, il commençait à écrire de l'autre. Il m'a tellement impressionné que je lui ai proposé de participer à mon projet : abandonner la conception de maisons en bois pour se concentrer sur les grands appartements en béton.55 »

Ancien pilote de l’aviation japonaise, Ishida emmène Hotta en Europe, puis aux États Unis à bord d’un petit avion à hélice. À la suite de ce voyage et des nombreuses références découvertes, les deux associés commencent la conception de leur futur projet : un immeuble d’habitation collectif en béton.

FUJISAKI (Keiichiro),« Tout le monde veut vivre dans un appartement vintage », Casa BRUTUS, mai 2008, (interview manuscrite) 55

29


C. LA GENÈSE DE BIANCA

1)

L’HISTOIRE DE LA COMMANDE

L’entreprise, spécialisée dans la construction de maisons individuelles, se décide enfin, pour des raisons économiques, à réaliser une opération de logements collectifs. Ishida a deux souhaits pour ce projet : le premier, conserver la qualité du logement individuel, le second, abandonner le bois pour le béton.

En 1959, Ishida encourage Hotta Eiji à démissionner de l’agence de Yamashita Toshiro et de Yamawaki Iwao pour créer sa propre structure. Il réunit entre six et sept jeunes architectes afin de créer son atelier : E.Hotta Architect and Associates. Pour la première fois depuis sa création, Kowa Shoji n’est plus maître d’oeuvre, elle délègue la conception et devient uniquement maitre d’ouvrage. Les deux sociétés partagent, à leurs débuts, les mêmes bureaux en face du poste de police dans le quartier de Yotsuya. L’entreprise d’Ishida achète un terrain d’environ 50 tsubo (≈165m²) dans le quartier d’Harajuku. La parcelle, destinée à l’expérimentation, permet aux deux protagonistes d’appréhender la conception d’un nouveau programme : le logement collectif. Ils vont y construire un complexe d’appartements en béton de quatre étages, (deux unités de 44m² par étage) sans ascenseur. Les prix des appartements varient de 2 750 000 yens à 3 200 000 yens (≈ 21 000 à 25 000 euros actuel), très abordable pour l’époque. Ce n’est qu’une fois le chantier terminé, que commence véritablement le projet initial : Villa Bianca. Une phase de conception de deux ans démarre aux débuts des années 1961 pour nos deux protagonistes alors âgés de 33 ans.

De nombreux plans sont dessinés avant d’obtenir le dessin que l’on connait aujourd’hui, explique Ishida. La société décide, contrairement au reste du marché immobilier nippon, d’organiser un appel d’offres suivant les différents lots. La construction est confiée à la société Taisei Corporation, qui collabore avec Kowa Shoji depuis ses débuts. Les installations électriques sont réalisées

30


par la société Kanto Electric Industry56, et les équipements sont mis en oeuvre par Sanki Industry57. Contrairement au contexte français, qui fonctionne par l’intermédiaire de concours, la commande japonaise, elle, est toujours restée directe. Xavier Guillot, pour le livre La maîtrise de la ville, urbanité française, urbanité nippone fait mention de « rapports très étroits entre architecte et commanditaire 58». Si Hotta est à la charge du dessin de l’opération, le professeur Sakurai Shogo, de l'université Waseda, est quant à lui responsable du dessin des équipements et installations (Insitut de recherche sur les équipement de construction SAKURAI). Hotta Eiji, pour la revue Kenchiku Bunka d’août 1964 écrit : « Les intentions initiales du projet étaient presque réalisées, mais le choix des meubles et de l'ameublement pour les résidents était basé sur la fonction et le goût de chacun. On a pensé que des spécialistes était nécessaire pour rendre le contenu encore plus confortable, conformément aux intentions de conception.59 »

L’architecte japonais fait appel à un second professeur de Waseda pour réaliser le plan de structure. Celui-ci propose une portée de 7 mètres entre les poteaux, leurs conférant une section importante. Ishida témoigne : « Ayant été en Occident, nous voulions que nos piliers ressemblent aux longues et fines jambes des femmes caucasiennes.60 ». Kowa Shoji décide alors de mettre fin à sa collaboration avec l’ingénieur, ancien professeur de Hotta, pour se tourner vers la société Kajima Construction, représenté par Mutō Kiyoshi61 (1903-1989). Celui-ci divise la portée pour obtenir une grille tramée de 3,5m.

56

Entreprise créé en 1944

Entreprise créé en 1925, elle participe au chantier de la NHK Broadcasting Center, ou encore du Yoyogi National Gymnasium. 57

Direction d'ouvrage : BERQUE (Augustin), Auteur : GUILLOT (Xavier), « Maîtrise d’oeuvre et maîtrise d’ouvrage », pages 263 - 269 dans La maîtrise de la ville, urbanité française, urbanité nippone, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1994, 595 p. 58

« Villa Bianca by E.Hotta Arch. and Assoc. », Kenchiku Bunka, Vol.19, N°214, août. 1964, pages 165-170 59

FUJISAKI (Keiichiro),« Tout le monde veut vivre dans un appartement vintage », Casa BRUTUS, mai 2008, (interview manuscrite) 60

Ingénieur en structure, il fonde une théorie d’une structure flexible qui absorbe l’énergie sismique. Il réalise les plans de structure du Kasumigaseki Building de Yamashita Toshiro. 61

31


Il est difficile de savoir à quel point Ishida Kanzo s’est impliqué dans la conception de l’opération. Cependant un article de Yasuo Seita62 pour le magazine Sumai Ron d’avril 2002 indique une « division implicite du travail, où les idées et les visions de M. Ishida sur la résidence urbaine seraient développées par la sensibilité architecturale de M. Hotta.63 ».En avril 1964, alors qu’est entrain de se terminer le chantier de la Villa Bianca, Hotta Eiji écrit un article intitulé : « Comment devrait être le système de conception du futur ? ». Celui-ci y indique : « le client avait une profonde compréhension de l'architecture (détails tels que les règlements, la structure, les caractéristiques, etc) ». Également, l’architecte nippon décrit deux raisons qui l’ont guidées dans la conception de Bianca. Premièrement, la non prise en compte des futurs locataires et leurs demandes dans le processus de conception. En second, Hotta y ajoute une analyse :

« Ces dernières années, les familles sont devenues plus petites et, avec elles, la montée en popularité de l'idée de l'appartement comme base permanente de la vie quotidienne, par opposition à un abri temporaire. Cette nouvelle attente dicte presque entièrement le caractère et la qualité du bâtiment.64 »

Hotta Eiji, dans la présentation des dessins de la Villa Bianca pour le Kenchiku Bunka65 d’août 1963, complète en signifiant l’objectif de « briser la racine du concept de "résidence temporaire" associé aux complexes d’habitation ». Il y remarque néanmoins un défaut : « la tentative d'y parvenir par le biais du secteur privé a malheureusement abouti à un produit qui n'est accessible qu'aux personnes disposant de moyens financiers ». Par l’ajout de divers équipements, le partage des installations, et la volonté de conserver les qualités du logement individuel, la résidence acquiert un luxe malgré elle. Ishida Kanzo, dans la brochure commerciale de Bianca, Invitation pour une nouvelle résidence, ajoute :

Diplômé en 1957, il rejoint Sakakura Associates et travaille sur trois projets de la Villa Series : Serena, Fresca et Moderna. Ses travaux comprennent principalement une série de logement collectifs urbains de faible hauteur. Il fonde en 1981, le Yasuo Seita Planning and Design Studio. 62

63

YASUO (Seita), « Villa Bianca », Sumai Ron (Smile on), avr. 2002, pages 62-64

HOTTA (Eiji), « Comment devrait être le système de conception du futur ? », Kenchiku Zasshi, avr. 1964, pages 221-222 64

« Project of Villa Bianca Apartments by E.Hotta Arch. and Assoc. », Kenchiku Bunka, Vol.18, N°202, août. 1963, pages 80-84 65

32


« Dans le passé, de nombreux « manshon » luxueux ont été construits. Il existe des résidences modernes et pratiques dit haut de gamme. Cependant, une véritable maison ne requiert ni luxe sans intérêt, ni modernité superficielle. La Villa Bianca n’a pas fait le choix d'un luxe ou d’une modernité sans but, elle a été conçu dans l’espoir de devenir un espace de vie confortable. Cependant, elle a fini par devenir une résidence luxueuse, la plus moderne possible, dont nous pouvons être fiers à l’internationale.66»

Le 5 juin 1963 est inauguré le début du chantier qui ne commence réellement que le 28 juin. Il faut attendre 6 mois pour voir l’ensemble du gros oeuvre se terminer, le 7 janvier 1964. Le chantier s’achève le 25 avril 1964. En mai, est inauguré le complexe d’habitations Villa Bianca, 5 mois avant le début des Jeux Olympiques en octobre.

2)

LE PROGRAMME ADOPTÉ POUR L’OPÉRATION

L’opération s’étend sur une parcelle de 337 tsubo (≈ 1012 m²) et comprend 42 unités de trois ou quatre pièces, d'une superficie comprise entre 15 et 126 m², pour 6143 m² de surface de plancher totale. Le noyau de l'immeuble d'habitation est collectif, laissant ainsi en périphérie les 15 appartements types (de A à O). Le prix d'achat (en 1964) varie entre 22 500 et 62 500 dollars par appartement. Il s'agit, dans le logement privé nippon, d'une des premières copropriétés, régit par la nouvelle loi de 1962. L’opération, réalisée en béton armé, comprend deux étages en sous-sol, un RDC enterré, 6 étages et un toit terrasse s’élevant à 20 mètres.

Aux deux étages inférieurs, se trouvent les locaux d’entretiens du personnel, les locaux techniques pour les installations sanitaires et électriques (la salle des machines), ainsi qu’un restaurant. Le rez-de-chaussée est laissé ouvert, à l'exception du noyau fermé contenant l’ascenseur et les escaliers. On y retrouve le hall d’entrée et son jardin intérieur, le bureau administratif ainsi qu'un espace de garage pour les résidents. Deux types de plans, un pour les étages pairs (2,4,6) et un autre pour les étages impairs (1,3,5), se superposent pour permettre l’insertion de terrasses extérieures. La structure ouverte,

66

KOWA SHOJI, « Invitation to a new residence », Brochure commerciale, 1963

33


ill. 11 Photographie de maquette façade Ouest, Villa Bianca. Photographie de Kowa Shoji extraite de la brochure commerciale Villa Bianca, 1963.

34


autorise la modularité des espaces et permet au premier étage de s’affranchir des appartements G, F, ainsi qu’une partie du E, pour insérer un espace de bureaux67. Le toit terrasse, permet aux ménages d'étendre leur linge, de jouir de la vue ou de profiter du terrain de tennis aérien. On y retrouve la machinerie liée à l’ascenseur, la climatisation, le réservoir d'eau et la tour de refroidissement masqués par un bardage métallique affichant fièrement le « V » de Villa.

Chaque appartement dispose d'une grande ou d'une petite loggia, disposée de telle sorte que, verticalement, la cavité d'une loggia correspond à une baie en saillie à l'étage suivant. De cette manière, et grâce au retrait progressif des façades dans le plan, un jeu de plein et de vide est obtenu par l’alternance des blocs de verre. Ainsi, Ernst Zietzschmann, pour la revue Bauen + Wohnen qualifie l’opération de nid d’abeille68, tandis que d’autres y retrouvent un damier, ou encore une métaphore liée à la montagne.

67

Ces bureaux sont, dès 1964, les nouveaux locaux de Kowa Shoji

ZIETZSCHMANN (Ernst), « Apartmenthaus "Villa Bianca" in Tokio », Bauen + Wohnen, Vol.6, N°20, 1966, pages 237-238 68

35


36


II.

LA VILLA BIANCA, AVANT GARDE D’UNE SÉRIE D’INNOVATIONS

DE STANDING, À L'AUBE DES JEUX OLYMPIQUES DE 1964 A. UNE POSITION URBAINE ATYPIQUE, UN ÉLÉMENT VERTICAL SURGIT DE L'HORIZONTAL

1)

UNE POSITION TRADITIONELLE

Si l’opération semble acquérir son luxe de part les innovations, les équipements, et les matériaux qui la composent, celle-ci l’est d’abord grâce au sol sur lequel elle repose.

La Villa Bianca profite d'une position extrêmement favorable69, dans le quartier d’Harajuku à l'ouest du centre ville. Près du sanctuaire shintoïste Meiji, des nombreuses ambassades étrangères, et des équipements olympiques de Tange Kenzo, qui semblent aujourd’hui se mêler au gigantesque parc Yoyogi. Ce parc distingue deux parties, la première est liée à l’historique sanctuaire Meiji-Jingū70 construit en 1920, la seconde est le fruit d’un plan d’aménagement urbain pour la reconstruction de Tokyo en 1946. Il faut attendre l’impulsion des Jeux Olympiques de Tokyo (1964) pour qu’un concours national soit lancé71. Le dessin du paysagiste Ikehara Kenichiro72 (1928-2002), sert de base pour la conception du parc qui voit son ouverture au public en 1971. Toutefois, cette seconde partie bénéficie d’une réputation historique, datant de l’époque Edo. Il s’agit d’un quartier ancien, autrefois habité des samouraïs et des seigneurs féodaux. En 1909, une partie de ces prestigieuses résidences, symbole de l’aristocratie nippone, est rasée pour devenir un terrain d'exercice militaire. Celui-ci est ensuite saisi, à la capitulation du Japon, par l’armée américaine après la seconde guerre mondiale. La 69

voir annexes A.1

Sanctuaire shintoïste édifié en hommage à l'empereur Meiji mort en 1912. Le terrain appartient historiquement à la maison impériale. 70

En 1950, la ville de Tokyo identifie le parc Meiji comme son futur grand parc. La réception des projets se tient le 31 octobre 1964, après les épreuves des JO, et reçoit 129 candidatures. 71

Paysagiste et botaniste japonais, il s’associe à quatre architectes ainsi qu’un graphiste pour participer au concours. 72

37


ill. 12 Photographie de Meiji-dori, 20/05/1963. Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

ill. 13 Photographie aérienne de la parcelle 2 0 / 0 5 / 1 9 6 3 . Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

ill. 14 Photographie de la parcelle rasée, 3 0 / 0 5 / 1 9 6 3 . Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

38


parcelle, sera ensuite transformée en Washington Heights73, avant de devenir en 1961, sous la décision du gouvernement japonais, le futur village olympique.

Le Japon accorde une valeur particulière aux sols, Livio Sacchi dit à ce sujet : « Aujourd'hui encore, les quartiers prestigieux sont, plus ou moins, […] ceux qui occupent les sites historiques des grandes résidences féodales »74. L’association Dōjunkai va entreprendre la construction d’opérations à proximité du parc Yoyogi75, destinées à la classe moyenne des « cols blancs ».76 Kowa Shoji, en réalisant un repérage photographique de la parcelle et ses alentours, dévoile la présence de prestigieuses résidences, détruites à posteriori pour réaliser le projet. L’entretien avec Ishida Takuya révèle une information supplémentaire : « Ma famille vivait à l'endroit où la Villa Bianca a été construite. De là, mon père a démoli la maison, a acheté des parcelles adjacentes et a construit la Villa Bianca.77 ». Aucun élément permet d’avancer qu’il s’agit d’anciennes demeures féodales, néanmoins au vue de l’histoire, l’hypothèse semble probable. La brochure commerciale, en indiquant l’opération sur le plan, souligne le caractère luxueux du quartier :

« Environnement de luxe, la Villa Bianca est située dans un quartier résidentiel exclusif. L'un des plus beaux espaces verts de Tokyo, entre les jardins intérieurs et extérieurs du sanctuaire Meiji-Jingū.78»

Le projet occupe l’entièreté de la parcelle et s’affranchit d’un volet paysager, qui ne lui ai pas indispensable, puisqu’il se repose sur le gigantesque Yoyogi kôen79 de 3 hectares. Un trapèze en forme de « V » dicte la forme de l’opération qui semble, depuis la rue, s’ouvrir sur chacune des orientations Washington Heights était un complexe de logements des forces armées américaines (1946), situé dans l’actuel parc Yoyogi, pendant l'occupation du Japon par les forces alliées jusque 1964. 73

SACCHI (Livio), Tokyo, Architecture et Urbanisme, Flammarion, Milan, traduction O. Menegaux, 2004, p. 82, 170 p. 74

À l’inverse de celles réalisées à l’Est de la ville, destinées aux populations d’ouvriers et d’artisans. 75

Direction d'ouvrage : BONNIN (Phillipe), MASATSUGU (Nishida), SHIGEMI (Inaga), Auteur : BOURDIER (Marc), « Dōjunkai », pages 107 - 109 dans Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Éditions, 2014, 607 p. 76

77

Entretien avec M. Ishida Takuya le 01 mai 2021

78

KOWA SHOJI, « Invitation to a new residence », Brochure commerciale, 1963

79

Nom japonais du parc Yoyogi

39


Parc Yoyogi Yamanote Line

VILLA BIANCA

N

ill. 15 Plan de situation, Villa Bianca. Document extrait de la brochure commerciale Villa Bianca, 1963.

ill. 16 Photographie aérienne de l’opération en construction, 02/10/1963. Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

40


sans en définir une principale. Les logements les plus spacieux s’ouvrent au sud-est, tandis que les autres typologies se retrouvent face à la Meiji-dori, à l’ouest, et regardent le parc Yoyogi. L’opération émerge d’un tissu urbain relativement bas, majoritairement résidentiel, composé de lotissements de deux étages au maximum, même si on y voit cependant l’émergence d’opérations de logement collectif80. Si il semble évident de caractériser sa position « d’objet », liée au mouvement modernes, son insertion en rupture avec le tissu urbain est avant tout japonais. Contrairement à l’occident, les édifices ne sont pas rattachés les uns aux autres et créent peu (voir pas) d’espace urbain. L’exception est faite par quelques grandes avenues les « dori », uniquement pour suivre l’exemple occidental.81

2)

NÉANMOINS MODERNE

La façade ouest, attenante à la Meiji-dori, ne se trouve pas moins différenciée des autres. Pourtant il s’agit ici d’une artère principale pour Tokyo qui, en s’inspirant de l’Occident, réalise ses grande avenues à travers la métropole.

