Eveil Evolution

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No 6 – Europe : 7,50₏ – Suisse : 11,50 CHF 1e semestre 2008 www.andrewcohen.fr


Eveil & Evolution Directeur de la rĂŠdaction Andrew Cohen RĂŠdacteur en chef dĂŠlĂŠguĂŠ Carter Phipps Publisher What is Enlightenment? Robert Heinzman RĂŠdacteur en chef adjoint Wren Bernstein RĂŠdacteur senior Elizabeth Debold RĂŠdacteurs senior associĂŠs Ross Robertson Tom Huston Direction artistique What is Enlightenment? Will Rogers RĂŠdacteurs associĂŠs Maura O’Conner Carol Ann Raphael Igal Moria Directrice de la publication Eveil & Evolution Marion Peterson ComitĂŠ ĂŠditorial France Eric Allodi Françoise Lautard Didier Lucotte Marion Peterson Traducteurs Jacqueline GĂŠrente Anne Guais Françoise Lautard Emmanuèle de Lesseps Didier Lucotte VĂŠronique Massin Direction artistique Eveil & Evolution Paul Bloch Uwe Schramm Direction marketing et publicitĂŠ Eric Allodi Responsable de la distribution Françoise Lautard Responsable des abonnements Caroline Chauveaux Imprimeur Sandila GmbH, Sägestrasse 37, 79737 Herrischried, Deutschland TĂŠl: + 49-(0)7764-93 97 0 Fax: +49-(0)7764-93 97 39 Copyright Š2008 EnlightenNext NumĂŠro ISSN : 1779-5567 Eveil & Evolution est produit par EnlightenNext Paris + 33 (0)1 42 82 91 13 6 place Adolphe Max, 75009 Paris info.paris@enlightennext.org

CRÉDITS ILLUSTRATIONS : Pages 2, 4 et 5, photos de Ajja, par courtoisie de Mahatma Ghandi Smrti Kendra Ashram, Sathya Shodhana Trust; page 20, Buckminster Fuller, par courtoisie du Boston Library, Print Department; page 22, Ville de Dongtan, Š Arup; page 22, Ville de Masdar, Š Nigel Young/Foster + Partners; page 23, Alex Steffen, Š Doug Dubois/NY Times; page 27, Batiment Termite/Eastgate, photo de David Brazier; pages 1 et 28, Janine Benyus, de www.naturaledgeproject.net/ BenyusTour06.aspx; page 32, Tour Editt, par courtoisie de TR Hamzah & Yeang Sdn Bhd; page 28, Des algues pour faire le plein, Š Professeur Tasios Melis; page 33, Eliminer les mines terrestres, par courtoisie de Aresa Biodetection Provenance des articles d’Eveil & Evolution n°6 : WIE n° 38 : Ajja, l’Avadhut (Ajja, the Avadhut); Une nouvelle perspective pour la Palestine (A New Perspective for Palestine); Avons-nous une trop haute opinion de nous-mĂŞmes pour notre propre bien ? (Are We Feeling Too Good For Our Own Good); Un vert plus vif (A Brighter Shade of Green); L’avènement d’une politique intĂŠgrale (Integral Politics Comes of Age); Ă€ l’avant-garde de l’avant-garde (The Leading Edge of the Leading Edge); La mort du Dieu mythique (Death of the Mythic God) ; Saurez-vous qui vous ĂŞtes Ă quatre-vingt-cinq ans ? (Will You Know Who You Are at Eighty-Five ?) ; Difficile d’être heureux ! (Hard to be happy) WIE n°39 : La FĂŠminitĂŠ divine, dĂŠvoilĂŠe (The Divine Feminin, Unveiled)

‚kZ^a ‚kdaji^dc AV gZkjZ Eveil & Evolution eg‚hZciZ jcZ h‚aZXi^dc YÉVgi^XaZh igVYj^ih Yj bV\Vo^cZ ig^bZhig^Za What Is Enlightenment? AV eZgheZXi^kZ YZ XZiiZ ejWa^XVi^dc Zhi YZ Xdcig^WjZg | jcZ g‚kdaji^dc YVch aV XdchX^ZcXZ Zi aV XjaijgZ ]jbV^cZ# <j^Y‚h eVg aV k^h^dc ‚kdaji^kZ YZ hdc [dcYViZjg 6cYgZl 8d]Zc! cdjh hdb" bZh | aV gZX]ZgX]Z YÉjcZ VgX]^iZXijgZ bdgVaZ Zi e]^adhde]^fjZ gVY^XVaZbZci cdjkZaaZ edjg aV hdX^‚i‚ Yj MM> Z h^ƒXaZ# Cdjh eZchdch fjZ aɂaVWdgVi^dc YÉjc iZa XVYgZ YZ igVch[dgbVi^dc Ă„ hjg aV WVhZ YZ aV g‚k‚aVi^dc ^ciZbedgZaaZ YZ aÉJc^i‚! dj wkZ^a! Zi k^hVci jcZ ‚i]^fjZ Zc Xd" ]‚gZcXZ VkZX aZ bdcYZ edhibdYZgcZ Ă„ Zhi jc ^be‚gVi^[! cdc hZjaZbZci edjg aɂkdaji^dc YZ cdigZ ZheƒXZ! bV^h ZcXdgZ edjg cdigZ hjgk^Z b„bZ# :c edhVci YZh fjZhi^dch Y‚gVc\ZVciZh YVch a Zh Y dbV^cZh Y Zh h X^ZcXZh c djkZaaZh! YZh igVY^i^dch VcX^ZccZh! YZh Vgih Zi YZh XjaijgZh! Yj bdcYZ \‚deda^i^fjZ Zi XZaj^ YZh V[[V^gZh! What Is Enlightenment? Zi Eveil & Evolution kZjaZci VeedgiZg jc XdciZmiZ YncVb^fjZ edjg jc Zc\V\Z" bZci XdchX^Zci [VXZ Vjm \gVcYh Y‚[^h YZ cdigZ iZbeh! Zi edjg aV a^W‚gVi^dc Yj ediZci^Za ]jbV^c#


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C\ dS`b ^Zca dWT & :O \]cdSZZS {Q]Z]UWS Rc S aW|QZS Depuis longtemps les ĂŠcologistes voient la marche du progrès humain comme la source de nos malheurs ĂŠcologiques. La Mère nature vivrait-elle mieux sans nous ? Rencontrez les hĂŠrauts de la prochaine grande rĂŠvolution ĂŠcologique qui osent affirmer que la plus belle promesse d’un avenir radicalement durable viendra de notre capacitĂŠ Ă exploiter les forces de crĂŠativitĂŠ – et de technologie – humaines pour recrĂŠer le monde. ^O` @]aa @]PS`ba]\

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Que se passe-t-il lorsqu’on mĂŠlange la puissante thĂŠorie de la philosophie intĂŠgrale avec les problèmes insolubles de notre sociĂŠtĂŠ mondiale ? C’est ce que nous avons demandĂŠ Ă l’homme d’affaires devenu philosophe, Steve McIntosh, qui nous rĂŠpond par une analyse audacieuse et provocante sur la relation entre l’Êvolution de la conscience et l’Êvolution de la culture – de la Russie, au Rwanda, au parti RĂŠpublicain. Parcourant tout le spectre gĂŠopolitique, cette interview est une expertise politique comme vous n’en verrez jamais au journal tĂŠlĂŠvisĂŠ.

OĂš nous mène l’Êvolution de la conscience et de la culture ? Quelle est l’avant-garde du dĂŠveloppement aujourd’hui ? Andrew Cohen et Ken Wilber explorent les qualitĂŠs et les potentialitĂŠs d’un ensemble de structures supĂŠrieures de la conscience, qui ĂŠmerge Ă peine et que l’on nomme souvent le ÂŤ troisième palier Âť. /\R`Se 1]VS\ Sb 9S\ EWZPS`

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2=AA73@A :S T{[W\W\ RWdW\Wa{ R{d]WZ{ Épouser le fÊminin divinisÊ serait-ce la solution pour nous sortir du patriarcat ? Eveil&Evolution offre une perspective sur cet archÊtype tout puissant du fÊminisme contemporain. ^O` 3ZWhOPSbV 2SP]ZR

:O []`b Rc 2WSc [gbVW_cS #& Dieu est-il une illusion ? En a-t-on fini avec la religion ? Pas si vite, dit Jim Marion, ancien moine catholique devenu mystique œcumÊnique, ce n’est qu’un bout de l’histoire. Dans cet entretien rÊvolutionnaire, Marion dÊconstruit la religion mythique d’autrefois et nous oriente vers une nouvelle vision d’une spiritualitÊ Êvolutive.

GZcXdcigZh VkZX 6cYgZl 8d]Zc Andrew Cohen, fondateur de EnlightenNext, WIE et Eveil & Evolution, donne des confÊrences publiques et des sÊminaires intensifs tout au long de l’annÊe. Vous en saurez davantage sur sa vision rÊvolutionnaire sur www.andrewcohen.org.

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6cYgZl8d]Zc#dg\ Zi 6cYgZl8d]Zc#[g Lisez le blog d’Andrew Cohen, dÊcouvrez son enseignement d’Éveil Évolutif, Êcoutez des audios, regardez des vidÊos ‌

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Le rÊdacteur en chef d’Eveil & Evolution partage ses rÊflexions sur la vie remarquable et l’extraordinaire rÊalisation spirituelle de ce saint homme indien.

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Andrew Cohen donne des confÊrences publiques à travers le monde. Paris Amsterdam Londres Munich Bâle Copenhague

5 & 6 avril 9 avril 12 & 13 avril 14 avril 15 avril 17 avril

New York Washington Boston Tel Aviv Paris

26 avril 27 avril 10 mai 16 & 17 mai 19 & 20 oct.

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Une retraite intensive d’Éveil Évolutif avec Andrew Cohen vous donnera une vÊritable expÊrience d’Êvolution de la conscience, les outils pour transformer cette expÊrience en changement significatif et surtout, une perspective rÊvolutionnaire sur notre potentiel de faire Êvoluer la conscience et transformer la culture. Les six principes de l’Éveil Évolutif Toscane, Italie du 1er au 10 aoÝt 2008 Retraite pour les femmes Lenox, USA du 3 au 5 octobre 2008 (à confirmer) du 28 au 30 novembre 2008

^]c` ZO >OZSabW\S Elza Maalouf et Don Beck apportent la magie de la Spirale de l’Êvolution à la Cisjordanie et à la bande de Gaza. ^O` 7UOZ ;]`WO Sb 3ZWhOPSbV 2SP]ZR

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{RWb]`WOZ CE NUMÉRO TENTE DE RÉPONDRE À LA QUESTION qui est peutêtre la plus fréquemment posée à un enseignant spirituel. En effet, chaque fois que le sujet de l‘éveil arrive sur le tapis dans des forums, des conférences ou des dialogues publics, il y a inévitablement quelqu‘un pour poser la question évidente : « Comment une conscience plus élevée peut-elle affecter la réalité de nos problèmes quotidiens ? Comment les révélations spirituelles peuvent-elles nous aider à répondre de manière pratique, appropriée et efficace aux défis de la vraie vie dans ce monde troublé ? » Il se trouve que l‘âme et le coeur même de ce que nous essayons de partager à travers ce magazine a toujours été de tenter de répondre à cette question, notamment au cours de ces dernières années. Ce numéro, « Une nouvelle vision de l‘écologie, de la politique et de la conscience », est probablement la réponse la plus directe à ce jour. L‘article de Ross Robertson, « Un vert plus vif », présente l‘éco-mouvement « vert vif » qui propose des idées nouvelles et étonnament révolutionnaires sur la manière de répondre à l‘urgence de notre crise environnementale. Les discussions passionnées que nous avons eues sur ce sujet brûlant ont bouleversé toutes mes certitudes sur l‘écologie et m‘ont complètement inspiré. Plus nous considérions de nouvelles perspectives pour l’avenir du monde, plus nos manières habituelles de penser la nature et notre relation à elle étaient complètement remises en question. L’entretien approfondi de Carter Phipps avec le penseur intégral par excellence Steve McIntosh sur la « politique intégrale » nous laisse sans voix par la portée, la précision et la profondeur de sa vision. Une éclatante vision faite d‘ordre et d‘espoir émerge brillamment de leur discussion sur les com-

plexités multidimensionnelles de nos nombreux conflits globaux. McIntosh a un talent unique pour transmettre les principes fondamentaux de la pensée intégrale de façon claire, profondément rationnelle, et qui apparaît toujours évidente (après l‘avoir comprise !). Enfin, dans mon dernier dialogue « Le sage et l‘érudit » avec mon frère d‘armes, pionnier évolutif et philosophe de génie Ken Wilber, nous explorons le niveau de développement émergeant que beaucoup appellent le « troisième palier ». C‘est peut-être l‘une des plus importantes discussions que nous n'ayons jamais eue bien que je ne sois pas le mieux placé pour en juger ! Parmi les autres sujets de ce numéro vous trouverez « La mort du dieu mythique », une conversation importante sur l‘évolution de la religion avec l‘ex-moine catholique et procureur Jim Marion, ainsi qu‘un hommage à la mémoire d‘Ajja, le grand saint « avadhut » éveillé, que j‘ai rencontré et interviewé pour la première fois en 1998. Enfin, dans un article que j‘estime fondateur, « Le féminin divin, dévoilé », ma collègue post-féministe Elizabeth Debold, s‘attaque à l‘une des vaches sacrées de la scène spirituelle contemporaine, alimentant ainsi le débat qu‘a soulevé notre numéro précédent sur la nouvelle libération des femmes. Bonne lecture !

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ÂŤJe ne suis pas du tout dans le mental. Je suis au-delĂ de toute pensĂŠe et de toute ĂŠmotion. Je parle, mais je ne sais rien. Je ne pense pas ; je ne lis pas de livres. Rien de tout cela n’e nĂŠcessaire pour la vĂŠritable connaissance. Les livres sont nĂŠcessaires pour un discours intellectuel, mais pour l‘expĂŠrience du Soi, on n’a besoin de rien. Et si je me trouve dans un lieu isolĂŠ, cette expĂŠrience ne s‘arrĂŞte pas. Elle se rĂŠpand Ă travers tout l‘univers, pĂŠnètre tout l‘univers. MĂŞme si celui qui atteint cet ĂŠtat d’ananda* e dans un coin reculĂŠ, cela se rĂŠpand partout. MĂŞme s’il essaie de se cacher, cela irradie. Cela se propage Ă travers tout l‘univers, le cosmos tout entier.Âť

Ajja

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ÂŤAvec une ĂŠquanimitĂŠ inĂŠbranlable, l‘Avadhut vit dans le sanct uaire de la vacuitĂŠ ; il chemine nu, sachant que tout e Brahman... Ayant renoncĂŠ Ă toute activitĂŠ de l’esprit, il e dans son ĂŠtat naturel d’indescriptible bĂŠatitude.Âť

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) ĂŠveil & ĂŠvolution


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jja, ou « grand-père », comme le nommaient avec affection ceux qui le connaissaient, était l’un des êtres humains les plus authentiquement libérés que j’ai eu le privilège de rencontrer. Ce qui me frappait le plus chez lui, c’est qu’il semblait littéralement ne plus avoir aucune conscience d’ego – du tout. Son ego avait de toute apparence été réduit en cendres par le feu de sa passion pour le Divin. Je l’ai rencontré trois fois et chaque fois j’ai été ébahi par le pouvoir de son innocence et par l’immense liberté qu’il avait vis-à-vis de ce monde et tout ce qui s’y trouve. Cela émanait de chaque cellule de son corps frêle. Sa transparence absolue et l’absence totale de toute trace de conscience de soi mettaient toujours en lumière la dualité intérieure subtile - et souvent pas si subtile - de tous ceux qui l’entouraient. Ce n’est qu’en la présence d’une personne comme Ajja, qu’on peut vraiment comprendre ce qu’est l’Éveil. L’histoire de sa vie et de son Éveil est une histoire véritablement insensée - de celles qui ne semblent pouvoir arriver qu’en Inde. Ajja était un riche fermier qui, suite à une maladie soudaine qui pendant six mois lui provoqua d’extrêmes douleurs, entama à l’âge de 36 ans un processus de recherche focalisé qui le mena jusqu’à un Éveil radical et profond. «Je ne suis pas le corps», déclara-t-il à cette l’époque. « Je n’ai pas de mère. Je n’ai pas de père. Je suis cette Lumière.» Ajja a fait des déclarations tout à fait extravagantes, comme celle de dire qu’au moment de son Éveil, l’âme du grand militant social Mahatma Gandhi était entrée dans son corps, afin de pouvoir accéder à la libération finale. «Celui qui était ici s’en est allé», avait dit Ajja. «Quelqu’un d’autre est arrivé». Après cet Éveil, commença pour Ajja une période d’errance de seize ans à travers l’Inde, où marchant souvent nu, passant par des états de conscience extatiques ou non, il perdait souvent, et

pour des périodes longues, toute conscience du corps. En 1961, alors qu’il était à Rishikesh, il entendit une voix l’appeler: «Viens à moi. Toi, viens à moi. Je suis ici à Ganeshpuri». Il partit immédiatement à Ganeshpuri rencontrer le légendaire Avadhut Swami Nityananda. L’entretien ne dura que cinq minutes, pendant lesquelles ils se fixèrent yeux dans les yeux sans prononcer un mot. Cette rencontre permit à Ajja de « revenir sur terre »; il recommença bientôt à porter des vêtements et à parler aux autres. Cet homme gentil et très doux n’était pas vraiment un « enseignant » au sens traditionnel. Je ne suis même pas sûr qu’il était capable de partager directement avec d’autres l’immensité de sa profonde expérience. Mais l’exemple vivant qu’il était de totale absence d’ego et d’abandon absolu était sans égal et me rappelait une citation accrochée au mur du bureau de l’Ashram Shivananda à Rishikesh, qui m’a toujours coupé le souffle: « Enseigner, c’est Être ». J’ai fait une longue interview d’Ajja en 1998, qui a été publiée dans le numéro 14 de What Is Enlightenment?. Quand je suis retourné le voir l’année suivante, j’ai été heureux de voir que mon article « Qui est Ajja ? » avait généré beaucoup d’intérêt pour cet être extraordinaire, non seulement chez les Occidentaux mais aussi, à ma grande surprise, parmi les Indiens ! Ajja a quitté ce monde le 12 mars 2007. Dans les dernières années de sa vie, on lui construisit un petit ashram près de Mangalore, où ses disciples vivent encore aujourd’hui. L’un d’entre eux, Srinath Raddha, me confia au printemps dernier : « Je suis certain qu’il s’occupera toujours de nous. Ce que je veux dire, c’est qu’il ne devrait pas perdre de temps avec une si petite chose mais il prendra soin de nous. » Gfli \e jXmf`i [XmXekX^\ jli cË_ i`kX^\ \k cX m`\ i\dXihlXYc\ [Ë8aaX# Xcc\q jli c\ j`k\ \e Xe^cX`j

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+ éveil & évolution


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ans le sillage de longues annĂŠes de guerre et de conflit au Moyen-Orient, un nouveau conflit semble ĂŞtre la dernière chose dont la rĂŠgion aurait besoin. Pourtant, Don Beck, imminent expert de la thĂŠorie du dĂŠveloppement des systèmes de valeur nommĂŠe la Spirale de l’Êvolution intĂŠgrale, prĂŠtend de façon surprenante qu’une crise – une crise d’un type particulier - est justement nĂŠcessaire. (voir wie.org/spiral - en anglais - pour en savoir davantage sur la Spirale de l’Êvolution). Au cours des 18 derniers mois, Don Beck s’est rendu quatre fois dans cette zone de conflit, accompagnĂŠ d’Elza Maalouf, son associĂŠe au Center for Human Emergence – Middle East (Centre pour l’Êmergence humaine, Moyen-Orient). Elsa Maalouf, avocate et consultante intĂŠgrale, nĂŠe et ĂŠduquĂŠe au Liban, vit aujourd’hui aux États-Unis, et a jouĂŠ un rĂ´le dĂŠterminant dans l’organisation de rĂŠunions stratĂŠgiques entre dirigeants palestiniens et israĂŠliens. En mai 2007, Maalouf et Beck ont organisĂŠ un stage intensif sur la Spirale de l’Êvolution pour des membres du ComitĂŠ exĂŠcutif du Fatah. Tous deux sont ĂŠgalement Ă l’initiative du Build Palestine Initiative (Construire la Palestine) qui va tenter de coordonner l’afflux de secours et de fonds provenant de plus de 4200 organisations non gouvernementales (ONG) dĂŠcidĂŠes Ă aider les Palestiniens Ă aller de l’avant. Dans une conversation rĂŠcente avec Eveil & Evolution, Elza Maalouf et Don Beck nous ont expliquĂŠ pourquoi tout doit commencer par une crise – une crise qui inciterait les Palestiniens Ă prendre conscience que quelque chose

de fondamental doit changer en euxmêmes. Les combats de rue dans la bande de Gaza entre les laïques du Fatah (proche du mot arabe signifiant  conquête ) et les intÊgristes du Hamas (proche du mot arabe signifiant  zèle ) pourraient être un tel catalyseur. Cela permettrait peut-être aux Palestiniens de comprendre que le problème ne vient pas simplement

IsraĂŤl a une culture favorable au dĂŠveloppement alors que celle de la Palestine est rĂŠfractaire au dĂŠveloppement, et cela pour de multiples raisons. Cela doit changer, nous dit Elza Maalouf, et ce changement se fera par l’Êducation et la crĂŠation d’emplois, mais ça va prendre du temps. Âť Elle nous montra une lettre qu’un groupe de jeunes leaders palestiniens a adressĂŠ rĂŠcemment Ă Tony Blair, soutenu par le Center for Human

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de l’occupation israĂŠlienne de terres arabes, mais qu’ils ont des questions plus fondamentales Ă examiner telles que : ÂŤ Qui sommes-nous ? Âť et ÂŤ OĂš allons-nous ? Âť. Du moins, Maalouf et Beck croient que c’est ce qui commence Ă se passer. Ils ont tous deux remarquĂŠ qu’un changement dans la manière de penser semblait s’opĂŠrer chez certains, mĂŞme sur les questions les plus sacro-saintes, comme l’empressement Ă crĂŠer un ĂŠtat palestinien indĂŠpendant, parce qu’il y a une reconnaissance croissante de la nĂŠcessitĂŠ de dĂŠveloppement. ÂŤ Aujourd’hui,

Emergence – Middle East: ÂŤ Serionsnous prĂŞts Ă construire un ĂŠtat indĂŠpendant si l’occupation finissait demain ? Nous savons qu’en prĂŠalable Ă un ĂŠtat palestinien, nous devons construire des institutions saines pour un gouvernement efficace, dĂŠvelopper la capacitĂŠ de notre peuple Ă faire entrer la Palestine dans le 21e siècle, gĂŠrer Ă l’intĂŠrieur des communautĂŠs palestiniennes les problèmes psychosociaux nĂŠs de dĂŠcennies de conflits et mettre sur pied des systèmes ĂŠconomique, ĂŠducatif, judiciaire, religieux et de santĂŠ pour une sociĂŠtĂŠ qui fonctionne bien. Âť Ce sont les problèmes de dĂŠveloppement culturel complexes de cet ordre,

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que la Spirale de l’Êvolution est capable de rĂŠsoudre en changeant les valeurs fondamentales, les motivations et les points de vue du monde au sein d’une sociĂŠtĂŠ. Elza Maalouf nous explique qu’une modification subtile dans la motivation des personnes peut crĂŠer un changement important. ÂŤ Les palestiniens qui vivent dans les camps de rĂŠfugiĂŠs sont les descendants d’Arabes qui ont fui IsraĂŤl pendant les guerres de 1948 et 1967. Le sujet le plus ĂŠpineux pendant toutes les nĂŠgociations entre IsraĂŤl et les Palestiniens a ĂŠtĂŠ leur dĂŠsir de retrouver leur maison de famille. Beaucoup de ces maisons n’existent plus et IsraĂŤl n’a aucune l’intention de rendre celles qui sont encore debout. Pour ces rĂŠfugiĂŠs, la vie est une jungle oĂš les plus forts survivent et oĂš l’honneur est plus important que la vie. RĂŠcupĂŠrer la maison de famille, c’est restaurer l’honneur perdu. En comprenant ce besoin impĂŠrieux d’honneur, on peut les aider Ă reconsidĂŠrer la façon de rĂŠpondre Ă ce besoin. Âť En travaillant avec les dirigeants du Fatah, Maalouf et Beck les ont aidĂŠ Ă comprendre comment les hommes palestiniens peuvent petit Ă petit dĂŠvelopper un code d’honneur diffĂŠrent. ÂŤ Au lieu de penser ‘Je ne serai pas un homme tant que je n’aurais pas rĂŠcupĂŠrĂŠ ma maison de famille’, poursuit Maalouf, ces hommes peuvent combler leur besoin d’honneur en adoptant l’idĂŠe que ‘Je ne serai pas un homme tant que je n’aurai pas assurĂŠ un avenir Ă mes enfants et petits-enfants’. Cela agirait comme un attracteur diffĂŠrent. Et nos stagiaires l’ont bien compris. Âť MĂŞme s’ils rĂŠussissent Ă crĂŠer ce nouvel ÂŤ attracteur Âť, cela va inĂŠvitablement prendre du temps – du temps que tout simplement cette rĂŠgion instable n’a probablement pas. Compte tenu de l’urgence de la situation, Don Beck a encouragĂŠ les dirigeants du Fatah Ă saisir leur chance. ÂŤ Il y a plus de 4000 ONG en

- ĂŠveil & ĂŠvolution

Palestine. Elles sont pleines de bonnes intentions, mais malheureusement leur travail n’est jamais concertĂŠ, et bien souvent leurs efforts sont fragmentĂŠs, ponctuels, et morcelĂŠs sans instance d’organisation globale qui permette d’aboutir Ă des rĂŠalisations viables. Nous leur avons dit qu’aujourd’hui, en raison de l’attention et de l’intĂŠrĂŞt du monde entier, ils ont plus de pouvoir et d’influence qu’ils n’en auront jamais. Âť Mais si les Palestiniens ne s’organisent pas et ne coordonnent pas les fonds et les projets qui inondent la rĂŠgion, toute cette bonne volontĂŠ sera gâchĂŠe. C’est l’idĂŠe Ă l’origine de l’organisation ÂŤ Construire la Palestine Âť. ÂŤ Vous devez mobiliser toutes les ONG et focaliser leurs actions comme un rayon laser Âť dit Beck. ÂŤ Nous leur recommandons donc de crĂŠer un ÂŤ bureau intĂŠgral Âť au sein du gouvernement dont l’un des rĂ´les principaux serait de guider et re-diriger toutes les aides qui affluent en Palestine pour renforcer les systèmes ĂŠducatifs et crĂŠer des emplois. Âť Si ce bureau est crĂŠĂŠ et que l’organisation ÂŤ Construire la Palestine Âť dĂŠmarre, la thĂŠorie de la Spirale de l’Êvolution sera bien adaptĂŠe pour guider son implantation. Elle permettrait aux dirigeants de dĂŠterminer les forces naturelles des diffĂŠrents secteurs de la sociĂŠtĂŠ palestinienne et ainsi utiliser de façon intĂŠgrale les efforts de toutes les ONG qui viennent de cultures diffĂŠrentes. Comme l’explique Maalouf ÂŤ C’est seulement en analysant les codes de valeur du pays dont est issue une ONG, que celle-ci pourra contribuer avec sagesse Ă un ĂŠtat palestinien prospère. Par exemple, vous ne demanderiez pas Ă une ONG scandinave de vous aider Ă mettre en place une force de police en Palestine parce que les Scandinaves ne sont pas habituĂŠs Ă l’instabilitĂŠ explosive de la vie au Moyen-

Orient. Vous leur demanderiez plutĂ´t de vous aider Ă concevoir un système de santĂŠ ou une politique ĂŠcologique Âť. Beck remarque qu’il y a suffisamment d’argent provenant de l’aide internationale pour modifier la structure de valeurs dans toute la Palestine. Les Palestiniens pourraient dĂŠvelopper, Ă travers l’Êducation, la crĂŠation d’emplois, le système de santĂŠ et une rĂŠelle stabilitĂŠ, un système de valeurs plus complexe et plus ĂŠvoluĂŠ qui les tourne vers un futur nouveau pour eux-mĂŞmes et pour leurs familles. Dans cette rĂŠgion explosive oĂš les dĂŠfis sont immenses, nombre de projets bien intentionnĂŠs ont ĂŠchouĂŠ. Pourtant Maalouf et Beck restent prudemment optimistes. ÂŤ Il y a eu des transformations pendant la formation, dit Maalouf,

ÂŞ 2O\a c\ Q]\Ă€Wb aW S\`OQW\{ Z¸]^bW[Wa[S Sab c\S RS\`{S `O`S ÂŤ 3ZhO ;OOZ]cT spĂŠcialement auprès d’hommes et de femmes jeunes et forts, qui honorent le passĂŠ mais sont dĂŠterminĂŠs Ă changer le prĂŠsent et crĂŠer un avenir meilleur. Âť Don Beck ajoute, ÂŤ Ils ont pris les outils que nous leur avons donnĂŠs et les ont utilisĂŠs pour tout regarder par eux-mĂŞmes. Les conditions du changement commencent Ă se mettre en place et les choses vont plus loin que nous ne le pensions. Âť Dans un conflit si enracinĂŠ, l’optimisme est une denrĂŠe rare. Cette volontĂŠ nouvelle de faire le point et d’aller de l’avant qui ĂŠmerge dans certaines couches de la population palestinienne, conjuguĂŠe Ă la bonne volontĂŠ de tant de nations et d’ONG mises en synergie par la structure intĂŠgrale de la Spirale de l’Êvolution – va peut-ĂŞtre permettre de dĂŠvelopper la stabilitĂŠ dont cette rĂŠgion a si cruellement besoin.


