Arc de triomphe d'orange

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L’Arc de Triomphe d’Orange


Restitution antique de la Ville d’Arausio (Orange) par Jean-Claude Golvin

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L’Arc de Triomphe d’Orange

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Le Théâtre antique et l’Arc d’Orange LE PATRIMOINE ORANGEOIS

LES MONUMENTS ROMAINS

Biens inscrits sur la Liste du Patrimoine Mondial, le 30 octobre 1981 : Théâtre Antique et ses abords et «Arc de Triomphe» d’Orange ThÉÂtre Antique 1er siècle après J.C. Monument classé UNESCO Le Théâtre romain d’Orange, édifié au début de l’ère chrétienne, doit sa réputation à la conservation exceptionnelle de son mur de scène. C’était le lieu essentiel de la vie de la cité. L’acoustique et la structure permettaient à 7000 spectateurs d’assister à des spectacles. De nos jours le Théâtre accueille chaque année des dizaines de milliers de spectateurs dans le cadre de diverses manifestations estivales dont les célèbres Chorégies.

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Arc de Triomphe 1er siècle après J.C. Monument classé UNESCO L’Arc d’Orange, triomphe de l’impérialisme romain. Dédié à la gloire des vétérans de la IIe légion gallique, fondateurs de la colonie romaine d’Orange, puis à Tibère, c’est un monument exceptionnel de l’art romain provençal. Passage honorifique, il marquait les limites entre le monde des morts et la ville antique. L’origine des arcs de triomphe est attribuée généralement à un rite et plus précisément aux portes construites à l’entrée des villes romaines. Ce type de constructions, spécialement érigées pour la circonstance, avait pour but de marquer le retour triomphal d’un général et de son armée. L’Arc de Triomphe d’Orange n’évoque pas un triomphe en particulier mais symbolise la suprématie de Rome sur mer comme sur terre.


Un monument antique romain laisse tant de questions ouvertes, tant d’énigmes non résolues, tant de secrets recelés dans les pierres. A travers cette étude, mon ambition n’est pas celle de lever les voiles de tous ces mystères tissés au fil des siècles, ce serait pour la néophyte que je suis, fort présomptueux et illusoire mais plutôt, avec l’aide des spécialistes, de poser un certain nombre de questions afin d’appréhender avec plus d’intelligence, au sens latin du terme, un édifice de 2000 ans. C’est ainsi que j’ai souhaité réunir en un tant record à travers cette série d’interviews, un certain nombre d’informations auprès des spécialistes. Parcourant les campagnes d’Orange à Cucuron où réside Monsieur Golvin ou les échaffaudages escarpés de l’arc où officie Monsieur Repellin jusqu’aux salons feutrés de l’Hôtel d’Europe où je rencontrai à Avignon, Renzo Wieder afin de faire avancer ce projet et tenter de saisir l’espace d’un fugitif instant ce parfum antique qui émane de cet édifice de deux millénaires. Il était intéressant pour moi de réunir les propos spontanés de deux architectes directement engagés dans cette restauration de l’Arc de Triomphe d’Orange: Didier Repellin, Architecte des Monuments historiques et Renzo Wieder son associé. Manquaient l’esprit et la vision des archéologues, Jean-Claude Golvin, chercheur au CNRS, archéologue et architecte, spécialiste incontesté des restitutions historiques des villes et l’émminent archéologue Pierre Gros dans son ouvrage sur l’Architecture romaine. A travers ces entretiens, le lecteur découvrira des visions parfois divergeantes mais qui n’en sont pas moins riches et significatives des questions non encore résolues. On pourra grâce à eux, s’imprégner de cet esprit romain conquérant et apprécier la beauté et la grandeur de ces édifices, qu’il s’agisse du Théâtre antique que Didier Repellin vient de finir de restaurer avec ses équipes en juin 2007 ou de l’Arc de Triomphe en cours de restauration. Estelle Arielle Bouchet 5


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L’Arc de triomphe d’Orange avant restauration


Interview de Monsieur Golvin autour de la conception des villes antiques et de leurs configurations

Propos recueillis par Estelle Arielle Bouchet L’architecte et archéologue Jean-Claude Golvin a su restituer avec beaucoup de finesse et d’esprit scientifique la configuration des villes antiques. Quel a été pour vous le point de départ de cet intérêt pour le monde antique ? L’influence de mon père n’est pas à négliger : il a tout d’abord créé et dirigé le Musée des Arts et Traditions populaires de Sfax en Tunisie en 1942. Il y a eu à mon insu plusieurs éléments déterminants. Outre l’influence paternelle, mon père a ensuite dirigé en Algérie le service de l’Artisanat et s’est penché sur l’archéologie de l’époque médiévale. Quant à moi, depuis que je suis enfant, j’ai toujours été passionné par le dessin et l’histoire. A cette époque de la guerre d’Algérie, j’ai eu peu d’occasions de circuler. J’ai visité très jeune des sites archéologiques qui m’ont beaucoup intéressé et je m’amusais à les dessiner pour moi-même .Je me racontais des histoires, j’aurai rêvé de réaliser des bandes dessinées. Ma famille, intellectuels d’origine modeste, n’avait aucun contact dans ce domaine. J’ai donc entrepris des études d’architecture à Marseille. Il y avait à l’époque en France une seule

école d’architecture : L’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts. J’ai participé à de nombreux concours d’architecture et travaillé dans différentes agences pour gagner ma vie. J’ai eu l’opportunité d’accompagner une mission archéologique en Tunisie pour réaliser les relevés. Je n’avais pas à l’époque l’idée d’en faire un métier. A l’occasion d’une de ces missions, j’ai appris que le grand amphithéâtre d’El Jem devait être restauré et qu’il y avait un grand projet de mise en valeur à étudier. Je me suis proposé pour participer à l’opération et, au bout d’un an, on m’a proposé de le faire. J’avais effectué à Aix une Licence d’Art et d’Archéologie parallèlement à mes études d’architecture puis fait l’ Institut d’Urbanisme de Paris .Je suis ensuite rentré au CNRS au service d’Architecture Antique qu’on appelle aujourd’hui Institut de Recherche sur l’Architecture Antique . J’ai soutenu ma thèse à l’Université de Bordeaux III sur le thème de l’Amphithéâtre romain. Quelle est votre démarche, comment réussissez-vous à faire émerger dans vos dessins les structures des villes d’il y a deux mille ans ? 7


Il faut dire que ceci correspond presque toujours à un travail d’équipe, une recherche pluridisciplinaire. La complémentarité est une valeur qui assure la qualité de la restitution .Il m’arrive de travailler soit sur des sites que je connais très bien où je suis engagé à titre personnel et si ce n’est pas le cas c’est un travail fait en collaboration avec une équipe .L’exercice de base est ce qu’on appelle la restitution. C’est-à-dire redonner par l’image l’idée d’un site tel qu’il serait si on pouvait le revoir. Orange, je l’ai étudié à l’occasion d’un livre Les plus beaux sites archéologiques de la France. Michel Edouard Bellet, éditions Ecclectis dans les années 1990, l’ archéologue m’avait transmis un certain nombre d’informations et ainsi j’ai été en mesure de transmettre ces données par l’image. Je connaissais assez bien le thème des édifices de spectacle, ayant beaucoup travaillé sur l’amphithéâtre, frère jumeau du théâtre .Il y en a eu un à Orange situé à la limite de la ville côté Ouest. Cet amphithéâtre a disparu Il était destiné aux combats comme tous les amphithéâtres : combats de gladiateurs, munera, hommes contre animaux, ou venationes animaux entre eux. Les arènes avaient une forme elliptique, le théâtre d’Orange date de la période augustéenne comme le Théâtre de Marcellus à Rome. A cette 8

période commencent à apparaître dans les villes les grands monuments dédiés à la gloire de l’Empire et de l’Empereur. Une digression à propos du théâtre Marcellus de Rome, il y a au-dessus de la structure antique des maisons plus modernes, pouvez-vous en parler ? Le théâtre de Marcellus après son abandon a été réinvesti par des constructions diverses à l’époque médiévale puis à la période de la Renaissance. Des maisons ont occupé des arcades et un palais, le Palais Orsini, s’est installé à l’intérieur de la cavea. Il existe donc en ce lieu plusieurs monuments historiques en un et il ne viendrait aujourd’hui à l’esprit de quiconque de démolir un des éléments de cet ensemble composite. Dans le cas d’Orange, un aménagement moderne est en cours de réalisation. Les structures des gradins d’Orange sont solides, le problème qui se pose c’est l’érosion de la pierre. La construction d’un toit de scène résolument moderne (design) tranchera sur les murs anciens et offrira de nouvelles possibilités notamment d’éclairage, solution esthétique et franche qui évite de faire un pastiche de l’ancienne couverture.


Comment imaginez-vous le toit antique, le toit initial, on sait qu’il était en bois et avait une structure relativement légère, que sait-on sur ce toit de scène ? Il y est étudié par l’Institut de Recherche sur l’Architecture Antique. Il existe des parallèles qu’on connaît grâce aux empreintes visibles sur les murs de scène de grands théâtres comme ceux d’ Aspendos en Turquie ou de Bosra en Syrie.Ces théâtres possèdent, tout comme Orange les murs de scène les mieux conservés du monde. Ce qui est fort rare. Quel type de spectacle proposait le Théâtre Antique ? Une vénération d’Auguste dans le cas d’Orange ? Un autre genre de spectacle. La fonction du théâtre consistait à proposer des représentations scéniques. Les Grecs ont légué la Comédie et la Tragédie. Ces deux genres subsistent à l’époque romaine mais peu à peu ces genres théâtraux perdent de leur qualité et on leur substitue des spectacles plus vulgaires. Effectivement, le monument est construit et dédié à la gloire de l’empereur. Tous les bienfaiteurs

locaux qui le financent de leurs deniers lui rendent par là hommage .Le système romain permettait d’intégrer à son économie et à sa structure tous ceux qui voulaient adhérer au système. Tous les notables des provinces pouvaient s’enrichir et faire carrière, à condition de respecter la norme : rendre le culte impérial qui impliquait de reconnaître la divinité de l’empereur. Parallèlement, on assimilait les dieux locaux à ceux du panthéon gréco-romain. Le théâtre était décoré de marbre et de statues situées dans les niches du mur de scène. A Orange, il y avait des statues d’Auguste et peut-être de son épouse Livia et de toute la famille impériale. Dans d’autres théâtres il y avait aussi des statues d’autres divinités : Apollon, Bacchus, Saturne etc. Dans certains théâtres il existait des petits temples. Ce sanctuaire était lié à la cavea et se situait en haut des gradins dans l’axe. La sacralisation de l’empereur rendait son autorité incontestable. Pourquoi ce lieu d’Arausio, Orange, a-t-il été choisi par l’empire romain pour fonder une ville ? Comment le choix des villes s’effectuait-il ?