Pendant de nombreuses années, le code de construction japonais interdit les bâtiments de plus de 31 mètres de haut (9 étages environ).82 Ce n’est qu’à la préparation des JO que ces limites sont assouplies. Pourtant, bien que l’opération soit en dessous des limites fixée par la convention nippone (culminant à 28 m), le Kentiku Architecture précise que Bianca échappe à une restriction de hauteur de 10 mètres. Celle-ci n’est pas liée au parc Yoyogi, mais à la boucle ferroviaire située à quelques centaines de mètres de l’opération.

La Villa Bianca se trouve au carrefour de 3 grand axes de circulations. En premier lieu, la brochure commerciale vante la proximité de l’autoroute numéro 5. Il s’agit de la jeune autoroute métropolitaine de Tokyo, créée pour les JO : le

80

voir annexes C.1

SACCHI (Livio), Tokyo, Architecture et Urbanisme, Flammarion, Milan, traduction O. Menegaux, 2004, p. 95, 170 p. 81

Les bâtiments à proximité du palais impérial devait être moins hauts, en signe de respect envers l’empereur. 82

41


ill. 17 Photographie des façades Sud-est, Villa Bianca. ZIETZSCHMANN (Ernst), « Apartmenthaus "Villa Bianca" in Tokio », Bauen + Wohnen, Vol.6, N°20, p.237-238,1966.

42


Shuto Expressway. Le premier tronçon83 (souterrain), conçu à l’origine pour relier les sites olympiques, a rapidement été considéré comme moyen pratique de résoudre l’ingérable problème des embouteillages dans le centre-ville. En second, l’opération se trouve à proximité de la ceinture ferroviaire, ouverte en 1885, faisant le tour de Tokyo du Nord au Sud et d'Est en Ouest : la Yamanote Line. Pour finir, on retrouve accolé à la Yamanote la seconde ligne tokyoïte la plus importante : Chūō-Sōbu. Le réseau ferré, contrairement à la France qui a développée son réseau automobile, est au coeur de la ville nippone.

Bien que l’on pourrait qualifier la verticalité de l’opération d’innovante, celle-ci l’est davantage si l’on observe sa position urbaine qui s’attarde à respecter la tradition tout en profitant des innovations moderne. Le standing de l’opération s’acquiert donc, avant tout, dès la grande échelle, celle du quartier.

83

Achevé en 1962, entre Chuo-ku et Minato-Ku.

43


ill. 18 Photographie de maquette par MURAI (O),« Project of Villa Bianca Apartments by E.Hotta Arch. and A s s o c . » , K e n c h i k u Bunka, Vol.18, N°202, août. 1963, p. 80-84.

x Structure au

Structure

sous sol

aux étages

ill. 19 Schémas de structure, « Villa Bianca by E.Hotta Arch. and A s s o c . » , K e n c h i k u Bunka, Vol.19, N°214, août. 1964, p.165-170.

hors sol

Coupe transversale

x ill. 20 Photographie de la grille structurante, 1 5 / 1 2 / 1 9 6 3 . Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

44


B. UNE STRUCTURE COMPLEXE PENSÉE AU SERVICE DES USAGES

1)

UN RATIONALISME CONSTRUCTIF

Réalisée en béton armé, la structure est régit par un quadrillage carré de 3,5 m recouvrant l’entièreté de la parcelle. La tradition japonaise a toujours préféré le standard au profit du sur-mesure. Entièrement lisible depuis la rue, la structure dévoile ce qui est porteur de ce qui ne l’est pas.

Les planchers de béton, entièrement exposés, reposent sur de puissantes poutres d’une section rectangle de 300 x 800 mm disposées en croix, respectant strictement la trame. Elles reposent sur un noyau de murs porteurs de 300 mm de largeur ainsi que sur des poteaux rectangles de 300 x 900 mm placés en périphérie. Le raidissement est assuré au centre par deux parois se croisant auxquelles sont accrochées les circulations verticales, tandis que la rigidité en torsion est augmentée par les poteaux périphériques84. Les poutres, aux bords extérieurs, sont plus hautes à l’extrémité de 100 mm et dépassent de 200 mm empêchant ainsi le glissement des planchers. L’alternance des plans pairs et impairs, imposent à celles-ci un porte à faux maximum de 3,5 mètres, correspondant à l’ouverture d'une loggia85.

La composition de cette grille structurante définie donc l'aspect extérieur, mais aussi intérieur du bâtiment dans son intégralité. Outre le dessin des murs porteurs au centre, et des poteaux en périphérie, ce quadrillage définit les murs rideaux de verre en façade ainsi que les cloisons intérieures qui séparent les unités. L’opération, par le biais de ce dispositif, reprend les principes du rationalisme constructif86. La correspondance entre le plan, le plan structurel et la trame est complète. Cette structure permet non seulement au rez-dechaussée d’obtenir un espace (presque) dégagé, mais celle-ci offre avant tout

84

voir annexes B.1

85

voir annexes B.2

Rationalisme : «doctrine d’après laquelle tout ce qui existe a sa raison d’être de telle sorte que tout est intelligible». LUCAN Jacques, Composition, non-composition : architecture et théories, XIXe-XXe siècles, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 2009, p.285, 612 p. 86

45


ill. 21 Photographie de l’ossature en acier avant le coffrage de béton (SRC) 01/08/1963. Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

ill. 22 Photographie du honzane 02/11/1963. Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

ill. 23 Photographie de façade ouest, « Villa B i a n c a » , K i n d a i Kenchiku , Vol.18, N°8, p. 129-137, août. 1964.

46


une flexibilité dans l’agencement que l’on retrouve au première étage.

2)

SPÉCIFIQUE À LA CONDITION NIPPONE

La structure, élément fondamental pour toutes constructions, l’est encore plus dans un pays ou l’architecture tue. Dans l’entretien réalisé le 1er mai 2021, Ishida Takuya, fils de Ishida Kanzo témoigne à propos de son père : « il était surtout fier du temps qu'il passait à s'assurer que nos bâtiments étaient structurellement solides pour résister aux forts tremblements de terre au Japon.87 ».

L’ingénieur Mutō Kiyoshi est en charge du dessin de la structure de Bianca. Celui-ci établit la théorie d’une structure flexible88, absorbant l’énergie sismique, qu’il met en pratique en réalisant le Kasumigaseki Building de Yamashita Toshiro (1969). Néanmoins, en réalisant celle de Bianca, celui-ci utilise une technique inverse : une structure statique. Le béton recouvre une ossature en acier assemblée aux deux étages inférieurs, servant de véritable socle pour l’opération. Il s’agit d’un mix entre béton armé et structure en acier, développé au Japon : le SRC (Seel Renforced Structure). À propos de cette lourde mise en oeuvre, Michel Ragon souligne : « Comme la structure doit aussi être considérablement renforcée, on en arrive au Japon à construire des bâtiments en béton armé quatre à cinq fois plus lourds que ceux d’Europe ou des États Unis.89 »

Néanmoins, la Villa Bianca renvoie une idée de légèreté insufflée par la mise en oeuvre du béton similaire à une structure de bois. L’ensemble des éléments en béton nu, conservant le grain du bois, témoignent d’une vérité constructive. Une technique traditionnelle, consistant en l’utilisation de planches de cèdre

87

Entretien avec M. Ishida Takuya le 01 mai 2021

La haute résistance aux séismes de la pagode à cinq étages a permis de conclure qu'une structure flexible était adaptée à la résistance aux séismes des gratte-ciel. Celui-ci s’inspire du pilier central de la pagode (temple bouddhiste Horyuji à Nara) rattaché qu’au dernier niveau et séparé des niveaux inférieurs. 88

RAGON (Michel), Histoire de l'architecture et de l'urbanisme modernes, Points, « Essais », Paris, 1986, p. 205, p.385 89

47


pour réaliser le coffrage, est utilisée par Hotta : le Sugiita Honzane Concrete. La surface de la planche est légèrement brunie, puis préalablement recouverte d'une couche transparente afin de faciliter le transfert du grain du bois sur le béton. Un procédé deux fois plus couteux qui nécessite un temps de pose plus long qu’avec un coffrage en bois balkélisé (utilisé plus largement dans la construction en béton). Hotta prend le soin d’affiner le calepinage de son béton ainsi que de masquer les trous laissés par les banches pour ne révéler que la rugosité du bois. Michel Ragon souligne : « Quant au béton brut, qui choquait tant les Européens, les Japonais employant le bois brut (jamais peint) trouvèrent cela logique et, somme toute, conforme à leur tradition »90.

La structure conçue par Hotta Eiji, en collaboration avec Mutō Kiyoshi, témoigne non seulement d’un rationalisme évident, que d’une vérité constructive vernaculaire. De part sa mise en oeuvre, le béton adopte un caractère luxueux qui ornemente l’ensemble des espaces communs.

RAGON (Michel), Histoire de l'architecture et de l'urbanisme modernes, Points, « Essais », Paris, 1986, p. 202, p.385 90

48


C. LES ESPACES COMMUNS, TENTATIVES INNOVANTES DE PARTAGE

1)

DES ESPACES EXTÉRIEURS INTÉRIORISÉS

L’opération, faisant le choix de ne dessiner aucun espace extérieur praticable mis à part les circulations, ne propose qu’un seul espace commun (extérieur) : le toit terrasse. Dans l’architecture traditionnelle japonaise, le toit est l’élément le plus important, davantage que le mur. L’opération, en ne proposant aucun toit, fait le choix de s’inscrire dans la modernité. Accessible depuis les circulations verticales intérieures, ce véritable observatoire a ciel ouvert (20 m de haut depuis la rue) est jonché de bouches d’aérations permettant aux logements d’évacuer l’air vicié. Recouvert d’un dallage en béton, celui-ci offre la possibilité d’étendre son linge ainsi que de jouer une partie de tennis sur son terrain couvert aérien exposé sud-ouest, visible depuis la Meiji-dori.

La maison traditionnellement perchée, semble dans le cas de Bianca désuet. Le projet prend une décision inverse et s’enfonce dans le sol. Vingt places de stationnement (pour 42 unités) bénéficient d’une station de lavage à l’intérieur du parking. Celui-ci se trouve au rez-de-chaussée, lui même décaissé de 3,30 m par rapport à la Meiji-dori (qui se retrouve en fait à hauteur du premier étage de l’opération91). Deux entrées possibles pour le parking, la première se trouve sur la façade ouest, tandis que la seconde se trouve sur la façade nord. Également, depuis la rue, deux accès (piéton) annexes sont réalisés. Le premier, depuis la façade principale, est un escalier en colimaçon menant au restaurant de l’opération situé au sous-sol. Le second, depuis la façade nord, est une passerelle menant aux bureaux du premier étage (réservant l'exclusivité des halls d'entrée pour les résidents).

Alors que l’on s’attend à une entrée marquée pour l’opération, en façade principale, Hotta fait le choix d’une entrée dérobée en façade nord92. Un escalier, non clairement visible depuis la rue s’enfonce dans le sol. Une dizaine de marches permettent aux résidents de se rendre devant le minuscule parvis

91

voir annexe B.2.2

92

voir annexes D.1

49


ill. 24 Carte postale de la façade Est, extrait des archives privés de la société KOWA SHOJI.

ill. 25 Photographie de la façade nord, « GlassWalled Apartment Villa Bianca », Japan Interior Design, Vol.8, N°17, août. 1964, p. 7-26.

ill. 26 Photographie du hall patio (en face le hall salon menant aux soussols, à droite l’escalier d’entrée, à gauche le bassin), « Glass-Walled Apartment Villa Bianca », Japan Interior Design, Vol.8, N°17, août. 1964, p. 7-26.

50


de l’opération où l’inscription « VILLA BIANCA » figure. Cette séquence d’entrée, complètement japonaise, rappelle la minuscule ouverture dérobée des pavillons de thé, forçant l’inclinaison pour pouvoir y pénétrer. Est ensuite offert le choix de monter l’escalier de secours en hélice desservant chaque étage, ou de pénétrer dans le premier hall d’entrée. Le rez-de-chaussée, décaissé et entièrement libéré, concentre les halls ainsi que les circulations intérieures dans le noyau porteur tandis que les voitures se garent en périphérie, entre les poteaux. Le hall extérieur, en lien avec un bassin, sert exclusivement de patio et rend les limites intérieures / extérieures flouent, faisant enter le dehors dedans. Deux séries de trois assises en bande sont disposées le long de l’eau, séparées par une structure / sculpture en acier. Au dessus de celle-ci, à 2,50 m du sol, siège un atrium circulaire de 1,75 m de rayon maintenu au centre par la croisée de deux poutres fixées sur le quadrillage de référence. Ce dispositif, mis en place par l’architecte, permet à la lumière zénithale de traverser l’ensemble des planchers pour éclairer le bassin d’eau au rez-de-chaussée. Le plafond revêt des panneaux insonorisants en bois tandis qu’au sol est mis en oeuvre de grands carreaux noirs issus d’un mélange de mortier et de « feuilles de lave » du Mont Fuji. L’ensemble des bétons est laissé nu et exprime le honzane (détails de coffrage).

Ce hall patio, espace tampon, permet l’articulation de deux autres halls. Le premier, est un hall salon qui permet d’accéder au sous sol, tandis que le second est un hall qui permet l’accès aux étages supérieurs.

2)

DES ESPACES INTÉRIEURS FONCTIONNELS

Le hall salon, intérieur, agence quatre fauteuils de cuir noir en lien avec un jardin minéral93 extérieur. Le béton, marqué par l’inscription d’une spirale, semble indiquer l’escalier en colimaçon menant au restaurant du sous sol. La première salle s’articule en mezzanine (formant un « L ») sur la seconde en contrebas94. La salle située au second sous-sol (R-2) est attenante aux 93

jardin minéral zen minimaliste de petite taille, réservé à la contemplation.

94

voir annexes D.1

51


ill. 27 Dessin des halls d’entrée (articulation du patio avec les deux halls intérieurs), Villa Bianca. Extrait de la brochure commerciale Villa Bianca, 1963.

ill. 28 Photographie du hall du concierge, « Villa B i a n c a » , K i n d a i Kenchiku , Vol.18, N°8, p. 129-137, août. 1964.

ill. 29 Hall répété à chaque étage (au centre de l’image se trouve la colonne atrium), « Villa Bianca by E.Hotta Arch. and Assoc. », Kenchiku Bunka, Vol.19, N°214, août. 1964, p.165-170.

52


cuisines. Aussi, une salle des coffres, agencée sur les deux étages souterrains, contient 46 chambres fortes d’environ 4 mètres carrés. Séparée du restaurant, celle-ci est destinée aux 42 unités, uniquement accessible depuis la cage d’escalier principale. Enfin, on retrouve les locaux d’entretiens du personnel, les locaux techniques ainsi que la salle des machines contenant toute la machinerie nécessaire pour les installations de l’opération. La chaufferie voit sa cheminée traversée les planchers du sous-sol et s’érige depuis la rue jusque’à atteindre le toit terrasse.

Le second hall, accueillant le bureau du concierge, canalise les circulations verticales menant aux étages. La cage d’escalier à double volets (privée de lumière naturelle) ainsi que l’ascenseur (pouvant accueillir 11 personnes) conçu par Mitsubishi motors95 s’articulent à proximité de la sortie prévue pour accéder au parking. Le sous bassement de ce hall est réalisé en pierre de taille noire, sur lequel repose les menuiseries en aluminium96.

Chaque étage possède un hall structuré de la même manière, qu’il s’agisse du plan pair ou impair. Au centre on y retrouve la colonne atrium traversant les planchers (du toit terrasse au RDC), autour duquel s’articule l’ensemble des logements. Le dispositif sert, d’une part, d’éclairage naturel car entièrement recouvert de pavé de verre (réalisé dans la préfecture d’Aichi97) que de système de ventilation pour les halls (et certains logements). Une terrasse commune, elle même rattachée à l’escalier extérieur de secours, offre davantage de lumière au sein des halls. Les bétons nus contrastent avec la moquette colorée, disposée au sol. Si l’opération, de part l’expression de sa structure, est monochrome, la polychromie des moquettes, différentes à chaque étage, permet l’amorce d’une individualisation aux étages98. La porte de chaque logement, en bois massif, est sculptée à la main par des artisans japonais. Aussi, l’artisanat est convoqué dans le marquage des bétons, exprimant des motifs circulaires et ondulés (le béton est gratté)99.

