1997_Accomplir l’Europe par l’éducation et la formation

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* • * ÉDUCATION FORMATION JEUNESSE

Groupe de réflexion sur l'éducation et la formation

Rapport Accomplir l'Europe par l'éducation et la formation

COMMISSION EUROPÉENNE



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EDUCATION FORMATION JEUNESSE

Groupe de réflexion sur l'éducation et la formation

Rapport Accomplir l'Europe par l'éducation et la formation

COMMISSION EUROPÉENNE


De nombreuses autres informations sur l'Union européenne sont disponibles sur Internet via le serveur Europa (http://europa.eu.int). Une fiche bibliographique figure à la fin de l'ouvrage. Luxembourg: Office des publications officielles des Communautés européennes, 1997 ISBN 92-827-9494-6 © CECA-CE-CEEA, Bruxelles · Luxembourg, 1997 Reproduction autorisée, sauf à des fins commerciales, moyennant mention de la source Printed in Italy


Groupe de réflexion sur l'éducation et la formation

Jean Louis REIFFERS President du Groupe de réflexion sur l'éducation et la formation

Madame Edith CRESSON Membre de la Commission, Madame la Commissaire, J'ai l'honneur de vous transmettre ce rapport sur l'éducation et la formation en Europe au nom des membres du Groupe de réflexion sur l'éducation et la formation que vous avez mis en place le 21 septembre 1995. Grâce à la bienveillance de la Direction générale XXII — Education, Formation, Jeunesse — et à l'aide constante du Secrétariat qu'elle a mis à notre disposition, nous avons pu développer nos idées et mener nos débats dans la plus grande indépendance. Chaque membre du Groupe a eu à coeur de respecter la règle du jeu que nous nous sommes fixée, a savoir, développer ses appréciations à partir de ses opinions personnelles, indépendamment de toute appartenance nationale, professionnelle ou culturelle. Cette règle du jeu nous a permis d'envisager plusieurs facettes de l'éducation et de la formation et nous a conduit à une conclusion qui oriente tout ce rapport: l'Union européenne doit proposer, en étroite relation avec les Etats membres, un «rêve européen» à sa jeunesse et s'appuyer sur l'éducation et la formation pour ce faire. Les membres du groupe de réflexion vous remercient, par mon intermédiaire, de la confiance que vous leur avez accordée.

Jean-Louis REIFFERS



Table des matières

Préface Liste des noms et des fonctions des membres du Groupe de réflexion RÉSUMÉ ET RECOMMANDATIONS Construire la citoyenneté européenne par l'éducation et la formation Renforcer la compétitivité européenne et préserver l'emploi par l'éducation et la formation Maintenir la cohésion sociale par l'éducation et la formation Utiliser pleinement les possibilités offertes par les technologies de l'information Dynamiser les systèmes d'éducation et de formation tout en consolidant les acteurs Quelles orientations d'action pour l'Union européenne?

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RAPPORT DU GROUPE DE RÉFLEXION SUR L'ÉDUCATION ET LA FORMATION I.

INTRODUCTION C'est maintenant que tout se joue Trois nécessités majeures pour une stratégie éducative Construire un héritage Des voies différentes pour un but commun

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II.

CONSTRUIRE LA CITOYENNETÉ EUROPÉENNE PAR L'ÉDUCATION ET LA FORMATION La citoyenneté européenne: une idée originale mais embryonnaire La nécessité d'aller au-delà des formes et des règles Une question centrale: les relations entre les genres Quelles orientations d'action pour l'Europe?

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RENFORCER LA COMPETITIVITE EUROPEENNE ET PRESERVER L'EMPLOI PAR L'ÉDUCATION ET LA FORMATION Les contraintes de compétitivité Une obligation à généraliser: la qualité Mener à la qualification ou filtrer les meilleurs cerveaux déductifs? Un nouveau mariage entre l'acquisition de savoirs et le développement de comportements Maîtriser davantage l'incertitude liée au fonctionnement du marché du travail Sortir par le haut en organisant le cercle vertueux de l'innovation Orientations d'action pour l'Europe Le rapport entre formation générale et formation professionnelle La définition et la comparabilité des compétences acquises Les nouveaux profils professionnels

IV.

V

MAINTENIR LA COHESION SOCIALE PAR L'EDUCATION ET LA FORMATION L'impératif de cohésion sociale Consolider l'acquis Une démocratisation à renforcer Aller vers plus de souplesse et d'adaptabilité Mettre en place de nouveaux moyens d'intégration L'importance centrale de l'éducation de l'enfant au plus jeune âge L'orientation Le traitement spécifique des exclus L'éducation tout au long de la vie Orientations d'action pour l'Europe Un socle de connaissances de base indispensables à la fin de la scolarité obligatoire pour tous les jeunes Européens Faciliter l'orientation Développer des expériences de soutien ciblées UTILISER PLEINEMENT LES POSSIBILITÉS OFFERTES PAR LES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION Vers une nouvelle approche de l'éducation et de la formation Pour une démarche pro-active de l'éducation et de la formation vis-à-vis des NTI Mise en oeuvre politique

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VI.

DYNAMISER LES SYSTÈMES D'ÉDUCATION ET DE FORMATION TOUT EN CONSOLIDANT LES ACTEURS Une problématique complexe Comment améliorer le fonctionnement des systèmes éducatifs et de formation? Orienter davantage les systèmes éducatifs et de formation vers les utilisateurs Augmenter la productivité et développer l'efficacité Réhabiliter la fonction enseignante et de formateur et la fonction de chef d'établissement Développer à grande échelle l'évaluation Ouvrir davantage l'éducation et la formation à toutes les formes de coopération Quelles orientations d'action pour l'Union européenne?

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ANNEXE STATISTIQUE

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ANNEXE SUR LA COMPARAISON DES SYSTÈMES D'ÉDUCATION ET DE FORMATION

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Rapport du groupe de réflexion sur l'éducation et la formation

Préface L'éducation et la formation sont au coeur des débats sur l'avenir de nos sociétés et sur la construction européenne. Pour l'avenir de la construction européenne elle-même, au moment des décisions qui vont être prises au sein de la conférence intergouvernementale, le rapprochement de l'Europe et du citoyen a été posé comme axe central. Les centaines de manifestations, d'actions, d'activités conduites en 1996 dans le cadre de l'Année européenne de l'éducation et de la formation tout au long de la vie ont démontré que l'accès aux actions et activités éducatives pour tous constituait un levier essentiel pour construire cette Europe du citoyen. Consciente de ces enjeux, la Commission a lancé un débat de fond sur les orientations à mettre en oeuvre par son Livre blanc «Enseigner et apprendre: vers la société cognitive», qu'elle a adopté en novembre 1995. Pour approfondir les axes ouverts par le Livre blanc et aller plus loin en termes d'analyse des différentes dimensions concernées par les politiques d'éducation et de formation, la Commission a mis en place en juillet 1995 un Groupe de réflexion sur l'éducation et la formation. Ce Groupe a été constitué de 25 experts de haut niveau choisis par la Commission sur la base de leur expérience et de leur autorité scientifique et/ou politique dans le domaine. Ces experts de haut niveau représentaient les différentes parties prenantes concernées: entreprises, syndicats, écoles, organismes de formation professionnelle et d'adultes, universités... Ce Groupe par nature était composé d'experts indépendants. La Commission a voulu que les quinze pays de la Communauté soient représentés dans le Groupe, sans bien entendu que les positions exprimées puissent l'être au nom


d'un Etat membre particulier puisqu'il s'agissait d'experts choisis par elle et non nommés par les autorités nationales.

Le mandat du Groupe a été établi de manière extrêmement large. Les travaux ont été orientés vers une finalité essentiellement prospective, l'objectif étant d'avoir le débat le plus ouvert possible sur les évolutions à venir. En ce sens, il a été établi que les thèmes de travail du Groupe pouvaient être choisis à l'initiative du Groupe ou à la demande de la Commission. Ce choix a conduit, au démarrage des travaux, à identifier deux niveaux de fonctionnement du Groupe de réflexion: d'une part, il est intervenu dans une fonction réactive, essentiellement pour fournir les contributions des membres du Groupe lors de l'élaboration du Livre blanc précité et du lancement de l'Année européenne; d'autre part, il a établi et développé ses propres réflexions sur la base des thèmes qu'il s'est lui-même définis.

Le présent rapport est ainsi le résultat des réflexions et contributions du Groupe sur ce second niveau. Sur la base des thèmes que les membres ont défini en commun et qui structurent le plan de ce rapport, les membres du Groupe ont apporté différentes contributions.

Ce rapport est issu d'un Groupe d'experts indépendants que la Commission a réuni. Ce n'est pas un document officiel de la Commission. Celle-ci a organisé les travaux du Groupe, l'a assisté dans ses travaux par le fonctionnement d'un secrétariat du Groupe qui a soutenu les travaux des membres et du Président. Des représentants de la DG XXII. et notamment le Directeur général et les Directeurs, sont intervenus dans les débats et ont apporté leur contribution

La Commission, dans la perspective du débat large et ouvert qu'elle a souhaité, apporte son appui pour la publication et souhaite une diffusion large du résultat des débats du Groupe que synthétise ce rapport. Elle considère qu'il s'agit d'une contribution majeure et d'une haute ambition intellectuelle pour nourrir les réflexions des différents acteurs.

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Liste des noms et des fonctions des membres du Groupe de réflexion

Président Prof. Jean-Louis REIFFERS Professeur, doyen honoraire de la Faculté des Sciences économiques de l'Université de la Méditerranée Président du Groupe de réflexion Vice-Présidents Prof. Roberto CARNEIRO Universidade Católica Portuguesa Prof. Ginevra CONTI-ODORISIO Università di Roma 3 (Histoire des doctrines politiques) Università LUISS (Histoire de la question féminine) Prof. John COOLAHAN Saint Patrick's College University of Maynooth Dr. David MARSDEN Reader in Industrial Relations London School of Economics Prof. Martin TWARDY Wirtschafts- und Sozialwissenschaftliche Fakultät der Universität zu Köln Membres Prof. Giuseppe AIROLDI Prorettore, Università «L. Bocconi» Prof. Dr3 Maria Teresa AMBROSIO Professeur de l'Universidade Nova de Lisboa

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M. Wenceslas BAUDRILLART Ancien Conseiller social du Premier Ministre Responsable des Ressources humaines Cnairman Dr. Erhard BUSEK Former Vice-Chancellor and Federal Minister Institute for the Danube Region and Central Europe Prof. Oriol HOMS Sociologue Directeur de la Fondation CIREM Dr. Ian JOHNSTON CB Deputy Principal, Sheffield Hallam university Ms. Helene LUND Deputy Mayor Vice-Chair of Commission 6 (Committee of the Regions) Prof. Beatriz MUÑOZ-SECA Instituto de Estudios Superiores de la Empresa, Universidad de Navarra Prof. Britta NAUMANN GEW-Hauptvorstand Prof. Nicos D. POLYDORIDES University of Patras - URSA-NET Prof. Paul QUINTAS The Open University School of Management Prof. Aino SALLINEN Rector of the University of Jyväskylä Dr. Walter SCHUSSER Vice-President, SIEMENS AG M. Claude THELOT Directeur de l'Evaluation et de la Prospective Ministère de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur, et de la Recherche

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M. Henri THYES Membre du Comité de Direction à la Banque du Luxembourg s.a.

Ms. Kerstin THOURSIE Assistant Under-Secretary Swedish Ministry of Education and Science

Les membres du Groupe se sont exprimés à titre individuel. Le rapport reflète le consensus majoritaire établi au sein du Groupe, mais pas nécessairement une opinion unanime sur tous les aspects. Concernant le chapitre VI sur les systèmes d'éducation et de formation, le Groupe aurait souhaité aller plus loin dans ses analyses. Il n'a pu le faire dans le cadre des travaux de cette première année et pense nécessaire de prolonger les analyses et discussions, notamment sur la base des données descriptives annexées au rapport.

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Rapport du groupe de réflexion sur l'éducation et la formation «Accomplir l'Europe par l'éducation et la formation»

Resumé et recommandations Pour que l'Europe continue sa marche en avant, il est nécessaire qu'elle complète ses progrès économiques et politiques en offrant un «rêve européen» à sa jeunesse. C'est vers ce dessin qui rassemble que doivent se mobiliser les forces de l'éducation et de la formation. Il y a urgence à le faire au moment où une population européenne stable, au sein de laquelle les jeunes Européens occuperont une place quantitativement de plus en plus réduite, sera en rapport avec une population mondiale qui doublera presque en l'espace d'une génération. Il y a urgence aussi à mobiliser les forces de l'éducation et de la formation pour les adultes qui ont un faible niveau d'éducation et qui devront renouveler leurs compétences personnelles tout au long de leur vie. Il y a urgence, enfin, à permettre une meilleure adaptation aux nouvelles conditions de travail et à la diffusion de la société cognitive. C'est aujourd'hui que se définissent les places dans le système mondial. Un sentiment d'incertitude correspond à ces bouleversements qui fait parfois penser que la compréhension de l'homme dans sa totalité est en recul. Néanmoins, le Groupe de réflexion considère que la technologie et la concurrence internationale présentent des opportunités qui peuvent être saisies. Malgré leurs différences d'origine les participants au Groupe de réflexion se sont accordés sur trois nécessités majeures que doivent prendre en compte les systèmes éducatifs et de formation en Europe: (i) la nécessité de renforcer la compétitivité européenne en matière économique, technologique et d'innovations scientifiques et organisationnelles; (ii) la nécessité de prendre conscience de la dangerosité de la situation actuelle, des tensions sociales qu'elle occasionne, des phénomènes d'exclusion qui se manifestent dans l'école dès

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le plus jeune âge; (¡ii) la nécessité de progresser tout en respectant les fondements de l'action éducative et de formation qui a une ambition qui va au-delà d'une perspective utilitariste. C'est donc en construisant sur l'héritage accumulé depuis des siècles et en consolidant les trois finalités primordiales de l'éducation et de la formation que cette longue maturation a faites émerger, à savoir, le développement de l'autonomie des personnes, le maintien de leurs possibilités de s'insérer socialement, l'augmentation de leurs capacités professionnelles, que nos systèmes éducatifs et de formation pourront le mieux satisfaire à ces nécessités. Pour proposer un «rêve européen» à sa jeunesse, l'Europe doit faire un pas de plus dans le domaine de l'éducation et de la formation. Si plusieurs voies sont possibles pour donner un contenu à ce rêve, les objectifs à atteindre doivent être partagés en commun. Le Groupe de réflexion considère que les changements dans les systèmes d'éducation et de formation devraient viser quatre objectifs à satisfaire significativement d'ici l'an 2000. Ce sont: (i) construire la citoyenneté européenne; (ii) renforcer la compétitivité européenne pour préserver l'emploi; (iii) maintenir la cohésion sociale en Europe; (iv) utiliser pleinement les possibilités offertes par la société de l'information. Pour aborder plus spécialement la question de la mise en oeuvre de ces changements, le Groupe de réflexion s'est penché sur les conditions de fonctionnement des systèmes éducatifs et de formation et sur les acteurs qui en ont la charge, en particulier, les enseignants et les responsables des établissements d'enseignement.

«Construire la citoyenneté européenne par l'éducation et la formation» La citoyenneté européenne est avant tout une idée humaniste qui est de construire une grande Europe caractérisée par des différences culturelles, des conceptions économiques différentes, des réalités naturelles différentes mais unie par le sentiment d'apparten r à une civilisation commune. C'est à partir d'une culture démocratique partagée que l'Europe se construira et que les Européens se reconnaîtront comme ses citoyens. Ils ne se sentiront pas citoyens de l'Europe parce qu'ils adhèrent à une culture commune, ou du fait d'une appartenance particulière, ils se sentiront citoyens de l'Europe, parce qu'ils se fabriqueront eux-mêmes citoyens de l'Europe à partir des nouvelles relations qu'ils sauront établir entre eux. C'est la première composante du «rêve européen» à proposer à la jeunesse.

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Pour qu'elle devienne une idée qui rassemble, la citoyenneté européenne doit être réelle et non pas formelle. Cela implique d'aller au-delà des principes et des règles. La citoyenneté est une notion plurielle: (i) elle est une idée normative et, à ce titre, est liée au concept de société civile et à sa défense morale et idéologique; (ii) elle est une pratique sociale et évolue par un processus dynamique au cours duquel le sentiment d'appartenance se construit à partir des différences, de la communication avec les autres, des conflits et des compromis négociés, des dessins communs; (iii) elle est une pratique relationnelle entre les individus au travers de l'Etat, des collectivités locales, des associations. Le système éducatif a un rôle à jouer dans la promotion d'une citoyenneté active. Il peut le jouer à partir des institutions formelles, mais aussi à partir des communautés ou des grands médias. Dans plusieurs Etats membres existe une éducation à la citoyenneté qui prend différents noms, poursuit des objectifs différents, avec des durées différentes et pour des âges et des groupes différents. Un progrés est donc nécessaire si l'on veut développer dans la jeunesse le sentiment d'être citoyenne de l'Europe. De ce point de vue, la question des relations entre les genres est significative du chemin à parcourir dans les relations hommes-femmes, mais également dans les relations interculturelles. L'histoire de la longue conquête des droits de la femme montre bien l'effort qu'il faut faire pour apprendre à relativiser des valeurs considérées comme universelles sans tomber dans la vacuité morale. Elle montre aussi qu'un droit officiel, chèrement acquis, peut être contrarié par de nombreuses formes de discriminations implicites fondées sur des différenciations apparemment flatteuses, mais qui conduisent dans les faits à cantonner les individus considérés dans des responsabilités limitées et bien spécifiées. C'est pour lutter contre ces dérives que l'Europe doit promouvoir une éducation et une formation qui permettent de détruire toute ¡mage stéréotypée des êtres humains. Parmi les dimensions principales de ce programme d'éducation à la citoyenneté, il a été retenu: (i) la reconnaissance de la dignité et de la centralité de la personne humaine; (ii) la citoyenneté sociale, les droits et devoirs sociaux, le combat contre l'exclusion; (iii) la citoyenneté paritaire, c'est-à-dire le rejet des préjugés discriminatoires de genres ou ethniques, la compréhension de la valeur de l'égalité; (iv) la citoyenneté ¡nterculturelle, à savoir la valeur de la diversité et de l'ouverture au monde pluriel; (v) la citoyenneté écologique. L'action que devrait mener l'Europe, en liaison étroite avec les Etats membres, au travers de l'éducation et de la formation pour consolider la citoyenneté européenne concerne trois domaines principaux: (i) l'affirmation et

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la transmission des valeurs communes qui constituent le socle de sa civilisation; (ii) l'aide à l'élaboration et à la diffusion de méthodes, notamment pédagogiques, qui permettront à la jeunesse européenne d'exercer davantage sa fonction citoyenne; (iii) l'identification et la diffusion des meilleures pratiques, le lancement de projets expérimentaux permettant de mettre en oeuvre de façon concrète, d'acquérir et de faire évoluer les composantes de la citoyenneté européenne. Les valeurs communes de la civilisation européenne sur lesquelles le Groupe de réflexion s'est accordé sont les suivantes: •

les droits de l'homme / la dignité humaine

les libertés fondamentales

la légitimité démocratique

la paix et le rejet de la violence comme moyen ou méthode

le respect des autres

la solidarité humaine (à l'intérieur de l'Europe et vis-à-vis du monde dans son ensemble)

le développement équitable

l'égalité des chances

les principes du raisonnement rationnel: l'éthique de l'évidence et de la preuve

la préservation de l'écosystème

la responsabilité individuelle.

Des coopérations nouvelles doivent être développées pour leur enseignement. La voie à suivre n'est pas une augmentation des heures d'instruction civique aboutissant à des substitutions de cours ou à des horaires alourdis, voire à la formation de professeurs spécialisés. Elle est la tâche de tous les enseignants. Pour cela il pourrait être envisagé:


d'étudier et d'approfondir des faits particulièrement significatifs [key facts) de discrimination citoyenne, en particulier ceux qui concernent la question des genres et des relations interethniques,

de promouvoir la recherche universitaire sur ces thèmes,

• de mettre en valeur l'héritage commun européen dans les arts et les sciences, • de présenter dans les enseignements d'histoire, de sciences sociales ou de littérature des analyses des conflits sociaux, politiques et ethniques essentiels qui aboutissent à la violence en Europe centrale et périphérique. Sur le plan de la méthode, c'est une pédagogie de la citoyenneté qui doit être développée. Il convient d'encourager toutes les pédagogies actives qui s'appuient sur le sens critique, l'autonomie du raisonnement et le travail en groupe. Il convient aussi de développer l'avancée actuelle la plus significative qui est réalisée par «la pédagogie de la frontière» [«border pedagogy»). Cette pédagogie qui est fondée sur une stratégie d'apprentissage de la culture de l'autre permet de porter un regard critique sur la façon dont les images, les représentations et les textes sont construits ainsi que sur leur message caché. Elle permet aussi d'apprendre à identifier et à négocier ses frontières, celles des autres, les frontières extérieures. Apprécier la différence comme une opportunité positive doit devenir une des compétences fondamentales des Européens. Pour aller dans cette direction il serait souhaitable: • d'améliorer les compétences linguistiques et la connaissance des différentes cultures, •

de moderniser les curricula et l'enseignement de l'histoire et de la géographie, notamment en opérant une sorte de désarmement du contenu inspiré par une vision souvent nationale des guerres et des conflits,

de soutenir les styles démocratiques de gouvernement des établissements,

• d'investir dans la formation des enseignants et des chefs d'établissement et de favoriser leur mobilité en Europe. Sur le plan des expériences à diffuser ou à impulser au niveau européen il convient de s'intéresser à l'école interculturelle. L'Europe doit se donner les moyens de pouvoir développer des expériences exemplaires, en liaison avec les Etats membres, d'interculturalité à l'école. L'école ¡nterculturelle existe déjà mais de façon empirique dans les lycées internationaux de prestige et dans les

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banlieues à forte concentration d'immigrés. Elle doit désormais être pensée, car l'interculturalité à l'école rassemble toute la problématique de la citoyenneté. Elle doit devenir un champ d'expérimentation pour préparer une généralisation qui s'imposera du fait des tendances démographiques.

«Renforcer la compétitivité européenne et préserver l'emploi par l'éducation et la formation» On sous-estime aujourd'hui les menaces qui pèsent sur la compétitivité européenne. Les systèmes d'éducation et de formation ne sont pas assez conscients des contraintes de compétitivité. Bien que ne pouvant être tenus pour responsables de la montée du chômage en Europe, ils ont une responsabilité centrale dans la diffusion de la connaissance et l'équipement des jeunes Européens en savoirs adéquats, en qualifications et attitudes qui permettront de relever ce défi La principale option valable à long terme pour permettre à l'Europe de survivre et de rester compétitive sur les marchés est d'avoir une forte capacité à la recherche de qualité et à l'innovation. C'est en s'adaptant aux caractères de l'entreprise de l'an 2000 que les systèmes d'éducation et de formation pourront contribuer à la compétitivité européenne et au maintien de l'emploi. C'est également par l'innovation et l'initiative personnelle que l'Europe pourra développer des emplois de services productifs et le travail indépendant. La démarche de qualité suppose une meilleure prise en compte du destinataire du service qui doit être replacé au centre des préoccupations. De ce point de vue, la direction est claire pour nos systèmes éducatifs et de formation. Ils doivent former aux métiers les plus demandés, donc être au courant de cette demande, considérer leur vitesse de renouvellement, donner les compétences clés transversales permettant d'en changer, augmenter le niveau de compréhension technologique, donner les bases de l'interculturalité qui permettra de se mouvoir dans un environnement international Cette obligation imposée par la concurrence internationale doit se faire en osmose avec les autres objectifs de l'éducation et de la formation, d'où les trois questions qu'il convient d'aborder: (i) comment la réalisation de la personne, qui est l'objectif suprême de l'éducation, va pouvoir se développer dans un contexte de recherche de qualité de la ressource humaine au sens où l'entendent les entreprises, (ii) comment mettre en oeuvre des moyens qui permettent de faire coïncider acquisition de savoirs et acquisition de comportements, (¡ii) comment réduire l'incertitude qui règne sur le marché du travail, ou à tout le moins comment se couvrir contre ce risque?

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L'évolution qui doit permettre de répondre à ces questions suppose une modification conjointe des pratiques du système d'éducation et de formation et des entreprises. Il est nécessaire d'abord, que les uns et les autres fassent moins confiance au filtrage des meilleurs cerveaux par des procédures de sélection centralement orientées vers les capacités déductives. Il faut aussi trouver les moyens d'organiser la pédagogie et les accréditations de façon que l'acquisition de savoirs et l'acquisition de comportements aillent de pair. De ce point de vue, le développement de pédagogies de groupe, de projets, visant à développer les «pouvoirs faire collectifs» paraissent à généraliser. Il convient, enfin, que chacun soit mieux à même d'exercer sa responsabilité dans ses choix éducatifs et de formation et que les entreprises améliorent leurs capacités de gestion prévisionnelle des emplois. L'innovation permet une sortie par le haut car elle est intrinsèquement créatrice de valeur. L'enjeu pour les systèmes éducatifs et de formation est de développer les capacités des individus à résoudre des problèmes, ce qui est une capacité très différente que celle que l'on manifeste en appliquant des algorithmes ou toute autre forme de pensée préconstruite. La capacité à résoudre des problèmes est aujourd'hui la capacité déterminante pour que l'individu s'adapte au monde mouvant actuel, de même que pour favoriser le développement des entreprises. Elle développe l'apprentissage de l'organisation, l'enrichit de nouvelles compétences et permet l'accumulation d'une base de connaissances spécifique qui devient un facteur décisif de compétitivité et de renouvellement. Deux conséquences sont à tirer pour nos systèmes d'éducation et de formation: (i) pour placer l'Europe correctement dans la société cognitive à venir, Ils devront former davantage de personnes créatives capables de résoudre des problèmes, (¡i) pour que ces personnes acquièrent ces compétences nouvelles, ils devront eux-mêmes devenir des organismes qui privilégient la qualité et l'innovation. Pour aller dans cette direction, le Groupe de réflexion recommande que l'Europe contribue à améliorer: (i) le rapport entre la formation générale et la formation professionnelle, (ii) la définition et la comparabilité des compétences acquises, (iii) la définition et l'acquisition des nouveaux «profils professionnels». Pour améliorer, en premier lieu, les rapports entre formation générale et professionnelle, le principe général suivant devrait être retenu: «aucune formation générale ne peut se dispenser de préparer à une compétence professionnelle, aucune formation professionnelle ne peut se dispenser de consolider les compétences de base que donne l'enseignement général».

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L'application de ce principe aboutit à faire les recommandations suivantes sur la pédagogie et les curricula: • jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire, les compétences de base doivent être acquises dans le système d'enseignement général, •

la pédagogie doit limiter l'application du modèle déductif abstrait à quelques domaines où il paraît indispensable et l'Europe doit promouvoir les meilleures pratiques pédagogiques permettant de progresser dans la résolution de problèmes,

un effort important doit être fait pour développer les méthodes d'apprentissage du travail en groupe et améliorer la validation de ce travail,

l'interdisciplinarité doit être développée dans l'enseignement secondaire et l'université,

• des compétences techniques simples devraient pouvoir être acquises dans tous les niveaux de l'enseignement général à partir du secondaire. En matière d'organisation l'application de ce principe conduit à recommander: • d'impliquer fortement l'entreprise dans la formation professionnelle parce qu'elle la fait mieux, •

de stimuler une culture de formation et d'apprentissage dans l'entreprise,

que l'école et les enseignants se centrent sur leur métier qui est la qualité de la formation générale, ce qui implique que l'école accepte que l'entreprise y pénètre d'une façon ou d'une autre pour effectuer la formation professionnelle ou, au moins y participer,

que les entreprises et les institutions éducatives coopèrent étroitement sur les filières générales comme sur les filières professionnelles. Dans un système de coopération idéal, «les enseignants ont en charge les enseignements de culture générale dans les formations générales organisées par l'école et les enseignements de culture générale dans les formations professionnelles organisées par ¡es entreprises» de même, «les tuteurs d'entreprises et autres formateurs-ingénieurs ont en charge les enseignements professionnels des formations générales de l'école et ceux des formations professionnelles de l'entreprise»,

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que soit donnée l'opportunité d'un passage du jeune en entreprise et dans une situation de travail et que ce passage permette ultérieurement de retrouver un parcours universitaire.

En second lieu, pour définir et rendre comparables les compétences acquises, ce qui est une nécessité à la fois pour faciliter la mobilité des personnes en Europe, pour l'évaluation des systèmes de formation et pour l'auto-apprentissage et la formation tout au long de la vie, il est recommandé que l'Europe, sans chercher à établir une réglementation uniforme et statique, contribue à: • définir des grilles de compétences, •

mettre en place de nouvelles modalités d'accréditation pour ces compétences,

rende ces systèmes d'accréditation largement et fréquemment disponibles,

permettre une vérification simple, en temps continu (par Internet par exemple), des progrès accomplis Individuellement dans l'acquisition d'un certain nombre de compétences,

• développer par le biais d'examens où interviennent les partenaires sociaux, la reconnaissance des qualifications professionnelles, • encourager le passage à des enseignements modulaires de durée voisine en Europe au moins dans l'enseignement supérieur. En troisième lieu, pour déterminer les nouveaux «profils professionnels», le Groupe de réflexion considère que l'Europe pourrait contribuer, sans bien entendu viser à établir une réglementation uniforme, à: •

identifier dans les principaux secteurs les nouveaux types d'entreprises qui caractériseront l'économie européenne dans les dix prochaines années,

• définir une gamme limitée en nombre de métiers génériques de base qui ne se référeraient pas nécessairement aux classifications industrielles standard, •

faire évoluer en les rapprochant les classifications de métiers retenues actuellement,

préciser les nouveaux «profils professionnels» demandés dans l'avenir,

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définir pour ces «profils professionnels» les compétences à développer avant l'entrée dans l'entreprise et durant la vie active.

«Maintenir la cohésion sociale par l'éducation et la formation» Pour aller de l'avant, l'Europe a besoin de mobiliser tout son potentiel humain: jeunes mais aussi adultes qui ont besoin de se former. Elle doit prendre garde à ne pas sacrifier l'idée de développer les talents et les qualifications de l'ensemble de sa population aux exigences du court terme. Il n'y aura pas d'adhésion de long terme au nouveau modèle technologique et marchand qui se met en place s'il est vécu comme socialement injuste. Pour cela l'Europe doit à la fois consolider ses acqjis qui sont considérables et mettre en place de nouveaux moyens d'intégration. L'acquis est la volonté des nations européennes de faire en sorte que l'enseignement soit démocratique, donc facilement accessible au plus grand nombre. C'est aussi, pour la plupart, d'avoir donné mission aux systèmes d'éducation et de formation d'offrir une «égalité des chances» à chacun et à chacune. Ces principes qui ont été affirmés dans tous les pays sont au coeur du contrat social que nos sociétés ont passé avec leur école et avec leur système de formation. Ils donnent leur légitimité aux élites et rendent acceptables une position sociale moins avantageuse. Un dysfonctionnement grave et permanent à ce niveau serait sans conteste un frein considérable au développement de l'Europe, y compris sur le plan économique. La démocratisation de l'éducation et de la formation a été remarquable en Europe et partout la scolarisation s'est élevée. En revanche, l'égalité des chances a eu beaucoup plus de difficultés à devenir une réalité. Depuis trente ans, on observe peu d'atténuation du rôle de l'origine sociale dans la réussite scolaire et universitaire. Plus grave, il y a aujourd'hui un grand gaspillage qui se reflète dans le niveau élevé d'échec scolaire [drop out) et d'aliénation que l'on Impute aux systèmes existants. . Pour prendre en compte ces phénomènes, le Groupe de réflexion pense que nos systèmes d'éducation et de formation devront faire preuve de plus de souplesse et d'adaptabilité. Il faudra pour cela approfondir le principe démocratique dominant qui stipule «que chaque enfant, indépendamment de ses capacités innées ou de ses conditions de vie familiale ou sociale, a droit à l'accès à la connaissance universelle en matière d'éducation» pour permettre de tenir compte de l'écart croissant entre les conditions initiales et les réparer.

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Dans cette perspective, les membres du Groupe de réflexion se sont accordés sur les points suivants: (i) l'objectif d'offrir un niveau d'enseignement général au plus grand nombre doit être conservé; (ii) lorsque les conditions le permettent, il faut que l'école puisse continuer à jouer son rôle de creuset social, donc que les enfants de milieux défavorisés puissent suivre la même formation que les autres; (¡ii) mais lorsque le résultat est insuffisant, une plus grande souplesse doit être envisagée, soit à partir de méthodes pédagogiques spécifiques, soit à partir de filières spécifiques, soit en reconsidérant la question des redoublements; (iv) lorsque, malgré cela, le résultat n'est pas encore suffisant, il ne faut pas hésiter à envisager des dispositifs spécifiques renforcés qui permettent eux aussi de retrouver un cycle normal ultérieurement. Le Groupe de réflexion affirme qu'une démocratisation réelle de l'enseignement passe par la garantie donnée à tout jeune Européen de disposer d'un socle de compétences de base reconnues à la fin de la scolarité obligatoire. Améliorer la démocratisation de l'enseignement et favoriser l'égalité des chances implique de mettre en place de nouveaux moyens d'intégration. Les points sensibles concernent: (i) l'éducation préscolaire qui doit être généralisée; (ii) l'orientation qui doit permettre aux jeunes de définir un projet professionnel et de bénéficier de conseils aux périodes cruciales, c'est-à-dire à la fin de la scolarité obligatoire et à l'entrée à l'université, quitte à le remettre en suite en cause; (iii) le traitement spécifique des exclus qui sont aujourd'hui dans une situation particulièrement préoccupante parce que dépourvus de formation qualifiante; (iv) l'éducation tout au long de la vie qui fera prendre conscience que l'éducation est un processus continu donc intégrateur des différents apports de l'éducation et de la formation à des âges donnés. Dans la perspective qui vient d'être développée, l'Europe peut avoir trois champs d'action privilégiés: •

elle peut contribuer à donner une garantie au niveau européen sur l'acquisition par tout jeune Européen du socle de compétences de base indispensables, ce qui implique: que les comités de programme nationaux soient réunis pour définir la nature et le contenu de ce socle; (ii) que des systèmes d'accréditation des compétences ouverts soient largement disponibles; (iii) la diffusion des meilleures pratiques pédagogiques et l'encouragement à la fabrication de manuels et d'outils multimédias pour son acquisition,

• elle peut contribuer à faciliter l'orientation et le conseil aux moments critiques, notamment par la mise à disposition et le transfert auprès des

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établissements des compétences génériques et des nouveaux profils professionnels ainsi que des actions diverses d'information, •

elle peut développer des expériences qui visent le soutien préscolaire, la lutte contre l'exclusion, les populariser et contribuer à les généraliser, notamment sur des formes de soutien préscolaire et primaire hors école, des systèmes informels d'éducation tout au long de la vie (notamment les réseaux d'échanges de savoirs et les universités populaires), et des dispositifs de deuxième chance, adaptés aux contextes locaux et nationaux, à destination des jeunes exclus sortis de la scolarité sans diplômes et en situation d'exclusion pour les réintégrer dans des processus d'apprentissage indispensables dans le contexte de la société cognitive.

L'Europe doit pouvoir utiliser ses grands programmes, en particulier Leonardo da Vinci et Socrates, pour mener des expériences spécifiques, charge aux Etats membres de choisir de les généraliser ou pas. Ces expériences pourraient viser à tenter de diffuser les bonnes pratiques, en particulier dans l'éducation préscolaire, le primaire et dans la lutte contre l'exclusion. Un équilibre doit être trouvé dans la répartition des moyens pour développer la fonction d'expérimentation sur des projets porteurs, avec un seuil significatif de moyens (environ un quart), et la fonction de diffusion des résultats et de transfert de bonnes pratiques (environ trois quarts). Le projet, en effet, a pour particularité de concentrer plusieurs problématiques en même temps et de voir comment il est possible de les articuler. En outre, l'évaluation d'un projet donne plus d'enseignements que l'évaluation d'un programme trop segmenté qui prend le plus souvent une forme administrative.

«Utiliser pleinement les possibilités offertes par les technologies de l'information» Le fantastique développement des nouvelles technologies de l'information (NTI) va donc sans nul doute mener à un profond bouleversement de l'éducation et de la formation. Certains parlent même d'un nouveau paradigme qui bouleverserait le processus éducatif, les méthodes, la place des acteurs, voire le concept d'éducation lui-même. Parmi les changements potentiels identifiés, il faut donc noter (i) le passage d'un savoir objectif à un savoir construit; (ii) le passage d'une société industrielle à une société cognitive; (iii) la transformation de la mission éducative d'instruction à la mission de donner les méthodes de l'apprentissage personnel; (iv) le rôle croissant, et peut-être demain dominant, d'un processus de communication et d'acquisition de la connaissance au travers d'une technologie; (v) le passage des modèles formels d'écoles et d'universités, à des structures encore indéterminées.