#INQ CENT

individus ont mené la Renaissance.

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Le concept d’estime de soi existe en rĂŠalitĂŠ depuis plus de cent ans – depuis exactement 1890, lorsque le philosophe et psychologue amĂŠricain William James inventa le terme et l’explora dans son livre Principes de psychologie. James postula que l’estime de soi pouvait ĂŞtre mesurĂŠe objectivement Ă travers un ratio simple entre les buts, dĂŠsirs et objectifs d’une personne et la rĂŠalisation effective de ceux-ci. En essence, James croyait que si les gens rĂŠussissaient Ă atteindre leurs buts, leur estime de soi grandissait, mais s’ils n’arrivaient pas Ă obtenir ce Ă quoi ils aspiraient, leur estime de soi baissait. Avec cette ĂŠquation simple, il est facile de voir pourquoi James est considĂŠrĂŠ comme le père du pragmatisme amĂŠricain. Mais que penserait-il de notre concept moderne de l’estime de soi, si dissociĂŠ de toute rĂŠussite personnelle concrète que quatre-vingt pour cent des jeunes de quatorze Ă seize ans affirment croire qu’ils sont des personnes importantes avant mĂŞme d’avoir terminĂŠ le lycĂŠe, eu un premier boulot, ou votĂŠ. Comme Twenge le fait remarquer dans Generation Me, aujourd’hui ÂŤ nous prenons simplement pour acquis que nous devrions tous avoir une haute opinion de nous-mĂŞmes, que nous sommes tous spĂŠciaux, et que nous mĂŠritons tous de poursuivre nos rĂŞves Âť. Qu’y a-t’il de mal Ă cela ? Si on y regarde de près, beaucoup. Contrairement Ă la croyance populaire, l’estime de soi ne nous rend pas du tout meilleur. De 1970 Ă l’an 2000, il y a eu plus de quinze mille articles publiĂŠs sur la relation entre l’estime de soi et tous les aspects de la vie imaginables : les rĂŠsultats scolaires, la rĂŠussite professionnelle, les relations amoureuses, le sexe, la toxicomanie et l’alcool, la criminalitĂŠ, le bonheur, et mĂŞme la sĂŠduction. Travaillant avec une ĂŠquipe de chercheurs, le psychologue et professeur Ă l’universitĂŠ d’Êtat de Floride, Roy Baumeister se lança en 2002, dans un projet colossal d’analyse de tous les rĂŠsultats de ces milliers d’Êtudes. Sur quinze mille ĂŠtudes, Baumeister dĂŠcouvrit que seules deux cents d’entre elles relevaient d’une bonne dĂŠmarche scientifique. Dans un rapport publiĂŠ dans Scientific American en 2005, Baumeister contesta un certain nombre de conclusions antĂŠrieures sur l’estime de soi. Gonfler artificiellement l’estime de soi d’un joueur de foot, par exemple, en lui disant qu’il est bon alors qu’il ne marque jamais de buts, semble rĂŠduire les performances, contrairement Ă l’idĂŠe communĂŠment admise qu’une bonne estime de soi amĂŠliore notre efficacitĂŠ. Autre dĂŠcouverte : une haute estime de soi n’a aucune corrĂŠlation positive avec la capacitĂŠ d’une personne Ă avoir une relation amoureuse rĂŠussie ; au contraire, comme l’Êcrit Baumeister, ÂŤ Une personne qui a


une haute opinion d’elle-mĂŞme aura une plus grande tendance Ă rĂŠpondre aux difficultĂŠs en rompant la relation et en cherchant un(e) autre partenaire Âť. Une basse estime de soi ne pousse pas non plus les jeunes Ă avoir des relations sexuelles prĂŠcoces comme on le croyait prĂŠcĂŠdemment ; au contraire, ceux qui ont une haute estime de soi sont moins inhibĂŠs et plus sujets Ă avoir des rapports sexuels. Une basse estime de soi ne rend pas non plus les gens plus agressifs ou violents – en effet, les agresseurs ont souvent une opinion favorable et mĂŞme surdimensionnĂŠe d’eux-mĂŞmes. Dans la conclusion du rapport, Baumeister s’attaque Ă ce qui constitue probablement le pilier central du mouvement de l’estime de soi : une plus haute estime de soi rend plus heureux. ÂŤ Il est possible qu’une estime de soi haute rende les gens heureux, mais aucune recherche ne prouve ce rĂŠsultat. Toute corrĂŠlation entre les deux n’est rien d’autre que cela, une corrĂŠlation.Âť Les implications de cette recherche sont intĂŠressantes pour tous, mais pour nous, les jeunes de la gĂŠnĂŠration Y, quelque chose de plus grave se dessine : nous sommes la première gĂŠnĂŠration Ă avoir ĂŠtĂŠ ĂŠlevĂŠe avec une estime de soi aussi haute. DĂŠjĂ en coucheculotte, on nous disait : ÂŤ Estime-toi Âť. ÂŤ Crois en toi Âť. ÂŤ Tu es formidable tel que tu es Âť. ÂŤ Essayer, c’est tout aussi bien que de rĂŠussir Âť. Comme le fait remarquer Twenge, de telles idĂŠes sont devenues ÂŤ quelques-unes des croyances les plus profondĂŠment ancrĂŠes dans notre culture et la Moi gĂŠnĂŠration a grandi en les entendant susurrer Ă ses oreilles comme les phrases subliminales qui conditionnent les enfants dans Le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley Âť. Ceci expliquerait-il les hauts niveaux de narcissisme que rĂŠvèlent plusieurs ĂŠtudes, comme celle que l’universitĂŠ d’Êtat de San Diego vient de publier cette annĂŠe ? Ce rapport est basĂŠ sur les rĂŠsultats de plus de seize mille questionnaires ÂŤ Inventaire de personnalitĂŠ narcissique Âť remplis par des ĂŠtudiants depuis 1982. En retraçant les rĂŠsultats des vingt dernières annĂŠes, les chercheurs ont dĂŠcouvert qu’aujourd’hui les ĂŠtudiants sont plus narcissiques, ont un plus fort sentiment que tout leur est dĂť et sont de plus en plus sujets Ă des dĂŠclarations du type ÂŤ Je pense que je suis une personne spĂŠciale Âť ou ÂŤ Si c’Êtait moi qui le gouvernait, le monde serait meilleur. Âť Si ma gĂŠnĂŠration dĂŠcidait de se confronter Ă ce problème – une estime de soi surdimensionnĂŠe avec le narcissisme qui en dĂŠcoule – plusieurs solutions s’offrirait Ă elle. Mais ce qui me frappe, c’est que l’une des plus efficaces serait de simplement ressusciter le concept original d’estime de soi conçu par William

James – non pas comme le moyen de nous sentir bien dans notre peau sans discrimination, mais comme une mesure objective de nos ambitions, dÊsirs et mÊrites en rapport avec la rÊalitÊ de notre vie personnelle. Si de temps à autre nous nous exercions à un tel face à face, nous aurions de plus en plus de mal à nous bercer d’illusions et à nous penser si important. A la place, nous pourrions vraiment commencer à le prouver. D8LI8 FË:FEEFI ]X`k gXik`\ [\ c˄hl`g\ [\ i„[XZk`fe [\ <m\`c <mfclk`fe% <cc\ m`k XZkl\cc\d\ek ~ E\n Pfib f“ \cc\ „kl[`\ c\ aflieXc`jd\ ~ cX >iX[lXk\ JZ_ffc f] AflieXc`jd [\ cËle`m\ij`k„ [\ :fcldY`X%

AB/B7AB7?C3A 5{\{`ObW]\ G ( C\S T]`QS RS dWS Sfb`O bS``Sab`S Appelez-les comme vous voulez - gĂŠnĂŠration-Y, moi-gĂŠnĂŠration, enfants du millĂŠnaire - les jeunes d‘aujourd‘hui vont jouer un rĂ´le majeur dans la fabrique de notre futur collectif. Les ĂŠtudes rĂŠcentes menĂŠes pour la marine amĂŠricaine en matière de recrutement les rĂŠfĂŠrencent mĂŞme comme ÂŤ des accros narcissistes aux louanges Âť et ÂŤ une force de vie quelque peu extra-terrestre Âť, regrettant probablement la tendance Ă la baisse chez ce groupe Ă s‘engager dans l‘armĂŠe, de vingt-six pour cent en 2001, Ă trois pour cent aujourd‘hui. Mais que veulent donc ces jeunes de la gĂŠnĂŠration-Y ? Leurs buts diffèrent-ils de ceux de la gĂŠnĂŠration-X qui l‘a prĂŠcĂŠdĂŠe ? L‘annĂŠe dernière le Pew Research Center (Centre de Recherche Pew) a sondĂŠ un large ĂŠventail de ces jeunes en leur posant la question : Qu‘est-ce qui compte le plus dans la vie pour votre gĂŠnĂŠration ?

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Le fÊminin divinisÊ, Une spiritualitÊ centrÊe sur le fÊminin nous emmènera-t-elle au-delà du patriarcat ?

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e me souviens de ce dimanche après-midi de 1988 avec la vivacité que la mémoire réserve habituellement aux événements vraiment importants ou dramatiques. Mais là c’était complètement anodin. J’étais dans mon bain en train de lire le New York Times, quand je suis tombée sur quelques lignes qui annonçaient que la rubrique hebdomadaire « Elle » – le seul espace dans tout le journal spécialement dédié au point de vue des femmes – ne paraîtrait plus chaque semaine. Au nom de l’équité, elle alternerait désormais avec une nouvelle colonne « À propos des hommes ». A ma grande surprise, je fondis en larmes, sanglotant presque de façon incontrôlée. Mon ami me rejoignit en courant se demandant quelle calamité m’était tombée dessus, dans la baignoire. Il éclata de rire lorsque je lui en donnai la raison. « Mais tu ne comprends rien ! » m’écriais-je. « Le New York Times entier ne fait que parler des hommes ! » Je ne sais pas pourquoi j’ai réagi aussi violemment – peut-être parce que c’était un signe clair que le torrent rafraîchissant des questions « féminines », qui avait inondé la culture populaire depuis les années soixante, se réduisait maintenant à un filet d’eau, se mélangeant à tout le reste, ayant perdu toute sa vigueur. Ma réponse était certes inhabituelle, mais révélatrice d’une expérience partagée par beaucoup de femmes : le sentiment étrange, qui parfois nous enrage, de vivre dans une culture qui reflète rarement nos priorités, nos centres d’intérêt et nos aspirations les plus profondes. Car en dépit des progrès de ces quarante dernières années, la culture occidentale souffre encore d’une forte prévention en faveur du masculin – de Notre Père qui êtes aux Cieux et des maîtres du Bureau Ovale, aux ravages faits à la Mère Nature et l’objectivation sexuelle toujours croissante des femmes (et des jeunes filles). Et en guise de changement culturel, la recette s’est limitée plutôt à « rajouter un peu de femmes et mixer le tout » – comme si le fait d’atteindre un équilibre en nombre d’hommes et de femmes dans la vie publique, ce qui n’est pas encore le cas, allait transformer les fondements de notre culture et changer le cours de l’histoire.

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Cependant ces vingt dernières annĂŠes, quelque chose de plus profond a commencĂŠ Ă bouger chez les femmes, une motivation Ă changer la culture Ă la racine. Le but serait de crĂŠer un nouveau contexte, ĂŠthique et spirituel qui ĂŠquilibrerait et guĂŠrirait notre monde hyper-masculinisĂŠ en sacralisant le fĂŠminin. Cela peut signifier beaucoup de choses, et diffĂŠrentes femmes (ou groupes de femmes) identifient le fĂŠminin de diverses manières. Certaines voient le divin dans la femme Ă travers les rĂ´les spĂŠcifiquement nourriciers qui dĂŠcoulent de sa fonction biologique de mère. D’autres parlent d’un principe fĂŠminin qui serait Ă la fois une force dans la psychĂŠ humaine et un aspect fondamental du monde manifestĂŠ. D’autres encore cherchent Ă ranimer ou Ă recrĂŠer des rituels qui cĂŠlèbrent d’anciennes dĂŠesses, et rendre ainsi la divinitĂŠ de la femme plus visible et plus consciente. Toutes (ou presque) partagent cette notion que le sacrĂŠ ne se trouve pas dans un royaume transcendant situĂŠ quelque part dans l’au-delĂ , mais qui est immanent Ă la vie. Ces formes de spiritualitĂŠ cĂŠlèbrent donc la tendance humaine Ă vouloir ĂŞtre en unitĂŠ avec la nature et avec les autres – souvent en cĂŠlĂŠbrant le corps, la sexualitĂŠ et les rapports humains. Pour tout dire, c’est un phĂŠnomène sans prĂŠcĂŠdent. Jamais dans l’histoire occidentale, des femmes n’ont affirmĂŠ si activement que leur propre genre serait le reflet de la dimension sacrĂŠe de la vie. Et je crois constater que les femmes qui s’aventurent dans cette expĂŠrience de changement de culture et de conscience appartiennent, pour la plupart, Ă la gĂŠnĂŠration des femmes – mes sĹ“urs du babyboom – qui a portĂŠ la nouvelle vague des changements socio-culturels du 20e siècle. En rĂŠponse au dernier numĂŠro de ce magazine, Femme : une exploration spirituelle, philosophique et culturelle, un grand nombre de femmes (et aussi d’hommes) nous ont ĂŠcrit pour nous dire que la rĂŠintĂŠgration du fĂŠminin serait la prochaine ĂŠtape pour elles et pour notre culture. Actuellement, il n’y a aucun doute, que bien des maux de notre monde dĂŠcoulent de l’importance excessive donnĂŠ aux aspects plus nĂŠgatifs de la masculinitĂŠ qui se sont associĂŠs Ă la modernitĂŠ – la rationalitĂŠ coupĂŠe de toute connexion humaine, la compĂŠtition, les hiĂŠrarchies de domination, et la sĂŠparation Ă de multiples niveaux. Mais pourquoi dire que le fĂŠminin est la solution ? Cela nous fait glisser dans une dichotomie polarisante – qui assimile le masculin au mal et le fĂŠminin au bien. Et mĂŞme si ÂŤ masculin Âť et ÂŤ fĂŠminin Âť ne sont pas synonymes d’ homme Âť et de ÂŤ femme Âť, nous savons qu’ils sont ĂŠtroitement liĂŠs. N’oublions pas que les hommes et les femmes ont crĂŠĂŠ l’histoire ensemble – y compris les structures du patriarcat que nous trouvons maintenant si destructrices. Quand j’ai vu la force avec laquelle certains de nos lecteurs soutenaient cette nĂŠcessitĂŠ de mettre en avant le fĂŠminin, j’ai commencĂŠ Ă me demander si je comprenais vraiment ce qu’ils voulaient dire et si quelque chose ne m’avait pas ĂŠchappĂŠ. Peut-ĂŞtre est-ce une simple question de sĂŠmantique et que nous parlons de la mĂŞme chose en utilisant diffĂŠrentes terminologies. Nous parta-

geons tous le dÊsir d’aller au-delà du patriarcat et comprenons que c’est essentiel à notre Êvolution individuelle et collective (et même à notre survie.) La question qui m’intÊresse est celle-ci : comment crÊer une culture post-patriarcale et quel est le rapport entre cette crÊation et le principe fÊminin ou la divinisation du fÊminin ?

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après ce que je comprends la plupart de ces chemins spirituels crĂŠĂŠs par des femmes, reposent implicitement ou explicitement sur le travail thĂŠorique, très innovateur Ă l’Êpoque, du psychiatre Carl Jung (1876-1961). Jung, pionnier de la thĂŠorie selon laquelle l’humanitĂŠ entière partagerait un domaine psychique profond qu’il nomma inconscient collectif, supposait que le fĂŠminin et le masculin ĂŠtaient des principes ontologiques si profondĂŠment ancrĂŠs dans la vie que l’on pouvait aisĂŠment les considĂŠrer comme sacrĂŠs. Ils dĂŠcrivent deux façons d’être fondamentales, deux types d’Ênergie psychique, souvent reprĂŠsentĂŠs par des images masculines et fĂŠminines appelĂŠes archĂŠtypes. Le masculin ne veut pas nĂŠcessairement dire homme, et le fĂŠminin, femme, mais ils sont ĂŠtroitement associĂŠs, car sur le plan physique, le corps de la femme est une expression du principe fĂŠminin et le corps de l’homme une expression du principe masculin. Jung voyait les archĂŠtypes comme ÂŤ les reprĂŠsentations de nos instincts Âť et en consĂŠquence comme des principes universels opĂŠrant dans la psychĂŠ de chaque ĂŞtre humain. Selon l’analyse jungienne, les images archĂŠtypales apparaissent dans les rĂŞves et les mythes. Elles sont enracinĂŠes dans nos histoires individuelles spĂŠcifiques tout autant que dans l’inconscient collectif, le fonds commun de l’aventure humaine. C’est pourquoi les images de la mère sont si dominantes dans nos rĂŞves et nos symboles – chacun d’entre nous a une mère, et chaque gĂŠnĂŠration d’êtres humains a ĂŠtĂŠ maternĂŠe. Plus important peut-ĂŞtre, Jung croyait que les archĂŠtypes venaient d’un domaine de l’existence plus essentiel et que par leurs interactions avec nous dans nos rĂŞves et symboles, ils nous guidaient. Bien que la diffĂŠrence entre le masculin et le fĂŠminin peut sembler ĂŠvidente, pour moi elle n’est pas si claire. Certains, comme Ken Wilber, font remarquer que les hommes sont plus naturellement alignĂŠs sur Éros, qu’il considère comme l’instinct crĂŠatif, et que les femmes sont plus alignĂŠes sur Agapè, la compassion. D’autres partagent respectivement l’Être et l’Agir entre fĂŠminin et masculin. Pour Jung, semble-t-il, le fĂŠminin ĂŠtait l’Éros et le masculin le Logos, ce qui correspond sommairement aux ĂŠmotions et Ă l’intellect. Un ĂŠtudiant ĂŠminent de Jung, Erich Neumann, soutenait que le masculin ĂŠtait la conscience focalisĂŠe et le fĂŠminin une attention diffuse. Il semble qu’en gĂŠnĂŠral, le masculin soit associĂŠ Ă l’action, Ă l’assertion, et Ă une concentration intense, et le fĂŠminin Ă la rĂŠceptivitĂŠ, Ă la retenue, et Ă une profondeur de l’être englobante, les deux

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ĂŠtant reliĂŠs aux fonctions de reproduction, rĂ´les que les hommes et les femmes ont jouĂŠ depuis les temps immĂŠmoriaux. Ils sont des expressions psychologiques de nos corps – les hommes vers le haut et l’extĂŠrieur, les femmes vers le bas et l’intĂŠrieur. Que notre corps soit le substrat primordial Ă partir duquel nous crĂŠons notre sentiment de soi n’est pas une surprise. Le pionnier de la psychologie du dĂŠveloppement Jean Piaget et sa femme, Valentine Châtenay, ont dĂŠmontrĂŠ avec soin comment la capacitĂŠ d’abstraction, y compris la parole, se construit Ă partir de l’engagement corporel du petit enfant avec les objets et les personnes. Erik Erikson, un protĂŠgĂŠ d’Anna Freud, notait il y a une cinquantaine d’annĂŠes que lorsque des enfants jouent avec des cubes, les garçons ont tendance Ă construire des tours et les filles Ă crĂŠer des enclos. Notre expĂŠrience corporelle dans la petite enfance, arbitrĂŠe par la culture, forme les couches les plus profondes du soi, et c’est la raison pour laquelle tant de brillants chercheurs en psychologie – comme Piaget et Erikson, ainsi que Freud, Margaret Mahler, Daniel Stern, Jacques Lacan, et bien d’autres – ont tellement essayĂŠ d’en comprendre le fonctionnement. Avant mĂŞme que les recherches aient dĂŠmontrĂŠ que le cerveau de l’homme et de la femme ĂŠtaient connectĂŠs diffĂŠremment, il semblait logique que l’on dĂŠcouvre systĂŠmatiquement certaines qualitĂŠs ou caractĂŠristiques de personnalitĂŠ chez les hommes et chez les femmes, Ă cause de notre expĂŠrience corporelle diffĂŠrente. On retrouve la mĂŞme chose dans la culture, exprimĂŠe sous une myriade de formes – depuis la propension exprimĂŠe par tant d’hommes Ă travers l’histoire de pĂŠnĂŠtrer de nouveaux territoires ou celle chez les femmes de crĂŠer et dĂŠcorer l’intĂŠrieur d’une maison. Notre expĂŠrience d’incarnation diffĂŠrente a modelĂŠ nos psychĂŠs et notre culture. Je m’intĂŠresse depuis longtemps Ă cette question de l’incarnation, ou incorporation, et comment elle dĂŠtermine qui nous sommes en tant que femmes et en tant qu’hommes. Mes recherches universitaires, en collaboration avec le travail de Carol Gilligan sur le dĂŠveloppement des femmes et des filles, portaient sur l’incarnation et les diffĂŠrentes formes de savoir chez les femmes et les fillettes, comparĂŠes aux normes de la culture masculine. J’ai vu comment, alors que le corps d’une jeune fille arrive Ă maturitĂŠ et que son esprit dĂŠveloppe la capacitĂŠ de saisir globalement les idĂŠaux culturels et les attentes concernant les femmes, elle se ÂŤ heurte au mur de la culture patriarcale Âť, comme nous disions, et se coupe d’elle-mĂŞme pour parvenir Ă passer par cette porte ĂŠtroite. La plupart d’entre nous avons appris que si nous voulons rĂŠussir, ĂŞtre attirante et nous sentir en sĂŠcuritĂŠ, nous devons nous dissocier de certains sentiments (tels que la colère et la vulnĂŠrabilitĂŠ), d’une relation rĂŠelle Ă la sexualitĂŠ et de notre propre perspective sur la rĂŠalitĂŠ. Nous avons appris comment nous crĂŠer nous-mĂŞmes comme objets dans la culture masculine. Paradoxalement, l’attention de notre subjectivitĂŠ s’est focalisĂŠe sur notre capacitĂŠ Ă nous ÂŤ objectiver Âť, Ă pouvoir constamment renvoyer une image (ou des images) qui nous permette d’obtenir ce que nous voulons. Afin que les jeunes filles n’aient plus Ă traverser ce couloir sombre pour devenir des femmes dans la sociĂŠtĂŠ patriarcale, nous les femmes, devons dĂŠfaire ces dissociations et dĂŠcouvrir un sentiment de nous-mĂŞme, nouveau et entier.

VoilĂ pourquoi, entendre que le principe fĂŠminin est enracinĂŠ dans notre expĂŠrience corporelle – ou bien est l’incarnation ellemĂŞme – me laisse perplexe. D’un certain point de vue, ma valeur en tant que femme dans le patriarcat dĂŠpendait toujours simplement de mon corps, de ma capacitĂŠ Ă avoir du sexe, Ă concevoir et Ă ĂŠlever des enfants. Les âmes et les esprits des femmes sont façonnĂŠs comme instruments nourriciers et relationnels – et c’est lĂ le niveau le plus profond de notre conditionnement, un niveau qui est presque complètement inconscient. Il me semble qu’avoir recours Ă des caractĂŠristiques qui se sont dĂŠveloppĂŠes chez les femmes au cours de milliers d’annĂŠes oĂš, par vertu de notre capacitĂŠ Ă donner naissance et Ă nourrir la vie, notre valeur première a ĂŠtĂŠ la reproduction, ne nous mènera pas au-delĂ du patriarcat. Alors, comment la mise en avant de ce principe fĂŠminin – s’il est enracinĂŠ dans cet aspect du soi le plus conditionnĂŠ – nous aiderait-elle Ă forger une nouvelle culture ?

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ette question me ramena Ă Carl Jung et Ă un fait surprenant qui ĂŠtait sous mon nez : Jung ĂŠtait un Victorien. Ses idĂŠes sont si centrales Ă la psychologie d’avant-garde d’aujourd’hui que j’en avais presque nĂŠgligĂŠ l’Êpoque et les prĂŠsupposĂŠs culturels qui avaient ĂŠtĂŠ son cadre. Jung est nĂŠ en Suisse, au milieu du règne de la reine Victoria, Ă l’Êpoque de la rĂŠvolution industrielle en Europe. Ceci est très important : l’ère victorienne, comme jamais auparavant ni depuis, soutenait que le genre et la sexualitĂŠ ĂŠtaient au centre de notre identitĂŠ. Ainsi, au moment oĂš Jung, tout comme Freud et d’autres pionniers de la psychanalyse, dĂŠveloppait sa thĂŠorie, il n’Êtait pas conscient que sa comprĂŠhension des hommes et des femmes se situait dans un contexte culturel particulier. Bien que la civilisation humaine ait toujours ĂŠtĂŠ patriarcale, Ă un degrĂŠ ou Ă un autre, on pourrait facilement dire qu’à l’ère victorienne le patriarcat moderne, soutenu par des sciences nouvellement dĂŠveloppĂŠes qui cherchaient Ă prouver les diffĂŠrences extrĂŞmes entre les femmes et les hommes, atteignit son apogĂŠe. Les Victoriens ont parfait l’idĂŠe que les hommes et les femmes sont opposĂŠs. Comme Jung le disait lui-mĂŞme, ÂŤ Qu’est-ce qu’un homme peut dire d’une femme, son propre opposĂŠ ? Âť. Selon Thomas Laqueur dans La fabrique du sexe, Essai sur le corps et le genre en Occident (Gallimard, 1992), brillante exploration de l’Êvolution de notre comprĂŠhension du corps, du sexe, et du genre au cours des siècles, les philosophes et scientifiques du 19e siècle ĂŠtaient dĂŠterminĂŠs Ă prouver que ÂŤ non seulement les sexes sont diffĂŠrents, mais qu’ils sont diffĂŠrents dans tous les aspects concevables du corps et de l’âme, dans tous les aspects physiques et moraux. Âť Avant cela et jusqu’au siècle des Lumières, l’homme et la femme existaient dans un continuum dans lequel la femme ĂŠtait infĂŠrieure, souvent tournĂŠe en ridicule, mais n’Êtait pas diamĂŠtralement opposĂŠe ni fondamentalement diffĂŠrente de l’homme. La diffĂŠrence entre ces deux points de vue est peut-ĂŞtre subtile, mais les implications sont profondes pour le potentiel des hommes et des femmes. Comme Laqueur le fait remarquer,

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il est difficile pour nous qui voyons Ă travers des yeux post-Lumières de comprendre qu’il peut y avoir une autre façon de voir. La psychologie au temps de Jung ĂŠtait un terrain inconnu, un monde totalement intĂŠrieur, invisible jusqu’alors, qui s’ouvrait Ă peine Ă la recherche. Le genre en ĂŠtait le catalyseur. Un ĂŠtrange problème chez des jeunes femmes intelligentes des classes supĂŠrieures de la fin du 19e siècle, dĂŠclencha une explosion d’intĂŠrĂŞt pour ce monde intĂŠrieur de la conscience humaine. La dichotomie aigĂźe entre les hommes et les femmes dans la culture victorienne devenait de plus en plus difficile Ă vivre pour ces dernières. Le monde ĂŠtait divisĂŠ en des sphères sĂŠparĂŠes d’activitĂŠ pour les femmes et les hommes, et cette division sociale ĂŠtait justifiĂŠe par l’insistance sur le fait que les deux sexes ĂŠtaient naturellement opposĂŠs. Si donc, les hommes ĂŠtaient suffisamment forts pour s’occuper du monde corrompu et malsain des affaires et de la politique, alors les femmes ĂŠtaient fragiles, trop moralement chastes et pures pour sortir de la maison. Les mĹ“urs de la sociĂŠtĂŠ victorienne et mĂŞme la mĂŠdecine ĂŠtaient focalisĂŠes sur cette dichotomie. Les hommes ĂŠtaient vus comme ĂŠtant actifs et dĂŠbordants de dĂŠsir sexuel, en consĂŠquence les femmes devaient ĂŞtre passives et sans dĂŠsir. Moins une femme ressentait d’Êmotions sexuelles plus elle ĂŠtait considĂŠrĂŠe comme vertueuse. L’esprit des jeunes femmes ĂŠtait aussi corsetĂŠ que leur corps. Dans ce contexte ĂŠtrange, des jeunes femmes brillantes commencèrent Ă manifester des symptĂ´mes psychosomatiques bizarres – cĂŠcitĂŠ, mutisme, incapacitĂŠ Ă marcher – cataloguĂŠs comme ÂŤ hystĂŠrie Âť du mot grec qui dĂŠsigne l’utĂŠrus. DĂŠcidĂŠ Ă rĂŠsoudre ce mystère et pour ajouter une corde Ă son arc, le jeune Sigmund Freud commença l’exploration qui lui valut la rĂŠputation bien mĂŠritĂŠe de père de la psychologie. Comme ses premiers ĂŠcrits le montrent, la plupart du temps, il se lançait un peu Ă l’aveuglette. En 1895, Freud et le chirurgien Wilhelm Fliess, croyaient que le siège du dysfonctionnement sexuel ĂŠtait le nez et que l’hystĂŠrie pouvait ĂŞtre guĂŠrie par la chirurgie. (Dans leur zèle Ă prouver cette thĂŠorie, les deux hommes finirent par dĂŠfigurer une pauvre jeune femme). Ă€ peine dix ans plus tard en 1908, les explications de Freud sont devenues plus psychologiques que physiques. En faisant remarquer que nous avons un double code de moralitĂŠ pour les femmes et pour les hommes, il reconnaĂŽt que les troubles des femmes, y compris ÂŤ l’infĂŠrioritĂŠ intellectuelle indubitable de tant de femmes Âť, avait Ă voir avec ÂŤ l’inhibition de la pensĂŠe Âť ÂŤ que la suppression du dĂŠsir sexuel rendait nĂŠcessaire Âť. En d’autres termes, les femmes ne pouvaient pas vraiment laisser aller leur curiositĂŠ et penser librement, car si leurs pensĂŠes vagabondaient autour d’un sujet sexuel, cela signifiait qu’elles ĂŠtaient des femmes dĂŠviantes et mauvaises. Seules les femmes dĂŠpravĂŠes avaient des pensĂŠes et des ĂŠmois sexuels. C’est dans ce contexte que Jung construisait ses thĂŠories – au sein d’un monde divisĂŠ par l’opposition des genres et qui commence Ă peine Ă s’ouvrir Ă la profondeur de la psychĂŠ humaine.