95

Célèbre société automobile japonaise.

96

voir annexes D.1

La préfecture d'Aichi est située au centre de la côte sud de l'île de Honshū, dans la région du Chūbu et plus particulièrement dans celle du Tōkai. 97

98

voir annexes D.1, des halls aux étages

99

Idem note précédente

53


Enfin Bianca, outre ces espaces communs, propose le partage de deux services. Un service de gardiennage ainsi qu’un service de ménage sont insaturés. À l’inverse d’une domesticité, l’employé n’est rattaché à aucun logement et intervient uniquement quand on le lui demande.

Les halls de chaque étage ainsi que le hall du concierge sont complètement fonctionnels. Ne cherchant pas le luxe mais simplement réaliser leurs fonctions : desservir. Le haut standing des espaces communs s’acquiert par le partage du toit terrasse et son terrain de tennis, du restaurant en sous-sol, du hall patio marqué par son dispositif innovant et des services domestiques proposés. L’individualisation du logement, est d’abord permise par la singularité des halls aux étages, et se renfonce par la diversité des logements types.

54


D. LES APPARTEMENTS, RICHESSE SPATIALE ET QUALITÉS D’USAGES

1)

LES ÉLÉMENTS COMMUNS STRUCTURANT

La Villa Bianca proposent 15 typologies d’appartements différentes. Les logements du plan impair100 (1er, 3ème et 5ème étages) proposent sept types (de A à G), tandis que les appartements du plan pair101 (2ème, 4ème et 6ème étages) proposent huit types (de H à O). Une typologie se répète donc, au maximum, trois fois et renforce l’idée d’individualisation au sein du projet. Chaque appartement, disposé autour du hall, possède un plan différent en raison de sa forme, de sa surface et de son orientation. Néanmoins, la trame mise en place par l’architecte, permet une standardisation de l’espace (carré), et propose ainsi des formes simples. Mis à part le type A, les logements ont une forme rectangle ou carré comprise entre 70 et 126 m². Hotta Eiji parle de « dimensions de l'habitation normalisées102 ». Cependant, peu importe leurs singularités, les appartements possèdent des éléments communs structurants.

La hauteur de dalle à dalle est de 3,05 m. Un plancher de béton à corps creux de 550 mm s’ajoute aux 200 mm de revêtements (plafond et sol) et fourni ainsi aux appartements une hauteur sous-plafond de 2,30 m. L’épaisseur des plafonds permet d’individualiser chaque cellule de logement. Néanmoins, l’ensemble des cloisons de l’opération semblent extrêmement fines. Il s’agit d’une fine paroi en béton de 100 mm.

L’entrée de chaque appartement est marquée au sol par un genkan103. Ce seuil, recouvert de la même moquette utilisée dans le hall (suivant l’étage sur lequel elle repose), suit l’idée nippone du dehors qui entre dedans. Au mur, un casier permet d’y déposer ses affaires (certaines typologies le place à l’extérieur). Un enduit de plâtre recouvre les cloisons de béton, lui même 100

voir annexes E.1.1

101

voir annexes E.1.2

« Glass-Walled Apartment Villa Bianca », Japan Interior Design, Vol.8, N°17, août. 1964, pages 17-26 102

Le genkan est un vestibule à l'entrée des logements, des temples bouddhistes japonais ou d'autres bâtiments dans lequel on retire ses chaussures. 103

55


ill. 30 Plan de la typologie « E »,1963. Plan extrait des archives privés de la société KOWA SHOJI.

56


recouvert d’une peinture vinylique blanche. Le genkan s’ouvre sur le séjour, regroupant le salon, la salle à manger ainsi que la cuisine ouverte. Au sol, un parquet mosaïque reflète le blanc104 peint des cloisons tandis qu’au plafond sont collés des panneaux de bouleau (les poutres dépassent de 150 mm). Les éléments structurels, apparent dans les logements, sont eux, exemptés de second oeuvre (poteaux, murs et poutres). En guise d’ornementation, les murs blancs arborent un tissu japonais proposant deux motifs. Le premier, est une répétition de fleur en point noir sur fond blanc, tandis que le second est une succession d’ovale blanc sur fond noir. Un set de cuisine spécial, de type comptoir, est développé pour Bianca. Cet espace de cuisine se distingue de l’ensemble du séjour par son revêtement de sol : un carrelage bleu nuit. Aussi, une terrasse, ayant le caractère d'un salon extérieur et d'un jardin, est installée en continuité du séjour. Les carreaux en clinker striés recouvrent en partie le béton et reprennent la trame du parquet mosaïque, donnant l’idée du dedans qui s’échappe dehors. Des zones sont volontairement laissées nues et recouvertes de gazon. Les gardes corps sont traités en deux parties. La partie basse est organisée par des jardinières en béton de 600 mm de haut, tandis que la partie haute, fixée sur la dalle, est un bandeau de garde corps en acier de 400 mm volant au dessus des jardinières. Un robinet extérieur permet d’arroser les arbustes placés dans celles-ci. Une intimisation de la nature donne une nouvelle fois l’illusion de la propriété et d’individualisation du logement.

Chaque unité possède entre une et deux chambres. On retrouve l’utilisation du parquet au sol, la couleur blanche recouvrant les murs, ainsi que les tissus. Cependant, les plafonds revêtent des planches de cèdre à grain droit (les fibres courent de façon parallèle à l’axe principal du tronc).

La salle de bain, est un espace divisible en deux parties. La première est un espace transitoire contenant une vanité laquée munie d’un vasque, placée sur un sol de carreaux blanc. Au mur est fixée une plaquette de parement en terre cuite émaillée couleur menthe105. La seconde, est une douche au ras du sol (composée de carreaux mosaïque couleur sable mat) articulée avec une baignoire. Les toilettes, séparées de la salle de bain (mis à part 3 types), 104

utilisant la même technique que précédemment (plâtre + peinture vinylique blanche)

105

voir annexes E.2

57


ill. 31 Dessin de l’articulation du logement, Villa Bianca. Extrait de la brochure commerciale Villa Bianca, 1963.

ill. 32 Photographie de la pièce traditionnelle ,1964. Photographie extraite des carnets de s u i v i d e c h a n t i e r. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

58


revêtent le même carrelage que l’espace lavabo tandis qu’au mur, comme dans l’espace douche, sont mis en oeuvre des carreaux de porcelaine rose. Aussi, un séchoir, est disponible dans chaque unité, évitant « de se soucier de la pluie.106 »

Si les éléments structurant l’ensemble des typologies revêtent (mis à part les matériaux employés) un caractère modeste, les singularités de chacun vont elles, conférer le haut standing de plusieurs appartements.

2)

LES SPÉCIFICITÉS TYPOLOGIQUES

L’orientation des logements semble suivre un code traditionnel. Livio Sacchi, à ce sujet, raconte :

« Selon une tradition ancienne et poétique : on apportait un soin extrême à l'orientation et aux diverses expositions des édifices (invariablement ouverts au sud, point cardinal vers lequel la tradition veut que se dirige le regard de l'empereur), à leur rapport avec l'eau, les sources, la verdure, les points de vue.107 »

Au Japon, comme en occident, les architectes dispensent les logements d’une orientation plein nord pour des raisons d’habitabilité. À cela s’ajoute pour l’archipel une superstition (de malchance) associée à cette orientation. Les typologies A, B, C, D, (pour le plan impair) et H, I, J, K, (pour le plan pair) sont exposées au sud-est (cependant la terrasse du type A est plein nord). Les deux typologies les plus spacieuses, « E » (pour le plan impair) et « L » (pour le plan pair) sont exposées plein sud. Pour finir, les types F, G (pour le plan impair) et M, N (pour le plan pair) font face à la Meiji-dori et regarde le parc Yoyogi, orienté à l’ouest. Un seul type se trouve plein nord, il s’agit du « O » que l’on retrouve dans les plans pairs de l’opération. Celui-ci est une véritable exception, ne respectant aucun point énoncé précédemment. Composé de 6 tatamis108 (dont un tronqué pour le genkan), d’une toilette et d’un lavabo, 106

KOWA SHOJI, « Invitation to a new residence », Brochure commerciale, 1963

SACCHI (Livio), Tokyo, Architecture et Urbanisme, Flammarion, Milan, traduction O. Menegaux, 2004, p. 80, 170 p. 107

revêtement de sol traditionnel des pièces d'habitation japonaises, ainsi que des temples. Il consiste en un agencement modulable de nattes rembourrées du même nom. 108

59


ill. 33 Photographie du séjour (Type H), « GlassWalled Apartment Villa Bianca », Japan Interior Design, Vol.8, N°17, août. 1964, p. 7-26.

ill. 34 Dessin de la terrasse, Villa Bianca. Extrait de la brochure commerciale Villa Bianca, 1963.

ill. 35 Photographie de l a t e r r a s s e , « V i l l a Bianca by E.Hotta Arch. and Assoc. », Kenchiku Bunka, Vol.19, N°214, août. 1964, p.165-170.

60


l’ensemble de 15m² reprend les codes et le caractère multi-fonctionnel de l’habitat traditionnel. La brochure commerciale le décrit comme une pièce séparée de l’appartement pour, si on le souhaite, compléter son logement. Cependant, cette pièce traditionnelle ne se retrouve en aucun cas exclusive au type « O ». Les pièces traditionnelles concernent les typologies A, C et E, pour l’étage impair, puis H, J, K, L et O, pour l’étage pair, correspondant à la moitié des unités proposée par Bianca. Chambre la nuit, et chashitsu109 le jour.

Au sol, les tatamis semblent respecter les dimensions traditionnelles tokyoïtes de 880 × 1760 mm. La technique d’assemblage du fushūgijiki (disposés en sens unique) est utilisée pour les types A, E, H, L et O tandis que c’est la technique du shūgijiki (disposés dans les deux sens) pour C, J et K. Leur nombre diffère selon la surface à couvrir. Les murs sont recouverts d’une pâte composée d'argile, de sable et de paille. Celle-ci est le fruit d’une technique vernaculaire : le kyo-kabe. La couleur du mur est variable selon l’artisan qui le met en oeuvre, allant du brun terreux au jaune sable. Le plafond est, quand à lui, recouvert du même apparat que celui utilisé pour les chambres. Des écrans de panneau en bois, habillés d’un ruban de tissu clos l’espace traditionnel. Mis à part les typologies J et K, les appartements A, C, E, H, et L mettent leur pièce traditionnelle en lien avec l’extérieur. Pour les deux types privés de toute lumière naturelle, Hotta réutilise le pavé de verre, mis en oeuvre dans les espaces communs, pour ouvrir les éléments de cloisons. De même, les typologies C, D, J, I, L et M possèdent une chambre aveugle néanmoins ouverte sur le séjour par le biais du pavé de verre. Celui-ci est aussi utilisé pour ouvrir les séchoirs sur le séjour (C, E, D, H, J, K ) ainsi que les pièces d’eau sur l’extérieur (G) (ou sur les circulations communes). Certaines typologies réalisent des cloisons totalement vitrées, ouvrant ainsi l’espace pour n’en faire qu’un comme le veut la tradition.

Certains de ces logements, privilégiés, nous amènent à parler de leurs relations au paysage. Du microcosme au macrocosme, la sensation d’être dans la forêt de Yoyogi (pour les typologies ouest) est surprenante. Toutefois, l’opération, largement entourée d’une végétation luxuriante, offre cette sensation à l’ensemble des logements. Le rapport traditionnel entre l’habitat et la nature

109

chashitsu désigne la pièce où se déroulent les célébrations autour du thé.

61


existentielle, est maintenu (non l’esthétique mais l’expérience sensorielle). Cet effet se renforce dès lors que l’on monte dans les étages.

Les caractéristiques, propres à chaque type, garantissent aux appartements leur haut niveau de standing. Ainsi, certains ont le privilège d’être plus luxueux que d’autres (E > B). Néanmoins, les installations et les équipements communs à chaque logement vont avoir un impact énorme dans la perception du luxe sur l’ensemble des unités.

62


E. UN HAUT STANDING ACQUIS DANS LE DÉTAIL

1)

L’INDIVIDUALISATION DES INSTALLATIONS CENTRALISÉES

Le Japon, pour le peu de logements collectifs qui en sont équipés, privilégie des installations centralisées (généralement de mauvaise qualité). Hotta Eiji, dans Japan Interior Design, précise : « Dans le passé, l'habitabilité des complexes de logements dont l'aménagement et les équipements étaient médiocres étaient invivable, même ceux dont l'intérieur et l'extérieur était incroyablement bien conçus.110 »

Bianca prend le parti d’un partage et d’une individualisation des installations, en partie à cause de ses logements non-uniformes. Cette mesure divise les installations électriques en deux. Les parties communes (ascenseur, éclairage, etc.) ont un tableau de bord installé dans le local électrique au sous-sol tandis que les 42 unités sont équipées d’un tableau de distribution individuel. La consommation d’eau est, elle aussi, régit par un compteur individuel. Celle-ci est fournie par la conduite principale du réseau d’eau potable de la métropole de Tokyo. La pompe, située dans la salle des machines au sous-sol, achemine l'eau vers le réservoir situé sur le toit, qui distribue ensuite par gravité toutes les unités (eau chaude et eau froide).

La brochure commerciale signale : « D'une simple pression sur un bouton, vous pouvez contrôler la saison111 ». Ishida Kanzo, après s’être rendu compte du bruit que produit un climatiseur, commande à Sanki Industry le dessin d’une climatisation réversible (chaud et froid) la plus silencieuse possible. De l’eau chaude sous le plancher permet de contrôler la température l’hiver tandis que l’air fair est acheminé sous le plancher de chaque unité l’été (dans le plafond du placard pour les pièces traditionnelles). L’épaisseur des tuyaux est calculée pour qu’aucun fluide ne vienne perturber le silence de chaque logement. Le refroidisseur et la pompe à eau de refroidissement, ainsi que la chaudière, le

« Glass-Walled Apartment Villa Bianca », Japan Interior Design, Vol.8, N°17, août. 1964, pages 17-26 110

111

KOWA SHOJI, « Invitation to a new residence », Brochure commerciale, 1963

63


ill. 36 Dessin du meuble comptoir de cuisine, Villa Bianca. Extrait de la brochure commerciale Villa Bianca, 1963.

ill. 37 Photographie du meuble de cuisine (Type L ) , « G l a s s - Wa l l e d Apartment Villa Bianca », Japan Interior Design, Vol.8, N°17, août. 1964, p. 7-26.

ill. 38 Photographie de du meuble de cuisine ( Ty p e K ) , 1 9 6 4 . Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

64


réservoir et l’échangeur sont installés dans la salle des machines.

Aussi, une machine à purificateur d’air dessiné par Sanki permet d’humidifier l'air extérieur et ainsi le rafraîchir ou le chauffer avant de l’envoyer dans les appartements. Les toilettes, les salles de bains, les séchoirs ainsi que les cuisines peuvent évacuer l'air vicié par un air frais (prises d’air et bouches de rejet se situent sur le toit). Ce dispositif permet l’installation des séchoirs électriques, dans cette pièce qui lui est réservée.

Chaque unité est reliée à l'antenne TV (installée sur le toit) et dispose d’une ligne téléphonique directe, d’un interphone relié à la réception ainsi qu’une sonnette (de fabrication britannique). Un dispositif d’alarme d’urgence ainsi que d’alarme incendie sont installés dans chaque unités. Les bouches d’incendies, installées dans chaque étage, fournissent l’eau sous pression nécessaire par la pompe à incendie située au sous sol.

Le haut standing des installations, partagées puis individualisées, place l’opération dans un niveau de luxe encore jamais atteint pour les logements collectifs de l’archipel. Pour cause, seul la climatisation (qui apparait à la fin de l’ère Meiji (1868-1912)), l’eau courante et l’électricité sont couramment installés. Le Japon, n’a (même à ce jour) jamais eu la philosophie de se chauffer perpétuellement, préférant garder cette connexion au changement des saisons. En cela, nous pouvons affirmer que ces installations sont le fruit d’influences occidentales. Outre les installations domestiques, le haut standing se conçoit et se dessine jusque dans le mobilier.

2)

UN ÉQUIPEMENT MODERNE D’ORIGINE JAPONAISE

Deux équipements, mis en oeuvre dans l’ensemble des unités, se distinguent de part leur caractère moderne novateur, mais néanmoins japonais.

Un comptoir en îlot est dessiné sur mesure par Sakurai Shogo, exclusivement pour Bianca, et produit par Sanki en collaboration avec Takashimaya112. Une cuisine entièrement ouverte propose un mobilier ambidextre, à l'époque ou les 112

Takashimaya est une grande chaîne japonaise de magasin.

65


ill. 39 Dessin des façades ouvertes (vue sur Tokyo de nuit), Villa Bianca. Extrait de la brochure commerciale Villa Bianca, 1963.

ill. 40 Photographie du rail de 400 mm au sol, « Villa Bianca by E.Hotta Arch. and Assoc. », Kenchiku Bunka, Vol.19, N°214, août. 1964, p.165-170.

ill. 41 Photographie du microcosme au macrocosme (Type H), « Glass-Walled Apartment Villa Bianca », Japan Interior Design, Vol.8, N°17, août. 1964, p. 7-26.