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Il y a des cas où des villes préexistaient et d’autres où les romains ont crée une ville nouvelle. Dans ce cas on lotissait les terres du territoire environnant On a encore le souvenir dans Orange de la cadastration romaine. On distribuait les terres aux Vétérans. La population comprenait surtout des autochtones romanisés issus des provinces. La résistance se fait au début de la conquête de la Gaule mais celle-ci n’est pas homogène : la Narbonnaise, qui correspond grosso modo à la Provence et au Languedoc-Roussillon a été romanisée beaucoup plus tôt que les provinces qui correspondent au centre et le nord de la France. Auguste est le grand fondateur du système.. Il a réformé l’état et permit d’intégrer les notables locaux qui voulaient bien jouer le système. Je suggère à cet égard le magnifique livre de Paul Weyne, professeur au Collège de France : « L’Empire gréco-romain » qui explique très bien ce qu’est un empereur romain et en quoi diffère-t-il d’un roi ou d’un président actuels. Quelle était la position d’Orange dans l’Antiquité au sein de la hiérarchie des villes du Vaucluse ? Il faut comprendre que des statuts juridiques étaient différents d une ville à l’autre. Par exemple c’est comme si aujourd’hui vous n’aviez pas eu le droit de vote à Vaison La Romaine et que vous l’ayez à Orange Une ville pouvait être récompensée et promue pour son bon comportement. Les statuts variaient d’une ville à l’autre. Sous une apparente unité il existait pourtant une grande diversité de statuts et de cultures car les cultures pré existantes subsistaient quand même avec leurs différences linguistiques et religieuses. L’organisation de la ville antique d’Orange est calquée sur celle de Rome, grande instigatrice de l’ordre social et politique. Les structures urbaines des villes suivent le même modèle : théâtre, temple, amphithéâtre et forum aux diverses fonctions ( civique, commerciale et religieuse). La ville construit des bâtiments municipaux dont la basilique civile, notre actuel Palais de Justice, la Curie, lieu de réunion des élus. Le forum constitue vraiment le cœur de la ville, là où les grands symboles sont mis en jeu. Tous les grands édifices publics sont toujours offerts par les notables. Si vous vouliez faire une carrière dans l’Antiquité à l’époque impériale il fallait déjà être aisé et consacrer une partie de vos ressources à la réalisation d’édifice ou au financement des jeux. Comment se structurait la hiérarchie sociale dans la ville d’Orange, il s’agissait du même modèle qu’à Rome ? Il existait différents statuts : hommes libres, affranchis ou esclaves comme à Rome et dans l’Empire. C’est avant tout une économie qui tourne sur ce type de configuration sociale. Il y a des masses de gens disponibles pour des travaux non rémunérés. Comment procédez-vous lorsque vous créez des restitutions de villes ?

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Il y a un contexte : toutes ces images de villes ont été réalisées pour des livres destinés à un public assez large .L’image se doit être compréhensible par tous ce qui explique son aspect quelque peu didactique. L’image de restitution vise à donner de l’information. C’est à nous de veiller à ce que cette information soit de bonne qualité. Il y a deux cas possibles, soit ce sont les gens qui travaillent sur le site et avec qui l’on collabore, soit il s’agit d’un auteur qui rédige l’ensemble du livre. Dans le cas d’Orange, j’ai pris soin de réunir tout ce qu’on avait pu trouver dans différentes publications et disposé de documents complémentaires et de photographies. Face à un site inconnu se pose la question suivante : Que peut-on lui faire dire qui soit susceptible d’intéresser un public de non spécialistes ? Il s’agit de mettre en valeur les points forts qui constituent la personnalité du site. Dans le cas d’Orange, le Théâtre Antique qui est le mieux conservé d’Europe constitue le point le plus fort. Orange ne diffère guère des autres villes romaines de Gaule. La campagne autour de la ville était cadastrée, on a également une idée du territoire au-delà de la ville. Il y avait à Orange des thermes comme dans toute ville romaine, on ignore à ce jour leur emplacement. Les thermes représentaient un accessoire majeur du mode de vie. Orange, compte tenu de l’extension de la ville, possédait certainement plusieurs établissements thermaux. On traitait les affaires aux thermes, on exerçait des activités physiques, hommes et femmes étaient séparés. Il y avait la possibilité de se faire masser après les bains de vapeur. Vous vous êtes intéressé de près aux villes du monde antique, y a-t-il des dénominateurs communs entre elles, qu’est-ce qui les distingue les unes des autres ? A l’époque romaine les villes comportaient les éléments constitutifs qu’on a cités précédemment : forum, temples, théâtre, amphithéâtre, thermes etc.…Dans les édifices de spectacles, les places étaient réparties en fonction des catégories sociales. Les places d’honneur étaient en bas et au fur et à mesure que l’on montait, elles étaient de moins bonne qualité et réservées à des catégories plus modestes. L’amphithéâtre était très répandu dans la partie occidentale de l’empire, beaucoup plus rare dans la partie orientale. Dans certaines provinces il existait et dans d’autres il était remplacé par un édifice mixte qui servait à la fois pour les spectacles scéniques et pour les combats de gladiateurs .Chaque ville d’une certaine importance possédait son arc de triomphe et des portes monumentales. L’arc de triomphe se situait souvent aux entrées de la ville. A Orange, il s’agit d’un arc à l’entrée situé près d’une nécropole. Il en existait parfois d’autres qui étaient parfois liés au forum ou à des carrefours importants. L’arc de triomphe qui pouvait marquer une victoire ou être commémoratif avait une valeur symbolique. Le cirque ou l’hippodrome était plus rare. Il en existe un à Arles à côté du Musée de l’Art Antique, à Vienne et à Lyon. Le cirque n’existait que dans les très grandes villes où dans les capitales de province. Le théâtre et l’amphithéâtre sont des édifices publics beaucoup plus répandus .On en connaît des centaines.

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Existe-t-il une césure entre Orient et Occident en ce qui concerne les villes Antiques ? Les villes n’étaient pas radicalement différentes en fonction des provinces On ne trouvait pas d’un côté une configuration tortueuse qui ressemblait à des villes orientales actuelles et de l’autre des villes au tracé octogonal.. La structure de la ville antique d’Orient suit le même quadrillage que les villes romaines de l’Antiquité. Si le tracé est irrégulier ceci indique généralement que la ville romaine s’est superposée à une ville plus ancienne. Que pourriez-vous raconter sur l’Arc de Triomphe ? L’Arc de Triomphe pouvait marquer une victoire ou être un arc commémoratif avait une valeur symbolique. Il peut occuper différentes positions dans une ville mais très souvent il est aux entrées. Il en existe d’autres qui parfois sont liés au Forum.. A la sortie de la ville se situent les nécropoles. Il se situe à l’entrée de la ville. L’Arc d’Orange marque la charnière entre le monde des vivants et le monde des morts. La plupart des grandes villes de l’Antiquité romaine ont eu leurs arcs de triomphe. Il existait également de grandes portes monumentales urbaines. Il est probable que dans la ville d’Orange d’autres arcs ont existé ainsi que de belles portes d’enceinte comme celles d’Autun par exemple. Que diriez-vous sur les temples ? Le temple se dénomme capitole s’il est dédié à la triade Jupiter, Junon et Minerve. Parfois le temple est dédié à d’autres divinités et il n’a donc pas l’appellation de capitole. Au II ème siècle avant Jésus-Christ, la capitale de la province est Narbonne, c’est pourquoi on l’appelle la Narbonnaise. Elle est déjà romanisée dès le II ème siècle avant J.C et relie l’Italie à l’Espagne. L’urbanisation et les travaux commencent. L’époque augustéenne, se situe au début de l’empire et de la création d’une nouvelle structure politique. A partir de ce moment-là, la prospérité économique fleurit, les ressources abondent. L’ère de la construction des grands édifices publics s’ouvre dans ce contexte favorable .On importe, on exporte, le commerce s’intensifie. D’Orange on peut gagner la voie fluviale du Rhône et dans Arles le canal des fosses mariennes conduisait dans la région de Fos sur Mer. On partait de là vers les grands ports du Mare Nostrum .

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La ville d’Orange était une ville riche. Ses monuments étaient du à la fortune municipale, la fortune locale. Pour pouvoir s’offrir de si beaux monuments, il fallait beaucoup d’argent : la richesse monumentale traduit la richesse de la ville. Les corporations et les riches propriétaires terriens finançaient les édifices publics. Des


entrepreneurs habiles souvent affranchis, parvenaient à s’enrichir et à devenir les notables de la ville. Au niveau de la langue, y a-t-il eu à un certain moment une langue hybride faite de patois gaulois et de latin ? La langue officielle était le latin mais je serai curieux de savoir dans le détail ce que l’on entendait à Orange. La langue populaire ne devait certainement pas ressembler au latin classique En revanche, dans tout l’Orient, c’est le grec qui prédominait. Dans la rue, on n’entendait pas le latin. Il était réservé aux agents de l’administration. Dans d’autres villes, Alexandrie, Porezzoles, Ostie, les langues les plus diverses devaient s’entendre car la population était cosmopolite. D’importants travaux entrepris par Didier Repellin, Architecte en Chef des Monuments Historiques, sont en cours au Théâtre antique d’Orange pour construire un toit de scène moderne sur le Théâtre Antique, qu’en pensez-vous ? ( Les travaux de Caristie au XIX ème mettent en évidence l’existence d’un toit de scène en bois à l’origine de la création du théâtre.) Le toit de scène est connu, vous parliez des niches, statues et marbre qui décoraient le mur initialement et participaient de l’esthétique grandiose de la pompe augustéenne ; le toit avait pour fonction essentielle d’améliorer l’acoustique. Ce toit, qu’on appelle parfois l’abat-son, couvrait la scène et jouait un rôle non négligeable, rabattant les voix au niveau de l’Orchestra et de la Cavea, c’est-à-dire vers l’ensemble du public. Le théâtre est entièrement conçu selon les lois de l’acoustique, on le sait car on les a étudiées et Vitruve en parle. Le théâtre est une création grecque, les romains l’ont un peu modifié au niveau du mur de scène qui est plus élevé et le decorum qui l’accompagne est monumental. Le mur de scène romain ferme la cavea alors que le théâtre grec peut être relativement ouvert sur l’extérieur. Le toit du théâtre romain était en charpente. Dans tous les théâtres antiques romains ce toit existait J’apprécie pour ma part le toit moderne d’Orange. Mon sentiment personnel est le suivant : Le théâtre antique est réutilisé,ce monument a une fonction aujourd’hui, on y organise des manifestations, des spectacles, des visites qui le font vivre et encouragent son entretien .Le problème qui se pose est le suivant : Quel peut-être l’avantage de rétablir une toiture ? Une triple intérêt : améliorer d’une part les conditions acoustiques puisque c’est ce que visait l’abat-son antique et d’autre part installer au mieux un matériel qui est parfois disgracieux dans la structure, avec des projecteurs etc… Enfin, protéger de l’érosion le mur de scène et lui assurer une plus longue tenue pour les siècles futurs. Sur le plan esthétique, je préfère que le toit nouveau soit franchement contemporain plutôt qu’une pâle imitation du toit « à la romaine ». Le velum, sorte de toile au-dessus des spectateurs protégeait l’assemblée du soleil et du vent. Il s’accrochait

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à des mats qui se situent tout autour du monument. Le fonctionnement du velum était subtil. Sa structure était comparable à celle d’une toile d’araignée et sur celle-ci glissait des voiles qui, juxtaposées, protégeaient l’ensemble du public. Où situeriez-vous l’apogée de la ville d’Orange dans son esthétique et sa configuration antique définitive ? Les villes atteignent leur apogée aux débuts du II ème et III ème siècle. Elles sont encore très actives au IV ème siècle. L’époque de Constantin est la période où il y a le plus de vestiges antiques conservés. Les grandes restitutions de Rome représente la ville à cette époque Plus vous remontez dans le temps, plus il vous manque des pièces.