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Nous sommes les hĂŠritiers de ce monde. Comme le remarquait Freud, nous n’hĂŠritons pas seulement du paysage psychologique de nos parents, mais aussi de celui de nos grands-parents et arrière-grandsparents. Nous les baby-boomers qui avons grandi dans l’Êcho culturel de l’ère victorienne des annĂŠes 50 et 60, avons intĂŠriorisĂŠ ces distinctions oppositionnelles dans nos psychĂŠs, et elles hantent nos notions du fĂŠminin divinisĂŠ. Pour nous, les stĂŠrĂŠotypes culturels des femmes de l’ère victorienne – la chaste vierge, la figure maternelle sexuellement pure, la catin rabaissĂŠe, la vieille femme folle et mĂŠprisĂŠe – sont des archĂŠtypes qui pèsent lourdement dans nos psychĂŠs. Mais ces archĂŠtypes montrent comment les femmes et leur relation Ă la force de vie ĂŠlĂŠmentaire – leur sexualitĂŠ – ont ĂŠtĂŠ dĂŠnaturĂŠes dans cette culture polarisĂŠe sur le genre. L’insistance sur l’opposition entre le masculin et le fĂŠminin, le mâle et la femelle, est une expression du patriarcat. En cĂŠlĂŠbrant ces archĂŠtypes fĂŠminins comme divins, nous maintenons la sĂŠparation et la division, internes et externes, sur laquelle notre culture prĂŠtendue masculine est basĂŠe. Ces archĂŠtypes et la division masculin/fĂŠminin viennent du paysage psychologique du statu quo, que toute nouvelle culture doit transcender. La question reste : comment ?

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lors que le but de mettre en avant le principe fĂŠminin, a toujours ĂŠtĂŠ de crĂŠer un nouveau système de valeurs basĂŠ sur l’expĂŠrience des femmes, renversant ainsi les valeurs ÂŤ masculines Âť de domination et de sĂŠparation, nous finissons toujours au contraire par renforcer la polarisation masculin/fĂŠminin, qui est Ă la racine mĂŞme du patriarcat. Quand nous, les femmes du baby-boom, parlons de ce que le fĂŠminin peut apporter Ă la culture, nous parlons souvent des qualitĂŠs nourricières de la ÂŤ bonne Âť femme victorienne, qualitĂŠs dont notre monde mal-en-point a bien besoin. Mais notre identification persistante Ă ces attributs domestiques mettent les femmes politiques, leader sur le plan national, face Ă un dilemme : si elles mettent l’accent sur le ÂŤ soin Âť, le soutien ou la fonction nourricière, elles sont perçues comme ÂŤ trop douces Âť pour le monde dur de la politique, mais si elles font preuve d’intĂŠrĂŞt pour d’autres questions, elles deviennent effrayantes par leur manque de fĂŠminitĂŠ. Une autre façon pour nous les femmes d’aborder le changement culturel consiste Ă nous reflĂŠter dans la nature. Nous exprimons une inquiĂŠtude pour ce corps fertile qu’est la terre et un besoin de prendre soin de notre jardin. Il est certain que nous devons ĂŠtendre nos qualitĂŠs nourricières Ă la grande famille humaine et Ă l’arbre de vie dans sa totalitĂŠ. Mais en assimilant les femmes au corps et Ă la nature, nous renforçons cette croyance profonde de la culture patriarcale qui divise les hommes et les femmes : les femmes sont la nature ; les hommes sont la culture. Les femmes sont le corps ; les hommes sont l’esprit. Les femmes sont atten-


tionnĂŠes ; les hommes sont agressifs. D’une façon similaire, en magnifiant le fĂŠminin dans le domaine personnel nous nous trouvons maintenant face Ă un drĂ´le de mĂŠlimĂŠlo, qui est une tentative de rĂŠsoudre cette division, sans succès. Typiquement, le nouvel idĂŠal du Divin FĂŠminin, ou fĂŠminin divinisĂŠ, est une combinaison de soins attentionnĂŠs et de sexualitĂŠ – ÂŤ l’ange dans la maison Âť de l’Êpoque victorienne – ou encore ÂŤ la fĂŠe du logis Âť – matinĂŠe de vampe style pub pour Aubade, dĂŠesse du sexe, ou mĂŞme de bonne-maman gaillarde, ÂŤ mamie verte Âť, avec tout ce que ça implique sexuellement – tendance que recommande l’auteur et analyste jungien Jean Shenoda Bolmen aux femmes mĂŠnopausĂŠes du baby-boom. L’idĂŠal fĂŠminin actuel est d’être bonne, belle, sexy, compassionnelle, gĂŠnĂŠreuse et aimante. Comme l’ombre de l’idĂŠal de femme dĂŠsincarnĂŠe de l’ère victorienne plane toujours sur notre psychĂŠ, nous pensons souvent Ă notre libĂŠration en termes de reconquĂŞte et de cĂŠlĂŠbration de notre sexualitĂŠ, de nos ĂŠmotions et de ces rĂ´les calquĂŠs sur la biologie qui sont censĂŠs nous maintenir en phase avec la nature. Il est vraiment troublant de remarquer Ă quel point cette dernière incarnation du Divin fĂŠminin rassemble les aspects de la femme qui sont le plus valorisĂŠs dans le patriarcat – sexualitĂŠ et maternitĂŠ – et brandit cette image comme ĂŠtant notre but ĂŠvolutif. Ă€ nouveau, la femme c’est le corps – mais le corps pur, ÂŤ naturel Âť et sexuel, comme s’il ĂŠtait possible de s’extraire de la culture. Mais, encore plus important, implicite Ă tout cela est l’idĂŠe que nous les femmes sommes vierges du patriarcat et innocentes de cette culture dont nous sommes si imprĂŠgnĂŠes. IdĂŠe qui montre que nous ĂŠpousons encore cette image de ÂŤ femmes bonnes Âť moralement supĂŠrieures au marasme et aux conflits du monde. Cette division-là – les hommes dans la sphère publique et les femmes restant innocemment Ă la maison dans la sphère privĂŠe — est le patriarcat victorien. Elle correspond Ă une division en nous-mĂŞme dont peu de femmes parlent avec profondeur et sĂŠrieux. Les archĂŠtypes Jungiens sont particulièrement instructifs ici parce qu’ils reprĂŠsentent les couches sĂŠdimentaires des rĂ´les et des rĂŠponses instinctifs des femmes dans le système patriarcal. ÂŤ Le patriarcat ‌ est le mariage entre le versant sombre du fĂŠminin et le masculin nĂŠgatif Âť, nous dit Carolyn Baker, une analyste jungienne, auteur de Reclaiming the dark feminine (RĂŠintĂŠgrer le versant sombre du fĂŠminin), ÂŤ Si nous voulons comprendre et dĂŠconstruire le patriarcat, nous devons parler du versant sombre du fĂŠminin tout autant que de la partie nĂŠgative du masculin Âť. D’après moi, la plupart du temps, les approches du fĂŠminin divinisĂŠ n’Êvoquent que de façon superficielle le versant sombre – les aspects du soi inconscients, rĂŠprimĂŠs ou niĂŠs – si encore elles en parlent. S’il est bien admis que le patriarcat (particulièrement dans sa version victorienne, ajouterai-je) a crĂŠĂŠ un contexte oĂš les femmes rĂŠprimaient leur sexualitĂŠ, la seule rĂŠponse semble ĂŞtre d’encourager les femmes ÂŤ Ă incarner leur extase Âť, comme le prĂŠconise le site Divine-feminine.com. ĂŠtre sexy fait maintenant partie du profil, ce qui ne dĂŠrange en rien le patriarcat. Au contraire cela ne fait qu’accentuer l’attention que nous portons Ă ĂŞtre sĂŠduisantes, dĂŠsirables et obligeantes. Mais notre versant sombre est tout sauf attrayant et c’est pour cela, comme le souligne Irene Claremont

de Castillejo dans son livre de 1973 Knowing woman (ConnaĂŽtre la femme), que peu de femmes veulent approcher ces aspects de notre psychisme. Après tout, Aphrodite n’est pas seulement la dĂŠesse de l’amour, elle est aussi capable de vengeance impitoyable et de jalousie destructrice, particulièrement vis-Ă -vis des autres femmes. Tant que nous ne reconnaĂŽtrons pas l’intĂŠgralitĂŠ de ce que nous sommes, nous continuerons Ă projeter la noirceur sur les hommes et ainsi laisserons intactes les divisions polarisantes qui maintiennent le patriarcat en place.

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ous, les femmes, pouvons faire avancer la culture et crĂŠer le futur au-delĂ du patriarcat. Ce ne sera pas facile et ne nous semblera pas forcĂŠment ÂŤ naturel Âť, si nous dĂŠfinissons notre nature première d’après les rĂ´les culturels que nous avons tenus presque tout au long de l’histoire. Jung lui-mĂŞme a vu chez les femmes un potentiel propre Ă faire ĂŠvoluer la conscience. Comme l’explique Castillejo, Jung en est venu Ă croire ÂŤ que l’homme ne peut pas aller plus loin dans la recherche de la conscience tant que la femme ne l’aura pas rattrapĂŠe Âť. VoilĂ peut-ĂŞtre un os dur Ă avaler pour nous les femmes postmodernes. Mais Jung parle bien de l’ÊnormitĂŠ de la tâche que nous avons Ă accomplir pour aller au-delĂ de nos rĂ´les biologiques et culturellement admis. Dans une confĂŠrence qu’il a donnĂŠ dans l’entre deux guerres, “Woman in Europeâ€? (La femme en Europe), Jung a reconnu ÂŤ que la femme fait face Ă une tâche culturelle incommensurable [qui sera] peut-ĂŞtre‌ l’aube d’une ère nouvelle Âť, parce que les femmes aspirent ÂŤ Ă plus de conscience‌ [pour] ĂŠchapper au dynamisme aveugle de la nature Âť dans laquelle il nous voit enfermĂŠes. En d’autres termes, Jung a compris qu’au sein du patriarcat, l’existence des femmes ĂŠtait focalisĂŠe sur notre capacitĂŠ Ă procrĂŠer (ou non) – vierge, ĂŠpouse, mère, mamie – ce qui a considĂŠrablement ralenti l’Êvolution de notre aptitude Ă la pensĂŠe crĂŠatrice, que les mâles privilĂŠgiĂŠs de l’espèce ont pu dĂŠvelopper Ă travers tâtonnements et erreurs sur plusieurs millĂŠnaires . ÂŤ Tant que la femme vivra la vie du passĂŠ elle ne sera jamais en conflit avec l’histoire Âť dit-il ÂŤ mais dès qu’elle commence Ă dĂŠvier, mĂŞme de façon infime, de la tendance culturelle dominante du passĂŠ, elle prend la pleine mesure du poids de l’inertie de l’histoire. Âť Se confronter Ă cette inertie pour libĂŠrer nos âmes et nos esprits des identifications dans lesquelles nous sommes engluĂŠes Ă travers les âges serait hĂŠroĂŻque. C’est une forme nouvelle d’hĂŠroĂŻsme qui exige la crĂŠation de quelque chose de neuf en nous. Le but serait de dĂŠvelopper une conscience qui inclut notre hĂŠritage biologique et culturel tout en le transcendant, crĂŠant ainsi dans la culture un nouvel espace de relations, libre, catalyseur d’un nouveau partenariat entre les femmes et les hommes. Ce serait une nouvelle expression du fĂŠminin, et ĂŠtant donnĂŠ son importance pour la transformation du monde, une telle aventure est rien moins que sacrĂŠe. Gfli Xcc\i gclj cf`e Xm\Z cX eflm\cc\ c`Y„iXk`fe [\j ]\dd\j# \e Xe^cX`j# Xcc\q ~ n`\%fi^&nfd\e

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‘ai toujours été écologiste plus ou moins réticent. Bien qu’ayant grandi dans des faubourgs californiens de la fin du 20e siècle, je suis tombé raide amoureux de la profondeur, de l’espace et de la beauté des montagnes du parc national Yosemite de John Muir dont je me suis, en quelque sorte, nourri. Celles-ci étaient tout ce que mon univers de béton, de parkings et de technologie informatique n’était pas – sereines, silencieuses, élémentales, riches d’un indéniable mystère. Elles étaient tout aussi spirituelles qu’une église – dogmatisme et ventes de charité en moins. La beauté sauvage de la forêt des hauteurs de la région du Sierra fit de moi un écolo romantique et, durant mes études supérieures à Atlanta, le sort de la nature finit par me préoccuper suffisamment pour m’inciter à vouloir agir. J’ai donc organisé des nettoyages de rivières et des pétitions, étudié les classiques de la littérature américaine traitant de la nature, siégé au comité environnemental du sénat de l’université. Je suis allé faire du lobbying sur la colline du Capitole à Washington, et manifester dans le Tennessee contre les usines de pastilles de silicium et les réacteurs nucléaires. J’ai même intercepté un navire marchand

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brésilien faisant cap vers le port de Savannah afin de l’empêcher de débarquer sa cargaison illégale d’acajou en provenance d’Amazonie, encore humide du sang de tribus indigènes. Je n’oublierai jamais combien je me sentais des ailes ce jour-là, tandis que notre petite embarcation filait sur les vagues au lever du soleil, fort de ma liberté et de mon droit à enfreindre la loi, risquant mon avenir, mais en phase avec mes convictions. Mais je me souviens encore davantage du désarroi et de l’étrange malaise qui m’envahirent une fois l’opération terminée, alors que nous rentrions chez nous par les forêts crépusculaires des côtes de Géorgie. C’était l’affirmation ultime du « nous versus les autres », et pourtant, d’une certaine façon, je n’étais plus en accord avec moi-même. À moins d’une semaine de mon 21e anniversaire, je réalisai avec terreur combien je m’étais déjà éloigné de l’amour, de l’idéalisme, de la volonté de changer les choses, pour tomber dans la colère, la frustration et un cynisme qui frisait de plus en plus le désespoir. Je constatai la même chose chez mes amis. Cela nous éloigna les uns des autres et, lorsque l’urgence de notre mission nous réunissait, nous nous retrouvions dressés contre le reste du monde. Je sus que c’en était fini de ma période éco-extrémiste. Mais ce que j’ignorais alors, c’était que je me heurtais à une ombre si fondamentale de l’écologisme moderne, qu’il me faudrait plus de dix ans pour réussir à m’en dégager. Que partout où me conduirait mon chemin de jeune militant au cours des années suivantes – d’une coopérative biodynamique isolée au fin fond du Missouri rural jusqu’au réseau de tours du monde associatif de San Francisco –, je marcherais sur une piste usée jusqu’à la corde qui conduisait à une impasse. En fait, c’est seulement au printemps dernier qu’un jour, j’ai finalement compris ce qui n’allait pas et comment faire pour y remédier. Le jour où un livre intitulé Worldchanging (Changer le Monde) se retrouva sur mon bureau et me rendit de nouveau fier de me dire écologiste.

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i le sang qui coule dans vos veines est aussi vert que le mien, il se peut que, vous aussi, vous vous trouviez sous les ailes d’une ombre si proche qu’elle soit difficile à voir. Cet angle mort n’a pas tant à voir avec l’environnement qu’avec la manière dont nous le percevons – et dont nous nous percevons nous-mêmes. Pour moi, le problème environnemental le plus crucial n’est pas le changement climatique, ni la faim dans le monde, ni la biodiversité, pas plus que la déforestation, le génie génétique et tout ce genre de choses. Le problème essentiel qui va déterminer ce que nous allons faire de tout cela, c’est cette ambivalence, au tréfonds de nous-mêmes, envers la race humaine et notre présence sur la planète Terre. « Au cœur des écologistes et de l’écologie résident à la fois

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Cette dichotomie aiguë entre la nature humaine et la nature proprement dite donna le ton de l’épineux affrontement de l’écologisme américain avec la modernité. Se méfiant de l’industrie, abordant le progrès avec circonspection et souvent hostiles à l’innovation et à l’entreprise, les écologistes du 20e siècle se retrouvèrent pris dans une singulière impasse. D’un côté, se trouvait le désir de préparer un meilleur avenir pour le monde et ses enfants ; de l’autre, la peur que les outils et technologies mêmes qui permettraient d’atteindre ce résultat ne constituent eux-mêmes les pires ennemis de notre avenir. Des courants de pensée rivaux opposaient la foi dans les solutions progressistes de la science, et la nécessité de préserver la pureté de la nature tant que nous en avions encore la possibilité. Toutefois, au fil du siècle, tandis que nous passions d’Hiroshima et Nagasaki au terrifiant Printemps silencieux de Rachel Carson, il devint de plus en plus difficile d’ignorer que nous avions le pouvoir de détruire le monde. « Au sein du mouvement de conservation », écrit A. Kirk, « l’ambivalence croissante envers la technologie se transforma en une véritable technophobie. » Les peurs d’un désastre écologique et d’une apocalypse postindustrielle devenant plus plausibles, la majorité en vint à considérer que le meilleur des avenirs résidait dans un rapide retour au passé. Voilà, plus ou moins, où en sont en grande partie les choses dans les sphères écologistes actuelles. Sur les franges radicales, des militants extrémistes battent toujours le tambour de la rébellion contre les ravages du commerce et de l’industrie. Récemment, le double volume de Derrick Jensen Endgame (La fin du jeu), par exemple, appelait à la destruction volontaire de la civilisation afin de sauver le monde. Même les têtes pensantes du courant majoritaire, qui pourtant désapprouvent fortement les tactiques extrémistes, sont largement d’accord avec ce message. Prenez par exemple le populaire écrivain naturaliste Bill McKibben, dont le best-seller Enough (Assez), paru en 2003, déplore que « le sens ne cesse de se perdre depuis fort longtemps, quasiment depuis la naissance de la civilisation ». Son dernier livre, Deep Economy (Economie profonde), s’élève avec vigueur contre la notion même de progrès, affirmant que la seule manière d’assurer un “avenir durable” pour notre planète en péril consiste à revivifier les cultures et économies locales de petite échelle. Peu importe où l’on se situe sur le spectre vert, il semble que l’on cherche d’une manière ou d’une autre à freiner des quatre fers, voire à inverser les courants de l’histoire. Ce futur fait de choses simples dont rêve B. McKibben – acheter ses légumes à la ferme, observer les oiseaux, faire une tarte pour son voisin – est aussi le rêve de beaucoup d’autres, et je le comprends fort bien. Dans un monde de galeries marchandes éclairées au néon, d’aliénation postmoderne et de voisins étouffés par le cancer et l’asthme, l’appel romantique d’un passé agraire

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idyllique peut être très puissant. Pourtant, chaque fois que je me laisse aller à rêver au temps passé, je finis toujours par éprouver la même chose que ce fameux jour à Savannah – figé, paralysé, bizarrement décalé par rapport à mon propre temps. N’est-ce pas la modernité elle-même que nous devons remercier si la plupart d’entre nous ne meurent pas de faim ou de maladie, ou si nous jouissons de droits fondamentaux comme la liberté et l’égalité, ou même si nous en savons assez sur le fonctionnement de l’univers pour réfléchir à des sujets tels que les écosystèmes de notre planète ? Par ailleurs, je me demande si nous aurions encore la possibilité de faire marche arrière. La moitié des habitants de la planète a moins de trente ans, et un tiers moins de quinze (ce qui, en chiffres, représente 2,2 milliards de jeunes). Nous allons ajouter à ce globe déjà en plein réchauffement climatique un petit millier d’usines à charbon au cours des dix années à venir, et une ville de la taille de Seattle tous les quatre à sept jours. Dans les prochaines décennies, des milliards de personnes vont migrer vers les bidonvilles du monde industrialisé pour tenter d’échapper à la pauvreté. Que nous y soyons prêts ou non, nous nous trouvons tous sur une trajectoire qui nous entraîne rapidement vers un monde qui bat en brèche tous nos repères, y compris ceux du 20e siècle. Et le futur n’attend personne.

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arlons mainteant de Worldchanging, ce livre sortit au printemps dernier, porteur de nouvelles sur un paradigme environnemental si effrontément avant-gardiste qu’il fit presque sauter mes circuits verts avant même que je l’aie ôté de son élégante jaquette. Worldchanging: A User’s Guide for the 21st Century : ce titre est également le nom du blog internet Worldchanging.com dont est tiré le livre. Dirigé par un journaliste écologique d’avant-garde dénommé Alex Steffen, Worldchanging est l’une des places fortes d’un réseau grandissant de penseurs qui définit un ordre du jour écologique ultramoderne, comblant le fossé entre nature et société. Après un bon siècle d’efforts bien-pensants visant à restreindre, réduire et tempérer notre présence sur Terre, ces penseurs affirment qu’il est temps pour l’écologie de faire un virage à 180°. Abandonnant les vieux dogmes de la vertitude classique et de la mise au pas des moteurs du capitalisme, de la haute technologie et de l’ingéniosité humaine, ils se font les fers de lance de la fabrication d’un futur spectaculairement durable. “Verts vifs” – ainsi qu’ils se qualifient eux-mêmes –, ils vont à coup sûr vous donner des boutons si vous appartenez un tant soit peu au monde “vert

sombre” (selon leurs propres termes) de la vieille école. La bonne nouvelle, c’est qu’ils pourraient bien aussi vous libérer et radicalement transformer votre vision des choses. Worldchanging s’inspire d’une série de conférences données au cours des années qui ont précédé ce millénaire par le cybergourou, futuriste et auteur de science-fiction Bruce Sterling, et du mouvement “Viridian Design” dont B. Sterling est le fondateur. Plus connu en ce temps-là comme l’un des pères du mouvement cyberpunk que comme le prophète d’un nouvel écologisme du 21e siècle, B. Sterling n’en avait pas moins entrepris de délivrer aux sphères du design industriel une prétendue “prophétie” annonçant l’avènement d’un programme écologique d’avant-garde qui allait intégrer le consumérisme, et non plus le rejeter. Sa mission : s’attaquer au changement climatique, lequel constituait le défi esthétique le plus brûlant de la planète. « Pourquoi ce problème est-il esthétique ? », demanda-t-il en 1998 à ses tout premiers auditeurs réunis au Centre des Arts Yerba Buena de San Francisco, non loin de mon ancien bureau du Comité de Défense des Ressources Naturelles. « Parce que c’est une grave faute de goût que de mijoter et suer jusqu’à en être à moitié morts dans nos propres déjections. De faire bouillir et rôtir tout l’univers physique simplement pour pouvoir continuer à nous livrer à notre minable addiction au dioxyde de carbone. » Voici comment Bruce Sterling explique l’écologie vert vif : « C’est une question de tactique. La société civile ne réagit pas bien du tout aux admonestations moralistes. Il existe ici et là de petites minorités convaincues qu’il est immoral de porter préjudice aux générations futures en se livrant aujourd’hui à une consommation massive : les écologistes dans l’âme, les Amish, les personnes qui se vouent à vivre dans la simplicité, les ashrams gandhiens, etc. Ces adeptes volontaires du bien public ne sont pas le problème. Mais ils ne sont pas la solution non plus, parce que la plupart des êtres humains ne se porteront pas volontaires pour vivre comme eux. Par contre, la société civile contemporaine se laisse conduire vers tout ce qui semble agréable, vers tout ce qui brille et séduit. La première tâche consiste donc fondamentalement en un acte d’ingénierie sociale. La société doit devenir Verte, et d’un ton de vert qu’elle va consommer avec empresse ment. Ce qu’il faut n’est pas un Vert naturel, un Vert spirituel, un Vert primitif ou un Vert romantique. Ces parfums de Vert ont déjà été essayés, et leur attrait s’est avéré insuffisant. (...) Le monde a besoin d’une nouvelle nuance de Vert, non naturelle, attirante, médiatique, glamour. Un Vert Viridian2, si vous voulez. »

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En 1999, à Chicago, B. Sterling développe son propos devant la Société des Concepteurs Industriels d’Amérique : « Cela ne peut pas être une de ces choses diffuses, l’un de ces fourre-tout éclectiques postmodernes. Oubliez tout cela, c’est terminé, c’était hier. Il faut que ce soit un mouvement bien ciblé, doctrinaire, à haute vélocité. Inventif, pas éclectique. Nouveau, pas copié-collé des résidus des tendances passées. Progressiste et de haute technologie, pas de l’artisanat médiévalisant à la William Morris. Que cela ait à voir avec une abondance d’énergie propre, de produits propres, de matériaux propres, sans aucun relent d’énergie sale, de produits sales, de matériaux sales. Explosif, pas ménageant. Expansif, pas “prise de tête”. Un mouvement consensuel, pas “underground”. Créateur d’un nouvel ordre, pas subversif d’un ordre ancien. Qui fasse le récit d’une nouvelle culture au lieu de remettre en question le récit d’hier. (…) La conception industrielle telle qu’elle existait au 20e siècle, c’est du passé. N’importe quoi peut ressembler à n’importe quoi de nos jours. Désormais, vous pouvez placer un pixel de n’importe quelle couleur sur un écran, un point d’encre précis n’importe où sur n’importe quel papier, vous pouvez bourrer de fonctionnalités les puces électroniques. Les limites ne sont plus d’ordre technologique. Les limites se trouvent derrière votre propre regard. Ce sont les limites imposées par les habitudes, les choses que vous avez acceptées, celles que l’on vous a dites, les réalités que vous ignorez. Cessez d’avoir peur. Réveillez-vous. Tout cela est à vous si vous le voulez. Tout cela est à vous si avez assez de cran. » C’était une philosophie qui renversait complètement le pivot de la pensée écologique, lui intimant de se focaliser, non plus sur les imperfections inhérentes à l’âme humaine, mais sur celles du monde que nous avons conçu – conçu, soulignait B. Sterling. Les choses sont ce qu’elles sont aujourd’hui, semblait-il dire, pour la simple raison que nous les avons créées ainsi, ni plus ni moins – et il n’existe aucune bonne raison pour qu’elles demeurent ainsi. Il est temps que nous raccrochions notre casquette de gardiens de la Terre pour assumer notre rôle de maître, suggérait-il, et cette suggestion déconcerte profondément l’écologiste vert sombre qui réside en moi. Mais à ce stade de l’histoire, ne serait-ce pas guère plus qu’une simple question de sémantique ? Alors que l’on retrouve des dérivés chlorés de type PCB dans la chair des manchots de l’Antarctique, il ne reste plus un centimètre carré à la surface de notre planète qui soit “vierge”, il n’existe plus aucun état “naturel”. Nous tenons les ficelles de la destinée de notre monde entre nos mains, et le luxe facile du cynisme quant à notre potentiel créatif de résoudre les choses commence semble-t-il à nous coûter désastreusement cher. Certes, nos piètres

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antécédents nous donnent toutes les raisons d’être prudents et toutes les excuses de nous montrer pessimistes. Mais pouvonsnous réellement nous permettre de ne pas prendre le risque de faire preuve d’optimisme malgré tout ? La foi de B. Sterling en la promesse fondamentale de la créativité humaine n’est pas sans rappeler de précédents visionnaires du design tels que Buckminster Fuller. « Je suis convaincu que la créativité est un a priori pour maintenir l’intégrité de l’Univers, que la vie est régénératrice et que la conformité n’a aucun sens », écrivait B. Fuller dans I Seem to Be a Verb (Il me semble être un verbe) en 1970, l’année même où nous avons eu notre première Journée de la Terre. « Je cherche à réformer l’environnement plutôt que l’homme », déclarait-il simplement. Ses idées ont influencé nombre des plus brillantes lumières écologistes du 20e siècle, dont Stewart Brand, fondateur du Whole Earth Catalog (Catalogue de la Terre globale) et de la communauté en ligne The WELL (Le BIEN), précurseur précoce d’Internet. S. Brand a repris l’approche de B. Fuller et a traversé avec elle les années 1960 et 1970, contribuant à lancer une contre-culture verte faisant amiami avec la technologie, qui s’efforçait d’extraire l’écologisme de la naturalité afin de le faire entrer dans les sphères de la technologie durable et de la justice sociale. « Nous sommes comme des dieux, et pourrions bien finir par faire du bon travail », écrivait-il dans l’édition originelle du Whole Earth Catalog parue en 1968. S. Brand s’est depuis lors maintenu sur le front évolutif de la pensée progressiste, fondant par la suite la Point Foundation, CoEvolution Quarterly (qui devint Whole Earth Review), la Hackers Conference, le Global Business Network, et la Long Now Foundation.