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cuisines équipées n'étaient pas encore très répandues. Le meuble est composé par l’association de deux matériaux remarquables définit en trois parties. La première, composée de bois stratifié en cerisier de 30 mm, est l’élément principal permettant une utilisation ambivalente : plan de travail, comptoir, bar et table. Le plateau en bois massif de 3 x 1,10 m sert de support pour l’évier en acier inoxydable, le recouvrant en partie. Un évier à double vasque, équipé d’un broyeur113, intègre une robinetterie double de la marque allemande Grohe114 : un robinet mélangeur ainsi qu’une douchette extractible. Pour la revue Casa Brutus, Ishida mentionne : « Un robinet mélangeur Grohe coûtait environ 60 000 yens. C'était juste au moment où la Nissan Cedric était sortie, et nous avons décidé de dépenser à peu près la valeur d'une Cedric pour un robinet115 ». Du même coté que l’évier, on retrouve une cuisinière à gaz de 3 brûleurs, un four, ainsi qu’un lave vaisselle et deux tiroirs intégrés au plateau. De l’autre coté, on y retrouve aussi deux tiroirs ainsi qu’un robinet « fontaine » équipé d’un refroidisseur permettant l’alimentation en eau glacée. La seconde partie est caractérisée par un cylindre écrasé en acier inoxydable. Servant de socle, le caisson (lui même renforcé par des pieds effilés en acier) supporte le plateau en cerisier. Du coté « cuisine », celui-ci renferme trois profonds tiroirs basculants. La dernière partie permet la liaison du meuble avec le plafond par l’intermédiaire d’un second cylindre en acier inoxydable. Découpé en biseau, il renferme l’évacuation mécanique, un néon éclairant les plaques de cuisson ainsi qu’une grille pour le rangement. Mis à part les types L et N qui possèdent un modèle d’angle, l’ensemble des logements ont le même dessin : rectangle. Aussi, les typologies F et M, se trouvant face au mur, amputent la partie « comptoir » du meuble et ôtent ainsi son caractère ambidextre. Enfin, suspendu au plafond contre le mur, certaines typologies bénéficient d’un buffet qui complète le mobilier de cuisine.

Toujours dans l’idée de conserver le silence et l’individualité de chaque logement au sein de l’opération, Hotta décide, dès la conception, de réaliser un équipement en façade pour réduire un maximum le bruit. En prévision de la Dans l’entrevue réalisé avec Ishida Takuya, celui-ci explique l’exclusivité de l’opération au sujet du broyeur d'ordures, encore jamais été utilisé au Japon. 113

114

Les pièces d’eau possèdent elles aussi leur robinetterie Grohe, équipée d’un thermostat.

FUJISAKI (Keiichiro),« Tout le monde veut vivre dans un appartement vintage », Casa BRUTUS, mai 2008, (interview manuscrite) 115

67


ill. 42 Photographie de la façade Nord ouest de nuit (les appartement, complètement ouvert, agissent comme des lanternes la nuit), « Villa Bianca by E.Hotta Arch. and Assoc. », Kenchiku Bunka, Vol.19, N°214, août. 1964, p.165-170.

ill. 43 Photographie du m o b i l i e r ( Ty p e H ) , « Glass-Walled Apartment Villa Bianca », Japan Interior Design, Vol.8, N°17, août. 1964, p. 7-26.

68


démocratisation automobile, de l’évolution et la densification du quartier, ils réalisent un « châssis à quatre points ».

La façade ouest (la plus bruyante), s’ouvrant sur la Meiji-Dori, est prise comme norme pour le bruit. Le mur rideau en verre, se doit de ne laisser entrer aucun bruit extérieur. Le dispositif complet repose sur un rail en bois de 400 mm de largeur (sur 100 mm d’épaisseur) car constitués de 4 couches bien distinctes. La première, vue depuis la rue, est un châssis en aluminium contenant un simple vitrage armé. Les menuiseries se calquent sur la trame de 3,5 m. Cependant, elles divisent verticalement la moitié de celle-ci (1,75 m), et subdivisent horizontalement à 800 mm en partant du sol. Les menuiseries dépassent de 500 mm de chaque coté pour traiter les angles. La seconde partie, vue depuis l’intérieur, est constitué d’un écran traditionnel shōji116 qui repose lui aussi sur le rail en bois. Entre ces deux parties est offert la possibilité d’installer la troisième : des rideaux ou une moustiquaire. Ces trois parties, coulissantes, sont entièrement mobiles à l’inverse de la quatrième : le garde corps en acier de 800 mm de haut (à hauteur de la menuiserie horizontale) derrière le vitrage. Comme la maison japonaise, Bianca abandonne toutes vanités en façade. Conçue pour regarder le jardin, la structure permet une modularité complète de ses éléments en façade procurant aux logements un luxe traditionnel complètement novateur.

Les typologies les plus spacieuses vont exposer une particularité supplémentaire dans le mobilier. D’abord, la présence d’un auvent colorée (jaune, rouge ou bleu) sur leurs terrasses complète l’ombre portée du bloc de 3,5 m au dessus. Aussi, des éléments d’assises sont dessinés comme des fauteuils en cuir noir pour le salon, des chaises de bar en bois de cerisier (accompagnent le comptoir dans la cuisine), une banquette de cinq sièges indépendants (installés contre les shōji) ainsi qu’une série de chaises au dessin moderne (le dossier ressemblant aux fauteuils d’Arne Jacobsen) .

Malgré ses différences typologiques, de part son équipement en façade ainsi que le mobilier dans la cuisine, l’opération accorde un haut niveau de standing à l’ensemble de ses logements.

Dans l'architecture traditionnelle japonaise, un shōji est une paroi ou une porte constituée de papier washi translucide monté sur une trame en bois. 116

69


ill. 44 Photographie The Stahl Case Study House #22, Two Girls, de Julius Shulman (architecte : Pierre Koenig). Photographie de Kowa Shoji extraite du magazine Arts & Achitecture, mai. 1960.

ill. 45 idem ill. 39.

70


III.

D'UNE GENÈSE INSPIRÉE DE L'OCCIDENT, À « L'APRÈS BIANCA »

A. UNE CONCEPTION INFLUENCÉE

1)

À LA RECHERCHE DE RÉFÉRENCES À TRAVERS L’OCCIDENT

En 1958, Ishida Kanzo emmène Hotta Eiji visiter une partie de l’Europe (France, Italie, et Espagne) ainsi que les États-Unis pour une durée de 4 mois. Aucune information supplémentaire nous permet de considérer les chantiers ainsi que les projets visités, comme les potentielles rencontres. Ishida déclare :

« Nous avons visité la situation du logement en Europe et aux États-Unis, mais il n'y avait rien à quoi nous voulions nous référer. Aux États-Unis, je ne m'attendais pas à ce que tout le monde vive dans des maisons en bois, mais c'était bien le cas. En Europe, tout le monde vivait dans de vieilles maisons en briques. Nous n'avions pas d'autre choix que de créer un logement entièrement nouveau par nous-mêmes, peu importe le temps que cela prendrait.117 »

Pourtant, ce nouveau programme, le logement de haut standing, semble déjà être la première référence à l’Occident. À l’inverse de Bianca qui souhaite se différencier des autres logements, la tradition nippone, elle, a toujours privilégié le monotype pour l’ensemble de ses constructions (temple, sanctuaire, maison ou villas).

L’influence américaine d’abord, lisible dès le premier projet de Hotta (Residence of Mr. M., with an Out-door Barbecue) se traduit dans la représentation de l’opération. Une référence évidente au photographe américain Julius Shulman (1910-2009) dans le dessin du séjour en lien avec la ville (au travers d’une façade mobile). La photographie The Stahl Case Study House118 #22, Two Girls sert de support pour pour apprécier l’ouverture des façades sur la ville. Aussi, Ishida Takuya révèle l’admiration de son père pour l’architecte Franck Lloyd Wright (1867-1959). Néanmoins il est difficile de trouver des corrélation entre les travaux du maître américain et la Villa Bianca. Un rapprochement avec l'architecture organique parait maladroit, et

FUJISAKI (Keiichiro),« Tout le monde veut vivre dans un appartement vintage », Casa BRUTUS, mai 2008, (interview manuscrite) 117

118

réalisé par Pierre Koenig (1925-2004) en 1959 à Los Angeles

71


l’horizontalité n’est absolument pas un élément traité par l’opération. Cependant, dans différents projets, de par l’aide d’atriums et de dispositifs innovants, Wright compose avec la lumière zénithale. Le dispositif de colonne atrium, conçu par Hotta, pourrait être en cela une tentative de composition avec celle-ci. Ces halls, sont d’ailleurs à l’image de l’Occident. Le Japon dessert toujours ses logements collectifs (nagaya, shataku et danchi) par le biais de coursives extérieures. Bianca fait partie, avec quelques réalisations (comme Harumi apartments de Maekawa Kunio), des précurseurs dans l’introduction des halls sur l’archipel.

Le caractère brutaliste de l’opération, semble quant à lui, faire partie d’une influence européenne, voir corbuséenne. Le proto-brutalisme de l’unité d’habitation (1952) de Le Corbusier119 (1887-1965) à Marseille suscite des interrogations au travers Bianca. Le béton brut, la répétition des baies (et des menuiseries) ainsi qu’un dessin des loggias ordonnées rivalisent avec sa volonté de standing. Les terrasses, elles aussi une prémisse d’origine occidentale pour le logement collectif japonais, vont appuyer le caractère novateur de Bianca. La référence à le Corbusier120 est, nous le verrons ensuite, bien plus profonde que cela.

Aussi, les conduits en forme de cylindre (non japonais) et les lignes courbes, du meuble comptoir de cuisine rappellent le futurisme de l’Expo 58121. Si la visite de cette exposition n’est pas confirmée, l’influence elle se discute. Enfin, formé deux ans par l’architecte photographe revenu du Bauhaus, Yamawaki Iwao, Hotta semble s'inscrire dans le Bauhaus de Dessau au travers d’une filiation indirecte. Mies van der Rohe (1886-1969), le dernier directeur jusque sa fermeture en 1933, va utiliser dans ces différents projets américains122 la trame carrée. Un quadrillage que l’on retrouve parfaitement dans la Villa Bianca. Cependant, il ne s’agit pas la de la filiation indirecte la plus évidente.

119

voir annexes F.1

120

L’architecte franco-suisse jouit au Japon d’une reconnaissance grandissante.

C’est en 1958, date clé pour le monde de l’architecture, que se tient l’ exposition universelle de Bruxelles (17 avr. 1958 – 19 oct. 1958). 121

122

72

Illinois Institute of Technology campus (1956), 860 - 880 Lake Shore Drive (1951), etc.


2)

UNE RELATION MAÎTRE / DISCIPLE DÉTERMINANTE

Au Japon, les filiations (très souvent définies par l'Alma mater123) sont déterminantes dans une culture ou l'apprentissage n'est uniquement délivré par un maître, un senpai. Le professeur d’Hotta, Imai Kanji, rencontre une première fois Walter Gropius, Le Corbusier, et Ernst May en 1926 lors d'un voyage qu'il réalise après son diplôme. Il est amené à les rencontrer une seconde fois, au Japon, quand ces figures modernes visitent l’archipel : Bruno Taut en 1933, Le Corbusier en 1936, Gropius en 1954, et Mies van der Rohe (date du voyage inconnue). Dans l’hypothèse qu’Imai Kanji ai transmis par le biais de son enseignement son admiration pour ces architectes, Hotta Eiji a assimilé sa pensée moderne par le biais de cette filiation indirecte.

La Villa Bianca respecte, à quelques exceptions près, les 5 points de l’architecture moderne énoncés par Le Corbusier dans son magazine L'Esprit Nouveau et son recueil d'essais Vers une architecture. Sa façade libre, préférant l’ouverture totale aux fenêtres en bandeaux, est permise grâce à une structure de murs porteurs et de poteaux donnant presque une totale liberté du plan, couvert par le toit terrasse.

En 1930, est traduit en japonais (par Miyazaki Kenzo) Vers une architecture de Le Corbusier, édité en 1923. Celui-ci y écrit un chapitre intitulé « Maisons en série » et développe l’idée d’un « Immeuble-villas »124. Il y raconte la conception d’un grand immeuble locatif, un groupe de villas superposées possédant chacune son jardin autour duquel s’organise garages et espaces verts. L’organisation d’un service hôtelier (gardien et domestique), ainsi que l’installation d’équipement moderne (eau chaude, chauffage central, etc.) régit l’ensemble. On y retrouve un restaurant commun, une salle de sport commune sur le toit terrasse, une salle des fêtes, ainsi qu’un vaste hall géré par un 123

« mère nourricière », utilisée pour désigner l'université dans laquelle une personne a étudié.

Le CORBUSIER, Vers une architecture, Flammarion, « Champs arts », Paris, 1923 (réédition de 2016), p.206 - 208, 253p. 124

73


ill. 46 Dessin de « l’immeuble villa », Le CORBUSIER, Vers une a r c h i t e c t u r e , Flammarion, « Champs arts », Paris, 1923 (réédition de 2016), p.206 - 208.

ill. 47 Dessin de façade de « l’immeuble villa », Le CORBUSIER, Vers une architecture, Flammarion, « Champs arts », Paris, 1923 (réédition de 2016), p.206 - 208.

ill. 48 Dessin de l’opération, Villa Bianca. Extrait de la brochure commerciale Villa Bianca, 1963.

74


personnel qualifié de « laquais »125. Si la Villa Bianca ne respecte pas l’ensemble des points énoncés par Le Corbusier, celle-ci s’en est néanmoins très inspirés. Mis à part la salle des fêtes, l’ensemble de ces éléments figure et fait clairement parti du haut standing de l’opération.

Cette référence corbuséenne, fruit d'une hypothèse, se retrouve jusque dans le nom de l'opération, et nous permet d'aborder la question de sa typonymie. Son nom, justifié par Ishida Takuya comme une référence à l’Italie et ses nombreuses maisons riches que l'on appelle villa (soulignant ainsi le caractère luxueux de l’opération), pourrait être associé à une autre idée. La Villa Bianca, se décompose en deux. La première partie, villa, pourrait être selon l'hypothèse développée, une référence aux travaux de Le Corbusier Immeuble-villas. La deuxième partie, bianca (blanc en italien) sous-tend une hypothèse qui se fonde sur la colorimétrie représentative de l'architecture moderne. La couleur blanche, pourrait être une nouvelle fois la marque d'une référence directe à l'architecture de Le Corbusier (Villa Savoye, Maison La Roche, Notre-Dame du Haut…). Si la Villa Bianca exprime dans un premier temps une monochromie de ses éléments, la polychromie utilisée dans un second, rappel encore une fois différents travaux de l’architecte moderne français (Cité Frugès, Cité Radieuse, Couvent de la Tourette, etc.). De par l’installation des auvents en façade, trois couleurs tranchent depuis la rue : le bleu, le jaune et le rouge.

Enfin, l’analyse de la typographie utilisée révèle une énième fois la référence occidentale. Une écriture latine (l'alphabet latin dit rōmaji en japonais) avec des caractères à empatement est utilisée pour nommer l’opération.

3)

L'INFLUENCE D'UN JAPON MODERNE

Dans l'hypothèse qu'Hotta est acquis une pensée moderne de part la formation qu’il reçoit et la visite de projets modernes emblématiques, il est également probable que celui-ci se soit intéressé à la condition de son propre pays. Le mouvement moderne, se place sur l’archipel dans un contexte 125

voir l’ensemble du texte retranscris en annexe

75


ill. 49 Photographie de la structure la préfecture de Kagawa (1958), photographie source web.

ill. 50 Photographie de la Nagakin Capsule To w e r ( a r c h i t e c t e : Kurokawa Kishō), JACQUET (Benoît) et SOUTEYRAT (Jérémie), L'architecture du futur au Japon : Utopie et Métabolisme, Poitiers, Le Lézard noir, 2020, p.109, 271 p.

76


particulier, Michel Ragon dit : « On n'y trouve pas en effet conflit entre une esthétique traditionnelle et une esthétique de la modernité puisque, en ce qui concerne l'esthétique, l'architecture est moderne, au Japon, depuis au moins trois siècles. » 126.

La préfecture de Kagawa, dessinée par Tange Kenzō et édifiée en 1958, a certainement nourri les références d’Hotta. Une expression de la structure traditionnelle avec l'utilisation du béton semblable au bois (poutres en béton assemblées à l'image des constructions traditionnelles). À l'inverse d'une architecture de mur, la structure est ouverte et fait motif de façade. Cette écriture architecturale, permet au béton d'acquérir une légèreté contraire à l'image qu'il renvoie. Cette référence se retrouve, non loin de Bianca, avec la Komazawa Olympic tower de l’architecte Yoshinobu Ashihara (1918-2003), réalisé en 1964127.