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Le Groupe de réflexion pense que ces évolutions seront sans doute plus lentes que ne le laissent supposer certaines hypothèses actuelles. Les innovations technologiques ne se transforment en innovation sociale qu'au rythme de l'évolution forcément plus lent des capacités d'assimilation des organisations et des individus. L'enjeu est néanmoins considérable pour les systèmes éducatifs et de formation. Nombreux sont ceux, aujourd'hui, qui pensent que le temps de l'éducation hors l'école est venu et que la libération du processus éducatif rendu ainsi possible aboutira à un contrôle par des offreurs d'éducation plus innovants que les structures traditionnelles. Il reste que les mondes de l'éducation et de la formation doivent absolument se saisir de la considérable opportunité offerte par ces nouvelles technologies. Non seulement en les utilisant, mais en participant à leur évolution. Le Groupe de réflexion pense qu'elles constituent un moyen d'enseigner mieux: (i) en débarrassant l'enseignant de nombreuses tâches qui lui permettront de développer les aspects amont de son enseignement, en particulier de mieux se concentrer sur les approfondissements méthodologiques; (ii) en améliorant la pédagogie, par exemple en élargissant l'accès aux données et à la simulation multimédia, et en introduisant une évaluation objective immédiatement restituée à l'apprenant; (iii) en favorisant le travail personnel et le travail en groupe; (¡v) en poussant le monde de l'éducation à s'ouvrir sur la collectivité, à revoir sa relation aux élèves, à participer à la formation tout au long de la vie. Dans le cadre de l'enseignement et de la formation officielle, les NTI devraient être considérées comme complémentaires des méthodes traditionnelles d'éducation. Même dans l'enseignement post-obligatoire elles ne seront que rarement utiles par elles-mêmes. Il faudra toujours aider les jeunes à en faire un bon usage. La résistance à leur utilisation dans l'enseignement public provient probablement de facteurs sociaux et des contraintes des budgets d'équipement. La résistance naturelle de l'enseignement public traditionnel devra être dépassée par l'utilisation de méthodes combinant l'encouragement, l'affirmation d'objectifs, l'orientation vers l'utilisateur et la concurrence, notamment celle du secteur privé. Il serait également nécessaire de créer au niveau national ou européen, un concurrent virtuel public de l'enseignement traditionnel, tel qu'une école ou une université virtuelle. En particulier au niveau d'étude où la compétitivité du secteur privée n'est pas appropriée ou seulement disponible pour les milieux favorisés. Puisque les NTI - en tant qu'outil et moyen et non comme un objet en soi seront de plus en plus intégrées dans la vie scolaire normale, il est nécessaire de modifier les comportements et d'acquérir les équipements indispensables dans les écoles et les universités. Il faudra aussi promouvoir l'utilisation des technologies de pointe au sein des familles, de façon à éviter que les jeunes

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ne soient trop déconcertés par un enseignement moins humain. Parallèlement, il faudra être vigilant sur la qualité et sur la nature des résultats obtenus. De ce point de vue, la création d'un système d'accréditation des compétences au niveau européen sera un moyen important de vérifier les compétences acquises grâce aux NTI. La question de savoir s'il y a un besoin ou un «espace» pour le développement en Europe de logiciels éducatifs pour les âges compris entre 3 et 21 ans et disponibles pour tous les âges, est désormais une question qui doit être examinée de façon urgente. Enfin, pour l'Europe, l'enjeu est également important. On peut douter que notre continent tienne la place industrielle qui lui revient sur ce nouveau marché si nos systèmes éducatifs et de formation ne suivent pas rapidement. Le développement de ces technologies, dans un contexte de forte concurrence internationale, nécessite que les effets d'échelle puissent jouer à plein. Si le monde de l'éducation et de la formation ne les utilisent pas, le marché européen deviendra trop tard un marché de masse, et l'évolution attendue de l'éducation et de la formation sera réalisée par d'autres. Le développement de l'usage des NTI dans l'éducation et la formation nécessite des actions sur plusieurs plans que les politiques incitatives mises en place à cet effet doivent s'efforcer de combiner. Le rapport du Groupe de réflexion identifie une quinzaine d'axes politiques possibles qui visent à répondre à trois problèmes principaux: •

le développement des équipements nécessaires à tous les niveaux, notamment au niveau des établissements éducatifs eux-mêmes, et la multiplication des réseaux entre ces établissements et les différents lieux ressources tels que les bibliothèques publiques,

le développement de l'usage des NTI par les enseignants et les formateurs eux-mêmes, ce qui nécessite des processus progressifs de familiarisation, de formations et d'adaptation des outils multimédias,

les innovations nécessaires tant dans le processus d'apprentissage que dans la validation des compétences pour accréditer les compétences acquises de manière informelle.

«Dynamiser les systèmes d'éducation et de formation tout en consolidant les acteurs» Le Groupe de réflexion considère qu'une évolution permettant la mise en oeuvre par nos systèmes éducatifs et de formation des suggestions présen-

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tées dans les chapitres précédents, passe par cinq nécessités: (i) orienter davantage les systèmes éducatifs et de formation vers les utilisateurs; (ii) augmenter la productivité et développer l'efficacité; (iii) réhabiliter la fonction enseignante et celle de chef d'établissement; (iv) évaluer, à la fois pour permettre par effet de miroir une réorganisation, et aux utilisateurs de faire leur choix; (v) s'ouvrir encore davantage à toutes les coopérations. Pour satisfaire à ces nécessités qui seront brièvement développées cidessous, il est souhaitable d'utiliser la large gamme de recherches effectuées ces dernières années sur l'efficacité de l'école, le développement de la scolarité, les modes d'enseignement et de formation, les actions en faveur des désavantagés, en faisant en sorte que les responsables politiques soient informés de leurs résultats. La diffusion de ces recherches, cumulée avec l'expérience, devrait permettre de choisir les meilleures stratégies pour mettre en oeuvre les changements nécessaires. Le Groupe de réflexion considère que le cadre formel général importe moins que la vision qu'il convient de faire partager et la mise en place d'une organisation assez souple pour y conduire. La vision générale et l'objectif à faire partager est que l'école «permette à la fois de donner la possibilité de se réaliser personnellement, d'atteindre les plus hauts niveaux éducatifs requis par la nouvelle donne compétitive et les moyens à tous de s'insérer dans la société». Les évolutions modernes impliquent de s'intéresser davantage aux deux bouts de la chaîne qui sont les plus directement concernés par les évolutions modernes: (i) ceux qui seront confrontés dans la compétition internationale (hautes ou plus basses qualifications spécialisées) à leurs homologues des autres régions du monde; (ii) ceux qui seront exclus de la société cognitive parce qu'ils n'auront pas les moyens de s'y insérer. Cela ne veut évidemment pas dire que les autres ne méritent pas que l'on s'y Intéresse. Cela veut dire, par contre, qu'un effort particulier doit être fait sur ces deux extrêmes. Cependant quel que soit le mode d'organisation et les processus de décisions adoptés dans les différents systèmes éducatifs de l'Union européenne, les objectifs doivent être clairement partagés au niveau européen pour dire à notre jeunesse ce que nous ambitionnons pour elle. Il n'y a aucune raison pour que les coûts de production, les prix relatifs des produits, les monnaies, les revenus, aient convergé de façon aussi spectaculaire ces vingt dernières années, alors que les cibles éducatives à différents âges, les pédagogies, les curriculum, l'évaluation des acquis l'aient fait aussi peu. Des initiatives européennes d'envergure sont ici nécessaires si nous voulons donner un contenu au rêve européen. Il est notamment important qu'aux âges critiques (fin de la scolarité obligatoire, fin du lycée, fin de chaque cycle universitaire) l'Europe soit

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capable de préciser les objectifs qu'elle cherche à atteindre et de permettre à chaque jeune Européen d'apprécier, sa situation personnelle, et la performance de l'institution dans laquelle il se trouve vis-à-vis de ces objectifs. C'est à la fois le moyen de tourner davantage nos établissements vers l'utilisateur et de faire de celui-ci un citoyen de l'Europe. La productivité et l'efficacité d'un centre d'enseignement et de formation sont des notions difficiles à saisir. Et tout système de mesure est par définition imparfait lorsqu'il s'applique à l'institution elle-même. Malgré ces difficultés, le Groupe de réflexion considère que les efforts déployés ces dernières années pour mettre en place des critères de productivité doivent être poursuivis. Cette évolution implique que l'on soutienne la recherche européenne sur les procédures d'évaluation et la définition de critères de performance. L'Europe doit contribuer à aider à la mise en place de ces critères: (i) en les liant aux priorités clairement affichées qui découleraient d'une recherche de qualité; (ii) en se centrant sur le seul élément de performance incontestable, c'est-à-dire «sur ce que les élèves ou les personnes qui suivent des cycles de formation ont réellement appris et sur les conséquences de ces acquis sur leur vie sociale et professionnelle». C'est ainsi que les systèmes d'éducation et de formation se tourneront davantage vers les utilisateurs. Les enseignants ont un rôle primordial parce que, dans nos sociétés, ils sont les seuls producteurs d'un service qui ait un caractère multidimensionnel aussi prononcé. Toutes les évolutions récentes montrent que ce service devient encore plus complet dans la mesure où il incorpore de plus en plus de dimensions sociales, comportementales, citoyennes, économiques et technologiques. Il s'agit d'un service de moins en moins réductible à un domaine disciplinaire et, à cela, les enseignants ne sont normalement pas formés. C'est donc par la formation que le Groupe de réflexion considère que la réhabilitation de la fonction enseignante pourra être réalisée. On ne fera pas évoluer les systèmes éducatifs sans la participation active des acteurs de base. Ce sont les pratiques de ces acteurs dans les unités de base, en particulier les établissements, qui modifieront le fonctionnement de nos systèmes. Il faut donc donner des outils à ces acteurs pour qu'ils puissent exercer leur autonomie et trouver un bon équilibre entre incitations, voire pressions et soutien au niveau des établissements. De ce premier point de vue, l'évaluation est indispensable, car elle donne les éléments d'information qui, par «effet de miroir», poussent à la remise en cause. L'évaluation a une deuxième fonction également importante, Si elle est publique, suffisamment lisible et sûre, elle permet d'appréhender la nature de l'offre d'éducation et de formation. Cette plus grande transparence est nécessaire pour que les utilisateurs sachent ce qu'ils auront lorsqu'ils choisissent une filière, un

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établissement, un cycle de formation. Une bonne évaluation améliorera donc sensiblement la productivité moyenne des systèmes éducatifs et de formation, pourvu que l'apprenant puisse librement exercer son choix. C'est dans cet esprit que le Groupe de réflexion recommande de retenir l'idée de «valeur ajoutée» comme un des fils conducteur possibles des procédures d'évaluation. La valeur ajoutée d'un établissement ou d'un cycle de formation est ce qui est apporté, dans un environnement donné, à celui qui s'y trouve, par rapport au moment où il y est entré. Plusieurs Etats membres ont mis en oeuvre des évaluations semblables et une extension au niveau de l'Union européenne permettrait d'introduire une dimension comparative. Cette notion relative est importante, notamment pour permettre aux enseignants de modifier leurs pratiques et aux pouvoirs publics de mieux mesurer les conséquences de l'affectation des fonds publics. Nos systèmes éducatifs et de formation doivent développer toutes sortes de partenariats avec les autres acteurs de la société. Cela a été dit à propos des relations entre l'éducation et l'économie. Sans un partenariat poussé avec les entreprises, la formation professionnelle ne peut pas se développer de façon satisfaisante. C'est également vrai lorsque l'on considère la cohésion sociale où deviennent déterminants les partenariats avec les collectivités locales et les mouvements associatifs. Il conviendrait aussi: •

de développer la formation des enseignants en identifiant les meilleures expériences et en les généralisant,

de mettre en place un programme spécifique d'échanges et de formation à destination des chefs d'établissements,

d'encourager les pratiques innovantes et d'apprentissage dans les établissements d'enseignement et les centres de formation,

de répertorier, étudier et diffuser les bonnes pratiques en matière de productivité et de recherche de qualité des établissements d'enseignement et les centres de formation,

• de développer des méthodes communes d'évaluation de l'éducation et de la formation à partir des expériences nationales, de façon à bénéficier d'une dimension comparative,

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d'étudier la possibilité d'un encadrement juridique et opérationnel au niveau européen permettant le développement des partenariats entre l'école, les entreprises, les collectivités locales, d'envisager la mise en place de sociétés de capital risque permettant le développement de produits pédagogiques innovants.

«Quelles orientations d'action pour l'Union européenne?» L'article 126 du Traité rend les possibilités d'action de l'Union européenne nécessairement limitées pour ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement des systèmes éducatifs et de formation qui sont clairement de la compétence stricte nationale. Le point de vue du Groupe de réflexion est que cela est un avantage car plusieurs voies sont souhaitables pour atteindre le même but. Par contre, aucune interprétation restrictive de la notion de subsidiante ne doit empêcher l'Europe d'affirmer hautement, à partir d'une réflexion menée par les Etats membres, et en collaboration avec eux, quels sont les grands objectifs communs assignés à nos systèmes éducatifs et de formation. L'Europe doit aussi contribuer par ses initiatives, ses expériences, à généraliser les meilleures pratiques et à impulser un mouvement dans la direction de la satisfaction des objectifs identifiés. Le point de vue du Groupe de réflexion est qu'elle doit le faire, en étroite liaison avec les Etats membres à une échelle plus importante qu'auparavant. Si l'on veut pouvoir concrétiser le rêve européen promis à la jeunesse et développer la formation tout au long de la vie, l'éducation et la formation doivent avoir une place plus grande dans les préoccupations européennes. Dans cette perspective les orientations d'action de l'Union qui concernent plus particulièrement les systèmes éducatifs et de formation pourraient être: •

d'affirmer la nécessité d'une école ¡nterculturelle pour transmettre les valeurs communes qui constituent le socle de la civilisation européenne et pour aider à élaborer et à diffuser les méthodes qui permettront à la jeunesse européenne d'exercer davantage sa fonction citoyenne,

de se fixer comme objectif l'acquisition d'un socle de connaissances de base indispensables à la fin de la scolarité obligatoire pour tous les jeunes Européens. La question de son contenu est ouverte mais devrait faire l'objet d'une réflexion conjointe de la part des différents Etats membres. Ainsi l'éducation et la formation pourraient-elles devenir des processus continus qui seraient la concrétisation de l'éducation tout au long de la vie,

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de promouvoir la définition et l'acquisition de nouveaux profils professionnels où les technologies de l'information devraient jouer un rôle central. La voie à suivre n'est pas de chercher à donner à nos systèmes d'éducation et de formation la tâche de viser des métiers précis dont les contenus sont fortement évolutifs, mais plutôt de s'intéresser aux éléments que certains groupes de métiers ont en commun, au système qui les coordonne, aux compétences-clés transversales qui y correspondent et aux moyens de les valider,

d'inscrire dans le Traité ou de lui donner un autre fondement juridique un objectif européen général qui puisse servir de guide pour les différents systèmes: par exemple, celui proposé dans ce rapport: «l'éducation et la formation en Europe donneront la possibilité à chacun et à chacune en Europe de se réaliser personnellement, d'atteindre les plus hauts niveaux éducatifs requis par l'environnement international et les moyens de s'insérer dans la société». L'objectif énoncé doit à la fois permettre de saisir: (i) que l'Europe veut rester compétitive; (ii) qu'elle ne se résout pas à avoir un pourcentage incompressible d'exclus; (iii) qu'elle veut promouvoir la réalisation de la personne et la formation de citoyens actifs,

de se donner les moyens financiers de l'atteindre: si l'on veut placer l'Europe dans les standards d'éducation les meilleurs du monde, il faut envisager de lui donner au minimum un point de PIB de ressources supplémentaires. Que ce soit dans les domaines de la formation initiale ou de la formation continue, ¡I est manifeste que les efforts à consentir dans chaque pays sont nécessaires et qu'ils sont financièrement significatifs.

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Groupe de réflexion sur l'éducation et la formation Rapport «Accomplir l'Europe par l'éducation et la formation»

Décembre 1996



I. Introduction

L'Europe est engagée de façon décisive dans un processus unique dans l'histoire: regrouper pacifiquement des nations sur un continent par la voie démocratique, alors que certaines d'entre elles ont plusieurs fols tenté de le faire par l'action militaire. Ce regroupement doit profiter à l'ensemble des peuples, et servir de référence dans la marche du progrès humain. La principale motivation ne peut plus être d'éviter les affrontements entre nations européennes. Ce stade doit être dépassé. De même, le conflit ne peut plus être considéré comme une réponse légitime à une menace extérieure. La recherche d'hégémonie pas davantage, en dépit des événements récents survenus en Bosnie ou ailleurs. C'est un processus endogène et volontaire qui créera à partir de «vieilles» nations qui ont des traditions politiques, sociales et culturelles bien établies, une Union qui doit être un exemple pour le monde. L'Europe a choisi de se construire d'abord par la voie économique. C'est ainsi qu'elle a pu avancer. La conférence intergouvernementale va la faire progresser sur la voie politique. Mais pour y parvenir ¡I lui faut aussi, et peut être surtout, consolider une identité sociale et humaine fondée sur la profondeur et la diversité de ses cultures. La construction commune de cette Union doit constituer une avancée qui profitera d'abord aux nations qui y participent. Non seulement elles n'y perdront rien, mais elles bénéficieront, au contraire, des progrès de chacune et du formidable élan auquel peut conduire un modèle démocratique et stable bâti par des entités qui ont depuis des siècles participé de façon majeure à l'évolution de la pensée humaine. C'est ce «rêve européen» que le Groupe de Réflexion sur l'Education et la Formation souhaite voir proposé à notre jeunesse. C'est lui qui a guidé ses réflexions sur l'éducation et la formation. Sans ce dessein qui rassemble, la discussion sur nos systèmes éducatifs et de formation est stérile. Trop d'intérêts contradictoires s'y rencontrent, et, le plus souvent, s'annulent. Au

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total, l'éducation et la formation deviennent enjeux de pouvoir au détriment de ceux qui la reçoivent, les enfants et les adultes qui se forment, de ceux qui en espèrent, les familles, de ceux qui l'utilisent, les entreprises, et de ceux qui la vivent, les enseignants et les formateurs

C'est maintenant que tout se joue 4. Les cinquante prochaines années seront décisives pour la place des peuples d'Europe dans le monde. Alors que la population européenne restera à peu près stable, autour de 370 millions d'habitants, sauf élargissement (mais l'élargissement se réalisera autour de pays à taux de croissance démographique faibles, à l'exception de la Turquie), la population mondiale sera proche du doublement pour se stabiliser ensuite à peu près définitivement. Elle passera, en effet, de 5,5 milliards, aujourd'hui, à environ 10 milliards, chiffre qu'elle ne dépassera plus jusqu'à la fin des siècles. Peu de gens ont conscience aujourd'hui de l'extraordinaire asymétrie que cette situation va créer dans l'espace d'une génération, et des attentes de toutes sortes auxquelles les populations européennes devront répondre. 5. Cette évolution des masses relatives s'accompagne de modifications profondes dans la composition des populations en présence. La jeunesse européenne se réduit continuellement (les jeunes de moins de 25 ans représentent aujourd'hui 32% de la population totale européenne) ' alors que dans nombre de pays qui côtoient l'Europe elle représente près des deux tiers de la population. Cette tendance devrait se confirmer dans les vingt années à venir: la coissance de la population pour le groupe d'âge 0-19 ans devrait diminuer dans des proportions importantes (allant jusqu'à 25% en Irlande) dans tous les pays de l'Union européenne à l'exception de la Suède, du Danemark et du Luxembourg. Ces 117 millions de jeunes de moins de 25 ans de l'Union Européenne sont le fruit des conditions nouvelles, en particulier sociales, qui se sont installées dans nos pays: recul de la famille paysanne traditionnelle, diffusion du confort et élévation du niveau culturel. Ces facteurs ont diminué l'attrait pour les familles nombreuses en même temps qu'ils ont permis la légitimation des sentiments qui permet une maturation affective plus grande, et conduit à la dislocation-recomposition des familles qui a l'effet inverse. Mais ce sont ces jeunes européens qui devront relever les défis à venir par leurs

Les Chlllres clés de l'Education dans l'Union européenne 95, graphique A1, Pourcentage des jeunes de moins de 25 ans, annexe n° 1.

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compétences, leur créativité, la richesse de leur pensée, leur cohésion, les facilités qu'ils auront de remettre en cause et d'actualiser leurs savoirs. Graphique A 1 . Pourcentage des jeunes de moins de 25 ans, 1973, 1983 et 1993. 50%

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Source: Les chillies clés de l'éducation aans l'Union européenne, édition 1995. Données: Eurostat WS: Allemagne, Portugal ¡e pourcentage de l'année 1973 tait l'objet d'une estimation Allemagne le pourcentage de l'année 1993 inclut les nouveaux Lander

6. Si ces jeunes européens doivent demeurer la cible privilégiée pour un progrès de nos systèmes éducatifs et de formation, il est important aussi d'offrir éducation et formation aux adultes qui ont reçu une faible éducation, qui n'ont pas eu la possibilité de réaliser leur plein potentiel ou qui ont le besoin d'ajuster leurs compétences personnelles et professionnelles aux changements tout au long de la vie. L'expérience de l'Open University, ainsi que les différents systèmes d'éducation des adultes existant en Allemagne, en France et dans les pays nordiques, montre que des individus aban­ donnés par le système éducatif conventionnel peuvent accomplir des standards élevés au niveau des premiers cycles universitaires et d'autres atteindre des standards de niveau plus élevé et de haute qualité. Nos systèmes d'éducation et de formation qui, jusqu'alors, ont eu comme cible privilégiée les jeunes européens, doivent conserver cette mission et s'ouvrir de manière nouvelle à toute la population pour satisfaire les besoins d'accès au savoir qui se développeront tout au long de la vie. 7. Cette asymétrie et ces conditions sociales nouvelles s'accompagnent d'un bouleversement technologique et d'une modification des règles du jeu mondial qui mettront plus directement en rapport la population européenne avec celle du reste du monde. La mondialisation et la diffusion des technologies de l'information qui rendent le monde synchrone, unifieront

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les désirs et déplaceront encore plus rapidement les activités (et probablement les populations). L'évolution des systèmes de travail et l'émergence d'une société cognitive définiront encore plus la place de chacun en fonction des compétences et des savoirs acquis toute la vie. La nature du travail lui-même changera ainsi que l'équilibre entre le travail, le loisir et la culture. Elles renforceront la responsabilité individuelle dans l'usage des ressources éducatives nouvelles qui seront ainsi développées. En même temps, se créeront sans doute, d'importantes tensions sociales autour de ces questions. Enfin, des pressions de plus en plus fortes s'exerceront sur l'environnement qui risquent d'amener à revoir profondément notre modèle de croissance, qui rendra celle-ci plus «soutenable». La façon dont nous saurons interpréter ces évolutions sera donc décisive pour une période qui va bien au-delà des cinquante prochaines années. Ayant choisi, à juste titre, une logique d'ouverture sur le monde, convaincue que l'augmentation du bien-être des peuples les plus démunis sera le meilleure gage de paix (en même temps que le facteur le plus puissant de stabilisation de la croissance démographique), l'Europe doit se poser de façon approfondie et décidée la question de savoir quel sera son apport à ce monde nouveau. Aujourd'hui, ce monde est incertain parce que le triomphe d'un mode particulier d'organisation de la vie matérialiste au niveau planétaire (le marché qui est par nature même un principe décentralisé d'allocation des ressources, dont le pendant politique est une démocratie aux formes variées et évolutives), et le développement d'un universalisme technologique et scientifique qui semble faire reculer à l'infini les limites de la raison humaine s'accompagnent, en même temps, d'un recul de la compréhension et de la réalisation de l'homme dans sa totalité. Il n'est cependant pas sûr qu'il faille regretter les visions unitaires de l'homme qui ont été à l'origine des plus sanglants affrontements que l'histoire ait connue. Le progrès technologique ouvre des perspectives considérables, y compris sur la qualité des modes de vie. Le système d'allocation des ressources retenu au niveau planétaire crée une émulation et une concurrence, qui ne doit pas tomber dans l'hystérie, et rend plus objectifs les rapports entre les peuples. En revanche, il est certain qu'il ne faut pas laisser se prolonger le manque de perspective humaine et sociale actuelle et redonner leur place aux aspects de l'homme, par exemple l'éthique, la culture, le souci et les respect des autres, qui vont au-delà de sa vie consommatrice, productrice ou marchande. Cette réflexion ne saurait, bien entendu, faire l'impasse sur la nécessité de rétablir la situation de l'emploi comme élément de confiance dans le progrès technologique.

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Le Groupe de réflexion pense que les orientations tracées pour les politiques éducatives et de formation constituent également une contribution aux travaux en cours à la fois pour améliorer la compétitivité et la situation de l'emploi, et pour renouveler la perspective sur ces questions de façon à leur conférer une dimension éthique plus importante.

Trois nécessités majeures pour une stratégie éducative 10. Malgré leur différence d'origine, nationale, professionnelle ou culturelle, les participants au Groupe de réflexion se sont accordés sur les trois nécessités suivantes: (i)

la nécessité absolue de renforcer la compétitivité européenne en matière économique, technologique et d'innovations scientifiques et organisationnelles. Nous devons garder en mémoire que la concurrence commerciale entre pays et régions du monde n'est pas un jeu à somme nulle, dans lequel ¡I n'y aurait que des gagnants et des perdants. Les échanges commerciaux apportent des gains mutuels à tous. Mais, nous devons armer davantage nos populations pour qu'elles réalisent tout leur potentiel dans le monde global qui se met en place. Cela passe à l'évidence par une bonne formation de base, des pédagogies adaptées aux nouveaux comportements et aux nouvelles technologies indispensables dans l'activité professionnelle, des institutions d'éducation et de formation capables d'apprendre et d'évoluer. Les nouvelles technologies ouvrent des perspectives Importantes, y compris dans le monde de l'éducation et de la formation, à condition que nous participions à leur évolution, que le plus grand nombre puisse en disposer et soit capable de les utiliser. De ce point de vue, les membres du Groupe de réflexion ont souligné le retard d'adaptation de nos systèmes éducatifs et de formation, le manque de généralisation des avancées technologiques dans les écoles et la pédagogie, l'insuffisante prise en compte des enseignants et la lenteur du développement de la formation tout au long de la vie. Sans un effort conséquent dans cette direction qui devrait permettre de réduire le chômage des jeunes qui a augmenté dans la quasi totalité des pays européens depuis le milieu des années 1980, l'Europe aura des difficultés croissantes à maintenir sa place et à conserver son modèle social;

(ii)

la nécessité d'apprécier les difficultés de la situation actuelle. Celle-ci se caractérise par une crise des institutions traditionnelles des

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sociétés, en particulier de la famille et de l'Etat. Ces changements s'accompagnent de tensions sociales qui peuvent être plus intenses dans le cas des Etats où le caractère poly-ethnique s'accentue. Ces transformations conduisent aussi à une remise en cause des modèles d'autorité et de pouvoir, à la perte des repères sociaux et à un Individualisme non contrebalancé par des obligations sociales. A cela s'ajoute, la mobilité des cultures et la croissance des interfaces qui permettent les contacts, les limites atteintes par la première génération des mécanismes multilatéraux, le fondamentalisme ethnique et religieux, la pauvreté relative de certaines populations, la marginalité, l'exclusion. Tous ces phénomènes sont aujourd'hui ressentis dans l'école traditionnelle dès le plus jeune âge. Dans de nombreux cas elle a du suppléer une défaillance des institutions traditionnelles. Mais, aujourd'hui, l'ampleur de ces défaillances, cumulée avec la massification de l'enseignement, rend sa tâche d'une difficulté sans précédent; (ili) la nécessité de respecter les fondements de l'action éducative qui vise une ambition qui va au-delà d'une perspective utilitariste. Le monde de l'éducation est un creuset social qui éduque et forme des personnes à partir du savoir et des interprétations d'autres personnes et les aide à se réal ser. Cette conception, dans la perspective de la société cognitive, peut être étendue à tous les actes éducatifs en dehors de l'école. Ceux-ci constituent des moments privilégiés, à la fols d'accès à une connaissance et à un savoir, et de positionnement dans les rapports avec les autres et avec la société. Lorsque la société elle même souffre d'un décalage entre sa technologie et sa culture, lorsqu'elle ne voit pas clair dans l'avenir, le monde de l'éducation qui en est le miroir est désemparé. Y appliquer alors des transformations brutales sans adhésion de ses acteurs conduit irrémédiablement à un échec. Prendre en compte les possibilités de mise en oeuvre des évolutions nécessaires a été considéré par le Groupe de réflexion comme une exigence incontournable. 11. La perspective retenue est donc plus systémique et optimiste que normative. Elle revient à penser que les désordres actuels sont annonciateurs d'un ordre nouveau que la société européenne atteindra par réorganisation (ou auto-organisation), pourvu qu'elle soit capable de se mettre d'accord sur un certain nombre de finalités essentielles de l'éducation et de la formation, de développer la communication interculturelle en son sein, de convaincre les acteurs, et de lever les blocages et la rigidité de systèmes conçus pour éduquer et former dans un autre contexte.

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Construire sur un héritage 12. Les nécessités du moment, l'urgence d'une amélioration des systèmes éducatifs et de formation, l'obligation d'augmenter la prise de conscience Individuelle et de donner les moyens d'exercer ses responsabilités en matière d'acquisition et de renouvellement des savoirs, ne doivent pas faire perdre de vue les fondamentaux de l'éducation et de la formation. C'est en revenant aux fondamentaux qu'il est possible, à la fols de mesurer l'importance centrale pour l'Europe d'une avancée significative en matière d'éducation et de formation, et de dépasser les querelles qui se concentrent sur les systèmes. 13

La finalité première de l'éducation et de la formation doit être tournée vers la réalisation de la personne. Cela a été souligné depuis que la pensée philosophique existe. Il s'agit du premier élément de notre héritage européen. C'est bien ce que dit Aristote lorsqu'il affirme que l'éducation doit permettre l'accomplissement de ce pourquoi l'homme est fait et de révéler son véritable être.1 C'est aussi comme le disait Platon et plus tard, St Augustin et les rationalistes,2 pousser à faire l'effort nécessaire pour dépasser notre sensibilité et approcher la connaissance du vrai, c'est-à-dire l'essence des choses. C'est encore le moyen, comme le soulignait Erasme, de faire émerger dans chaque individu l'humanisme dont il est porteur.3

14. Cette idée initiale a conduit nos plus grands penseurs à prendre position, souvent de façon autoritaire. Ainsi, par exemple, dans un des documents fondateurs de l'éducation occidentale, «La République», Platon affirmait que le but principal de l'éducation était de promouvoir une société juste éclairée par les idéaux les plus élevés du Bien. Mais le Bien pour Platon n'était pas quelque chose que chaque Individu pouvait lui même décider à partir de ses choix personnels. Le Bien ne pouvait être apprécié qu'au travers des doctrines métaphysiques que Platon cherchait à associer dans une vérité définitive et universelle. Dès lors, c'était le philosophe lui même, dans toute sa puissance, qui définissait les règles destinées à être appliquées à la majorité. Aristote qui critiquait la métaphysique du Bien de Platon, a fourni lui même une métaphysique plus systématique qui voulait aboutir à une connaissance de l'être et des causes finales. Mais il Cl. Aristote -L'éthique à Nlcomaque» Platon .Il faut voir la vérité pour se conduire avec sagesse dans la vie privée el la vie publique» République VII 524d, St. Augustin: -Les mots ne nous apprennent que des mots; moins que cela, un son et un simple bruii de voix . C'est donc la connaissance des choses qui achève la connaissance des mots» De magistro. Trad F.V Thonnard éd. Desclée de Brouwwer, 1941, p. 99 Erasme: -De libero arbitrio diatribe»

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partageait avec Platon la conviction que le but de l'éducation était unique et qu'elle était au service des objectifs de l'Etat [polis) envisagé dans son ensemble. 15. Dans la période où les cultures et Institutions européennes furent généralement reconnues sous le nom de Christianisme (grossièrement pendant les mille ans entre 700 et 1700), les modèles métaphysiques de la philosophie grecque furent largement dépassés par la théologie chrétienne. Et l'éducation fut, pour l'essentiel, considérée à l'intérieur de frontières déterminées par l'Eglise et ses Intérêts. Même la remise en question de l'autorité de l'Eglise lors de la Réforme donna lieu, pendant un certain temps, a une augmentation de l'autorité de la religion chrétienne malgré les divisions survenues en son sein. L'héritage de la Chrétienté fut reconstitué, non pas à partir d'un effort de réconciliation, mais par des orthodoxies rivales et antagonistes qui cherchaient chacune à faire avancer sa sphère d'influence en s'assurant d'un contrôle minutieux sur la doctrine. Le contrôle sur l'éducation et de la formation fut également plus Important que cela avait été le cas pendant la période humaniste de la Renaissance. La scolarisation fut étendue à une plus grande partie de la population et une part importante des facteurs d'organisation interne de nos écoles modernes fut définie à cette époque. 16. En dépit de la tradition autoritaire et de la discipline rigoureuse par lesquelles se sont transmis les concepts et les Idéaux éducatifs des églises, de nombreuses valeurs et vertus se sont ainsi développées comme une part de l'héritage européen. Certains des Idéaux classiques et religieux de l'éducation européenne, qu'ils soient «savoirs» ou «croyances» ont véhiculé une conviction profonde, quoique pas toujours mise en pratique. C'est la conviction que les êtres humains ont une valeur incomparable, que leur vie, leurs relations sociales et leur développement spirituel peuvent être grandement enrichis par une éducation qui n'a pas de but plus élevé que de contribuer à cet enrichissement. Ils volent dans cet enrichissement les meilleurs moyens de conduire à l'originalité et à la créativité de la société. La vie et les travaux d'Erasme illustrent la portée de cette conviction. 17. Le XVIIème siècle vit la montée de l'approche scientifique moderne, spécialement assocée aux figures comme Galilée, Francis Bacon et Isaac Newton et aux nombreuses sociétés scientifiques et instituts qui commençaient à fleurir dans les principaux centres européens du savoir. Une des conséquences majeures de cette évolution fut que la théologie perdit son statut de science suprême et que les métaphysiques ne représentèrent plus la seule vérité.

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18. Le scepticisme méthodologique de penseurs comme René Descartes (1596-1650) et de David Hume (1711-1776) affaiblirent les conceptions autoritaires de l'éducation qui avaient été construites sur des fondations métaphysiques. De nombreux courants critiques de ce genre se développèrent pendant le siècle des Lumières. C'est dans les écrits de Rousseau et dans la critique majeure que fit Kant de ce que la raison humaine peut ou non permettre de réaliser que l'on trouve les idées les plus dérangeantes. 19. Les révolutions française et américaine furent très largement les fruits des politiques des Lumières et elles marquèrent la transition entre l'ère du Christianisme et celle de la modernité. Avec la généralisation d'un esprit scientifique et universel un pas décisif fut accompli. Désormais, la pensée doit supprimer les barrières artificielles qui avaient été placées entre l'homme et le reste de l'univers. Et, d'abord, celui-ci doit cesser de se considérer comme son centre. Il doit chercher la connaissance et c'est cette recherche qui sera l'aiguillon du développement de sa raison. Cet esprit accepte toutes les hypothèses, organise, classe, expérimente et théorise de la façon la plus générale possible. Il permet le développement de l'homme par l'exercice de sa raison et c'est l'accès au savoir et aux processus qui permettent de l'acquérir, de le consolider et de le transmettre, qui le font se réaliser. Ici l'éducation a une vocation fondamentale de transmission du savoir et de construction des méthodes permettant de le faire évoluer. 20. De plus, la pleine reconnaissance des arts et de toutes les activités culturelles se développera à peu près au même moment. On perçut le caractère permanent des créations artistiques, littéraires, musicales, véritables ponts entre des univers très différents. Ainsi en est-il, par exemple, de l'oeuvre de Mozart à l'époque du grand bouleversement que fut le siècle des Lumières. On reconnut aussi que ces activités étaient nécessaires à la créativité, en même temps qu'elles pouvaient être à l'origine de l'apparition de nouvelles valeurs, y compris économiques. Les conditions du développement de la personne furent alors généralement acceptées. Elles nécessitaient à la fols une raison, la maîtrise d'une démarche permettant l'accès à la connaissance, et une curiosité artistique et culturelle donnant recul et créativité, donc une véritable intelligence des choses. 21. C'est dans ce grand mouvement que l'on prit conscience de l'obligation de socialiser de façon massive par l'éducation. Ceci fut le résultat du développement des sciences sociales et de l'approfondissement des analyses des phénomènes sociaux généraux. Ce fut également le résultat

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de l'obligation de consolider les grands Etats-nations (souvent en guerre entre eux). Ce fut, enfin, la conséquence de la révolution industrielle qui nécessitait une main d'oeuvre nombreuse et bien formée. L'éducation devait alors être généralisée au plus grand nombre et fut considérée comme un bien public. Les systèmes éducatifs étaient nés. 22

A partir de ce moment la deuxième grande finalité de l'éducation apparut: la socialisation. C'est à Condorcet que l'on doit la volonté «de rendre la raison populaire». Cela impliquait pour lui une prise en charge par la puissance publique: «généreux amis de l'égalité, de la liberté, réunissez vous pour obtenir de la puissance publique une instruction qui rende la raison populaire».1 L'éducation doit s'adresser à l'ensemble du peuple, toutes classes et sexes confondus. Elle doit distinguer l'enseignement général de base, l'enseignement professionnel et la recherche. Par ailleurs, cette éducation ne concerne pas uniquement les enfants et doit être continue. C'est l'origine de la formation continue. Plus tard, cette exigence de socialisation par l'école fut encore accentuée et l'on attendit de l'éducation et de la formation qu'elles forment le citoyen de nos Etats-nations, qu'elles offrent l'égalité des chances en luttant contre la reproduction sociale, qu'elles permettent l'accès au savoir et l'accès à l'emploi,

23. Les systèmes nationaux d'éducation qui furent mis en place dans de nombreux pays européens pendant le XIXème siècle furent l'occasion de conflits permanents entre l'Etat et l'Eglise. Cependant, ceux qui se disputèrent le pouvoir sur les politiques nationales d'éducation, eurent rarement une attitude moins dirigiste que les autorités religieuses lors des siècles précédents. 24. Ce n'est qu'au début du XXème siècle que la vision des Lumières se manifesta réellement dans les systèmes nationaux d'éducation. Une des raisons importantes est que le XXème siècle fut le siècle où l'on prit conscience du besoin des enfants. Ces développements se firent à partir d'une tradition qui date de Rousseau au travers de Pestalozzi, Froebel et quelques autres, jusqu'à John Dewey La publication en 1900 de l'educatrice suédoise Ellen Key «Le siècle de l'enfant» s'inscrit dans la même lignée. Cette évolution a conduit à reconnaître deux principes aux multiples Implications: le premier est que l'élève ou l'apprenant doit être considéré comme un participant actif et responsable de son propre apprentissage, 1

Condorcet: «Cinq mémoires sur l'instruction publique» 1791.