Avec vos restitutions, vous avez créé une discipline scientifique qui concerne la structure urbaine antique, il y a dans votre approche un esprit nouveau et précurseur. Comment procédez-vous dans vos restitutions des villes antiques ?

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On pourrait créer le syllogisme de « restituteur » pour désigner ce métier, le restituteur est celui qui rend. Une restitution est avant tout une démarche intellectuelle qui suit selon une méthode un certain nombre d’étapes. Ce qui m’intéresse, c’est de pouvoir restituer les lieux antiques. La restitution concerne non seulement l’aspect des villes mais aussi les activités et les événements qu’elles ont vécues .Elle sert à en raconter l’histoire. Mes prédécesseurs se sont souvent penchés sur la restitution des monuments mais il manquait de restitutions de villes. Dans une restitution, vous prenez un certain nombre de risques car les éléments nécessaires à la réalisation d’une image complète n’ont pas tous subsisté. L’image de restitution se fonde sur des indices. Ce qu’on appelle les indices est l’ensemble de ce qu’on possède réellement : les vestiges en place et ceux qui ont disparu mais dont on connaît la localisation. La démarche consiste à replacer les choses au bon endroit dans leur contexte d’origine. Il va fatalement manquer des pièces, certaines pièces ayant disparu. Dans ce cas, on fait une proposition en utilisant des exemples parallèles, c’est-à-dire d’autres édifices du même type .. Il y a toujours une part d’hypothétique dans une restitution .La démarche consiste à tirer parti de tout ce qu’on a et de le compléter pour donner une image globale. L’intérêt est de retrouver ce à quoi cela ressemblait. En fait, cela consiste à faire des portraits-robots des villes aussi fidèles que possible. Rien n’était en ruine à l’époque. Je pars d’un plan que je quadrille avec une échelle précise pour respecter les proportions après avoir réalisé une esquisse de la vue à faire. Je travaille sur un canevas quadrillé dans lequel s’insère les éléments. L’impression


d’ensemble d’une ville comme Orange était beaucoup plus magistrale et imposante qu’aujourd’hui quand on sait par exemple qu’une maison antique faisait environ 2000 m2. Je réalise ces restitutions qui viennent illustrer des livres d’histoire antique mais aussi des articles, des revues ou des guides qui figurent dans des musées ou dans des centres d’interprétation sur les sites. La restitution se fonde sur cinq signes déterminants : la topographie et la configuration du paysage, les contours de la ville, la trame urbaine, la forme des édifices, la position des grands édifices variable selon la ville ainsi que la position relative de l’ensemble.

Quel est votre rapport à la ville de Rome, votre vision antique se sur--imprime-t-elle sur la Rome d’aujourd’hui ? Quand je vais à Rome, c’est toujours dans le cadre d’une étude ou d’un livre. Alors, en parcourant la ville actuelle, j’ai tellement d’images de la ville antique en tête que je m’amuse à m’imaginer parcourir la ville antique. Sur les lieux, je conçois par la pensée les espaces devant moi. Les murs se redressent, les espaces s’animent. C’est une sorte de voyage extraordinaire. Je revois le Circus Maximus et les courses de Chars, le Forum Romanum et se s activités, les palais du Palatin. Ceci ne masque pas la beauté de la Rome des autres époques ni de la Rome contemporaine. Ne me demandez pas si j’aime cette ville. Je ne peux m’en détacher.

Edtions Errances-Actes Sud par Jean-Claude Golvin : Voyage en Gaule romaine Voyage sur la Méditerranée romaine L’Antiquité retrouvée

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L’ARC d’ORANGE par Jean-Claude Golvin

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D’importants travaux entrepris par Didier Repellin, Architecte en Chef des Monuments Historiques, ont été réalisés en 2006-2007, au Théâtre antique d’Orange pour construire un toit de scène moderne sur le Théâtre Antique,la restauration de l’Arc de Triomphe a maintenant débuté. Que dire du Théâtre et de l’Arc? Le toit de scène est connu, vous parliez des niches, statues et marbre qui décoraient le mur initialement et participaient de l’esthétique grandiose de la pompe augustéenne ; le toit avait pour fonction essentielle d’améliorer l’acoustique. Ce toit, qu’on appelle parfois l’abat-son, couvrait la scène et jouait un rôle non négligeable, rabattant les voix au niveau de l’Orchestra et de la Cavea, c’est-à-dire vers l’ensemble du public. Le théâtre est entièrement conçu selon les lois de l’acoustique, on le sait car on les a étudiées et Vitruve en parle. Le théâtre est une création grecque, les romains l’ont un peu modifié au niveau du mur de scène qui est plus élevé et le decorum qui l’accompagne est monumental. Le mur de scène romain ferme la cavea alors que le théâtre grec peut être relativement ouvert sur l’extérieur. Le toit du théâtre romain était en charpente. Dans tous les théâtres antiques 18

romains ce toit existait J’apprécie pour ma part le toit moderne d’Orange. Mon sentiment personnel est le suivant : Le théâtre antique est réutilisé,ce monument a une fonction aujourd’hui, on y organise des manifestations, des spectacles, des visites qui le font vivre et encouragent son entretien .Le problème qui se pose est le suivant : Quel peutêtre l’avantage de rétablir une toiture ? Une triple intérêt : améliorer d’une part les conditions acoustiques puisque c’est ce que visait l’abat-son antique et d’autre part installer au mieux un matériel qui est parfois disgracieux dans la structure, avec des projecteurs etc… Enfin, protéger de l’érosion le mur de scène et lui assurer une plus longue tenue pour les siècles futurs. Sur le plan esthétique, je préfère que le toit nouveau soit franchement contemporain plutôt qu’une pâle imitation du toit « à la romaine ». Le velum, sorte de toile au-dessus des spectateurs protégeait l’assemblée du soleil et du vent. Il s’accrochait à des mats qui se situent tout autour du monument. Le fonctionnement du velum était subtil. Sa structure était comparable à celle d’une toile d’araignée et sur celle-ci glissait des voiles qui, juxtaposées, protégeaient l’ensemble du public.


Interview de Jean-Claude Golvin autour de l’arc de triomphe d’Orange Novembre 2008 Auguste meurt en 14, l’arc de triomphe d’Orange a été construit dans les années 20-25 de notre ère en l’honneur de Germanicus. L’arc a été construit sous Tibère. La construction du théâtre d’Orange précède celle de l’arc. Il semble l’un et l’autre avoir été conçus par le même architecte et réalisés par la même équipe de lapicides bien que le premier comporte une seule baie et le second soit un trifornique (trois arches). Dossier contesté de l’inscription ou plutôt ce qu’il en reste , nous rappellerons seulement l’hypothèse récemment émise sur la base d’une lecture comparative des prescriptions de la tabulatia arentis et des motifs principaux de cet arc selon laquelle il appartiendrait à la série des fondations suscitées par le Sénat après la mort de Germanicus les liens étroits des vétérans de la deuxième Légion d’Auguste qui forme le gros des colons d’Orange avec le général dont la popularité porta ombrage à Tibère (Germanicus) expliquerait sans peine l’initiative de la communauté d’Arausio. Le premier attique

qui surmonte l’arc semble avoir été prévu pour un groupe de stateurs importants. Il faut faire cependant abstraction du second attique qui appartient à une phase postérieure. A Orange, le rôle des colonies de droit romain dans l’élaboration de la diffusion de l’arc triomphal s’avère donc pour la Narbonnaise prépondérant. L’édifice de glanum situé sur le pomerium de cette petite cité peu avant la limite urbaine à la proximité immédiate de la nécropole témoigne de cette diffusion avec ces reliefs de captifs enchaînés de part et d’autre d’un trophée et de victoires. L’Arc d’Orange est contemporain du glanum. EAB : Ces arcs de triomphe ont-ils toujours une fonction commémorative autour de victoires guerrières, comment cela s’articulait-il ? JCG : Il s’agissait de célébrer en ce lieu des victoires, la fonction consistait également à honorer la famille impériale. On les trouvait souvent aux entrées de ville mais il existe plusieurs positions possible de l’arc monumental c’est pourquoi on évite parfois de les qualifier d’arc de triomphe car ce n’est pas forcément un triomphe qui est célébré. On a soit la position en entrée de ville comme c’est le cas à Orange. Les grandes entrées des grandes villes romaines sont souvent ponctuées par un arc de triomphe qui définit l’espace et annonce en général 19


Restitution de l’Arc d’Orange par Jean-Claude Golvin 20


le nom de l’Empereur régnant avec parfois une dédicace qui insiste sur des points particuliers de la carrière, un événement particulier. Cela peut mais ce n’est pas toujours le cas, symboliser des victoires. L’Arc attire l’attention sur l’essentiel : il matérialise l’entrée de la ville . Il existe d’autres localisations possibles de l’Arc directement sur le Forum, à son entrée. Ce type d’Arc a la même fonction mais marque l’entrée du cœur de la ville. EAB ; L’arc a donc une double fonction : commémorative et sacralisante ? JCG : Effectivement, dans le cas d’Orange c’est davantage la fonction commémorative qui prévaut, marquant la présence symbolique de Rome et de sa victoire au sein de la ville d’Orange avec une thématique militaire appropriée développant iconographiquement les victoires navales et terrestres. C’est la marque de Rome accompagnée souvent du nom de l’empereur. Le programme semble très simple puisqu’il s’agit d’un monument contenu de par sa taille si on le compare à d’autres types d’édifices romains comme le Théâtre ou le Cirque, mais en réalité les arcs sont très variés dans leur conception. Soit par le nombre de colonnes qu’ils peuvent avoir, par la composition, certains ont une niche avec des statues, d’une époque à l’autre il existe des variations. EAB : Existe-t-il en France des arcs de triomphe de cette qualité ? JCG : Pas aussi beau que celui-ci, dans la région il y en a un Carpentras, un Cavaillon et un à Vienne. Ces arcs sont partiellement conservés, il y en avait partout mais on ne les a pas forcément retrouvé. Il est bien évident que dans une ville comme Lyon, il y en a eu. Egalement à Arles d’après des dessins anciens, s’érigeait l’Arc du Rhône. Normalement toute ville romaine avait au moins un arc et quand il n’y en a pas c’est qu’ils ont été détruits. EAB : Y avait-il des cérémonies ^particulières autour de l’Arc ?