'+ éveil & évolution

En vieillissant, déclarait-il récemment dans le New York Times, il continue de devenir « plus rationnel et moins romantique. (…) Je ne cesse de voir le mal fait par le romantisme religieux, le terrible conservationnisme du romantisme, le pessimisme invétéré du romantisme. Cela nous immunise un peu de l’état d’esprit scientifique. » Nombreux sont ceux qui se rappellent le Whole Earth Catalog avec tendresse, de cette tendresse réservée à nos guides les plus précieux. « C’était une sorte de Google en livre de poche, trente-cinq ans avant l’heure », se souvient Steve Jobs, cofondateur d’Apple. « C’était idéaliste, et regorgeait d’outils sympas et de grandes notions. » Pour Alex Steffen, c’est l’endroit « où toute une génération de gamins un peu allumés nés dans une communauté, comme moi-même, a appris à avoir des rêves qui sortaient des sentiers battus ». Et sur Worldchanging, ces rêves verts hétérodoxes sont devenus un Whole Earth Catalog à haute vélocité de la génération Internet, tout aussi inventif, idéaliste et insolemment ambitieux que son prédécesseur : « Il va falloir, dans les quelque vingt-cinq prochaines années, faire quelque chose de radicalement inédit », écrit A. Steffen dans son introduction de Worldchanging. « Nous devons consciencieusement reconcevoir toute la base matérielle de notre civilisation. Le modèle par lequel nous allons la remplacer doit être considérablement plus écologiquement durable, il doit grandement améliorer la prospérité de chaque habitant de la planète, et non seulement fonctionner dans les zones de chaos et de corruption, mais également aider à les transformer. Il s’agit déjà là, en soi, d’une tâche d’une ampleur titanesque, mais il y a encore une complication : nous


n’aurons pas de deuxième chance. Le changement demande du temps, et le temps, c’est justement ce qu’il nous manque. (…) Ne pas agir avec assez d’audace pourrait revenir à la même chose que ne pas agir du tout. »

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n autre monde est possible », affirme le populaire slogan du Forum Social Mondial qui réunit chaque année les altermondialistes des quatre coins de la planète. Pas du tout, rétorque Worldchanging dans un riff conscient sur le thème : « Il existe un autre monde ici ». En effet, l’écologie vert vif s’intéresse moins aux problèmes et limitations à surmonter, qu’aux « outils, modèles et idées » qui existent déjà pour les surmonter. Renonçant à la sinistrose de la protestation et de la dissidence, il affiche une foi dynamisante dans les solutions constructives. Comme le déclarait B. Sterling dans son premier discours sur le “Viridian Design”, rendant hommage à William Gibson : « Le futur est déjà là, simplement, il n’est pas encore bien diffusé. » Bien sûr, personne ne sait exactement à quoi ressemblera cet avenir vert vif : celui-ci ne se dessinera qu’au fil de son édification. Worldchanging: A User’s Guide compte six cents pages, et aucune des recettes de toute cette corne d’abondance n’en occupe davantage que quelques-unes. Il s’agit d’une mine d’informations inspirée à laquelle je ne peux même pas commencer à rendre justice ici. Mais ce livre présente également une palette étonnamment intégrée d’outils permettant une action créative immédiate, sorte de charte vert vif basée sur ce qu’il existe de mieux à ce jour en matière de connaissances et d’innovations – et perpétuellement ouverte à l’amélioration. Pour commencer, les principes fondamentaux de Worldchanging sont basés sur le concept de l’empreinte écologique. « L’empreinte écologique constitue une métaphore qui nous permet de comprendre notre impact sur la planète et ce que signifie la durabilité », écrit Alex Steffen. « Elle réduit cet impact à un seul chiffre et le mesure en termes de superficie. » Votre empreinte écologique représente la surface de la planète requise pour vous fournir l’intégralité de ce que vous consommez, aussi bien directement qu’indirectement – depuis votre eau, votre demeure, votre électricité et votre nourriture, jusqu’au camion qui a livré cette dernière chez l’épicier, sans oublier le carburant consommé par ce camion et même les routes qu’il a empruntées. Divisez la surface de la Terre en à peu près six milliards et demi de parcelles, et vous obtenez la part équitable et durable d’une unité de ressources non extensible revenant à chaque individu – en d’autres termes, la superficie par individu requise pour ne pas dépasser la superficie totale de notre planète. Ici, en Occident, nos empreintes écologiques sont plutôt cinq ou dix fois plus importantes et, selon le mouvement vert vif, nous avons une trentaine d’années pour réduire ce chiffre à la cote “une seule planète”.

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Juste au cas où vous imagineriez pouvoir réduire de grosso modo quatre-vingts ou quatre-vingt-dix pour cent votre consommation des capacités de la planète en changeant d’ampoules électriques ou en dépensant une fortune en produits bio, n’y pensez plus ! Vous aurez beau vous acheter une Prius, installer quelques panneaux solaires et vous habiller en cuir végétal – vous ne pourrez pas vous payer un futur vert vif. Sur Worldchanging, on appelle cela le « mythe de la responsabilité individuelle du mode de vie ». Les petites actions sont bonnes, déclare A. Steffen, mais ce ne sont pas elles qui vont rapprocher de quelque manière nos empreintes écologiques de l’objectif une seule planète, car elles ne vont pas transformer les systèmes et infrastructures gravement non durables dans lesquels nos vies sont profondément enracinées : « Nous n’avons pas besoin de davantage de recyclage, mais d’un système radicalement différent de production en boucle fermée, et peu importe combien de bouteilles en plastique je porte au tri sélectif, mes actes personnels au niveau du consommateur jouent un rôle vraiment mineur pour nous mener à ce chiffre d’une seule planète. Même des millions de plus d’éco-consommateurs ne suffiront pas. Non, ce qu’il nous faut, me semble-t-il, c’est un mouvement mondial d’individus qui comprennent les systèmes dans lesquels nous sommes ancrés, qui recherchent et mettent en place activement de meilleurs modèles aptes à les remplacer, et qui parviennent à communiquer leur vision à leurs concitoyens. » L’écologiste canadien William Rees, qui inventa l’expression « empreinte écologique » en 1992, partage lui aussi cet avis : « Nous sommes tous sur le même bateau », déclarait-t-il récemment dans le quotidien Vancouver Sun, « et ce que chacun de nous fait dans sa cabine n’a quasiment aucun impact sur la direction suivie par ce bateau. » (De toute façon, il nous faudra toujours acheter des choses pendant ce voyage, et le mouvement vert vif nous suggère de passer moins de temps à nous escrimer sur les petites choses, et davantage à établir une stratégie pour nos achats plus importants afin de soutenir l’innovation et contribuer à faire progresser les marchés vers la durabilité.) Lorsqu’il s’agit de modifier les structures et les systèmes qui constituent les véritables clés de voûte d’un mode de vie ne requérant qu’une planète, Worldchanging s’inspire de deux des écologistes vert vif les plus célèbres à ce jour : l’architecte américain William McDonough et le chimiste allemand Michael Braungart, auteurs de Cradle to Cradle: Remaking the Way We Make Things3. Voilà plus de vingt ans que ces pionniers visionnaires d’une conception écologiquement intelligente font de leur mieux pour rendre obsolètes l’architecture et l’industrie du 20e siècle, en éliminant le concept même que les bâtiments, les procédés de production et l’utilisation des matériaux puissent produire des déchets. « Pour parvenir à un système de production et de * 9\iZ\Xl ~ Y\iZ\Xl 1 i `em\ek\i c\j gifZ [ j [\ ]XYi`ZXk`fe gXi fggfj`k`fe Xl df[ c\ XZkl\c ÈY\iZ\Xl ~ kfdY\É E[K

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Extrait de WorldChanging

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mais également l’une des meilleures stratégies pour préserver la nature. Pour construire une société “une seule planète”, il sera essentiel de rejeter l’inefficacité prodigue des banlieues et d’apprendre à intégrer, de façon dense, communautés urbaines orchestrées, espaces agricoles et habitats naturels sains. « L’esthétique écologique consiste à aimer les villages et mépriser les villes », avait écrit Stewart Brand dans la Technology Review du MIT : « J’ai changé d’avis il y a quelques années, lorsqu’une de mes connaissances indiennes me dit que dans les villages indiens, les femmes obéissaient à leur mari et aux membres âgés de la famille, qu’elles pilaient le grain, et chantaient. Mais, m’expliqua cette personne, quand les femmes indien-


nes allèrent vivre dans les villes, elles se mirent à travailler et exigèrent que leurs enfants reçoivent une éducation. Elles devinrent plus indépendantes tandis que leurs croyances religieuses perdaient de leur rigueur. L’urbanisation constitue la mutation la plus massive et la plus soudaine de toute l’histoire de l’humanité. Les écologistes seront récompensés s’ils l’accueillent et prennent les devants. » Partout dans le monde où la population urbaine prend le pas sur la population rurale, explique S. Brand – environ deux cent mille personnes quittent chaque jour la campagne pour aller vivre à la ville, et la planète vient juste de dépasser le cap de 50 % de population urbaine cette année –, le nombre de naissances s’effondre et la démographie se stabilise. Il s’agit là d’une excellente nouvelle pour les pays en voie de développement écrasés par des pressions économiques, environnementales et sociales sans précédent, car les défis de l’urbanisation vont de pair avec une explosion d’opportunités elle aussi sans précédent. Selon A. Steffen, la vision vert vif du développement durable traite « les difficultés sociales et liées à la durabilité comme des problèmes qui peuvent trouver leur solution dans une application consciente et contextuelle de l’innovation ». Mais ces solutions ne viendront pas du monde développé, prévient-il. Elles seront créées « dans les rues des villes du monde en voie de développement, par une génération plus jeune qui est juste en train de s’épanouir. Ces jeunes n’ont pas besoin de nos réponses, mais des outils qui leur permettront de trouver et de partager leurs propres réponses ». À cette fin, Worldchanging prône des modèles de conception, de copyright et d’attribution de licences d’utilisation ouverts à tous, qui encouragent la collaboration et permettent d’adapter au mieux les solutions au contexte local, ainsi que de réinventer librement les technologies afin de rester en phase avec l’évolution des réalités sur le terrain. Le site appelle aussi à « court-circuiter » les coûteuses infrastructures du premier monde pour adopter directement des technologies de pointe dans les pays en voie de développement, en utilisant d’emblée les téléphones cellulaires au lieu de lignes téléphoniques enterrées et les cellules solaires au lieu de poteaux électriques. Plus nous relierons le monde par des réseaux ouverts et accessibles basés sur les technologies d’information, pensent ses créateurs, plus la précaire tension « entre le devenir urbain et l’effondrement urbain » oscillera vers un futur vert vif. Le kit d’outils radical présenté par Worldchanging pour le monde de demain compte de très nombreux autres éléments – dont certains nous sont plus familiers (énergies renouvelables propres, neutralité carbone, moyens de transports et agriculture durables, justice environnementale), et d’autres moins. Parmi ces derniers, un aspect se démarque tout particulièrement : le paradigme vert vif ne comportera, du moins selon B. Sterling, aucun soupçon de spirituel ni de mystique. Spiritualité et mysticisme sont « tout simplement complètement tabous pour nous », déclara-t-il le jour de l’inauguration du Viridian Design Movement.

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ÂŤ Si quelque chose ne trouve pas grâce aux yeux du magazine Skeptical Inquirer, nous ne voulons pas en entendre parler. N’entendez pas par lĂ que nous allons nous lancer dans de grandes bagarres publiques contre les Verts mus par une motivation spirituelle et autres genres d’hippies illuminĂŠs. Cela ne sert Ă rien et c’est une perte de temps, comme de molester les Quakers et les Amish. Nous allons simplement sereinement les ignorer, comme tout le monde. Âť

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yant moi-mĂŞme ĂŠtĂŠ du genre ÂŤ hippie illuminĂŠ Âť, je peux comprendre ce que Bruce Sterling rĂŠfute ici. De nos jours, le mysticisme fleur bleue du vert sombre – ce type de spiritualitĂŠ qui vĂŠnère la terre, cĂŠlèbre la pleine lune, les solstices, fĂŞte la moisson, idĂŠalise la vie pastorale – fait souvent s’enfuir Ă toutes jambes les progressistes de tout poil. Toutefois, nous devons veiller Ă ne pas jeter le bĂŠbĂŠ avec l’eau du bain. L’Êcologie elle-mĂŞme est nĂŠe de la “dĂŠcouverteâ€? de la nature aux 18e et 19e siècles – ĂŠveil spirituel s’il en est. C’est Ă cette ĂŠpoque que les Romantiques en Europe, puis les Transcendentalistes en AmĂŠrique, se mirent Ă contempler la beautĂŠ esthĂŠtique du monde pour dĂŠcouvrir dans ses miroirs de nouveaux territoires inconnus enfouis en eux-mĂŞmes. Et ce n’est pas par pur hasard si l’Êmergence du mouvement ĂŠcologiste Ă la fin des annĂŠes 1960 a coĂŻncidĂŠ avec ce mĂŞme ĂŠveil romantique au sein de la contre-culture populaire. En 1968, la NASA diffusait les premières photos, prises par la mission lunaire Apollo 8, montrant la Terre tout entière vue de l’espace. Ce clichĂŠ dĂŠsormais familier d’une minuscule bille bleu-vert flottant solitaire dans les ĂŠtendues obscures de l’ÊternitĂŠ vint orner la couverture du premier Whole Earth Catalog de Stewart Brand, et on en fit des badges pour la JournĂŠe de la Terre de 1970. Au

retour, les astronautes parlèrent de la vision d’une planète sans nations ni frontières, ressentie comme un chez-soi encore plus intime que les endroits oĂš ils avaient grandi. James Lovelock, dont ÂŤ l’hypothèse GaĂŻa Âť considĂŠrait la Terre comme un seul et unique superorganisme vivant, considère cette image comme la plus extraordinaire qu’il ait jamais contemplĂŠe. ÂŤ Lorsque les gens verront la Terre de l’extĂŠrieur Âť, avait prĂŠdit John OrĂł, scientifique Ă la NASA, ÂŤ il se produira quelque chose d’Êtrange [et] de rĂŠvolutionnaire : ils ne penseront plus de la mĂŞme façon. Âť Et il avait raison. En ce temps-lĂ , c’Êtait comme si quelque fenĂŞtre cosmique commençait Ă s’ouvrir dans l’esprit humain, contribuant Ă nous extraire des identitĂŠs ethniques et nationales pour nous faire entrer dans une rĂŠsonance plus profonde avec le reste de la crĂŠation. Cet ĂŠveil Ă une unitĂŠ et parentĂŠ profondĂŠment ressentie avec toute la nature et la vie – exactement ce que j’avais moi-mĂŞme dĂŠcouvert, jeune homme, en parcourant les forĂŞts de sĂŠquoias prĂŠhistoriques et les vallĂŠes parsemĂŠes de lupins du Yosemite – constitue le fondement de la conscience ĂŠcologique, la base mĂŞme du sentiment d’appartenance et de responsabilitĂŠ qui rend possible toute nuance de vert, que celui-ci soit sombre, vif ou autre. Cette prise de conscience modifia toute la trajectoire historique du monde industrialisĂŠ. Si vous voulez vous donner des cauchemars, imaginez donc Ă quoi pourrait ressembler notre planète aujourd’hui s’il n’y avait pas eu cet ĂŠpanouissement d’une sensibilitĂŠ morale et spirituelle qui, durant les annĂŠes 1960 et 1970, vit le jour au sein de la culture postmoderne en rĂŠaction Ă l’exploitation effrĂŠnĂŠe de la nature et au matĂŠrialisme forcenĂŠ de la sociĂŠtĂŠ moderne. Ces deux dĂŠcennies furent celles oĂš toutes les lois environnementales majeures des États-Unis virent le jour, depuis le Wilderness Act jusqu’aux Clean Air Act, Clean Water Act, National Environmental Policy Act et Endangered Species Act, et c’est sans conteste Ă l’Êvolution de la conscience que nous les devons. Dans sa scintillante exubĂŠrance prĂ´nant les solutions high-

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tech et un consumérisme vert glamour, Bruce Sterling semble avoir oublié tout cela. « Les cyberverts sont en train de gagner », écrivait-il dans une récente tribune libre du Washington Post, car, contrairement au reste de l’univers écologiste, « ils ne s’occupent pas de potentiel spirituel, de dignité humaine, de paix, de justice ou n’importe quelle autre de ces choses impossibles à atteindre. Les cyberverts s’intéressent à ce que veulent les gens, comme la santé, le sexe, le glamour, les produits tendance, des enceintes hi-fi impressionnantes, les innovations technologiques et des tonnes d’argent. » Si de toute évidence ses propos dénotent une certaine délectation à jouer les provocateurs, son triomphalisme antispirituel n’en est pas moins non seulement peu clairvoyant, mais confus. Il nous implore tous de devenir écologistes, puis l’instant suivant fait volte-face et raille l’élan même qui nous incite à le devenir. Ce type d’hyperbole va manifestement à l’encontre du but recherché, mais met également en évidence une dichotomie plus profonde au sein du mouvement vert vif dans son ensemble. En effet, le plus grand danger pour le vert vif aujourd’hui est le suivant : cela même qui le rend si progressiste – vouloir intégrer la conscience écologique postmoderne au projet moderniste du progrès économique et social – est aussi ce qui menace de le faire régresser dans une approche extrêmement matérialiste de la durabilité et du développement mondial. Heureusement pour le mouvement vert vif, son centre de gravité n’est pas encore totalement fixé. Ce mouvement compte de nombreuses voix, et Bruce Sterling n’est que l’une d’entre elles. Beaucoup tendent, tout comme lui, encore que moins bruyam-

ment, vers un matérialisme débridé ; d’autres semblent reconnaître qu’aborder les choses avec un pragmatisme inébranlable ne signifie pas forcément tout ramener aux plus vils dénominateurs communs que sont « le sexe, le glamour (…) et des tonnes d’argent ». Il est déjà arrivé que des écologistes progressistes réussissent à embrasser l’optimisme technologique et l’ingéniosité capitaliste sans rejeter l’idéalisme spirituel, et il n’y aucune raison pour qu’ils ne puissent pas de nouveau le faire. Bucky Fuller, par exemple, était un homme pour qui une certaine profondeur révérencielle semblait aller de pair avec un esprit progressiste. « Je vis actuellement sur Terre », écrivit-il, « et je ne sais pas ce que je suis. Je sais que je ne suis pas une catégorie. Je ne suis pas une chose – un nom. Il me semble être un verbe, un processus évolutif – une fonction indispensable à l’univers. » Stewart Brand a toujours eu lui aussi une vision plus riche, plus intégrée. L’un de ses projets en cours, intitulé “The Clock of the Long Now”, est une horloge mécanique qui sera construite pour durer au moins 10 000 ans dans le désert du Nevada, laissant entendre le “tic” de sa grande aiguille une fois par an, sonnant tous les cent ans, et faisant chanter son coucou à chaque millénaire. L’idée est de créer une icône publique de la « profondeur mythique » qui nourrira le concept du « temps cosmique », tout comme les photos de la Terre vue de l’espace nous ont sensibilisés à l’environnement. Dans la poursuite de la définition et de la consolidation du prochain stade d’un vert du 21e siècle, peut-être le champ naissant de l’écologie intégrale pourrait-il aider à nous orienter. Le philosophe écologiste Michael Zimmerman a coécrit avec Sean

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Melissa Hoffman, créatrice de la fondation LivingFuture et propriétaire de la Teal Farm.

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() éveil & évolution

Esbjorn-Hargens un livre intitulé Integral Ecology, qui devrait paraître en 2008. « Il existe parmi les écologistes modernes une telle répulsion à l’encontre de la modernité », a-t-il déclaré à notre revue, « que leur interprétation de l’histoire moderne se teinte toujours de la pire manière de la considérer. Mais un retour en arrière, pour retrouver un temps naïf où les humains sont exactement comme les autres animaux qui les entourent, est tout simplement impossible. Il est trop tard pour cela. » En même temps, rétorquerait l’écologie intégrale, lorsque nous endossons la responsabilité et la charge morale de gérer la biosphère avec créativité, nous devons veiller à ne pas perdre de vue le motif qui a fait s’ériger contre la modernité des personnes telles que John Muir. « La plupart des gens sont sur le monde, pas dedans », écrivit John Muir en 1938 dans John of the Mountain. « [Ils] n’ont aucune empathie ou relation consciente avec ce qui les entoure – retranchés, séparés, et rigidement seuls tels des billes de pierre polie, en contact mais séparés. » Ce point de vue n’est pas seulement celui qui a donné naissance à la conscience écologique, explique M. Zimmerman, mais le seul qui soit assez sensible et élaboré pour pouvoir la nourrir : « L’écologie doit s’aligner sur une interprétation développementale, voire progressiste, de l’humanité. Les progrès dus à la modernité sont extraordinaires : affranchissement d’effroyables systèmes politiques, suppression de l’esclavage, élimination à de nombreux titres de la pauvreté, développement de la science, séparation de l’Église et de l’État, développement des droits des femmes – ce ne sont pas là des broutilles. Mais la modernité a aussi une face sombre, qui inclut cette domination continue des autres espèces et une sorte d’ignorance délibérée, par moments, de notre dépendance du monde naturel. La solution à cette face sombre ne consiste cependant pas à abandonner la modernité pour régresser vers des formations sociales prémodernes, ce serait tout simplement catastrophique. La seule solution consiste à encourager et faciliter la poursuite du développement de la conscience humaine, ainsi que des institutions et pratiques allant en ce sens. Nous devons trouver le moyen d’aller de l’avant de manière constructive, d’ouvrir et envisager d’autres possibilités de développement tout en respectant tout ce qui a été fait auparavant d’une manière non naïve. »

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a crise à laquelle nous sommes confrontés est « impensable », se plaît à dire Alex Steffen. Les solutions à mettre en place, poursuit-il, sont jusqu’à présent « inimaginables ». Et entre ces deux pôles apparemment paralysants, se trouve la perspective libératrice des Verts Vif. Aller largement au-delà de nos zones de confort pour entrer dans l’inconnu, avancent-ils, pourrait bien constituer notre dernière carte pour assurer


notre survie. Lâcher prise à ce point, avec les deux pieds sur l’accélérateur (hybride), pourrait être notre seule chance de progresser assez rapidement. « La chose la plus importante que les professionnels de la durabilité auront à offrir dans l’avenir n’aura rien à voir avec des solutions toutes prêtes », écrit Alan AtKisson qui collabore à Worldchanging. « Elle reposera sur la capacité d’improviser, de s’adapter, d’innover et d’imaginer des moyens visionnaires, mais faisables, pour transformer une civilisation à l’échelle planétaire ou secourir des écosystèmes en péril. Cela va requérir encore plus d’efforts, encore plus de créativité, encore plus de risques à prendre. (…) Dans les quelques années à venir, les personnes qui œuvrent à la durabilité, et tout particulièrement dans les domaines de l’énergie et du climat, vont être mises à rude épreuve – non pas parce que l’on s’opposera à leurs idées, mais au contraire parce que celles-ci seront de plus en plus demandées. » Dans cette entreprise faite de possibilités et d’incertitude, peut-être notre meilleur atout consistera-t-il à bien vouloir tout remettre en question – à avoir le courage de ne pas adopter des solutions faciles, mais au contraire à être résolus à rechercher celles qui conviennent. Le site Worldchanging lui-même en constitue un véritable exemple, se colletant avec sincérité à toute la matrice intégrée de la durabilité comme jamais encore je ne l’avais vu faire. Absolument tout, semble-t-il, y est sujet à réinvention et rien n’y est laissé de côté – y compris certaines des vaches sacrées les plus capitales de l’écologisme. Il y a deux ans, par exemple, S. Brand publia un article intitulé Environmental Heresies, dans lequel il appelait à reconsidérer sérieusement deux des questions les plus sacro-saintes de notre ère : les biotechnologies et l’énergie nucléaire. Allumant une mèche qui allait à coup sûr déclencher de houleuses controverses, ses arguments étaient essentiellement d’ordre pratique. À propos du génie génétique, il pense qu’un anticorporatisme primaire l’a emporté sur la science et que des micro-organismes et cultures génétiquement modifiés ont le potentiel de considérablement réduire la faim et la maladie dans le monde en voie de développement, de produire de nouveaux carburants plus propres, et de lutter contre les espèces invasives. Quant au nucléaire, il considère que la nécessité pressante de décarboniser la production de l’énergie et de prévenir la « catastrophe universelle irréversible » liée au réchauffement climatique, l’emporte sur les risques de la production nucléaire et de ses déchets qui, pour importants qu’ils soient, n’en sont pas moins connus et quantifiables. Plusieurs éminents écologistes partagent son avis, y compris James Lovelock, et des débats animés font rage de toutes parts. Worldchanging se range davantage à l’avis de S. Brand sur la question de la bioingénierie que sur celle du nucléaire, explique Jamais Cascio, cofondateur du site : « La réticence des Verts Vif vis-à-vis de l’énergie nucléaire a bien plus à voir avec le fait qu’il s’agit d’une infrastructure centralisée et d’une technologie qui date, qu’avec une

aversion ou une peur quelconque des atomes. La situation environnementale dans laquelle nous nous trouvons exige une capacité technologique collaborative et bien répartie, qui apprend vite et se renouvelle rapidement, en lieu et place d’un système qui saigne aux quatre veines nos capitaux et nous laisse aux prises avec des technologies qui sont déjà quasiment obsolètes. Si nous recherchons la résilience, la flexibilité et l’innovation, ce n’est pas par l’industrie nucléaire qu’il faut commencer. Dans les biotechnologies, la résilience, la flexibilité et l’innovation sont sans conteste possibles, du moins dans les prochaines années. » Dans les prochaines années, je suis impatient de participer moi-même au déploiement créatif d’un avenir si éclatant et si vert qu’il est actuellement impossible à imaginer. Et tandis que les éco-philosophes d’avant-garde de Worldchanging et d’ailleurs font de leur mieux pour tout remettre en question, reconfigurer tous nos postulats vert sombre et effacer du tableau les vieilles vaches

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UAND j’ai entendu parler pour la première fois de Descartes vers l’âge de dix-

huit ans, et qu’on m’a appris que sa plus grande contribution Ă la vĂŠritĂŠ, ĂŠtait une phrase rĂŠvĂŠrĂŠe depuis des siècles par la tradition philosophique : “Cogito ergo sumâ€? c’est Ă dire “Je pense donc je suisâ€?, d’une manière assez surprenante, je n’ai pas ĂŠtĂŠ très impressionnĂŠ. Il ne fait aucun doute qu’à l’Êpoque, j’Êtais quelque peu arrogant ou assez ignorant, ou les deux, mais cette notion selon laquelle notre capacitĂŠ de pensĂŠe constituait la preuve de notre existence semblait pour mon esprit juvĂŠnile et peu ĂŠclairĂŠ juste un peu trop... ĂŠvidente. Deux dĂŠcennies plus tard, une plus grande maturitĂŠ me fait apprĂŠcier la signification profonde de la philosophie en gĂŠnĂŠral et de ces simples mots en particulier. En fait, il n’est pas exagĂŠrĂŠ de dire que la sociĂŠtĂŠ technologique d’abondance et de libertĂŠ – scientifiquement ĂŠduquĂŠe et informĂŠe – dans laquelle nous vivons et que nous prenons pour acquis, a pour origine des vĂŠritĂŠs contenues dans cette dĂŠclaration radicale de Descartes. Dans cette pĂŠriode fondatrice oĂš ĂŠtaient posĂŠes les bases de notre monde moderne, les mots de Descartes annoncent l’avènement de l’individu autonome et rationnel en lui donnant la facultĂŠ de voir le monde comme il ne l’a jamais vu auparavant : objectivement. Tous les scientifiques de ces quatre derniers siècles ont au moins une petite dette envers lui.