De même, en analysant les travaux du mouvement métaboliste japonais, représenté par Tange Kenzō et ses nombreux disciples, on pourrai y trouver des corrélations. Si le fond n'est pas en total accord avec les idées du métabolisme qui prône la modularité, le mouvement et le cycle, la forme et l'expression de la Villa Bianca semble pourtant s'y rapprocher. Des cellules formant un ensemble organique, néanmoins régit et organisées autour d'un noyau vertical desservant celles-ci. Cependant, dans les matériaux utilisés premièrement, Bianca renvoie une forme de pérennité (dicté par le béton) contraire à l'évanescence prônée par les métabolistes. Deuxièmement, dans la conception même du projet qui se veut durer au moins 40 ans. Il est écrit dans la brochure commerciale :

« Beauté éternelle, valeur intemporelle… Tout comme un diamant, la Villa Bianca ne perdra jamais son éclat. Elle garantie un lieu de vie éternelle en cristallisant tout le confort imaginable.128 »

RAGON (Michel), Histoire de l'architecture et de l'urbanisme modernes, Points, « Essais », Paris, 1986, p. 202, p.385 126

127

voir annexes F.1

128

KOWA SHOJI, « Invitation to a new residence », Brochure commerciale, 1963

77


Kurokawa Kishō dit, de la Nagakin Capsule Tower129 : « J'estime la durée de vie du bâtiment à soixante ans. […] Les capsules elles-mêmes sont des chambres individuelles offrant une durée de vie de vingt-cinq à trente-cinq ans130 ». Un discours complètement opposé.

En ce qui concerne le dessin des appartements, mis à part la typologie « O », les autres types cloisonnent l’espace et s’inspirent indéniablement du plan LDK. Néanmoins, contrairement à celui-ci, les plans de Bianca s’ouvrent davantage et l’ensemble (mis à part les chambres et les pièces d’eau) s’articule sans cloisonnement (la cuisine, le salon, la salle à manger, voir le genkan). Aussi, le dispositif en façade, à l’image des maisons traditionnelles permet d’oublier ce cloisonnement externe pour s’ouvrir au dehors. Quant à la cuisine, celle-ci reprend les codes d’un Japon plus traditionnels. À l’image des nagaya qui, pour des raisons évidentes de ventilation, articulaient leurs cuisines avec le dehors. Bianca, pour la majorité des types, baigne ses cuisines de soleil131. Alors que toutes les sociétés de promotion immobilière appuient leur communication sur le plan LDK pour vendre leurs appartements (populaire dans les années 60), Kowa Shoji réalise une communication inverse. La brochure commerciale ne précise aucunement cette distinction des pièces.

Enfin, une inspiration dans le mobilier. La banquette Tokyo132, (ré-interprètant lui même le caractère multi-fonctionnel de l’engawa japonais) réalisée en 1953 par la designer Charlotte Perriand, semble se révéler dans l’assise articulée contre les shōji (pour les quelques typologies la possédant)133.

Inauguré en 1972, dans le centre de Tokyo, il est l'un des projets majeures du mouvement métaboliste 129

JACQUET (Benoît) et SOUTEYRAT (Jérémie), L'architecture du futur au Japon : Utopie et Métabolisme, Poitiers, Le Lézard noir, 2020, p.109, 271 p. 130

131

à l’inverse des danchi qui les placent dans l’endroit le plus sombre de l’appartement.

La banquette Tokyo (514 Refolo) est un système modulaire utilisable comme table basse, banc ou siège rembourré grâce à un simple ajout de coussins. 132

133

78

voir annexes F.1


B. DE SON INAUGURATION, À SON IMMINENTE DESTRUCTION

1)

D’UNE RÉCEPTION NUANCÉE À UNE RÉCEPTION POSITIVE

À l’aube des Jeux Olympiques, le monde architecturale japonais semble avoir été marqué de par la qualité du standing de l’opération. D’abord le célèbre magazine japonais Kenchiku Bunka, lui dédie deux articles (un en 1963 à sa conception, l’autre en 1964 à son édification). La structure, les halls, les terrasses ainsi que le mobilier pour la cuisine et le châssis à 4 points en façade composent majoritairement ces lignes. Aussi, d’autres revues comme Kindai Kenchiku, Japan Interior Design et the kentiku, lui dédie la même année quelques pages. À l’inverse, en occident c’est son caractère singulier depuis la rue qui intrigue avec la revue allemande Bauen + Wohnen (en 1966) ainsi que le périodique français l’Architecture d’Aujourd’hui (suivi deux ans plus tard par le recueil Neue japanische Architektur). Le célèbre magazine américain LIFE aurait lui aussi, selon Ishida Kanzo, vanté l’arrivée d’appartements de haut standing dans la capitale134. Plus tard, des magazines japonais comme Sumai Ron (2002), Title (2005) ou Casa Brutus (2008) se ré-intéressent à la qualité du standing qu’avait proposé l’opération et témoignent d’une réception différée réussie. Yasuo Seita, dans la revue Sumai Ron déclare :

« 37 ans plus tard, le complexe résidentiel urbain conçu avec 20 ans d’avance n'a pas changé. Bien que son taux d'occupation fluctue en fonction des changements survenus à Harajuku, la Villa Bianca continue de prospérer en s'adaptant à une utilisation polyvalente de petits bureaux et de résidences135 »

À l’inverse des danchi (dont la réception différée est négative), le caractère novateur et innovant de l’opération est aujourd’hui remis en valeur. La réception immédiate de l’opération (perçue comme le logement des riches, des stars) a eu un un impact énorme sur la perception de l’opération aujourd’hui, rendant sa réception différée extrêmement positive.

134

Cependant, je n’ai à ce jour jamais trouvé cet article dans les archives du LIFE.

135

YASUO (Seita), « Villa Bianca », Sumai Ron (Smile on), avr. 2002, pages 62-64

79


ill. 51 Photographie aérienne de l’opération face à la Meiji Dori, « Villa Bianca », Kindai Kenchiku , Vol.18, N°8, p. 129-137, août. 1964.

ill. 52 Photographie de Tokyo réalisée par Kimon Berlin depuis la tour TMG Observatory (Bianca derrière la tour au centre de l’image), 2008, photographie source web.

80


Si l’opération semble aujourd’hui profiter d’une réception positive, sa réception immédiate était quand à elle mitigée. Le plan initial de Kowa Shoji était de vendre l’ensemble des unités pour en faire une co-propriété. Leurs prix, excessivement chers, à la valeur du standing de Bianca, à d’abord fait l’objet d’une réception nuancée. À ce sujet Ishida Kanzo témoigne : « Naturellement, nos appartements coûtent deux fois plus cher que les appartements normaux136 ». À la livraison de l’opération, seul 20 % des unités sont occupées par des propriétaires (les appartements restant sont proposés en location). Selon Ishida Takuya, l’arrivé de célébrités japonaises au sein de l’opération voit sa popularité grandir137. Kowa Shoji décide alors de changer son modèle économique et décide de garder un quart de l’immeuble pour le proposer en location (toujours le cas aujourd’hui)138.

Cependant, malgré une réception dans son ensemble réussie, de nombreux changements sont venus altérer le haut standing de l’opération.

2)

DES TRANSFORMATIONS DESTRUCTRICES

À l’image de la ville, l’opération ne cesse de subir des transformations. Tokyo semble avoir ôté l’une des composantes les plus importantes de Bianca : sa position urbaine. Un tissu urbain extrêmement dense remplace désormais l’ancien tissu de lotissements résidentiels noyés dans les arbres. En 1970, pour la revue Kenchiku Bunka, Hotta exprime déjà cette mutation rapide :

« Les terrasses de Villa Bianca, qui sont situées dans un environnement vert de la ville, perdent rapidement la verdure qui les entoure. […] Récemment, les copropriétés elles-mêmes sont devenues comme des maisons serrées les unes contre les autres en quête d’espace 139»

FUJISAKI (Keiichiro),« Tout le monde veut vivre dans un appartement vintage », Casa BRUTUS, mai 2008, (interview manuscrite) 136

Aoyama Jiro (1901-1979), écrivain et critique d’art, ainsi que le chanteur et acteur Teruhiko Saigo (1947 - ) 137

138

Entretien avec M. Ishida Takuya le 01 mai 2021

« Villa Rosa par E. Hotta Architect & Associates. », Kenchiku Bunka, Vol.25, N°281, mar. 1970, pages 126-129 139

81


ill. 53 Photographie des baies d’un appartement, (2021), photographie source web.

ill. 54 Photographie de la façade Ouest réalisée par Kowa Shoji, (déc. 2021)

82


Prémisse de verticalité, rapidement obsolète, le lien visuel connectant Bianca au Parc Yoyogi semble s’être rompu. L’observatoire lié au toit terrasse est désuet et les terrains de tennis aériens démantelés. Également, d'autres espaces communs ont subi des transformations conséquentes : le parking du rez-de-chaussée est privatisé, le jardin patio est transformé (en bureaux), la salle des coffres ainsi que les services domestiques ont disparu. Cependant le restaurant, malgré les changements de propriétaires, est toujours d’actualité. Devenant dans les années 80 un club réputé (Pitekantropus Electus, puis le CLUB D), il est aujourd’hui investi par un restaurant mexicain (Fonda de la Madrugada).

Une épaisse couche de peinture recouvre désormais la structure extérieure (masquant les marques de coffrage), comme intérieure de l’opération. Celle-ci, de par son modèle économique, a laissé les propriétaires modifier plus ou moins drastiquement ses appartements. Les logements, préférant uniformiser l’ensemble, revêtissent au plafond comme au mur un plâtre blanc (supprimant toute distinction avec la structure), tandis qu’une moquette recouvre l’ensemble des sols. Également, certaines typologies abandonnent leurs pièces traditionnelles pour agrandir le séjour. Toutefois ces transformations ne sont valables que pour les appartements restants. La flexibilité de l’opération a permise à certains des logements de se transformer en espaces de bureaux, pâtissant énormément sur la préservation du mobilier. S’il s’agit d’une mise à jour pour les installations vieillissantes au profit d’installations récentes, les deux équipements, conçus pour Bianca, ont eux subi les dégâts du temps. Les meubles de cuisine sont modifiés dans le meilleur des cas (les brûleurs aux gaz sont remplacés par des plaques en céramique) ou complètement démontés. Le châssis à 4 points a complètement disparu. De celui-ci réside uniquement 2 points : les châssis en aluminium (le verre armé est remplacé par un verre simple) devenus complètement fixe, ainsi que les rideaux. Une transformation véritablement destructrice pour l’opération qui perd la majorité de ses composantes les plus importantes.

Ces nombreux changement ont indéniablement compromis le haut standing de la Villa Bianca, déjà bien entaché par les différentes réformes qui la rende obsolète.

83


3)

UNE DÉMOLITION MENAÇANTE

Si Bianca fait d’abord preuve d’avant garde, elle est néanmoins devenue obsolète au regard des normes de sécurité. Deux lois sur les structures antisismiques la rende caduc. Subissant des cataclysmes naturels successifs, les japonais placent la sécurité comme critère numéro 1 dans le choix du logement. Classée par un système de notation, Bianca se retrouve dans le bas du classement. Les dirigeants des sociétés de construction (et de promotion) sont tenus responsables des dommages causés par les tremblements de terre et peuvent être mis en cause pour ne pas avoir reconstruit. Tokyo, attendant un séisme aussi destructeur que celui de 1923 dans les trente prochaines années, (nommé : The Big One) justifie la volonté d’accélérer la reconstruction de ses bâtiments. À cela s’ajoute des règles d’urbanisme qui visent à davantage densifier la parcelle de l’opération, en retard à l’égard d’une ville de plus en plus haute. Pour autant, Livio Sacchi nous rappelle qu’au Japon la vie moyenne d’un édifice est de 26 ans, contre 44 aux États Unis et 75 dans le Royaume-Uni 140. Âgé de 57 ans, l’opération, au regard des projets nippon, fait preuve, une nouvelle fois, d’une réception réussie.

Une reconstruction est d’abord évoquée, à l’image du sanctuaire d’Ise (Isejingū) reconstruit tous les vingt ans. En 2008, Ishida Kanzo soumet cette hypothèse et précise qu’elle est uniquement valable si l’ensemble des propriétaires acceptent de revendre leurs appartements (en co-propriété en partie). Treize ans plus tard, en 2021, celle-ci fait toujours l’objet de débat. Ishida Takuya affirme : « nous veillerons à ce que la nouvelle Villa Bianca conserve son âme autant que possible d'un point de vue architectural et économique141 ». Aussi, celui-ci évoque la possibilité d’une rénovation plutôt qu’une reconstruction. Enfin, la possibilité qu’elle soit détruite au profit d’un gratte ciel est évoquée. Selon l’architecte Ulf Meyer, le véritable problème réside dans le fait que Tokyo est la seule ville au monde ou un terrain à dix fois plus de valeur que tout ce que l’on pourrait y construire.

SACCHI (Livio), Tokyo, Architecture et Urbanisme, Flammarion, Milan, traduction O. Menegaux, 2004, p. 32, 170 p. 140

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Entretien avec M. Ishida Takuya le 01 mai 2021


Qu’il s’agisse des immeubles de la Dōjunkai142, de l’Hôtel impérial de Frank Lloyd Wright, ou de la Nagakin Capsule Tower de Furokawa, « les exigences du présent semblent invariablement l’emporter sur la conservation de témoins d’une époque révolue143 ». L’impermanence et l’éphémère sont des notions cultivées par le bouddhisme depuis des siècles, rendant le concept de préservation culturelle difficilement applicable au Japon. De nombreux aspects de la culture locale (pas seulement l’architecture) sont négligés par les japonais. Plus de cents bâtiments à valeur patrimoniale risque d’être démolis selon DOCOMOMO Japan.

La Villa Bianca, témoin de l’apparition d’un nouveau programme pour l’archipel, le logement de haut standing, mérite néanmoins une plus grande valorisation (malgré ses violentes transformations) avant que la destruction ne l’emporte.

Le dernier a été démoli en 2013, un minuscule fragment a été conservé en souvenir du passé. 142

Direction d'ouvrage : BERQUE (Augustin), Auteur : GUICHARD-ANGUIS (Sylvie), « Villes japonaises, passé et culture », pages 229 - 242 dans La maîtrise de la ville, urbanité française, urbanité nippone, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1994, 595 p. 143

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ill. 55 Photographie de l’ensemble, « Villa Rosa par E. Hotta Architect & A s s o c i a t e s . » , Kenchiku Bunka, Vol.25, N°281, mar. 1970, p. 126-129.

ill. 56 Photographie façade Sud, « Maison I s h i d a » , J u t a k u Kenchiku, N°25, mai. 1977, p. 70-71.

ill. 57 Dessin des 3 villas, « Villa Rosa par E. Hotta Architect & A s s o c i a t e s . » , Kenchiku Bunka, Vol.25, N°281, mar. 1970, p. 126-129.

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C. LA FIN D'UNE COLLABORATION, DEUX CHEMINS DISTINCTS

1)

LA SÉPARATION ENTRE LE CONCEPTEUR ET LE CONSTRUCTEUR

Après avoir réaliser Bianca, Kowa Shoji souhaite poursuivre la construction de nouvelles unités d’habitation collectives. En novembre 1969 s’achève la Villa Rosa, non loin de la première Villa, signée E.Hotta Architect and Associates.

Ce complexe de logements en béton (R+9), composé d'un seul appartement type, semble s’éloigner des codes de l’habitat traditionnel et se rapproche du plan LDK. Un plan considérablement plus simple que ceux proposés par la Villa Bianca, constitués de quatre rectangles de 3,6m sur 7m. Le salon en premier, la chambre en second, la pièce pour les repas, les pièces d’eau, les équipements en troisième, et la terrasse, espace extérieur en quatrième. On retrouve l’utilisation d’un matériau utilisé dès les débuts de la société : le pavé de verre. Une innovation intrigante se remarque sur la nouvelle opération, il s’agit de la plomberie des équipements. Hotta Eiji, dans la revue Kenchiku Bunka de mars 1970, souligne la rationalité de ce dispositif :

« Une telle méthode a été mise en œuvre dans la Villa Rosa car la nature des logements en communauté présentent de nombreux inconvénients avec les tuyauteries. Il est probable que cette méthode, consistant à utiliser davantage de tuyauteries extérieurs afin d’éviter autant que possible les tuyauteries horizontales intérieures, soit utilisée plus activement. »

Ishida Kanzo déçu de la Villa Rosa, ne la considère pas comme faisant parti de la Villa Series (expliquant aujourd’hui son effacement de la part de Kowa Shoji).144

En mai 1967, deux ans avant Rosa, se termine la Maison I commandée à titre personnelle par Ishida Kanzo, conçue par Hotta Eiji. Cette résidence, importante pour le futur de Kowa Shoji, permet la recherche d’un nouveau système constructif : l’acier. Ce projet expérimental, se veut servir d’étude pour la réalisation des futures opérations de logements collectifs (même si les villas suivantes seront réalisées en béton). Hotta parle de « conception incomplète

144

Entretien avec M. Ishida Takuya le 01 mai 2021

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ill. 58 Photographie aérienne, « Villa Serena » (1971), photographie source web.

ill. 59 Photographie de maquette, « Villa Gloria » (1972), photographie source web.