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JCG : Non, il est là comme un grand signal marquant l’entrée de la ville et symbolisant la puissance de Rome. Il attire en outre l’attention sur l’essentiel de ce qu’on veut dire. Parfois, comme à Dougga où j’ai travaillé, il y a plusieurs arcs de triomphe plus tardifs que cela. Les dédicaces indiquent le nom de l’empereur et toute la famille impériale est représentée : les statues sont disposées dans des niches correspondantes. EAB : A Orange, il n’y a pas cela ? JCG : Non, l’Arc d’Orange est d’un autre type. Dans la masse de l’Arc, il y a un espace qui n’est pas fonctionnel. L’appellation « chambre du Prince » est une dénomination populaire qui n’a pas de réalité effective. EAB : Pouvait passer sous cet arc qui le souhaitait ou y avait-il un rituel et une symbolique de passage sous l’arc ? JCG : Dans certaines villes comme Dougga il est sur la voie et on passe donc au-dessous, parfois aussi on le contourne. Voyons la Porte d’Aix par exemple, arc récent du XIX° siècle à l’entrée de Marseille, il signifie l’entrée de la ville et on tourne autour, on ne passe pas dessous. A Dougga on le contourne également, il est sur une placette. L’Arc d’Alaxandre Severe on passe dessous. L’Arc revêt une fonction hautement symbolique et marque très nettement la domination romaine en territoire Gaulois. EAB : Au-delà de l’Arc, à l’extérieur de la ville d’Arausio, s’étendaient le long de la Via Agrippa des nécropoles, pourriezvous préciser l’emplacement des nécropoles et de manière allégorique, la place attribuée à la mort dans la ville romaine ?

L’EMPEREUR AUGUSTE THEATRE ANTIQUE D’ORANGE 23


Tombeau romain, fouille de la nécropole d’Arausio La Nécropole antique d’Orange Les découvertes archéologiques de 1999 En 1999, lors de fouilles effectuées au nord de l’Arc de Triomphe, en bordure de la voie d’Agrippa, de fabuleux vestiges archéologiques appartenant à une nécropole antique ont été découverts. Ainsi, mausolées, têtes de Bacchus, de cyclope d’une beauté exceptionnelle, d’Hercule surmonté d’un lion ainsi qu’un sphinx, une sphinge, des plaques funéraires, du matériel d’offrandes (assiettes, vases, gobelets et autres ustensiles), un cercueil en plomb, une frise (de l’un des mausolées et représentant un char tiré par deux chevaux) et bien d’autres éléments encore. 24


JCG : La nécropole d’une ville romaine est toujours à la sortie de la ville. L’arc est lié à la nécropole car la nécropole se trouve immédiatement à la sortie de la ville. Au fur et à mesure, les nécropoles se répandent tout autour de la ville et entourent l’espace urbain. La conception de l’au-delà de l’époque Greco Romaine ordonnait que les morts ne soient pas mélangés aux vivants. EAB : Tout comme dans la Tradition hébraïque où la vie et la mort constituent deux concepts bien distincts qu-on prend soin de bien séparer. JCG : Très ponctuellement, une fois dans l’année, symboliquement, on leur rend hommage en se rendant sur les tombes et on demande aux morts de ne pas venir troubler les vivants. Le contact est bien circonscrit comme le lieu des nécropoles. EAB : Existe –t-il d’autres monuments antiques liés à l’Arc de Triomphe ? JCG : Pas en sortie de ville. En revanche, effectivement pour le Forum, si il existe un Arc de Triomphe, il est lié à l’ensemble architectural de ce dernier, il peut faire partie du mur du mur d’enceinte du Forum. EAB : Dans le cas de l’Arc d’Orange, n’y avait-il pas autrefois une enceinte de part et d’autre ? JCG : Non, à la Haute Epoque, il n’y en avait pas, il est carrément en dehors de la ville. Parfois si on peut voir l’Arc lié à une enceinte ce n’est que tardivement à l’époque Byzantine. A Tebessa, par exemple, en Algérie, on voit l’Arc de Triomphe qui sert d’entrée de la ville fortifiée. EAB : Au moment d’enter dans la ville, y avait-il un droit à payer ? JCG : Il semblerait que oui pour les étrangers. EAB : Combien de temps fallait-il pour bâtir un arc comme celui d’Orange et quelles techniques de construction étaient employées par les Romains ? 25


JCG : Les pierres étaient montées avec des grues à tambour dont parle Vitruve et décrites dans de nombreux bas-reliefs romains. Le monument n’est pas très volumineux, la construction correspond à celle de la ville, en 20-25 ap. J.-C. Difficile d’évaluer le temps précis nécessaire à sa construction mais on peut sans trop faire d’erreur opter pour un temps de réalisation assez court, la main d’œuvre étant abondante et bien entraînée. Néanmoins, on n’a pas l’inscription d’origine, elle a été ôtée, il s’agit souvent de plaques métalliques qui ont été arrachées. Même chose à la Maison Carrée de Nîmes où on ne voit plus que les trous de scellement des lettres. On peut essayer de la restituer quand c’est clair on a une restitution des lettres. Si l’inscription a disparu cela fait objet d’interprétation. Sur l’Arc de Dougga on a l’inscription en toutes lettres directement sur la pierre. EAB : A l’inverse du Théâtre ou d’autres édifices urbains comme le Cirque qui avaient vraiment une vocation sociale, la position de l’Arc est obsolète tant sur un plan topographique que fonctionnelle. Pensez-vous qu’il existait néanmoins un cérémonialou des festivités liés à l’Arc ? JPG : Non, il n’y avait pas de festivités liées à l’Arc. A l’époque d’Auguste, au début de la dynastie et au début de l’Empire, il y a une construction idéologique. Si on prend le forum romanum , c’est la place publique ; la fin de la république romaine, c’est le moment où on assiste, après les guerres civiles, à une énorme extension de Rome. Il convient alors de réformer l’état et les structures et tenter de concevoir un système plus adapté à ces nouveaux territoires colonisés. Il y a donc tout un travail à l’issu des guerres civiles de refondation de l’état. Pour créer un pouvoir extrêmement fort, la mécanique mise en jeu consiste à sacraliser le détenteur du pouvoir. César fréquentait l’Egypte et il ce serait bien vu comme 26


un souverain hellénistique dans la peau d’un nouveau Ptolémée. Il est soupçonné de vouloir rétablir la royauté, c’est pourquoi il meurt assassiné. Quant à Auguste, après une seconde guerre civile, au moment où il jette les fondements de son nouveau régime, décide de sacraliser sa personne et son pouvoir. Il crée le temple de César divinisé, le Divus Julius et de chaque côté il installe des arcs de triomphe. Le premier dédié à la victoire d’Axium, victoire sur Cléôpatre et le second où figure les noms de ses héritiers présomptifs car il était soucieux de sa postérité. La succession a été rendue confuse du fait que rien n’avait été légiféré en ce sens pour ces neveux Caïus et Lucius Quand on regardait ces monuments, le fond du forum qui est la place publique romaine, qu’est-ce qu’on voit ? Le temple de César divinisé, Auguste symbolisé par la victoire d’Axium pour asseoir son autorité et lui conférer un caractère sacré. Cette idéologie extrêmement forte renforce le pouvoir et sera célébrée après par le culte impérial. Ces bâtiments ont incontestablement une dimension idéologique et assoient le culte de la personnalité de l’empereur. EAB : Je n’ai pas remarqué sur l’Arc d’Orange de représentations de divinités à moins qu’on considère que la sirène puisse revêtir un caractère sacré ? JCG : La dimension qui s’impose est avant tout politique. Dans le cas où l’empereur se serait déplacé jusqu’à Orange, on imagine aisément qu’il y aurait eu une entrée solennelle avec une pompe adaptée à la circonstance. Cet arc n’avait pas de fonction défensive à l’époque augustéenne. Tous les bas reliefs ont un sens symbolique sur l’Arc d’Orange et les motifs évoquent de façon générale la puissance militaire de l’empire romain.

«Opus Sectile» d’Orange Oeuvre découpée et réalisée avec des plaquettes de marbre assemblées.

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EAB : Y a-t-il en France d’autres arcs de triomphe de la même époque qui marquait la colonisation romaine sur la Gaule ? JCG : A Reims, il y avait La Porte de Mars, à Autun (Augusto Dunum) il existe une porte romaine mais il ne s’agit pas d’un arc mais d’une porte de ville. Il y a également un arc à Besançon et à Saintes en Charente Maritime. La porte de ville est fonctionnelle et elle a pour rôle d’assurer un passage. Les arcs se situent toujours sur les grandes voies d’accès en liaison avec les villes voisines. Ainsi l’arc d’Orange se situe sur l’ancienne Via Aggripa reliée elle à Vienne puis Lyon (Lugdunum). Les arcs assoient toujours le pouvoir politique romain dans la ville.