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La philosophie n’est pas juste une façon intelligente de tester la patience des ĂŠtudiants dans les amphis au petit matin ou de proposer des exercices de logique qui mettraient Ă mal l’endurance de Sisyphe. Dans ce qu’elle a de meilleur, la philosophie permet de poser les fondations structurelles de la culture, et les philosophes sont comme des ĂŠclaireurs Ă l’avant-garde du dĂŠveloppement de nos sociĂŠtĂŠs, qui construisent les avant-postes aux frontières de notre conscience collective. Voulez-vous savoir vers oĂš se dirige la sociĂŠtĂŠ humaine dans les cent prochaines annĂŠes ? Explorez l’avant-garde de la pensĂŠe philosophique actuelle. Ceci nous conduit donc Ă la philosophie intĂŠgrale et Ă Steve McIntosh, auteur de Integral Consciousness and the Future of Evolution (La conscience intĂŠgrale et le futur de l’Êvolution) qui vient juste de paraĂŽtre aux États-unis. Dans une sĂŠrie d’entretiens enregistrĂŠs l’annĂŠe dernière sur le site multimĂŠdia en ligne de What is Enlightenment?, j’ai eu la chance de pouvoir m’intĂŠresser moi-mĂŞme Ă la philosophie en explorant les contours de cette nouvelle vision du monde en train d’Êmerger et que l’on nomme ÂŤ intĂŠgrale Âť. Mon partenaire dans cette aventure ĂŠtait Steve McIntosh, homme d’affaires de quarante-sept ans, originaire de Boulder dans le Colorado, qui est, Ă parts ĂŠgales, un DG visionnaire, un penseur politique ĂŠrudit et inspirĂŠ ainsi qu’un philosophe douĂŠ. VoilĂ des dĂŠcennies que McIntosh suit les ĂŠvolutions de la thĂŠorie intĂŠgrale mais cela ne fait que quelques annĂŠes qu’il a pris conscience de ce qu’elle reprĂŠsentait en tant que nouveau mouvement culturel. Dans une sĂŠrie de rencontres en 2000 avec Don Beck, le co-fondateur de la Spirale de l’Êvolution, et les fondateurs de l’Integral Institute de Ken Wilber, McIntosh commença Ă rĂŠaliser que la vision du monde intĂŠgrale reprĂŠsente bien plus qu’une sĂŠrie d’idĂŠes fascinantes ou une tendance intĂŠressante de notre culture. Il se rendit compte qu’il s’agissait d’un nouveau stade culturel d’importance historique ou comme il le dit lui-mĂŞme : ÂŤ d’un mouvement social authentique et rĂŠel qui transcendait et incluait tous les problèmes issus des visions du monde postmodernes et de la contre-culture. Une nouvelle sorte d’organisme culturel ĂŠtait en train d’Êmerger avec sa vie propre et je commençais Ă le voir avec de plus en plus de clartĂŠ Âť. InspirĂŠ et avec une ĂŠnergie dĂŠcuplĂŠe, McIntosh se forme Ă cette nouvelle vision du monde avec toute la passion d’un homme

qui, ayant saisi le potentiel d’un futur en train d’advenir, n’a pas de temps Ă perdre. Il se consacre Ă l’Êtude et Ă la pratique de la philosophie intĂŠgrale, en lisant, en explorant, en enseignant et en ĂŠcrivant sur les implications de ce nouveau dĂŠveloppement historique. C’est ainsi que les intuitions de l’intĂŠgralisme commencèrent ĂŠgalement Ă transformer sa sensibilitĂŠ politique. Ses vieilles passions, comme la dĂŠmocratie, la gĂŠopolitique, le droit international ou la gouvernance mondiale, commencèrent Ă se reconfigurer Ă la lumière de la clartĂŠ et de la perspective offertes par cette nouvelle manière de voir le monde. Au cours de notre exploration de la gĂŠographie toujours fascinante du territoire intĂŠgral, mes conversations avec McIntosh m’ont stimulĂŠ sur plusieurs plans, mais j’ai ĂŠtĂŠ particulièrement frappĂŠ par sa vision et ses intuitions en ce qui concerne la politique. Avec sa formation de droit – il fut autrefois un jeune avocat promis Ă un brillant avenir dans un des plus grands cabinets du monde – et avec sa passion de longue date pour le potentiel d’une gouvernance mondiale, McIntosh a le don de transposer la philosophie intĂŠgrale dans les rĂŠalitĂŠs politiques de notre monde d’une manière Ă la fois inspirĂŠe, provocatrice et clairement en avance sur son temps. Il ne m’a pas fallu beaucoup de temps pour dĂŠcider de transmettre certaines de ses intuitions sur papier Ă travers Eveil & Evolution. Pour mieux comprendre la perspective qui est celle d’une politique intĂŠgrale, il est cependant nĂŠcessaire de dire quelques mots au sujet de la philosophie intĂŠgrale elle-mĂŞme. Comme son nom le suggère, le mouvement intĂŠgral cherche Ă renverser la tendance Ă la fragmentation et Ă la spĂŠcialisation qui a touchĂŠ tellement de champs de connaissance au siècle dernier et ce, afin de rechercher de nouvelles structures – intĂŠgrĂŠes et inclusives – susceptibles de fournir de puissantes intuitions sur l’Êvolution de la conscience et de la culture. En un sens, la philosophie intĂŠgrale n’est pas nouvelle. Elle a lentement ĂŠmergĂŠ Ă travers les pensĂŠes et les paroles de nombreux penseurs et chercheurs influents des deux derniers siècles – des individus comme Georg Hegel, Friedrich Schelling, Henri Bergson, James Mark Baldwin, Sri Aurobindo, Pierre Teilhard de Chardin, Jean Piaget, Abraham Maslow, JĂźrgen Habermas, et Clare Graves. Bien qu’elle n’ait pas encore attirĂŠ l’attention de tous les philosophes professionnels des

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milieux acadĂŠmiques, la thĂŠorie intĂŠgrale continue Ă se dĂŠvelopper grâce aux intuitions et efforts de brillants penseurs non-conformistes, dont le plus remarquable est le thĂŠoricien Ken Wilber. C’est en effet Wilber qui reprĂŠsente le pivot de l’intĂŠgralisme aujourd’hui et son travail a permis de mettre en cohĂŠrence divers courants de pensĂŠes en une synthèse philosophique intĂŠgrale. Comme l’Êcrit McIntosh dans son nouveau livre : ÂŤ Au 21e siècle, la synthèse intĂŠgrale de Wilber crĂŠĂŠ pour l’univers intĂŠrieur ce que la philosophie de Descartes a crĂŠĂŠ pour l’univers extĂŠrieur. Âť Pour apprĂŠcier la perspective unique de la philosophie intĂŠgrale, il est important de comprendre ce qui est peut-ĂŞtre son intuition la plus profonde et la plus rĂŠvolutionnaire : la conscience humaine et la culture ont ĂŠvoluĂŠ dans le temps Ă travers une sĂŠrie de stades ou niveaux de conscience de plus en plus ĂŠlevĂŠs et complexes. Ces stades sont des niveaux de dĂŠveloppement psychologiques et culturels ; ce sont les stades de conscience Ă travers lesquels les individus passent durant leur ĂŠvolution personnelle, tout comme le font les sociĂŠtĂŠs Ă travers leur ĂŠvolution culturelle. Comme l’explique McIntosh : ÂŤ La vision du monde intĂŠgrale reconnaĂŽt que, en un certain sens, ces niveaux de dĂŠveloppement dans la conscience sont corrĂŠlĂŠs au diffĂŠrents stades de l’histoire humaine. Cela signifie que les stades du dĂŠveloppement psychologique Ă travers lesquels passent les individus dans leur processus de maturation correspondent en gros aux stades historiques par lesquels sont passĂŠs les ĂŞtres humains durant les cinquante mille dernières annĂŠes et par lesquels ils continuent de passer Âť. Il est vrai qu’il n’est pas rare que des psychologues ou des sociologues proposent des thĂŠories sur l’Êvolution des individus et des sociĂŠtĂŠs, et nombre de ces thĂŠories peuvent comporter divers stades d’Êvolution. Mais ce qui interpelle dans la philosophie intĂŠgrale par rapport Ă ce type de schĂŠmas, c’est la conviction que ces niveaux ne sont pas simplement une bonne idĂŠe ou une proposition intĂŠressante mais qu’ils sont de vĂŠritables ÂŤ structures dans la conscience Âť, de vĂŠritables ÂŤ systèmes culturels vivants Âť qui existent dans la structure des sociĂŠtĂŠs et qui ont une valeur empirique. Dans une de nos conversations tĂŠlĂŠphoniques McIntosch m’expliqua ceci : ÂŤ La philosophie intĂŠgrale nous montre que ces structures internes de la culture, ces organismes internes si vous voulez, ont une rĂŠalitĂŠ ĂŠvolutive, une rĂŠalitĂŠ ontologique. Et c’est Ă travers cette description que la philosophie intĂŠgrale atteint toute sa puissance. Ces stades ne sont pas juste crĂŠĂŠs par l’intellect humain. Ce sont des visions du monde qui ont une signification historique, des systèmes de valeurs dynamiques auto-organisĂŠs dont l’existence est indĂŠpendante de toute forme de pensĂŠe individuelle. Âť Le terme souvent utilisĂŠ pour dĂŠcrire la localisation de ces stades dans la conscience est ÂŤ intersubjectif Âť, ce qui signifie littĂŠralement ÂŤ entre sujets Âť. De la mĂŞme façon que la conscience subjective dĂŠcrit ce qui se passe Ă l’intĂŠrieur de l’individu, l’intersubjectivitĂŠ est un terme utilisĂŠ pour dĂŠcrire ce qui existe Ă l’intĂŠrieur de la culture. Comme le dit McIntosh : ÂŤ Ces visions du

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monde sont des structures de la culture – et pas seulement des individus. On peut dire qu’elles ont une existence rĂŠelle dans le champ intersubjectif. Âť Dans nos sociĂŠtĂŠs matĂŠrialistes, oĂš beaucoup d’individus ont du mal Ă reconnaĂŽtre la lĂŠgitimitĂŠ d’une conscience subjective – encore moins la rĂŠalitĂŠ de ce concept relativement nouveau qui est celui de conscience intersubjective – de telles affirmations nĂŠcessitent de se libĂŠrer des formes de pensĂŠe habituelles. Cela nous demande d’accepter cette possibilitĂŠ que sous la surface de la culture, dans les corridors souterrains de notre conscience collective, il se passe plus de choses qu’on ne l’avait imaginĂŠ. Cela nous demande d’entretenir l’idĂŠe qu’il existe peut-ĂŞtre des schĂŠmas fondamentaux d’organisation, crĂŠĂŠs dans le creuset d’une ĂŠvolution humaine de cinquante mille ans, qui donnent forme et structure Ă la nature complexe et souvent chaotique de la vie humaine. En effet, en percevant ces divers niveaux comme un système d’Êvolution hiĂŠrarchisĂŠ et interconnectĂŠ, de nombreux thĂŠoriciens se le reprĂŠsentent comme une sorte de structure ADN dans la conscience, qui influence discrètement les dynamiques culturelles et modèle nos esprits – et dans le mĂŞme temps nos esprits, en retour, façonnent la structure elle-mĂŞme. La forme mĂŞme de cette structure correspond bien Ă cette analogie : une structure spiralĂŠe en hĂŠlice qui ĂŠvoque la forme distinctive de notre ADN physique. Dans une sociĂŠtĂŠ postmoderne fondĂŠe sur la notion selon laquelle toutes les valeurs ĂŠtant ĂŠquivalentes, aucune culture n’est, d’une manière inhĂŠrente, plus dĂŠveloppĂŠe qu’aucune autre, les thĂŠories concernant les structures et stades culturels sont considĂŠrĂŠes comme hĂŠrĂŠtiques. Ces approches ont pourtant suffisamment de supports empiriques. En effet, les penseurs intĂŠgraux aiment Ă se rĂŠfĂŠrer Ă une longue tradition de recherche dans le domaine du dĂŠveloppement psychologique qui va de Piaget, Ă Maslow, Ă Graves, Ă Robert Kegan et donnent un fantastique support empirique Ă ces schĂŠmas de dĂŠveloppement. De plus, un consensus croissant existe en sociologie qui confirme ces schĂŠmas de base et donne en particulier une crĂŠdibilitĂŠ Ă l’existence de ces trois grands stades significatifs que sont les stades traditionnel, moderne et postmoderne. Il faut noter que l’on peut facilement trouver ces trois stades – les trois visions du monde qui prĂŠcèdent le dĂŠveloppement d’une vision intĂŠgrale – dans la sociĂŠtĂŠ amĂŠricaine ; bien sĂťr, il faut garder Ă l’esprit qu’il s’agit de structures gĂŠnĂŠrales dans la conscience et la culture, et pas de dĂŠfinitions rigides et exactes. Par exemple, aux Etats-Unis, il existe une culture traditionnelle qui concerne la partie de la population qui a une orientation religieuse et partage des valeurs conservatrices. Ensuite nous voyons une autre partie de la population qui a une orientation plus laĂŻque, des individus dont les valeurs penchent du cĂ´tĂŠ de la science et de la raison, de l’individualisme, du pragmatisme et de la rĂŠussite. Ce sont des expressions de ce que l’on appelle la conscience moderne, d’une culture façonnĂŠe par la modernitĂŠ. Et enfin nous avons la partie la plus progressiste de la popula-


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tion, parfois nommĂŠe ÂŤ crĂŠatifs culturels Âť qui comprend des individus dont les valeurs penchent plutĂ´t du cĂ´tĂŠ d’une politique plus ouverte sur le social, de la dĂŠfense de l’environnement, des mouvements de transformation sociale et des nouvelles formes de spiritualitĂŠ. Cette partie de la population est souvent associĂŠe Ă la rĂŠvolution des annĂŠes soixante. La thĂŠorie intĂŠgrale considère ce groupe comme le reprĂŠsentant de la conscience postmoderne. Nos experts politiques font d’ailleurs rĂŠfĂŠrence Ă ces sous-groupes culturels - mais pas en tant que vĂŠritables structures dans la conscience, et encore moins comme faisant partie d’une ĂŠchelle ascendante du dĂŠveloppement culturel. En France, ces diffĂŠrents stades de dĂŠveloppement existent ĂŠgalement - par exemple, une ĂŠtude rĂŠcente (fĂŠvrier 2007) a dĂŠterminĂŠ que les ÂŤ crĂŠatifs culturels Âť reprĂŠsentent 17% de la population française. Alors que cette vision de l’Êvolution culturelle par stades est fondamentale pour la philosophie intĂŠgrale, elle s’avère encore plus essentielle pour une politique intĂŠgrale dans la mesure oĂš elle permet la comprĂŠhension des diffĂŠrents niveaux de dĂŠveloppement culturel dans une sociĂŠtĂŠ donnĂŠe et constitue, de ce fait, un outil puissant pour l’analyse politique. Que nous parlions de ÂŤ valeurs familiales Âť lors d’Êlections locales, que nous ayons affaire Ă des dictateurs ĂŠtrangers, que nous ĂŠvaluions la croissance en Chine ou que nous cherchions Ă rĂŠgler les conflits dans la corne de l’Afrique, plus nous comprenons de manière profonde comment ces structures largement inconscientes informent les valeurs d’une sociĂŠtĂŠ donnĂŠe, plus nous pouvons trouver des rĂŠponses efficaces et ciblĂŠes qui ont une vĂŠritable influence sur l’Êvolution. Comme l’Êcrit McIntosh : ÂŤ La vision du monde

intĂŠgrale nous donne une comprĂŠhension de la culture qui permet d’aborder les problèmes culturels mondiaux qui sont au cĹ“ur de pratiquement tous les conflits. Ce que j’entends par lĂ , c’est que chaque problème dans le monde trouve sa solution, au moins partiellement, dans l’ÊlĂŠvation de la conscience. Et ce que permet effectivement une vision du monde intĂŠgrale, plus que tout autre vision qui l’a prĂŠcĂŠdĂŠe, c’est littĂŠralement de pouvoir ĂŠlever la conscience Ă chacun des stades Âť. Il y a dans la vision du monde intĂŠgrale bien plus que cette seule comprĂŠhension de la nature de l’Êvolution humaine structurĂŠe comme une spirale. Des modèles novateurs de Ken Wilber comme celui des Quatre Quadrants, jusqu’aux nouvelles formes radicales de l’Êvolution spirituelle, en passant par les intuitions originales dans le domaine du dĂŠveloppement psychologique ou les perspectives innovantes concernant les affaires et l’organisation du management, les idĂŠes intĂŠgrales sont destinĂŠes Ă toucher et Ă influencer tous les aspects de la vie au 21e siècle. Ainsi si McIntosh et ses collègues ont raison, la pĂŠriode historique dans laquelle nous vivons est unique. Elle nous donne une chance d’Êlaborer des formes non seulement de pensĂŠe philosophique mais de spiritualitĂŠ, d’art, d’Êconomie et de science qui expriment cette vision d’un monde intĂŠgral en train d’Êmerger. Pour sa part, McIntosh prend de l’avance avec une focalisation particulière sur le droit international et la gouvernance mondiale. En mai dernier, j’ai parlĂŠ avec cet avocat peu ordinaire devenu homme d’affaires puis philosophe au sujet de la politique intĂŠgrale et de la façon dont celle-ci peut transformer les dynamiques gĂŠopolitiques de notre sociĂŠtĂŠ mondialisĂŠe.

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MCINTOSH : Quand nous observons cette spirale de dĂŠveloppe-

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EVEIL & EVOLUTION : Comment dĂŠfiniriez-vous la politique intĂŠ-

grale ? STEVE MCINTOSH : Il existe diffÊrentes façons de dÊcrire la poli-

tique intĂŠgrale, mais l’une d’elles serait de dire que c’est la plateforme ou le programme politique de ceux qui partagent les valeurs correspondant au niveau de conscience intĂŠgral. La politique intĂŠgrale ĂŠtudie la manière dont ces valeurs sont appliquĂŠes dans le champ politique. EE : Qu’est-ce qui distingue la politique intĂŠgrale des politiques de gauche

et de droite, et de la manière dont nous pensons habituellement : conservateur versus libĂŠral ? * ( * ndt : contrairement Ă la France et pour des raisons historiques, le terme de libĂŠral est associĂŠ aux États-Unis Ă la gauche amĂŠricaine). MCINTOSH : C’est un vĂŠritable aveuglement mĂŠdiatique que de

tenir un discours politique fondĂŠ sur le paradigme gauche-droite. C’est une catĂŠgorie complètement dĂŠpassĂŠe dont il faut se dĂŠbarrasser. La politique intĂŠgrale transcende les politiques de gauche et de droite, et elle offre une foule de nouveaux aperçus politiques remarquables, aussi bien au niveau national qu’international. Entre autres, elle nous montre plus clairement combien les stades historiques de dĂŠveloppement culturels sont encore actifs et influents dans le monde aujourd’hui.

ment, nous voyons que chaque stade de conscience et de culture a ĂŠmergĂŠ, en partie, dans le creuset de la politique. Ce que je veux dire, c’est que chaque nouvelle vision du monde importante est co-crĂŠĂŠe par la politique. La politique aide Ă dĂŠfinir la vision du monde et la vision du monde dĂŠfinit la politique, ou le type spĂŠcifique d’organisation politique qui lui correspond. L’expression politique des valeurs d’une nouvelle vision du monde nous attire donc vers un niveau de conscience plus ĂŠlevĂŠ dont ce niveau de politique plus ĂŠlevĂŠ est la manifestation. Historiquement, prenons par exemple le modernisme et le Siècle des lumières. Les nouvelles valeurs d’ÊgalitĂŠ, de libertĂŠ et d’autoritĂŠ de la loi ont portĂŠ leurs fruits Ă travers la naissance de la dĂŠmocratie en tant que nouvelle forme transcendante d’organisation politique. Puis avec le postmodernisme, nous voyons le triomphe de nouveaux idĂŠaux : ceux des droits civiques, des droits de la femme, des droits des minoritĂŠs ethniques et plus tardivement des droits des homosexuels. Dans le postmodernisme, il y a une intention politique de corriger les erreurs du modernisme en en finissant avec le colonialisme, en mettant un terme Ă la guerre froide et Ă celle du Vietnam. Ainsi le double dĂŠfi politique des droits de l’homme et de la paix ĂŠtait la vitrine des valeurs transcendantes, plus ĂŠlevĂŠes, du postmodernisme. On peut s’attendre maintenant Ă ce que la vision du monde intĂŠgrale, parce qu’elle est nouvelle et d’une importance historique, aboutisse Ă des consĂŠquences similaires sur le plan politique. Dans la nouvelle comprĂŠhension de l’univers intĂŠrieur, on reconnaĂŽt que le progrès politique peut se faire aujourd’hui, de la façon la plus directe qui soit, par le dĂŠveloppement de la conscience. Donc quand nous parlons de rĂŠaliser des programmes politiques tangibles et concrets, nous voyons que le meilleur moyen d’y arriver est d’Êlever la conscience du corps politique.

EE : OĂš serait situĂŠ le prĂŠsident Bush en termes de stade de conscience ? MCINTOSH : Comme pour presque tous les politiciens nationaux

connus, le centre de gravitĂŠ de Bush est moderne, tout comme l’est aussi celui de Bill Clinton. Donc quand on parle de gauche et de droite, on parle principalement de ce qui se passe au sein du modernisme. Mais bien qu’il soit un moderne, Bush est fortement influencĂŠ par la conscience traditionnelle. Et, bien que Clinton soit aussi un moderne, il est fortement influencĂŠ par la conscience postmoderne. D’après le sociologue Paul Ray, environ cinquante pour cent de la population amĂŠricaine a un centre de gravitĂŠ qu’on pourrait qualifier de moderne. La majeure partie du dĂŠbat politique se dĂŠroule donc dans cette sphère lĂ . Mais les tenants du traditionalisme et ceux du postmodernisme tirent les uns et les autres sur cette majoritĂŠ moderne pour obtenir ses suffrages – le traditionalisme du cĂ´tĂŠ des rĂŠpublicains et le postmodernisme de cĂ´tĂŠ des dĂŠmocrates. EE : De quelle manière la politique intĂŠgrale va-t-elle changer le

paysage politique ?

)' ĂŠveil & ĂŠvolution

EE : Dans votre livre, vous suggĂŠrez que chaque niveau ou stade de conscience qui se succède sur la spirale de dĂŠveloppement a donnĂŠ naissance Ă diffĂŠrents types de structures politiques. Pouvez-vous dĂŠcrire ces diffĂŠrentes structures ? MCINTOSH : Effectivement, c’est ce que nous voyons dans l’histoire. A chaque niveau de conscience distinct, qu’il soit tribal, guerrier, traditionnel, moderne, postmoderne et maintenant intĂŠgral, correspond, presque toujours, une forme d’organisation politique. Le niveau de conscience tribal produit la tribu et l’autoritĂŠ permanente du chef. La conscience guerrière, que ce soit chez les premiers Vikings en Europe ou bien chez les Incas en AmĂŠrique du Sud, conserve beaucoup des caractĂŠristiques politiques de la tribu, mais maintenant que la tribu est fondĂŠe sur la conquĂŞte, on voit se dĂŠvelopper les premières formes de construction d’empire. Puis, le niveau de conscience traditionnel produit un royaume fĂŠodal ; en effet, peu importe le type de conscience traditionnel dont on parle, qu’il soit oriental ou occidental, le système politique qui lui est associĂŠ est fĂŠodal. Cela ne veut en rien dire que le système


fĂŠodal est un système idĂŠal, mais le fait est que le système fĂŠodal est appropriĂŠ Ă la conscience traditionnelle. Puis avec le modernisme, nous avons la dĂŠmocratie et les ĂŠtats-nations multiethniques qui sont de fait le système politique mondial de base actuel : un monde d’Êtats-nation en compĂŠtition. Puis, avec la conscience postmoderne, se dĂŠploie une organisation politique que l’on pourrait qualifier de sociale-dĂŠmocratie dont une forme existe, par exemple, en Scandinavie. L’Êtat-providence y est beaucoup plus dĂŠveloppĂŠ qu’aux États-Unis. Cependant, ce système de gouvernement fonctionne parce que les populations sont relativement homogènes dans les contrĂŠes scandinaves. Le degrĂŠ d’Êducation y est ĂŠgalement ĂŠlevĂŠ et, de ce fait, le niveau de capital humain est fort. Et il n’y a pas de grands groupes de population au niveau prĂŠ-moderne. Donc, dans de telles circonstances limitĂŠes, la sociale-dĂŠmocratie est vraiment une forme d’organisation politique extrĂŞmement ĂŠvoluĂŠe, mais ce n’est qu’une marche sur l’Êchelle de l’Êvolution. Je pense que pour rĂŠsoudre les problèmes de pays comme les États-Unis et ceux du monde, on a besoin d’un niveau d’organisation qui va au-delĂ et qui peut, simultanĂŠment, prendre en compte les besoins de toutes les marches de l’Êchelle. Quel est donc le type de gouvernement correspondant au niveau de conscience intĂŠgral ? Je suggère qu’il conduit Ă l’Êmergence future d’un gouvernement mondial, fĂŠdĂŠral et dĂŠmocratique, structurĂŠ et formĂŠ Ă partir d’une vision intĂŠgrale.

manière unilatĂŠrale. Si vous voulez bien excuser ce lieu commun : c’est une idĂŠe dont l’heure a maintenant sonnĂŠe. Ce que je vois est une forme limitĂŠe d’union fĂŠdĂŠrale parmi les nations dĂŠmocratiques modernes. Cela pourrait ĂŠgalement inclure d’autres nations avec des formes variĂŠes de statut probatoire, similaires Ă ce qui existe dans l’Union EuropĂŠenne. EE : Il y a une ĂŠnorme rĂŠsistance Ă l’idĂŠe d’abandonner l’autonomie

nationale au profit d’un gouvernement mondial. Certains pensent que c’est dangereux. MCINTOSH : Oui, nombreux sont

ceux qui sentent intuitivement que la meilleure rĂŠponse serait d’avoir plutĂ´t moins de gouvernement. Je crois qu’il est important de dire que ces stades sont tous temporaires. Dans le futur lointain, lorsque la conscience sera bien plus ĂŠvoluĂŠe, nous pourrons nous passer de la plupart de nos formes de gouvernement. Cette proposition est donc un moyen au service d’une finalitĂŠ. Elle servira d’Êchafaudage pour une ĂŠvolution future et n’est pas une fin en soi. Certains pensent aussi que c’est dangereux parce qu’une trop grande partie de la population mondiale vit Ă des niveaux de conscience prĂŠ-modernes. Et, il est vrai que mĂŞme la conscience moderne n’est pas suffisamment morale ou suffisamment gĂŠocentrique pour pouvoir entreprendre un tel projet et le mener Ă bien sans que les multinationales s’en emparent ou sans crĂŠer une forme quelconque de despotisme scandaleux. Cependant si nous examinons l’histoire en considĂŠrant l’Êmergence du modernisme et des institutions dĂŠmocratiques qui l’accompagnent, on peut voir que des garde-fous ont ĂŠtĂŠ intĂŠgrĂŠs aux structures de la dĂŠmocratie. Si, par exemple, nous regardons la constitution amĂŠricaine, on y trouve Ă la fois un mĂŠcanisme d’Êquilibre des pouvoirs et leur sĂŠparation que l’on nomme en anglais ÂŤchecks and balancesÂť. C’est une structure lĂŠgale, et pour une population qui, de son plein grĂŠ, est prĂŞte Ă se soumettre Ă une structure lĂŠgale, c’est Ă dire une population moderne et audelĂ , une constitution permet Ă une dĂŠmocratie de fonctionner. En dĂŠpit de tous les ĂŠchecs, les problèmes et les malversations de l’histoire amĂŠricaine, cette structure continue Ă fonctionner d’une façon presque acceptable. On peut faire ĂŠvoluer ces mĂŞmes garde-fous vers un niveau bien plus ĂŠlevĂŠ dans une fĂŠdĂŠration mondiale. Tout comme la philosophie du Siècle des lumières a ĂŠtĂŠ essentielle Ă la crĂŠation de la structure de la constitution amĂŠricaine, la philosophie intĂŠgrale sera essentielle Ă la construction d’une fĂŠdĂŠration mondiale qui soit ĂŠclairĂŠe par la connaissance de ces stades de dĂŠveloppement.