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le second est que l'enseignant ou le formateur doit se comporter de façon que la participation de l'élève devienne progressivement plus fructueuse. Ce fut à ce moment que l'on reconnut véritablement que l'enfant ne doit pas seulement acquérir des compétences, des qualifications et des influences. Il doit aussi développer sa personnalité en s'engageant dans différentes activités qui doivent être articulées, pour chacun et chacune, en fonction de ses possibilités et de ses limitations. Cela implique aussi que les attitudes et les dispositions qui accompagnent le développement d'une identité personnelle doivent être explicitement visées, et ne pas restées cachées. Le XXème siècle a vu des résultats remarquables en ces matières, en faisant de la scolarisation primaire et secondaire une expérience universelle et, durant les 30 dernières années, en ouvrant l'accès de la formation supérieure et de la formation continue à une fraction significative de la population. 25. Le bref rappel de cette histoire et des principales contributions de quelques penseurs de l'éducation montre bien que le temps s'est accéléré. Nos systèmes éducatifs se sont certes organisés selon des modalités spécifiques. Ici l'accent est mis sur la formation publique et la prise en charge par l'Etat, là la responsabilité individuelle est plus grande et l'autonomie des établissements plus accomplie. Dans certains pays l'accent a été mis sur la formation générale dispensée dans des institutions académiques, dans d'autres, les entreprises ou les collectivités locales ont joué un rôle Important. 26. Cependant, des éléments communs demeurent: partout, les systèmes confessionnels se sont maintenus, presque partout en Europe, l'acte éducatif et de formation, est pour l'essentiel, de façon directe ou Indirecte, dominé par la puissance publique. Cette dimension de l'éducation comme relevant de l'intérêt général vaut également pour la production et la diffusion des produits éducatifs fondés sur les technologies nouvelles et sur leur mode de transmission. Même dans les cas où ils sont produits pour être vendus sur le marché (produits multimédia par exemple), une pression s'exerce pour qu'ils respectent des règles correspondant à une notion d'intérêt général OU de service universel. Partout, on demande aux institutions éducatives de permettre le développement de la personne, de former les citoyens, de contribuer à délivrer le savoir, d'aider à socialiser les hommes et les femmes en luttant contre la reproduction sociale, de préparer à un emploi. Partout, aussi, les Institutions éducatives et de formation qui ont permis une considérable élévation du niveau culturel des populations européennes se trouvent confrontées à une demande croissante et diversifiée. C'est bien d'une accélération et d'une compression de l'histoire qu'il s'agit puisqu'elles doivent satisfaire simultanément, et à

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une échelle plus Importante, toutes les exigences fondamentales qui ont été mises en évidence par les penseurs cités plus haut. 27. Cette accélération et cette compression de l'histoire apparaissent clairement si l'on considère l'évolution historique des contenus de l'éducation et à la formation. Plusieurs siècles ont été nécessaires pour que soit consacré de façon universelle le droit à une éducation générale. La reconnaissance de la nécessité de l'acquisition par tous d'une qualification professionnelle date seulement des années 1980. Les années présentes seront celles du développement de personnes autonomes et complètes, disposant de compétences clés fondées sur des savoirs de base et des aptitudes comportementales. Celles-ci incluront, notamment, les méthodes pour apprendre en vue de l'adaptabilité, la maîtrise des technologies de l'information, les aptitudes à la communication, la capacité de travailler en équipes et de développer des partenariats aussi bien que la prise de responsabilité individuelle. La vitesse avec laquelle ces compétences s'Installent dans les organisations, en particulier les organisations mondales, est plus rapide que ne peuvent bouger nos systèmes éducatifs et de formation. Malgré des évolutions sensibles, ceux-ci se trouvent en décalage car la société bouge plus vite qu'eux. 28. Dans la période la plus récente, ces deux fonctions fondamentales de réalisation de la personne et de socialisation se sont vues complétées par une troisième: la professionnalisation et la préparation à l'entrée dans un monde économique complexe, exigeant et changeant rapidement. A tous les niveaux des systèmes éducatifs, cette préoccupation de professionnalisation a entraîné des modifications profondes dans le contenu des enseignements avec l'Introduction de disciplines techniques et une volonté clairement affirmée de donner aux jeunes des bases de savoirs professionnels leur permettant une transition plus aisée vers la vie active. Les tensions sur le marché du travail ont accentué cette tendance, et une partie importante des dispositifs de formation professionnelle après l'école se sont développés dans le but d'apporter aux jeunes - ou aux chômeurs adultes - les connaissances professionnelles nécessaires pour accéder aux emplois.

Des voies différentes pour un but commun 29. Pour proposer un rêve européen à sa jeunesse, l'Europe doit donc faire un pas de plus dans les domaines de l'éducation et de la formation. C'est une évidence. C'est là que se construisent ses valeurs et qu'elles se transmettent. En particulier les Idéaux de paix et de sécurité, la tolérance.

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C'est là que l'on apprend à les mettre en oeuvre par le choix démocratique. C'est également là, pour l'essentiel, que l'on acquiert une conscience sociale, le respect de la réussite et la compassion devant l'échec. C'est enfin, là, que l'on conquiert les qualifications et les compétences qui permettront d'aborder les défis du monde nouveau. 30. De nombreux indices révèlent que les grands impératifs de l'éducation et de la formation que sont le développement de la personne, l'éducation et la formation du citoyen, la socialisation, le développement des aptitudes à l'emploi et à la création d'activité peuvent être conciliées. Comment ne pas voir que les modifications des métiers, la rapidité des changements technologiques, les impératifs de la créativité et de l'Innovation, sollicitent des aptitudes de base, des capacités de renouvellement que donnent la culture générale comme la culture professionnelle? Comment ne pas saisir que l'affirmation et la transmission de valeurs communes sera un facteur décisif d'intégration de notre continent? Comment douter qu'un succès dans la lutte contre l'exclusion et une plus grande cohésion sociale ne conduisent pas le modèle européen à retrouver son rayonnement dans le monde? Comment ne pas saisir que si l'Europe sait exploiter les nouvelles technologies au bénéfice d'une éducation et d'une formation permanente, elle pourra rattraper son retard vis-à-vis des Etats-Unis et de l'Asie et redevenir un des pivots des évolutions futures? 31. La pluralité des convictions, des parcours, des institutions ne seront pas un obstacle, au contraire, pourvu que le but commun à atteindre soit clair et partagé. Comme l'ont dit plusieurs membres du Groupe de réflexion, «la seule chose dont aujourd'hui nous soyons sûrs, c'est que nous ne sommes sûrs de rien». L'Europe n'a pas un modèle unique, social ou humain, incontesté pouvant servir de référence à l'éducation et à la formation. Elle n'a pas davantage de «boîte à outils» intangible à offrir pour la conduite des systèmes éducatifs et de formation, qui pourrait être transmise d'une génération à une autre. En revanche, l'Europe, a une diversité qui, bien mobilisée, doit lui permettre à la fois de donner les références éthiques indispensables, les savoirs fondamentaux et les aptitudes professionnelles qui permettront à ses habitants de trouver leur chemin et de débattre du modèle social et de citoyenneté qu'ils veulent construire. C'est donc davantage par l'organisation d'un processus d'évolution, que par la transmission d'un modèle, que l'Europe pourra affronter les nouveaux enjeux. 32. C'est à la façon de mobiliser ces atouts que le Groupe de réflexion s'est attaché. En identifiant les valeurs communes à transmettre à nos enfants, en étudiant les moyens de les introduire davantage dans nos systèmes

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d'éducation et de formation, l'Europe fera un pas décisif pour consolider ses valeurs fédératrices. En utilisant toutes les expériences prometteuses de lutte contre les handicaps, de développement des savoirs, savoirs faire et savoirs être, pour tenter de les généraliser et de les faire vivre dans l'école, l'Europe, pourra rendre crédible un rêve européen fondé sur une conception largement acceptée de la cohésion sociale. En utilisant les effets d'échelle, qui jouent aussi en matière d'éducation et de formation, l'Europe devra pouvoir participer pleinement au défi technologique et à la production de nouvelles valeurs marchandes plus Immatérielles et plus chargées en intelligence. A cet égard, il serait aussi judicieux de réfléchir, aujourd'hui, au coût de la non-Europe en matière d'éducation et de formation que cela fut fait, il y a près de 15 ans, en matière économique. 33. C'est par la mobilisation consciente au niveau de l'Union, qui doit jouer pleinement son rôle d'impulsion et de diffusion de bonnes pratiques, comme au niveau de chacun des Etats membres, avec le soutien de mesures prises au niveau de l'Union, que ces avancées se réaliseront. Il s'agit de construire des partenariats réels entre les acteurs du monde de l'éducation et ceux du monde de l'économie et des relations Industrielles, notamment les entreprises et les partenaires sociaux, les collectivités locales et les associations. Cela suppose que l'importance du bon fonctionnement de nos systèmes éducatifs et de formation soit reconnue, et qu'ils évoluent rapidement. Cela suppose aussi que les corporatlsmes s'effacent, et que la complexité réelle des questions relatives à l'éducation et à la formation ne soient pas des prétextes pour conforter les points de vue les plus conservateurs. 34. Au moment où se clôt le XXème siècle, l'Europe entre dans une nouvelle ère de son histoire éducative, celle de la «Formation tout au Long de la Vie». L'Union européenne a déclaré l'année en cours, «Année de la Formation Tout au Long de la Vie», dans le but d'accélérer le débat et de discuter de propositions d'actions permettant de relever les enjeux qui sont devant nous. La Commission européenne a également publié un Livre Blanc, «Vers la Société Cognitive», qui soulève d'importantes et significatives questions et propose des actions visant à répondre aux nouveaux enjeux. La réalisation d'une véritable société cognitive nécessitera d'Importants changements pour les institutions éducatives. Le Groupe de réflexion considère que les changements dans les systèmes d'éducation et de formation devraient concerner quatre directions principales qui constituent autant d'objectifs à réaliser d'ici l'an 2000. Dans cette perspective, les orientations d'action proposées dans ce rapport viseront: (I) à construire la citoyenneté européenne, (ii) à renforcer la compétitivité européenne et à préserver l'emploi, (iii) à maintenir la cohésion sociale en

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Europe, (¡v) à utiliser pleinement les possibilités offertes par la société de l'information. Pour aborder plus spécialement la question de la mise en oeuvre de ces changements, le Groupe de réflexion s'est penché sur le fonctionnement des systèmes éducatifs et de formation et sur les acteurs qui en ont la charge, en particulier, les enseignants et les responsables des établissements d'enseignement.

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II. Construire la citoyenneté européenne par l'éducation et la formation

La citoyenneté européenne: une idée originale mais embryonnaire 35. La citoyenneté européenne est avant tout une idée humaniste. Il s'agit de construire une Europe démocratique qui respecte un équilibre entre les considérations économiques, technologiques, écologiques et les considérations culturelles. Le «rêve européen» est celui où nos nations apprendraient à vivre ensemble, à régler leurs conflits sans chercher de boucs émissaires à l'étranger. Le cauchemar européen était hier celui de l'holocauste, Il est aujourd'hui celui de la purification ethnique. Introduire l'idée de citoyenneté européenne — comme le fait indiscutablement l'article 8 du Traité de Maastricht — a des implications fortes qui dépassent l'approche économique pour aller vers l'intégration européenne. Cela donne aux Etats membres un rôle d'acteurs dans la construction de cette citoyenneté, ce qui consolide les droits existants et permet que s'établissent de nouveaux droits. 36. L'enjeu est donc de faire pleinement participer les Européens à un des défis les plus Importants de tous les temps: celui de construire une grande Europe, à l'intérieur du même continent, caractérisée par des différences culturelles, des conceptions économiques différentes, des réalités naturelles différentes, mais unie par le sentiment d'appartenir à une civilisation commune. Pour la première fois, cette intégration ne sera pas le résultat de l'hégémonie politique ou militaire d'une puissance dominante. Elle résultera, au contraire, des différents pas qui auront pu être réalisés grâce à un processus de décision démocratique. Elle avancera à partir d'une perception plus claire de la signification du projet. Elle se consolidera lorsque nous serons capables d'accepter un ensemble de règles, et de principes de comportement, sans partager nécessairement les mêmes valeurs. C'est à l'intérieur de ce cadre que les Individus se sentiront libres de poursuivre leurs propres buts.

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37. Ce processus doit permettre de faire l'Europe sans avoir à choisir entre les systèmes institutionnels les mieux représentés dans les différentes nations mais à partir d'une culture politique démocratique partagée qui constituera ce que l'Europe aura de mieux à offrir au reste du monde. C'est ainsi que le modèle «post-national» de l'Europe se construira et que les Européens se sentiront citoyens. Ils ne se sentiront donc pas citoyens européens parce qu'ils adhèrent à une culture commune (au demeurant impossible à Imposer) ou du fait de leur appartenance particulière; ils se sentiront citoyens de l'Europe parce qu'ils se fabriqueront eux-mêmes citoyens de l'Europe au travers des nouvelles relations qu'ils sauront établir entre eux. 38. L'Europe pourra ainsi relever le défi majeur de «vivre ensemble» dans un contexte de liberté individuelle et collective (de diversité culturelle) ou la règle de la majorité, qui est le principe Instrumental dans les Institutions démocratiques, doit prendre en compte l'expression légitime des différences, sans être contrainte de façon permanente par elles. Peut-être la plus grande leçon qu'un regroupement démocratique de nations européennes peut offrir au monde, est celle d'apprendre par la pratique journalière que les valeurs ressenties comme universelles par chacun d'entre nous, peuvent être plus limitées que nous ne le croyons. C'est par la tolérance, qui doit être apprise, que nous serons capables de faire des synthèses entre valeurs non contradictoires, c'est-à-dire mutuellement acceptables, et donc de coopérer. C'est ainsi que l'Europe, qui est engagée dans une compétition mondiale, pourra maintenir une solidarité suffisante, conformément au noyau de valeurs humanistes traditionnelles qui ont constitué ses fondations spirituelles, et développer un dialogue ouvert et continu avec le monde, comme avec les autres peuples et les autres cultures. 39. Aujourd'hui, nous sommes engagés sur ce chemin. Il est important que les Européens, en particulier les jeunes, aient conscience des enjeux et puissent participer de façon responsable aux débats et aux choix à venir. Si l'éducation et la formation ne parviennent pas à donner les éléments de ce débat qui est désormais courant chez les Intellectuels, alors l'Europe continuera sa construction en contradiction même avec ses principes démocratiques. Elle n'aura pas de soutien populaire et donnera l'impression de se faire par le sommet. Elle sera donc fragile. La nouvelle citoyenneté européenne doit donc être pensée dans le contexte suivant: elle devra tenir compte du déclin de l'eurocentrisme dans le monde et s'ouvrir aux autres cultures, dans un contexte de multiculturalisme et d'affaiblissement, sinon d'Implosion, des Etats-na-

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tions et pallier ainsi à la crise de représentation de tous nos systèmes politiques. Elle devra permettre aux citoyens européens de se situer dans la construction de la société de l'information et la globalisation des échanges. Elle devra donner les armes pour renforcer la lutte contre l'exclusion et faire face à l'affaiblissement, et parfois à la désintégration, des instances traditionnelles de socialisation.

La nécessité d'aller au-delà des formes et des règles 40. La citoyenneté n'est pas seulement un ensemble de principes de comportements, un socle de valeurs communes et de règles. Si le but est de lui donner un contenu identifiable, l'envie de l'exercer, il faut aller au-delà. La citoyenneté est une notion plurielle: elle est à la fois une pratique sociale, une idée normative et une pratique relationnelle. Elle a également une dimension démocratique, paritaire, interculturelle et écologique, 41. Des individus ou des groupes peuvent être inclus ou exclus de la citoyenneté à différents degrés. De fait, ils possèdent différents statuts de citoyens. Ce sont les inégalités sociales qui font entrer dans ces statuts et qui différencient les modes d'accès à la citoyenneté. De plus, les différents aspects de la citoyenneté ne coïncident pas de manière stricte et peuvent même entrer en conflit les uns avec les autres. Un bon exemple de ceci peut être trouvé dans la citoyenneté embryonnaire de l'Union européenne: les droits légaux accordés à la mobilité ne s'accompagnent pas de droits politiques permettant une pleine participation électorale. 42. Même lorsque cette coexistence existe, certains groupes, en particulier les jeunes, peuvent être considérés comme des «étrangers» dans leur propre société. L'accès à la citoyenneté est restreint du fait de leur âge, qui est censé manifester un manque de maturité et de responsabilité. Plus fondamentalement, on observe aujourd'hui, que les routes qui permettent la transition vers une vie d'adulte Indépendant sont coupées, si bien que leur statut de citoyens est ambigu du fait de leur dépendance prolongée auprès de leur famille ou de l'Etat providence. Ce phénomène est particulièrement préoccupant pour les groupes de jeunes exclus qui ne peuvent se sentir citoyens à part entière.

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43. La citoyenneté est aussi étroitement liée à la nature de la société dans laquelle nous vivons, c'est une idée normative. La citoyenneté démocratique moderne est ainsi liée au concept de société civile et à sa défense morale et idéologique. Cet aspect de la citoyenneté se réfère aux valeurs et aux identités des communautés politiques, c'est-à-dire aux groupes, culturels ou ethniques et aux Etats-nations, Il accentue le sentiment d'appartenance qui se développe à partir des expériences partagées: ces personnes se sentent concernées par un ensemble de valeurs et de normes, elles se sentent responsables les unes vis-à-vis des autres et vis-à-vis de la communauté qui les rassemble. Avec la construction européenne un nouvel espace d'expression de la citoyenneté se met en place qui se superpose aux autres sans les remplacer. 44. La citoyenneté est donc une notion mouvante qui évolue par un processus dynamique au cours duquel le sentiment d'appartenance se construit à partir des différences, de la communication avec l'autre, des conflits et des compromis négociés, des dessins communs. Cependant, un fondement non négociable demeure: c'est les droits de l'homme en démocratie. Il est clair que la plupart des Européens attachent une grande importance à ces valeurs fondamentales, bien que, parfois, l'on observe une déconnexion entre leurs principes et leurs pratiques. On trouve certes des différences qui tiennent au contexte social et culturel, mais à bien y regarder, ces contextes jouent pour l'essentiel sur les formes que prennent les facilités que l'on s'accorde vis-à-vis de ces principes. Les distorsions entre principes démocratiques et pratiques se manifestent dans toutes les couches sociales, et à tous les âges. 45. La citoyenneté, enfin, est une pratique relationnelle entre des individus, au travers de l'Etat, des collectivités locales, et des associations. C'est donc une pratique politique qui se développe à partir de la situation sociale et de la participation politique. Les citoyens actifs réclament l'acquisiton de compétences cognltives et de communication au travers du processus social et éducatif. Pour cela, il est nécessaire qu'ils disposent des droits évoqués plus haut. Cependant, le système éducatif a un rôle à jouer dans la promotion d'une citoyenneté active. Ce rôle peut être développé à partir des institutions formelles, mais aussi à partir du groupe, de la communauté, des grands media. Il existe déjà, dans la plupart des Etats membres, une éducation à la citoyenneté. Mais selon différents noms, avec des objectifs différents, pour des durées différentes et pour des âges et des groupes différents. Cela provient clairement du faible développe-

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ment de la citoyenneté européenne, chose qui n'est pas surprenante compte tenu du fait qu'elle est encore un espace conceptuel ambigu et contradictoire. '

Une question centrale: les relations entre les genres 46. La critique féministe des présupposés masculins sur la citoyenneté et sur les droits de l'homme est apparue au Groupe de réflexion comme un modèle pour montrer comment on peut apprendre à relativiser des valeurs apparemment universelles sans tomber dans la vacuité morale.2 47. D'abord les femmes durent conquérir le droit d'être considérées comme citoyen à part entière. Ce fut un long et périlleux3 combat avec des avancées et des retours en arrière. Avant la révolution française, l'acteur de la vie politique était exclusivement un homme-père de famille qui rentrait dans la vie civile pour se transformer en citoyen. Avec Locke le citoyen ne fut plus seulement un père, mais aussi un homme. Inspirée par la révolution française et en réponse aux Droits de l'homme de Thomas Paine (1791), Mary Wollstonecraft publia son Manifeste des Droits de la Femme en 1792. Dans cette lignée, Condorcet réclama de façon rationnelle et ouvertement politique «le droit de cité» des femmes. Après bien des soubresauts où s'illustrèrent notamment, en faveur de la cause des femmes, J. Stuart Mill, se développa en Europe une véritable politique pour l'émancipation de la femme (à partir de 1870). C'est à ce moment qu'en France, au Royaume-Uni, en Italie, en particulier, furent constituées associations, ligues, périodiques, qui avaient pour but d'obtenir les droits politiques et civiques pour la moitié de la population qui en était privée. La Finlande, la première parmi les pays européens, a accordé le droit de votes aux femmes en 1906, mais ce ne fut qu'après la première guerre mondiale qu'au Royaume-Uni les femmes obtinrent le droit de vote (1919), résultat qui vint bien plus tard en France et en Italie (1945), comme

Chaque fois que des jeunes organisent un calé à protêts pour les enfants et les jeunes de la rue, lorsque d'autres mettent sur pied une action de collecte de déchets et de recyclage de matériel usagé, lorsque d'autres encore, issus de quatre pays différents, préparent réalisent ensemble un spectacle antiraciste et le présentent en tournée dans les villes et les villages de l'Union, ils lont ainsi l'apprentissage d'une citoyenneté en action mise à l'épreuve de la réalité quotidienne, la plupart du temps dans une sociélé multicullurelle. Les genres et la citoyenneté constituent un sujet qui rencontre actuellement un intérêt remarquable. La Commission a récemment publié un rapport intitulé «Femmes et citoyenneté européenne» (par E Vogel-Polsky, J Vogel et V. Degraef - DG V/233/94, Bruxelles). Olympe de Gouges qui avait écrit «la Déclaration des droits de la femme» lui guillotinée pendant la révolution Irançaise ayant été reconnue coupable d'avoir voulu être «homme d'Etat» el contrarier la division naturelle des rôles.

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une sorte de récompense octroyée à la suite des souffrances de la guerre. 48. Cette rapide référence historique montre que l'on n'avait conçu l'entrée des femmes dans l'espace public que comme un simple élargissement du corps électoral. On n'avait pas saisi alors que l'enjeu était de repenser la démocratie et ses principes en en modifiant certaines règles du jeu. Or le problème était bien de définir les nouveaux principes et les nouveaux droits qu'une démocratie, avec de nouveaux sujets, aurait à établir et à défendre. Dès lors, étaient réunies les conditions pour que, malgré la reconnaissance officielle de ces droits, se développent toutes sortes de discriminations Implicites supportées par des analyses sur la différenciation fondamentale des genres. Celle-ci pourrait être biologique, liée au rapport avec le corps. Celle-là serait liée à une opposition entre une «éthique féminine des soins» opposée à une «éthique masculine des intérêts». Une autre, opposerait le sens de la «responsabilité» à celui de la «rationalité» évidemment masculin. Même si, apparemment, ces différenciations pouvaient être flatteuses pour les femmes, elles comportaient les germes d'une subtile discrimination au niveau, par exemple, de la capacité à être ingénieurs, scientifiques ou dirigeantes. 49. Aujourd'hui les faits sont là. Malgré une égalité de principe reconnue, les femmes sont extrêmement minoritaires dans toutes les assemblées élues, les postes dirigeants et les métiers scientifiques et d'Ingénieurs. Nous savons maintenant que les principes formels seuls n'assurent pas l'égalité en pratique, ni dans l'éducation, ni dans le travail. Cette égalité est un sujet très complexe et les inégalités de genres proviennent, avant tout, des positions différentes des hommes et des femmes dans les sphères publiques et privées de la vie sociale. L'éducation et la formation ne sont pas à l'écart et si le droit a changé, les représentations passées sont restées tenaces. Plus grave, elles ont été acceptées de façon tacite à l'école par les enseignants et même les élèves. Souvent, les jeunes filles et les jeunes femmes dépassent les jeunes garçons et les jeunes hommes. De ce point de vue, le rôle des enseignants est fondamental pour éviter la transmission de stéréotypes et valoriser les acquis de la mixité. L'objectif devrait être de promouvoir les potentiels des garçons et des filles de manière égale et de développer de nouvelles méthodes pour ce faire. 50. La proclamation d'un droit abstrait ne suffit donc pas. Pour aller plus loin, il faut s'appuyer sur l'éducation et la formation, les concerner davantage par la citoyenneté européenne et leur assigner une règle fondamentale qui

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doit être la promotion d'une éducation et d'une formation qui détruit toute image stéréotypée des êtres humains Le Groupe de réflexion retient cinq dimensions essentielles pour une nouvelle citoyenneté: •

la dignité de la personne humaine qui est au coeur de l'idée de citoyenneté, nécessite la connaissance des institutions politiques démocratiques, la reconnaissance des droits des majorités et des minorités dans le gouvernement démocratique des peuples et l'existence de médias libres et conscients de leur rôle;

la citoyenneté sociale comprend les droits et les devoirs sociaux, le combat contre l'exclusion et la marginalité, la solidarité comme valeur européenne, la cohésion sociale et le renforcement de l'esprit communautaire;

la citoyenneté «paritaire» implique le rejet des préjugés discriminatoires envers les minorités ethniques ou les femmes, l'affirmation de la valeur de l'égalité, donc l'égalité des chances pour toutes les filières éducatives;

la citoyenneté interculturelle signifie la reconnaissance de la valeur de la diversité, de l'ouverture au monde pluriel, l'identité européenne et le multiculturalisme, le respect des différentes cultures et de la légitimité d'expression des droits collectifs, la tolérance et la recherche active de la richesse de l'autre, l'appartenance européenne et l'appartenance mondiale;

la citoyenneté «écologique» exige la préservation de l'écosystème, l'accord de l'homme avec la nature, une conscience accrue des valeurs de l'environnement et de l'importance du développement durable.

Quelles orientations d'action pour l'Europe? 51. Le Groupe de réflexion pense que l'Europe doit jouer un rôle au travers de l'éducation et la formation: (i) pour affirmer et transmettre les valeurs communes qui constituent le socle de sa civilisation, (ii) pour aider à élaborer et à diffuser les méthodes qui permettront à la jeunesse européenne d'exercer davantage sa fonction citoyenne, (iii) pour identifier et diffuser les meilleures pratiques, tenter des expériences visant à mettre

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en oeuvre de façon concrète les moyens d'acquérir les éléments actuels de ia citoyenneté européenne et surtout de les faire évoluer. 52. Les principales valeurs que le Groupe de réflexion considère comme faisant partie de l'héritage inaliénable de l'Europe sont des valeurs d'avenir, elles ne sont pas les lignes de défense de notre civilisation. Ce sont à partir d'elles que la nouvelle société cognitive qui se dessine sera une société progressive où les principes de justice et de solidarité seront respectés, qui permettra une connaissance partagée, meilleure antidote à l'Intolérance dans nos nations. Ces valeurs sont: Les droits de l'homme / la dignité humaine Les libertés fondamentales La légitimité démocratique La paix et le rejet de la violence comme moyen ou méthode Le respect des autres La solidarité humaine (à l'Intérieur de l'Europe et vis-à-vis du monde dans son ensemble) Le développement équitable L'égalité des chances Les principes du raisonnement rationnel: l'éthique de l'évidence et de la preuve La préservation de l'écosystème La responsable individuelle

53. Pour rendre effectives ces valeurs il faut évidemment les enseigner. C'est ce que les curriculum européens cherchent à promouvoir aujourd'hui, soit avant 16 ans, soit entre 16 et 18 ans. Certains consacrent des heures en nombre relativement faible (1 ou 2 heures hebdomadaires sur une année) à l'instruction civique. D'autres considèrent plutôt que celle-ci doit prendre place dans les enseignements d'histoire ou dans ceux de sciences sociales tandis que d'autres considèrent ces valeurs comme des orientations pour l'ensemble du processus éducatif, Un examen plus précis des contenus, montre d'assez fortes différences liées à des choix «patriotiques» plus eu moins marqués dans la sélection des périodes et des sujets. Partout, on enseigne l'Europe, mais plus comme un système Institutionnel, que comme un processus à construire. Une telle approche constitue à l'évidence un terrain très fructueux de coopérations nouvelles à développer. Lorsque le contenu de l'éducation civique et sociale est fondé sur des orientations éducatives réelles, avec des bases théoriques approfondies, et quand la méthodologie d'enseignement vise à promou-

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voir un apprentissage actif et un engagement des élèves, le sujet est d'un grand Intérêt pour renforcer la citoyenneté. Viser une telle approche doit éviter toute tendance au chauvinisme ou à l'endoctrinement. 54. Compte tenu de la surcharge générale des programmes dans le primaire et dahs le secondaire, de la nécessité d'une évolution qui doit permettre de développer les enseignements de langues (qui sont un facteur décisif pour la construction de la citoyenneté européenne), le Groupe de réflexion considère que la vole consistant à envisager une augmentation des heures d'Instruction civique, la création de programmes spécifiques sur l'Europe, est une vole dispendieuse, trop formelle et qui, au total, risque de donner des résultats insuffisants, compte tenu des ressources qu'elle implique de mobiliser. 55. Plus féconde est la vole qui consisterait: •

à étudier et approfondir des faits particulièrement significatifs (A:ey facts) de discrimination citoyenne, en particulier ceux qui concernent la question des genres, et les relations inter-ethniques,

• à promouvoir la recherche universitaire sur ces thèmes, • à mettre en valeur les résultats de l'Europe dans les arts et les sciences en tant qu'héritage commun pour tous les citoyens, et ainsi le caractère transnational de leur influence et de leur importance, • à présenter dans les enseignements d'histoire, de sciences sociales ou littéraires, des analyses sur les conflits sociaux, politiques et ethniques essentiels, qui aboutissent à la violence en Europe centrale et périphérique. Ces analyses pourraient faire l'objet de projets de groupes d'élèves et deviendraient les soutiens d'une réflexion autour d'une Identité commune et une solidarité mutuelle entre les citoyens européens fondée sur des valeurs et un héritage communs. 56. Plutôt que d'envisager des cours supplémentaires, une révision des curriculum nécessitant éventuellement la formation de professeurs spécialisés, le Groupe de réflexion recommande la formation à l'Europe des enseignants directement concernés, l'ouverture d'une plus grande possibilité pour les directeurs d'établissements de bénéficier d'une mobilité entre pays européens. L'Europe est un champ d'application formidable pour le traitement des questions qui touchent aujourd'hui à la citoyenneté. C'est en l'utilisant dans les domaines qui la concernent (en particulier l'histoire, la philosophie, les sciences sociales, la littérature, les arts et la

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musique) que l'on pourra laisser les jeunes esprits se constituer leur propre opinion sur son évolution, 57. L'éducation et la formation à une citoyenneté active n'est pas seulement une question de transmission de valeurs. Elle est peut-être surtout une question de méthode. Ici la pédagogie joue un rôle central. Une pédagogie de la citoyenneté doit être développée. Le Groupe de réflexion considère que des encouragements doivent être apportés à toutes les pédagogies actives, qui s'appuient sur le sens critique, l'autonomie du raisonnement et le travail en groupe. L'application de ces nouvelles pédagogies nécesste aussi une évolution des modes de validation des acquis. Il ne faut pas qu'à l'occasion d'un enseignement sur la citoyenneté on en vienne à vérifier la capacité de l'élève à faire une dissertation dans sa langue nationale. Comme le soulignera plus loin le présent rapport, une évolution des pédagogies dans ce sens est aussi nécessaire pour acquérir les compétences comportementales professionnelles. La compétitivité sur le marché de l'emploi peut donc être augmentée par le développement d'une attitude citoyenne. 58. L'éducation pour une citoyenneté active est essentiellement une question d'éducation pour une motivation individuelle. Ceci signifie, avant tout, le développement des attitudes critiques des personnes et leurs capacités à des jugements pondérés en ayant appris à analyser et à comprendre leurs propres circonstances de vie et les positions relatives vis-à-vis des autres groupes ou individus. Les compétences nécessaires pour ceci sont analogues aux compétences de recherche, en particulier, celles pratiquées dans l'ethnographie moderne ou développées par l'éducation interculturelle. Plus simplement, ces compétences Impliquent de considérer le normal comme étrange et l'étrange comme normal, d'être capable d'intercharger les positions et les Identités. Acquérir ces compétences, d'une certaine manière, revient à utiliser des techniques et des capacités d'observation et d'analyse; mais c'est aussi d'avoir confiance pour changer de positions — en particulier, pour porter un regard critique sur sol-même et pour accepter les contradictions et ambiguïtés personnelles. L'idée d'une pédagogie de la frontière est une tentative significative pour comprendre le sens de l'éducation pour la motivation. Franchir les frontières (les siernes, celles des autres, les frontières internes et externes) constitue une compétence clé pour les citoyens européens, pour voir les différences comme des opportunités positives pour la communication et la compréhension mutuelles. En plus du rôle crucial de cette sorte de pédagogie pour la communication et la compréhension interculturelles, il est clair qu'elle peut jouer un rôle pour apprendre à percevoir, à comprendre et même à gagner en autonomie par rapport à

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l'environnement médiatique. L'éducation aux médias à un rôle Important à jouer en développant la pédagogie de la frontière comme un outil pratique d'enseignement et d'apprentissage. Ala fois, les médias traditionnels (par exemple, les documents écrits) et les nouveaux médias (spécialement sous forme visuelle) offrent de nouvelles opportunités pour apprendre comment regarder de manière critique la construction d'Images, les représentations et les textes, et leurs messages cachés. En bref, depuis que les médias ont de fait une fonction éducative croissante, et qui échappe largement jusqu'à présent à toute supervision ou contrôle formel. 59. En résumé de ces différents points, le Groupe de réflexion a Identifié les tâches principales auxquelles l'école, considérée comme la sphère publique d'action et de formation pour la citoyenneté active, sera confrontée pour la mise en oeuvre d'une école des citoyens. Il lui faudra: • améliorer les compétences linguistiques et la connaissance des différentes cultures (cf. note 9); •

moderniser les curricula et l'enseignement de l'Histoire, de la Géographie (notamment en encourageant la création de manuels européens), de la Philosophie et des Sciences sociales en vue de donner à tous les élèves européens la compréhension et la valorisation d'une vision commune de l'acquis européen. Il s'agira également de «désarmer» en quelque sorte les contenus des éléments Inspirés par la guerre et les événements violents et de donner une juste dénonciation des faits historiques discriminatoires.· Cette modernisation devrait affirmer avec davantage de force le rôle moteur des Idées ainsi que l'importance de la contribution, à un même niveau, de la pensée scientifique, et des voies humanistes, littéraires et artistiques de l'Europe. Le but commun doit être la formation d'un jugement juste et impartial de la marche de l'humanité et de ses progrès, ainsi que de ses erreurs;

soutenir les styles démocratiques de gouvernement des établissements et les modèles de «leadership» ouverts à un fort engagement communautaire;

investir solidement dans la formation des enseignants et des chefs d'établissements, appuyer la mise en oeuvre de stratégies d'enseignement vraiment interculturelles.

Le Groupe de réflexion considère que l'éducation tout au long de la vie est un enjeu Incontournable qui Implique la capacité de pouvoir acquérir une

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citoyenneté entière comprenant la formation d'une solide conscience civique, les outils ce l'apprentissage continu des leviers de participation dans la vie de la cité et la volonté d'intervenir sur le projet de construction européenne.1 60. Il est clair qu'elle ne pourra le faire seule et qu'elle devra pouvoir coopérer avec son environnement, en particulier, les collectivités locales et les associations qui sont des lieux importants pour la mise en oeuvre de la citoyenneté. Cette coopération implique que l'école s'ouvre aux compétences qui y sont disponibles et que ses enseignants et ses personnels administratifs soient plus directement Impliqués dans la vie citoyenne locale, 61. Le meilleur moyen pour apprendre la citoyenneté est encore de la vivre concrètement à l'école. Cela suppose une gestion des établissements qui favorise une vie démocratique des élèves, non de délégation ou d'opposition, mais de prise en charge directe des questions civiles qui les concernent, en particulier, la nature des rapports qu'ils ont entre eux. C'est dans cette perspective que le Groupe de réflexion suggère que soit proposées, au niveau européen, des expériences pour développer l'école interculturelle. Cette école n'est pas à inventer. Elle existe. Elle existe pour les classes supérieures dans les lycées et collèges Internationaux et elle existe dans nos banlieues... C'est dans l'école mais partout que l'Europe doit se donner les moyens de pouvoir mener des expériences exemplaires, en étroite collaboration avec les Etats membres. L'école interculturelle, en effet, rassemble l'ensemble de la problématique de la citoyenneté. Elle doit devenir un champ d'expérimentation pour préparer une généralisation qui s'imposera d'elle-même du fait des tendances démographiques rappelées au début de ce rapport, et des avancées de la construction européenne. 62. Afin de promouvoir l'Idée de «l'école interculturelle», les facteurs ci-après sont proposés comme base d'action: • Cible: des classes de collèges de banlieues caractérisés par une forte dispersion des cultures d'origine des élèves, dans un premier temps et au-delà toutes les écoles. Dans l'enseignement secondaire, l'apprentissage d'une ou plusieurs langues étrangères est généralisé En Irlande, cet apprentissage n'est pas encore rendu obligatoire Dans près de la moitié des Etals membres (Belgique, Allemagne, France, Luxembourg, Pays-Bas, Autriche, Finlande, Suède), l'apprentissage d'une troisième langue étrangère est possible, voire obligatoire. En 1992/1993, 88% des élèves de l'enseignement secondaire général apprenaient l'anglais Les autres langues étrangères étaient nettement moins choisies: 32% le trançais, 19% l'allemand et seulement 9% l'espagnol

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Curriculum: normaux avec renforcement des contenus historiques sur les cultures représentées; instruction civique, histoire de la démocratie européenne et des relations historiques contemporaines entre l'Europe et les autres réglons et cultures du monde. Application à ces classes, avec assouplissement, de l'objectif du Livre Blanc «deux langues (pas forcément communautaires) autres que la langue nationale», avec un processus d'apprentissage qui sensibilise à l'interculturalité.

Pédagogie: développement maximum des pédagogies actives et des travaux de groupes, utilisation systématique de la pédagogie de la frontière, mais vérification identique des savoirs fondamentaux. Expérimentation de méthodes plus inductlves sur les grands domaines classiques.

Corps enseignant: ouvert à la participation active des parents des familles et des animateurs des quartiers.

Vie civile dans la classe: charte civile, procédure interne de règlement des conflits, actions de solidarité, prise en charge directe d'une forme d'association selon les traditions des pays et des collectivités qui peut encadrer des pratiques de gouvernement démocratique, avec constitution juridique de cette association.

Gestion de l'établissement: requis d'acquisition identiques à ceux des autres élèves, même discipline, chef d'établissement formé à l'interculturalité de même que les enseignants de la classe.