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L’ARC D’ORANGE par Didier Repellin, Architecte en Chef des Monuments historiques 29


Hommage aux pierres antiques

Il m’a été donné la chance de rencontrer Didier Repellin en mars 2006 dans le cadre d’une campagne de communication que m’avait confiée la Ville d’Orange autour de la construction tout à fait exceptionnelle d’un toit de verre moderne sur le Théâtre Antique. Dans l’histoire des restaurations antiques, jamais une construction moderne n’était avenue sauver un bâtiment de cette époque. Il s’agissait d’une première mondiale ce qui allait m’aider dans l’organisation argumentaire de ma campagne. La personnalité charismatique de l’architecte en chef ainsi que son engagement totale dans sa mission de sauvegarde du Patrimoine architectural fit le reste. Je dois témoigner que ce travail sur le Théâtre Antique d’Orange m’a laissé un parfum d’éternité, une appréhension de l’immuable suscité par ce qui a été bâti pour demeurer et je reconnais aussi que cette recherche sur le Théâtre m’a beaucoup enrichie sur le plan de ma construction personnelle. C’est pourquoi aujourd’hui, je me réjouis d’aborder un autre bâtiment antique d’Orange, l’Arc de Triomphe, qui pourrait être son jumeau et ce pour plusieurs raisons : sa vocation -son origine est romaine au service de la gloire et du pouvoir impériaux, ensuite sa datation, le Théâtre a été construit à l’époque augustéenne, il y a environ deux mille ans, l’Arc a été bâti quelques années plus

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tard en 20-25 ap.J-C, leur excellent état de conservation (les édifices sont toujours sur pied) compte tenu de leur très grand âge, la facture à la fois élégante et rustique du lapidaire et enfin le fait que ces deux édifices soient inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco. Nous pourrions citer un autre rapprochement : à un an d’intervalle ces bâtiments jouissent d’une restauration exceptionnelle qui prolongera de plusieurs siècles leur durée de vie. Il peut sembler naïf de parler de durée de vie pour des bâtiments en pierre, pourtant comme vous pourrez le découvrir dans ces entretiens avec les architectes, la pierre est vivante et c’est à elle et à la mémoire qu’elle porte que je rends hommage aujourd’hui.

Estelle Arielle Bouchet


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Restauration de L’Arc d’Orange La Voûte du passage centrale

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Didier Repellin, responsable du projet

Didier Repellin est un personnalité du monde de la Culture française, il fait d’ailleurs partie du Ministère de la Culture de par sa fonction d’Architecte en chef des Monuments historiques. Il a placé la Ville de Lyon où il réside sous l’égide de l’UNESCO en tant que Patrimoine mondial de l’ Humanité. On lui a confié la lourde charge de restaurer tout le Patrimoine du Vaucluse parmi lesquels entre autres, le Palais des Papes d’Avignon, l’Abbaye de Sénanque, la Synagogue de Carpentras, le Théâtre Antique d’Orange et plus récemment l’Arc de Triomphe sur lequel porte cet interview. Il restaure également tout le Patrimoine français de Rome : l’Eglise Saint Louis des français, la Trinité des Monts, Saint Nicolas des Lorrains, Saint Yves des Bretons et la Villa Medicis. Didier Repellin prend en charge un certain nombre de missions d’expertise à Singapour dont il a restauré toute l’ancienne ville, en Thaïlande, en Malaisie, en Inde, à l’Ile Maurice, en Indonésie, au Cambodge, en Chine et au

Bengladesh depuis 1999. La motivation de son métier se fonde sur le Patrimoine comme outil de liaison entre les cultures, les générations, le passé et le futur. Son implication dans ce domaine est totale.

Didier Repellin et Estelle Arielle Bouchet 33


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Un architecte au chevet d’un bâtiment antique âgé de 2000 ans Par Estelle Arielle Bouchet

Didier Repellin, Architecte en chef des Monuments historiques vient de réaliser une prouesse technique, ce que l’on pourrait s’amuser de qualifier l’un des douze travaux d’Hercule : la construction moderne et gigantesque d’un toit de verre sur le Théâtre Antique d’Orange. Ce projet auquel j’ai eu la joie et l’honneur de participer en tant que Chargée de communication a été financé par le Ministère de la Culture, la Région PACA et la Ville d’Orange. Le coût du projet s’élevait à 6 millions d’euros et a permis de sauvegarder un des trois plus beaux théâtres au monde avec Bosra en Syrie et Aspendos en Turquie, classés tous trois au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette restauration du Théâtre et cette construction particulièrement exceptionnelle d’un toit high tech sur le Théâtre est tout à fait singulière dans l’histoire des restaurations de bâtiments antiques. C’est la première fois en effet qu’on assiste à un mariage de l’antique et du moderne sur un édifice de 2000 ans d’âge et c’est ainsi que l’on peut constater que la modernité, peut, dans certains cas, venir au secours de 2000 ans d’histoire. Sans cette intervention audacieuse et innovante à laquelle ont contribué les Sociétés Eiffage et Arep pour n’en citer que quelques unes, le théâtre aurait eu une espérance de vie limitée dûe à de très importantes détériorations liées à des conditions atmosphériques défavorables. Une couverture s’imposait «comme une aile protectrice au-dessus du Théâtre», pour reprendre les termes de l’Architecte en Chef. 35


Interview de Didier Repellin, Architecte en Chef des Monuments historiques autour de l’Arc d’Orange. Estelle Arielle Bouchet : Vous venez de restaurer le Théâtre antique d’Orange avec la magistrale construction d’un toit de verre moderne sur le mur de scène et vous entreprenez aujourd’hui la restauration de l’Arc de Triomphe d’Orange appartenant lui aussi au patrimoine antique romain. Pourriez-vous établir un parallèle entre ces deux restaurations exceptionnelles ? Didier Repellin : Les deux édifices sont certes romains, certes à peu près de la même époque mais ils n’ont ni la même fonction, ni la même vocation, ni le même type de construction. On pourrait dire que vis à vis de la ville le premier édifice que l’on découvre c’est l’arc. L’arc était en effet un monument que tout visiteur à l’époque antique voyait, et qui célébrait la fondation de la ville. Cela campait l’image d’Orange dès le départ. Il est intéressant de noter à cet égard la pérennité du parcellaire, l’axe que les Romains ont décidé il y a tant d’années, existe toujours aujourd’hui. Et c’est toujours le même axe que l’on voit et qui vous amène directement jusqu’au ruisseau que Vauban a réutilisé pour faire ses fortifications. Il existe une continuité de l’urbanisme depuis la composition qui 36

est très importante et je pense que c’est cela qui doit servir de base pour régler l’urbanisme. Cette même composition de porte et de grand axe qui nous conduit jusqu’au Capitole en haut de la colline Saint Eutrope. Nous ne sommes pas en face du Théâtre. Au regard des plans, on peut très bien constater que l’on se situe face au capitole et à l’hémicycle. Une restitution en image de synthèse de la disposition mettrait en évidence le caractère spectaculaire et très attirant. On devait être littéralement aspiré à partir l’arc vers les grands monuments qui se situent au fond. Alors que le Théâtre antique a été bâti pour un usage précis. Autant l’Arc est ouvert et constituait un passage isolé, autant le Théâtre est fermé et a pour vocation d’offrir un divertissement face à une scène dos au mur. L’effet de surprise est ce qui est intéressant dan les théâtres. De l’extérieur on ne voit rien et lorsqu’on rentre à l’intérieur on est saisi surtout avec les dimensions magistrales et là c’est particulièrement spectaculaire car le Théâtre est adossé à la colline donnant l’impression qu’il n’y a pas d’espace derrière puis on découvre cette immense cavea conçue pour 9000 personnes. Les pierres du théâtre antique proviennent des carrières romaines du Mont Ventoux, elles sont d’origine calcaire coquillé. L’arc antique n’étant pas encore nettoyé, il est parfaitement uni dans la crasse mais dessous on s’aperçoit qu’il y a beaucoup de pierres différentes, certaines sont un peu plus grises par exemple. Les pierres des fondations sont de Courthézon. Les pierres de l’arc même sont encore de provenance inconnue mais pourront sans doute être identifiées après nettoyage.


Corniche à recouvrir en plomb

Corniche à recouvrir en plomb

Corniche à recouvrir en plomb Corniche à recouvrir en plomb

VILLE D'ORANGE Place Georges Clémenceau B.P. 107 - 84106 ORANGE Didier REPELLIN Architecte en Chef des Monuments Historiques 3, rue Amédée Bonnet - 69006 Lyon - Tél : 04 78 52 09 99 - Fax : 04 78 24 83 06

Vaucluse ORANGE

ARC ANTIQUE Parements lisses: - nettoyage par micro-abrasions - enlèvement des sels - consolidation des parties pulvérulentes - enlèvement des lichens et traitement biocide - ragréages éventuels

CONSOLIDATION ET RESTAURATION

Sculptures:

ELEVATION NORD

- préconsolidation - nettoyage par laser, compresses ou micro-abrasion légère - enlèvement des sels - consolidation des parties pulvérulentes - enlèvement des lichens et traitement biocide - ragréages éventuels

ETAT DES LIEUX

PROJET ARCHITECTURAL ET TECHNIQUE Echelle : 1/50

EL 1

SEPTEMBRE 2007 OBSERVATIONS :

MODIFIE LE :

OBSERVATIONS :

MODIFIE LE :

Relevés effectués par Robert AMY

Edités par le CNRS

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E.A.B : Cette porte était ceinte de murs, il ne s’agissait pas d’un monument isolé comme il se présente aujourd’hui, était-ce la seule porte qui existait à Orange ? D.R : Effectivement. E.A.B : Quelle sera la feuille de route de votre restauration de l’Arc et à quelles difficultés aurez-vous à faire face ? D.R : Nous sommes actuellement dans une phase de la restauration qui met en évidence plusieurs essais de nettoyage de la pierre annonçant déjà la diversité des supports (lapidaires). Différentes restaurations ont été réalisées de par le passé. Au XIX° comme pour le Théâtre antique à l’époque de Caristie, des parements lissés avaient été mis en place pour répondre au principe de restauration du moment d’une mise en évidence de toutes les interventions effectuées. Or en 1950 on a trouvé que l’aspect n’était pas assez ruiniforme donc la Commission Supérieure des Monuments Historiques décida de faire réaliser les moulures et sculptures nécessaires à une meilleure restitution du monument ancien. On assiste donc à des restaurations XIX° et XX° qui ont été traitées de manière différentes.