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C< 5=CD3@<3;3<B ;=<27/: 7<B3 5@/: EE : Vous avez beaucoup ĂŠcrit sur ce que pourrait ĂŞtre cette sorte de gouvernement mondial intĂŠgral. Pourquoi pensez-vous qu’il soit si nĂŠcessaire dans le monde aujourd’hui ? MCINTOSH : Le règlement pragmatique des problèmes mondiaux nĂŠcessite, de plus en plus, une sorte de fĂŠdĂŠration supra-nationale. Nous avons besoin d’une entitĂŠ qui puisse atteindre des objectifsclĂŠs tels que la mise en place d’une coopĂŠration internationale pour la protection de l’environnement, la dĂŠmocratisation des règles de l’Êconomie mondialisĂŠe, la promotion et le renforcement des droits de l’homme ainsi que le dĂŠveloppement ĂŠventuel de la paix, de la justice et de la prospĂŠritĂŠ. Au fur et Ă mesure que le monde moderne s’internationalise et devient interdĂŠpendant ĂŠconomiquement, il ne peut ĂŞtre correctement dĂŠfendu par des accords limitĂŠs d’organisations ou d’Êtats-nations individuels qui agissent de

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La plus grande difficultĂŠ que toute proposition de constitution mondiale doit adresser est le dĂŠveloppement inĂŠgal de la conscience et de la culture Ă travers le monde. Cela signifie que le suffrage universel – fondĂŠ sur le principe : une personne, une voix – devient problĂŠmatique si vous voulez faire participer les populations prĂŠdĂŠmocratiques des pays en voie de dĂŠveloppement. Cette population aurait quatre-vingt pourcent des votes, et la tendance serait alors Ă une redistribution des richesses vers les populations plus nombreuses dont le niveau de dĂŠveloppement culturel est naturellement plus ethnocentrique que les perspectives gĂŠocentriques des modernistes et des postmodernistes. Et je pense que cela dĂŠstabiliserait ĂŠnormĂŠment le dĂŠveloppement des ĂŠconomies modernes et postmodernes et par consĂŠquent leurs cultures. EE : Cela nous est difficile, dans les pays dĂŠmocratiques, d’admettre que dans certaines situations, le suffrage universel peut vĂŠritablement provoquer un retour en arrière en termes de dĂŠveloppement. MCINTOSH : Exact. Et bien, cela s’est produit dans l’Allema-

gne nazie. Le suffrage universel peut mener Ă la dictature. La conscience ethnocentrique et conformiste des populations prĂŠ-modernes peut ĂŞtre facilement manipulĂŠe et influencĂŠe par des sentiments de loyautĂŠ. Jefferson parla clairement des conditions prĂŠalables Ă une dĂŠmocratie fonctionnelle. Il exigeait que la population ait un certain niveau de vertu publique ; selon lui, la sociĂŠtĂŠ devait dĂŠfendre ses propres intĂŠrĂŞts de façon ĂŠclairĂŠe et le peuple ĂŞtre capable de penser de manière indĂŠpendante. Cependant, la nature ĂŠgalitaire du suffrage universel est ĂŠgalement l’une des principales forces morales de la dĂŠmocratie. Donc, si nous mettons de cĂ´tĂŠ la clĂŠ de voĂťte morale qui soutient la dĂŠmocratie, nous devons faire attention, en premier lieu, de ne pas anĂŠantir la supĂŠrioritĂŠ morale de la dĂŠmocratie. Nous devons prĂŠserver l’idĂŠal du suffrage universel et reconnaĂŽtre celui-ci comme le signe d’une ĂŠvolution dans le temps de la conscience dans le monde. Quand la majeure partie du monde aura un niveau de conscience moderne – et au-dessus – nous pourrons probablement aller vers un système fĂŠdĂŠral mondial utilisant totalement le suffrage universel. Mais actuellement ce n’est pas faisable. En d’autres termes, si nous reconnaissons que le modernisme et le postmodernisme valent la peine d’être dĂŠfendus et si nous reconnaissons que, dans ces stades-lĂ , il y a naturellement beaucoup moins de monde que dans les autres, alors on peut comprendre que les populations modernes et postmodernes auraient besoin, dans notre structure fĂŠdĂŠrale, d’une forme de protection par rapport aux populations prĂŠmodernes plus importantes. EE : La SociĂŠtĂŠ des Nations et les Nations Unies ont toutes deux ĂŠtĂŠ

fondÊes à la suite de guerres mondiales. Avons nous besoin d’une autre catastrophe de ce genre pour rallier les volontÊs politiques à ce type de structure gouvernementale mondialisÊe ?

)) ĂŠveil & ĂŠvolution

MCINTOSH : Il est clair qu’il y aura besoin de conditions de vie

appropriĂŠes et nous pouvons dĂŠjĂ les voir se pointer Ă l’horizon, mais cela n’implique pas forcĂŠment une troisième guerre mondiale. Le rĂŠchauffement climatique, la prolifĂŠration nuclĂŠaire dans des rĂŠgimes brutaux, le terrorisme Islamique, le gĂŠnocide en Afrique, les pandĂŠmies mondiales – ces types de situations sont une menace suffisante. EE : La plupart de ces problèmes vont probablement beaucoup empirer

dans les dix ou vingt prochaines annĂŠes. MCINTOSH : On ne peut pas se tromper sur les trajectoires. Nous ne

vivons plus dans un monde oĂš chacun peut s’isoler dans son propre ĂŠtat-nation. Plus notre niveau de conscience est ĂŠlevĂŠ, plus ces problèmes globaux semblent urgents et rĂŠels. Ils sont menaçants et motivants. Si votre souci premier est de nourrir vos enfants, alors le rĂŠchauffement climatique sur les cinquante prochaines annĂŠes ne peut-ĂŞtre une prioritĂŠ immĂŠdiate pour vous. C’est Ă ceux d’entre nous qui vivent dans le plus grand luxe matĂŠriel, tout en bĂŠnĂŠficiant de tous les avantages des sociĂŠtĂŠs libres, de percevoir cette pression et de rĂŠagir Ă ces menaces avant qu’il ne soit trop tard.

5C3@@3 3B >/7F EE : Comment la politique intÊgrale voit-elle la paix, le pacifisme et l’usage

de la force militaire ? MCINTOSH : Les intĂŠgralistes sont moins prĂŞts Ă dĂŠclarer la guerre que tous les stades de conscience prĂŠcĂŠdents, Ă l’exception peut-ĂŞtre des postmodernistes, mais la passivitĂŠ ne les satisfait pas non plus. Ce ne sont pas des ‘peaceniks’. Les intĂŠgralistes reconnaissent qu’il y a des choses dans le monde qui valent la peine qu’on se batte pour elles et des choses qui doivent ĂŞtre combattues. Donc plutĂ´t que simplement se rĂŠsigner Ă vivre Ă une ĂŠpoque de l’histoire oĂš il y a des guerres, les intĂŠgralistes reconnaissent que nous voulons la fin de la guerre une fois pour toutes. Le seul moyen d’y arriver est le seul moyen qui ait jamais existĂŠ, qui est de remplacer la violence par la loi, par un accord ou un contrat social qui monopolise la violence d’une manière qui soit durable, morale, lĂŠgale et dĂŠmocratique. Aux États-Unis, par exemple, les ĂŠtats ne se font plus la guerre parce que la loi a remplacĂŠ l’Êtat naturel oĂš ĂŠclot la violence. En fait, ce qui rend l’autoritĂŠ de la loi si efficace c’est qu’elle possède le monopole de la violence. EE : Vous dites que la seule façon de prĂŠvenir la violence est de la

monopoliser dans le cadre d’une structure lĂŠgale ? MCINTOSH : Vous pouvez aussi la monopoliser dans une dictature ou dans une forme quelconque d’autoritĂŠ autocratique, mais ce n’est pas durable. D’une manière ou d’une autre, la libertĂŠ reprendra ses droits. S’il n’est pas moral, s’il ne prĂŠserve pas la libertĂŠ, si la population n’est pas profondĂŠment d’accord et est


entrĂŠe dans ce monopole de la violence par la contrainte, alors ce monopole lĂ ne sera pas durable. Donc l’intĂŠgralisme reprend une valeur importante du postmodernisme – le rejet de la guerre – en disant que nous voulons une fois pour toutes la fin de la guerre. Il transforme cette remontrance contre la guerre en quelque chose de pratique que nous pouvons vraiment mettre en oeuvre. La seule manière d’Êviter la guerre dans le monde est de remplacer celle-ci par la loi et pour faire cela il faut une sorte de fĂŠdĂŠration dĂŠmocratique mondiale.

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Il n’y a pas eu assez de sĂŠparation entre la conscience guerrière et la conscience traditionnelle : elles sont trop proches. Cela s’exprime dans leur fiertĂŠ. Quand le colonialisme est venu conquĂŠrir l’islam, l’autoritĂŠ morale de la conscience traditionnelle a ĂŠtĂŠ saccagĂŠe. Elle ne peut donc plus tenir le rĂ´le qui devrait ĂŞtre le sien, de faire en sorte que les gens se comportent bien et soient des acteurs civiques dans la sociĂŠtĂŠ. Elle est dĂŠshonorĂŠe. Et ceci en partie Ă cause de cette fiertĂŠ excessive. Ă€ l’origine, la conscience traditionnelle ne s’Êtait pas suffisamment distancĂŠe vis-Ă -vis de la conscience guerrière. EE : C’est en cela que vous dites qu’il n’y pas assez de vĂŠritĂŠ ? L’islam

EE : L’un des plus gros problèmes aujourd’hui est le radicalisme

islamique. Bien sĂťr, il n’y a pas que l’islam qui ait donnĂŠ naissance Ă une forme violente d’intĂŠgrisme, mais c’est lui qui a ĂŠtĂŠ le plus virulent tout au long des dernières dĂŠcades. Comment une perspective intĂŠgrale rĂŠpondrait Ă cette dynamique d’affrontement entre l’occident et le radicalisme islamique ? MCINTOSH : On n’a pas besoin d’avoir une conscience intĂŠgrale pour comprendre que les formes saines de l’islam traditionnel sont la rĂŠponse au problème de l’islam radical. Les solutions postmodernes ou modernes ne s’appliqueront pas ici. Nous devons contribuer Ă renforcer l’islam, faire en sorte qu’il rĂŠussisse en tant que forme traditionnelle de civilisation et aider Ă lĂŠgitimer les voix modĂŠrĂŠes qui, actuellement dans le monde islamique, sont la plupart du temps silencieuses. Et mĂŞme celles qu’on peut entendre ne rĂŠpondent pas aux problèmes de fond qui sont Ă l’origine du radicalisme, Ă savoir le fait que beaucoup de peuples dans l’islam se sentent dĂŠshonorĂŠs, profondĂŠment blessĂŠs et honteux de se retrouver dans ce qui est manifestement un stade rĂŠtrograde de l’histoire et de la civilisation. Ils tirent une grande fiertĂŠ du fait que l’islam ait ĂŠtĂŠ autrefois la culture la plus avancĂŠe dans le monde. L’islam ĂŠtait une grande civilisation et ils savent qu’il peut le redevenir. Donc les forces derrière le radicalisme sont ce sentiment d’être coincĂŠ, ce sentiment d’avoir ĂŠchouĂŠ, ce sentiment de honte. Et ces sentiments de dĂŠvalorisation sont particulièrement dĂŠstabilisants pour une civilisation islamique car c’est une civilisation très fière. Cette fiertĂŠ s’exprime de diverses façons ; dans le statut des femmes, par exemple. Toutes les formes de conscience traditionnelle, orientales et occidentales, sont machistes. Dans tous ces stades de conscience, les femmes sont des citoyennes de seconde classe, mais actuellement l’islam est probablement la pire de ce point de vue. Donc ce machisme - cette supĂŠrioritĂŠ du mâle - fait partie du sens de la dignitĂŠ et du besoin de respect qui sont les valeurs de la conscience guerrière. Le guerrier rĂŠclame du respect. La raison pour laquelle l’islam ĂŠchoue dans de nombreux secteurs est – c’est risquĂŠ, mais je vais le dire – qu’il lui manque certains degrĂŠs de vĂŠritĂŠ. En d’autres termes, la qualitĂŠ de la religion dans son ensemble, est affectĂŠe d’un certain nombre de points aveugles quant Ă la vĂŠritĂŠ. Cela se voit par la manière dont ces valeurs guerrières ont ĂŠtĂŠ prĂŠsentĂŠes et incarnĂŠes au niveau traditionnel.

ne s’est pas suffisamment sĂŠparĂŠ de la conscience guerrière ? MCINTOSH : Oui. Le christianisme a eu beaucoup de problèmes

similaires. Il a rĂŠgressĂŠ aux alentours de la Renaissance, pĂŠriode durant laquelle l’Êglise catholique ĂŠtait devenue corrompue. Lisez, par exemple, les rĂŠcits sur les papes de la Renaissance qui organisaient des orgies au Vatican. La conscience guerrière avait clairement contaminĂŠ et dĂŠtruit l’autoritĂŠ morale de la conscience traditionnelle. Cette situation a ĂŠtĂŠ rejetĂŠe par Luther qui a dĂŠclarĂŠ qu’il fallait une forme de christianisme plus moral. Ceci a conduit Ă la RĂŠforme qui a purgĂŠ les ĂŠlĂŠments guerriers du christianisme en crĂŠant la structure protestante devenue, par la suite, la plate-forme Ă partir de laquelle s’est constituĂŠ le Siècle des Lumières. La RĂŠforme ĂŠtait nĂŠcessaire Ă l’Êmergence du Siècle des lumières. Elle a purifiĂŠ la religion et l’a rendu plus morale. Elle l’a rendu meilleure, plus vraie ... peut-ĂŞtre pas plus belle, mais quand mĂŞme ! Donc, une fois encore, ce n’est pas seulement les intĂŠgralistes qui rĂŠclament une rĂŠforme de l’islam. C’est la prochaine ĂŠtape de son histoire, et qui sera nĂŠcessaire pour que des formes fonctionnelles de modernisme viable ĂŠmergent dans la civilisation islamique. EE : Quelles sont les dynamiques qui vont permettre celĂ ? MCINTOSH : Il faut renforcer ceux qui pourraient reprĂŠsenter les voix de l’islam modĂŠrĂŠ, leur donner un peu de technologie intĂŠgrale en quelque sorte. Mais surtout ils ne doivent pas venir d’une perspective moderne ou postmoderne. Ils doivent avoir eux-mĂŞmes un centre de gravitĂŠ traditionnel, et faire preuve de loyautĂŠ envers la tradition. Promouvoir l’Islam modĂŠrĂŠ peut consister, par exemple, Ă regarder le Coran. C’est ce qu’il faudrait utiliser pour renforcer la moralitĂŠ, tout comme Luther a utilisĂŠ la Bible. Tout est lĂ dans le Coran. Cela signifie qu’il faut soutenir les individus qui peuvent ĂŞtre des voix positives, sans en faire des marionnettes. Nous pourrions aussi reconnaĂŽtre l’importance de la dignitĂŠ dans le monde islamique et leur rendre un peu de cette dignitĂŠ. Nous pourrions par exemple financer un mĂŠmorial dans le centre de TĂŠhĂŠran qui inscrit dans la pierre la honte que nous avons des pratiques utilisĂŠes par la CIA pour manipuler

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politiquement le gouvernement iranien. Nous pouvons expier ces pÊchÊs, aider à guÊrir un petit morceau d’histoire et ainsi devenir plus moraux nous-mêmes. EE : Je me souviens quand Clinton est allÊ au Rwanda et qu’il a prÊsentÊ ses excuses de n’avoir rien fait pour arrêter le gÊnocide. Cela a eu un effet positif Ênorme. MCINTOSH : À vrai dire, il pourrait y avoir tout un mouvement artisti-

que autour de monuments commĂŠmoratifs de ce type. J’avais l’idĂŠe d’un mĂŠmorial pour le centre-ville de Bagdad qui aiderait Ă restaurer la dignitĂŠ après l’invasion. Ce mĂŠmorial s’appellerait ÂŤ Nous parlons tous arabe Âť et rappellerait les contributions significatives de la civilisation islamique au système dĂŠcimal international et aux mathĂŠmatiques en gĂŠnĂŠral. Les formes mĂŞmes des chiffres de zĂŠro Ă dix sont tirĂŠes directement de l’Êcriture arabe. Pensez Ă l’importance du ZĂŠro et du Un Ă l’Êpoque du numĂŠrique. Ainsi ce mĂŠmorial cĂŠlĂŠbrerait les rĂŠalisations des Arabes en mathĂŠmatiques, adoptĂŠes en Europe plusieurs centaines d’annĂŠes plus tard et contribuant ainsi largement au dĂŠveloppement du capitalisme. Nous pourrions commĂŠmorer cela et cĂŠlĂŠbrer les accomplissements de la civilisation islamique d’une façon qui pourrait aider Ă rendre Ă la population une partie de la dignitĂŠ perdue du fait d’avoir ĂŠtĂŠ conquis en trois semaines. Mais si nous faisons tout ceci simplement dans notre propre intĂŠrĂŞt ou uniquement pour des raisons stratĂŠgiques, il ne s’en dĂŠgagera pas une odeur d’intĂŠgritĂŠ morale et les personnes qui sont au stade de conscience traditionnelle sentiront cela Ă un kilomètre Ă la ronde.

:¸7@/9 EE : Cela nous amène Ă la question de la guerre en Irak qui fait la une des journaux en AmĂŠrique. Qu’est-ce que la politique intĂŠgrale peut dire sur la guerre en Irak ? MCINTOSH : Une partie de la raison pour laquelle nous avons ĂŠchouĂŠ en Irak - et nous continuerons Ă ĂŠchouer en agissant militairement et unilatĂŠralement en tant qu’Êtat-nation - est due au fait qu’il ne s’agit pas tant d’un combat pour le sol que d’une bataille pour les cĹ“urs et les esprits. Les cĹ“urs et les esprits ne peuvent pas ĂŞtre conquis si on agit Ă partir d’un intĂŠrĂŞt national avec un passĂŠ d’exploitation et de colonialisme. Les Irakiens ne vont jamais nous croire, mĂŞme si nous avons vĂŠritablement de bonnes intentions et il y a de bonnes raisons Ă cela. Au niveau moderniste nous avons tout gâchĂŠ et jusqu’à ce nous guĂŠrissions ce passĂŠ lĂ , le parfum de moralitĂŠ et de spiritualitĂŠ nĂŠcessaires pour gagner les cĹ“urs et les esprits ne se sentira pas. Nous avons besoin de la vision morale plus large de l’intĂŠgralisme, qui transcende et aussi inclut le postmodernisme. Ce que le postmodernisme apporte, c’est un gĂŠocentrisme sincère, une solidaritĂŠ multiculturelle, une prioritĂŠ environnementale et une sophistication spirituelle, qui sont tous des prĂŠrequis pour que l’approche de ces problèmes soit plus morale qu’elle ne peut l’être avec le modernisme.

)+ ĂŠveil & ĂŠvolution

Ainsi en Iraq il y a eu plusieurs faux pas. La première erreur fut l’invasion unilatĂŠrale, mais mĂŞme lĂ tout n’Êtait pas complètement perdu. Alors que je donnais des confĂŠrences sur le gouvernement mondial en 2003, je prĂŠconisais que maintenant que l’invasion ĂŠtait terminĂŠe, la moindre des choses ĂŠtait de reconnaĂŽtre que cet artifice colonial appelĂŠ Irak et crĂŠĂŠ par les Britanniques faisait partie du problème. Le peuple irakien n’est pas parvenu Ă un stade moderne qui aurait permis un ĂŠtat-nation fonctionnel, prospère et multiethnique. Ce que je prĂŠconisais ĂŠtait de partager le pays, peut-ĂŞtre pas en des pays sĂŠparĂŠs, mais au moins en districts suffisamment indĂŠpendants. Je sentais qu’ils n’Êtaient pas prĂŞts pour la sĂŠparation de la religion et de l’Êtat, et donc ils avaient besoin, par exemple, de nommer quelqu’un comme le chef spirituel chiite Sistani pour diriger la faction chiite. C’est ensuite que nous devons encourager les aspects les plus moraux de la religion et oeuvrer avec les religieux afin qu’ils ne deviennent pas trop durs dans l’application de la charia. Puis, il faudrait une sorte de tutelle qui gère les richesses du pĂŠtrole et qui les rĂŠpartisse ĂŠquitablement entre les trois districts. L’intĂŠgralisme nous aiderait Ă avancer en Irak en reconnaissant qu’au stade de dĂŠveloppement des populations, il est sans espoir d’essayer de les amener Ă devenir d’un coup une dĂŠmocratie jeffersonnienne et Ă fonctionner comme une nation. Les ĂŠchecs en Irak crĂŠent des conditions Ă fort potentiel d’Êvolution dans la mesure oĂš ils montrent Ă quel point la structure de l’Êtat-nation est inadaptĂŠe Ă des niveaux multiples. Dès que vous commencez Ă regarder Ă travers l’objectif de la spirale de l’Êvolution et que vous le pointez sur la situation en Irak, tout se rĂŠvèle. D’un seul coup, la mise au point est faite et boum !... Vous y voyez clair. Cette clartĂŠ n’existe pas encore, mĂŞme parmi les leaders et experts les plus ĂŠduquĂŠs et les mieux intentionnĂŠs. Et cela dĂŠmontre aussi pourquoi les Nations Unies n’est pas adĂŠquate et pourquoi nous avons besoin d’une fĂŠdĂŠration mondiale efficace. Une fĂŠdĂŠration mondiale n’est pas pour demain, mais quand nous reconnaissons que c’est l’avenir d’une ĂŠvolution politique positive, alors nous pouvons commencer Ă voir oĂš nous nous dirigeons et utiliser cette connaissance afin de prendre, dès maintenant, de meilleures dĂŠcisions stratĂŠgiques.

23;=1@/B73 3B 271B/BC@3 3< /4@7?C3 AC0 A/6/@73<<3 EE : J’aimerais connaÎtre vos rÊflexions sur la situation de l’Afrique sub-

saharienne et, en particulier, celle du Rwanda. Bien sÝr, notre cœur va vers ces peuples, avec toutes les horreurs qu’ils ont endurÊ et les tensions ethniques qui continuent encore aujourd’hui. En même temps, il y a beaucoup d’espoir au Rwanda. Le prÊsident, Paul Kagame, a rÊtabli un certain ordre. L’aide commence à revenir. C’est l’un des cas les plus encourageants en Afrique, en dÊpit du fait que le gÊnocide se soit dÊroulÊ si rÊcemment. Donc je suis curieux de savoir ce que la politique intÊgrale pourrait avoir à dire à propos d’une situation telle que celle du Rwanda. MCINTOSH : J’aimerais parler de l’Afrique sub-saharienne en gÊnÊral et du Rwanda avec son gÊnocide rÊcent, comme un cas particulier.


Ă€ partir d’une perspective intĂŠgrale, nous pouvons voir – et ici je gĂŠnĂŠralise – qu’il y a des personnes en Afrique sub-saharienne qui ont atteint les niveaux de conscience moderne et postmoderne. Il y a aussi beaucoup de conscience traditionnelle. Mais il semble, et je ne prĂŠtends pas ĂŞtre un expert, que la majoritĂŠ des individus dans cette rĂŠgion ont un centre de gravitĂŠ encore situĂŠ dans la conscience tribale ou guerrière. Donc ce que la vision intĂŠgrale prescrirait en Afrique sub-saharienne pour les formes rebelles de conscience tribales et guerrières, ce sont des doses salutaires de conscience traditionnelle. Et ceci, pas seulement pour l’Afrique sub-saharienne dans son ensemble ; c’est en particulier, la prochaine ĂŠtape pour le Rwanda. N’importe quelle forme de conscience traditionnelle qui serait acceptable, Ă la fois par les Tutsi et les Hutus, serait la forme la plus idĂŠale, quelle soit chrĂŠtienne, musulmane ou bouddhiste. N’importe laquelle fera l’affaire tant qu’elle est saine et salutaire et qu’elle est acceptĂŠe Ă la fois par les deux groupes ethniques. Donc, on comprend pourquoi la conscience traditionnelle, en particulier sous la forme du christianisme protestant anglican, fasse preuve d’un très grande efficacitĂŠ. Ce dernier est en train d’être adoptĂŠ et semble avoir un effet positif en dĂŠpit de tous les effets nĂŠgatifs qu’ici, dans le monde dĂŠveloppĂŠ, nous associons au christianisme ĂŠvangĂŠlique. Des formes saines de conscience traditionnelle peuvent rĂŠunir les deux groupes raciaux en une seule identitĂŠ ethnique. Ce serait pour eux une prochaine ĂŠtape importante qui leur permettrait de dĂŠvelopper un sentiment de vertu publique sain et par la suite crĂŠer une forme autochtone de modernisme, comme on a dĂŠjĂ pu le constater dans plusieurs situations de ce type ayant rĂŠussi dans le monde. Donc il y a de l’espoir au Rwanda. On peut voir les gens se remettre de ce gĂŠnocide monstrueux. Mais d’un point de vue culturel et psychologique, il y a une blessure bĂŠante et profonde qui va continuer Ă les handicaper durant des gĂŠnĂŠrations. RĂŠcemment sont parus quelques articles sur le processus de guĂŠrison culturelle et psychologique dĂŠveloppĂŠ par le psychologue allemand Bert Hellinger. Le Travail Hellinger, comme on l’appelle, a ĂŠtĂŠ extrĂŞmement efficace avec les survivants de ce gĂŠnocide. Il serait important de faire un travail de ce type en continu, sur une base nationale au Rwanda, afin d’aider Ă guĂŠrir ces blessures qui vont se perpĂŠtuer Ă travers les gĂŠnĂŠrations. Cette sorte de travail est nĂŠcessaire, non seulement comme une solution transitoire afin de prĂŠvenir d’autres gĂŠnocides, mais aussi comme soutien important pour aider ces niveaux de conscience traditionnels Ă se solidifier et ne pas continuellement retomber en arrière, aux niveaux guerriers. Lorsque, depuis la perspective intĂŠgrale, vous avez une comprĂŠhension de l’univers intĂŠrieur, vous pouvez saisir l’importance de telles mesures.

EE : Qu’en est-il de la dĂŠmocratie ? Il semble que la politique intĂŠgrale suggère que la dĂŠmocratie n’est pas un remède miracle pour une culture politique qui dysfonctionne. MCINTOSH : Vous ne pouvez pas imposer la dĂŠmocratie Ă une popu-

lation qui n’est pas arrivĂŠe au niveau d’Êvolution culturel correspondant, si vous voulez que cette dĂŠmocratie fonctionne. Le Rwanda est en grande majoritĂŠ prĂŠ-traditionnel. Donc, un gouvernement ĂŠlu dĂŠmocratiquement a peu de chance d’être la prochaine ĂŠtape pour ses habitants. J’aimerais pourtant que ce soit le cas et s’ils y parviennent, bravo. Je souhaite qu’ils me prouvent que j’ai tort. Mais quand nous reconnaissons que ces niveaux de conscience sont accompagnĂŠs de certains types d’organisations politiques, nous pouvons voir qu’une dictature – espĂŠrons-le sous une forme bĂŠnigne – ou une sorte de gouvernement prĂŠ-dĂŠmocratique est probablement inĂŠvitable, sinon appropriĂŠe. Mais la façon de s’assurer dans un cas comme celui-ci, qu’elle soit appropriĂŠe, serait d’avoir une sorte d’autoritĂŠ internationale qui pourrait dire : ÂŤ Nous comprenons que vous n’êtes pas prĂŞts pour la dĂŠmocratie, mais votre dictateur doit quand mĂŞme ĂŞtre assujetti Ă la lĂŠgislation internationale et il peut ĂŞtre arrĂŞtĂŠ s’il y a violation des droits de l’homme ou dĂŠtournement des fonds publics ou gĂŠnocide ou nettoyage ethnique Âť. Ce serait une aide que de permettre Ă ces premiers stades d’exister comme ils le doivent, mais sous des formes tempĂŠrĂŠes afin que les pires abus qui ont caractĂŠrisĂŠ ces niveaux de conscience ne soient pas rĂŠpĂŠtĂŠs.