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III. Renforcer la compétitivité européenne et préserver l'emploi par l'éducation et la formation

Les contraintes de compétitivité 63. Les menaces qui pèsent aujourd'hui sur la compétitivité européenne sont sérieusement sous-estimées. Malgré un considérable effort sur les coûts de production, sur la qualité des produits, sur les Innovations technologiques et organlsationnelles, l'Europe est fortement concurrencée sur les basses, comme sur les hautes qualifications. Le niveau relatif des parités monétaires dans les pays les plus actifs en faveur de l'Union monétaire a sans doute joué un rôle important dans les pertes d'emplois industriels qui ont été constatées en Europe. De même, la substitution Importante du capital au travail qui a pu être observée dans certains pays a pris des dimensions que ne justifiait pas le niveau respectif du salaire et du coût du capital. L'Europe est aujourd'hui en retard vis-à-vis de ses concurrents, son chômage est trop élevé, mais il serait absurde de l'imputer aux seuls retards des systèmes éducatifs et de formation. 64. La société de l'Information va accroître les possibilités d'utilisation du travail qualifié dans des pays non européens, à des coûts sans commune mesure avec ceux qui sont en vigueur en Europe. Les entreprises européennes mondiales saisissent et saisiront encore plus ces opportunités pour maintenir leurs positions, ou simplement survivre, ce qui est leur principal souci à long terme. Aucune mesure réglementaire ne peut être envisagée pour limiter ces phénomènes. Ne serait-ce que parce que la conséquence la plus visible de leur développement est un rapide rattrapage des salaires et des conditions sociales des pays qui, aujourd'hui, nous concurrencent avec des salaires plus bas. Le coût du travail au Japon a rejoint en trente ans le coût moyen du travail en Europe et de nombreux autres pays nouvellement industriels sont sur la même pente. L'Europe ne peut donc pas se dérober si elle veut «rester dans la course».

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65. Compte tenu de ces données et malgré le considérable effort de scolarisation qui a été réalisé, les membres du Groupe considèrent que les systèmes d'éducation et de formation ne sont pas assez conscients des contraintes de compétitivité. Or il est incontestable qu'ils ont une responsabilité cenfale dans la diffusion de la connaissance et l'équipe­ ment des jeunes Européens en savoirs adéquats, en qualifications et attitudes qui permettront de relever ce défi. La principale option valable à long terme pour permettre à l'Europe de survivre et de rester compétitive sur les marchés étrangers, est d'avoir une forte capacité à la recherche de qualité et à l'innovation. 66. La vitesse d'adaptation aux nouveaux défis technologiques et au nouvel environnement économique n'est pas assez rapide. Les forces que l'éducation et la formation en Europe peuvent développer sont d'une richesse Inestimable de ce point de vue, pourvu que les systèmes puissent s'adapter au changement économique et technologique. Dans un contexte de mutations socio­économiques profondes, un système conservateur pourra difficilement produire des individus Innovateurs. Si l'on considère le rapport de l'IRDA C (Industrial Research and Develop­ ment A dvisory Committee of the European Commission) la conclusion concerne à la fois les systèmes éducatifs et les entreprises: «il est nécessaire d'étendre la prise de conscience des implications de la mutation industriële chez les citoyens européens, de promouvoir les concepts d'Innovation et de qualité dans l'économie européenne et de faire en sorte que l'industrie et l'éducation apportent des réponses rapides et flexibles aux demandes nouvelles».1 67. Les caractères de l'entreprise de l'an 2000 doivent être pris en compte par les systèmes éducatifs et de formation. On peut penser que celle­ci sera: •

généralement ouverte sur l'extérieur (les multinationales évidemment, mais aussi les petites et moyennes entreprises),

largement organisée autour des technologies de l'Information, soit en réseau Interne, soit en réseau interentreprises,

structurée de façon flexible, et que ses structures se modifieront rapidement autour de «centres de profit» qui réuniront des équipes qui devront travailler sur des projets,

■Qualité de l'éducation et adéquation». IRDA C, 1994, p. VII

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confrontée à des normes de qualité et de respect de l'environnement très élevées,

concernée par une forte différenciation des produits qui impliquera le recours croissant au design, à la mode, voire à l'art et à la culture,

placée dans un contexte technologique à cycle de vie très court qui impliquera une exigence de changement permanent que permettront l'adaptablllté, l'Innovation, l'apprentissage, le développement des compétences de base.

68. A cette référence Industrielle s'ajoutent l'évolution des services, le déve­ loppement du travail Indépendant, qui eux aussi requièrent de plus en plus qualité, innovation et capacités à communiquer. Bien qu'aujourd'hui encore, de nombreux emplois soient de caractère banal et répétitif, le groupe considère que les adaptations doivent se faire autour des besoins ressentis par les éléments les plus avancés de nos économies, c'est­à­ dire les entreprises grandes ou petites confrontées à la concurrence Internationale. En même temps, les changements environnants signifient que de nombreuses personnes, aujourd'hui, doivent combiner un travail payé et un travail familial, ce qui, en fait, plaide pour un réexamen du concept de travail.

Une obligation à généraliser: la qualité 69. Le développement de la scolarisation à tous les cycles d'études, de même que la généralisation de la formation professionnelle ­ consé­ quence de l'effort quantitatif réalisé ­ ont fait apparaître l'exigence de «qualité» comme un processus permanent à poursuivre pour rendre ■l'éducation et la formation mieux adaptées aux contraintes de la compé­ titivité internationale et aux demandes des entreprises. 70. Si l'on voit bien ce que le concept de qualité a pu apporter aux entreprises, sa transmission tel quel aux systèmes d'éducation et de formation mérite un effort supplémentaire d'approfondissement. La dé­ marche de qualité suppose pour l'essentiel une meilleure prise en compte du destinataire du service qui doit être replacé au centre des pratiques et des perspectives des fournisseurs. Dans une perspective économique, ¡I est normal de demander cela aux systèmes éducatifs et de formation. Comment faire en sorte que nos systèmes prennent davantage en compte les besoins des entreprises et puissent ainsi offrir aux apprenants les compétences et qualifications que celles­ci réclament?

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71. Posée ainsi, la réponse est relativement simple et la direction claire. Nos systèmes éducatifs et de formation doivent évoluer pour former aux métiers qui sont les plus demandés (ce qui suppose une bonne information sur ces métiers), prendre en compte la vitesse de leur renouvellement, donc donner des compétences clés transversales qui permettent d'en changer, augmenter le niveau de compréhension technologique, donner les bases de l'interculturalité qui permettra de se mouvoir dans un environnement international. Cette demande est, aujourd'hui, moins fondamentalement en opposition avec la tradition éducative du développement de personnes autonomes dotées d'un fort esprit critique et de la capacité de remettre en cause les cadres de la vie économique et sociale, car les grandes organisations ont exactement le même problème. La préparation des jeunes européens à une vie d'apprentissage durant toute leur vie fait également partie de la recherche de qualité, qui doit être une préoccupation dès l'école élémentaire. Cela suppose l'éveil de la curiosité, le désir permanent de s'améliorer et le développement de l'adaptablllté. 72. On sait, aussi, et le Groupe tient à souligner ce point, qu'une diversification exagérée des diplômes spécialisés pour mieux «cibler» des métiers très particuliers est la chose à éviter. Plusieurs pays ont tenté de développer des formations prcressionnelles de façon frénétique pour rattraper leur retard de ce point de vue. Ils ont ainsi mis en place une gamme de formations souvent dépassées par l'évolution du métier ou, parfois même, fonctionnant à pleine charge lorsque le métier avait disparu. Malgré quelques réussites, cela a contribué à rendre illisibles ces diplômes et à dévaloriser l'ensemble des filières professionnelles au bénéfice des formations générales. 73. Retenir une orientation «qualité» dans le système éducatif nécessite donc de prendre en compte trois questions liées qui impliqueront une profonde évolution des pratiques et des mentalités, à la fois dans les entreprises et le système éducatif: (i) la première concerne la façon de concevoir comment la réalisation de la personne, qui est l'objectif suprême de l'éducation, va pouvoir se développer dans un contexte de recherche de qualité de la ressource humaine au sens où l'entendent les entreprises, (ii) la seconde concerne la pédagogie et les moyens de faire coïncider acquisition de savoirs et acquisition de comportements, (iii) la troisième est de réduire l'incertitude qui règne sur le marché du travail ou à tout le moins de pouvoir gérer le risque qui en découle. C'est cette incertitude qui obscurcit l'avenir et constitue un point d'appui solide pour les points de vue les plus conservateurs.

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Mener à la qualification ou filtrer les meilleurs cerveaux déductifs? 74. Compte tenu de la concurrence Internationale et de la montée du chômage en Europe, le Groupe considère comme l'a dit le Livre Blanc européen «Enseigner et apprendre: vers la société cognitive» que penser développer des personnes sans leur ouvrir de perspectives crédibles en matière d'emploi est une Illusion. Nos établissements d'enseignement sont aujourd'hui remplis d'élèves et d'étudiants qui ne savent pas pour quelle raison Ils sont dans telle ou telle formation et qui deviennent de plus en plus angoissés et désabusés vis-à-vis de leur possibilité d'insertion future sur le marché du travail. Le mécanisme auquel ils sont confrontés est le suivant. Ou bien Ils parviennent à rentrer dans des dispositifs hautement élitistes ou bien ciblés sur des professions d'avenir - et dans ce cas une perspective d'emploi claire leur est ouverte - ou bien ils n'y parviennent pas et, à tout prendre, ils se disent qu'il vaut mieux suivre une inclinaison Initiale pour un domaine, rester le plus longtemps possible dans le système éducatif et, quitte à ne pas avoir de perspective claire en matière d'emploi, faire au moins ce qui leur plaît. Ce comportement est évidemment aggravé parce que souvent Ils n'ont pas d'autres options, si ce n'est des options qui ne correspondent pas à leur projet professionnel (on observe des places vacantes dans tous les centres d'apprentissages qui concernent les métiers artisanaux banals). La plupart des pays européens ont plus ou moins mis en place des dispositifs permettant des transitions vers le marché du travail après le dernier examen du secondaire et le premier cycle universitaire. Cependant, force est de constater que, malgré cela, la durée des études a très fortement augmenté. On note aussi que les inscriptions universitaires dans les sciences humaines et sociales augmentent, ce qui paraît justifier la généralité du comportement évoqué ici. Alors que les sciences sociales et humaines ont un rôle majeur à jouer à l'université et pour promouvoir les qualités indispensables pour la vie et l'activité, ¡I existe un réel danger que de trop nombreux étudiants s'y inscrivent mais ne réalisent pas pleinement le potentiel de ce type d'études. Il est nécessaire de conserver des Indicateurs de qualité de ce type d'études et d'encourager des travaux Interdisciplinaires avec les sciences de la nature et les sciences appliquées. D'autre part, ces dernières, comme certaines disciplines professionnelles, n'arrivent pas à attirer et à retenir un nombre suffisant

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d'étudiants et nécessitent également d'intégrer certains éléments des disciplines humanistes. Une plus grande interdisciplinarité des disciplines serait bénéfique pour les demandes contemporaines de l'économie et de la société. Modifier ce comportement sera une oeuvre de très grande envergure car elle implique une modification des pratiques des entreprises, des partenaires sociaux et des établissements d'enseignement, des familles et des jeunes. 75. L'écart entre ce qui est dit généralement et la réalité des choses est ici considérable, au point que l'on peut considérer le comportement de notre jeunesse comme cohérent. Elle a, en effet, davantage su Interpréter la réalité des choses que cru aux discours récurrents sur les qualités requises pour avoir un emploi. La réalité des choses est encore aujourd'hui clairement la suivante. Les grandes ou petites organisations les plus performantes et les plus dynamiques en Europe (qui offrent des emplois que chacun souhaite pour ses enfants), hormis les cas où elles ont elles-mêmes participé à la formation, choisissent d'abord à partir du diplôme et de la qualité de l'institution qui le délivre. Or, la qualité de l'Institution qui délivre le diplôme est directement liée au nombre de candidats qui se présentent par rapport à ceux qui sont admis à y entrer. Dans certains pays, la sélection repose sur la qualité des candidats envisagée à partir de leur niveau académique (élément dominant: rang parmi ses homologues de la même classe), de ses motivations et de ses aptitudes relationnelles. Dans d'autres, le niveau académique prime absolument. Comme les mathématiques sont devenues, y compris dans plusieurs disciplines des sciences sociales (gestion, économie, voire psychologie) ou les disciplines de santé un élément de sélection déterminant, les dispositions dans cette matière sont désormais centrales (une exception notable est le droit). 76. Si l'offre de diplômés de grande qualité est abondante (et les besoins faibles), ces organisations choisiront parmi ceux-ci, ceux qui leur paraissent avoir le plus d'aptitudes comportementales qui correspondent à leur culture ou à leur métier. Si elles ne les trouvent pas, elles embaucheront quand même les meilleurs diplômés et tenteront de leur donner ces qualités par la formation continue. Tout atteste que ce mécanisme est fortement présent, et qu'il se manifeste, en particulier, par le niveau relatif des salaires ou la place dans l'administration, lorsque l'emploi est acquis. Ce phénomène se manifeste également à l'égard de ceux qui ont atteint les diplômes d'enseignement supérieur par la voie de la promotion sociale, des formations en alternance et de l'auto-formatlon.

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77. A côté de cette demande des entreprises ouvertes et compétitives, il ne faut pas oublier qu'il existe encore une grande quantité d'emplois à faible contenu d'innovation qui ne nécessitent pas les aptitudes demandées. Même au niveau de l'encadrement, les enseignants universitaires sont plus fréquemment confrontés à des anciens élèves qui soulignent le décalage entre ce qu'ils ont appris et ce qu'ils vivent dans leur activité professionnelle, plutôt qu'à des personnes ayant souffert d'une Insuffisance de formation initiale. Le caractère souvent banal des tâches qu'ils ont à accomplir1, la hiérarchie des structures auxquelles Ils sont confrontés dans de nombreuses entreprises, le manque de coopération qui y prédomine, sont loin de correspondre à l'archétype de l'entreprise coopérative, apprenante et innovatrice dont le modèle est enseigné dans les Business Schools. Cela renforce chez de nombreux jeunes le sentiment qu'il vaut mieux faire des «choses intéressantes» (littérature, philosophie, sociologie, histoire, psychologie etc.2) dans l'enseignement supérieur, plutôt que de se préparer à être surqualifié dans une activité banale. Cela montre également que l'évolution à mettre en place dans le système éducatif doit s'accompagner d'une évolution du même type dans les entreprises.3 78. La demande réelle à laquelle est confronté le système éducatif est donc de jouer un rôle de filtre pour hiérarchiser les talents. Ses acteurs ont Interprété ce rôle en «s'ajustant vers le haut» et en concevant tout son fonctionnement autour de la mise en place de filières générales destinées à conduire les meilleurs esprits le plus haut possible dans l'ordre académique de la discipline choisie. Dans de nombreux cas, (à l'exception de quelques pays, en particulier de l'Allemagne et de la Suède), ¡I s'est défaussé de la question de la réponse aux besoins de l'entreprise en développant des filières professionnelles trop ciblées qu'il a lui même contribué à dévaloriser (enseignants moins considérés à tout point de vue, orientation des élèves dans ces filières après échec dans les filières généralistes, etc.). 79. Le point important est qu'aujourd'hui encore les organisations privées ou publiques, les partenaires sociaux, se sont satisfaits de cette situation et l'ont entérinée. Dans certains pays ces organisations privées et publiques Pour les ouvriers ce caractère est évidemment encore plus marqué. Une enquête récente menée en France auprès des ouvriers de l'industrie révèle que 60% d'entre eux considèrent qu'ils sont cantonnés dans des lâches répétitives. Les sciences sociales fournissent aujourd'hui la plus grosse part des diplômés de l'enseignement supérieur en Europe (25%). Les Chiffres clés de l'Education dans l'Union européenne 95, graphique F6: Etudiants de l'enseignement supérieur, répartition par domaine d'études Estimation du taux européen sur douze pays. Année 1992/1993. Annexen0 2

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Graphique F6. Etudiants de l'enseignement supérieur. Répartition par domaine d'études. Estimation du taux européen sur douze pays. Année scolaire 1992/1993.

|

Sciences sociales, commerce

_ | Ingénieur, architecture, transport j

I

Lettres, religion, théologie, beaux-arts

Sciences médicales, santé, hygiène

Autres

Mathématiques

| Sciences exactes Droit

Source: Les chiffres clés de l'éducation dans l'Union européenne, édition 1995 Données; Furostat NB: Belgique, France, Luxembourg données non disponibles Autriche certains étudiants sont comptés dans plusieurs domaines Royaume-Uni le droit est inclus dans les lettres, les arts appliqués, la religion L'information et la documentation sont incluses dans «autres». NOTE TECHNIQUE Euroslat distingue généralement huit domaines d'études: lettres, arts appliqués, religion: sciences sociales (lormation au commerce, information et documentation inclusesi; droit: sciences naturelles; mathématiques, inlormalique; sciences médicales; sciences de l'ingénieur, architecture (transport, métiers de la production industrielle inclus); autres (sciences de l'éducation, agriculture, enseignement ménager, lormation pour le secteur tertiaire, autres et non spéciliés).

ont même contribué à l'aggraver en créant leurs propres systèmes de formation et en faisant en sorte qu'il soit encore plus elitiste (c'est le cas de la France). Mais, partout dans le monde, tout est organisé pour que l'école forme à encore plus d'école et pour que les entreprises choisissent les meilleurs produits Issus des tuyaux disciplinaires à différents niveaux de sortie. Le fait que les Institutions éducatives, notamment au niveau universitaire, aient pour fonction de produire la minorité qui pourra poursuivre une recherche académique dans la discipline elle-même, conduit inévitablement à une sous-spéclalisation pour la minorité qui ne le fera pas. Cela conduit également les universités à négliger le développement de compétences transférables plus larges, des compétences

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d'encadrement et de management, ainsi que celui de nos propres notions d'éthique et de citoyenneté telles qu'explorées dans le chapitre 2. Ceci est accentué par le fait que les places ultérieures dans l'entreprise sont encore fortement marquées par la capacité d'avoir accompli jeune un parcours d'excellence académique (une exception importante est là encore l'Allemagne1). Un point notable à souligner est que le Japon dont tout le monde s'accorde à dire qu'il a Inventé les processus collectifs d'apprentissage au travail a un système éducatif qui est, jusqu'à l'extrême, fondé sur la sélection d'une élite généraliste (la sélection commence très tôt, lors du passage du collège au lycée).

Un nouveau mariage entre l'acquisition de savoirs et le développement de comportements 80. L'évolution nécessaire de la pédagogie est également marquée par cette situation. Les enseignants qui ont assimilé cette fonction de filtrage ont une Idée du développement de la personne presque exclusivement tournée vers l'acquisition d'un savoir. L'acquisition d'un savoir, de méthodes permettant de l'actualiser est un élément central de réalisation de la personne qu'il ne faut en aucun cas minimiser. La dure discipline qui conduit l'enfant ou l'adulte à faire l'effort personnel, donc nécessairement solitaire, pour assimiler des concepts, une terminologie abstraite, les mécanismes permettant d'organiser un raisonnement à partir de ces concepts, de tenter ensuite des applications est Irremplaçable, notamment parce qu'elle lui donne confiance en lui. De surcroît, les diplômes sanctionnant une activité Intellectuelle individuelle, où l'esprit de compétition n'est pas absent, et les entreprises ne signant pas de contrats de travail collectifs, il est assez normal que l'école considère que l'exigence de qualité lui Impose de chercher à donner à chacun des habitudes de travail et des aptitudes à l'acquisition d'un savoir. Ce fonctionnement lui impose aussi de fournir un cadre «juste» pour que la hiérarchie des résultats de chaque enfant corresponde à ses qualités et à l'effort Plus du quart des dirigeants des principales sociétés mères allemandes viennent de l'apprentissage. En Allemagne néanmoins le fait d'être diplômé de l'enseignement supérieur est également très important. Cependant, c'est souvent grâce à un retour dans l'enseignement supérieur après une première entrée sur le marché du travail comme autodidacte II faut souligner pourtant le poids tout à fall important des docteurs (plus de la moitié des grands patrons allemands sont docteurs) mais aucun établissement d'enseignement supérieur ne peut revendiquer une place dominante En France, en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni le pouvoir est concentré dans les anciens élèves de quelques grandes écoles ou universités (en France, le phénomène est hypertrophié autour de quelques grandes écoles; au Royaume-Uni plus des trois quarts des administrateurs des grandes entreprises onl Iréquenté une Public School payante et Oxford ou Cambridge, un tiers des administrateurs de la City, malgré les profonds bouleversements institutionnels enregistrés, viennent du collège Eton) cf. John Scott, traduit de l'anglais dans Ezra Suleiman et Henri Mendras: «Le recrutement des élites en Europe» La Découverte, Pans 1995

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accompli. Chaque fois que le système éducatif a voulu suivre les utopies de l'air du temps pour casser ce mécanisme marqué par une forme de compétition individuelle, il s'est dégradé et s'est déconnecté du monde des entreprises et plus généralement de nos sociétés qui ne fonctionnent pas ainsi. 81. Cependant, tout en maintenant ces principes Incontournables, ¡I est clair qu'une évolution importante des pédagogies est nécessaire. D'abord, parce que le nombre de connaissances à assimiler dès la fin du primaire devient impossible, voire absurde, lorsque la forme deductive est privilégiée. Malgré de nombreux efforts pour améliorer la situation, un enfant de 12 ans se volt fréquemment confronté à une dizaine de disciplines dont chacune à ses concepts et sa terminologie (les méthodes du raisonnement sont par cont'e très voisines). L'effort à entreprendre est donc de développer l'Interdisciplinarité et tenter de privilégier davantage la démarche inductive et expérimentale. Ensuite, les aptitudes comportementales doivent être accrues et leur acquisition nécessite le travail en groupe. La difficulté ¡ci est de sanctionner la capacité de travailler, d'apprendre et d'innover en groupe, alors que notre organisation sociale comme l'organisation de l'école, privilégie la compétition Individuelle. 82. Il convient néanmoins d'aller d'un pas décidé dans cette direction, y compris en vérifiant la capacité du groupe par des examens collectifs. Cela implique un dosage délicat entre ces formes de validation et les formes plus traditionnelles, de même que des instruments d'évaluation adaptés. Cela nécessitera un véritable bouleversement culturel dans l'école qui, là encore, ne pourra être envisagé que si l'entreprise elle même évolue dans la même direction. Combien d'organisations aujourd'hui, qui privilégient les aptitudes comportementales de communication et de solidarité «officiellement», sont le lieu d'une compétition interne pour les places de responsabilité? Combien d'entreprises n'offrent qu'une vision pointue et parcellaire de leur tâche aux hommes et aux femmes qui y travai lent? L'école pourra véritablement avancer dans cette direction lorsque les entreprises offriront une vision globale à leur personnel et sauront le rassembler dans une stratégie commune organisée. Un grand pas sera fait lorsque ces aptitudes seront validées aussi sérieusement que les autres et reconnues par les entreprises et les partenaires sociaux, non plus comme des «compléments» à un diplôme généraliste traditionnel, mais comme faisant partie Intégrante de la compétence, 83. Le Groupe de réflexion considère qu'il faut donc développer les «pouvoir faire» collectifs qui seront utiles aux entreprises existantes et permettront d'en créer de nouvelles. Il semble à cet égard que le travail évolue vers la

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résolution de problèmes, ce qui nécessite de lier connaissances, compétences professionnelles et compétences sociales. A cet égard, il est nécessaire d'encourager à la fois les capacités multldisciplinaires pour résoudre des problèmes et les compétences sociales de communication nécessaires pour travailler à une résolution collective de ceux-ci. C'est en augmentant la capacité à coopérer et à agir que les systèmes d'éducation et de formation feront faire un pas décisif à l'Europe. De plus, une partie de cette philosophie du «pouvoir faire» pourrait être transposée dans des critères de référence pour les connaissances académiques, ce qui générerait un outil puissant pour éliminer la discrimination à l'égard des emplois faiblement qualifiés. De ce point de vue la formation doit pouvoir jouer un rôle d'Initiateur car elle n'a pas les contraintes du monde éducatif. Venant en complément, elle peut tenter de généraliser ces pratiques à condition que les acquis Individuels soient évaluables de façon transparente et sur des critères non normatifs. A cet égard, certaines entreprises innovantes, notamment de taille mondiale, poussent à cette évolution et ont marqué des progrès dans la constitution des savoirs comportementaux et dans leur évaluation. Elles devraient pouvoir transmettre leurs acquis aux autres Institutions. Il est clair, néanmoins, que cela supposera une évolution profonde du cadre de coopération qu'elles ont avec les autres acteurs de l'éducation et de la formation. Cette capacité de développement d'aptitudes comportementales ayant nécessité d'importants investissements et faisant partie de leur compétitivité, elles ne seront Incitées à les transmettre que si la reconnaissance sociale de leur rôle de formateur est plus affirmée.

Maîtriser davantage l'incertitude liée au fonctionnement du marché du travail 85. Le fonctionnement actuel du marché du travail, envisagé globalement, doit être pris en compte dans la recherche de qualité par l'éducation et la formation. Les métiers se modifient en même temps que les systèmes de travail rendant toute prévision individuelle (de projet professionnel) ou collective incertaine. De surcroît, les équilibres actuels sur le marché du travail renforcent cette difficulté. Comment, par exemple, conforter des jeunes gens et jeunes filles de 22-23 ans en fin de cycle universitaire qui savent que les nouveaux besoins de cadres en Europe représenteront seulement un peu plus du tiers des candidats qui pourraient y prétendre par la seule formation initiale?

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De manière claire, de nombreux jeunes devront ajuster leurs attentes immédiates et accepter des niveaux ou des types d'emploi différents au début de leur carrière. On devra leur dire de continuer leur processus de formation tout au long de la vie sur cette base professionnelle, même si elle est maigre. Cet écart entre offre et demande de qualifications peut ou non demeurer un facteur permanent de fonctionnement de nos marchés du travail. Ceci dépend à long terme de la croissance et de la compétitivité. Cependant, il est clair que cette tendance à la surqualification a un impact sur les conditions d'accès à l'emploi et de rémunération des moins qualifiés. Il reste que dans la majorité sinon tous les Etats membres les risques et la durée du chômage sont inversement corrélées avec le niveau de qualifications et qu'en conséquence une haute qualification continue à signifier un niveau moyen de rémunération supérieur. 86. Aux Incertitudes stratégiques des entreprises correspondent donc des incertitudes éducatives. La capacité des entreprises ou de leurs organisations représentatives à formuler une vision prévisionnelle de leurs besoins qualitatifs et quantitatifs de main-d'oeuvre a toujours été faible. Les efforts menés depuis le début des années 70 sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ont eu beaucoup de mal à se traduire en outils de gestion effectivement utilisés, en dehors de quelques exemples de grands chantiers. Il faut cependant regarder positivement les évolutions en cours dans la dimension territoriale et les efforts de coordination des acteurs économiques qui se réalisent à ce niveau. Conscients de leurs atouts, certains territoires (zones urbaines, bassins d'emplois, réglons) entreprennent des politiques de valorisation et de gestion prévisionnelle de leurs compétences d'un grand Intérêt. Il y a là un nouveau domaine de coopération à développer, notamment pour lui donner une dimension européenne plus marquée. 87. Aujourd'hui, la complexité croissante des relations entre marchés, technologies et produits, rend plus floue la définition des stratégies d'entreprises. Même dans les secteurs qui requièrent les plus forts taux de R/D et donc les plus grandes capacités de prévision, le court terme s'exprime de manière de plus en plus contraignante. Cette difficulté à formuler une stratégie économique retentit sur la définition d'une stratégie de ressources humaines. Ainsi les entreprises ont de plus en plus de difficultés à formuler une vision à moyen et long terme de leurs besoins en qualification. Dans la phase actuelle d'exacerbation d'une concurrence mondialisée, la préoccupation déterminante est celle des coûts salariaux. La priorité actuelle est donc de trouver des méthodes, des programmes qui pourraient conduire les entreprises à réinvestir dans l'intelligence. Il faut aussi davantage d'énergie dans les démarches de gestion prévisionnelle

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de l'emploi, des qualifications et des compétences. Il faut, enfin, que le développement des compétences soit reconnu comme un lieu favorable pour le dialogue entre les partenaires sociaux et avec les salariés, au niveau des entreprises ou des branches. Les progrès réalisés dans les dispositifs de validation devraient s'accompagner sans nul doute de nouvelles modalités de dialogue et de reconnaissance des compétences acquises dans les systèmes collectifs, et pourquoi pas, au niveau du contrat salarial lui même. 88. L'impérialisme du court terme s'exprime aussi dans le refus de penser des modalités nouvelles d'organisation du travail et des compétences, qui permettraient de tirer davantage partie des qualifications intellectuelles que les Investissements éducatifs de nos pays ont amené sur le marché du travail. Il en résulte que les entreprises sous-estiment encore fortement les capacités d'adaptation des individus, de transférabilité des compétences et réagissent souvent par des demandes de formation pour ce qui devrait relever d'une adaptation organisationnelle. 89. Ce qui ne pourrait être qu'un problème d'économie (ou de déséconomie) d'entreprise, devient un problème d'économie globale puisque les entreprises s'adressent à la collectivité pour obtenir la réponse à un besoin de formation qu'elles expriment à tort. Le «penser global, agir local» reste un slogan de consultant. En particulier, les entreprises peuvent ne pas mobiliser les capacités créatrices de leurs agents. Ceci conduit à une accentuation exagérée de leur demande externe de formation pour l'Innovation. Ces déficiences ne doivent pas masquer le fait que le développement de la formation continue et la mise en place de plans de formation au sein des entreprises, est indispensable. Il faut en effet constater que le recours à la formation continue par les entreprises ne s'est pas développé à hauteur des besoins et que de trop fortes inégalités demeurent entre les catégories d'entreprises sur ce point. On doit ajouter que les dépenses de formation continue semblent toujours trop dépendantes de la conjoncture économique et que des progrès très importants restent à faire pour les considérer comme un Investissement réel pour les entreprises. 90. A cela s'ajoute le cloisonnement des hiérarchies, soit verticalement, soit horizontalement, qui est un obstacle important pour une pleine utilisation des investissements éducatifs. De ce point de vue, une ouverture des lignes hiérarchiques et fonctionnelles pourrait diminuer un certain type de demande de ressources publiques et privées pour l'éducation. Cela est d'autant plus nécessaire que la transformation des situations de travail elles-mêmes modifie les conditions de progression des compétences

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dans les entreprises. Certaines entreprises conscientes de ces phénomènes, explorent les possibilités nouvelles de multiplication de situations d'apprentissage et de développement de réseaux Internes de transmission de savoirs. Ce type de phénomène doit certainement être encouragé et généralisé à l'ensemble des entreprises, notamment pour résoudre le problème de l'accès à la formation dans les PME.

91. Cette situation a deux conséquences. La première est que la responsabilité de chacun dans ses choix éducatifs et de formation sera encore plus sollicitée. Le monde mouvant et imprévisible actuel Implique d'armer l'Individu au changement. Sauf quelques cas spécifiques, il est illusoire de penser que nos systèmes éducatifs et de formation pourront le mettre jeune sur une vole professionnelle définitive. La seconde est qu'il faut développer le plus possible les contacts organiques entre le marché du travail et le système éducatif. La coopération entre tous les acteurs (notamment l'école, l'entreprise, les collectivités locales) doit être permanente. C'est cette proximité qui permettra une avancée simultanée des structures du système éducatif et de l'entreprise et qui donnera à chacun les éléments d'Information qui lui permettront de choisir comment acquérir et renouveler son savoir tout au long de la vie. C'est grâce à elle que pourront être définis et mis à jour «les profils professionnels nouveaux» qui sont appelés à se substituer aux anciens «métiers», profils qui devront davantage mettre l'accent sur les compétences clés et transférables. Ils nécessitent également d'être définis d'une manière «non sexuée» pour que ces nouveaux profils professionnels apparaissent et soient réellement accessibles aux hommes et aux femmes de manière égale.

Sortir par le haut en organisant le cercle vertueux de l'innovation 92. La recherche de la qualité prendra sa pleine mesure si elle se développe dans un contexte de créativité et d'innovation. C'est par l'innovation que se créeront de nouvelles activités et que la productivité européenne augmentera. Pour cela, les entreprises auront besoin que les ressources humaines disposent d'autres qualités. La nouvelle force de travail devra avoir une attitude tournée vers la résolution de problèmes, et être prête à se former de façon permanente. Elle devra aussi être insérée dans des processus entièrement orientés vers la recherche de nouvelles solutions techniques ou de process.

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93. Générer de nouvelles idées est, pour l'essentiel, formuler des suggestions de changement, ce qui implique une Importante dose de créativité des individus concernés (le rôle de la recherche est ici central). L'organisation qui sera la plus génératrice d'Idées sera celle qui saura le mieux mobiliser l'ensemble de ses ressources humaines. Nous sommes là en face d'une situation où la participation de tous est nécessaire, non pas seulement à cause de considérations éthiques ou sociales, mais pour renforcer l'efficacité des entreprises. La participation est nécessaire parce que le niveau de créativité augmente quand un nombre important de personnes sont engagées dans le processus. Bien que tout le monde admette que la gestion de la créativité pose de difficiles problèmes, il est tout aussi clair qu'elle se développe dans un bon environnement, avec de bons outils et une forte motivation. 94. La créativité est le processus d'ensemble qui commence par une spéculation Intellectuelle qui sollicite l'imagination et qui se termine par l'implantation de l'Innovation. Elle génère donc du changement et chacun sait que le changement créé des difficultés. Il s'agit toujours de difficultés liées à la place des uns et des autres dans l'environnement. Chacun de ces problèmes est géré par une personne dont la fonction est de modifier la situation dans le sens choisi. Pour résoudre la difficulté, il est indispensable que cette personne soit capable d'Identifier l'état exact de la situation à un moment donné. Par conséquent, résoudre les problèmes liés à la mise en oeuvre des innovations est une partie de la question plus générale de la résolution de problèmes. 95. C'est ¡ci que nous sommes face à une situation paradoxale. Alors que les méthodologies permettant de résoudre des problèmes sont si Importantes dans la vie concrète, elles ne sont presque jamais enseignées à l'école. Elles sont en général dissimulées à l'intérieur d'une «approche standard» permettant de suivre un processus formel de résolution de problèmes qui concerne chaque domaine scientifique particulier. Ainsi, les enfants apprennent à résoudre des problèmes de mathématiques (fréquemment des questions d'algèbre ou de trigonométrie, plus rarement de véritables mathématiques), de physique, etc. Le plus souvent les méthodologies elles mêmes ne sont pas explicitées et l'on espère que par quelque processus mystérieux, l'élève saura acquérir une véritable capacité à résoudre les problèmes du domaine concerné. Ce qu'il ne parvient pas à faire, même lorsqu'il s'agit des meilleurs éléments. Il faut donc développer une approche générale de la résolution de problèmes, plutôt que des approches spécifiques peu explicites pour chaque discipline scientifique.

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96. Le processus de résolution de problèmes a été développé à l'intérieur de chaque culture comme partie intrinsèque de son approche de la vie. Les différentes cultures qui sont apparues dans des environnements différents, ont utilisé plusieurs approches. La culture occidentale a été fortement marquée par l'approche cartésienne. Celle-ci divise un problème en partie, résout les questions relatives à chaque partie, met les solutions ensemble pour obtenir «la solution» au problème général. Cette approche est bien adaptée pour les problèmes qui ont une structure decomposable, ce qui est le cas de la plupart des problèmes d'Ingénierie. Les cultures orientales répugnent à séparer le tout en parties. Pour celles-ci, l'unité du tout doit être considérée telle quelle, l'ensemble n'est pas additif, ¡I emprunte des conduites qui vont au-delà de celles qui seraient concevables à partir de la somme de ses parties. Cette façon de voir ne donnera pas les mêmes résultats que l'application de la méthode cartésienne et est plus adaptée à certains types de problèmes, en particulier les problèmes sociaux; elle est sans doute moins adaptée à d'autres. En tout cas, les grandes entreprises mondiales ont fait de l'enseignement de la résolution de problèmes un des piliers de leur stratégie de consolidation et de renouvellement. 97. L'autre Implication de cette évolution est que la résolution de problèmes pousse à l'apprentissage et que le développement de l'apprentissage augmente une composante centrale de toute entreprise: sa base de connaissances. Dans les organisations modernes qui innovent, la base de connaissances, sa gestion et son renouvellement, sont déterminants pour maintenir un avantage compétitif et donc survivre. 98. Pour entrer dans le monde moderne et être capables d'Innover, les organisations devront donc mettre en oeuvre une séquence vertueuse qui sera déterminante pour leur survie. La créativité permettra de lancer un processus d'innovations. La mise en oeuvre de ce processus d'innovation fera apparaître des problèmes. La résolution de ces problèmes développera par apprentissage de nouvelles compétences. Ces compétences entreront dans la base de connaissances de l'organisation. C'est le développement de cette base de connaissances qui augmentera sa compétitivité. 99. Appliquées à l'éducation et à la formation ces évolutions ont deux conséquences: (I) si nous voulons nous placer correctement dans la société cognitive à venir, nos systèmes d'éducation et de formation devront former des personnes créatives qui disposeront de davantage de capacités à résoudre des problèmes, (ii) pour que ces personnes acquièrent ces compétences nouvelles, il faut que les Institutions éduca-

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fives et de formation deviennent elles-mêmes des organisations qui privilégient la qualité et l'Innovation.

Orientations d'action pour l'Europe 100. Le Groupe de réflexion considère que l'Europe doit utiliser pleinement ses atouts pour faire évoluer l'éducation et la formation afin qu'ils renforcent la compétitivité du capital humain européen. Il s'agit d'une perspective limitée aux aspects économiques qui a cependant, surtout dans la période présente, d'Importantes conséquences sociales et humaines. Pour aller dans le sens d'une démarche de qualité et d'innovation, l'Europe doit contribuer à faire avancer: (i) la question du rapport entre la formation générale, qui dispense des savoirs fondamentaux et développe la culture générale, et la formation professionnelle qui développe des attitudes et des comportements, (ii) la définition et la comparabillté des compétences acquises, (iii) la définition et l'acquisition des nouveaux «profils professionnels». Dans le cadre de sa stratégie de lutte pour l'emploi, l'Europe met de plus en plus nettement en avant les facteurs tenant aux compétences et à leur évolution tout au long de la vie des individus. Le Groupe adhère à cette position et soutient l'idée d'une action communautaire à renforcer pour fixer des orientations en matière de formation tout au long de la vie, de promotion des différentes voies d'accès à la formation continue et de coopérations à développer entre tous les acteurs pour cet objectif.