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en raison du manque de temps suffisant pour étudier ce matériau spécial ».145

Enfin, la conception de la troisième Villa, Serena (1971), est confiée dans un premier temps à Hotta, avant d’être signée, dans un second, par Sakakura Associates. Ishida dira, dans son interview, qu’après plusieurs dessins non convaincants, Kowa Shoji décide de mettre fin à sa collaboration avec l’architecte. Il spécifie : « On ne peut absolument pas dire que tout ce que fait un architecte est bien. Alors il est important de changer d'architecte au bon moment ». La réalisation de la Villa Serena est ainsi remise à Nishizawa Fumitaka (1915-1986), architecte en chef de Sakakura Associates à la mort de Sakakura Junzō (1901-1969). L’intention d’Hotta sera conservée par Sakakura Associates, même si son écriture architecturale (présentée par le biais d’un dessin) ne l’est pas. Dans la présentation de la Villa Rosa, pour le périodique Kenchiku Bunka, Hotta Eiji annonce :

« Dans la troisième villa que nous sommes en train de planifier, nous envisageons la forme du bâtiment lui-même comme une coquille destinée à protéger l'espace intérieur, en partant du principe que l'environnement extérieur se dégradera progressivement. La composition du plan de chaque appartement va naturellement changer afin de protéger l'indépendance de chaque appartement.146 »

Dans l’entrevue délivrée pour la revue Casa Brutus, Ishida Kanzo ajoute une seconde raison à leur séparation. Hotta Eiji s’associe à Yokoi Hideki 147(1913-1998),

homme d’affaire japonais controversé qui bâti sa fortune en

investissant dans l’immobilier et le rachat d’entreprises. Par l’intermédiaire de l’architecte, Yokoi achète une partie des unités de la Villa Bianca (Kowa Shoji reste le propriétaire majoritaire). Cet événement marque la fin d’une période, celle d’une longue collaboration entre Hotta et Ishida. Tout deux vont satisfaire une carrière et des envies complètement différentes.

« I Résidence par E.Hotta Architect & Associates », Kenchiku Bunka, Vol.22, N°252, oct. 1967, pages 74-79 145

« Villa Rosa par E. Hotta Architect & Associates. », Kenchiku Bunka, Vol.25, N°281, mar. 1970, pages 126-129 146

Hideki Yokoi détenait plusieurs biens immobilier, hôtelier, pachinko (casino japonais), billards, pistes de bowling, etc.. 147

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2)

ISHIDA KANZO, UNE ARCHITECTURE DE « SÉRIE »

Kowa Shoji, après avoir réalisé Bianca, Rosa et Serena, poursuit son architecture de série. La Villa Serena, marque la fin d’une coopération entre Ishida et Hotta et voit une nouvelle ère : la collaboration avec Sakakura Associates. Dans l'ordre chronologique, on retrouve la Villa Serena (sérénité juin 1971), la Villa Fresca (fraîcheur - août 1972), la Villa Gloria (gloire septembre 1972), la Villa Moderna (moderne - septembre 1974), la Villa Sapienza (sagesse - mars 1981) et la Villa Piccolina (petite - mai 1988). Mis à part Sapienza, réalisée par l'architecte Otani Sachio148 (1924-2013), toutes sont dessinées par l'agence Sakakura Associates. Kowa Shoji continue, en parallèle de ses projets de logements collectifs, la conception de maisons individuelles pour des besoins de liquidité.

La Villa Series reste le projet le plus conséquent de la société, néanmoins elle participe à d’autre projets importants sur l’archipel comme Act City149 dans la ville de Hamamatsu (1994). L’entreprise réunit à son apogée, d’après Ishida, jusqu’à 600 employés.

En 1972, alors que se termine Fresca et Gloria, le choc pétrolier renverse l’économie et provoque l’éclatement de la bulle économique nippone. Le prix du tsubo tokyoïte devient hors de prix et atteint 100 millions de yens par tsubo dans le quartier de Ginza. Cet événement va convaincre Ishida Kanzo de s’exiler aux États Unis, pour entreprendre la création d’une nouvelle entreprise de construction. Cette même année, Ishida Takuya, fils d’Ishida Kanzo né en 1952 à Tokyo, déménage aux États-Unis pour finir ses études à l’université de Chapman, en Californie. Passionné par la construction et l’artisanat comme son père, celui-ci réalise de nombreuses entreprises comme la réalisation de vitrail, l’immobilier, l’import export et Fan Out. Lancée en 2003 aux États Unis, puis au Japon en 2010, la nouvelle division Fan Out comprend la création d’un

Il commence sa carrière au studio de Tange Kenzō, participe à la conception du musée du mémorial de la Paix de Hiroshima (1955). Il réalise un certain nombre de bâtiments notables dont le centre culturel pour enfants de Tokyo (1964), le Centre international de conférences de Kyoto (1966), l'Institut de technologie de Kanazawa (1969). 148

Act City Hamamatsu est un complexe d'installations municipales et privées (Hall d'exposition et d'événements, Centre de congrès, Musée , centre de formation et d'échange) 149

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magazine ainsi que la vente d’outils japonais artisanaux dans le monde entier (allant du produit domestique, couteau de cuisine, au produit de beauté, ciseaux de coiffure). Avant cela, en 1978, son père le rejoint pour créer la filiale Kowa Shoji US située en Californie à Laguna Beach et réalise des maisons en collaborations avec des cabinets d’architecture locaux. Ishida Takuya, à la tête de cette division américaine construit des bâtiments commerciaux en Californie du Sud ainsi que des maisons sur mesure dans la communauté de Ritz Cove (Dana Point, Californie) et au Marbella Country Club (San Juan Capistrano, Californie). L'une d’entre elle sera utilisée par Ishida Kanzo comme résidence privée aux États-Unis qui ne revient que très peu au Japon. Il déclare, à cette période, séjourner 285 jours par an aux États Unis150.

L’entrevue avec Ishida Takuya démontre d’autres envies pour l’entreprise qui à ses débuts s’est spécialisée dans la construction pour se concentrer aujourd’hui dans la mise en valeur de l’artisanat. Ishida Kanzo décède le 5 mars 2008, une semaine après avoir réalisé son entrevue pour Casa Brutus. Son fils, Ishida Takuya, devient alors le président de la société.

3)

HOTTA EIJI, LA SUITE D'UNE CARRIÈRE DISCRÈTE

L'année 1964, véritable tournant dans la carrière de Hotta Eiji, verra l'aboutissement de trois projets. Le premier, livré en avril, est le sujet de ces écrits. Le second, Villa de M. I151, achevé en avril également, dans la ville de Yokosuka (50 km au sud de la baie de Tokyo) au bord de mer, est utilisée comme résidence de week-end. Une maison, conçue pour une famille de cinq et plus, dialogue avec les espaces extérieurs comme le veut la tradition. Afin de répondre aux exigences budgétaires, Hotta adopte des matériaux et des formes simples. De puissantes poutres en bois, protégées par le débord du toit, maintiennent en traction la dalle de béton, par le biais de tirants en acier,

FUJISAKI (Keiichiro),« Tout le monde veut vivre dans un appartement vintage », Casa BRUTUS, mai 2008, (interview manuscrite) 150

« I Residence by E.Hotta Arch. & Assoc. », Kenchiku Bunka, Vol.19, N°212, juin. 1964, pages 88-91 151

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ill. 60 Photographie f a ç a d e E s t , « I Residence by E.Hotta A r c h . & A s s o c . » , Kenchiku Bunka, Vol.19, N°212, juin. 1964, p. 88-91.

ill. 61 Photographie, « Ta k u b a s a n Yo u t h Hostel by E. Hotta and associates », Kenchiku Bunka, Vol.19, N°218, dec. 1964, p. 118-122

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qui sert d’engawa152. Pour finir, le troisième projet, livré en octobre, Takubasan Youth Hostel153 commandé par le ministère du tourisme, est édifié dans la préfecture d'Ibaraki (100 km au nord de Tokyo), sur le mont Tsukuba. Cette auberge de jeunesse, dessinée en collaboration avec Suzuki Takesuke, est réalisée en béton armé. Le projet de deux étages, est soigneusement intégré au paysage et forme un observatoire pointé sur le Mont Fuji. Cette même année, l’atelier de Hotta s’agrandit et réunit jusque 15 collaborateurs.

Cependant, trois ans auparavant, en 1961 alors que le jeune architecte commence les premières ébauches de Bianca, celui-ci construit Oharai Park Hotel154 et réalise le projet de reconstruction du temple Renwaji de Honmatsuyama155. L’hôtel, conçu par l’atelier d’Hotta Eiji, ainsi que ses associés Aizawa Ichiro, Suzuki Takesuke et Yoshino Masato, est réalisé pour la société Nishiyama Construction Company. Ce complexe hôtelier s’adapte et semble faire l’interface entre les dunes de sables et la forêt de pins situé dans la ville de Mito, dans la préfecture d’Ibaraki au nord du Japon. Le projet, influencé par le ryokan traditionnel ainsi que par les hôtels occidentaux, comprend vingt chambres d’hôtes construites en bois et un bâtiment principal réalisé en béton armé. Quant au projet de reconstruction du temple Renwaji, présenté dans le Kenchiku Bunka, celui-ci semble préféré le moderne à la tradition. Hotta réutilise la structure, l’ignifuge (à l’aide du béton), et utilise des formes peu conventionnelles pour l’archipel en réinterprétant les poteaux champignons de Frank Lloyd Wright pour la Johnson Wax.

Les années 70 seront moins prolifiques pour Hotta Eiji qui entame une carrière beaucoup plus discrète. L’architecte dessine un impressionnant hôtel de luxe pour l’homme d’affaire japonais Yokoi Hideki. Le Nagoya Toyo Ball156, réalisé en SRC, est achevé en 1971 dans la préfecture de Fukushima. L’hôtel cesse son activité en 2011, date à laquelle surgit l'accident nucléaire de Fukushima 152

espace intermédiaire (servant) autour duquel s’articule un dehors et un dedans

« Takubasan Youth Hostel by E. Hotta and associates », Kenchiku Bunka, Vol.19, N°218, dec. 1964, pages 118-122 153

« Oharai Park Hotel by E. Hotta, Architect & Associates », Kenchiku Bunka, Vol.16, N°10, oct. 1961, pages 95-100 154

« Project Plan for the Renge-Ji Temple by E. Hotta, Arch & Associates », Kenchiku Bunka, Vol.16, N°12, dec. 1961, pages 102-103 155

156

« Nagoya Toyo Ball », the kendaikenchiku, Vol.26, févr 1972, pages 118-119

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ill. 62 Photographie du bâtiment principal, « Oharai Park Hotel by E. Hotta, Architect & Associates », Kenchiku Bunka, Vol.16, N°10, oct. 1961, p. 95-100

ill. 63 Dessin réalisé par Hotta, « Project Plan for the Renge-Ji Temple by E . H o t t a , A r c h & Associates », Kenchiku Bunka, Vol.16, N°12, dec. 1961, p. 102-103

ill. 64 Photographie, « Nagoya Toyo Ball », Kindai Kenchiku , Vol.26, fév. 1972, p.119-120

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(la structure semble avoir résisté au tremblement de terre). Ce projet est le dernier des travaux connus de l'architecte nippon. En 1979, il rejoint le Sato Sogo Keikaku, atelier de Takeo Sato (1899-1972), pionnier de l’architecture acoustique.

Peu d'informations157 permettent de compléter la biographie d’Hotta Eiji. Une carrière prometteuse qui commence au début des années 1960 avant de s’essouffler, et de devenir beaucoup plus discrète au milieu des années 1970. Celle-ci permet néanmoins de comprendre l’anonymat dont l’architecte jouit aujourd’hui sur l’archipel. Hotta Eiji décède à l’âge de 71 ans, en 1999.

essentiellement écrite sur la base d'une notice découverte dans la revue japonaise Title d'octobre 2005, les différents articles du périodique Kenchiku Bunka témoignant de ses différents projets et de l’entrevue d’Ishida Kanzo pour Casa Brutus en 2008 157

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OUVERTURE

Sous l’influence du modèle occidental, qui depuis l’ère Meiji prospère, l’arrivée pour le Japon d’un nouveau programme, le haut standing, marque le logement nippon. Une analyse monographique qualifiant le standing et le luxe de l’opération, appuyée par la réception de celle-ci, démontre l’avant gardisme du haut standing pour l’archipel. Des références exogènes viennent nourrir la conception de Bianca qui peine à trouver un modèle face à la redondance du parc immobilier de son propre pays.

À l’aube des prochains Jeux Olympiques de Tokyo 2021, avant que sa destruction ne survienne, l’avant garde puis la singularité que présentait la Villa Bianca se doivent d’être préservées. À l’inverse de ce que construisait, et construit toujours le Japon, la considération de ses apports et la qualification de son rôle dans le logement urbain nippon ne doit en aucun cas disparaitre. Énormément dégradée par les transformations, elle ne semble pas échapper, comme toutes constructions, au consumériste japonais. Véritables marqueurs dans l’histoire du logement au Japon, les concepts et la qualité du standing qu’offrait l’opération pourraient aujourd’hui être ré-employés pour qualifier les projets de demain. Bien que symbole de modernité (et d’influences occidentales), elle reste profondément japonaise, ancrant ses concepts même dans la culture traditionnelle nippone, et devient immuable.

Des qualités de conception qui, peu à peu, tombent dans l’oubli et se retrouvent désormais ensevelis par l’immensité de la ville, à l’image de son architecte : Hotta Eiji. Peu d’informations à son sujet révèlent les limites du travail réalisé à distance, causé par le report du voyage. Une zone d’ombre subsiste sur certains des aspects (les transformations, la vie des protagonistes, leur voyage, etc.). Ce travail suppose néanmoins des pistes pour en approfondir son propos. Une analyse détaillée de la Villa Series, permettrait ainsi d’étudier l’évolution du programme de haut standing sur l’archipel (des années 1960 à 1980). Aussi, les travaux de feu Hotta Eiji pourrait permettre une analyse détaillée d’un architecte japonais nourris de références occidentales. Enfin, ces écrits pourraient faire l’objet d’un témoignage soulignant le caractère 97


patrimonial novateur de Bianca aux yeux de DOCOMOMO Japan. Maintenant, « Il faut que j’aille voir avant que tout cela ne disparaisse158 ».

QUENEAU Raymond, Courir les rues, battre la campagne, fendre les flots, Paris, Gallimard, 1994 158

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SOURCES DOCUMENTAIRES, ARCHIVES, ICONOGRAPHIE

1) ARCHIVES CONSULTÉES

Archives privées de la société Kowa Shoji

Plans/coupes/élévations/dessins détaillés

Brochure commerciale, « Invitation to a new residence »

Carnet de suivi de chantier 1 : Avant et au début de la construction (20 mai 1963 - 28 juin 1963)

Carnet de suivi de chantier 2 : Construction 1 (10 juillet 1963 - 29 août 1963)

Carnet de suivi de chantier 3 : Construction 2 (30 août 1963 - 7 septembre 1963)

Carnet de suivi de chantier 4 : Construction 3 (7 septembre 1963 - 15 octobre 1963)

Carnet de suivi de chantier 5 : Construction 4 (15 juin 1963 - mai 1964)

Carnet de suivi de chantier 6 : Photos d’achèvement

Carnet de suivi de chantier 7 : Cérémonie d’inauguration

Autres

FUJISAKI (Keiichiro),« Tout le monde veut vivre dans un appartement vintage », Casa BRUTUS, mai 2008, (interview manuscrite)

2) SOURCES SECONDAIRES

Revues japonaises - Villa Bianca

« Project of Villa Bianca Apartments by E.Hotta Arch. and Assoc. », Kenchiku Bunka, Vol.18, N°202, août. 1963, pages 80-84

HOTTA (Eiji), « Comment devrait être le système de conception du futur ? », Kenchiku Zasshi, avr. 1964, pages 221-222

« Villa Bianca by E.Hotta Arch. and Assoc. », Kenchiku Bunka, Vol.19, N°214, août. 1964, pages 165-170

« Villa Bianca », Kindai Kenchiku , Vol.18, N°8, août. 1964, pages 129-137

« Glass-Walled Apartment Villa Bianca », Japan Interior Design, Vol.8, N°17, août. 1964, pages 17-26

« Immeuble Villa Bianca », Kentiku Architecture, N°10, août. 1964, pages 80-83

YASUO (Seita), « Villa Bianca », Sumai Ron (Smile on), avr. 2002, pages 62-64

MASATAKA (Baba), « Une lignée de villas et de curiosités dans la ville de Tokyo », TITLE, oct 2005, pages 34 - 37

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Revues japonaises - Autres travaux de Hotta Eiji

« Residence of Mr. M., with an Out-door Barbecue », Kenchiku Bunka, Vol.7, N°9, sept. 1952, pages 21-23 « A grid-planned dwelling by E. Hotta, Arch », Kenchiku Bunka, Vol.15, N°12, dec. 1960, pages 34-38

« Oharai Park Hotel by E. Hotta, Architect & Associates », Kenchiku Bunka, Vol.16, N°10, oct. 1961, pages 95-100

« Project Plan for the Renge-Ji Temple by E. Hotta, Arch & Associates », Kenchiku Bunka, Vol.16, N°12, dec. 1961, pages 102-103

« I Residence by E.Hotta Arch. & Assoc. », Kenchiku Bunka, Vol.19, N°212, juin. 1964, pages 88-91

« Takubasan Youth Hostel by E. Hotta and associates », Kenchiku Bunka, Vol.19, N°218, dec. 1964, pages 118-122

« I Residence by E.Hotta Architect & Associates », Kenchiku Bunka, Vol.22, N°252, oct. 1967, pages 74-79

« Villa Rosa par E. Hotta Architect & Associates. », Kenchiku Bunka, Vol.25, N°281, mar. 1970, pages 126-129

« Nagoya Toyo Ball », Kindai Kenchiku , Vol.26, fév. 1972, pages 119-120

« Maison Ishida », Jutaku Kenchiku, N°25, mai. 1977, pages 70-71

Revues occidentales - Villa Bianca

ZIETZSCHMANN (Ernst), « Apartmenthaus "Villa Bianca" in Tokio », Bauen + Wohnen, Vol.6, N°20, 1966, pages 237-238

« immeuble d’appartements à tokyo japon, e.hotta et associées architectes », l’Architecture d’Aujourd’hui, N°127, sept. 1966, pages -

TEMPEL (Egon), « Villa Bianca Apartment House at Tokyo, 1964 », Neue japanische Architektur, Stuttgart, G. Hatje, 1969, pages 44-47, 220p.