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Corniche à recouvrir en plomb

Corniche à recouvrir en plomb

Corniche à recouvrir en plomb Corniche à recouvrir en plomb

VILLE D'ORANGE Place Georges Clémenceau B.P. 107 - 84106 ORANGE Didier REPELLIN Architecte en Chef des Monuments Historiques 3 3, - 7,rue rueAmédée AmédéeBonnet Bonnet- 69006 - 69006Lyon Lyon- Tél - Tél: 04 : 047878525209099999- Fax - Fax: 04 : 047878242483830606

Echelle : 1/50

SEPTEMBRE 2007

Vaucluse ORANGE

ARC ANTIQUE Parements lisses: - nettoyage par micro-abrasions - enlèvement des sels - consolidation des parties pulvérulentes - enlèvement des lichens et traitement biocide - ragréages éventuels

CONSOLIDATION ET RESTAURATION

Sculptures:

ELEVATION SUD

- préconsolidation - nettoyage par laser, compresses ou micro-abrasion légère - enlèvement des sels - consolidation des parties pulvérulentes - enlèvement des lichens et traitement biocide - ragréages éventuels

ETAT DES LIEUX

PROJET ARCHITECTURAL ET TECHNIQUE Echelle : 1/50

SEPTEMBRE 2007 OBSERVATIONS :

OBSERVATIONS :

EL 2

MODIFIE LE :

MODIFIE LE :

Relevés effectués par Robert AMY

Edités par le CNRS

Façade Sud

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E.A.B : Quelles sont les différentes périodes d’intervention sur l’Arc antique ? D.R : Depuis l’époque romaine, il y en a certainement eu avant le XIX° mais elles ne sont pas très précises car les monuments antiques n’ont pas suscité de passions. Il y a eu par période des retours à l’antique (sans pour autant susciter un engouement majeur). Au XIII°, le Prince d’Orange fit fortifier l’Arc comme point de défense avancé de la ville, des salles furent installée entre les berceaux. Un mur d’enceinte entoura l’ouvrage, et on ajouta des constructions annexes. Dès 1721, le Prince de Conti fit procéder la démolition de la fortification et fit réparer l’arc, mais en moellons. C’est réellement à partir du XIX qu’on se préoccupe de le restaurer. Dès 1809, l’architecte Reust fit restaurer les pilastres, impostes et archivoltes, et fit un toit sur le tout. En 1824, Caristie entrepris sa restauration en démolissant toutes les premières réfections pour rendre à l’arc son aspect primitif tout en mettant en évidence les restaurations effectuées en évitant de refaire les sculptures. C’est la période du XIX° (entre 1840 et 1860) durant laquelle, comme pour tous les monuments français, on s’inquiète de leur état avec l’inventaire de Prosper Mérimée. C’est en 1950 que les moulures et sculptures furent restituées pour réharmoniser avec le vrai antique.

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Travaux de Caristie sur le Patrimoine antique d’Orange


Corniche à recouvrir en plomb

Corniche à recouvrir en plomb

Corniche à recouvrir en plomb

Corniche à recouvrir en plomb

VILLE D'ORANGE Place Georges Clémenceau B.P. 107 - 84106 ORANGE Didier REPELLIN

Evacuation des eaux pluviales sous forme de gargouille à recréer avec un débord plus important

Architecte en Chef des Monuments Historiques 3 3, - 7,rue rueAmédée AmédéeBonnet Bonnet- 69006 - 69006Lyon Lyon- Tél - Tél: 04 : 047878525209099999- Fax - Fax: 04 : 047878242483830606

TEMBRE 2007

Vaucluse ORANGE

ARC ANTIQUE Parements lisses: - nettoyage par micro-abrasions - enlèvement des sels - consolidation des parties pulvérulentes - enlèvement des lichens et traitement biocide - ragréages éventuels

CONSOLIDATION ET RESTAURATION

Sculptures:

ELEVATIONS OUEST ET EST

- préconsolidation - nettoyage par laser, compresses ou micro-abrasion légère - enlèvement des sels - consolidation des parties pulvérulentes - enlèvement des lichens et traitement biocide - ragréages éventuels

ETAT DES LIEUX

PROJET ARCHITECTURAL ET TECHNIQUE Echelle : 1/50

OBSERVATIONS :

OBSERVATIONS :

EL 3

SEPTEMBRE 2007 MODIFIE LE : MODIFIE LE :

Relevés effectués par Robert AMY

Edités par le CNRS

Façade Ouest

Façade Est

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EAB : Par rapport à cette détérioration de la pierre qu’allez-vous pouvoir entreprendre ? D.R : Il convient de réadapter toutes les méthodes de nettoyage selon le type de support que l’on a : c’est à dire la pierre antique, tous les ragréages, dans l’ancienne pierre antique ? les parements neufs du XIX° retravaillés dans les années 50 et les parements ruinés. La méthode consistera à adapter les nettoyages, on peut constater que tous ces ragréages avaient été très bien réalisés et il y en a un très grand nombre. Cela signifie que ce n’est pas de la pierre mais du mortier qui a été mis à certains endroits dans le ton du monument sale donc si l’on nettoie le monument, le ragréage ne sera pas nettoyé. Là où le ragréage est abîmé dans sa structure il faudra le remplacer, là où il est sain il conviendra de procéder à un traitement chromatique en réajustant avec un badigeon fixatif ou une peinture puisqu’il s’agit d’un support artificiel pour le réajuster à la couleur d’origine. EAB : Que pourriez-vous dire sur le dessalage du monument ? D.R : Ce monument a énormément souffert d’infiltrations venant du toit étant en plaque de fibrociment. Nous allons donc refaire le toit dans son intégralité. Il s’agira d’une couverture en plomb posé sur une structure de bois sur le dallage en pierre existant ; la pente étant réduite cela per42


Périmètre du dallage

VILLE D'ORANGE Place Georges Clémenceau B.P. 107 - 84106 ORANGE Didier REPELLIN Architecte en Chef des Monuments Historiques 3 3, - 7,rue rueAmédée AmédéeBonnet Bonnet- 69006 - 69006Lyon Lyon- Tél - Tél: 04 : 047878525209099999- Fax - Fax: 04 : 047878242483830606

Echelle : 1/50

SEPTEMBRE 2007

Vaucluse ORANGE

ARC ANTIQUE

CONSOLIDATION ET RESTAURATION PLAN AU NIVEAU DU SOCLE ETAT DES LIEUX PROJET ARCHITECTURAL ET TECHNIQUE

Plan au niveau du socle Echelle : 1/50

N

EL 4

SEPTEMBRE 2007 OBSERVATIONS :

MODIFIE LE :

OBSERVATIONS :

MODIFIE LE :

Relevés effectués par Robert AMY

Edités par le CNRS

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mettra d’assurer convenablement l’évacuation des eaux qui a été très mal faite pendant des dizaines d’années. L’eau a percolé à l’intérieur des maçonneries et a attiré avec elle tous les sels qui sont ressortis dessous. Comme c’est un édifice en plein courant d’air il est beaucoup plus exposé aux cycles de gel. Les sels sont extrêmement nocifs pour la pierre et entraînent une dégradation beaucoup plus rapide. Le dessalement constitue une opération assez délicate. En les attirant vers l’extérieur, on risque d’avoir énormément de sels qui ressortent. La plupart du temps les sels sont en surface mais dans le cas de l’Arc, j’ai le sentiment, la dégradation venant de l’intérieur, que tous les sels du dedans sortiront petit à petit. On est obligé de les enlever mais à un certain stade il sera opportun de juger à quel moment conviendra-t-il de suspendre le dessalage pour arriver à une situation d’équilibre et permettre de retraiter le parement et le stabiliser dans sa minéralisation. Des analyses scientifiques préliminaires sont en cours. E.A.B : En quoi consistent-elles ? D.R : Elles comprennent les tests de nettoyage (sur divers échantillons de pierre) afin d’évaluer de façon très précise si on nettoie à une pression de 500 grammes, 600, 700 ou 800. On s’aperçoit qu’il faudra réadapter cette pression selon les lieux donc pour éviter toute dégradation de la pierre on reste en deçà, comme toujours, pour voir l’équilibre générale et pour éviter l’écueil d’un patchwork des restaurations qui vont être remises en évidence et pour lesquelles il incomberait ensuite de retrouver l’homogèneité.

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E.A.B : Avez-vous déjà une idée de la teinte qui sera choisie ? D.R : Oui, car on connaît la teinte de la pierre antique. Ce qui commande, c’est un calcaire clair d’une couleur beige et on étalonnera la chromatique sur la pierre antique. C’est la pierre antique qui commande. Après on réajustera même les pierres qui ont été refaites en 1950 pour relever le défi de la réharmonisation des interventions précédentes qui ont été réalisées au fur et à mesure du vieillissement du monument. En nettoyant actuellement le monument, tout est mis en évidence et il faudra ramener tous les ragréages à la couleur de la pierre d’origine. E.A.B : Après ces étapes de nettoyage puis de réharmonisation chromatique de l’édifice, y aura-t-il un traitement spécifique de la pierre à envisager ? D.R : Non, on passera simplement un badigeon de chaux afin de permettre une reminéralisation et qui jouera le rôle d’hydrofuge léger. Le problème de l’hydrofuge se situe dans le fait que l’utilisation intérieure et extérieure est différente. Or ici dans le cas de l’Arc, il n’y a pas d’utilisation intérieure donc le monument se présente comme une statue posée. L’environnement climatique est le même.

tion sacrée de l’arc avant même son usage triomphal et commémoratif. Dans son livre « L’architecture romaine » au chapitre 2 dédié aux arcs honorifiques et triomphaux, l’archéologue écrit : « L’arc matérialise un passage et développe du fait de cette situation essentiellement symbolique des rôles différents selon les contextes et les époques : qu’il soit porteur ou non de trophées ou de statues, il sert initialement à des rites, à valeur à la fois sacralisante et apotropaïque, pour se charger rapidement de significations complémentaires et devenir, dès le début de l’Empire, l’un des éléments plastiques les plus fréquents de l’élévation ou de la divinisation d’un personnage. L’énergie dont il est porteur, comme tous les signes ou objets marquant le franchissement d’une limite (tigillium, iugum) se dissipe progressivement au profit de fonction presque exclusivement honorifiques et commémoratives, l’accent se déplaçant de la baie proprement dite vers les panneaux d’encadrement (piédroits, piles, attiques, frontons), vecteurs d’une iconographie de plus en plus explicite, et vers les effigies en pied du sommet. » D.R : L’usage précis je ne le connais pas, c’est à demander aux archéologues.