Le rapport entre formation générale et formation professionnelle 101. Deux questions sont centrales pour aborder les rapports entre formation générale et professionnelle. La première est une question de principe: faut-il ou non continuer à distinguer de façon nette formation générale et formation professionnelle? La seconde est une question d'organisation: quels rapports les acteurs de l'éducation et de la formation (incluant les systèmes éducatifs et de formation, les entreprises, l'Etat, les collectivités territoriales et locales, les partenaires sociaux) doivent-ils entretenir? 102. Le Groupe considère que l'évolution rapide des métiers, le besoin de connaissances de base, plaide pour le principe général suivant: «aucune formation générale ne peut se dispenser de préparer à une compétence professionnelle, aucune formation professionnelle ne

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peut se dispenser de consolider les compétences de base que donne l'enseignement général». L'application de ce principe conduit aux conséquences suivantes; • jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire, les compétences de base doivent être acquises dans le système d'enseignement général, •

la pédagogie doit limiter l'application du modèle déductlf abstrait à quelques domaines où il paraît indispensable. Dans les autres domaines un effort considérable doit être entrepris pour développer des expérimentations, faire «sentir» la nature des problèmes et apprendre à les résoudre. Sur ce point, l'Europe devrait prendre des initiatives pour identifier et diffuser les meilleures pratiques pédagogi­ ques et communiquer sur leurs résultats,

un effort consicérable doit être fait pour apprendre aux individus à travailler en grojpe (en mobilisant notamment les technologies de l'Information), identifier les compétences acquises dans les travaux de groupe, pour valider les travaux collectifs au même titre que les travaux Individuels, pour mettre en place et faire accepter dans les cursus des évaluations Incontestables des aptitudes comportemen­ tales individuelles, en particulier, les aptitudes à communiquer, au leadership et à la résolution de problèmes1. L'objectif est que ces évaluations de comportements aient la même «solidité» que les évaluations classiques. La mise en oeuvre de ce programme devrait solliciter les fonds de recherche européens,

l'Interdisciplinarité devrait être développée dans le premier et le second cycle de l'enseignement secondaire, et même au niveau universitaire, de façon à montrer les proximités de méthode des différents domaines disciplinaires, à diminuer la charge de travail passif des élèves, à laisser une place à la réalisation «de projets» de groupes et à l'acquisition d'aptitudes comportementales.

103. Sur le plan de l'organisation des rapports entre enseignement général et enseignement professionnel initial, deux grands systèmes dominent aujourd'hui: un système dual (l'éducation et la formation se font à l'école 1

Celte évolution Incontournable étant donné le poids conféré actuellement aux attitudes et aux comporte­ ments ne pose pas uniquement des questions techniques Elle pose aussi des questions éthiques fondamentales qui doivent faire partie du programme de recherche II ne faudrait pas introduire des évaluations de la persenne (dans le sens classique anglo­saxon du 'Character·) et se livrer, sous prétexte d'évaluer des aptitudes comportementales, à généraliser des pratiques qui pourraient s'assimiler à du ■bodystylmg» en matière de personnalité Cependant il faut avancer dans cette direction, en particulier, au travers de la formation des enseignants.

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et sur le lieu de travail) qui confie la plus grande partie de la formation professionnelle à l'entreprise et l'intégralité de la formation générale à l'école, et un système qui confie les deux types de formations au système éducatif, charge à lui de convaincre les entreprises de colla­ borer avec lui. Il existe aussi un troisième système moins développé où toute la formation se fait sur le lieu de travail (le développement le plus important de ce système s'est fait au Royaume­Uni).1 Graphique E3. Pourcentage d'eleves dans le deuxième cycle de l'enseignement secondaire general et professionnel (CITE 3). Année scolaire 1992/1993.

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Source: Les chiffres ces de l'éducation aans l'Union européenne, édition 1995 Données: Eurostat WS Belgique il s'agit d'une estimation Luxembourg les données ont été fournies par le ministère de l'Éducation nationale Royaume-Uni (E/W, NI) il n'existe pas d'enseignement secondaire professionnel: il s'agit a'un enseignement O'ofessionnel postscolaire Dans l'ensemble de l'Union, les élèves qui fréquentent l'enseignement professionnel au deuxième cycle du secondaire sont plus nombreux que ceux Inscrits dans l'enseignement général. Cette tendance se retrouve dans onze pays. Le phénomène est particulièrement observable en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Autriche et en Suède. À l'Inverse, les élèves sont plus nombreux à fréquenter l'enseignement général en Grèce, en Espagne, en Irlande et au Portugal. NOTE TECHNIQUE Le deuxième cycle de l'enseignemer f secondaire correspc ind au niveau 3 de la CITE. Dans le graphique E3. la répartition des élèves entre les deux types d enseignement a été réalisée sur le total d'élèves scolarisés. Les données dispc nibles ne permettent ρ as de prendre en compte les élèves en formation professionnelle en entreprise

L'adoption par l'Allemagne et, à un degré moindre, par le Luxembourg, les Pays­Bas, la Belgique, le Danemark et la Suède de ce système, n'est sans doute pas étrangère à l'explication de l'évolution divergente du taux A noter que dans l'ensemble de l'Union, les élèves qui fréquentent l'enseignement professionnel du deuxième cycle du secondaire sont plus nombreux que ceux inscrits dans l'enseignement général. Cette tendance se retrouve dans onze pays (Les Chiffres clés de l'Education dans l'Union européenne 95, graphique E3, Pourcentage d'élèves dans le deuxième cycle de l'enseignement secondaire général et professionnel (CITE 3), année scolaire 1992/1993. annexe n° 3

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de chômage des jeunes dans ces pays et à son faible niveau relatif par rapport aux autres pays européens. ' Bien que ceci témoigne des avantages du système dual, mais n'implique évidemment pas l'adoption du système dual par les autres pays européens (celui-ci est le fruit d'un processus qui remonte en Allemagne au milieu du XIXème siècle et son implantation véritable n'a été possible que dans le cadre du système de cogestion mis en place entre les partenaires sociaux), cela montre en tout cas: • qu'il faut, dans la mesure du possible, impliquer fortement l'entreprise dans la formation professionnelle, parce qu'elle la fait mieux, parce que cela assure que les techniques modernes et les pratiques de travail sont apprises, et qu'elle reconnaît davantage les personnes lorsqu'elle les a elle même formées professionnellement, • qu'il faut stimuler une culture de formation et d'apprentissage dans l'entreprise: * les personnels doivent pouvoir se former continûment, être récompensées de cet effort et valoriser leurs expériences pratiques en entreprise, * les objectifs de l'entreprise en matière de développement des connaissances et de qualifications du personnel devraient être clairement affichés, * les personnels de l'entreprise qui participent à la formation (les tuteurs, notamment) devraient être davantage soutenus et reconnus dans l'entreprise,

• que l'école et les enseignants doivent se centrer sur leur métier qui est

la qualité de la formation générale, Ils ont tout à y gagner et pourront ainsi mieux se concentrer sur leur mission d'acquisition de savoir et de développement de la personne. Cela signifie que l'école accepte que.l'entreprise d'une façon ou d'une autre y entre pour effectuer la formation professionnelle ou, au moins, y participer.

Les Chiffres Clés de l'Education dans l'Union européenne 95, graphique A7: chômage des jeunes par pays entre 1983 et 1993, annexe n° A. Il esl à noter cependant que la situation du taux de chômage en Allemagne est beaucoup moins bonne si l'on prend la tranche d'âge des 25-34 ans. Cela laisse supposer qu'après apprentissage où les jeunes touchent le tiers du salaire minimum, le problème se pose de manière plus accentuée qu'ailleurs Une autre explication au taux de chômage des leunes particulièrement faible en Allemagne est l'engagement moral de toute la collectivité allemande, des entreprises et des partenaires sociaux en faveur des jeunes. Les entreprises, notamment, se sentent des obligations particulières en laveur des jeunes


que les entreprises et les institutions éducatives doivent coopérer étroitement, en liaison avec les partenaires sociaux, de façon que chaque filière générale soit aussi conçue dans la perspective professionnelle, et que chaque filière professionnelle dispense des éléments convaincants de formation générale. Autrement dit, on pourrait dire que dans un système de coopération Idéal: «les enseignants ont en charge les enseignements de culture générale dans les formations générales organisées par l'école et les enseignements de culture générale dans les formations professionnelles organisées par les entreprises» et «les tuteurs d'entreprises et autres formateurs-ingénieurs ont en charge les enseignements professionnels des formations générales de l'école et ceux des formations professionnelles de l'entreprise». Cette coopération peut prendre une grande variété de voies, toutes doivent être développées: * l'organisation de nouvelles voles d'apprentissage et des placements d'élèves et d'étudiants, * l'échange d'expérience entre tuteurs et professeurs, * le développement commun (entreprises-étudiants) de matériels pédagogiques et le partage des ressources d'enseignement qui ont un coût élevé: c.-à-d. l'utilisation des équipements pour l'éducation et l'utilisation des bâtiments scolaires et universitaires pour la formation de l'industrie, à la fois en formation Initiale et continue, * la participation plus ouverte aux jurys d'examens généraux et professionnels des tuteurs pour les examens généraux et des enseignants pour les examens professionnels,

qu'un passage du jeune en situation de travail et pour une durée significative dans l'entreprise est un facteur décisif pour l'embauche. Ce passage doit permettre un retour ultérieur dans le cycle général à un niveau plus élevé.

104. Pour y parvenir, il faut accroître la porosité entre le monde de l'éducation et le monde de l'entreprise, permettre que des tuteurs d'entreprises participent à des formations générales pour les domaines professionnels et que des enseignants participent à des formations professionnelles pour les domaines généraux. Cela Impliquera de mettre en oeuvre des opérations de formation lourdes en direction des tuteurs et des ensei-

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Graphique A7. Chômage des jeunes par pays, entre 1983 et 1993. 50;, ■

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Source: Les cnitfres clés ae l'éducation dans l'Union européenne, éailion 1995 Données: Eurostat enquête sur les laces de travail NB: A utriche, Finlande, Suède les données proviennent des offices nationaux de statistiques NOTE TECHNIQUE its membres en 1993. Des drllérenees sés pour les douze EU Les taux de chômage ont été harmoni peuvent donc apparañre uniquementη ece qui concerne lesdonnées pour les trois nouveaux États membres. Cependant, comme la défin ilion du chômage a eti modifiée en 1992, une légère rupture de la série temporelle peut apparaître

gnants sur lesquelles l'Europe pourrait s'impliquer. Cela impliquera aussi de mettre en place un cadre de coopération entre les partenaires sociaux, l'Etat, les collectivités locales pour la formation générale comme pour la formation professionnelle. Là encore, les expériences allemande avec les Chambres de commerce et britannique avec les TEC (Training and Enterprises Councils) et les partenariats éducation/économie pour­


raient utilement être considérés. Enfin, l'avance prise par les entreprises européennes mondiales qui ont identifié, appris à construire et à valider les aptitudes comportementales, devrait pouvoir être utilisée dans les systèmes éducatifs et de formation. Cela suppose que ces démarches soient répertoriées et que les mécanismes permettant de les généraliser soient mis en oeuvre. Une action européenne devrait être envisagée pour cela.

La définition et la comparabilité des compétences acquises 105. Trois raisons principales peuvent être Invoquées pour renforcer la comparabilité des compétences acquises dans les systèmes d'éducation et de formation européens: (i) la première concerne la mobilité des personnes en Europe, (¡i) la deuxième concerne l'évaluation des systèmes de formation, (¡il) la troisième concerne l'auto-apprentlssage et la formation tout au long de la vie. 106. L'Union européenne est aujourd'hui un marché commun et deviendra demain une Union monétaire. La circulation des marchandises a pu se développer parce qu'il existait un étalon de mesure (l'écu et le $) des prix relatifs des produits. La circulation des personnes se développera lorsque l'on aura développé une évaluation des compétences acquises par les individus, soit en formation générale, soit en formation professionnelle, soit en formation continue. La lenteur du processus de reconnaissance mutuelle des qualifications Illustre bien la difficulté d'augmenter la mobilité intra-européenne des personnes sans mesure, même approximative, des éléments qui fondent les compétences. C'est aujourd'hui un anachronisme de ne pas aller plus rapidement dans cette direction. 107. La deuxième raison est le manque d'évaluation de ce que savent (en savoirs, savoir-faire et savoir-être) les jeunes ou adultes qui suivent des cycles d'éducation et de formation. L'évaluation des Institutions n'est pas la seule vole pour progresser (elle pousse naturellement à l'élitisme et finalement ne garantit pas toujours la compétence réelle des personnes qui en sortent). Plus Important est de savoir évaluer ce que savent les apprenants à l'issue d'un cycle de formation. En formation professionnelle ce besoin est urgent. Plusieurs pays (Belgique, Danemark, France, Irlande, Portugal, Grèce) ont mis en place des processus de certification des centres de formation. La solution la plus novatrice et la plus adaptée paraît celle mise en oeuvre au Royaume-Uni. Celui-ci a développé un

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système national de compétence innovatif et en principe pleinement approprié, basé sur des critères de qualification professionnelle définis par des équipes manages par les entreprises. De cette manière, les formés sont évalués sur la base de ce qu'ils devraient réellement faire dans un environnement de travail. C'est manifestement par la généralisation au niveau européen de tels systèmes que: (i) le marché de la formation deviendra plus transparent, (¡i) que l'on disposera de «l'étalon» qui généralisera la mobilité des personnes en Europe pour les métiers non réglementés. En même temps, ¡I faut s'assurer que les entreprises peuvent obtenir les structures et les profils de qualification flexibles dont elles ont besoin. En allant trop loin, les grilles d'équivalence des qualifications courent le risque de glisser dans une logique purement administrative du type «cette qualification donne accès à tel type d'emploi». 108. A ce propos, le Groupe a été le lieu d'un débat central qui se développe partout dans le monde sur la portée respective des notions de compétences et de qualification, avec des positions exprimées très sensiblement différentes. Les termes de ce débat peuvent se résumer comme suit. La première approche considère que la seule référence à prendre en compte réside dans la notion de qualification qui articule différentes formes de savoirs (savoirs, savoirs faire, savoirs être) qui sont acquis dans des processus éducatifs ou de formation bien définis. Dans ce contexte qui privilégie la qualification comme «objet social», la conception du système éducatif le plus adapté renvoie à un système d'enseignement formalisé qui conduit à des diplômes, qui sont eux-mêmes reconnus dans les grilles de classification négociées entre les partenaires sociaux. Deux membres du Groupe ont défendu l'Idée que ce système devait rester exclusif de tout autre. La seconde approche considère que l'avènement de la société de l'information, les effets de la globalisation, la perte de sécurité en matière d'emploi attachée à l'obtention d'un diplôme, la nécessité de se former en permanence, Imposent aussi de considérer que la compétence a une composante «d'attribut privé» qui doit pouvoir être validée indépendamment de l'institution où elle est acquise. Ce point de vue prolonge celui du Livre blanc «Enseigner et apprendre: vers la société cognitive» qui proposait d'ouvrir des modes de validation complémentaires au diplôme, sur des savoirs partiels, acquis de façon libre (c'est-à-dire en général sans recours au système formel) et susceptibles d'être délivrés tout au long de la vie et à l'Initiative de la personne.

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Les membres du Groupe se sont accordés dans leur grande majorité pour reconnaître l'intérêt et la nécessité de développer de tels systèmes qui redonneront une initiative et une responsabilité à l'individu en permettant à chacun de faire accréditer, n'importe où et n'Importe quand, en tentant sa chance autant de fois qu'il le voudra, des compétences partielles acquises soit dans un système formel, soit de façon autodidacte avec notamment l'aide des technologies de l'Information, soit par des soutiens informels divers; universités populaires, réseaux d'échanges de savoirs...La condition retenue, cependant, est que ces systèmes n'aient pas l'ambition de se substituer au système diplômant Institutionnalisé, qu'il ne soient pas conçus comme des normes appauvries de savoirs, c'est-à-dire qu'ils ne concernent pas les savoirs interdisciplinaires où se déroulent des débats d'école (histoire, philosophie, sociologie...), qu'il soient dynamiques et considérés comme complémentaires au système diplômant. De surcroît, ¡I est apparu clair à tous les membres du Groupe que lors de la période de scolarité obligatoire le processus éducatif impliquait une forte horizontalité seulement compatible avec l'approche Institutionnelle. 109. En résumé ces remarques Impliquent, dans la suite du Livre blanc de la Commission européenne: «Enseigner et apprendre: vers la société cognitive»: · ' de définir des grilles de compétences, •

de mettre en place de nouvelles modalités d'accréditation pour ces compétences,

• de rendre ces systèmes d'accréditation largement et fréquemment disponibles, •

de permettre une vérification simple, en temps continu (par l'Intermédiaire d'Internet par exemple), des progrès accomplis Individuellement dans l'acquisition d'un certain nombre de compétences,

de développer par le biais d'examens, où interviennent les partenaires sociaux, la reconnaissance des qualifications professionnelles,

• de passer systématiquement à des enseignements modulaires de durée voisine en Europe, au moins dans l'Enseignement supérieur, (ce qui suppose que les universités qui ont organisé leurs enseignement et leurs systèmes de certification en année passent à une organisation en semestres),

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d'accélérer le processus de reconnaissance des modules entre formations voisines des universités européennes.

110. Afin de promouvoir le développement de ces idées et pratiques, les facteurs ci-après sont proposés comme base d'action. Dans leur ensemble, ils permettraient d'établir un «site Internet» appelé «Que sais-je européen?»: •

Cible: tous les individus de l'Union européenne.

Contenu: un certain nombre de tests de niveaux différents sur des savoirs techniques (maths, expression écrite, comptabilité, tableurs, langues courantes etc.. évidemment pas sur la philosophie, l'histoire, la sociologie etc..) accessibles directement à partir d'un ordinateur personnel. Le résultat du test est donné en temps réel par un logiciel automatique de correction («automate d'évaluation»),

Méthode: définition des contenus demandés à partir d'un travail commun des agences nationales d'évaluation et/ou diffusion à l'Europe des meilleures pratiques.

Mise en oeuvre: prolongement et généralisation des expériences entreprises par l'Union européenne dans le cadre de l'objectif 1 du Livre Blanc «Enseigner et apprendre: vers la société cognitive».

Les nouveaux profils professionnels 111. Nos systèmes industriels sont une bonne illustration des lois de l'évolution. Comme tout organisme vivant, Ils sont devenus à la fois plus complexes et plus spécialisés. Cette spécialisation a conduit à voir apparaître une variété croissante de métiers. Quant à la complexité, elle a été gérée par des processus de coordination où les technologies de l'information ont joué un rôle central. 112. La vole à suivre n'est pas de chercher à donner à nos systèmes d'éducation et de formation la tâche de viser ces métiers1 dont les 1

L'Allemagne vient de passer dune grille a plus de 600 métiers à 300 métiers et le nouveau système de qualifications professionnelles au Royaume-Uni ne reconnaît que 180 professions

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contenus sont fortement évolutifs, mais plutôt de s'intéresser aux éléments que certains groupes de métiers ont en commun, au système qui les coordonne et aux compétences clés transversales. 113. Le Groupe considère que l'Europe pourrait contribuer — sans bien entendu viser à établir une réglementation uniforme et statique — à: •

identifier dans les principaux secteurs les nouveaux types d'entreprises qui caractériseront l'économie européenne dans les 10 prochaines années,

• définir une gamme, limitée en nombre, de métiers génériques de base, qui ne se référeront pas nécessairement aux classifications industrielles standard, •

faire évoluer en les rapprochant les classifications en métiers retenues actuellement,

préciser les principaux «profils professionnels» demandés dans l'avenir,

• définir pour ces profils professionnels les compétences à développer avant l'entrée dans l'entreprise et durant la vie active.

114. Afin d'avancer vers la définition de «profils professionnels européens», ¡I est proposé de constituer un nombre limité (pour les principaux secteurs) de réseaux professionnels au niveau européen, réunis régulièrement et chargés: (i)

d'étudier les classifications de métiers et de suggérer des évolutions destinées à les rapprocher et à les réduire,

(il)

d'identifier les métiers génériques et les principaux nouveaux profils professionnels demandés,

(¡il) donner un avis sur les compétences nécessaires pour ces métiers génériques et ces profils professionnels. Ces réseaux ne sauraient avoir une fonction d'harmonisation. Au contraire, Ils devraient fonctionner selon un principe de coopération et réunir les partenaires sociaux et les représentants des systèmes nationaux d'éducation et de formation au niveau européen. D'une façon ou

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d'une autre, des comités de ce type existent dans tous les pays. Leur principe de fonctionnement devrait être la mise en synergie des travaux des structures et comités existant dans les Etats membres et des initiatives développées dans les programmes communautaires. Ils auraient un rôle proposltionnel et consultatif.

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IV. Maintenir la cohesion sociale par l'éducation et la formation

L'impératif de cohésion sociale 115. La jeunesse n'est pas une réalité biologique qui se retrouve à l'identique au renouveau de chaque génération; la jeunesse est une réalité sociale différenciée; une réalité qui change à travers l'histoire et les espaces culturels. Certains penseront qu'il est Incongru de s'intéresser à la façon dont l'école et la formation doivent remplir leur fonction d'intégration et de promotion sociale, au moment où la principale préoccupation est le chômage. Les urgences ne seraient pas là, mais dans une compétition généralisée, dont tout le monde sait qu'elle sélectionne vainqueurs et vaincus et augmente la distance entre eux. Pourquoi s'occuper des places de chacun, de l'égalité des chances, des modifications de structures à mettre en place, alors que nous sommes confrontés à des phénomènes massifs de non emploi qui nécessiteraient plutôt d'encourager les gagnants et de compenser les perdants, juste assez, pour que l'équilibre social (et financier) soit préservé? 116. L'analyse faite par les membres du Groupe de réflexion est que raisonner ainsi serait une très grave erreur. Pour aller de l'avant, l'Europe a besoin de mobiliser tout son potentiel humain: jeunes mais aussi adultes qui cherchent à se former. Les circonstances actuelles doivent, au contraire, nous servir à construire un nouveau dessein, à le faire partager, à en définir les règles et à le mettre en oeuvre. C'est ainsi que les immigrants de la nouvelle Angleterre ont inventé le rêve américain. Comment l'ont-ils faits? En créant de nouveaux processus démocratiques mais aussi, et peut-être surtout, en élaborant une conception largement partagée de la cohésion sociale. C'est elle qui a donné le confiance nécessaire pour aller plus loin. 117. Nous pourrons résoudre les difficultés actuelles, restaurer la confiance, si l'Europe prend cette dimension. La cohésion sociale peut être obtenue

9b


de deux manières: (i) à partir d'une implication forte de la puissancepublique et des collectivités qui prennent en charge les exigences de justice sociale formulée par la société au travers du vote démocratique, c'est d'une façon générale la situation en Europe, (¡i) par la conscience sociale des individus eux-mêmes qui se mettent d'accord sur une conception commune de la performance et donc de l'échec Le rêve américain est un bon exemple de ce deuxième cas. C'est parce que la société américaine s'est largement accordée sur la légitimité du succès (le self achievement), et qu'elle a développé la conscience de l'Intérêt collectif dans l'esprit de chacun de ses membres, que la cohésion sociale a pu y être maintenue. Et cela, malgré de considérables disparités objectives des positions sociales: celles-ci ont été tolérées peut-être parce que les perdants avalent adhéré au rêve américain et intériorisé leur position comme un échec personnel; et, de ce fait, ont été moins enclins à présenter leurs requêtes à l'Etat. 118. En Europe, la situation est fort différente, car le contrat social qui Ile les peuples des nations européennes entre eux implique l'Etat et les collectivités publiques. C'est par l'Etat et les collectivités publiques que la cohésion sociale doit être assurée dans la plupart des pays européens. Ce sont eux qui assurent l'égalité des chances et la couverture sociale. Ce système a permis une grande avancée de l'éducation au cours de ce siècle. Il a étendu l'éducation universelle du primaire au secondaire, a largement ouvert l'enseignement supérieur et généralisé la formation professionnelle. Cet effort exceptionnel de scolarisation a sans conteste augmenté la qualité de la ressource humaine, favorisé l'insertion et la promotion sociale. C'est un acquis Inaliénable des peuples européens. Il est clair que l'Europe doit continuer dans cette voie et prendre garde à ne pas sacrifier l'Idée de développer les talents et les qualifications de l'ensemble de sa population aux exigences du court terme. Il n'y aura pas d'adhésion de long terme au nouveau modèle technologique et marchand qui se met en place s'il est vécu comme socialement Injuste. 119. Cette question se pose aujourd'hui avec plus d'acuité parce que l'on observe l'apparition d'une Importante sous-classe minoritaire qui finit par être exclue, aliénée, antisociale ou apathique. Ce serait une tragique erreur de la part de l'Union européenne de délaisser ce phénomène au profit d'une recherche effrénée des chemins futurs les plus efficaces en termes économiques et technologiques. Cette recherche doit être menée, mais en consolidant les acquis et en commençant, dès aujourd'hui, à mettre en place de nouveaux processus d'Intégration.

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Consolider l'acquis Une démocratisation à renforcer 120. L'éducation et la formation dans les pays européens ont de tout temps recherché à atteindre deux objectifs. Le premier objectif est que l'enseignement soit démocratique, c'est-à-dire facilement accessible (le moins cher possible, voire gratuit) au plus grand nombre. Le second objectif, moins généralement partagé, est celui dit de «l'égalité des chances» qui veut que tout individu, quelle que soit son origine sociale, puisse aller aussi loin que possible dans le système éducatif et de formation. La vérification de la réussite du premier objectif se mesure par l'Importance de la scolarisation et son développement aux niveaux plus élevés. La vérification de la réussite du second objectif se mesure, quant à elle, par la relation entre l'origine sociale ou professionnelle et la réussite éducative. Quant les enfants Issus de milieux ou de couches sociales relativement moins favorisés réussissent en proportion du nombre qu'ils représentent dans la société, l'école est parvenue à «lutter contre la reproduction sociale» et offre des possibilités de promotion sociale qu'aucune autre institution ne peut donner. La société dispose alors d'un «ascenseur social» qui est, en lui-même, un puissant élément de cohésion sociale. 121. Ces principes, qui ont été affirmés dans tous les pays européens, sont au coeur du contrat que' nos sociétés ont passé avec leur école et leur système de formation. Ce sont eux qui, pour une grande part, donneront leur légitimité aux élites et qui rendront acceptables des positions sociales moins avantageuses. Un dysfonctionnement grave et permanent à ce niveau serait sans conteste un frein considérable au développement de l'Europe, y compris sur le plan économique. 122. Si la mise en oeuvre de ces principes a été différente selon que la puissance publique au travers de l'Etat ou des collectivités locales s'y Impliquait plus ou moins directement, partout l'idée de base a été retenue. En matière de démocratisation de l'enseignement et de la formation, les résultats ont été remarquables. En Suède plus de 80% des jeunes de 20 ans ont un diplôme de l'enseignement secondaire supérieur; dans huit autres pays, on observe un pourcentage supérieur à 70% (Belgique, Danemark, Grèce, France, Irlande, Pays-Bas, Autriche et Finlande), le Portugal est le pays où ce pourcentage est le plus faible

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(36%).1 L'enseignement secondaire ne produit pas de discrimination au détriment des filles: il y a plus de filles que de garçons qui obtiennent un diplôme au terme de l'enseignement secondaire supérieur dans sept pays de l'Union (Danemark, Espagne, France, Irlande, Italie, Portugal et Finlande).2 Le pourcentage de filles diplômées est nettement plus élevé pour le secondaire supérieur général, en revanche il est plus faible dans le secondaire supérieur professionnel alors que les filles y sont moins nombreuses que les garçons.3 Quant à l'enseignement supérieur, il représente, en moyenne, 15% de l'ensemble des jeunes scolarisés dans l'Union (10,7 millions d'étudiants inscrits en 1992-1993) et s'accroît rapidement depuis la dernière décennie; en 15 ans, dans l'ensemble de l'Union européenne, le nombre d'étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur a presque doublé.4 Le même effort a été fait en matière de formation professionnelle où le % d'adultes de plus de 25 ans ayant reçu une formation professionnelle est en moyenne supérieur à 60% avec, cependant, des disparités encore très Importantes (plus de 60% en Allemagne, Danemark, Suède, Finlande, les Pays-Bas, 15% Portugal).!' Le point de vue du Groupe de réflexion est que cet effort doit être poursuivi, notamment par les pays qui n'ont pas atteint ces taux et qu'aucune mesure de rationnement ne doit être envisagée y compris au niveau de l'accès à l'enseignement supérieur. C'est dans cet esprit que le Groupe de réflexion affirme que rien ne serait pire que de rédure aujourd'hui l'effort financier en matière d'éducation et de formation. Le Groupe considère que l'Europe devrait promouvoir l'Idée que les dépenses d'éducation qui représentent aujourd'hui en moyenne 6% du PIB, devraient atteindre, dans les dix prochaines années, en moyenne 8% (sachant que les Etats-Unis consacrent 7% et la Finlande 7,9% alors que le Japon ne dépasse pas les 4,8%). Prenant acte qu'aujourd'hui, en Europe, un chiffre significatif des dépenses de formation ne peut être donné, le Groupe de réflexion considère que ces dépenses devraient augmenter d'au moins un tiers, en moyenne, dans les dix prochaines années.

Les Chiffres clés de l'Education dans l'Union européenne 95, graphique E20, Pourcentage de jeunes de 20 ans en possession d'un diplôme de l'enseignement secondaire supérieur, année 1993. annexe n° 5 Les Chiffres clés de l'Educa:lon dans l'Union européenne 95, graphique E21, Pourcentage de lilles diplômées de l'enseignement secondaire supérieur, année scolaire 1991-1992, annexe n° 6. Les Chiffres Clés de L'Education dans l'Union européenne 95, graphique E22, Nombre de lilles pour 100 garçons, diplômées de l'ense-gnement secondaire supérieur général, année scolaire 1991-1992, et E23, Nombre de filles pour 100 garçons, diplômées de l'enseignement secondaire supérieur professionnel, année scolaire 1991/1992, annexe n° 7. Les Chiffres Clés de L'Educa:ion dans l'Union européenne 95, graphique F1, Taux d'accroissemenl du nombre d'étudiants dans l'enseignement supérieur (CITE 5, 6, 7), de 1975 à 1990 L'observatoire de l'emploi, tableau de bord, 1995, Commission européenne, page 19

98


Graphique E20. Pourcentage de jeunes de 20 ans en possession d'un diplôme de l'enseignement secondaire superieur. Année 1993. 100% 33

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Source: Les chiffres clés de l'éducation dans l'Union européenne, édition 1995. Données: Eurostat, enquête sur les forces de travail, 1993 NB: Danemark: l'attestation obtenue en fin d'année préparatoire à la formation et à l'enseignement professionnel est comprise Si l'on exclut cette attestation, 53 % des leunes de 20 ans sont en possession d'un diplôme de l'enseignement secondaire supérieur Autriche, Finlande, Suède: 'es données sont issues d'enquêtes nationales et ont été fournies directement par les sources statistiques données en annexe. Elles ne soni pas prises en compte dans le calcul de la moyenne européenne NOTE TECHNIQUE L'enquête d'Eurostal sur les forces de travail lournit des données statistiques sur l'emploi et le chômage dans l'Union européenne. Les données proviennent d'enquêtes par sondage à grande échelle qui sont réalisées tous les ans par les offices de statistiques des États membres. Les méthodes de collecte des données sont élaborées de manière à obtenir des informations statistiques offrant des possibilités de comparaison optimale à la lois entre les pays et entre les différentes années

Graphique E21. Pourcentage de filles diplômées de l'enseignement secondaire supérieur. Année scolaire 1991/1992. 100%

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Source: Les chiffres clés de l'éducation dans l'Union européenne, édition 1995. Données: Eurostat NB Belgique, Royaume-Uni données non disponibles. Danemark, Irlande, Suède les données se réfèrent à l'année 1992/1993 Luxembourg les données ont été fournies par le ministère de l'Éducation nationale NOTE TECHNIQUE La répartition filles/garçons a été réalisé a sur le total des jeune.• diplômés, et non pas sur la population totale des jeunes de cet âge.

99


Graphique E22. Nombre de filles pour 100 garçons, diplômées de l'enseignement secondaire supérieur general. Année scolaire 1991/1992. 190

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(ï) Moyenne européenne (treize pays) Source: Les chiffres clés de l'éducation dans l'Union européenne, édition 1995 Données: Eurostat

Graphique E23. Nombre de filles pour 100 garçons, diplômées de l'enseignement secondaire supérieur professionnel. Année scolaire 1991/1992. 200

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(1) Moyenne européenne (aouze oays) Source.' Les chiffres clés de l'éducation dans l'Union européenne, édition 1995 Données: Eurostat WS: Belgique, Royaume-Uni données non aisponibles Danemark, Irlande, Suède les données se réfèrent à l'année 1992/1993 Luxembourg les données ont été fournies par le ministère de l'Éducation nationale NOTE TECHNIQUE Le nombre de filles diplômées pour 00 garçons est obter u en divisant le nombre total de filles diplômées par le nombre telai de garç ons diplômés, puis en multipliant le résultat par 100.

123. SI la démocratisation de l'enseignement et de la formation s'est partout développée, l'égalité des chances, par contre, a eu beaucoup plus de mal à devenir une réalité. Depuis trente ans, partout en Europe, on observe peu d'atténuation du rôle de l'origine sociale dans la réussite scolaire et universitaire. Plus grave, il y a aujourd'hui un grand gaspillage qui se reflète dans le niveau élevé d'échec scolaire [drop out) et d'aliénation que l'on Impute aux systèmes éducatifs existants. Les

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conclusions d'une recherche européenne menée au milieu des années 90 1 font apparaître qu'environ 10 à 12% des jeunes n'arrivent pas au terme de la scolarité obligatoire et n'atteignent donc pas le niveau de base requis pour de futurs Européens. En d'autres termes, il y a un sérieux décalage entre les écoles et les sociétés européennes qui conduira à une exclusion sociale ultérieure. L'Impact à long terme de cette aliénation a des effets extrêmement dommageables sur la morale personnelle, sur les attitudes, sur l'image de soi­même et sur la réticence à essayer encore. La société est également perdante du fait de la crise vécue par les personnes ainsi touchées et paie un prix important pour une conduite non sociale en termes de coûts sociaux, de santé et de sécurité. Cela devient de plus en plus fréquent dans les pays à forte immigration étrangère et doit être absolument combattu car, dans la société cognitive, ces jeunes n'auront aucune chance, notamment parce que les parcours d'autodidactes leurs seront fermés.

Aller vers plus de souplesse et d'adaptabilité 124. Cette situation Interpelle aujourd'hui de façon décisive l'école et la formation et mérite que l'on s'y attarde. Le Groupe de réflexion pense que nos systèmes d'éducation et de formation ne pourront prendre en compte ce phénomène que s'ils font preuve de plus de souplesse et d'adaptabilité, y compris dans leur conception de la démocratisation de l'école. Quels sont les enjeux en effet? L'idée démocratique qui prédo­ mine dans tout le monde de l'éducation (moins dans le monde de la formation) est que «chaque enfant, Indépendamment de ses capacités innées ou de ses conditions de vie familiale ou sociale, a droit à l'accès à la connaissance universelle en matière d'éducation». SI l'on excepte les enseignements spéciaux qui concernent des handicaps très particuliers et quelques exceptions, c'est la conception dominante en Europe, conception qui s'est plutôt renforcée ces dernières années2. 125. L'application de ce principe démocratique dans de nombreux pays européens a généralement conduit à la mise en place de cycles Intégrés au collège, voire à des collèges «uniques» ou à des «comprehensive schools» et repoussé les orientations vers des filières spécifiques à plus tard, bien qu'il existe en ce domaine des variantes. En effet, trois types d'orientation entre le primaire et le secondaire sont pratiqués en Europe: selon les pays, ¡I existe (i) une structure unique et un enseignement ■La lutte contre l'échec scolaire, un dèli pour la construction européenne», Eurydice, 1994. Cf. J.­M. Ledere ­L'enseignement secondaire obligatoire en Europe· OCDE, 1993.

101


commun dans un même établissement (cas du Danemark et des pays du nord de l'Europe); (¡i) un tronc commun ou une formation générale commune donnée dans deux établissements différents, un pour le primaire et l'autre pour le secondaire (cas du Royaume-Uni, de la France et du sud de l'Europe); (iii) des filières ou un type d'enseignement différencié à l'issue du primaire (cas de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Belgique, des Pays-Bas et de l'Irlande).' En prenant en compte l'existence dans certains pays d'une sélection autoritaire, la plupart des enfants en Eurcpe, quelles que soient leur origine sociale et leurs conditions de vie, se sont trouvés cependant confrontés à des processus éducatifs désireux de donner à un bon niveau les bases des grandes disciplines. Ce «bon niveau» de référence augmente en général de façon continu du fait du développement des connaissances et de l'évolution de la technologie, et on assiste à la fols à l'empilement des matières et à une tendance au développement de l'abstraction (phénomène qui a été souligné précédemment) qui est aussi un moyen d'appréhender plus généralement cette accumulation de connaissances nouvelles. Ce phénomène s'est particulièrement cristallisé dans le primaire supérieur (le collège). Mais ¡I a eu des conséquences sur le lycée où les filières généralistes, partout en Europe, ont enregistré une augmentation sensible. Et dans l'enseignement supérieur, où la logique disciplinaire s'est renforcée en même temps qu'une tendance à concevoir les enseignements par le haut, à partir des programmes de doctorat, La recherche universitaire, quant à elle, a pris des allures d'industrie spécialisée du fait de la multiplication des revues scientifiques ces dernières années, du mode de recrutement et de promotion des enseignants (cf. le rôle déterminant du nombre de citations dans l'International Science Citation Index dans la carrière des enseignants du supérieur), de l'extraordinaire diffusion de la pratique des colloques nationaux et internationaux, etc. Cela l'a naturellement conduit à peser sur les programmes pour disposer d'un vivier de jeunes chercheurs, qu'au demeurant elle n'a plus les moyens d'embaucher, ce qui a eu pour conséquence d'augmenter sensiblement le taux de chômage des diplômés à Bac + 10 (phénomène qui a plus particulièrement touché les femmes ayant un très haut niveau de qualification et qui poursuivent une carrière de chercheur).