3) WEBOGRAPHIE

Sites de Kowa Shoji

<http://www.villa-series.jp/index.html> [consulté le 16 avril 2021]

<https://www.kowa-shoji.co.jp> [consulté le 16 avril 2021]

Sites d’agences immobilière

<http://www.spacecatalog.jp/room/10> [consulté le 16 avril 2021]

<https://www.vintage-mansion.tokyo/detail/11262/> [consulté le 16 avril 2021]

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<https://japanpropertycentral.com/villa-bianca/> [consulté le 16 avril 2021]

<https://kaneko-archi.com/2015/01/16/villa_bianca/> [consulté le 16 avril 2021]

<https://www.aoyama-chintai.com/detail/11262/> [consulté le 16 avril 2021]

Blog

<https://suumo.jp/journal/2018/01/18/147657/> [consulté le 16 avril 2021]

<https://ginzamag.com/column/kenchiku-14/> [consulté le 16 avril 2021]

<https://mansionlibrary.jp/contents/9947> [consulté le 16 avril 2021]

<https://cabanon.exblog.jp/7671947/> [consulté le 16 avril 2021]

Vidéo de promotion immobilière (pour l’appartement « J »)

<https://www.youtube.com/watch?v=ziU6Tt6mlcY> [consulté le 16 avril 2021]

4) ICONOGRAPHIE

I.

Tokyo, expérimentation et reconstruction

ill.01 Nagaya, Yoshida, Sakyō-ku, Kyoto, 1999. Photographie extraite de Vocabulaire de la spatialité japonaise, 2014.

ill. 02 Les logements ouvriers de la compagnie Nihon tetsudō-gaisha, Omiya, préf. de Saitama. Photographie extraite de Vocabulaire de la spatialité japonaise, 2014

ill. 03 Dōjunkai, Harajuku, 1926. Photographie extraite de The Making of a Modern Japanese Architecture.

ill. 04 Abanrafure Nijigaoka nishi, construit entre 1997 et 2004, pref. d’Aichi. Photographie extraite de Vocabulaire de la spatialité japonaise, 2014

ill. 05 Vue panoramique du parc Yoyogi, vue du côté de Shibuya, lors de son ouverture complète en avril 1971. Photographie extraite de Midori to mizu no hiroba N°89, 2017, DR.

ill. 06 Vue panoramique du parc Yoyogi, vue du côté de Shibuya. Photographie extraite de Midori to mizu no hiroba N°89, 2017, DR.

ill. 07 Photographie de l’inauguration de la Villa Bianca. À gauche (probablement) Hotta Eiji, au centre, les mains sur les jambes, Ishida Kanzo. Photographie de Kowa Shoji, 1964.

ill. 08 Photographie façade Est, Residence of Mr. M., with an Out-door Barbecue. Photographie extraite de Kenchiku Bunka, Vol.7, N°9, p.21-23, sept. 1952, DR.

ill. 09 Photographie façade Nord, A grid-planned dwelling by E. Hotta, Arch. (Auberge réalisée pour Kowa Shoji) Photographie de F. Murasawa extraite de Kenchiku Bunka, Vol.15, N°12, p.34-38, dec. 1960, DR.

ill. 10 Frise chronologique réalisée par l’auteur, avril 2021.

ill. 11 Photographie de maquette façade Ouest, Villa Bianca. Photographie de Kowa Shoji extraite de la brochure commerciale Villa Bianca, 1963.

II. La Villa Bianca, avant garde d’une série d’innovations de standing, à l’aube des jeux olympiques de 1964

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ill. 12 Photographie de Meiji-dori, 20/05/1963. Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

ill. 13 Photographie aérienne de la parcelle 20/05/1963. Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

ill. 14 Photographie de la parcelle rasée, 30/05/1963. Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

ill. 15 Plan de situation, Villa Bianca. Document extrait de la brochure commerciale Villa Bianca, 1963.

ill. 16 Photographie aérienne de l’opération en construction, 02/10/1963. Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

ill. 17 Photographie des façades Sud-est, Villa Bianca. ZIETZSCHMANN (Ernst), « Apartmenthaus "Villa Bianca" in Tokio », Bauen + Wohnen, Vol.6, N°20, p.237-238,1966.

ill. 18 Photographie de maquette par MURAI (O),« Project of Villa Bianca Apartments by E.Hotta Arch. and Assoc. », Kenchiku Bunka, Vol.18, N°202, août. 1963, p. 80-84.

ill. 19 Schémas de structure, « Villa Bianca by E.Hotta Arch. and Assoc. », Kenchiku Bunka, Vol.19, N°214, août. 1964, p.165-170.

ill. 20 Photographie de la grille structurante, 15/12/1963. Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

ill. 21 Photographie de l’ossature en acier avant le coffrage de béton (SRC) 01/08/1963. Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

ill. 22 Photographie du honzane 02/11/1963. Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

ill. 23 Photographie de façade ouest, « Villa Bianca », Kindai Kenchiku , Vol.18, N°8, p. 129-137, août. 1964.

ill. 24 Carte postale de la façade Est, extrait des archives privés de la société KOWA SHOJI.

ill. 25 Photographie de la façade nord, « Glass-Walled Apartment Villa Bianca », Japan Interior Design, Vol.8, N°17, août. 1964, p. 7-26.

ill. 26 Photographie du hall patio (en face le hall salon menant aux sous-sols, à droite l’escalier d’entrée, à gauche le bassin), « Glass-Walled Apartment Villa Bianca », Japan Interior Design, Vol.8, N°17, août. 1964, p. 7-26.

ill. 27 Dessin des halls d’entrée (articulation du patio avec les deux halls intérieurs), Villa Bianca. Photographie de Kowa Shoji extraite de la brochure commerciale Villa Bianca, 1963.

ill. 28 Photographie du hall du concierge, « Villa Bianca », Kindai Kenchiku , Vol.18, N°8, p. 129-137, août. 1964.

ill. 29 Hall répété à chaque étage (au centre de l’image se trouve la colonne atrium), « Villa Bianca by E.Hotta Arch. and Assoc. », Kenchiku Bunka, Vol.19, N°214, août. 1964, p.165-170.

ill. 30 Plan de la typologie « E »,1963. Plan extrait des archives privés de la société KOWA SHOJI.

ill. 31 Dessin de l’articulation du logement, Villa Bianca. Photographie de Kowa Shoji extraite de la brochure commerciale Villa Bianca, 1963.

ill. 32 Photographie de la pièce traditionnelle ,1964. Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

103


ill. 33 Photographie du séjour (Type H), « Glass-Walled Apartment Villa Bianca », Japan Interior Design, Vol.8, N°17, août. 1964, p. 7-26.

ill. 34 Dessin de la terrasse, Villa Bianca. Photographie de Kowa Shoji extraite de la brochure commerciale Villa Bianca, 1963.

ill. 35 Photographie de la terrasse, « Villa Bianca by E.Hotta Arch. and Bunka, Vol.19, N°214, août. 1964, p.165-170.

Assoc. », Kenchiku

ill. 36 Dessin du meuble comptoir de cuisine, Villa Bianca. Photographie de Kowa Shoji extraite de la brochure commerciale Villa Bianca, 1963.

ill. 37 Photographie du meuble de cuisine (Type L), « Glass-Walled Apartment Villa Bianca », Japan Interior Design, Vol.8, N°17, août. 1964, p. 7-26.

ill. 38 Photographie de du meuble de cuisine (Type K) ,1964. Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

ill. 39 Dessin des façades ouvertes (vue sur Tokyo de nuit), Villa Bianca. Photographie de Kowa Shoji extraite de la brochure commerciale Villa Bianca, 1963.

ill. 40 Photographie du rail de 400 mm au sol, « Villa Bianca by E.Hotta Arch. and Assoc. », Kenchiku Bunka, Vol.19, N°214, août. 1964, p.165-170.

ill. 41 Photographie du microcosme au macrocosme (Type H), « Glass-Walled Apartment Villa Bianca », Japan Interior Design, Vol.8, N°17, août. 1964, p. 7-26.

ill. 42 Photographie de la façade Nord ouest de nuit (les appartement, complètement ouvert, agissent comme des lanternes la nuit), « Villa Bianca by E.Hotta Arch. and Assoc. », Kenchiku Bunka, Vol.19, N°214, août. 1964, p.165-170.

ill. 43 Photographie du mobilier (Type H), « Glass-Walled Apartment Villa Bianca », Japan Interior Design, Vol.8, N°17, août. 1964, p. 7-26.

III.

D’une genèse inspirée de l’Occident, à « l’après Bianca »

ill. 44 Photographie The Stahl Case Study House #22, Two Girls, de Julius Shulman (architecte : Pierre Koenig). Photographie de Kowa Shoji extraite du magazine Arts & Achitecture, mai. 1960.

ill. 45 idem ill. 39.

ill. 46 Dessin de « l’immeuble villa », Le CORBUSIER, Vers une architecture, Flammarion, « Champs arts », Paris, 1923 (réédition de 2016), p.206 - 208.

ill. 47 Dessin de façade de « l’immeuble villa », Le CORBUSIER, Vers une architecture, Flammarion, « Champs arts », Paris, 1923 (réédition de 2016), p.206 - 208.

ill. 48 Dessin de l’opération, Villa Bianca. Photographie de Kowa Shoji extraite de la brochure commerciale Villa Bianca, 1963.

ill. 49 Photographie de la structure la préfecture de Kagawa (1958), photographie source web.

ill. 50 Photographie de la Nagakin Capsule Tower (architecte : Kurokawa Kishō), JACQUET (Benoît) et SOUTEYRAT (Jérémie), L'architecture du futur au Japon : Utopie et Métabolisme, Poitiers, Le Lézard noir, 2020, p.109, 271 p.

ill. 51 Photographie aérienne de l’opération face à la Meiji Dori, « Villa Bianca », Kindai Kenchiku , Vol.18, N°8, p. 129-137, août. 1964.

ill. 52 Photographie de Tokyo réalisée par Kimon Berlin depuis la tour TMG Observatory (Bianca derrière la tour au centre de l’image), 2008, photographie source web.

104


ill. 53 Photographie des baies d’un appartement, (2021), photographie source web.

ill. 54 Photographie de la façade Ouest réalisée par Kowa Shoji, (déc. 2021)

ill. 55 Photographie de l’ensemble, « Villa Rosa par E. Hotta Architect & Associates. », Kenchiku Bunka, Vol.25, N°281, mar. 1970, p. 126-129.

ill. 56 Photographie façade Sud, « Maison Ishida », Jutaku Kenchiku, N°25, mai. 1977, p. 70-71.

ill. 57 Dessin des 3 villas, « Villa Rosa par E. Hotta Architect & Associates. », Kenchiku Bunka, Vol.25, N°281, mar. 1970, p. 126-129.

ill. 58 Photographie aérienne, « Villa Serena » (1971), photographie source web.

ill. 59 Photographie de maquette, « Villa Gloria » (1972), photographie source web.

ill. 60 Photographie façade Est, « I Residence by E.Hotta Arch. & Assoc. », Kenchiku Bunka, Vol.19, N°212, juin. 1964, p. 88-91.

ill. 61 Photographie,« Takubasan Youth Hostel by E. Hotta and associates », Kenchiku Bunka, Vol.19, N°218, dec. 1964, p. 118-122

ill. 62 Photographie du bâtiment principal,« Oharai Park Hotel by E. Hotta, Architect & Associates », Kenchiku Bunka, Vol.16, N°10, oct. 1961, p. 95-100

ill. 63 Dessin réalisé par Hotta, « Project Plan for the Renge-Ji Temple by E. Hotta, Arch & Associates », Kenchiku Bunka, Vol.16, N°12, dec. 1961, p. 102-103

ill. 64 Photographie,« Nagoya Toyo Ball », Kindai Kenchiku , Vol.26, fév. 1972, p.119-120

105


BIBLIOGRAPHIE

Spatialité japonaise

BERQUE (Augustin), Le sens de l'espace au Japon, Arguments, 2004, 227 p.

BONNIN (Philippe), JACQUET (Benoît) et MASATSUGU (Nishida), Dispositifs et notions de la spatialité japonaise, Presses Polytechniques et universitaires Romandes Collection : Architecture Essais, 2014, 356 p.

BONNIN (Phillipe), MASATSUGU (Nishida), SHIGEMI (Inaga), Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, CNRS Éditions, 2014, 607 p.

Urbanité nippone

Direction d'ouvrage : BERQUE (Augustin), La maîtrise de la ville, urbanité française, urbanité nippone, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1994, 595 p.

SACCHI (Livio), Tokyo, Architecture et Urbanisme, Flammarion, Milan, traduction O. Menegaux, 2004, 170 p.

Histoire du Japon

BERQUE (Augustin), L'histoire de l'habitat social de l'Orient vers l'Occident, Le Félin / KRON, Paris, 2010, 392 p.

FIÉVÉ (Nicolas) et JACQUET (Benoît), Vers une modernité architecturale et paysagère, Collège de France, Bibliothèque de l'Institut des hautes études japonaises, Paris, 2013, 330 p.

JACQUET (Benoît) et SOUTEYRAT (Jérémie), L'architecture du futur au Japon : Utopie et Métabolisme, Poitiers, Le Lézard noir, 2020, 271 p.

MONNIER (Gérard), Le Corbusier et le Japon, Picard, Paris, 2007, 174p.

Histoire de l’architecture moderne

RAGON (Michel), Histoire de l'architecture et de l'urbanisme modernes, Points, « Essais », Paris, 1986, 385p.

Autre

Le CORBUSIER, Vers une architecture, Flammarion, « Champs arts », Paris, 1923 (réédition de 2016), 253p.

PERRIAND (Charlotte), Une vie de création, Odile Jacob, Paris, 1998, 427p.

PFEIFFER (Bruce Books), F.L Wright, Taschen, Petite collection, édition française, 96p.

TANIZAKI (Jun’ichirō), Éloge de l’ombre, Verdier, 1978 (réédition de 2011), Paris, 91p.

106


107


108


ANNEXES

ANNEXE A.1 - Plans urbains

Vue satellite de Tokyo

109


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/ Entrance / Entree/ Entrance Eingang/ Entree Eingang Reception Réception/ /Reception Empfang/ /Réception 2 2Empfang Halle/Hall 3 3Halle/Hall tZU Terrasse/ Terrace / Terrace 4 4Terrasse / Bureau/ Office / Office Büro/ Bureau 5 5Büro Man Bureau dudu président Präsidentenbüro/ /Bureau président/ / Man 6 6Präsidentenbüro

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ANNEXE B.1 - Plans

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Plans237 extrait de ZIETZSCHMANN (Ernst), « Apartmenthaus "Villa Bianca" in Tokio », Bauen + Wohnen, Vol.6, N°20, 1966, pages 237-238

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R-1

Plan de toiture

Plans extrait de « Immeuble Villa Bianca », Kentiku Architecture, N°10, août. 1964, pages 80-83

Fondations

R-2

111


ANNEXE B.2.1 - Coupes

Coupe transversale et coupe longitudinale de l’opération. Archives privées de la société Kowa Shoji

ANNEXE B.2.2 - Coupe détaillée

Coupe détaillée extraite de « Immeuble Villa Bianca », Kentiku Architecture, N°10, août. 1964, pages 80-83

112


ANNEXE B.3.1 - Élévations Sud-Est / Est

Élévations Sud-Est / Est. Archives privées de la société Kowa Shoji

ANNEXE B.3.2 - Élévations Nord / Ouest

Élévations Nord / Ouest. Archives privées de la société Kowa Shoji

113


ANNEXE B.3.1 - Élévation détaillée

Élévation détaillée Archives privées de la société Kowa Shoji

114


ANNEXE C.1 - Photographies urbaines

Photographie aérienne du site avant la construction de Bianca. Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

Photographie aérienne du site avant la construction de Bianca. Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

Photographie aérienne de l’opération à son i n a u g u r a t i o n . Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

Photographie extraite de ZIETZSCHMANN (Ernst), « Apartmenthaus "Villa Bianca" in Tokio », Bauen + Wohnen, Vol.6, N°20, 1966, pages 237-238

115


ANNEXE C.2 - Photographies rapprochées

Photographie aérienne de l’opération pendant sa construction ( 0 7 / 0 1 / 1 9 6 4 ) . Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

Photographie des façades entièrement libérées pendant la c o n s t r u c t i o n . Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

Photographie du coffrage (honzane) d’un des poteaux périphérique pendant la c o n s t r u c t i o n . Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

116


Photographie (façade ouest) extrait de « Glass-Walled Apartment Villa Bianca », Japan Interior Design, Vol.8, N°17, août. 1964, p. 7-26.