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:¸/D3<7@ 23 :/ @CAA73 EE : Je voulais vous questionner sur la situation actuelle en Russie. On

s’inquiète beaucoup en occident du manque de rĂŠelle dĂŠmocratie en Russie aujourd’hui. Après l’effondrement du système soviĂŠtique, il y a eu un effort pour crĂŠer une ĂŠconomie moderne en Russie, ĂŠconomie qui a ĂŠchouĂŠ lamentablement. Il semble que le pays soit en train de glisser dans une structure de gouvernement quasi tribale avec des oligarques qui deviennent de plus en plus puissants. Poutine gĂŠnère beaucoup de frustrations lĂŠgitimes actuellement, mais il y a aussi plus de stabilitĂŠ intĂŠrieure. Donc qu’est-ce que la conscience intĂŠgrale a Ă nous dire sur l’avenir de la Russie ? MCINTOSH : Tout d’abord on ne peut pas s’attendre Ă ce que la Russie

puisse soutenir un niveau de dĂŠmocratie postmoderne quand, d’un point de vue historique, les Russes n’en sont pas lĂ . Ce que nous pouvons faire, c’est de les respecter et de leur donner de l’espace, parce que si un peuple a dĂŠmontrĂŠ une capacitĂŠ de rĂŠsistance Ă tout ce qui peut lui ĂŞtre imposĂŠ de l’extĂŠrieur, c’est bien lui ! Nous voulons aider la Russie de façon appropriĂŠe et qui soit respectueuse de son

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autonomie nationale. Une de ces façons est de reconnaĂŽtre que la raison pour laquelle la Russie a du mal Ă dĂŠvelopper un modernisme fonctionnel est due au fait qu’elle manque, encore aujourd’hui, d’une forme fonctionnelle et appropriĂŠe de conscience traditionnelle. Il y a bien l’Êglise orthodoxe russe, mais la sociĂŠtĂŠ n’est jamais devenue pleinement traditionnelle mĂŞme si l’Êglise ĂŠtait autrefois une structure traditionnelle qui fonctionnait. Le communisme a ensuite tout balayĂŠ et est devenu une culture traditionnelle de remplacement. Maintenant que le communisme a ĂŠtĂŠ balayĂŠ Ă son tour, que toutes les loyautĂŠs et l’objectif ĂŠlevĂŠ de la crĂŠation d’un paradis des travailleurs se sont ĂŠvanouis, il ne reste quasiment plus aucune structure de conscience traditionnelle en place. Le retour inĂŠvitable Ă la conscience guerrière ĂŠtait prĂŠvisible. Comment donc soutenir le dĂŠveloppement d’une conscience traditionnelle saine en Russie ? Je ne suis pas sĂťr. Il faudrait consulter des experts de la culture russe pour nous ĂŠclairer. Le communisme n’est pas une option souhaitable. L’Êglise orthodoxe d’Orient semble vraiment fonctionner comme une plate-forme convenable pour le modernisme dans des pays comme la Grèce. La Grèce n’est pas la France, mais elle a incontestablement une ĂŠconomie moderne et une dĂŠmocratie qui fonctionne. Cela prouve que leur forme de conscience traditionnelle soutient un modernisme fonctionnel qui produit suffisamment de vertu publique pour lui ĂŠviter de s’effondrer en une sorte de kleptocratie, une structure corrompue. Avec le temps, on peut peut-ĂŞtre encourager et restaurer l’Êglise orthodoxe d’Orient afin qu’elle crĂŠe une citoyennetĂŠ positive et un sens de solidaritĂŠ ethnique entre les peuples. Elle pourrait alors commencer Ă servir de fondation Ă un modernisme fonctionnel. Cependant, l’Êglise orthodoxe d’Orient a ĂŠtĂŠ fondĂŠe en Grèce et ses racines historiques sont Ă Constantinople et dans l’empire Byzantin. Elle a ĂŠtĂŠ transplantĂŠe en Russie mais n’y a jamais ĂŠtĂŠ aussi puissante. Une alternative pourrait ĂŞtre une forme de patriotisme russe. Le nationalisme et le patriotisme peuvent crĂŠer des formes de conscience traditionnelles salutaires, mais la moralitĂŠ qu’apportent les formes de conscience traditionnelle religieuses est souvent bien plus puissante que celle qui est simplement basĂŠe sur une solidaritĂŠ nationale. Le problème n’est pas sans rappeler celui du modernisme en AmĂŠrique Latine. L’Êglise catholique lĂ -bas ne rĂŠussit pas Ă crĂŠer un niveau de conscience traditionnel capable d’empĂŞcher la corruption de saccager continuellement l’Êconomie. Dans ces pays, le modernisme s’effondre sans cesse Ă cause de la corruption – et pas simplement Ă cause de ceux qui prennent les pots-de-vin, mais Ă cause de ceux qui les tolèrent, et qui, de fait, tolèrent le système. Ils pensent :

ÂŤ Bah oui, les gens sont corrompus, mais que peut-on y faire ? Âť Il y a aussi de la corruption dans les pays modernes, mais la population ne le supporte pas, du moins pas très longtemps. Les formes saines de conscience traditionnelle ne sont gĂŠnĂŠralement pas sur les ĂŠcrans radars des modernistes et postmodernistes qui veulent aider le monde Ă aller mieux. Pourtant dans la perspective intĂŠgrale c’est lĂ que nous devons dĂŠmarrer. Nous devons redescendre Ă ces niveaux de culture et repartir de lĂ . Le schĂŠma de l’Êvolution est si instructif ; c’est comme une carte routière qui nous montre exactement ce qu’il faut faire pour rendre le monde meilleur. Nous avons besoin d’une perspective verticale, parce qu’il n’y a pas de taille standard pour un monde dont les niveaux de dĂŠveloppement actuels rĂŠsultent des deux derniers millĂŠnaires d’histoire.

:¸{UZWaS QObV]ZW_cS S\ /[{`W_cS :ObW\S \S `{caaWb ^Oa u Q`{S` c\ \WdSOc RS :/ D73 2/<A C< ;=<23 0/:9/<7A3 Q]\aQWS\QS b`ORWbW]\\SZ QO^OPZS R¸S[^}QVS` ZO EE : Une des questions auxquelles nous sommes confrontĂŠs aujourd’hui Q]``c^bW]\ RS aOQQOUS` : comment satisfaire les nomQ]\bW\cSZZS[S\b Z¸{Q]\][WS est breux groupes ethniques et leurs dĂŠsirs

)- ĂŠveil & ĂŠvolution

d’auto-dĂŠtermination ? Maintenant que les empires sont tombĂŠs et que le colonialisme est terminĂŠ, de par le monde divers groupes ethniques, qui pendant longtemps ont ĂŠtĂŠ assujettis, expriment un fort dĂŠsir d’autonomie. Cela peut causer beaucoup d’instabilitĂŠ pour les frontières nationales et les structures politiques existantes, que ce soient les Kurdes en Turquie ou les Basques en Espagne ou encore les Croates dans les Balkans. Comment une vision intĂŠgrale aborde cette difficile question de l’auto-dĂŠtermination ? MCINTOSH : La vision intĂŠgrale reconnaĂŽt que la structure de l’Êtat-

nation qui rĂŠgit de fait la majeure partie du monde actuel a ĂŠtĂŠ, dans certains endroits, imposĂŠe aux populations d’une manière inappropriĂŠe. Ce qui distingue la vision intĂŠgrale d’une fĂŠdĂŠration mondiale de toutes celles qui ont ĂŠtĂŠ proposĂŠes avant, est l’idĂŠe de pousser Ă la fois le pouvoir vers le haut et vers le bas. Autrement dit, avec un gouvernement mondial intĂŠgral nous poussons le pouvoir vers le haut par la crĂŠation d’une organisation politique supranationale. Et en mĂŞme temps, nous poussant le pouvoir vers le bas, lĂ oĂš c’est nĂŠcessaire, en permettant aux groupes politiques naturels Ă se cimenter et Ă se diriger eux-mĂŞmes. Pousser le pouvoir vers le bas, c’est permettre Ă certains pays de se balkaniser, pour ainsi dire, et leur permettre de retourner Ă une ĂŠpoque de l’histoire oĂš ces diffĂŠrentes identitĂŠs ethniques existaient. C’est permettre la lĂŠgitimation de ces groupes ethniques, crĂŠer un bouquet de pays minuscules, d’identitĂŠs nationales ou linguistiques miniatures. Ils peuvent retourner au niveau oĂš ils sont stables et


où se produit pour eux un authentique développement évolutif. Ce n’est que lorsque vous imposez à des pays des formes d’organisation politique qu’ils n’ont pas développé naturellement, que ces formes sont instables. Donc, quand nous voyons dans le monde une zone instable, nous devons, y ramener le pouvoir à son niveau naturel – niveau que la zone a atteint en termes de conscience. Nous pouvons alors lui permettre de se stabiliser à ce niveau, gagner en autonomie et autorité politique. Mais cela doit se faire dans le contexte plus large d’une structure légale supranationale qui peut aider à préserver les droits de l’homme à l’intérieur de ces petites structures. Puis graduellement, ces petits groupes peuvent grandir jusqu’au point où ils deviennent un état-nation par eux-même. Mais tenter de contraindre ces populations à se mouler dans des formes d’organisation politique trop évoluées pour eux ne marchera jamais. Nous le voyons en Irak et dans d’autres parties du monde. Les Turcs, par exemple, ont peur que l’on pousse le pouvoir en bas vers les Kurdes parce que la Turquie pourrait être obligée de défendre l’intégrité de ses frontières nationales contre un nouveau Kurdistan. Mais s’il existait une organisation politique globale supérieure qui garantisse la paix entre les Kurdes et les Turcs, les Turcs seraient moins sur la défensive.

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EE : Donc pour pouvoir accorder plus d’autonomie à ces groupes ethniques, nous avons besoin d’une méta-organisation qui puisse aider à super-viser tout le processus ?

Les femmes se sentent poussées par un profond désir de catalyser un vrai changement dans le monde. Mais tout va dépendre de ce que nous faisons maintenant. Rejoignez Elizabeth Debold pour découvrir l’histoire des femmes, où elles en sont aujourd’hui et vers où elles doivent oser aller.

MCINTOSH : Oui, vous ne pouvez pas pousser le pouvoir vers le bas

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sans avoir poussé suffisamment le pouvoir vers le haut. L’exemple que j’utilise est celui de l’Union Européenne. La formation de l’Union Européenne permet, par exemple, d’accorder du pouvoir à l’Écosse. À l’origine, l’Angleterre s’est unie à l’Écosse et au Pays de Galle pour être compétitive vis-à-vis de la France et de l’Espagne. Mais récemment l’Écosse est devenue plus indépendante et l’Angleterre n’a pas eu besoin de s’y cramponner parce qu’avec l’Union Européenne, elle n’était plus un simple état-nation en compétition avec d’autres états européens. Le pouvoir a été poussé vers le haut, pour pouvoir ensuite le redescendre. La même chose est arrivée avec l’Espagne et la Catalogne. L’Union Européenne a réduit la pression compétitive entre les états-nations de l’Union d’une façon qui leur permet de donner plus d’autonomie aux sous-états - les régions - qui existent en leur sein. Les états-nations continuent à se cramponner à chaque petit bout de territoire qu’ils ont réussi à accumuler à travers leur histoire, en partie parce qu’ils ont peur d’être désavantagés dans la compétition à cause d’une sorte de désintégration territoriale. Mais un certain degré de concession territoriale peut être salutaire et juste, et cela se produit quand les pressions de compétition sont réduites par la présence d’un système de gouvernance supérieur qui offre plus de sécurité. Cette dynamique pourrait se passer au niveau global si nous avions une fédération mondiale opérationnelle.

Amsterdam Copenhague

17 juin 18 juin

Londres Francfort

21 juin 22 juin

:a^oVWZi] 9ZWdaY Le travail d’Elizabeth Debold, rédactrice senior du magazine What Is Enlightenment?, est co-auteur du best-seller Mother Daughter Revolution, et a publié de nombreux articles sur le développement humain et moral, les questions de genre, la connaissance de soi et le développement des jeunes filles. Conférencière, elle est consultante auprès de grandes entreprises et a participé à de nombreux programmes télévisés. Diplômée de l’Université de Harvard, E. Debold est docteur ès Sciences Humaines et Psychologie. Elle est membre fondatrice du projet d’étude mené par Carol Gilligan sur la psychologie des femmes et le développement des filles.

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NDREW COHEN: De façon gĂŠnĂŠrale, sur la scène spirituelle postmoderne, la notion d’accomplissement spirituel semble dĂŠfinie de manière presque entièrement subjective. Dans les grandes traditions, il y a toujours eu des jalons importants pour mesurer les niveaux de dĂŠveloppement spirituel. Mais de nos jours, nos objectifs spirituels sont rarement ĂŠnoncĂŠs de façon claire et concrète. Dans mon travail, je tente de dĂŠtourner l’attention de l’aspirant spirituel de ce qui me semble ĂŞtre devenu un attrait excessif pour les ĂŠtats et les ĂŠmotions internes, qui est dĂŠnuĂŠ de toute trajectoire supĂŠrieure ou de contexte de dĂŠveloppement sĂŠrieux. J’essaie de rĂŠorienter les individus vers la nĂŠcessitĂŠ d’un changement objectif et d’un dĂŠveloppement dynamique, qui puissent ĂŞtre vus - et, oserais-je dire, mesurĂŠs – dans l’action. C’est la raison pour laquelle, ces dernières annĂŠes, je me suis tellement intĂŠressĂŠ Ă des modèles de dĂŠveloppement tels que “Spiral Dynamics – La Spirale de l’Êvolutionâ€? et, bien sur, Ă ton travail. La Spirale de l’Êvolution parle de dĂŠveloppement individuel et culturel Ă travers des stades ou niveaux de dĂŠveloppement codĂŠs selon diffĂŠrentes couleurs et divisĂŠs en deux paliers (voir le diagramme). Nous avons longuement parlĂŠ de l’Ênorme importance du saut du premier vers le second palier — ce qui correspond gĂŠnĂŠralement au passage du pluralisme vert caractĂŠrisant les rĂŠvolutions sociales et culturelles des annĂŠes 60 Ă l’Êmergence de la perspective intĂŠgrale que tu dĂŠfends.


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Nous avons aussi ĂŠvoquĂŠ l’idĂŠe d’un troisième palier — cet ensemble de stades ou de structures supĂŠrieurs dans la conscience qui commence Ă peine Ă ĂŠmerger et qui est porteur de nouveaux potentiels pour la culture. C’est ce que j’aimerais creuser aujourd’hui. Ces derniers temps, j’ai beaucoup rĂŠflĂŠchi Ă la vĂŠritable signification de ce troisième palier, parce qu’il me semble que c’est lĂ oĂš l’Êveil, qui est traditionnellement vu en Orient comme l’accomplissement spirituel ultime, rencontre la comprĂŠhension de l’Êvolution pour former une vision du monde nouvelle et plus ĂŠlevĂŠe. Et je pense qu’il est très important que nous cherchions Ă comprendre clairement la signification de ce nouveau niveau ĂŠmergeant afin de nous aider Ă dĂŠfinir l’objectif actuel en matière de dĂŠveloppement supĂŠrieur, en se basant sur les dĂŠcouvertes et les observations de ceux d’entre nous qui expĂŠrimentent ces potentiels plus ĂŠlevĂŠs. Non seulement cela nous donnera une vision directrice pour avancer, mais plus important encore, cela ĂŠclairera et renforcera notre capacitĂŠ Ă ĂŠvoluer consciemment.

deux paliers. Ce que nous appelons premier palier possède, en rĂŠalitĂŠ, trois regroupements très importants : egocentrique, ethnocentrique et gĂŠocentrique. Ainsi les stades infĂŠrieurs, allant jusquâ€˜Ă ce qu’on appelle le rouge*, sont ĂŠgocentriques, c‘est-Ă -dire qu’ils ne sont capables que d’une perspective ÂŤ Ă la première personne Âť (moi). Et ensuite les stades allant jusqu’à l’ambre sont ethnocentriques, c‘est-Ă -dire qu’ils sont capables d’une perspective ÂŤ Ă la seconde personne Âť (nous). Puis l’orange et le vert sont gĂŠocentriques, et dans ce cas ils sont capables d’une perspective ÂŤ Ă la troisième (cela) et quatrième personne** Âť. Puis enfin il y a ce saut dans l’intĂŠgral, qui est le vert-turquoise (en anglais : teal). C’est le premier vrai saut, Ă un tel point que les trois premiers regroupements sont qualifiĂŠs de premier palier. Le saut dans le second palier va redĂŠfinir les contours de notre planète. Dans les cultures d’Europe occidentale et d’AmĂŠrique du nord, environ cinquante pour cent de la population est au niveau gĂŠocentrique ou orange ; et environ vingt pour cent de la population est au niveau pluraliste ou vert. Mais en ce qui concerne le second palier ÂŤc’est le dĂŠsertÂť, c’est-Ă -dire qu’il ne correspond qu’à deux ou trois pour cent de la population. Mais ĂŠtant donnĂŠ que le stade vert ou pluraliste progresse vers le stade intĂŠgral, nous nous attendons Ă ce que ces deux Ă trois pour cent atteignent les dix pour cent dans la dĂŠcennie Ă venir. Un autre point important est, comme toujours, de bien faire la diffĂŠrence entre les ĂŠtats de conscience, que sont l’Êtat de veille, le rĂŞve, le sommeil profond, l’Êtat de tĂŠmoin, l’Êtat non duel, etc., et le dĂŠveloppement structurel ou par stade dont il est question dans des modèles tels que la Spirale de l’Êvolution. Nous disposons maintenant de preuves suffisamment indiscutables pour suggĂŠrer que ces deux types de dĂŠveloppement sont relativement indĂŠpendants. Cela peut se mesurer. Et comme nous l’avons souvent rĂŠpĂŠtĂŠ dans nos dialogues, on a accès Ă des ĂŠtats supĂŠrieurs comme le Grand Mental (Big Mind) ou le fondement ĂŠternel et intemporel de la conscience, depuis pratiquement n’importe quel stade ou structure de dĂŠveloppement, Ă travers des pratiques comme la mĂŠditation. Mais il y a des structures-stades supĂŠrieurs qui se dĂŠploient actuellement et que l’on ne peut pas forcĂŠment dĂŠcouvrir en pratiquant la mĂŠditation. En fait, on ne peut mĂŞme pas voir ces stades, en mĂŠditation. Si bien que beaucoup d’enseignants de mĂŠditation se fâchent et affirment : ÂŤ Si vous pratiquez rĂŠellement la mĂŠditation, cela couvre tout Âť. Mais ce n’est pas le cas. Cela couvre merveilleusement les ĂŠtats de conscience. Mais en termes de structures, cela ne couvre rien. On peut dĂŠvelopper des ĂŠtats de conscience, mais cela n’a rien Ă voir avec ce qu’on

KEN WILBER: Bien. Je suis d’accord avec tout ce que tu viens de dire. C’est tellement crucial. Mais le problème avec ce type de sujet, c’est que, malheureusement, son explication ne tient pas sur un timbre poste. Quand on parle de paliers, on regarde notre dĂŠveloppement Ă travers nos propres structures, qui reprĂŠsentent des modèles stables de dĂŠploiement. Il est vraiment dommage que “structuresâ€? rĂŠsonne comme quelque chose de lourd et de rigide. En fait, cela veut simplement dire modèles holistiques de dĂŠveloppement, et nous devons en devenir conscients ce qui nous en rend responsables. Ce qui intĂŠresse le plus un dĂŠveloppementaliste est le saut extraordinaire entre les besoins qui rĂŠpondent Ă des manques (D-needs) et les besoins d’accomplissement de soi (E-Needs) selon Abraham Maslow, ou entre le premier et le second palier de Clare Graves, dans son modèle de Spirale de l’Êvolution. Et ce dĂŠveloppement est un dĂŠveloppement très important, parce que, par dĂŠfinition, le second palier est le premier ensemble de stades majeurs de dĂŠveloppement oĂš l’on rĂŠalise que nos valeurs ne sont pas les seules qui existent. Le premier palier inclut cinq ou six stades majeurs de dĂŠveloppement, et chaque stade considère que ses valeurs sont les seules valeurs justes au monde. Et la plupart des discordes et des conflits sur la planète proviennent du fait que quatre-vingt-quinze pour cent des personnes se trouvent dans l’un de ces stades du premier palier. Pour rappel, un palier n’est qu’un regroupement conventionnel de stades. Ce qui est rĂŠel, ce sont les stades eux-mĂŞmes. Et gĂŠnĂŠralement les psychologues regroupent des stades qui prĂŠsentent, selon eux, des similaritĂŠs. Parfois, s’ils dĂŠcouvrent une ĂŠnorme disparitĂŠ entre deux stades, ils en feront une ligne de dĂŠmarcation entre *

Les couleurs indiquĂŠes ici se rĂŠfèrent au modèle de Ken Wilber, comme le montre le diagramme page 54. Certaines couleurs diffèrent de celles du modèle de la Spirale de l’Êvolution.

*' ĂŠveil & ĂŠvolution

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Selon Ken Wilber, une perspective Ă la quatrième personne, bien qu’on puisse la dĂŠfinir de plusieurs manières, est une perspective qui garde Ă l’esprit les trois autres. Ainsi voir qu’il y a des perspectives Ă la première, deuxième et troisième personne, est en soit une perspective Ă la quatrième personne.


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pourrait appeler un dĂŠveloppement vertical Ă travers des stades de conscience. Et nous en savons assez maintenant pour comprendre que nous devons grandir dans ces deux dimensions. Les enseignants de mĂŠditation ne prennent gĂŠnĂŠralement pas du tout en compte la dimension structurelle et c’est ce qui trouble beaucoup de gens. D’un autre cĂ´tĂŠ, beaucoup de gens ne travaillent pas sur les ĂŠtats de conscience, ils ne font que passer par le dĂŠveloppement structurel, par les stades qui sont modĂŠlisĂŠs, par exemple, dans la Spirale de l’Êvolution. Mais dans ce modèle il n’est pas question d’Êtats de conscience. En termes de croissance verticale ou de dĂŠveloppement structurel, la pointe de l’impulsion ĂŠvolutive pousse maintenant les individus Ă migrer vers les deuxième et troisième paliers. Bien sĂťr, ce dont tu parles n’est pas une simple migration vers le troisième palier, mais un mouvement oĂš les individus migrent avec une conscience ĂŠveillĂŠe vers ces structures. Donc tu parles d’Êtat et de stade, ou de structure. Cela fait partie de ton message et du message de toute personne travaillant Ă une approche plus intĂŠgrale de la spiritualitĂŠ. AC : C’est vrai. KW : Je vois une partie de ton travail comme une combinaison oĂš d’un cĂ´tĂŠ tu aides les personnes Ă entrer dans un ĂŠtat particulier, c’est Ă dire le fondement ĂŠternel et intemporel de tout,

puis de l’autre tu travailles avec eux pour les faire avancer avec leur soi authentique vers ces structures supĂŠrieures qui sont en train d’être formĂŠes. Est-ce exact? AC : Absolument correct. KW : Et je pense qu’il n’y a actuellement rien de plus important que cela : ces deux dimensions doivent ĂŞtre prises en compte – et très peu de gens le font. Beaucoup font un travail valable sur les ĂŠtats de conscience. Mais ils passent Ă cĂ´tĂŠ de ces structures verticales parce qu’on ne les voit ni en introspection ni en mĂŠditation. AC : Oui, comme nous l’avons rĂŠpĂŠtĂŠ de nombreuses fois, le stade ou la structure atteint aura sa propre interprĂŠtation des ĂŠtats dont nous faisons l’expĂŠrience. La façon dont nous interprĂŠtons notre expĂŠrience de ces ĂŠtats va dĂŠterminer le sens que nous leur donnons, et ce sens va dĂŠterminer notre relation ultime Ă la vie. Selon moi, seule la perspective du troisième palier sera assez large ou profonde pour garantir que nous interprĂŠtons nos expĂŠriences d’Êtat de conscience d’une façon qui soit constamment libre de l’incessant narcissisme spirituel de l’ego postmoderne. KW : C’est vrai. Comme nous l’avons dit par le passĂŠ, ces expĂŠriences d’Êtat de conscience sont interprĂŠtĂŠes Ă partir de la

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structure ou du stade vertical dans lequel on se trouve, et certainement pas assez souvent Ă partir des valeurs du troisième palier. AC : Pour en revenir Ă toute cette notion de troisième palier, j’aimerais essayer de dĂŠcrire quelques unes des qualitĂŠs de ce que je comprends du troisième palier, sur la base de mes recherches et de ma propre expĂŠrience. Un individu ayant atteint le troisième palier aurait une comprĂŠhension et une conscience assez bonnes des structures de dĂŠveloppement individuelles et collectives qui constituent le soi. Ayant ĂŠvoluĂŠ Ă travers le deuxième palier, cet individu aurait une reconnaissance profonde, que c’est parce que l’humanitĂŠ a ĂŠvoluĂŠ Ă travers ces structures sur une longue pĂŠriode de temps, que nous pouvons aujourd’hui commencer Ă interprĂŠter notre expĂŠrience de ces façons si extraordinaires. Je parle d’une comprĂŠhension qui est bien plus que simplement cognitive - une reconnaissance quasi prĂŠ-cognitive que le soi conditionnĂŠ est un soi en ĂŠvolution. Un tel individu aurait ĂŠgalement fait l’expĂŠrience d’un ĂŠveil profond au vide primordial du fondement de tout l’être. Il ou elle serait conscient d’un contexte ultime qui transcende le temps et la forme et, par consĂŠquent, aurait une profonde reconnaissance intuitive qu’il ou elle est libre de la forme, de la crĂŠation, de la manifestation – une reconnaissance que je suis dĂŠjĂ libre de ce processus. C’est ce qui libère fondamentalement le sentiment d’être soi de cette sensation d’être prisonnier du processus de la vie. Mais ce qui distingue le troisième palier, tel que je le comprends, c’est que l’individu s’Êveille simultanĂŠment Ă l’impulsion ĂŠvolutive ou soi authentique, ou Éros, et dĂŠcouvre ainsi une attention extatique et passionnĂŠ au futur de ce processus. Voici comment je dĂŠfinirais une orientation Kosmocentrique : c’est lorsque l’individu rĂŠalise qu’en tant que soi authentique, il ou elle n’est pas sĂŠparĂŠ de l’Ênergie/intelligence qui a initiĂŠ le processus de crĂŠation. Dans cette orientation, la reconnaissance qu’il n’y a que le Un, signifie que je suis et j’ai toujours ĂŠtĂŠ ce Un, et que donc la responsabilitĂŠ de crĂŠer le futur repose sur mes seules ĂŠpaules. Quand nous ĂŠpousons cette cause Kosmocentrique, nous rĂŠalisons que je ne suis pas ici simplement pour vivre ma propre vie. Je ne suis mĂŞme pas rĂŠellement ici pour ma propre libĂŠration. Je suis ici pour crĂŠer le futur. En effet, en tant qu’être sensible incarnĂŠ, c’est en me consacrant Ă cette tâche inimaginable que je trouve ma propre libĂŠration. L’un des signes qui dĂŠmontrerait qu’un tel individu a rĂŠellement atteint ce point dans son propre dĂŠveloppement serait que sa relation Ă sa propre expĂŠrience intĂŠrieure, et ses actions dans la vie – la façon dont il choisirait de vivre sa vie et ce Ă quoi sa vie serait dĂŠvolue – exprimeraient indĂŠniablement le fait qu’il y a eu une transformation profonde au cĹ“ur de son ĂŞtre. Sa rĂŠponse Ă la vie commencerait Ă reflĂŠter l’Êveil Ă une orientation plus morale, ĂŠthique, philosophique et spirituelle plutĂ´t qu’une conduite dictĂŠe par le personnel, la culture ou mĂŞme

l’ethnie. Plus rapide que la pensĂŠe, cette perspective supĂŠrieure et plus profonde commencerait Ă ĂŠclairer la façon dont le soi ou la personnalitĂŠ libĂŠrĂŠ rĂŠpondrait Ă sa vie intĂŠrieure et extĂŠrieure. En d’autres termes, un tel individu serait un ĂŞtre humain très diffĂŠrent parce qu’il serait l’expression de la passion libĂŠrĂŠe et engagĂŠe de l’impulsion ĂŠvolutive. KW : OK. Je pense que c’est gĂŠnial. Dans l’ensemble, je pense que c’est en plein dans le mille. Laisse-moi ajouter quelques mots simples pour nous orienter, et puis nous pourrons en parler de façon plus informelle. Plus fondamentalement, ce dont nous parlons vraiment, c’est que comme l’Êvolution est devenue consciente d’elle-mĂŞme, que nous comprenons rĂŠellement la croissance et le dĂŠveloppement, nous voyons maintenant que nous devons ĂŠveiller nos propres potentiels fondamentaux. En partie, cela veut dire ĂŠveiller nos capacitĂŠs Ă forger des potentiels qui n’ont pas encore ĂŠtĂŠ crĂŠĂŠs. D’ailleurs, Clare Graves et le modèle de Spirale de l’Êvolution ne parlent pas ainsi du troisième palier. AC : Ils ne parlent pas du tout du troisième palier, n’est-ce pas? KW : Non, le stade le plus ĂŠlevĂŠ qu’ils mentionnent est le niveau corail. Mais je pense qu’ils verraient le corail comme faisant toujours partie du second palier. Clare Graves croyait qu’il y aurait six stades dans le second palier, comme dans le premier, mais je ne pense pas que cela marche comme cela – je ne pen-