126. L'objectif de démocratisation ainsi appliqué a de très ardents supporters convaincus et désintéressés. Dans certains pays ¡I a même été à l'origine de la configuration et de la nature des positions prises par les ' Education préscolaire el primare dans l'Union européenne, Eurydice, 1994, Carte d'Europe de l'orientation à la lin du primaire, annexe n° 8

102


Organisation de l'orientation dans le secondaire inferieur ou dans les dernières années de la structure unique

%

Structure Unique

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Filières ou type d'enseignement différencié Tronc commun ou formation générale commune

Source:

L'enseignement

préscolaire

et primaire

dans l'Union

européenne

(supplément).

Eurydice février 1996

syndicats d'enseignants. En général, les enseignants du primaire et du collège qui connaissent les enfants du peuple parce qu'ils les accueillent dans les quartiers populaires, ont toujours été réticents vis-à-vis d'une culture prestigieuse mais intimidante. Ils préfèrent des systèmes d'enseignement plus concrets, plus proches des préoccupations quotidiennes et plus différenciés pour tenir compte des conditions initiales auxquelles sont confrontés les enfants. Les enseignants du secondaire eux, ont dans certains pays constitué des syndicats favorables au moule unique, convaincus que la vraie démocratie était d'offrir l'excellence à tout le monde. Etant donné l'importance de cette question, elle a été au centre de nombreux débats politiques qui n'ont fait que cristalliser les oppositions et ont renforcé le dogmatisme des points de vue. 127. Il est clair aujourd'hui que tout à priori sur ces questions doit être résolument écarté. Les différences des conditions initiales des enfants sont telles que nos systèmes éducatifs et de formation doivent accepter

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de se différencier. Cette différenciation devrait être active et viser à «réparer» les effets de ces différences. Or ils ne le font pas explicitement, et dans certains cas, au nom du principe de démocratisation, refusent de le faire. Par contre, Ils le font de façon implicite, soit du fait des comportements des utilisateurs, soit du fait des conditions concrètes dans lesquelles ils fonctionnent. 128. Ainsi, aujourd'hui, les couches moyennes de la société quittent les quartiers populaires de nos grandes villes, ou à grande concentration d'immigrés car ils pensent ne pas pouvoir avoir de garantie sur la qualité de l'école pour leurs enfants. Certains établissements d'enseignement deviennent de fait des ghettos et cette situation se traduit immédiatement sur l'environnement urbain qu'elle contribue à dégrader encore plus. A l'opposé, les couches supérieures de la société utilisent tous les moyens, y compris le choix d'un logement proche d'un lycée prestigieux, pour pouvoir bénéficier d'un enseignement de qualité pour leurs enfants. Par ailleurs, on observe que dans les pays ou la sélection est élevée sur les formations générales dès le jeune âge, les parents paient quand ils le peuvent, un enseignement complémentaire privé qui peut prendre des dimensions impressionnantes. Le cas le plus significatif est celui du Japon où l'enseignement privé parallèle (le juku) s'est développé de façon considérable1. Dans certains pays les expériences de «vouchers» semblent avoir conduit au même résultat. Lorsque ces compléments ne sont pas possibles et qu'une différenciation est refusée pour des raisons de principe, l'adaptation se fait à la fols par la baisse du niveau moyen de l'enseignement général, et par l'échec scolaire. Enfin, le dernier mode d'adaptation à l'irégalité croissante des publics est évidemment d'admettre la différence de qualité des établissements et le fait qu'un diplôme obtenu quelque part n'ait pas la même valeur ailleurs. Dans ce cas l'échec scolaire est plus faible, l'offre éducative est très hétérogène, les conditions de fonctionnement des enseignants sensiblement différentes. L'avantage de ce système qui a été notamment souligné dans le cas de l'Italie est qu'il est plus flexible et qu'il se modèle aux conditions locales. Son inconvénient est que malgré la reconnaissance par l'Etat des diplômes, tout le monde sait qu'ils ne sont pas comparables, et que les chances sont différentes selon la localité où l'on se trouve.

Selon un rapport de l'Inspection générale de l'Education nationale - 'Les examens en Europe aux Etats-Unis et au Japon» - Paris, mars 1994, page 68: le coût pour les familles d'un bdn juku représentai!, en 1992, 300.000. yens par an (15 000 FF) pour 9 heures hebdomadaires se déroulant en cours du soir ou le week-end. Cet enseignement complémentaire concerne en moyenne 36% des élèves répartis de la façon suivante: 8% au jardin d'entant, 39% dans le primaire, 66% dans le collège (pour préparer la sélection à l'entrée du lycée), 21% dans le lycée

104


129. Malgré leur différence de sensibilité sur cette question centrale, les membres du Groupe de réflexion se sont accordés sur les point suivants: •

offrir un niveau d'enseignement général de qualité au plus grand nombre demeure un objectif indispensable à conserver,

lorsque les conditions le permettent l'idéal est que l'école puisse continuer à jouer son rôle de creuset social, c'est­à­dire que les enfants de milieux différents jouissent de la possibilité de suivre la même formation que les autres, bénéficier du même encadrement et des mêmes programmes. Compte tenu des difficultés actuelles liées à la différence des conditions initiales dans lesquels se trouvent les enfants (sociales ou autres), la satisfaction de ce principe dans le préscolaire ou le primaire où il est le plus Important, requiert un effort considérable d'encadrement et d'appui personnel. Cela ne peut être envisagé sans une forte augmentation des moyens humains et financiers mis à disposition du préscolaire et du primaire. De ce point de vue, l'évolution de la démographie est un facteur favorable qui devrait permettre des redéploiements à leur bénéfice,

lorsque le résultat est Insuffisant, une plus grande souplesse doit être envisagée, soit pour réexaminer la question des redoublements1, soit pour discuter l'organisation des filières spécifiques fonctionnant à partir d'autres méthodes pédagogiques qui doivent impérativement permettre ultérieurement de retrouver les filières normales, en particu­ lier, générales. A ujourd'hui en Europe, le passage d'une classe à l'autre est automatique tout au long de la scolarité primaire dans quelques pays (au Danemark, en Irlande, en Suède et au Royaume­ Uni). Dans les autres Etats membres, le redoublement de l'année pour les élèves en difficulté est possible.2 De ce point de vue, les méthodes scolaires doivent être examinées pour mieux résoudre l'échec scolaire, et davantage de ressources devraient être consa­ crées aux enfants qui rencontrent des difficultés particulières,

lorsque le résultat n'est encore pas suffisant, il ne faut pas hésiter à envisager des dispositifs spécifiques renforcés qui permettent eux aussi de retrouver un cycle normal ultérieurement,

■Peut­on lutter contre l'échec scclaire?», Marcel Crahay, Université de Liège, ed De Boeck, 1996 Les Chiffres clés de l'Education dans l'Union européenne 95, carte D1, Passage de classe durant la scolarité primaire, année scolaire 1994­1995, annexe n° 9.

105


Carte D1. Passage de classe durant la scolarité primaire. Année scolaire 1994/1995.

Promotion automatique Redoublement annuel possible Redoublement possible au terme du cycle Redoublement exceptionné

/ < Source: Eurydice

1

en tout cas, le Groupe de réflexion considère, qu'indépendamment des moyens utilisés pour y parvenir, la consolidation de la démocratisation de l'enseignement passe par la garantie donnée à tout jeune Européen de disposer d'un socle de compétences de base reconnues à la fin de la scolarité obligatoire.] Il ne s'agit pas de limiter la possibilité que de nombreux jeunes aillent bien au delà à cet âge, il s'agit de faire en sorte que chaque adolescent ait les moyens d'affronter le monde qui l'entoure et de pouvoir ultérieurement développer, y compris par une démarche autodidacte, sa compétence tout au long de la vie. Compte tenu du niveau de l'échec scolaire actuel, de l'importance de l'absentéisme dans certains

L'âge de lin de scolarité obligatoire diffère entre les Etats membres et s'établit à 18 ans dans certains pays De ce fait, cette proposition doit être vue de manière flexible

106


collèges, de toutes les observations qui sont faites ultérieurement en formation professionnelle, sur la nature des handicaps que de nombreux jeunes ont à 20 ans, il ne s'agit pas d'une recommandation a minima. Il s'agit, au contraire, d'un objectif extrêmement ambitieux qui, s'il est réalisé dans les prochaines années, constituera un important progrès dans la voie de la démocratisation de l'enseignement. 130. Le développement de la formation est également décisif pour consolider la démocratisation de l'enseignement. Aujourd'hui, tous les Etats membres disposent d'un large éventail de formations pour répondre aux besoins du marché du travail et des individus et encourager la formation permanente. Les programmes de formation initiale financés sur fonds publics et destinés aux jeunes se sont également fortement développés, soit à partir d'une dominante scolaire (France, Suède et Finlande), soit à partir d'une dominante pratique (Allemagne, Pays-Bas, Danemark et le Royaume-Uni). Ces derniers prévoient des périodes de formation hors entreprise, dans des écoles techniques ou des établissements d'enseignement professionnel. Pour la formation des adultes, l'offre est très diverse et le secteur privé joue un rôle considérable. D'une façon générale, l'initiative individuelle est ici prédominante. Les niveaux régionaux et locaux jouent toujours un rôle important dans ces formations. La difficulté est plutôt le nombre d'organismes de formation (près de 60.000 en Europe) qui rend ce marché peu transparent. Les enjeux aujourd'hui sont manifestement d'étendre la formation à tous les âges et pas seulement pour couvrir des besoins spécifiques, de prendre en compte les nouvelles formes de travail, en particulier le travail à temps partiel et le travail indépendant. Enfin, un enjeu central est que la formation soit davantage anticipatrice que de compensation (plan de reconversions, traitement du chômage) pour l'ensemble de la force de travail. Aujourd'hui les opérations de formation prospectives destinées à préparer à l'avance les modifications des activités sont encore trop exclusivement consacrées à l'encadrement. Il y a cependant de grandes avancées dans certains pays comme ¡a Suède dont le gouvernement a annoncé en août 1996 que dans les cinq prochaines années un important effort serait consenti en faveur de l'éducation des adultes.

Mettre en place de nouveaux moyens d'intégration 131. Le Groupe de réflexion considère que quatre questions clés doivent être aujourd'hui prioritairement prises en compte. La façon dont ces ques-

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tions pourront être traitées sera décisive pour la mise en place d'un nouveau modèle d'intégration sociale. Ces questions sont: (i) l'éducation préscolaire, (ii) l'orientation à la fin de la scolarité obligatoire et à l'entrée à l'université, (iii) le traitement spécifique des exclus et la prévention de l'exclusion, (iv) la formation tout au long de la vie.

L'importance centrale de l'éducation de l'enfant au plus jeune âge 132. L'âge d'entrée dans l'école formelle varie entre les Etats de l'Union européenne. Cependant, tout le monde est d'accord pour admettre que l'expérience acquise très tôt par l'enfant a une influence déterminante sur sa personnalité et son intégration ultérieure. C'est pour cette raison que les programmes d'éducation préscolaire et «le démarrage» tôt au bénéfice des jeunes enfants, en accordant une attention égale aux garçons et aux filles, ont une faveur croissante. La modification du rôle de la famille comme institution sociale a souvent pour conséquence que les parents (ou le parent) ne sont pas présents à la maison aussi souvent que c'était le cas autrefois. La crèche et le préscolaire ont été davantage sollicités pour combler ce manque. Certains pays européens offrent un soutien préscolaire convaincant. Dans d'autres, la performance est plus faible. Les couches relativement aisées de la population peuvent recourir à une éducation préscolaire privée (et payante) satisfaisante pour leurs enfants qui se substituera au travail éducatif et de socialisation qu'ils n'ont pas pu faire eux-mêmes. Par contre, dans les familles pauvres ou qui fonctionnent mal, ce qui se passe à la maison contrarie une bonne éducation et rend plus difficile l'intégration ultérieure. Comme ces familles n'ont pas les ressources, ou ne saisissent pas l'importance de cette éducation jeune, rien ne se passera si la collectivité n'intervient pas. Dans ces situations, l'écart entre les enfants soutenus qui suivent un cycle formel, géné'alement issus des classes moyennes ou supérieures, et les autres, deviendra vite significatif. On peut penser qu'il s'aggravera au fur et à mesure du temps, ce qui conduira à l'échec scolaire et à l'aliénation. En effet, nombreuses sont les études et en particulier l'étude n° 6 publiée en 1995 par la Commission européenne: «L'importance de l'éducation préscolaire dans l'Union européenne, un état de la question» qui montrent que la question essentielle est d'examiner comment les centres d'éducation préscolaires peuvent compléter, voire soutenir l'action éducative des familles. 133. Il est nécessaire que tous les gouvernements de l'Union européenne prennent sérieusement en compte la question de l'éducation préscolaire

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et la soutienne. On constate de grandes disparités selon les pays: la durée moyenne de fréquentation d'une Institution éducative avant l'en­ trée dans l'enseignement primaire obligatoire peut varier de un an à plus de trois ans.1 En outre, des programmes d'intervention soigneusement conçus, devraient être développés de façon à assister les parents, particulièrement lorsque les conditions ne sont pas bonnes, pour favoriser les liaisons avec l'école, pour qu'ils prennent conscience de l'Intérêt de leurs enfants, pour qu'ils soient mieux éduqués eux­mêmes, et donc meilleurs éducateurs. Le lien entre un mauvais départ et l'échec scolaire est étroit. Une attention tôt serait un réel investissement dans le développement des ressources humaines bien que son rendement ne soit ni Immédiat, ni simple à évaluer. Graphique C4. Durée moyenne de préscolarisation. Année scolaire 1992/1993. 6 5 4

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Source. Les chiffres clés de l'éducation dans l'Union européenne, édition 1995. NB: Irlande le calcul de la durée moyenne de préscolansation prend en compte les enfants de 6 et 7 ans, en åge de scolarité obligatoire, mais maintenus dans les classes préscolaires {¡niant Classes) Luxembourg la durée théongue de l'offre est de trois ans depuis 1993 Pays-Bas seule la première année facultative du Basisonderwijs a été considérée comme une année préscolaire NOTE TECHNIQUE La durée moyenne de préscolansatior est obtenue par add tion des taux de scolarisation pour les différents âges Par exemple, en Belgiq je: 38 % des enfants o e 2 ans + 97,6 % des enfants de 3 ans + 99.2 % des enfants de A ans + 97,i % des enfants de 5 ar ÍS + 4% des entants de 6 ans = 336,6 ou 3,37 ans

134. Une formule qui donne de bons résultats est le soutien hors école des élèves en difficultés par des mouvements associatifs ou des ensei­ gnants non professionnels appuyés par les collectivités locales. Ce système se révèle très efficace dans les pays où il est appliqué, Les Chiffres clés de l'Education dans l'Union européenne 95, graphique C4, Durée moyenne de préscolansation, année scolaire 1992/1993, annexe n° 10.

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notamment au Danemark. Dans ce cas, la collectivité prend en charge certaines des défaillances de la famille. Là encore, une certaine souplesse est nécessaire pour mobiliser les ressources éducatives sur un territoire donné. Cette souplesse n'existe pas en général dans les pays où la doctrine du moule unique et du monopole de l'école publique est prédominante. Une façon simple et particulièrement efficace d'empêcher son développement est d'obliger tous ces éducateurs non professionnels à être détenteurs d'un diplôme national dans le champ concerné. Ici l'intérêt corporatiste met clairement des barrières aux processus de correction des inégalités.

L'orientation 135. L'orientation est nécessaire lors de deux périodes clés: après la fin de la scolarité obligatoire, pour choisir entre des parcours professionnels ou généraux, et au moment de l'entrée à l'Université. Tous les pays européens ont mis en place des mécanismes d'orientation qui permettent d'avoir une Information sur les métiers et sur les parcours permettant d'y accéder. Dans certains pays, des corps spécialisés de «conseillers d'orientation» ont également été mis en place. Le sentiment des membres du Groupe de réflexion est que les enseignants eux-mêmes doivent davantage s'impliquer dans l'orientation. Cela suppose qu'ils soient eux-mêmes formés à cela et capables de décrypter des itinéraires professionnels et d'Identifier voire de susciter des vocations. Il convient aussi que les grandes entreprises leaders dans un secteur participent de façon systématique à des réunions dans les écoles qui permettent de présenter l'évolution de leurs métiers. Enfin, une orientation et un conseil professionnels efficaces devraient assurer que les filles, en particulier, ne restreignent pas leurs choix professionnels (ou ne sont pas incitées automatiquement à le faire) aux emplois traditionnellement vus comme féminins, ce qui limiterait, de fait, leurs perspectives de carrière. 136. Il ne faut pas se dissimuler que les incertitudes actuelles sur les évolutions des métiers et sur la possibilité de les occuper sont des freins puissants pour l'efficacité de l'orientation. Aller dans le sens des recommandations faites plus haut concernant la mise en évidence de «métiers génériques» et de «profils professionnels» paraît donc être une nécessité qui aurait en plus l'avantage de modifier un certain nombre de connotations sociales qui désavantagent les élèves, notamment ceux qui sont en difficulté. Par ailleurs, qui aujourd'hui,

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même bien informé, est en mesure de dire à un adolescent de 16-17 ans dans quelle voie il doit s'engager compte tenu de ses dispositions? L'Important est plutôt qu'il essaie de construire un projet professionnel - même s'il doit le remettre en cause ultérieurement pour adopter une démarche qui lui permette de percevoir que l'éducation et la formation sont des investissements de long terme. C'est aussi un moyen de développer le sens de la responsabilité individuelle dans les choix éducatifs et de formation, responsabilité qui devra être exercée toute la vie. Enfin, le principal mérite d'une action soutenue en faveur de l'orientation est de modifier un certain nombre de représentations sociales qui handicapent les élèves, en particulier dans les milieux défavorisés. L'orientation doit donner l'ambition d'ouvrir des perspectives qui ne viendraient pas naturellement à l'esprit dans certains contextes. 137. Lors de la fin de la scolarité obligatoire, l'orientation doit permettre de choisir les filières. Dans la mesure du possible, ces choix doivent concerner des filières de qualité équivalente et être facilement réversibles. Cela suppose de nombreuses passerelles entre ces filières et des systèmes d'équivalence modulaires plus développés. Les tendances ou corporatlsmes qui cloisonnent les disciplines doivent être évités. Il en est de même dans l'Université. Le choix pour un domaine d'un groupe disciplinaire plus large (le droit dans les sciences sociales, par exemple) doit pouvoir permettre de changer de filière. C'est de moins en moins le cas aujourd'hui. La nécessaire libération du savoir, comme la logique fondamentale du développement de la recherche, plaident pour une multiplication des passerelles et des équivalences. Ceci permettra le développement de la multicompétence à la fols dans le sens professionnel et du point de vue des qualifications transférables à plusieurs niveaux.

Le traitement spécifique des exclus 138. La dureté des ajustements qu'il a fallu réaliser ces dix dernières années fait que l'Europe a aujourd'hui une masse de personnes, en particulier de jeunes, sans qualification véritable, sans emploi, soutenus par divers mécanismes d'aide sociale ou insérés dans différents cycles de formation dont, pour la plupart, l'Issue est incertaine. Ces personnes en grande difficulté sont, en général, dans les banlieues de nos grandes villes. Un considérable effort a été entrepris par les collectivités publiques, l'Etat, les associations pour rendre la situation supportable. Le Groupe de réflexion considère que le problème le plus préoccupant est

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Graphique A8. Chômage et niveau d'éducation. Taux de chômage pour la population âgée de 25 a 35 ans par niveau d'éducation, 1993. 30%.

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Source: Les chiffres clés de l'éducation dans l'Union européenne, édition 1995 Données: Eurostat enquête sur les forces de travai/ NB: Luxembourg données non cisponibles Suède les données proviennent ce l'office national de statistiques NOTE TECHNIQUE s statistiques sur l'emploi et le chômage L'enquête d'Eurostat sur les forces deìvail tr fournit des donnée tes par sondage à grande échelle qui s proviennent d'enque dans l'Union européenne. Les donnée ts membres. Les méthodes de collecte ; de statistiques des EU sont réalisées tous les ans par les office ìtions statistiques offrant des possibilités e à obtenir des inform^ des données sont élaborées de manié années. } les pays et entre les de comparaison optimale à .a fois entr o, l'enseignement secondaire intérieur l'éducation de l'Unesc Dans la classilication internationale de lérieut au niveau CITE 3, et l'enseignelement secondaire su/, correspond au niveau CITE 2, l'enseigr supérieu non-universitaire), 6 (premier diplôme ment supérieur aux niveaux CITE 5 iseignement (e me diplôme università!e ou équivalent). universitaire ou éguivalent) et 7 (deuxiè

celui des jeunes sans formation qualifiante1 le plus souvent placés dans des conditions familiales et sociales qui ne leur donnent guère de possibilités d'avenir. Le développement des phénomènes de criminalité, la drogue sont des produits directs de cette situation. Les Chilfres clés de l'Education dans l'Union européenne 95, graphique A 8: chômage et niveau d'éducation, taux de chômage pour la population âgée de 25 à 35 ans par niveau d'éducation, 1993, annexe n° 11.

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139. Si nous ne nous occupons pas maintenant de façon prioritaire et spécifique de ces jeunes, nous consoliderons à long terme l'idée que nos sociétés acceptent un pourcentage Incompressible et «structurel» de personnes dans ce type de situation. Ce sera à l'évidence une régression sociale qui finira par remettre en cause la construction européenne elle-même. On doit aussi souligner que l'éducation et la formation sont à la recherche de solutions pour résoudre les problèmes d'exclusion sociale et que ces seules mesures ne suffiront sans doute pas. Il est nécessaire d'envisager des interventions intersectorielles dans lesquelles les Initiatives éducatives sont appuyées par une action de coopération dans des domaines tels que le logement, la santé, le bien-être social, l'emploi et la justice. 140. Dans son Livre Blanc «Enseigner et apprendre», la Commission a mis en oeuvre des projets expérimentaux de développement d'une «deuxième chance par l'école» qui visent à être généralisés, et surtout à montrer que par des moyens adéquats, des pédagogies adaptées, par la mobilisation de tous les acteurs privés et publics dans une grande agglomération urbaine, il est possible de remettre ces jeunes dans la voie de l'Intégration, voire de la réussite. C'est exemple est désormais à réussir car beaucoup pensent que cette population est Irrécupérable et que la seule chose que la société puisse faire désormais est de les soutenir par des allocations publiques et de contrôler leur débordement par l'action policière. Or tout indique que cela n'est pas vrai, même pour ceux qui ont utilisé des moyens de survivre économiquement illégaux. 141. Mener des actions visant ces populations à grande échelle, tenter des expériences du type de celles qui viennent d'être évoquées, en Imaginer d'autres, est désormais devenu une priorité. Les principes de cette action doivent être les suivants: (i) cette population doit être insérée dans des mécanises ambitieux qui visent l'excellence et pas uniquement l'action sociale d'accompagnement ou de compensation, (¡i) la pédagogie doit être complètement transformée, voire inversée '; elle doit partir des compétences comportementales de ces jeunes une fois identifiées, elle doit les hypertrophler dans la perspective d'une activité et consolider le socle de savoirs de base indispensable, elle doit accréditer ces compétences dans des systèmes non obligatoirement diplômants; (¡il) des mesures doivent être prises continuellement et très tôt dans les écoles pour prévenir l'échec scolaire; (¡v) il faut solliciter dès le départ la

C'est St Ignace de Loyola parlant a propos d'éducation qui disait -qu'une même maladie ne doit pas être invariablement traitée de ¡a même manière; mais survient la nature du malade, ¡I faul employer des remèdes différents, et, parfois même, des remèdes tout à fait contraires·.

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mobilisation des entreprises; (v) il faut mobiliser les opérateurs locauA, en particulier les Universités pour que via le service volontaire, ces jeunes soient accompagnés chaque fois que possible par un étudiant, pour que de nouveaux diplômes d'Université soient mis en place pour eux, ainsi que le système de formation professionnelle et les associations qui aujourd'hui s'en occupent. 142. Ces expériences nécessairement limitées devraient pouvoir féconder l'ensemble des systèmes d'accompagnement de ces jeunes, leur donner de nouvelles perspectives pédagogiques, enlever de l'esprit que les méthodes traditionnelles et les programmes de formation standards leurs sont applicables, et surtout, faire la preuve par l'exemple que le fait d'être d'une culture différente, de ne pas avoir satisfait aux conditions permettant d'obtenir un diplôme à 20 ans, n'est pas une preuve de manque de capacités pour jouer son rôle dans le développement de notre société. On pourrait objecter au développement d'actions spécifiques de ce genre qu'elles ne sont pas immédiatement générallsables et qu'elles conduiraient à des ghettos pendant la phase de remise à niveau. La réponse est que rien n'exclut d'aller beaucoup plus rapidement en y mettant des moyens et que, de toute façon, ils sont aujourd'hui dans des ghettos, mais des ghettos sans issue.

L'éducation tout au long de la vie 143. Si l'éducation tout au long de la vie devient un objectif pleinement adopté par les gouvernements et s'il se concrétise largement, alors les années qui viennent seront un point de repère essentiel dans l'histoire de l'éducation. «L'Education tout au Long de la Vie» (ETLV) détient en germe la possibilité de modifier toute la compréhension publique de l'éducation. Elle fera prendre conscience de ce que l'éducation et la formation sont des processus continus, sans pour autant détourner de la nécessité de faire un effort particulier aux plus jeunes âges. De nombreux analystes des modèles sociaux et culturels contemporains et à venir, soulignent le besoin de cette vue large et englobante sur l'éducation envisagée comme un processus qui se développe toute la vie. La société moderne sera une société cognitive et l'Europe y tiendra une place déterminante si elle développe pleinement ce concept éducatif. Permettant d'inclure la question de l'éducation précoce des enfants, de la seconde chance, de l'éducation des adultes, de celle qui se développe dans les communautés, de l'éducation traditionnelle, il peut jouer un rôle fédérateur dans la pensée éducative et dans les politiques.

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144. Il reste bien entendu à choisir les modalités de mise en oeuvre de l'ETLV. Plusieurs possibilités sont envisageables. La première est que les employeurs et/ou le gouvernement libèrent des périodes éducatives payées sous la forme de périodes sabbatiques. La seconde, est de faire davantage confiance à la responsabilité Individuelle en offrant des bases de données facilement accessibles pour différents savoirs, différents types de certification," notamment à partir des universités à distance. Cette direction qui donne plus de place à la responsabilité Individuelle nécessite que se développe un «supermarché» de produits éducatifs (d'enseignement et de certification) auquel chacun pourrait avoir accès. La troisième est d'insister fortement pour l'octroi d'un droit à l'éducation permanente soit au niveau national, soit au niveau des branches Industrielles et de se donner les moyens budgétaires de l'appliquer. Quelle que soit la solution ou la combinaison de solutions choisie, on doit souligner que les technologies de l'Information qui modifient en profondeur nos sociétés nous ont donné en même temps les moyens de réaliser l'ETLV. Le développement général des technologies de l'Information et des nouveaux media, offre une opportunité sans précédent pour sa mise en oeuvre: désormais, l'éducation et la formation de toute la population peuvent se faire n'Importe où et à n'importe quel moment quand elles sont techniquement possibles

Orientations d'action pour l'Europe 145. Dans la perspective qui vient d'être développée, l'Europe peut avoir trois champs d'action privilégiés: (I) elle peut contribuer à donner une garantie au niveau européen sur l'acquisition par tout jeune européen du socle de compétences de bases Indispensables; (¡i) elle peut contribuer à faciliter l'orientation et le conseil aux moments critiques; (iii) elle peut développer des expériences qui visent le soutien préscolaire, la lutte contre l'exclusion, les populariser et contribuer à les généraliser.

Un socle de connaissances de base indispensables à la fin de la scolarité obligatoire pour tous les jeunes Européens 146. Satisfaire cet objectif est aujourd'hui déterminant car l'échec scolaire est la cause de tous les maux futurs. Peu importe la méthode choisie par chaque

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système éducatif pour y parvenir.' Le point Important est que le résultat soit acquis. Le Groupe de réflexion considère que c'est la recommandation la plus importante pour le maintien de la cohésion sociale en Europe. On peut penser, à priori, que ce socle devrait comprendre: les éléments de calcul et de sciences indispensables à cet âge, la maîtrise de l'écran d'ordinateur, la lecture, l'expression écrite, des éléments d'histoire et d'instruction civique, les bases d'une langue étrangère. Mais la question du contenu est ouverte et devrait faire l'objet d'une réflexion conjointe de la part des différents Etats membres. L'acquisition de ce socle ne pourrait évidemment pas être sanctionnée par un examen européen, dans la mesure où il n'est pas possible d'obtenir des standards européens, mais plutôt par des tests qui seraient offerts à toutes les Institutions éducatives européennes, voire à chaque individu, libres à eux de les utiliser ou pas. Graphique E1. Âge de fin de scolarité obligatoire à temps plein et fin du premier cycle de l'enseignement secondaire. Année scolaire 1994/1995. 17 ans 16 ans

-m

15 ans 14 ans 13 ans

Q

12 ans 11 ans

P

FIN

S

10 ans.

EW NI SC UK

9 ans

ι Fin de la scolarité obligatoire à temps plein [

" Ί Enseignement secondaire de premier cycle \/Λ

I Enseignement de base

Années supplémentaires possible

Source: Eurydice NB: Allemagne la durée de la scolarité obligatoire à temps plein est lixée à neul ans dans douze Länder et à dix ans dans quatre Lander Elle s'achève donc à 15 ans ou à 16 ans

NOTE TECHNIQUE La classification internationale type de l'éducation CITE élab orée par ¡'Unesco est utilisée comme référence par les pays et les organ 'salions internationales pour harmoniser les statistiques de 3S1trois dernières anni l'éducation. Selon cette classification, es de /'Educación General Básica (en Espagne avant la réforme), de la Folke skole (au Danemark),de l'Ensino Básico (au Portugal), de la Peruskoulu/Grundskola (en Finlande) ede la Grundskola (en Suède) sont classées au même niveau que le premier cycle de l'er.seignemeril secondaire (CITE 2).

Chiffres clés de l'Education dans l'Union européenne 95, graphique E1, Age de fin de scolarité obligatoire à temps plein et fin du premier cycle de l'enseignement secondaire, année scolaire 1994/1995, annexe rî' 12 (la lin du premier cycle ou la fin de l'enseignement de base organisé en struclure unique correspondent souvent à l'âge de la fin de la scolarité obligatoire à temps plein.

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147. La réalisation concrète de cette orientation implique: •

que les comités de programmes nationaux soient réunis au niveau européen pour définir le contenu et la nature de ce socle,

• que des systèmes d'accréditation des compétences soient largement disponibles pour éventuellement permettre de vérifier l'acquisition de ce socle, •

que les meilleures pratiques pédagogiques disponibles parmi les Etats membres pour l'acquisition de ce' socle soient répertoriées et diffusées,

• que la fabrication de manuels et d'outils multimédias soient dévolus à la réalisation de cet objectif. Ici, une certaine prudence s'impose caree socle ne doit pas devenir la norme acquise par tous après 16 ans. Il convient, comme il a été dit, que de nombreux enfants puissent aller au-delà. Le recours à des formes d'évaluation Informelles, n'impliquant aucune conséquence sur la poursuite des études ou le choix d'une filière, par les institutions ou personnelle par l'élève lui-même, sont à privilégier. Le système d'accréditation des compétences expérimenté dans la suite du Livre Blanc pourrait donner à terme, parmi d'autres systèmes, la possibilité de vérifier l'acquisition de ce socle.

Faciliter l'orientation 148. L'Europe est un espace privilégié pour aider les actions d'orientation menées dans les Etats membres. Cela suppose: • que les travaux menés pour identifier les compétences génériques et les nouveaux profils professionnels soient transférés dans les écoles et auprès des responsables de l'orientation et du conseil auprès des élèves, • qu'un système d'Information permanent sur les filières d'enseignement, les universités et les filières de formation soit mis en place au niveau européen, • que la mobilité des enseignants vers le monde des entreprises soit facilitée, •

que l'utilisation des grands media (en particulier de la télévision) soit davantage sollicitée,

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que des manifestations du type «Salon européen des métiers et des compétences» soient organisées et qu'un effort soit fait pour rendre communicables et facilement accessibles les données disponibles sur l'emploi et les métiers, ainsi que sur les compétences qu'ils requièrent.

Développer des expériences de soutien ciblées 149. Il est souhaitable que l'Europe ait la possibilité d'utiliser ses grands programmes, en oarticulier Leonardo da Vinci et Socrates pour mener des expériences spécifiques, charge aux Etats membres de choisir de les généraliser ou pas. Ces expériences pourraient viser à tenter de diffuser les bonnes pratiques, en particulier dans l'éducation préscolaire, le primaire et dans la lutte contre l'exclusion. Les programmes communautaires d'éducation et formation constituent le moyen privilégié pour conduire de telles expériences. Un équilibre doit être trouvé dans la répartition des moyens pour développer la fonction d'expérimentation sur des projets porteurs, avec un seuil significatif de moyens (par exemple entre un quart et un cinquième), et la fonction de diffusion des résultats et de transfert de bonnes pratiques (par exemple, entre trois quarts et quatre cinquièmes). L'efficacité et l'impact de l'action communautaire pourraient ainsi être améliorés et rendus plus pertinents au regard des problèmes posés par la construction de la société cognitive. Le projet, en effet, a pour particularité de concentrer plusieurs problématiques en même temps et de voir comment ¡I est possible de les articuler. Dans cette perspective, des expériences devraient être tentées ou prolongées sur:

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les formes de soutien préscolaire et primaire, hors école, qui mobilisent les collectivités et les associations, notamment en tentant de transférer dans d'autres contextes les meilleures pratiques,

le soutien aux systèmes Informels d'éducation permettant le développement de l'éducation tout au long de la vie (notamment les réseaux d'échanges de savoirs et les universités populaires),

les dispositifs de deuxième chance, adaptés aux contextes locaux et nationaux, à destination des jeunes exclus sortis de la scolarité sans diplômes et en situation d'exclusion pour les réintégrer dans des processus d'aoprentissage indispensables dans le contexte de la société cognitive.


V. Utiliser pleinement les possibilités offertes par les technologies de l'information

150. Les nouvelles technologies de l'information inquiètent et fascinent à la fois. Après la révolution informatique elles ouvrent de nouvelles possibilités de communication entre les hommes qui paraissent aujourd'hui sans limites. Intégrant tous les media, elles vont modifier notre environnement à un point probablement encore plus Important. L'éducation et la formation ne pourront pas rester à l'écart. Elles devront réinventer leur rôle et devenir un élément décisif pour en optimiser l'usage.

Vers une nouvelle approche de l'éducation et de la formation? 151. Le développement exponentiel des nouvelles technologies de l'information (NTI) va donc sans nul doute mener à un profond bouleversement de l'éducation et de la formation. Certains parlent même d'un nouveau paradigme qui bouleverserait le processus éducatif, les méthodes, la place des acteurs, voire le concept d'éducation lui-même1. Personne, aujourd'hui, ne peut dire de façon précise dans quel sens iront les modifications et comment elles affecteront l'éducation et la formation. La première raison est que les NTI ouvrent toutes les possibilités, représentent des enjeux industriels et culturels majeurs, donc des enjeux de pouvoir qui ne sont pas encore tranchés. La seconde raison est que tout dépendra finalement de la façon dont l'utilisateur s'en saisira et des possibilités qu'il aura de se les approprier. La troisième raison est l'Incertitude sur la réaction des systèmes éducatifs. 152. Si l'on pense, avec les plus grands philosophes de l'éducation, que tout processus d'acquisition de la connaissance et de construction du savoir, Cf. «The educational paradigm shift», The report of the Task Force of the International Council on Distance Education· Standing Committee of Presidents Juin 1996.

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voire le savoir lui même, ' dépendent du contexte historique, social et culturel des personnes qui y sont confrontées, alors on peut penser que des changements considérables vont se produire. Le principal changement viendra du fait que celui qui apprend choisira et modifiera lui même de façon permanente son processus éducatif. Il le fera dans un dialogue a plusieurs voix où la voix formelle (école, université, etc.) ne sera qu'une voix parmi d'autres. Il aura accès à des sources multiples et sera confronté de façon aléatoire à une masse d'informations disponibles, qui seront autant de représentations d'une réalité scientifique, humaine, ou sociale. Par ailleurs, ces Informations viendront de sources culturelles et nationales diverses et leur décodage nécessitera de comprendre les cultures qui sont à leur origine. Enfin, l'utilisation du temps ne sera plus la même, de même que celle de l'espace. Ce processus d'éducation se fera ailleurs que dans une salle de classe, pendant des périodes différentes de l'année ou du semestre académique, certainement toute la vie. 153. Parmi les changements potentiels identifiés,2 il faut donc noter: •

le passage d'un savoir objectif à un savoir construit,

le passage d'une société industrielle à une société cognitive,

la transformation de la mission éducative d'instruction à la mission de donner les méthodes de l'apprentissage personnel,

le rôle croissant, et peut être demain dominant, d'un processus de communication et d'acquisition de la connaissance au travers d'une technologie,

le passage des modèles formels d'écoles et d'universités, à des structures encore indéterminées.