Photographie de maquette (façade sud). Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

Photographie (façade ouest avec vue sur la façade nord) extrait de « Glass-Walled Apartment Villa Bianca », Japan Interior Design, Vol.8, N°17, août. 1964, p. 7-26.

117


ANNEXE D.1 - Photographies des espaces en communs

Photographie du coffrage de la colonne atrium. Photographie extraite des carnets de s u i v i d e c h a n t i e r. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

Photographie du dispositif à son inauguration. (vue sur le bassin, le honzane et le béton gratté) Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

Photographie du restaurant à son i n a u g u r a t i o n ( m e z z a n i n e ) . Photographie extraite de « Villa Bianca », Kindai Kenchiku , Vol.18, N°8, p. 129-137, août. 1964.

118


Photographie de la séquence d’entrée réalisée par Kowa Soji (déc. 2021).

Photographie du sous bassement en pierre de taille (hall du concierge), photographie source web.

Photographie du hall aux étages (ouvertures de la salle de bains sur les espaces communs, et béton gratté), photographie source web.

Photographie de la porte d’un logement en bois massif , photographie source web.

119


Photographie d’un hall d’étage (éclairé par la terrasse extérieure) qui revêt une moquette grise, photographie source web.

Photographie d’un hall d’étage qui revêt une moquette rose, photographie source web.

Photographie d’un hall d’étage qui revêt une moquette bleue, photographie source web.

Photographie d’un hall d’étage qui revêt une moquette verte, photographie source web.

120


ANNEXE D.2 - Les plans des espaces communs

Coupes détaillées du restaurant. Archives privées de la société Kowa Shoji.

Dessins détaillés de l’escalier de secours extérieur. Archives privées de la société Kowa Shoji.

121


ANNEXE E.1.1 - Les plans des typologies impairs (1,3,5)

122


Plans des typologies impairs, Villa Bianca. Extraite de la brochure commerciale Villa Bianca, 1963.

123


ANNEXE E.1.1 - Les plans des typologies pairs (2,4,6)

124


Plans des typologies pairs, Villa Bianca. Extraite de la brochure commerciale Villa Bianca, 1963.

125


ANNEXE E.2 - Photographies des appartements

Photographie du meuble de cuisine recouvert d’ions (ainsi que la cloison de verre en pavé de verre). Photographie extraite des carnets de s u i v i d e c h a n t i e r. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

Photographie de nuit de l’opération (chaque cube de verre ressemble à une lanterne). Photographie extraite des carnets de suivi de chantier. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

Photographie des façades entièrement mobile. Photographie extraite des carnets de s u i v i d e c h a n t i e r. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

126


Photographie intérieure (révélant en détails les le mobilier, les revêtent et l e s t i s s u s ) , « V i l l a B i a n c a » , K i n d a i Kenchiku , Vol.18, N°8, p. 129-137, août. 1964.

Photographie de la salle de bain. Photographie extraite des carnets de s u i v i d e c h a n t i e r. Archives privés de la société KOWA SHOJI.

127


ANNEXE F.1 - Influences (photographies)

La cité radieuse de Le Corbusier, Marseille (1952). Photographie de l’auteur (août 2020).

Komazawa Olympic Park General Sports Ground de Yoshinobu Ashihara, Tokyo (1964). Photographie source web.

Banquette Tokyo de Charlotte Perriand (1953), photographie source web.

128


ANNEXE G.1 - Frise chronologique

Frise chronologique réalisé par l’auteur (mai 2021).

129


RETRANSCRIPTION DU CHAPITRE « IMMEUBLE-VILLAS », VERS UNE ARCHITECTURE, LE CORBUSIER

« Grand immeuble locatif. Les dessins ci-après montrent l'agencement d'un groupe de cent villas superposées sur cinq hauteurs, villas à deux étages possédant chacune son jardin. Une organisation hôtelière gère les services communs de l'immeuble et apporte la solution à la crise des domestiques (crise qui est à ses débuts et est un fait social inéluctable). La technicité moderne appliquée à une entreprise aussi importante remplace la fatigue humaine par la machine et l'organisation : l'eau chaude, le chauffage central, la réfrigération, le vacuum, stérilisation de l'eau, etc. Les domestiques ne sont plus forcément attachés à un ménage; ils viennent ici, comme à l'usine, faire leurs huit heures et un personnel alerte est à la disposition jour et nuit. Le ravitaillement en denrées crues ou cuites est fait par un service d'achat qui conduit à la qualité et l'économie. Une vaste cuisine alimente volonté les villas ou un restaurant commun. Chaque villa comporte une salle de sport, mais sur le toit se trouve une grande salle commune de sport et une piste de 300 mètres. Sur le toit, encore une salle de fêtes à la disposition des habitants. L'entrée habituelle étriquée de la maison avec la fatidique loge de concierge est remplacée par un vaste hall; un laquais y reçoit jour et nuit les visiteurs et les canalise dans les ascenseurs. Dans la grande cour ouverte, sur le toit des garages sous-terrains, des tennis. Des arbres, des fleurs tout autour de la cour, et tout autour de la rue dans les jardins des villas. A tous les étages, des lierres et des fleurs dans les jardins suspendus. Le « Standart » prend ici ses droits. Les villas représentent le type d'un aménagement rationnel et sage, dénué de toute emphase, mais suffisant et pratique. Par le système de location-vente, les vieux systèmes caducs de propriété n'existent plus. On ne paie pas de location; on possède un capital action qu'on libère en vingt ans et dont l'intérêt représente un loyer infime. La série plus que partout ailleurs s'impose dans l'entreprise du grand immeuble locatif : bon marché. Et l'esprit de série apporte des bienfaits multiples et inespérés dans une période de crise sociale : économie domestique. »159

Le Corbusier, Vers une architecture

Le CORBUSIER, Vers une architecture, Flammarion, « Champs arts », Paris, 1923 (réédition de 2016), p.206 - 208, 253p. 159

130


RETRANSCRIPTION DE L’ENTRETIEN AVEC ISHIDA TAKUYA, PAR L’INTERMÉDIAIRE DE SON FILS, ISHIDA ZACHARY, LE 01 MAI 2021

Pouvez vous commencer par une brève présentation de vous même, ainsi qu’une présentation de votre société Kowa Shoji (les projets que mène la société actuellement, FAN OUT, etc.). IT : Je m'appelle Takuya Ishida, je suis né à Tokyo en 1952 et j'ai déménagé en Californie, aux États-Unis, en 1972. Pendant mon séjour aux États-Unis, j'ai obtenu mon diplôme à l'université Chapman et j'ai créé de nombreuses entreprises. Certaines de ces entreprises étaient liées au vitrail, à l'immobilier, à Fan Out (fabrication de produits), à l'import/export, etc. En 2008, mon père, Kanzo Ishida, est décédé et je suis devenu président du conseil d'administration de Kowa Shoji Co, Ltd.

Mise à part la Villa Series, quel autres projets architecturaux la société a t'elle menée ? IT : Après la Seconde Guerre mondiale, mon père a commencé à acheter du bois et à construire de petites maisons à Tokyo. Dans les années 1950, il a commencé à construire des maisons sur mesure. C'est ainsi qu'il a débuté avant de construire la série Villa.

Aux États-Unis, je dirigeais une filiale, Kowa US, qui construisait des maisons sur mesure et des bâtiments commerciaux en Californie du Sud. Les maisons sur mesure que nous avons construites se trouvaient dans la communauté de Ritz Cove (Dana Point, Californie) et au Marbella Country Club (San Juan Capistrano, Californie). L'une des maisons que nous avons construites à Marbella Country Club a été utilisée par mon père comme résidence privée aux États-Unis.

Y a t’il espoir qu’un jour, la société Kowa Shoji, poursuive la Villa Series ? (ou d’autres projets architecturaux).

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IT : Malheureusement, je suis la seule personne de l'entreprise à avoir une expérience dans la construction, et je ne poursuis pas actuellement d'autres projets.

Pouvez vous m’en dire plus sur l’origine des noms ? Tout d’abord l’appellation « Villa », suivi de leur noms : Bianca, Moderna, Serena, Fresca..ect. Était ce un effet de style, une référence à l’Italie, ou était ce plus profond que cela ? IT : Vers 1958, mon père a voyagé en Europe et a passé la plupart de ses quatre mois en France, en Italie et en Espagne. Il est tombé amoureux du design italien ; des meubles aux voitures en passant par les bâtiments, il a tout aimé. À partir de là, il a donné à tous ses bâtiments des noms italiens.

À quel point votre père s’est immiscé dans la conception des Villas ? Notamment sur la première, la Villa Bianca, pouvez vous m’en dire plus sur le rôle qu’il jouait ? IT : Mon père n'était ni architecte ni designer, mais il était très impliqué dans la conception des bâtiments et des structures. Il avait l'habitude de me dire que beaucoup de gens s'extasiaient sur le design de la Villa Bianca, mais qu'il était surtout fier du temps qu'il passait à s'assurer que nos bâtiments étaient structurellement solides pour résister aux forts tremblements de terre au Japon.

Votre père, Kanzo Ishida, a collaboré avec des architectes moderne japonais reconnus, comme l’atelier de Junzo Sakakura, et Sachio Ōtani. On comprend l’attrait qu’avait votre père pour cette nouvelle tendance architecturale de l’époque. Entretenait-il des relations professionnelles / amicales avec d’autres architectes modernes japonais (ou occidentales) ? (Tange Kenzo, Maekawa Kunio …?) IT : Oui, il entretenait une profession et des relations privées avec tous les architectes avec lesquels il travaillait. Un architecte notable qui était ami avec mon père et avec lequel il voulait collaborer, mais qui n'en a pas eu l'occasion, était Yoshio Taniguchi (architecte du Musée d'art moderne de New York).

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Mon père aimait voyager dans le monde entier pour observer l'architecture moderne. L'un de ses architectes préférés était Frank Llyod Wright.

Avait-il visité des projets architecturaux moderne emblématique ? -

Dans l’interview consacré à votre père dans le périodique Casa Brutus, de mai 2008, celui-ci parle d’un voyage à la recherche de références pour réaliser la première Villa, il y indique avoir emmener son meilleur architecte de l’époque, Eiji Hotta. Savez vous quel pays Hotta et votre père ont ils visités ? Quels bâtiments / oeuvres / architectes les ont interpellés ? IT : Je n'avais que 6 ans à l'époque, mais je crois savoir qu'il a emmené Hotta avec lui en Italie, en Espagne et en France en 1958.

Eiji Hotta réalisera la Maison I en 1967, après la Villa Bianca (1964) pour votre père. Aussi, il est mention dans les revues d’architecture japonaises de l’époque, d’une collaboration entre Junzo Sakakura et Eiji Hotta dans la conception de la Villa Rosa (1969), ne figurant plus sur votre site internet aujourd’hui. Pouvez vous m’en dire plus sur cette collaboration ? Eiji Hotta a t’il collaboré avec Junzo Sakakura avant la mort de celui-ci en 1969 ? IT : Après avoir acheté le terrain pour Villa Rosa, mon père s'est vite rendu compte qu'il ne pouvait pas construire ce qu'il avait imaginé pour Villa Rosa en raison de la taille du terrain. En fin de compte, mon père n'était pas fier de la Villa Rosa et ne l'a jamais mentionnée comme l'un de nos bâtiments.

Comment s’est terminé la collaboration entre Eiji Hotta et votre père ? IT : Malheureusement, j'étais trop jeune et je ne sais pas exactement pourquoi leur relation professionnelle a pris fin.

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Toujours dans l’interview de votre père pour la revue Casa Brutus, il est mention du rachat de la Villa Bianca par l’homme d’affaire Hideki Yokoi, cette information est elle vraie ? IT : Le plan initial de mon père était de vendre toutes les unités de Villa Bianca. Au début de la vente, c'était tellement cher que peu de gens achetaient. Lorsque des acteurs et des chanteurs célèbres ont commencé à acheter des unités, la Villa Bianca est devenue extrêmement populaire. Mon père a vite compris à quel point son immeuble était spécial et a décidé de garder 1/4 de l'immeuble et de les louer. Nous sommes toujours propriétaires d'un quart de la Villa Bianca à ce jour.

En ce qui concerne Hideki Yokoi, personne n'a acheté l'immeuble en entier, mais il a pu posséder une ou plusieurs unités et nous avons toujours été le propriétaire majoritaire.

La Villa Bianca est menacée de destruction, est il toujours prévu de la démolir (si oui, quand ?) ? IT : Nous sommes actuellement en pourparlers pour une reconstruction en raison de l'âge des bâtiments, mais nous cherchons activement des moyens de rénover et non de reconstruire. La Villa Bianca occupe une place très spéciale dans nos cœurs et nous aimerions qu'elle reste telle quelle pour toujours.

Y’a t’il un risque qu’elle ne soit jamais reconstruite ? Si elle doit être reconstruite, le sera t’elle à l’identique ? À Tokyo ? IT : Si elle est reconstruite, il sera impossible de reproduire la Villa Bianca originale. Elle sera à l'emplacement actuel et deviendra un gratte-ciel. Si la reconstruction est inévitable, nous veillerons à ce que la nouvelle Villa Bianca conserve son âme autant que possible d'un point de vue architectural et économique.

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On sent une véritable passion de la part de votre entreprise pour l’artisanat. Aujourd’hui avec le magazine FAN OUT, hier dans la conception des Villas. Savez vous quel types d’artisans, d’artisanat ont étaient sollicité dans la Villa Bianca ? IT : Mon père a engagé les meilleurs artisans pour tout construire, de la structure du bâtiment jusqu'aux éléments de cuisine. Il était très strict sur les personnes qu'il engageait et ne voulait que le meilleur.

Tous les logements de la Villa Bianca étaient équipés de nos cuisines personnalisées et même d'un broyeur d'ordures, qui n'avait jamais été utilisé au Japon. Nous ne savons toujours pas comment il a obtenu les broyeurs d'ordures.

Différents témoignages cite la Villa Bianca pour son sous sol et son fameux Pithecanthropus erectus, également connu sous le nom de « Pithecan » en 1982, puis le CLUB D en 1986. Est ce vrai ? Quand est il des sous-sols aujourd’hui ? IT : Je ne suis pas sûr pour le CLUB D, mais Pithecan était notre locataire. Le sous-sol est actuellement occupé par un restaurant mexicain, Fonda De La Madrugada.

Avez vous des anecdotes, que votre père vous aurez raconté à propos de la conception de la Villa Bianca ? IT : Ma famille vivait à l'endroit où la Villa Bianca a été construite. Un jour, nous avons déménagé dans une maison que mon père a construite à Shibuya (à environ 30 minutes de la Villa Bianca). De là, mon père a démoli la maison, a acheté des parcelles adjacentes et a construit la Villa Bianca. Quand j'étais petit, je savais que mon père rentrait à la maison avec des bottes de chantier et je lui ai demandé pourquoi il les portait. Il m'a répondu qu'il vérifiait le béton. Plus tard, j'ai découvert qu'il s'assurait que personne ne le trompait sur la résistance et la quantité de béton utilisé. Mon père était sur le site tous les jours pour vérifier la construction. Le Japon n'exige pas d'inspections à

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chaque étape de la construction comme c'est le cas aux États-Unis, alors mon père est devenu l’inspecteur.

Mon père avait une grande relation avec tous les architectes avec lesquels il travaillait, en particulier Sakata Seizo de Sakakura Associates. Il était l'architecte en charge de tous nos projets, à l'exception de la Villa Bianca. En 1974, mon père a emmené Sakata Seizo en France, en Italie et en Espagne pour montrer sa gratitude et explorer toute l'architecture. J'ai été emmené comme traducteur. Même si M. Sakakura était le fondateur, mon père avait une relation beaucoup plus étroite avec Sakata Seizo. En 1999, il est devenu président de Sakakura Associates.

Contrairement aux relations de mon père avec les architectes, tous nos bâtiments avaient une entreprise de construction différente. Mon père était si strict que chaque entreprise abandonnait en cours de route et ne voulait plus jamais traiter avec lui. Ceci étant dit, comme mon père construisait de si bons bâtiments, de nombreuses entreprises de construction voulaient avoir la chance de construire un bâtiment de la série Villa, même avec une réputation notoirement difficile. Lorsque mon père construisait la Villa Moderna, il pensait que l'inflation allait arriver au Japon et que le coût des matériaux de construction allait augmenter. Pour cette raison, il a payé les coûts de construction à l'avance et a demandé à l'entreprise de construction d'acheter tous les matériaux à l’avance. Malheureusement, l'entreprise de construction n'a pas écouté et le choc pétrolier de 1972 a fait exploser les prix des matériaux de construction. L'entreprise est venue voir mon père pour lui demander plus d'argent, mais mon père a refusé en disant qu'ils auraient dû l'écouter. Mon père était un grand homme d'affaires, mais il était très strict dans ses relations.

Mon père aimait la Villa Bianca et notre famille a fini par y vivre une fois la construction terminée. De nombreuses personnes célèbres ont vécu à la Villa Bianca et, en tant que jeune garçon, c'était incroyable de vivre dans le même immeuble qu'eux. Certains jours, en rentrant de l'école, je ne pouvais même pas atteindre l'ascenseur à cause des nombreux fans qui attendaient le célèbre musicien Saigoh Teruhiko. La Villa Bianca est rapidement devenue la résidence des riches et des célèbres. 136


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