E.A.B : Il existe pourtant une pièce à l’intérieur de l’arc, quel en était son usage ? (La thèse de l’archéologue Pierre Gros conçoit une fonc45


E.A.B : Quelle est la chronologie de vos diverses interventions ? D.R : Actuellement, nous sommes dans la phase de nettoyage étant bien conscients qu’en période d’hiver les traitements ne seront pas praticables, il faudra donc attendre le printemps pour pouvoir les réaliser. La première chose à faire dès qu’on aura le parapluie c’est d’enlever le toit et de le refaire afin d’assurer la mise hors d’eau (ce qui permettra de sécher la pierre petit à petit). Il convient d’abord d’ôter l’amiante de l’ancien toit en tôle ondulé, celle-ci étant manipulée avec des procédés très réglementés. E.A.B : Vous créerez donc une belle toiture facile d’entretien comme pour le toit du Théâtre antique ? D.R : Elle ne se verra pas de l’extérieur, elle est cachée (par la hauteur de l’édifice) mais ce sera une toiture pratique et fonctionnelle afin de permettre une bonne évacuation des eaux. Cette réalisation de toiture se fera pendant l’hiver et ensuite au printemps, nous pourrons reprendre la subtile étape du traitement de réintégration chromatique des différents matériaux ou des reprises de certains ciments qui ont totalement détériorés la pierre autour. Il s’agit là presque d’un cas d’école et il conviendra d’enlever le ciment et de le remplacer afin d’éviter une détérioration endémique de la pierre. On ôte les éléments de dégradation. 46

Quand on nettoie un monument insigne comme celui-ci, ce qui prévaut est avant tout c’est la conservation. Ce qui guide, c’est la conservation des pierres antiques, tout le reste est fait pour servir d’accompagnement à la pierre antique que l’on veut mettre en valeur. Par définition ce ne sont ni la lacune, ni le ragréage qui sont faits pour être mis en valeur, c’est la pierre antique. Pour le Théâtre antique, la démarche était la même : la construction du toit était avant tout pour nous la protection des parements antiques. L’iconographie de l’arc est extrêmement riche et a été très bien étudié par les archéologues. Au nettoyage, on constate pour ce qui concerne les motifs de Trophées que de nombreuses reprises ont été effectuées de par le passé. Il conviendra d’aboutir à une mappatura pour reprendre un terme italien, c’est-à-dire à une cartographie des parements afin d’arriver à déterminer les différentes époques d’intervention. E.A.B : Quel est le coût global d’une telle restauration ? D.R : Environ 600.000 euros. Interviendront divers Corps de métiers parmi lesquels : l’Atelier Bouvier, grand spécialiste de la statuaire en France (peut-être pourrions-nous là préciser ce qu’il réalise à Versailles ?), l’entreprise Mariani qui aura en charge tous les parements, pierres de taille et moulures et un plombier pour la toiture. Il s’agit avant tout d’entreprises de restaurations, il n’y a pas de création comme pour le Théâtre antique dont la construction précède l’Arc de quelques


Toitures en fibrociment à remplacer par toiture en plomb

Corniche à recouvrir en plomb

Corniche à recouvrir en plomb

Corniche à recouvrir en plomb

Corniche à recouvrir en plomb

VILLE D'ORANGE Place Georges Clémenceau B.P. 107 - 84106 ORANGE Didier REPELLIN Architecte en Chef des Monuments Historiques 3 3, - 7,rue rueAmédée AmédéeBonnet Bonnet- 69006 - 69006Lyon Lyon- Tél - Tél: 04 : 047878525209099999- Fax - Fax: 04 : 047878242483830606

Vaucluse ORANGE

ARC ANTIQUE

CONSOLIDATION ET RESTAURATION COUPE LONGITUDINALE ETAT DES LIEUX PROJET ARCHITECTURAL ET TECHNIQUE Echelle : 1/50

OBSERVATIONS :

OBSERVATIONS :

SEPTEMBRE 2007 MODIFIE LE : MODIFIE LE :

Relevés effectués par

EL 7

Robert AMY

Edités par le CNRS

Coupe longitudinale

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décennies. L’Arc ayant été bâti autour des années 20-25 de notre ère. E.A.B : S’agit-il de la deuxième restauration antique que vous réalisez après le Théâtre antique d’Orange et que suscite pour vous ce type de restauration ? D.R : J’ai eu l’occasion de travailler avant la restauration du Patrimoine antique d’Orange sur des bâtiments antiques à Lyon et principalement sur le Théâtre Gallo-Romain mais ce patrimoine est fort endommagé et il ne reste presque plus rien à Lyon. C’est quand même ici à Orange qu’on possède le Patrimoine antique le mieux conservé entre le Théâtre et l’Arc. Il y a bien sûr de nombreux arcs de triomphe en Italie et en particulier à Rome. En France celui d’Orange est le plus spectaculaire tant au niveau de ses dimensions que de celui de la conservation de son environnement d’accès : on passe toujours par là, la Nationale 7, ancienne voie Agrippa

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reliant Lyon à Orange. L’Arc est un monument passionnant à restaurer parce que de travailler sur de la sculpture antique c’est rare. Sur du parement antique c’est un peu moins rare mais de la sculpture antique cela suscite un sens du vénérable, un sentiment de respect au-delà de considérations purement esthétiques. L’attitude qui s’impose est bien entendu celle de l’humilité devant ces réalisations qu’on aurait presque envie de rendre immortelles tout en sachant que cela ne l’est pas. Les sculptures sont tout à fait exceptionnelles et une restauration très subtile s’impose. L’objectif consiste à maintenir ce patrimoine le plus longtemps possible pour les générations futures.


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L’ARC d’ORANGE par Renzo Wieder, Architecte à LYON Architecture & Héritage

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Interview de Renzo Wieder, architecte, Architecture & Héritage- Lyon

Architecture & Héritage, créée en 2001 par l’architecte Renzo Wieder a pour vocation de s’occuper du Patrimoine français et européen et au-delà des lieux communs sur cette notion essentielle de la transmission liée à la mémoiare humaine des hommes et des édifices, il s’agit de renouer le fil d’Ariane de notre histoire et de se réapproprier notre passé dans un esprit de projection vers l’avenir et vers les générations futures qui pourront jouir à leur tour de cette beauté et de cette connaissance. La restauration de l’Arc antique d’Orange entre dans le cadre de restaurations délicates dont Renzo Wieder est le spécialiste. Nombreuses sont les interventions de l’architecte : la Synagogue de Carpentras et avec Didier Repellin, 52


architecte en chef des Monuments historiques : l’Hôtel Dieu de Carpentras, le Palais des Papes, le Théâtre antique d’Orange, la Villa Medicis à Rome entre autres restaurations d’envergure. Voici quelques réflexions sur l’Arc de Triomphe d’Orange dont il vient d’entreprendre la restauration. Estelle Arielle Bouchet : Renzo Wieder, vous avez réalisé en 2006 aux côtés de l’Architecte en Chef des Monuments historiques Didier Repellin un des douze travaux d’Hercule : la construction d’un toit moderne sur le Théâtre antique d’Orange, magistral projet de protection d’un bâtiment antique exceptionnel. Dans le cadre de la campagne de presse qui m’avait

été confiée autour de cette construction j’avais eu le plaisir de travailler sur un thème qui me tient à cœur celui de la sauvegarde du Patrimoine et son enjeu pour les générations futures (Voir l’article dans La Presse Parlementaire «Quand la Modernité vient au secours de 2000 ans d’histoire»). Aujourd’hui, Didier Repellin et vous-même êtes appelés à nouveau au chevet d’un autre monument antique d’exception : l’Arc de Triomphe d’Orange. A la veille d’une telle restauration quelles réflexions suscite pour vous ce type de chantier par rapport à celui du Théâtre dont la construction précède d’une trentaine d’années celle de l’arc ? Quels sont les liens et les différences, peut-on établir un cahier de comparaisons ? Renzo Wieder : Dans un cas comme dans l’autre, on s’adresse à un monument antique bien conservé. Ce monument de l’Arc a été largement restauré dans le passé. Au regard de l’histoire de l’architecture antique il s’agit de deux monuments majeurs connus et répertoriés en tant que tels comme Patrimoine de l’UNESCO. Les différences résident bien évidemment dans les fonctionnalités. Le théâtre évoquant le jeu et le divertissement sous l’égide néanmoins solennelle de l’empereur Auguste dans la cité romaine d’Arausio et l’Arc de Triomphe qui était initialement une porte d’entrée de la ville jouit d’une portée symbolique 53


majeure à la croisée des limites entre l’extérieur de la ville et l’intérieur selon les lignes bien précises qui étaient tracées dans la cité romaine (le cardo maximus et le pomerium). On suppose qu’à l’intérieur de cette limite on se situe dans un espace sacré chez les romains -la ville- dédié à la vie, aux habitations, on ne peut enterrer les gens à l’intérieur. Le mur revêt également une forte connotation symbolique chez les romains. Dans la légende de Romulus et Rémus, ce dernier l’apprend à son dépens… Toute une série de superstitions et de coutumes sont liés aux limites des villes. Cet arc a tout comme le mur, dans son contexte antique romain une charge symbolique extrêmement prégnante. Alors qu’à l’extérieur le long de l’ancienne Via Agrippa actuelle N7 se situe l’espace dédié aux morts avec ses nécropoles et ses tombeaux romains, ses rites funéraires circonscrits. EAB : Tout comme dans la Tradition hébraïque on prend grand soin de bien scinder la vie de la mort, l’espace dé-dié à la vie et celui consacré à la mort étant bien distincts afin d’éviter toute cont-amination de l’état de mort sur les forces vitales. De même l’antiquité romaine ponctue l’espace et marque très clairement la césure entre deux mondes qu’il convient de séparer. L’arc d’Orange symbolise parfaitement le hiatus mais également le passage contrôlé d’un monde vers l’autre. Il existe en évidence une dimension sacrée de l’Arc qui précède la fonction commémorative et que met parfaitement en lumière l’archéologue et spécialiste Pierre Gros RW : Pour les travaux l’approche entre le Théâtre et l’Arc est tout à fait différente : pour le premier, nous n’avons pas touché au monument, nous avons une protection (le toit) pour protéger les pierres de leur dégradation, pour l’Arc nous intervenons directement sur la problématique de dégradation de la pierre, il va donc falloir traiter la matière au plus profond d’ellemême. EAB : Par quels modes d’intervention ?