154. Le Groupe de réflexion pense que ces évolutions seront sans doute plus lentes que ne le laissent supposer certaines hypothèses actuelles. Les Innovations technologiques ne se transforment en Innovation sociale qu'au rythme de l'évolution forcément plus lent des capacités d'assimilation des organisations et des Individus. On observera probablement une période intermédiaire relativement longue avant que les nouvelles ' Cf. «La critique de la raison pure» d'Emmanuel Kant Notamment par le «International Council on Dislance Education»

2

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technologies puissent entrer massivement dans les écoles et s'inscrire dans les budgets de consommation des ménages, exactement comme c'est le cas pour l'ordinateur personnel et l'utilisation des réseaux d'information et de communication électronique (5% seulement des écoles européennes sont connectés au réseau Internet; le télétravail ne concerne encore qu'1% des salariés). En outre, malgré la baisse sensible de leur coût, la vitesse de leur évolution rend leur obsolescence rapide et donc les durées d'amortissement courtes. C'est déjà aujourd'hui un élément dissuasif pour les ménages, que l'on relève, là encore, pour l'ordinateur personnel. Très probablement, les entreprises et la formation seront donc d'abord concernées. Le grand danger sur lequel le Groupe de réflexion souhaite particulièrement insister est le risque d'inégalité d'accès à ces nouveaux media et qu'ils soient de fait réservés aux personnes au travail et celles qui pourront acquérir un équipement chez elles. Ce danger doit être, dès maintenant, prévenu de façon que des moyens collectifs (centres de ressources, équipement des bibliothèques publiques) soient le plus rapidement possible mis en place. 155. L'enjeu est néanmoins considérable pour les systèmes éducatifs et de formation. Nombreux sont ceux, aujourd'hui, qui pensent que le temps de l'éducation hors l'école est venu et que la libération du processus éducatif rendu ainsi possible, aboutira à un contrôle par des offreurs d'éducation plus innovants que les structures traditionnelles. Sur ce point, le Groupe de réflexion a une position plus positive. Rien ne pourra se substituer à l'école, à la relation humaine qui s'établit entre un élève et un enseignant. Aucune forme de technologie virtuelle, aucun automate, n'atteindra jamais la richesse et l'intelligence de la communication humaine directe. On peut même penser que cette forme de communication sera davantage valorisée une fols que seront perçues les limites de l'autre. Certaines expériences, développées notamment au niveau local, tendent à montrer que les écoles et les enseignants pourront être amenés à jouer un rôle pivot pour l'intégration de leur environnement et de leur territoire dans les réseaux de la société de l'information. Spécialistes de la communication et de l'accès au savoir, les enseignants sont particulièrement à même, non seulement de fournir à leur environnement les clés d'accès aux réseaux et les moyens intellectuels de valorisation de l'information ainsi accessible, mais également de participer plus profondément à l'inclusion de réseaux organisés et conviviaux au niveau d'un territoire dans les réseaux à vocation plus générale. La question de savoir si ces activités se dérouleront au sein des institutions scolaires ou par les

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enseignants eux-mêmes en marge de celles-ci est également un sujet d'intérêt. 156. Il reste que les mondes de l'éducation et de la formation doivent absolument se saisir de la considérable opportunité offerte par ces nouvelles technologies. Non seulement en les utilisant, mais en participant à leur évolution. Le Groupe de réflexion pense qu'elles constituent un moyen d'enseigner mieux: (i) en débarrassant l'enseignant de nombreuses tâches qui lui permettront de développer les aspects amont de son enseignement, en particulier de mieux se concentrer sur les approfondissements méthodologiques, (¡i) en améliorant la pédagogie, par exemple en élargissant l'accès aux données et à la simulation multimédia, et en introduisant une évaluation objective immédiatement restituée à l'apprenant, (iii) en favorisant le travail personnel et le travail en groupe, (iv) en poussant le monde de l'éducation à s'ouvrir sur la collectivité, à revoir sa relation aux élèves, à participer à la formation tout au long de la vie. Enfin, pour l'Europe, l'enjeu est également important. On peut douter que notre continent tienne la place industrielle qui lui revient sur ce nouveau marché si nos systèmes éducatifs et de formation ne suivent pas rapidement. Le développement de ces technologies, dans un contexte de forte concurrence internationale, nécessite que les effets d'échelle puissent jouer à plein. Si le monde de l'éducation et de la formation ne les utilisent pas, le marché européen deviendra trop tard un marché de masse, et l'évolution attendue de l'éducation et de la formation sera réalisée par d'autres.

Pour une démarche pro-active de l'éducation et de la formation vis-à-vis des NTI 157. Les différences entre les voles éducatives peuvent se résumer dans la formule: «Nous retenons 20% de ce que nous voyons, 40% de ce que nous voyons et entendons et 70% de ce que nous voyons, entendons et faisons nous-mêmes». Si cela est vrai, une combinaison d'ordinateurs, d'installations en réseaux et de multimédias serait un outil merveilleux. 158. En tant que professeur, l'ordinateur est précis, spécialisé, à même de fournir une réponse immédiate. Il est disponible, objectif et Impartial dans les matières touchant aux races, à la religion, à l'apparence, à la santé, aux orientations sexuelles, au niveau ou à la rapidité de l'apprentissage. En tant que «bibliothèque», les réseaux Informatiques fournissent presque instantanément, un amas Inimaginable d'informations à l'échelle mondiale. En tant que «club d'apprentissage virtuel», les réseaux

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informatisés offrent la possibilité d'être connecté aux individus du monde entier possédant les mêmes centres d'intérêt. Ils offrent ces mêmes facilités d'accès aux groupes de «quartiers» ou «community groups» ainsi qu'aux tuteurs ou aux autres étudiants formant ce qui pourrait être considéré comme une société virtuelle des apprenants. Bien entendu aussi, et plus particulièrement dans un contexte européen, l'Informatique permettrait une interaction plus instantanée entre écoles et universités dans les différents Etats membres. 159. Les nouvelles technologies de l'information s'implantent de plus en plus dans le vie quotidienne au bureau, voire même à tous les niveaux de l'existence, même si des progrès importants restent à faire pour Inscrire toutes les institutions éducatives dans ce processus. Une fois installés dans le monde du travail, les étudiants sont confrontés à la nécessité de tout apprendre par eux-mêmes, en utilisant l'ordinateur, alors qu'ils le sont très rarement dans l'enseignement. Notamment dans le contexte d'un enseignement de groupe. Il est donc clair que le monde de l'enseignement officiel doit s'adapter, aussi bien au monde du travail qu'au marché privé des didacticiels basés sur les nouvelles technologies de l'Information. Ceci est plus particulièrement vrai si l'enseignement veut apparaître aux jeunes comme moderne et efficace pour leur vie présente et future. Cela ne signifie pas qu'il suffise d'entraîner les jeunes à l'usage de l'ordinateur ou de leur apprendre comment accéder à un réseau. Bien que cela soit très important, le pas décisif ne sera franchi que lorsqu'une grande partie du curriculum sera délivrée en utilisant de façon pleinement intégrée ces outils. 160. Le processus éducatif doit également, on l'a vu, former les individus à gérer leur propre processus d'apprentissage et leur donner une volonté d'apprendre tout au long de leur vie. Ceci afin que l'Europe puisse atteindre les niveaux de compétence et d'adaptabilité qui lui permettront d'être compétitive. Cet objectif requiert des méthodes éducatives flexibles — pas seulement fondées sur des apprentissages utilisant l'ordinateur — afin de permettre à chaque individu de contrôler le temps et le rythme d'apprentissage qui lui est propre. Cette condition s'applique aux personnes de tous âges mais, plus particulièrement, aux écoles qui doivent encourager les élèves à accéder à des stations de travail en dehors des heures de cours et sans encadrement de leurs professeurs. L'utilisation des NTI est appropriée dans le mesure où elle est rentable, car le pouvoir de ces technologies augmente de façon exponentielle alors que leur coût diminue continûment. De ce fait, les NTI auront la possibilité de jouer un rôle vital en augmentant progressivement la participation à un enseignement post-obligatoire de manière rentable,

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mais aussi en augmentant l'efficacité et l'impact de l'enseignement officiel lui-même. Les études menées dans les Etats membres et aux Etats-Unis confirment que l'efficacité et la productivité de l'enseignement peuvent être ainsi améliorées, spécialement en mathématiques. 161. Fournir des modes d'apprentissage individuel est important pour une éducation tout au long de la vie et, en tant qu'outil permettant de surmonter toute forme d'exclusion. Par exemple, la dispersion dans les campagnes, les personnes handicapées, les personnes qui restent à la maison pour s'occuper des enfants ou de parents âgés, les personnes trop réticentes pour participer à une éducation de groupe ou encore celles qui ne peuvent pas voyager, voire sont Immobilisées. Les possibilités de formation tout au long de la vie sont également Importantes au regard des femmes, qui sont davantage mobilisées par la garde des enfants et des personnes âgées, ce qui leur crée souvent des difficultés pour participer aux cours d'éducation et de formation dispensés de manière traditionnelle. Cette formule est également applicable pour les groupes qui bénéficient de contrats à temps partiel, à durée occasionnelle, temporaire, ou qui travaillent sous un régime de soustraitance. Pour ces derniers, l'employeur en tant que principal contractant, a moins d'incitations à Investir dans les domaines des compétences et du développement des personnes. Les NTI en donnant le pouvoir à l'individu et en lui ouvrant l'accès à l'enseignement sont, ainsi, des éléments centraux d'une politique et d'une stratégie européennes, 162. Compte tenu de ces possibilités, que peuvent offrir concrètement les NTI pour un accès utile, moderne et flexible à l'auto-enseignement? Quels sont leurs avantages? Quels sont leurs inconvénients? 163. Les avantages des NTI sont les suivants: elles sont souvent divertissantes, faciles à l'emploi et elles peuvent être utilisées de manière continue et répétitive. On peut y avoir recours n'importe où et à n'importe quel moment et on peut permettre à celui qui apprend de choisir son propre rythme: apprendre de manière accélérée ou éviter les domaines connus ou familiers, ou encore, se concentrer, s'arrêter ou répéter les éléments neufs ou difficiles. Elles permettent le travail en réseau avec un camarade étudiant éloigné ou avec un tuteur qui l'est également. Tous ces éléments signifient en plus que les NTI sont souvent très efficaces pour les personnes souffrant de handicaps physiques et pour ceux qui rencontrent des difficultés d'apprentissage. Qui plus est, il s'agit là d'un secteur dynamique et en pleine expansion du point de vue des coûts comme des produits. Aujourd'hui la production est dominée par des fournisseurs privés.

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164. Les NTI peuvent encourager des choix en ouvrant une voie alternative pour apprendre (par exemple, préparer son baccalauréat à la maison à partir d'un travail personnel guidé), ou en offrant les compétences d'experts sur des domaines spécialisés non disponibles dans l'établissement. Les NTI peuvent être utilisées pour simuler des situations réelles, ce qui facilité grandement la formation. On peut simuler, par exemple, des expériences de physique ou de chimie. Cette caractéristique va beaucoup plus loin que les fameuses et coûteuses simulations de catastrophes (qui entre autres permettent d'éviter les accidents de vol aérien). En particulier, la simulation dans les domaines des multimédias et de la réalité virtuelle permettent d'entrer dans le monde, comme dans la classe ou à la maison. Elle permet de faire profiter l'Individu de la culture vivante, par exemple en explorant de grands Immeubles dans la réalité virtuelle ou en créant soi-même de la musique orchestrale. Même si les NTI ne constituent pas une panacée universelle, leur efficacité dans un environnement éducatif est incontestable. 165. Mais les NTI peuvent aussi être mal utilisées. La protection des mineurs doit être assurée sur les réseaux d'Information électroniques, comme sur tout autre media, en préservant la liberté d'expression de chacun. Un code de «bonne conduite» doit être Impérativement adopté au niveau international pour l'exploitation des réseaux d'information globaux si leur utilisation à des fins pédagogiques est promue. La diffusion des NTI dolt, par ailleurs, faire l'objet d'une sensibilisation du corps enseignant aux opportunités que chacun peut en tirer, si ces technologies s'Inscrivent dans une démarche pédagogique rénovée et parfaitement maîtrisée par l'enseignant. Elles peuvent créer des divisions, voire une sorte de sous-classe, pour les Individus qui n'y auraient pas accès. En outre, elles peuvent amener les individus les plus fragiles à se replier sur eux-mêmes si elles sont perçues à tort comme exclusives des rapports d'amitié, de leadership, de travail d'équipe ou Incompatibles avec des activités physiques comme le sport. Enfin, le contenu de la plupart des logiciels ne reflète pas le goût ou la culture européenne. Il est donc Important de saisir que les NTI qui deviendront rapidement le réseau mondial de communication, doivent refléter les influences européennes au même titre que les valeurs et les approches américaines. Le Groupe a abordé, sans véritablement pouvoir l'approfondir, la question des contenus des outils multimédias éducatifs et de la nécessité de définir des modes de régulation du marché, tant à l'égard de la protection du consommateur que de la personne. Cependant, le Groupe insiste sur le fait que ces régulations ne peuvent prendre la forme de modalités de contrôle et de censure préalables, mais bien davantage

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être fondées sur des règles de comportement ou de bonnes conduites. Le Groupe considère que ce domaine mériterait des approfondissements dans un délai rapide et que l'Union pourrait prendre des initiatives en ce domaine. 166. Néanmoins, les avantages l'emportent largement sur les inconvénients, à condition que leur utilisation soit bien pensée. Dans le cadre de l'enseignement et de la formation officielle, les NTI devraient être considérées comme complémentaires des méthodes traditionnelles d'éducation. Même dans l'enseignement post-obligatoire elles ne seront que rarement utiles par elles-mêmes. Il faudra toujours aider les jeunes à en faire un bon usage. La résistance à leur utilisation dans l'enseignement public provient probablement de facteurs sociaux et des contraintes des budgets d'équipement. La résistance naturelle de l'enseignement public traditionnel devra être dépassée par l'utilisation de méthodes combinant l'encouragement, l'affirmation d'objectifs, l'orientation vers l'utilisateur et la concurrence, notamment celle du secteur privé. Il serait également nécessaire de créer au niveau national ou européen, un concurrent virtuel public de l'enseignement traditionnel, tel qu'une école ou une université virtuelle. En particulier au niveau d'étude où la compétitivité du secteur privé n'est pas appropriée ou seulement disponible pour les milieux favorisés.

Les échecs relatifs de certaines opérations d'équipement de masse des écoles en matériels informatiques démontrent également que ces opérations doivent s'accompagner de politiques de formation des enseignants et des formateurs qui sont trop souvent négligées. De ce point de vue, la nouvelle étape de connexions des écoles par des réseaux de transfert d'information donne à la formation des enseignants un rôle encore plus déterminant. Désormais, les autorités publiques d'éducation nationales ou régionales ou locales devraient:

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(I)

atteindre un usage optimal en termes de coût-efficacité des multimédias et des approches d'apprentissage traditionnelles,

(ii)

assurer que tous les enseignants et les apprenants ont les compétences nécessaires pour évaluer l'utilité et utiliser des méthodes assistées par les NTI,


rendre disponible pour tous les élèves et étudiants, y compris les adultes, des possibilités d'apprentissage qui fassent un usage optimal de toutes les méthodologies d'apprentissage.

Mise en oeuvre politique 167. La mise en oeuvre politique devrait se focaliser sur les points suivants: •

faciliter l'accès aux bibliothèques publiques et aux centres de ressources et fournir des facilités systématiques dans les établissements d'enseignement public afin d'assurer que l'utilisation des NTI ne soit pas uniquement accordée aux personnes qui ont un emploi ou aux milieux favorisés. L'utilisation généralisée de l'équipement requis devrait permettre aux personnes d'accéder aux réseaux afin d'apprendre, d'avoir l'information, d'évaluer leur propre progrès, d'obtenir des certifications, de s'auto-éduquer ou, tout simplement, de savoir;

• démystifier l'usage des NTI pour les enseignants et les adultes, en particulier en mobilisant et en réformant la formation des enseignants et leur développement professionnel permanent, •

équiper de manière appropriée tous les établissements éducatifs avec des matériels modernes et leur permettre l'accès aux réseaux d'Information,

introduire des approches davantage centrées sur l'apprenant,

• accréditer des connaissances acquises de manière informelle, • appliquer les NTI à toutes les étapes du processus d'apprentissage, par exemple: distribution des questions, révision, supervision, de façon à débarrasser l'enseignant des travaux mécaniques, faciliter le processus d'évaluation, et même financer la mise en oeuvre des NTI par les gains de productivité à tous les niveaux du processus d'apprentissage, •

donner une plus grande considération au développement de logiciels multimédias éducatifs fondés sur une culture européenne et rendus disponibles comme un bien public dans les systèmes d'éducation, peut-être sur des sujets comme les mathématiques, les sciences, les technologies de l'Information et les langues,

127


• développer l'utilisation des NTI dans la formation des adultes, qu'ils soient chômeurs ou non,

• apporter des supports spécifiques aux jeunes filles et aux femmes, pour assurer une égalité d'accès aux NTI et aux compétences,

définir des standards de qualité afin d'utiliser les NTI d'une manière constructive et donner aux professeurs l'éducation et la formation nécessaires pour débattre et maîtriser les problèmes éthiques et moraux concernant l'usage des NTI, utiliser l'expérience de la R&D concernant les NTI en éducation et formation, aider les enseignants à accorder plus de temps aux aspects méthodologiques et moins de temps aux aspects techniques,

• encourager la mise en place de logiciels qui développent la créativité et l'aptitude à résoudre les problèmes, mais qui permettent également à l'apprenant d'être le détenteur du contenu pour aller au-delà de l'accès à l'Information ou aux techniques,

• expérimenter avec l'usage des nouvelles technologies la possibilité de relier ensemble la fourniture de moyens d'apprentissage et leur évaluation ainsi que leur produit par exemple par des cartes personnelles de compétences. 168. Puisque les NTI — en tant qu'outil et moyen et non comme un objet en soi — seront de plus en plus intégrées dans la vie scolaire normale, ¡I est nécessaire de modifier les comportements et d'acquérir les équipements indispensables dans les écoles et les universités. Il faudra aussi promouvoir l'utilisation des technologies de pointe au sein des familles, de façon à éviter que les jeunes ne soient trop déconcertés par un enseignement moins humain. Parallèlement, il faudra être vigilant sur la qualité et sur la nature des résultats obtenus. De ce point de vue, la création d'un système d'accréditation des compétences au niveau européen sera un moyen important de vérifier les compétences acquises grâce aux NTI. La question de savoir s'il y a un besoin ou un «espace» pour le développement en Europe de logiciels éducatifs pour les âges compris entre 3 et 21 ans et disponibles pour tous les âges, est désormais une question qui doit être examinée de façon urgente.

128


169. En conclusion, beaucoup d'idées qui concernent le potentiel offert par les NTI ne sont pas nouvelles1; ce qu'il faut désormais, c'est une action concertée de la Commission et des Etats membres pour déterminer les principales priorités.

Cl Le rapport du groupe d'Industriels réuni à l'Initiative du Commissaire Bangemann sur la société de l'information, le rapport de la Task Force «Logiciels éducatifs et multimédias», juillet 1996; le premier Rapport annuel du forum de la société de l'Information, juin 1996; le plan d'action de la Commission «Apprendre dans la société de l'information», septembre 1996.

129



VI. Dynamiser les systèmes d'éducation et de formation tout en consolidant les acteurs

Une problématique complexe 170. Les chapitres précédents montrent les défis auxquels sont confrontés nos systèmes éducatifs et de formation. Ils montrent aussi que les enjeux de l'éducation et de la formation sont les enjeux de la société elle-même. Comment leur reprocher de ne pas résoudre des questions que nos sociétés se posent et qu'elles ont le plus grand mal à traiter? Citons en quelques unes: • Quelle synthèse avons nous trouvé entre l'exigence de compétitivité en matière économique et technologique et la nécessaire cohésion sociale? La réponse est clairement Incertaine aujourd'hui. Allons nous orienter davantage nos forces sur les éléments les plus dynamiques pour vaincre dans la compétition mondiale et tenter de compenser les perdants autant que nos budgets nous le permettrons? Ou bien, allons nous nous organiser pour «réparer» des inégalités Initiales, refuser l'idée d'un pourcentage incompressible d'exclus et permettre que les conditions sociales soient plus ouvertes au risque d'être éventuellement moins compétitifs? La qualité est certes à généraliser, mais la qualité pour quoi? La qualité qui permet de sélectionner le pourcentage déclinant d'élèves que demande l'économie? Ou la qualité pour tous qui, même acquise, ne donne aucune garantie d'emploi? A l'évidence chaque système éducatif européen a choisi sa propre réponse. Si c'est la première hypothèse, nous encouragerons (par des mécanismes aussi subtils qu'implicites et, évidemment sans le dire, car aucun pouvoir politique ne pourrait l'assumer) des écoles et universités performantes, des filières adaptées au marché du travail, développerons en leur sein les concepts de qualité, l'innovation, et confinerons les autres dans un rôle de parking plus ou moins bien organisé. Peu importe alors que l'on maintienne une apparente valeur égale des diplômes au plan national, puisque chacun sait que

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les diplômes ne seront pas comparables. SI c'est la seconde, nous mettrons tout en oeuvre, notamment des moyens supplémentaires, ferons des réallocations de moyens, développerons des discriminations positives pour corriger les discriminations négatives, aux âges difficiles et dans les situations les plus critiques. •

Sommes-nous certains que nous maîtrisons suffisamment le progrès technologique et que nous soyons capables de l'assimiler aussi rapidement que nécessaire dans notre culture? On saisit certes bien les aptitudes requises par la globalisation et les développements technologiques; la mobilité professionnelle, culturelle et géographique; la capacité à communiquer, à se remettre en cause, à actualiser en permanence ses savoirs, à résoudre des problèmes, à commencer par les siens. Mais, en dehors de quelques lieux privilégiés, combien d'Européens aujourd'hui sont encore enracinés dans leur milieu local ou professionnel, leur statut, leur corporation? L'exemple des pays asiatiques émergents et du Japon nous montre qu'une forte culture et un esprit de compétition fondé sur ce socle culturel (au travers d'une concurrence effrénée entre les enfants sur les filières générales) est un élément de compétitivité incontestable. Combien préfèrent la subjectivité des relations ¡nterpersonnelles, à l'objectivité des relations d'affaires et au caractère désincarné de la communication virtuelle? Comment expliquer à ces individus que le développement de la personne, qui est au coeur de la mission éducative, implique de remettre en cause la plupart de ses déterminations Initiales et, ce qui, pour beaucoup, fait l'appartenance à la société?

Pour aller vers où? Sommes nous au clair aujourd'hui sur le cadre de référence démocratique qui va primer dans les vingt prochaines années? Quelle place auront nos Etats-nations, nos réglons, l'Europe, dans un monde dont la constitution s'accélère? Auquel de ces niveaux l'école doit-elle Intégrer? Faut-il même qu'elle cherche encore à intégrer, par exemple au niveau national, ne doit-elle pas être plus neutre et respecter les modes de vie communautaires?

171. Toutes ces questions traversent nos systèmes d'enseignement. Leur complexité, l'impossibilité de les trancher et de donner des orientations claires, ont conduit ces systèmes à s'organiser pour maintenir une certaine permanence. Les systèmes éducatifs et de formation ont appris à ingérer les impulsions venant de l'extérieur, éventuellement à se déformer, sans véritablement rompre avec leur forme originelle même si des changements importants sont apparus, pour aussitôt

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reprendre une forme proche de celle qu'ils avalent Initialement. La pluralité, la confusion et le caractère souvent contradictoire des messages (au gré des alternances politiques) les ont conduit, malgré des évolutions sensibles, au risque parfois de se trouver trop éloignées des besoins de la société. 172. SI les systèmes sont, en général, devenus conservateurs, leurs acteurs et, en particulier les enseignants, l'ont été bien moins. En particulier, lorsqu'il s'agissait de leur métier d'enseignant (beaucoup moins lorsqu'il était question de faire évoluer le système éducatif lui-même). C'est à eux que l'on doit largement d'avoir pu, jusqu'à maintenant, assimiler l'effet de masse et maintenir un lien social dans les endroits les plus défavorisés. C'est également à eux que l'on doit un niveau de qualité des acquis, en moyenne, maintenu. Ils en ont été peu récompensés par nos sociétés. La gestion de la masse a conduit à multiplier leur nombre depuis trente ans (l'Europe compte aujourd'hui plus de 4 millions d'enseignants, soit près de 3% de la population active totale), à assouplir les procédures de recrutement, parfois au détriment de la qualité, donc, dans certains cas, à abaisser leur statut social, alors même que la mise en place de la société cognitive rendait leur fonction déterminante. Cependant, il faut aussi remarquer que certains enseignants, notamment les universitaires, sont de plus en plus sollicités par les collectivités publiques pour des fonctions d'expertise sociale. 173. Sur le plan salarial — domaine sur lequel les données doivent être complétées — trois phénomènes expliquent les évolutions: (I) le salaire des enseignants subit négativement la baisse de l'écart relatif du niveau de diplôme par rapport à la moyenne de la population; (il) les enseignants subissent également l'effet de l'aplatissement généralisé des hiérarchies salariales; (ili) l'hypothèse d'un effet lié à une baisse de productivité générale des systèmes est également à retenir. 174. Quant à la hiérarchie salariale interne au monde enseignant, elle suit, sauf quelques exceptions, le niveau d'études où ils interviennent, c'est-à-dire que l'enseignant du primaire est généralement moins rémunéré que celui du secondaire. Partout, cependant, une tendance à la convergence peut être observée qui manifeste une plus grande homogénéité de traitement des enseignants. Alors qu'en 1965 on observait un peu partout une différence Importante entre la rémunération d'un enseignant du primaire et celle d'un enseignant du secondaire, en 1993 cette différence s'atténue (Belgique, Espagne et Autriche) ou tend à disparaître (Grèce, Finlande, Italie, Irlande, Suède et Ecosse). Dans le cas des systèmes de formation, la situation est également mal connue car

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extraordlnairement diversifiée, aussi bien du point de vue des centres de formation que des formateurs et ne peut faire l'objet aujourd'hui d'un examen global.

Comment améliorer le fonctionnement des systèmes éducatifs et de formation? 175. Le Groupe de réflexion considère qu'une évolution permettant la mise en oeuvre par nos systèmes éducatifs et de formation des suggestions présentées dans les chapitres précédents, passe par cinq nécessités: (i) orienter davantage les systèmes éducatifs et de formation vers les utilisateurs; (¡i) augmenter la productivité et développer l'efficacité; (iii) réhabiliter la fonction enseignante et celle de chef d'établissement; (¡v) évaluer, à la fois pour permettre par effet de miroir une réorganisation, et aux utilisateurs de faire leur choix; (v) s'ouvrir encore davantage à toutes les coopérations Pour satisfaire à ces nécessités qui seront brièvement développées ci-dessous, ¡I est souhaitable d'utiliser la large gamme de recherches effectuées ces dernières années sur l'efficacité de l'école, le développement de la scolarité, les modes d'enseignement et de formation, les actions en faveur des désavantagés, en faisant en sorte que les responsables politiques soient informés de leurs résultats. La diffusion de ces recherches cumulée avec l'expérience, devrait permettre de choisir les meilleures stratégies pour mettre en oeuvre les changements nécessaires.

Orienter davantage les systèmes éducatifs et de formation vers les utilisateurs 176. Les systèmes d'éducation et de formation doivent davantage être organisés de façon à satisfaire les besoins des élèves et des apprenants. Cet objectif doit être particulièrement assigné au système éducatif, car les systèmes de formation sont plus flexibles, moins institutionnalisés, plus fortement en concurrence entre eux et, de ce fait, le font plus naturellement. 177. Le Groupe de réflexion considère que le cadre formel général Importe moins que la vision qu'il convient de faire partager et la mise en place d'une organisation assez souple pour y conduire. La vision générale et l'objectif à faire partager est que l'école «permette à la fois de donner

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la possibilité de se réaliser personnellement, d'atteindre les plus hauts niveaux éducatifs requis par la nouvelle donne compétitive et les moyens à tous de s'insérer dans la société» '. Les évolutions modernes impliquent de s'Intéresser davantage aux deux bouts de la chaîne qui sont les plus directement concernés par les évolutions modernes: (i) ceux qui seront confrontés dans la compétition internatio­ nale (hautes ou plus basses qualifications spécialisées) à leurs homo­ logues des autres réglons du monde; (ii) ceux qui seront exclus de la société cognitive parce qu'ils n'auront pas les moyens de s'y insérer. Cela ne veut évidemment pas dire que les autres ne méritent pas que l'on s'y Intéresse. Cela veut dire, par contre, qu'un effort particulier doit être fait sur ces deux extrêmes. Une organisation souple de l'école suppose l'abandon de deux présup­ posés majeurs de la plupart des systèmes éducatifs: la légitimité sociale de dispenser un traitement égal à tous les apprenants et la justesse d'organiser les apprentissages par groupe d'âge homogène. La pre­ mière Idée que l'éducation ne peut être équitable que si elle est Identique partout, est désormais battue en brèche dans de nombreux pays; en revanche l'organisation en groupes d'âge homogènes reste un principe assez fréquemment appliqué. Ainsi dans les systèmes éducatifs où le passage de classe en classe n'est pas automatique, une forte minorité d'élèves, dés le secondaire Inférieur, est «hors normes» parce que «hors âge». Le critère de l'âge qui se voulait un principe rationnel d'organisation garantissant l'optimisation des conditions d'enseignement, devient par­ fois un critère de relégation, voire d'exclusion ou d'auto­exclusion pour les jeunes. Passer de la logique du groupe d'âge prétendu homogène à la logique de l'Individu pouvant suivre un cursus en partie individualisé et surtout différencié dans ses modes d'acquisition suppose une profonde réforme interne des relations existantes entre élèves et Institu­ tion et entre élèves et enseignants. 178. Cela nécessitera de la part des Etats membres un effort financier conséquent s'ils veulent réaliser cet objectif dans le cadre du moule unique, c'est­à­dire en offrant à tous le même cadre formel pour y parvenir. On peut penser que c'est envisageable dans le préscolaire et le primaire, là, où nous l'avons dit, c'est le plus important, Si cela n'est pas possible, parce que trop dispendieux, ou pour les autres cycles, ¡I faut libérer le système éducatif. Là encore le cadre formel est relativement peu

Ce qui est un objectif qui complète sensiblement l'objectif partout affiché depuis le siècle des Lumières: ■Chaque enfant, indépendamment de ses capacités innées ou de ses conditions de vie familiale ou sociale, a droit à la connaissance universelle en matières d'éducation»

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important. Certains pays qui ont un système public très centralisé devront, s'ils veulent conserver ce cadre, renforcer les possibilités d'initiatives au niveau des établissements et des équipes pédagogiques. Dans les Etats membres qui ont un système plus décentralisé ou plus concurrentiel entre les établissements et où le secteur privé est plus développé, la prise en compte de l'utilisateur est plus naturelle. Le danger évidemment est que ce soit la cible elitiste et 'ayant la capacité de payer qui soit privilégiée, le traitement des enfants ayant des besoins spécifiques n'étant pris en compte que dans des établissements publics de qualité Inférieure. Dans ce type d'organ sation, c'est là que l'effort doit se porter. Enfin, là où l'organisation est décentralisée au niveau régional ou local, la meilleure adaptation aux conditions locales (et la mise en contact direct des décideurs avec les difficultés sociales rencontrées par les jeunes) conduit généralement aussi à une meilleure prise en compte des besoins des utilisateurs. La difficulté ici est évidemment de mettre en place des mécanismes de coordination qui évitent une trop forte disparité régionale et maintienne une qualité d'ensemble. Celle-ci sera d'autant plus aisée à réaliser que les régions auront elles-mêmes des compétences étendues (car elles auront nécessairement une vision plus globale). 179. Ces trois formes d'organisation sont présentes en Europe. Le Groupe de réflexion considère qu'il n'y a pas de raison d'en privilégier une plutôt que l'autre. D'abord parce qu'elles sont le fruit d'une longue histoire politique et sociale, donc très profondément enracinées et que les Etats membres y sont justement attachés. Ensuite, parce que chacune a ses mérites et ses inconvénients. Cependant, quel que soit le mode d'organisation et les processus de décisions adoptés dans les différents systèmes éducatifs de l'Union européenne, les objectifs doivent être clairement partagés au niveau européen pour dire à notre jeunesse ce que nous ambitionnons pour elle. Il n'y a aucune raison pour que les coûts de production, les prix relatifs des produits, les monnaies, les revenus, aient convergé de façon aussi remarquable ces vingt dernières années, alors que les cibles éducatives à différents âges, les pédagogies, les curriculum, l'évaluation des acquis l'aient fait aussi peu. Des initiatives européennes d'envergure sont ici nécessaires si nous voulons donner un contenu au rêve européen. Il est notamment important qu'aux âges critiques (fin de la scolarité obligatoire, fin du lycée, fin de chaque cycle universitaire), l'Europe soit capable de préciser les objectifs qu'elle cherche à atteindre et de permettre à chaque jeune Européen d'apprécier sa situation personnelle et la performance de l'Institution dans laquelle il se trouve vis-à-vis de ces objectifs. C'est à la fois le moyen de tourner davantage nos établissements vers l'utilisateur et leur éducation comme citoyens de l'Europe.

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Augmenter la productivité et développer l'efficacité 180. La productivité et l'efficacité d'un centre d'enseignement et de formation sont des notions difficiles à saisir. Et tout système de mesure est, par définition, imparfait lorsqu'il s'applique à l'Institution elle-même. Retienton le taux d'échec et en fait-on un guide pour les dotations en moyens? Immédiatement les exigences diminuent et on observe une augmentation des taux de réussite dans des proportions qui peuvent être considérables (suivie d'une interrogation des grands media se demandant si les diplômes ne sont pas dévalués; la plupart des pays européens ont été le lieu de débats de ce type ces dernières années). Veut-on maintenir une exigence de qualité? L'enjeu devient rapidement de parvenir à exercer son enseignement dans une institution qui a la possibilité de sélectionner à l'entrée. S'établit dès lors une hiérarchie implicite ou explicite (par le salaire) entre ceux qui enseignent dans une institution qui sélectionne et les autres. Les institutions elles-mêmes n'ont de cesse de tenter de se différencier en constituant ou en adhérant à des réseaux supposés prestigieux et souvent non européens (cf. ce qui se passe au moment où ce rapport est écrit pour les business schools). On retrouve des phénomènes analogues en formation continue liés à la différence entre les centres qui ont une activité anticipatrice (en général, tournés vers la formation des cadres ou des personnels des grandes entreprises) et ceux qui répondent aux appels d'offres publics à destination des populations en difficulté. Très rarement un formateur de cadres ira enseigner à ces populations, car les tarifs horaires sont souvent cinq ou six fois plus faibles. Retient-on les taux d'encadrement? Immédiatement s'Installe une polémique entre les parents qui veulent des classes avec moins d'élèves (ce qui pour eux est un signe que la productivité de l'enseignement est meilleure) et les pouvoirs publics qui envisagent de fermer les classes parce qu'ils considèrent que la productivité d'un enseignement se mesure par le nombre d'élèves qu'un professeur peut traiter, donc à partir d'un critère exactement Inverse. A cela s'ajoutent des critères disciplinaires qui ont conduit, notamment dans les universités, à des débats récurrents entre les disciplines de santé et les sciences dures d'un coté, et les sciences sociales de l'autre. 181. Malgré ces difficultés, le Groupe de réflexion considère que les efforts déployés ces dernières années pour mettre en place des critères de productivité doivent être poursuivis. Cette évolution implique que l'on soutienne la recherche européenne sur les procédures d'évaluation et la définition de critères de performance. L'Europe doit contribuer à aider à la mise en place de ces critères: (I) en les liant aux priorités clairement affichées qui découleraient d'une recherche de qualité; (ii) en se centrant

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sur le seul élément de performance Incontestable, c'est-à-dire «sur ce que les élèves ou les personnes qui suivent des cycles de formation ont réellement appris et sur les conséquences de ces acquis sur leur vie sociale et professionnelle». C'est ainsi que les systèmes d'éducation et de formation se tourneront davantage vers les utilisateurs. De ce point de vue, il est indispensable qu'aux seuils critiques, chaque institution soit capable de suivre le devenir ultérieur de ses élèves (ce qui est encore très rarement le cas en Europe, y compris dans les universités). 182. Une fois ces critères acceptés et généralisés, les gains de productivité attendus doivent être négociés et affichés au niveau de chaque établissement. C'est cela qui le conduira à entreprendre une démarche de qualité et à rendre plus efficace sa gestion. Mais une dernière question demeure. Cette démarche longue et nécessairement complexe, et qui à certains égards est révolutionnaire par rapport aux pratiques actuelles, n'aura aucun effet sensible si une dernière condition n'est pas remplie. Cette condition est celle du partage des gains de productivité réalisés. Négocier le partage des gains de productivité est particulièrement nécessaire dans les systèmes éducatifs où le monopole public domine. Si le gain de productivité réalisé ne profite pas, au moins en partie, soit par un surplus de rémunération, soit par un investissement dans les matériels d'apprentissage multimedia, à celui ou celle, ou à l'équipe pédagogique, l'établissement, qui y contribuent, il n'y a aucune Incitation à tenter de le mettre en oeuvre, au contraire. Il ne viendrait à l'idée à aucune entreprise performante de mettre en place une organisation susceptible de générer des gains de productivité sans négocier avec son personnel leur partage. Le monde éducatif n'implique pas toujours suffisamment son personnel. Le niveau de productivité peut plus efficacement être soutenu avec une plus grande souplesse dans la gestion, souplesse qui doit permettre d'intéresser aux gains de productivité les Individus ou les équipes qui les réalisent.1

Réhabiliter la fonction enseignante et de formateur et la fonction de chef d'établissement 183. Un progrès dans le sens précédent redonnera à la société davantage confiance en son école, là où elle l'a perdu, et donc à ses acteurs. Cependant, des mesures particulières doivent être envisagées autant en En Suède, un nouveau système de rémunération pour tous les enseignants a contribué activement à la qualité et au développement des écoles. Son idée de base est que les enseignants doivent contribuer activement à celle-ci Les partenaires se sont alors mis d'accord pour considérer ces contributions comme un critère important pour établir les rémunérations individuelles des enseignants

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ce qui concerne les enseignants, qu'en ce qui concerne les chefs d'établissement. 184. Les enseignants ont un rôle primordial parce que, dans nos sociétés, ils sont les seuls producteurs d'un service qui ait un caractère multidlmensionnel aussi prononcé. Toutes les évolutions récentes montrent que ce service devient encore plus complet dans la mesure où il incorpore de plus en plus de dimensions sociales, comportementales, citoyennes, économiques et technologiques. L'enseignement est une activité qui peut de moins en moins être vue dans une logique disciplinaire, mais de nombreux enseignants n'ont ni la formation ni l'expérience pour maîtriser une telle extension de leur rôle. Alors même que les enseignants sont en face de nouveaux défis posés par les changements économiques et sociaux, il est clair qu'ils doivent pouvoir bénéficier d'une éducation de très haute qualité avant leur prise en fonction, appuyée par des processus d'appui pour la phase initiale de leur carrière, et soutenue tout au long de celle-ci par différentes formes de formation et de développement. Ainsi, le Groupe considère qu'une grande importance doit être accordée à l'éducation et à la formation des enseignants. De plus, leurs conditions de travail et l'équipement pédagogique doivent leur donner la possibilité d'atteindre un haut niveau de performance dans l'enseignement. S'ils doivent établir des liaisons plus ouvertes et plus complètes avec les parents, ceci doit être connu et soutenu. Lorsqu'ils sont dans des contextes désavantagés au plan socio-économique, un support associant une gamme de services professionnels doit être disponible pour permettre à ces enseignants de coopérer pour le bénéfice de leurs élèves. 185. La question de la formation permanente est d'autant plus essentielle pour les enseignants que la population des enseignants en exercice est relativement âgée dans un certain nombre de pays. Elle peut être envisagée selon des points de vue fort différents. Le besoin de formation permanente des enseignants est évident et, sans doute, cette profession peut connaître un fort développement de l'auto-formation. Sur ce point les différents Etats membres ont choisi des solutions différentes. Dans certains d'entre eux, le service obligatoire des enseignants est fixé à partir d'heures de cours à donner (à l'exception de l'enseignement secondaire supérieur professionnel) et l'on laisse l'initiative à chacun de faire sa propre formation et de suivre les élèves sur le temps qui lui reste en dehors de ses enseignements (France, Belgique, Allemagne, Irlande,

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Luxembourg). Dans d'autres pays, le contrat de travail ventile les heures consacrées à l'enseignement et à d'autres activités et il est fixé sur une base annuelle. Certains pays, comme la Finlande et la Suède, considè­ rent que les heures consacrées à la formation continue font explicitement partie du service. Une autre façon de procéder est de mettre en place des systèmes de formation pour les enseignants et de les rendre plus ou moins obligatoires.1 186. Les besoins de formation continue des enseignants sont divers et de ce fait demandent des réponses flexibles et variées de la part des offreurs de formation. Les dispositifs doivent couvrir la plupart des composantes du métier d'ensegnant depuis l'actualisation de disciplines spécifiques jusqu'à l'acquisiton de nouvelles compétences méthodologiques et d'outils (y compris les NTI) pour le développement des écoles et l'établissement de liens avec les familles ou l'environnement ­ pour n'en citer que quelques uns. Les cours doivent être dispensés selon des formes variés (d'un séminaire externe le soir aux cours de haut niveau), dans différents lieux et institutions (de l'école elle­même aux universités à distance), et par différentes catégories de personnels (des collègues eux­mêmes aux experts académiques). Dans certains Etats membres, il existe une tradition de formation interne qui fonctionne directement dans les écoles et avec les enseignants eux­mêmes. Les critères clés pour le succès des formations continues des enseignants comprennent une bonne évaluation des besoins, une définition appropriée des cours, un engagement actif des participants, la disponibilité de personnel de haute qualité pour la formation et un processus d'évaluation en continu. Une question supplémentaire consiste à donner aux enseignants les moyens d'une aopréclation complète de la demande qui s'exerce à l'égard de leurs étudiants dans le monde moderne. La manière la plus efficace pour atteindre cela, est que les enseignants puissent bénéficier d'expériences de travail réelles ou d'observation directe dans l'industrie et le commerce. 187. En ce qui concerne les formateurs, le problème est tout à fait différent, car c'est la plupart du temps le marché qui arbitre. Le point de vue du Groupe de réflexion est que cela doit rester ainsi. Il faut certes améliorer l'information sur ce marché pour que celui­ci devienne plus transparent. Bien qu'il y ait un besoin d'informations meilleures sur ce marché particulier pour le rendre plus transparent et pour assurer que les ■La formation continue des enseignants dans l'Union européenne et dans les pays de l'A ELE/EEE» Eurydice, 1995.

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Standards appropriés prévalent, ce seralt une grave erreur d'envisager de créer des statuts particuliers à partir de diplômes. La tentation est grande aujourd'hui de valoriser la position des formateurs en créant des diplômes reconnaissant leurs capacités. Il s'agit d'un point de vue corporatiste qui se développe rapidement dans tous les secteurs au profit des gens en place. Envisagée ainsi, la réhabilitation du métier de formateur se fera au détriment des nouveaux entrants qui seront confrontés à d'importantes barrières à l'entrée. Au contraire, mettre en oeuvre des formations continues destinées à ces formateurs, souvent en dehors du cadre de l'enseignement supérieur, évaluer les acquis précis est un moyen d'améliorer la formation. D'une façon générale, les pouvoirs du chef d'établissement doivent être renforcés et lui aussi doit pouvoir bénéficier d'une formation. Le but à atteindre est que chaque établissement fonctionne comme une organisation innovante ayant ses propres buts et capables de mobiliser les moyens nécessaires pour les atteindre. Cela suppose que les établissements scolaires puissent mieux s'organiser en équipes pédagogiques (donc avoir un pouvoir important dans le choix des enseignants), qu'ils aient la possibilité de récompenser sur leurs fonds propres les meilleurs éléments et qu'ils deviennent des organisations elles-mêmes apprenantes. Un établissement scolaire doit pouvoir avoir une mémoire, une culture, et développer une base de connaissances à partir de l'expérience pédagogique accumulée. Il faut aussi que les chefs d'établissements soient exposés à d'autres cultures. De ce point de vue, il est là encore très souhaitable que les entreprises Innovantes participent d'une façon ou d'une autre à la formation des chefs d'établissement. C'est au chef d'établissement que revient la responsabilité de conduire le projet de l'établissement. Il doit s'agir d'un véritable projet éducatif explicitement précisé, ce qui n'est pas souvent le cas. Le projet doit comporter des objectifs, les moyens choisis pour les atteindre, préciser les étapes de réalisation, et la nature de l'évaluation des résultats. La démarche de projet nécessite un travail de groupe, en équipe, impliquant tous les acteurs (les élèves, les professeurs, les autres personnels et le chef d'établissement) appelés à former entre eux une communauté solidaire. Ces écoles qui réussissent sont aussi celles qui associent à l'élaboration et à la réalisation de leur projet les acteurs extérieurs à l'établissement et notamment les parents. Tous les systèmes éducatifs européens ont Implicitement ou explicitement reconnu le rôle positif de la participation des parents à la vie de l'école et ont traduit cette reconnaissance dans

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des dispositions qui les associent en général à certains aspects du fonctionnement de l'institution. Ces dispositions sont différentes selon les Etats membres. Dès les années 70, au Danemark, les parents étalent majoritaires dans les organes de gestion et d'orientation des écoles de base, d'autres pays tels que l'Espagne ou la Grèce n'ont adopté ces dispositions que vers le milieu des années 80, et la Suède récemment. Les réformes de l'école primaire et secondaire qui ont eu lieu dans les dix dernières années renforcent toutes le rôle des parents auprès des établissements scolaires. On observe cependant que le rôle des parents est le plus souvent limité à des consultations d'ordre administratif et gestionnaire et qu'ils restent le plus souvent exclus de l'activité pédago­ gique. 1

Développer à grande échelle l'évaluation 189. Ce qui précède montre bien que l'on ne fera pas évoluer les systèmes éducatifs sans la participation active des acteurs de base. Ce sont les pratiques de ces acteurs dans les unités de base, en particulier les établissements, qui modifieront le fonctionnement de nos systèmes. Il faut donc donner des outils à ces acteurs pour qu'ils puissent exercer leur autonomie et trouver un bon équilibre entre Incitations, voire pressions et soutien au niveau des établissements. De ce premier point de vue, l'évaluation est indispensable, car elle donne les éléments d'information qui, par «effet de miroir», poussent à la remise en cause. 190. Cependant, l'évaluation a une deuxième fonction également importante. Si elle est publique, suffisamment lisible et sûre, elle permet d'appré­ hender la nature de l'offre d'éducation et de formation. Cette plus grande transparence est nécessaire pour que les utilisateurs sachent ce qu'ils auront lorsqu'ils choisissent une filière, un établissement, un cycle de formation. Une oonne évaluation améliorera donc sensiblement la productivité moyenne des systèmes éducatifs et de formation, pourvu que l'apprenant puisse librement exercer son choix. 191. L'objectif de l'évaluation doit être de permettre une comparaison spatiale et temporelle des résultats de l'acte éducatif et de formation. Pour cela le contenu et les critères de l'évaluation doivent être soigneusement précisés. Comme il a été dit, il convient que celle­ci s'attache à évaluer les résultats et en particulier, les acquis des élèves. Cependant, cette

■Le rôle des parents dans les systèmes éducatifs», Eurydice, à paraître, Octobre 1996

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évaluation doit aussi tenir compte des environnements pour ne pas être perçue comme un élément inhibant, voire une sanction. 192. C'est dans cet esprit que le Groupe de réflexion recommande de retenir l'idée de «valeur ajoutée» comme un des fils conducteurs possibles des procédures d'évaluation. La valeur ajoutée d'un établissement ou d'un cycle de formation est ce qui est apporté, dans un environnement donné, à celui qui s'y trouve, par rapport au moment où il y est entré. Plusieurs Etats membres ont mis en oeuvre des évaluations semblables et une extension au niveau de l'Union européenne permettrait d'introduire une dimension comparative. Cette notion relative est importante, notamment pour permettre aux enseignants de modifier leurs pratiques et aux pouvoirs publics de mieux mesurer les conséquences de l'affectation des fonds publics. Elle ne dispense pas, bien entendu, d'une évaluation des acquis dans l'absolu, qui donne elle l'information que désire l'apprenant pour s'orienter vers tel ou tel établissement ou centre de formation. Ce qui Intéresse, en effet, l'utilisateur c'est moins la valeur ajoutée que peut apporter une école, que ce qu'il saura à la sortie de l'école et la façon dont ses acquis seront reconnus sur le marché du travail. Le concept de valeur ajoutée est aussi utile quand il s'applique à l'évaluation de l'efficacité des approches multimédias. Il y a toujours un risque que la technologie ne soit pas orientée vers l'éducation. Ce risque peut être évité en construisant les paramètres de l'évaluation clairement en termes de valeur ajoutée éducative et de coût/efficacité.

Ouvrir davantage l'éducation et la formation à toutes les formes de coopération 193. Nos systèmes éducatifs et de formation (la remarque s'applique plus aux systèmes éducatifs) doivent développer toutes sortes de partenariats avec les autres acteurs de la société. Cela a été dit à propos des relations entre l'éducation et l'économie. Sans un partenariat poussé avec les entreprises, la formation professionnelle ne peut pas se développer de façon satisfaisante. C'est également vrai lorsque l'on considère la cohésion sociale où deviennent déterminants les partenariats avec les collectivités locales et les mouvements associatifs. 194. Mais cette ouverture doit également concerner les acteurs eux-mêmes, au premier rang desquels les enseignants, qui doivent pouvoir davantage exercer leur mission citoyenne et participer activement à la mise en place de la société cognitive. En particulier, en s'Impllquant dans le développement et l'utilisation des technologies de l'information dans

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l'enseignement et en prenant une place centrale dans la formation tout au long de la vie Un «enseignant-citoyen» pourrait participer à toutes les formes de mise en oeuvre de la formation tout au long de la vie, dans son cadre habituel certainement, mais également comme pivot des réseaux d'échange de savoirs informels organisés au niveau des territoires ou visant des publics spécifiques. La progression vers la société cognitive n'aura que des avantages pour les systèmes éducatifs et les enseignants, si ceux-ci contribuent à la réaliser. 195. Le fait de parler de partenariats conduits par les établissements ou les enseignants envisagés de façon plus individuelle, suppose des relations équilibrées entre les partenaires. Lorsque l'école noue un partenariat avec une entreprise ou une branche professionnelle, elle ne voudra pas être considérée uniquement comme un prestataire de services. Il en va de même du côté de l'entreprise qui offre des formations, des stages, des contrats d'apprentissage qui doit pouvoir participer au curriculum et à sa validation. On voit déjà se dessiner des difficultés avec la mise en place de la formation tout au long de la vie. Si le développement de ce concept est appuyé par des fonds publics, immédiatement se crée un marché sur lequel apparaissent des enjeux de pouvoirs. Certains se dessinent déjà, cachés sous des questions de principe. Une formation tout au long de la vie visant des groupes cibles sera préférée par les structures d'enseignement qui retrouveront la possibilité d'institutionnaliser sur le long terme leur activité. Au contraire, les branches professionnelles et les entreprises préféreront un système plus ouvert allant vers un supermarché de produits éducatifs largement disponibles pour l'individu lui-même, 196. Un effort doit donc être entrepris au niveau européen pour que des entités juridiques permettant le développement de ces partenariats, qui devraient aussi concerner les partenaires sociaux, soient constituées. Dans le cadre des instruments juridiques actuels (en particulier dans les Etats membres cù le système éducatif fonctionne pour l'essentiel dans un cadre public). ¡I est difficile d'envisager des partenariats équilibrés associant l'école à d'autres partenaires. 197. A l'occasion de ses débats tant sur l'activité économique que la société de l'Information, mais aussi sur la citoyenneté et la cohésion sociale, le Groupe s'est bien entendu intéressé aux développements de la formation continue et plus largement de l'éducation et de la formation tout au long de la vie.

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En référence aux débats sur la compétitivité et sur l'emploi, une stratégie d'élévation continue des compétences apparaît à promouvoir. A coté des efforts faits pour une rénovation et une adaptation en profondeur des systèmes d'éducation et de première formation, elle nécessite une mobilisation renforcée de la formation continue et une orientation claire en faveur d'un développement massif de celle-ci pour l'objectif d'élévation des compétences afin de faire face aux mutations. Le choix de ce type de scénario est fondamental pour l'Europe. Dans un marché du travail qui demeure caractérisé par une mobilité relativement peu élevée et un tassement des embauches de jeunes, le développement de la formation continue apparaît, au moins à court terme, comme le levier privilégié d'évolution des compétences des salariés en place qui sont les premiers acteurs des changements socio-organisationnels que connaissent les entreprises. Il s'agit de faire en sorte que l'objectif de promotion en continu des compétences soit au centre des politiques que développent les différents acteurs et des modes de régulation tant internes aux entreprises que de gestion des flux sur le marché du travail. Sur le plan des politiques publiques d'emploi, une évolution répondant aux mêmes préoccupations semble s'amorcer en faveur de politiques actives de l'emploi dans lesquelles l'accès aux compétences et la promotion de celles-ci devraient occuper un rôle plus marquant. Les dispositifs de formation se sont fortement développés en même temps que la lutte contre le chômage et des Interrogations se font jour de plus en plus fréquemment sur l'efficacité réelle des dépenses et leur contribution à un politique active de réinsertion des personnes privés d'emploi. L'offre de formation continue s'est principalement développée selon une logique de marché et de développement d'une activité de services, notamment à destination des entreprises. Dans ce contexte, trois questions semblent se dégager: celle de l'évolution des coûts, celle de la qualité des prestations et celle de l'évaluation des résultats. Le développement de la formation continue et sa constitution en tant que secteur économique reconnu suppose que des progrès importants soient accomplis et rendus transparents pour les utilisateurs sur ces trois points. Sans avoir pu totalement en mesurer les conséquences, les débats du groupe ont également permis de souligner les opportunités nouvelles qui étaient offertes à la fois par le développement des outils de la société de l'information au sein des entreprises et par des approches nouvelles en termes de partage des temps.

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Sur le premier point, il apparaît nettement que certaines entreprises privilégient la multiplication des «situations apprenantes» comme modalités privilégiées de promotion des compétences plutôt que des séquences formalisées de formation. Le développement en continu des compétences s'inscrit de cette manière dans les modifications même de l'organisation du travail, des contenus des situations de travail et des rapports hiérarchiques. En ce sens, l'objectif de promotion des compétences individuelles et collectives des salariés devient un objectif prioritaire du management.

La question du temps est plus floue vue l'Incertitude pour une réduction marquée ou non du temps de travail. Cependant, on peut noter l'intérêt nouveau marqué au niveau de certaines politiques d'entreprise ou de certains accords entre partenaires sociaux pour un couplage entre aménagement-réduction du temps de travail et développement du temps de formation. Il existe sans doute dans cette relation un «réservoir» à la fols de flexibilité et de ressources qui mérite d'être exploré.

Quelles orientations d'action pour l'Union européenne? 198. L'article 126 du Traité rend les possibilités d'action de l'Union européenne nécessairement limitées pour ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement des systèmes éducatifs et de formation qui sont clairement de la compétence stricte nationale. Le point de vue du Groupe de réflexion est que cela est un avantage car plusieurs voies sont souhaitables pour atteindre le même but. Par contre, aucune interprétation restrictive de la notion de subsidlarité ne doit empêcher l'Europe d'affirmer hautement, à partir d'une réflexion menée par les Etats membres, et en collaboration avec eux, quels sont les grands objectifs communs assignés à nos systèmes éducatifs et de formation. L'Europe doit aussi contribuer par ses initiatives, ses expériences, à généraliser les meilleures pratiques et à impulser un mouvement dans la direction de la satisfaction des objectifs identifiés. Le point de vue du Groupe de réflexion est qu'elle doit le faire, en étroite liaison avec les Etats membres à une échelle plus importante qu'auparavant. Si l'on veut pouvoir concrétiser le rêve européen promis à la jeunesse et développer la formation tout au long de la vie, l'éducation et la formation doivent avoir une place plus grande dans les préoccupations européennes.

146


199. Dans cette perspective les orientations d'action de l'Union qui concernent plus particulièrement les systèmes éducatifs et de formation pourraient être: •

d'affirmer un objectif européen général qui puisse servir de guide pour les différents systèmes: par exemple, celui proposé dans ce rapport: «l'éducation et la formation en Europe donneront la possibilité à chacun et à chacune de se réaliser personnellement, d'atteindre les plus hauts niveaux éducatifs requis par l'environnement international et les moyens de s'insérer dans la société». L'objectif énoncé doit à la fois permettre de saisir: (i) que l'Europe veut rester compétitive; (¡i) qu'elle ne se résout pas à avoir un pourcentage incompressible d'exclus; (iii) qu'elle veut promouvoir la réalisation de la personne et la formation de citoyens actifs;

d'inscrire cet objectif dans le Traité ou de lui donner un autre fondement juridique;

de se donner les moyens financiers de l'atteindre: si l'on veut placer l'Europe dans les standards d'éducation les meilleurs dans le monde (Japon, Finlande, USA), il faut envisager de lui donner un point de PIB de ressources supplémentaires.

Il conviendrait aussi: •

de développer la formation des enseignants en identifiant les meilleures expériences et en les généralisant,

• de mettre en place un programme spécifique d'échanges et de formation à destination des chefs d'établissements, •

d'encourager les pratiques innovantes et d'apprentissage dans les établissements d'enseignement et les centres de formation,

de répertorier, étudier et diffuser les bonnes pratiques en matière de productivité et de recherche de qualité des établissements d'enseignement et les centres de formation,

de développer des méthodes communes d'évaluation de l'éducation et de la formation à partir des expériences nationales, de façon à bénéficier d'une dimension comparative,

147


148

d'étudier la possibilité d'un encadrement juridique et opérationnel au niveau européen permettant le développement des partenariats entre l'école, les entreprises, les collectivités locales,

d'envisagé' la mise en place de sociétés de capital risque permettant le développement de produits pédagogiques innovants.


Annexe statistique

200. Les récentes études menées par l'OCDE sur les indicateurs de l'Investissement dans le capital humain et sur le financement de l'apprentissage à vie pour tous ainsi que les études de la Commission européenne sur l'emploi en Europe permettent de s'Interroger sur les Investissements consentis en matière d'éducation et de formation par les Etats membres de l'Union européenne et de les comparer, dans certains cas, avec ceux pratiqués aux Etats-Unis et au Japon. Toutefois, les comparaisons doivent être faites avec le maximum de prudence car certains résultats sont difficilement comparables en raison des différences de définitions retenues selon les pays, des différences de champs couverts ou de période de référence. Les chiffres cités sont souvent des estimations qui rendent compte d'un ordre de grandeur. Les données sur les coûts directs et indirects des méthodes d'éducation et de formation présentent d'Importantes lacunes qui rendent très aléatoires les mesures des résultats et de la rentabilité des investissements en éducation et en formation. En particulier, les données disponibles sur la formation continue ne sont pas normalisées en Europe et les définitions de la «formation» varient d'un pays à l'autre; en outre, on manque cruellement d'information sur les dépenses de formation des entreprises. Cependant, malgré ces difficultés, il importe de progresser en ces domaines car tous les décideurs politiques sont confrontés à des problèmes de ressources et doivent absolument disposer d'informations sur les coûts et la rentabilité des investissements qu'ils engagent. 201. Le principe de l'accès à la formation tout au long de la vie est accepté dans tous les Etats membres et fait, en apparence, l'objet d'un consensus mais il exige des ressources et des réformes institutionnelles que la plupart des Etats ne sont pas prêts de consentir. Malgré tous les discours, les Etats membres continuent généralement à privilégier l'enseignement Initial et ne sont pas nécessairement prêts à modifier des structures qui ne favorisent pas le formation tout au long de la vie.

149


202. Les dépenses, en particulier les dépenses publiques totales, pour tous les niveaux d'enseignement (préscolaire, primaire, secondaire et supé­ rieur) en direction des établissements publics et privés sont en constante augmentation dans tous les pays de l'Union européenne comme aux Etats­Unis et au Japon. De 1985 à 1992, elles sont passées, en Espagne par exemple, de 8.882 à 17.731 millions d'ECU. 203. On dispose également des dépenses d'éducation en pourcentage du PIB en 1992, tous niveaux d'enseignement confondus, par type d'éta­ blissement (public et privé subventionné ou non).1 On constate que les écarts de la part du PIB affectée aux établissements publics sont importants d'un pays à l'autre: ce sont les pays nordiques (Finlande, Suède et Danemark) qui dépensent la part la plus Importante (+ de 6%); la plupart des autres pays y consacrent 4 à 5% de leur PIB, à l'exception des Pays­Bas qui ne dépensent qu'1,7% de son PIB pour ses établis­ sements publics. Cependant ces différences s'atténuent si on prend en compte les dépenses consacrées aux établissements publics et privés confondus. Le taux américain se rapproche de celui des pays nordiques tandis que le taux japonais est analogue à celui des autres pays européens.

Dépenses d'éducation en pourcentage du PIB enl 992 par type d'établissement tous niveaux confondus β

7

|

6

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1 1II

■Établissements privés Établissements publics

1!

Sources: Chiffres de rééducation dans FUnion européenne, édition 1995, Regards sur f éducation, OCDE 1995. Remarque A llemagne: les données concernent exclusivement les anciens Länder. Portugal et Royaume­Uni: aucune donnée disponible sur les dépenses des établissements pr ves.

«Regards sur l'Education», les indicateurs de l'OCDE, 1995, Dépenses d'éducation en pourcentage du PIB en 1992, tous niveaux confondus, annexe n° 13.

150


204.

Si on étudie les dépenses d'éducation en pourcentage du PIB pour l'enseignement primaire et secondaire, on constate que, pour les établissements publics, ce sont également les pays nordiques qui dépensent la part la plus Importante de leur PIB pour leur enseignement primaire et secondaire (près de 4% et plus) ainsi que le Royaume­Uni, le Portugal et les Etats­Unis.1

Dépenses d'éducation en pourcentage du PIB en 1992 par type d'établissement public et privé Enseignement primaire et secondaire

4.5 4 3.5 3 2,5

Ι

2

Établissemenets privés Γ Établissements publics

205.

Japon

États­Unis

Suède

Royaume­Uni

Portugal

Autriche

1 Pays­Bas

î S 5

Italie

,5

Luxembourg

E :

m

Irlande

S σι

France

Ï

Espagne

Φ

Grèce

0,5

Finlande

1,5

Pour l'enseignement supérieur (la recherche étant omise), tous types d'établissements confondus, les Etats membres dépensent de 0,9 à 1% de leur PIB, à l'exception du Royaume­Uni et du Japon qui n'y consacrent que 0,8% tandis que le Danemark, l'Irlande, les Pays­Bas et la Finlande sont à plus de 1,3% et les Etats­Unis à 2,5%. Il faut noter la part importante du PIB dépensée pour les établissements privés, au Royaume­Uni et au Japon, où elle est même supérieure à la part en direction des établisse­ ments publics ainsi qu'aux Pays­Bas et aux Etats­Unis.2

■Regards sur l'Education», les indicateurs de l'OCDE, 1995, Dépenses d'éducation en pourcentage du PIB en 1992, Enseignement primaire et secondaire, annexe n° 14. «Regards sur l'Education», les indicateurs de l'OCDE, 1995, Dépenses d'éducation en pourcentage du PIB en 1992, Enseignement supérieur, annexe n° 15

151


Dépenses d'éducation en pourcentage du PIB en 1992 par type d'établishement public et privé Enseignement supérieur

Établissements prives I etablissements publics

I Source: Regards sur téducation, OCDE, 1995

206. Il est intéressant, après avoir constaté les pourcentages du PIB dépen­ sés par type d'enseignement, d'étudier, pour chaque pays, les dépen­ ses unitaires, par élève, selon les niveaux d'enseignement en 1992, en termes absolus (exprimés en ECU).1 Pour Interpréter les chiffres de l'enseignement préscolaire, il faut tenir compte du fait que les pays nordiques offrent souvent des services de garderie de jour et de soir dont les coûts sont compris dans les dépenses unitaires, ce qui explique que la Finlande, la Suède et le Danemark fassent état de dépenses s'élevant à près de 5.000 ECU alors que dans tous les autres pays, Etats­Unis et Japon compris, les dépenses par élève se situent entre 1.300 et 2.700 ECU. Par élève du primaire, les dépenses s'élèvent à plus de 3.000 ECU pour 5 pays européens (les pays nordiques: Finlande, Suède et Danemark et l'Autriche et l'Italie); les dépenses sont particulièrement élevées aux Etats­Unis (4.445 ECU) Elles sont faibles en Irlande (1.405 ECU) et en Espagne (1.802 ECU).

■Regards sur l'Education», les indicateurs de l'OCDE, 1995, Coûl unitaire pour l'enseignement préscolaire 1992. Coût unitaire pour l'enseignement pnmaire 1992, Coût unitaire pour l'enseignement secondaire 1992 et Coût unitaire pour renseignement supérieur 1992, annexe n° 16

152


L Soufce.OCDE. Regards sur réducation: les indicateurs de l'OCDE, tableau F 03. p. 88-92 1.Exprimé en écus 2. Établissements publics seulement 3. Établissements publics et établissements privés subventionnés

Au niveau secondaire, 4 pays dépensent plus de 4.800 ECU: la Suède, l'Autriche et la Belgique ainsi que les Etats-Unis. La France dépense sensiblement cette somme (4.460 ECU) tandis que l'Irlande et l'Espagne ont les chiffres les plus faibles (2.195 ECU et 2.494 ECU). Ce sont les dépenses par étudiant de l'enseignement supérieur qui varient dans les proportions les plus importantes: dans un rapport de plus de 1 à 3. En effet le Royaume-Uni (11.952 ECU), les Pays-Bas (8.550 ECU) ainsi que le Japon (9.407 ECU) font état de dépenses de plus de 8.500 ECU. Il en est de même aux Etats-Unis où le coût d'un étudiant dans le public est de 5.240 ECU mais de plus de 15.000 ECU dans le privé. A l'exception de l'Espagne, l'Autriche et l'Italie, les autres pays européens ont des dépenses qui se situent au dessus de 4.700 ECU. Comme ¡I était prévisible, les pays riches dépensent en général davantage par élève/étudiant que les pays pauvres mais la corrélation est loin d'être parfaite. Il existe, en fait, des différences considérables entre les pays. 207. Ces quelques Indicateurs permettent d'apprécier les contributions publiques et privées à l'organisation de l'enseignement et de la formation, essentiellement en ce qui concerne les sources de financement public.

153


Mais on ne dispose que de très peu d'informations concernant la formation continue dont les personnes de plus de 25 ans ont bénéficié. On entend par «formation continue» toutes les activités systématiques et organisées auxquelles participent des personnes pour obtenir de nouvelles qualification dans l'emploi occupé ou pour un emploi futur, pour accroître leur revenu ou, plus généralement, pour améliorer leurs possibilités d'avancement. La Commission européenne a effectué une enquête sur les forces de travail qui prend en compte les personnes qui suivaient une formation dans la période de quatre semaines qui a immédiatement précédé l'enquête. Le pourcentage d'effectifs employés âgées de plus de 25 ans apparaît faible et serait toujours inférieur à 6%, pour les hommes comme pour les femmes, sauf aux Pays-Bas, au Danemark et au Royaume-Uni. Une nouvelle enquête est en cours dont les résultats ne sont pas encore disponibles.

208. Afin de disposer des éléments d'une estimation de ce que coûterait un apprentissage tout au long de la vie pour tous, en dehors du système scolaire, les chiffres donnés par l'OCDE permettent de faire le calcul pour les pays de la Communauté européenne, des adultes de 25 à 64 ans ayant un niveau d'instruction égal ou inférieur au premier cycle du secondaire en 1992: le chiffre est considérable: ¡I s'élève à plus 46 millions d'adultes.1 Si on multiplie ces chiffres par des estimations de Adultes ayant vraisemblablement besoin d'une é d u c a t i o n d e base: n o m b r e d'actifs âgés de 25 à 64 ans ayant un niveau d'instruction égal o u inférieur a u premier cycle d u secondaire, 1992

Femmes I Hommes

Source: Base de données de l'OCDE sur l'éducation.

Base de données de l'OCDE sur l'Education, «Adultes ayani vraisemblablement besoin d'une éducation de base: nombre d'actifs de 25 à 64 ans ayant un niveau d'instruction égal ou inférieur au premier cycle du secondaire», 1992, annexe n° 17.

154


coûts de formation dont on dispose par ailleurs [O CDE, Base de données sur les programmes actifs visant le marché du travail), on aboutit, selon les scénarios envisagés, à des coûts totaux de l'ordre de 2 à 4% du PIB.

209. L'OCDE tente d'estimer les effets de l'éducation sur le plan de la formation qualifiante et elle retient les mesures d'Instruction de la population adulte comme Indicateur de substitution le plus courant du «stock de capital humain». Les niveaux d'instruction sont définis d'après la Classification internationale type de l'Education (CITE) telle qu'elle s'applique aux programmes éducatifs des divers pays. La répartition de la population adulte en fonction du plus haut niveau d'instruction atteint fait apparaître des disparités importantes selon les pays alors que les dépenses d'éducation en pourcentage du PIB mettent en évidence d'autres disparités selon les mêmes pays.1 L'OCDE a également calculé

États­Unis | Royame­Un( Suède

|

Finlande

|

Portugal'

|

Autriche

I

Pays­Bas

I

Italie | Irlande I France I Espagne | Grèce* | Allemagne | Danemark | Belgique | ■

Enseignement supérieur universitaire Enseignement non universitaire * Enseignement secondaire du deuxième cycle I Éducation préscolaire,enseignement primaire et secondaire

«Regards sur l'Education·, les indicateurs de l'OCDE, 1995, Niveau général de lormation, annexe n° 16

155


le nombre moyen d'années de scolarité de la population adulte à partir des études achevées et une estimation moyenne de la durée cumulée des études menant à ce niveau d'instruction.1 210. Ces indicateur ne tiennent pas compte de la contribution de l'ensei­ gnement à l'acquisition des compétences et des qualifications. On peut, à cet effet, utiliser les résultats des enquêtes internationales sur les résultats scolaires, notamment ceux de l'International Association for the Evaluation of Educational Achievement (IEA ) (A ssociation internationale pour l'évaluation des résultats scolaires). Mals les résultats de ces enquêtes ne peuvent fournir qu'une mesure partielle (en lecture, mathé­ matiques, sciences) des effets de l'enseignement pour les individus âgés de 9 à 1 ¿ ans des divers pays qui participent aux enquêtes de ΓΙΕΑ. Il peut toutefois être utile de comparer les résultats scolaires aux mesures du stock de capital humain dans la population adulte. •Les indicateurs de l'invest ssement dans le capital humain: Elude de faisabilité­·. 1996, Nombre moyen des années d'étude dans la population adulte 1992, annexe n° 19.

I56


211. L'OCDE et la Commission européenne, de son côté, ont entrepris également de tenter de mesurer les résultats, pour la situation profes­ sionnelle des individus, de l'enseignement et de la formation. Ainsi, les salaires annuels moyens de la population âgée de 25 à 64 ans peuvent être comparés selon les niveaux d'instruction et le sexe.1 II apparaît manifestement que le salaire annuel moyen est systématiquement en relation avec le niveau d'Instruction. Il en est de même, mais en sens inverse, lorsque l'on compare le taux de chômage selon le niveau d'Instruction par les hommes et les femmes par pays.2 Salaire annuel m o y e n par niveau d'instruaion par sexe par rapport au salaire annuel m o y e n de la population âgées d e 25 à 64 ans ayant un niveau secondaire d u deuxième cycle (x100), 1992

Éducation préscolaire,enseignement primaire et secondatre du premiere cycle 220

170

120 ■ Hommes 70

20

I I I

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llllllllillli Β

DK

D

E

F

I

NL

A T

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UK

Femmes

US

30

Sources:

Regards sur l'éducation, O C D E , 1995.

Salaire annuel m o y e n par niveau d'instruction par sexe par rapport ausalaire annuel m o y e n de la population âgées d e 25 à 64 ans ayant un niveau secondaire du deuxième cycle (x100), 1992 Enseignement supérieur non universitaire

220 170 120 70

20

30

Ι ι1 I

1I I I I

III 1 1 Β

Sources:

DK

Regards

D

E

sur l'éducation,

F

1

L N

A

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FIN

S

UK

■ Hommes Femmes

US

O CDE, 1995.

■Regards sur l'Education·, les indicateurs de l'OCDE, 1995, Niveau d'instruction et salaires, annexe n° 20 ■L'emploi en Europe·, Commission des Communautés européennes, 1995, Taux de chômage selon le niveau d'instruction parmi les hommes et les lemmes âgés de 25 à 59 ans, 1994, annexe n° 21

157


Salaire annuel moyen par niveau d'instruction par sexe par rapport au salaire annuel moyen de la population âgées de 25 à 64 ans ayant un niveau secondaire du deuxième cycle (xlOO), 1992 Enseignement supérieur universitaire

ι Hommes ■ Femmes

Β

DK

D

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F

I

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FIN

S

UK

US

Sources: Regards sur l'éducation, OCDE, 1995.

Taux de chômage selon le niveau d'instruction parmi les personnes âgée: de 25 à 59 ans, 1994 Niveau < secondaire supérieur

Β Hommes

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1 Lis 1

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Femmes

Source: Rapport sur l'emploi en Europe, édition 1995.

Taux de chômage selon le niveau d'instruction parmi les personnes âgées de 25 à 59 ans, 1994 Niveau secondaire 30 25 20 15

u.

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158

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Taux de chômage selon le niveau destruction parmi les personnes âgées de 25 à 59 ans, 1994 Niveau enseignement supérieur

ίΠ^ΊΠ

^T

212. Que ce soit dans les domaines de la formation initiale ou de la formation continue, il est manifeste que les efforts à consentir dans chaque pays sont nécessaires et qu'ils sont financièrement considérables. Quelle pourrait être la clé de répartition appropriée des responsabilités financières entre le secteur public/l'Etat, les collectivités territoriales, les familles et les Individus eux-mêmes? Telle est la question posée dans un récent Comité de l'Education de décembre 1995 de l'OCDE qui s'interroge sur les moyens de financer l'apprentissage à vie pour tous. On ne dispose pas encore de chiffres significatifs. Une enquête est en cours à l'OCDE sur ce sujet. 213. Le financement de l'apprentissage tout au long de la vie au-delà de la scolarité obligatoire pose des problèmes particulièrement délicats. Alors que les politiques en faveur de l'emploi menées dans les pays de la Communauté supposent une aide importante des pouvoirs publics en faveur de la formation destinée à compenser les lacunes de la formation initiale des chômeurs, la formation assurée par les entreprises ou liée à l'emploi est généralement financée par les employeurs et parfois par les salariés. Ce n'est qu'à titre exceptionnel que la formation en entreprise est financée par les pouvoirs publics. 214. Bien que certaines personnes s'Instruisent toute leur vie pour le plaisir d'apprendre, dans le cadre de leurs loisirs, ou dans un but non professionnel, la plupart du temps, la formation continue est un investissement professionnel fait à un moment donné et appelé à porter ses fruits plus tard. Comme le souligne le rapport du Comité de l'Education de l'OCDE de décembre 1995, il existe une asymétrie entre le payeur et

159


le bénéficiaire qui fait que les investissements dans la formation tout au long de la vie entraînent des coûts immédiats alors que les avantages se font sentir avec le temps. En conséquence, les individus en particulier, mais aussi les pouvoirs publics et les employeurs risquent de sousmvestir. Il faudrait disposer de données plus fiables qu'aujourd'hui

sur le coût, pour un pays, de l'absence d'investissement dans la formation tout au long de la vie;

sur l'estimation de l'ensemble des besoins en formation;

sur la rentabilité des différentes modalités de formation continue dont il faudrait mieux maîtriser les coûts.

Le Groupe de Réflexion, à l'instar de l'OCDE, pense qu'on serait ainsi mieux en mesure de pouvoir estimer les cas où des taux de rendement social élevés justifieraient que les pouvoirs publics jouent un rôle important dans le financement et les cas où des taux de rendement individuel élevés justifieraient une participation plus forte des individus.

160


Annexe sur la comparaison des systèmes d'éducation et de formation

215. Au-delà des diverses monographies et comparaisons existantes des systèmes d'éducation et de formation, le Groupe soutient la proposition d'un programme d'études pour réaliser une analyse comparative des systèmes en retenant quelques thèmes transversaux susceptibles d'éclairer les mécanismes de fonctionnement des systèmes et les moyens de peser sur leur évolution. Ces thèmes transversaux sont les suivants: a) homogénéité de l'offre: principe du moule unique, diversification des cursus au niveau des formations de base, socle commun, b) l'accès à l'enseignement supérieur et son fonctionnement: sélection, bourses, systèmes élitistes ou ouverts, liens avec la recherche; c) autonomie des établissements: décentralisation des décisions, autonomie de gestion des moyens, niveau de recrutement des enseignants, organisation pédagogique; d) implication des acteurs économiques: partenariats éducatifs pour formations professionnelles en alternance, détachement de professeurs comme enseignants, définition des cursus; e) systèmes d'évaluation: niveau et modalités de l'évaluation des coûts et des résultats, implication pour l'attribution des moyens, publicité des résultats.

161



Commission euro péenne Groupe de réflexion sur l'éducation et la formation — Rapport — Accomplir l'Europe par l'éducation et la formation Luxembourg: Office des publicatio ns o fficielles des Co mmunautés euro péennes 1997 — 161 p. — 17,6 χ 25 cm ISBN 92-827-9494-6



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