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RW : Dans l’arc antique la pierre se désagrège complètement. J’ai été très impressionné en entrant dans la pièce au-dessus des arches, il y a des parements en pierre et au pied des parements s’amasse de la poussière de pierre commedu sable fin, il s’agit de la pierre qui se désagrège complètement et on assiste à l’érosion de cinquante ans de pierre transformée en poussière. Le même phénomène s’est produit sur les structures. Les causes sont différen--tes et variées : climatiques, la pluie s’infiltre par la toiture sommaire et en piteux état, il y a donc de profondes infiltrations d’eau. Nous allons restaurer et établir une toiture en plomb qui protégera désormais les pierres an--tiques. L’eau a pénétré dans les maçonneries et sur les voûtes, cela crée d’importantes dégradations accentuées par les charges chimiques : sulfates nitrates et chlorures contenues dans l’eau et liées, entre autres, aux industries avoisinantes. Il s’agit de sels contenus dans l’eau de


pluie, dégradants et néfastes pour la pierre antique. Il y a donc un gros travail préalable de dessalement de la pierre et de restauration de la matière à l’intérieur de la pierre. Cet important travail sera réalisé sur l’ensemble des surfaces sculptées. Des essais de laboratoires ont été réalisés il y a deux ans. EAB : La contrainte temps (préparation préala-ble) est évidente dans cette restauration de même que les conditions climatiques (pluie, mistral etc…). A combien de temps évaluez-vous cette restauration de l’Arc ? RW : Le chantier devrait durer un an environ. Nous prévoyons de terminer autour d’octobre 2009. EAB : Y a-t-il moyen par la suite que la pierre n’ait plus le même degré d’érosion et qu’elle soit dans l’avenir davantage protégée ? RW : D’un côté il convient de soigner la cause de dégradation de la pierre et de l’autre entreprendre la réparation. Pour le premier cas, il s’impose de refaire cette couverture, il existe des corniches en mauvais état (des frontons et des arcs), là on va les couvrir de plomb et faire en sorte que l’eau soit renvoyée vers l’extérieur évitant ainsi que l’eau soit rejetée sur les parements. Il s’agit ensuite de consolider la pierre, en la reminéralisant avec des produits néanmoins réversibles parce que dans les Monuments historiques on prend toujours soin de prendre des produits réversibles. 55


(sorte d’anti-dotes). C’est LERM (laboratoire d’études et de recherches sur les matériaux), situé à Arles qui prend en main la préconisation de ce type d’investigation en étroite collaboration avec les restaurateurs. Cette recherche est très technique (analyses chimiques) mais ce qui est intéressant ce sont les conclusions, c’est-à-dire les vraies causes d’altération de la pierre. EAB : Savez-vous aujourd’hui comment vous allez procéder ? RW : Aujourd’hui nous connaissons les causes de ces dégradations lapidaires, on maîtrise également les méthodes de consolidation. Le travail réalisé il y a deux ans concernait des échantillons ponctuels, alors que là on travaille sur toute la surface de la pierre. Donc il convient de ne pas avoir une démarche de consolidation homogène mais de vérifier au préalable les éventuelles différences et les variations dans les dégradations. La phase de départ consiste donc au nettoiement des parements et à l’observation des niveaux de dégradation. EAB : Quels corps de métiers interviendront sur ce chantier ? RW : Didier Repellin assurera la direction des travaux, JeanLoup Bouvier, grand spécialiste de la statuaire en France et son fils Pierre Bouvier assumeront le cœur même de la restauration, c’est-à-dire le nettoyage, la consolidation en particulier sur les sculptures. L’entreprise Mariani connue dans la région PACA et ayant pour vocation la taille des pierres prendra en charge les parements et les remplacements 56


de pierres. Les pierres de l’arc proviennent de carrières locales (Courthezon ) et d’autres carrières inconnues à ce jour. L’entreprise Mariani va intervenir sur les nettoyages et les dallages au sol. L’entreprise Bourgeois créera la couverture en plomb qui sera invisible mais constituera aussi une étape essentielle de ce chantier. EAB : A l’origine l’Arc était surplombé de statues c’est pourquoi le haut de l’édifice était protégé des intempéries car recouvert. Après cela a été mis à nu comme une dent arraché. Jean-Claude Golvin a réalisé une restitution intéressante de ce que pouvait être l’arc aux origines (voir illustration Golvin dans mise en page) RW : L’arc au départ était rehaussé de statues, vraisemblablement des chevaux. On connaît très peu les représentations statuaires exactes mais une étude comparative des arcs met en évidence la présence de quadriges On retrouve à l’intérieur de l’arc les murs épais sur lesquels reposaient ces statues. Il s’agit donc plus qu’une hypothèse mais bien d’une réalité effective de statues monumentales au-dessus de l’édifice. L’arc a été construit dans les années 20 de notre ère et fut dédicacé à l’empereur Tibère. Même si à Orange on suivait Germanicus. Au XIII° on retrouve l’arc surmonté d’un massif en forme d’une fortification avec crénelage. Dans les fouilles on a pu certifier de la présence d’une enceinte qui encadrait de par et d’autre la porte de l’arc. Il s’agissait d’une vraie porte de ville. Les grandes restaurations de l’arc datent du XVIII°-XIX°. A partir de 1811, on ne circule plus sous

l’arc mais autour d’un rond-point qui existe toujours aujourd’hui. C’est Caristie qui a réalisé de grands travaux d’intervention sur l’arc. Toute la partie occidentale (côté ouest) a été reconstruite. Laissant cette partie en l’état neuf et sans sculptures. Il s’agissait d’une restauration très visible. Les Nassau avait auparavant déjà reconstruite cette partie occidentale mais en maçonnerie de moellons. Dans les années 50 on a décidé d’aller plus loin et de retoucher cette restauration de Caristie et de la traiter comme une sculpture antique vieillie. Toute une campagne de vieillissement et de sculpture a été mise en œuvre à cette époque. Aujourd’hui la tendance en matière d’édifices antiques est de rester au plus près de l’authenticité, on évite tout rajout. On nettoie, restaure et consolide et c’est tout. On est très prudent car nous sommes face à des monuments d’une grande rareté.

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EAB : Quelle sera la configuration future de l’arc après sa restauration ? RW : On pourra admirer un monument nettoyé et consolidé. Et dont les travaux ouvriront la voie de la transmission vers les générations futures.

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L’Arc de Triomphe Pierre Gros, archéologue

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Arcs honorifiques et triomphaux D’après Pierre Gros, archéologue

Considéré à juste titre comme l’un des éléments les plus représentatifs de la monumentalité proprement romaine, l’arc triomphal est en réalité l’un des édifices à propos desquels le débat sur les origines reste ouvert. A une relative simplicité structurelle, il joint en effet une polyvalence, ou mieux une polysémie qui autorise à en chercher les antécédents en des compositions très diverses. En principe sans relation avec une muraille ou une construction qui l’engloberait, l’arc matérialise un passage et développe du fait de cette situation essentiellement symbolique des rôles différents selon les contextes et les époques : qu’il soit porteur ou non de trophées ou de statues, il sert initialement à des rites à valeur à la fois sacralisante et apotropaïque. Origine et terminologie Le seul texte latin qui évoque la genèse est lui-même ambigu : Pline l’Ancien (HN, 34,27) se contente en effet de noter : « Les colonnes étaient le symbole d’une élévation au-dessus du reste des mortels ; tel est aussi le sens des arcs de triomphe, dont l’invention est récente ». Cette brève notice semble donner raison à ceux qui , après M.P Nilsson, font dériver l’arc romain des piédestaux supportés par une double colonne que l’on trouve à l’époque hellénistique, à Delphes ou à Delos par exemple. Mais le fait que Pline parle d’une invention récente indique plutôt qu’il se réfère au moment où l’arc a revêtu le rôle dont Auguste le dote dès le début de l’Empire dans une conception programmatique et officielle de l’urbanisme 62

de représentation, en rupture avec les expériences antérieures. La terminologie employée arcus au lieu de fornis, confirme que Pline ne prend nullement en considération les formes les plus anciennes de ce type de monument. Le mot fornis en effet, hors des emplois techniques où il désigne une structure voûtée dans une construction, s’applique initialement, dans les inscriptions et chez Tite Live, aux arcs les plus anciens, qui étaient le plus souvent constitués d’une simple baie sous arcade, encadrée de piles aux modénatures fort simples ; il pouvait être supplanté dans cette acceptation par ianus Terme qui ne correspond pas obligatoirement à une structure quadrifrons , c’est-à-dire à quatre baies perpendiculaires les unes aux autres, mais désignait aussi à la fin de la République les passages ouverts. Le mot arcus intervient, lui, pour nommer un édifice à part entière qu’à partir du changement d’être ; après une brève période où il reste concurrencé par fornix , il finit par le supplanter et sa signification, dans les textes de l’époque impériale, correspond parfaitement aux nouvelles fonctions de l’arc honorifique. Il apparaît ainsi que la distinction entre les deux mots les plus fréquemment employés en latin est plus chronologique et sémantique que formelle. Ils s’appliquent l’un et l’autre à des monuments très semblables du point de vue de leur conception d’ensemble. On notera que l’expression arcus triumphalis n’apparaît que tardivement au début du III° siècle après J.C. Les arcs de Glanum et d’Orange L’un et l’autre semblent avoir été conçus par le même architecte et réalisés par la même équipe de lapicides ; bien que le premier comporte une seule baie et le second soit un trifornix , ils présentent des piles latérales qui sont structurellement analogues, l’élargissement de celles de l’arc d’Orange pour l’ouverture des baies secondaires ne modifiant pas l’ordonnance générale. Dans les deux cas, les archivoltes décor végétal, les caissons des douelles (parement d’un voussoir) et des passages voûtés, les colonnes qui cantonnent les piles et les reliefs


qui animent le registre supérieur des panneaux ainsi définis se signalent par leur recherche décorative et thématique. Pour l’arc d’Orange, on a exploité tous les espaces disponibles pour déployer frises d’armes, scènes de batailles et amas de dépouilles selon les schémas de l’art triomphal hellénistique. Malgré cette surcharge, l’heureuse répartition des volumes et la parfaite intégration des trois baies à la masse unitaire du monument marquent, après les prototypes du forum romain et l’édifice de Medinaceli, l’accomplissement du schéma tripartite qui n’évoluera plus guère par la suite.

aux insoumis et la puissance invincible du pouvoir établi ; les années difficiles de transition entre le premier et le second Empereur-la décennie 10-20 après J.-C plus précisément- peuvent avoir créé les conditions de ce genre d’avertissement ; la chronologie ainsi proposée parait confirmer par l’analyse stylistique des détails de l’ordre.

Sans rouvrir ici le dossier contesté de l’inscription -ou plutôt de ce qu’il en reste- nous rappellerons seulement l’hypothèse récemment émise sur la base d’une lecture comparative des prescriptions de la tabula siarensis et des motifs principaux de cet arc , selon laquelle il appartiendrait à la série des fondations suscitées par le Sénat après la mort de Germanicus ; les liens étroits des vétérans de la II° Légion Auguste qui forment le gros des colons d’Orange, avec le général dont la population porta ombrage à Tibère expliqueraient sans peine l’initiative de la communauté d’Arausio. Le premier attique qui surmonte l’arc semble du reste avoir été prévu pour un groupe statuaire important ; il faut faire cependant abstraction du second attique qui appartient à une phase postérieure. D’Arles à Orange, le rôle des colonies de droit romain dans l’élaboration et la diffusion de l’arcus triumphalis s’avère donc, pour la Narbonnaise, prépondérant. L’édifice de glanum situé sur le pomerium de cette petite cité du territoire arlésien, ou peu avant la limite urbaine dans la proximité immédiate de la nécropole, témoigne de cette diffusion : avec ses reliefs de captifs enchaînés de part et d’autre d’un trophée et ses victoires d’écoinçon il rappelle, en un point obligé de passage au nord du défilé des Alpilles,le long de la Via Domitia, le sort réservé

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