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EWZPS` se pas que ce soit aussi ordonnĂŠ. Grâce aux travaux de recherche empirique, ceux de Susanne Cook-Greuter par exemple, on commence Ă voir l’Êmergence, au niveau de conscience que je nomme indigo et que la spirale de l’Êvolution nomme corail, du tĂŠmoin transpersonnel comme identitĂŠ individuelle, un sentiment de JE SUIS. On rĂŠalise vraiment que le monde est une co-construction, non pas dans le sens postmoderne, mais dans le sens de la reconnaissance que le pouvoir d’intention de l’individu fait partie de ce qui co-crĂŠe l’univers. Donc la façon la plus facile de parler du troisième palier est de dire qu’il est transpersonnel. Les gens cessent de simplement penser que la planète est un organisme singulier avec une seule conscience ; ils commencent Ă dire ÂŤ Je suis cela Âť. Au second palier, cela reste une identitĂŠ conceptuelle. Ils se pensent eux-mĂŞmes comme faisant partie de tous les ĂŞtres sensibles et pas seulement des ĂŞtres humains, mais ce n’est toujours pas une identitĂŠ ressentie; c’est une identitĂŠ pensĂŠe. MĂŞme si le second palier correspond Ă une comprĂŠhension

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cognitive d’une perspective Kosmocentrique, et peut l’incarner jusqu’à un certain point, le vĂŠritable sentiment d’identitĂŠ du second palier reste personnel. Une autre façon de le dire est que le second palier, turquoise, est le plus ĂŠlevĂŠ des niveaux personnels. Puis, dès qu’on atteint le troisième palier, patatras – on entre dans le transpersonnel. Et Ă ce niveau, comme tu le dis, il y a une responsabilitĂŠ de fait pour l’impulsion ĂŠvolutive. C’est comme si on vivait l’Éros. AC : Exactement. KW : Cela devient le cĹ“ur de leur ĂŞtre. C’est leur motivation pour se lever le matin. Quand des individus abordent le second palier ou au-dessus, ils se sentent dĂŠjĂ complets, ils agissent Ă partir de la surabondance, d’un sens de dĂŠbordement associĂŠ Ă la nĂŠcessitĂŠ de crĂŠer Ă partir d’une vision ĂŠthique ou morale. Je pense que la description que tu as donnĂŠe est une très bonne version de ce qui se passe. Et bien sĂťr, il reste encore beaucoup Ă dĂŠcouvrir. AC : Oui, bien sĂťr. KW : Une autre dĂŠfinition du troisième palier c’est que c’est le niveau oĂš l’on commence Ă rĂŠaliser de façon permanente les ĂŠtats de conscience majeurs, et il s’avère que les trois stades majeurs du troisième palier sont ceux qui, forcĂŠment, objectivent les ĂŠtats de conscience subtil, causal et non duel. Les stades du second palier sont les stades les plus ĂŠlevĂŠs que l’on peut atteindre sans avoir nĂŠcessairement fait l’expĂŠrience d’Êtats de conscience supĂŠrieurs. Et on voit frĂŠquemment des individus qui se trouvent Ă un stade intĂŠgral de dĂŠveloppement mais n’accèdent pas Ă un ĂŠtat de conscience ĂŠveillĂŠ. Donc, pour migrer vers le troisième palier et les vĂŠritables structures transpersonnelles, on doit rĂŠellement faire un travail sur les ĂŠtats de conscience et avoir des rĂŠalisations pour s’Êveiller, en nous sortant d’abord de l’Êtat confinĂŠ de veille pour ensuite entrer dans des ĂŠtats subtils de conscience sans perdre contact avec notre propre JE SUIS ou fondement. Parfois cela inclut le rĂŞve lucide ou non. Mais cela inclut toujours la capacitĂŠ Ă objectiver le subtil, Ă le transcender et Ă l’inclure, Ă en faire Ă la fois le sujet et l’objet. AC : Exact. KW : Et puis aussi de migrer vers le causal oĂš il n’y a que le tĂŠmoin permanent et toujours prĂŠsent. C’est lĂ oĂš il faut faire attention aux distinctions, parce qu’on peut trouver des personnes qui sont tout juste au niveau vert, qui ont fait beaucoup d’expĂŠriences d’Êtats voire se sont ĂŠveillĂŠes jusqu’à un certain point au Grand Mental (Big Mind), et trouver des personnes au niveau turquoise qui n’ont pas de telles expĂŠriences. Mais le troisième palier va de pair avec le territoire. J’utilise le terme de Supramental (Supermind) d’Aurobindo pour dĂŠcrire la structure la plus ĂŠlevĂŠe du troisième palier, l’extrĂŞme limite de la croissance verticale. Et j’appelle Grand Mental (Big

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Mind), la limite extrĂŞme de la croissance horizontale ou par ĂŠtat. Le Supramental inclut le Grand Mental, mais le Grand Mental n’inclut pas le Supramental. C’est un point important. C’est donc au troisième palier que nous devons vraiment commencer consciemment Ă considĂŠrer le fondement de l’être comme faisant partie de nous. AC : Une manière de vĂŠrifier ce que tu viens juste de dĂŠcrire c’est en regardant si l’individu commence Ă rĂŠagir d’une façon qui dĂŠmontre que ses rĂŠponses conditionnĂŠes ĂŠgoĂŻstes et narcissiques restent contenues dans cette perspective supĂŠrieure Ă un degrĂŠ tel qu’il s’agit, de toute ĂŠvidence, d’un homme ou d’une femme transformĂŠ. Plus simplement, cela signifie qu’on a authentiquement et profondĂŠment transcendĂŠ notre ego narcissique postmoderne ultra dĂŠveloppĂŠ. Ce n’est pas nĂŠcessairement un soi parfaitement libĂŠrĂŠ, et je ne sais mĂŞme pas si une telle chose existe. Mais il s’agit d’un soi qui a dĂŠpassĂŠ ce que j’appelle le seuil des cinquante-et-un pour cent, ce qui signifie que l’impulsion ĂŠvolutive - le soi authentique et son orientation Kosmocentrique – est devenue la partie dominante du soi, ce qui fait toute la diffĂŠrence. KW : Je pense que c’est une bonne dĂŠfinition de ce qui arrive quand on passe du turquoise Ă l’indigo, quand on passe du second au troisième palier. Ce cinquante-et-un pour cent vient avec le territoire. Et si on en est Ă quarante-neuf pour cent, on est toujours dans le turquoise, mĂŞme s’il se produit d’autres choses ĂŠgalement importantes. AC : Bien sĂťr. Maintenant, comme je l’ai dit, la raison pour laquelle je pense que c’est cette sorte d’accomplissement qui est maintenant essentiel c’est que, du moins dans ma comprĂŠhension, quand on commence Ă atteindre le niveau de dĂŠveloppement du troisième palier, l’urgence Ă crĂŠer le futur supplante ou devient une impulsion plus forte que l’impulsion consistant simplement Ă libĂŠrer le soi ou Ă transcender le monde. A cet instant, nous rĂŠalisons que nous devons travailler avec d’autres individus pour crĂŠer ce futur parce qu’on ne peut pas le faire seul. Et il est difficile de travailler avec d’autres, particulièrement quand on prend pied dans ce type de territoire, Ă la fois dĂŠlicat et subtil, qui est nĂŠcessaire pour passer ensemble aux ĂŠtapes suivantes. Il devient ĂŠvident que les ĂŞtres humains ne pourront travailler vraiment ensemble Ă crĂŠer authentiquement un futur qui exprime une vĂŠritable perspective Kosmocentrique que s’ils ont eux-mĂŞmes rĂŠellement atteint le niveau de dĂŠveloppement du troisième palier. Car ce qui arrive quand nous atteignons ce niveau c’est que notre capacitĂŠ Ă crĂŠer devient vraiment chaordique – ce qui veut dire que l’on est prĂŞt Ă vivre dans un contexte de chaos qui, sans un peu d’Êveil, serait personnellement insupportable. Et on peut le faire sans perdre notre centre de gravitĂŠ si bien que des expressions d’ordre, nouvelles et plus ĂŠlevĂŠes, peuvent ĂŠmerger du chaos – encore et encore et encore.


KW : En effet. AC : Il semble que cela soit vraiment la tâche à accomplir pour le groupe d’individus avant-gardistes qui a réalisé que la seule raison d’être ici est de créer le futur. En fait, il est essentiel qu’ils atteignent au moins ce troisième niveau de développement pour être capables de travailler ensemble et de créer un contexte qui soit l’expression de ce que Ken Wilber appelle le Super-intégral. KW : Amen, mon frère ! AC : Parce que sinon on pourra en parler, on pourra être inspiré par l’idée, mais on ne pourra pas vraiment le manifester. Et autant que je puisse le comprendre, la tâche à mener pour ceux d’entre nous qui constituent l’avant-garde est d’être vraiment capable de manifester cela ensemble. Personnellement, je pense que la seule façon qu’on va te croire, me croire ou nous croire, c’est en apportant une preuve objective que c’est réellement en train de se produire, que cela marche. Ce sera la preuve ultime. KW : Exactement. Et nous devons être des leaders dans ces manières d’etre ensemble qui fonctionnent. Parce qu’être ensemble de façon pluraliste ne fonctionne pas ; à ce moment précis de l’histoire, ce serait complètement inefficace. Nous avons besoin de formes supérieures de leadership pour ce type de fonctionnement collectif. Pour prendre la responsabilité de notre propre croissance et développement, la première chose importante est de comprendre qu’il y a un deuxième palier, un stade intégral de développement et que c’est vraiment là que se situe la majorité de l’avant-garde. Mais l’avant-garde de l’avant-garde c’est le troisième palier, c’est là où nous commençons réellement à incarner ce potentiel de telle façon que la conscience s’éveille inévitablement. Nous devons garder à l’esprit que ce qui est vraiment important, à grande échelle, c’est que les gens atteignent maintenant le second palier. Le niveau vert de développement, qui représente cinquante-cinq millions d’Américains, souvent appelés créatifs culturels (en France, cela représente 17% de la population âgée de 18 ans et plus, soit environ 8 millions de personnes), est l’avant-garde du courant culturel majoritaire. Environ un tiers d’entre eux sont prêts à passer au second tiers. En soi, cela va avoir un effet immense. Ceux sont les pionniers qui aideront à définir le second palier. Et c’est cela le troisième palier.

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ieu est mort. Et c’est nous qui l’avons tuĂŠ, Âť ĂŠcrit Friedrich Nietzsche dans son ouvrage le plus cĂŠlèbre, Ainsi parlait Zarathoustra. Cette dĂŠclaration coĂŻncide avec le dĂŠbut d’un siècle de bouleversements religieux sans prĂŠcĂŠdent dans l’histoire de l’humanitĂŠ. Après que Nietzche ait ĂŠcrit ces mots, il n’a fallu que trois gĂŠnĂŠrations pour que le paysage religieux de la

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culture occidentale ne devienne quasi mĂŠconnaissable. En Europe, les formes traditionnelles de christianisme ont chutĂŠ en popularitĂŠ et de nombreuses ĂŠglises ou synagogues deviennent des monuments d’un autre âge. Aux ÉtatsUnis, le dĂŠclin rapide du catholicisme et des formes traditionnelles du protestantisme, combinĂŠ Ă l’essor puissant des mouvements chrĂŠtiens non traditionnels, en particulier l’ÊvangĂŠlisme et le pentecĂ´tisme, met Ă mal les chercheurs en sciences sociales qui doivent sans cesse rĂŠviser leurs analyses. De plus, on assiste Ă une explosion de formes moins traditionnelles de spiritualitĂŠ. De nouveaux mouvements religieux, des philosophies New Age, et des religions orientales importĂŠes attirent des millions et des millions d’occidentaux qui se disent spirituels mais non religieux. Alors après un siècle de changement, le recul nous prouve que les mots de Nietzsche ĂŠtaient Ă la fois prophĂŠtiques et prĂŠmaturĂŠs. Il semble bien que la religion ne soit pas morte, mais, par contre, elle s’est totalement transformĂŠe. MĂŞme des intellectuels laĂŻcs très respectĂŠs comme le biologiste E.O. Wilson en ont conclu que la religion est ÂŤ une partie indĂŠracinable de la nature humaine Âť. Et malgrĂŠ les rĂŠcents livres polĂŠmiques de Richard Dawkins et Christophe Hitchens, il semble mĂŞme que l’opinion publique soit clairement exprimĂŠe par cette affirmation de l’Êcrivain scientifique Connie Barlow : ÂŤ Le mĂŠpris Ă l’Êgard de l’impulsion religieuse est devenu rĂŠcemment complètement dĂŠmodĂŠ Âť. Mais mĂŞme si Dieu est encore bien vivant, Il ou Elle a certainement subi un changement de personnalitĂŠ plutĂ´t extrĂŞme au cours du siècle passĂŠ. Et la question Ă 64 000 dollars est celle-ci : Pourquoi ? Quelles sont les dynamiques culturelles responsables d’une transformation aussi spectaculaire? Et

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encore plus important, oĂš ces changements culturels nous mènent-ils ? Dans son livre La mort du Dieu mythique : la montĂŠe de la spiritualitĂŠ ĂŠvolutive, l’auteur Jim Marion examine ces questions, en commençant par sa propre interprĂŠtation de la dĂŠclaration de Nietzsche. Dieu est effectivement en train de mourir, suggère Marion, mais seulement une version spĂŠcifique de Dieu, et une autre version la remplace. Ce n’est pas la religion que notre culture abandonne, affirme-t-il, mais une certaine comprĂŠhension de la religion. Ancien moine catholique passionnĂŠ par la mystique, Marion fait partie du petit groupe de penseurs spirituels qui s’intĂŠresse Ă la montĂŠe d’une nouvelle vision de la vie spirituelle et religieuse gĂŠnĂŠralement appelĂŠe “SpiritualitĂŠ ĂŠvolutiveâ€?. Il pense que cette ĂŠmergence est suffisamment significative pour la dĂŠcrire comme une ĂŠtape entièrement nouvelle du dĂŠveloppement spirituel, fondamentalement distincte de la pensĂŠe religieuse des derniers millĂŠnaires. Travaillant maintenant comme avocat en politique publique Ă Washington, DC, mais toujours aussi engagĂŠ dans la vie mystique, Marion ĂŠtudie la montĂŠe de cette ĂŠmergence culturelle, tout en y participant de tout cĹ“ur. En collaboration avec le philosophe intĂŠgral Ken Wilber et son Institut IntĂŠgral, Marion participe au dĂŠveloppement d’un cadre philosophique pour l’âge post-traditionnel qui intègre les dĂŠcouvertes de la spiritualitĂŠ ĂŠvolutive dans le cadre thĂŠologique de la vie chrĂŠtienne. Il a rĂŠcemment partagĂŠ avec Eveil&Evolution son analyse très aboutie du changement de visage de l’AmĂŠrique chrĂŠtienne ainsi que son enthousiasme pour la promesse et le potentiel des niveaux de dĂŠveloppement supĂŠrieurs, qu’il pense ĂŞtre maintenant accessibles Ă tous.

EVEIL&EVOLUTION : Votre dernier livre

s’intitule ÂŤ La mort du Dieu mythique : la montĂŠe de la spiritualitĂŠ ĂŠvolutive Âť. Le thème principal de votre livre est, qu’en Occident, nous sommes en train de dĂŠpasser un certain niveau de comprĂŠhension de la nature de Dieu. Vous affirmez que ce n’est pas Dieu qui est mort, mais une conception particulière de Dieu. Que voulez-vous dire par cela ? JIM MARION : Dans les cinquante dernières annĂŠes – probablement plus mais tout spĂŠcialement dans les cinquante dernières annĂŠes – la psychologie moderne a dĂŠmontrĂŠ que nous progressons d’un niveau de conscience Ă un autre niveau puis Ă un autre, et Ă chaque fois que nous atteignons un niveau de conscience supĂŠrieur, notre vision du monde change. Cela inclut notre idĂŠe de qui est – ou de ce qu’est – Dieu. Donc quelqu’un qui fonctionne, par exemple, Ă un niveau de conscience rationnel a une idĂŠe de Dieu très diffĂŠrente d’une personne qui fonctionne Ă un niveau de conscience mythologique. La personne moyenne en Occident, et probablement en Orient aussi, conçoit fondamentalement Dieu en des termes mythologiques et cela depuis plus de trois mille ans. E&E : Que voulez-vous dire par mythologique ? MARION : C’est un Dieu, habituellement masculin, qui est sĂŠparĂŠ des humains et vit dans le ciel. C’est une conception de Dieu comme ĂŠtant un dirigeant, un juge, un patriarche – tous les symboles traditionnels masculins de Dieu. Ce Dieu intervient parfois dans les affaires humaines et, si nous prions, fait des miracles. E&E : Nous associons la plupart du temps cette vision de Dieu avec les religions abrahamiques. Mais vous ĂŞtes en train de dire que c’est aussi universel. MARION : En un certain sens c’est uni-

versel. Je parle principalement du mythe occidental de Dieu. Mais dans les cultures orientales, il y a aussi beaucoup de miracles mythologiques. Bien sĂťr les individus qui sont Ă un niveau de dĂŠveloppement


mythologique croient Ă la lettre Ă tout cela. Ils croient Ă la lettre que Dieu a crĂŠĂŠ le monde en six jours. Ils croient littĂŠralement que JĂŠsus est nĂŠ d’une vierge. Sa rĂŠsurrection est conçue comme une rĂŠanimation corporelle. Et ils croient qu’après quarante jours, son corps est vraiment montĂŠ au paradis, qui est considĂŠrĂŠ au moins jusqu’à GalilĂŠe et au sens mythologique, comme ĂŠtant de l’autre cĂ´te des cieux. C’Êtait un lieu physique, donc il ĂŠtait concevable que quelqu’un puisse s’y ĂŠlever avec son corps. Bien entendu ils n’avaient pas la moindre idĂŠe qu’ils parlaient de milliards d’annĂŠes-lumière. E&E : Mais vous avez l’impression que cette

conception mythique de Dieu est en train de mourir ? MARION : Elle arrive à son terme. Elle est arrivÊe à son terme, il y a probablement deux cents ans chez la plupart des intellectuels et des philosophes occidentaux, mais, comme c’est souvent le cas, cela a pris environ deux cents ans pour descendre au niveau de la population. Deux choses se produisent actuellement. Vous avez des individus – des fondamentalistes en particulier – dont la vision de Dieu reste mythique et qui s’accrochent bec et ongles à cette vieille pensÊe. Et vous avez ce que j’appelle le courant majoritaire des chrÊtiens, les catholiques comme les protestants, qui vont à la messe en y croyant à moitiÊ, ou bien qui tournent le dos à l’Êglise. Les Êtudes montrent maintenant – je cite le groupe de recherche Barna dans mon livre – qu’aux alentours de 1950, environ cinquante pour cent des chrÊtiens aux États-Unis pouvaient être dÊfinis comme traditionalistes, c’est-à -dire des chrÊtiens fondamentalement au niveau mythologique. Maintenant le chiffre est tombÊ à dixneuf pour cent. E&E : Vous Êcrivez que cette mort lente du

Dieu mythique dans la chrĂŠtientĂŠ a dĂŠclenchĂŠ une crise plus sĂŠrieuse que celle qui a donnĂŠ naissance Ă la RĂŠforme. Pourriez-vous

dĂŠvelopper les dynamiques de cette crise et pourquoi vous pensez qu’elle est aussi significative ? MARION : Au moment de la RĂŠforme, d’un cĂ´tĂŠ comme de l’autre, la plupart des personnes croyaient toujours en un Dieu mythique ; ils croyaient encore Ă tous les fondamentaux. Peut-ĂŞtre n’aimaient-ils pas la façon dont le pape collectait ses fonds ou l’autoritĂŠ de l’Êglise Romaine, mais les fondamentaux de la foi chrĂŠtienne ĂŠtaient Ă peu près intacts. Mais parce que les individus ne peuvent plus croire maintenant en ce vieux Dieu mythologique qui vit dans le ciel, ils quittent les ĂŠglises par millions, particulièrement en Europe, mais aussi au Canada, en Australie, en Nouvelle ZĂŠlande et aux États-Unis. Le mĂŞme phĂŠnomène va se produire en Europe de l’Est avec l’Êglise orthodoxe. Il y a donc une crise majeure au sein du Catholicisme, du Protestantisme et probablement aussi très prochainement

:O `SZWUW]\ \¸Sab ^Oa []`bS [OWa ^O` Q]\b`S SZZS a¸Sab b]bOZS[S\b b`O\aT]`[{S de l’Orthodoxie, Ă moins que ces ĂŠglises ne s’adaptent Ă une conception diffĂŠrente de Dieu, une conception qui ait du sens pour des personnes modernes et cultivĂŠes. E&E : Quand on parle de foi religieuse en AmĂŠ-

rique, on comprend immĂŠdiatement montĂŠe du fondamentalisme, montĂŠe des ĂŠvangĂŠlistes, et des soi-disant mĂŠga-ĂŠglises. Comment cela s’aligne-t-il avec la thèse de votre livre et la mort d’un Dieu mythique ? MARION : Et bien il y a une rĂŠsurgence d’in-

tÊrêt pour ce que j’appellerais la spiritualitÊ, plutôt que pour la religion. Et c’est le pentecôtisme qui se dÊveloppe vraiment. E&E : Vous n’appelez pas cela  religion  ?

MARION C’est bien dans un cadre religieux, mais ce que les gens cherchent c’est une expĂŠrience de Dieu : ils veulent aller Ă l’Êglise et parler de nouvelles langues ; ils veulent aller Ă l’Êglise et sentir l’Esprit Saint ; ils veulent aller Ă l’Êglise et entendre une musique extraordinaire, ĂŠmotionnellement exaltante, qui vient d’une sono Ă deux millions de dollars, ce que vous trouvez dans les mĂŠga-ĂŠglises. La plupart des mĂŠga-ĂŠglises n’appartiennent pas Ă une branche chrĂŠtienne en particulier. Elles sont indĂŠpendantes. Elles font ce qu’elles veulent. Et dans ce sens elles sont très modernes. Elles ont des garderies ; elles proposent de nombreux programmes en douze ĂŠtapes. Mais elles ont très peu de dogmes, de règles et de règlements. Les baptistes du sud sont encore plutĂ´t mythiques, comme probablement les luthĂŠriens du Missouri et d’autres groupes. Mais beaucoup de ces nouvelles ĂŠglises, comme celles que vous citez, les mĂŠga-ĂŠglises et le mouvement pentecĂ´tiste, sont diffĂŠrentes. Elles sont en quelque sorte Ă mi-chemin entre les deux. Prenez par exemple le livre très populaire du RĂŠvĂŠrend Rick Warren, The purpose driven life (La vie avec un but). Il est Ă la tĂŞte d’une mĂŠga-ĂŠglise et est de nos jours l’un des principaux ĂŠvangĂŠlistes dans le pays. Si vous lisez ce livre, vous verrez que c’est plus un manuel de dĂŠveloppement personnel, avec de nombreuses citations pieuses bibliques. Mais vous n’y trouverez aucun dogme, vous n’y trouverez pas de paradis, pas d’enfer, pas de purgatoire, ni aucunes de ces croyances mythologiques. E&E : Vous mentionnez qu’il y a aussi un

mouvement rĂŠactionnaire correspondant tournĂŠ vers une version plus fondamentaliste de la foi mythique. MARION : Oui, beaucoup de personnes sont terrorisĂŠes Ă l’idĂŠe de perdre la vieille religion et les anciennes conceptions de Dieu. Mais les fondamentalistes ont raison sur deux points : premièrement ils ont raison de dire qu’il y a un Dieu ; deuxièmement ils ont raison de dire que le monde a un

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but, que le monde a un sens, qu’il y a une forme quelconque de dessein intelligent. Et ils sont en rÊaction contre un monde laïc qui fondamentalement ne croit en aucune de ces choses.

:/ A>7@7BC/:7Bp pD=:CB7D3 E&E : Alors que notre conception d’un

Dieu mythique meurt, vous suggÊrez que le rÊsultat n’est pas que les individus deviennent universellement plus laïcs ou simplement athÊes. Vous affirmez que simultanÊment une nouvelle comprÊhension de la vie spirituelle Êmerge dans la culture. Vous y faites rÊfÊrence en tant que  SpiritualitÊ Êvolutive  – on utilise maintenant beaucoup ce terme. Pourriez-vous expliquer ce que vous entendez par  SpiritualitÊ Êvolutive  ? MARION : Pour donner un contexte à ce

mot, le philosophe intĂŠgral Ken Wilber (et d’autres thĂŠoriciens) parle de ÂŤ lignes de dĂŠveloppement Âť qui existent dans le soi. Par exemple, la ligne de dĂŠveloppement cognitive, la ligne de dĂŠveloppement ĂŠmotionnelle, la ligne de dĂŠveloppement morale. Il y a aussi une ligne de dĂŠveloppement religieuse, ou spirituelle. Quand je parle de spiritualitĂŠ ĂŠvolutive, je parle de la ligne de dĂŠveloppement religieuse. Quand nous progressons dans notre vie de prière ou dans la spiritualitĂŠ, nous avons tendance Ă passer de niveaux moins ĂŠlevĂŠs, plus matĂŠrialistes, Ă des niveaux plus ĂŠlevĂŠs, plus mystiques. Dans mon premier livre, mon argument de base ĂŠtait que lorsque JĂŠsus parlait du royaume des cieux, ce Ă quoi il se rĂŠfĂŠrait ĂŠtait un certain niveau de conscience, un niveau de conscience extrĂŞmement ĂŠlevĂŠ auquel très peu de personnes avaient accès. Pour atteindre ce niveau on ne peut pas sauter de marches. On doit passer par les autres niveaux. Ce n’est vraiment que dans les cinquante dernières annĂŠes que nous avons commencĂŠ Ă avoir une notion claire de ce que sont ces niveaux d’Êvolution – grâce Ă la psychologie moderne, particulièrement la psychologie transpersonnelle. Les psychologues

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ont ĂŠtudiĂŠ des dizaines de milliers de personnes et ils ont ĂŠtĂŠ capables de faire la distinction entre un niveau de dĂŠveloppement et le suivant. E&E : Donc quand vous parlez de spiritua-

litĂŠ ĂŠvolutive ou de chrĂŠtientĂŠ ĂŠvolutive, vous parlez de la reconnaissance que la croissance spirituelle passe par ces phases de dĂŠveloppement ? MARION : Non seulement la reconnaissance

qu’elle passe par ces phases, mais que le but de la religion, le but de la spiritualitÊ, est d’entraÎner les individus vers le haut à travers ces stades. Il s’agit rÊellement d’aider les individus à se dÊvelopper.

>O`QS _cS ZSa W\RWdWRca \S ^ScdS\b ^Zca Q`]W`S [OW\bS\O\b S\ QS dWScf 2WSc [gbV]Z]UW_cS _cW dWb RO\a ZS QWSZ WZa _cWbbS\b ZSa {UZWaSa ^O` [WZZW]\a Il y a toujours eu des stades de dĂŠveloppement sur le chemin chrĂŠtien, mĂŞme en remontant Ă une centaine d’annĂŠes après JĂŠsus-Christ. Je pense que c’Êtait dans les annĂŠes 150 que ClĂŠment d’Alexandrie divisait dĂŠjĂ le chemin spirituel en trois phases – celle du purgatoire, celle de l’illumination et celle de l’union. Elles ĂŠtaient reconnues comme des stades. De nos jours, ces ĂŠtapes sont ĂŠlaborĂŠes beaucoup plus scientifiquement ; elles peuvent ĂŞtre enseignĂŠes et peuvent aider les personnes Ă aller d’un niveau Ă un autre. E&E : Comment cette comprĂŠhension rĂŠoriente-t-elle votre rapport Ă la tradition chrĂŠtienne ?

MARION : Cela m’a aidĂŠ Ă bien mieux la comprendre. En fait, je suis sur le chemin spirituel depuis que je suis enfant ; je suis entrĂŠ dans un monastère Ă 15 ans et je me suis familiarisĂŠ avec Saint Jean de La Croix et ThĂŠrèse d’Avila et bien d’autres, depuis mon adolescence. J’ai toujours eu conscience des aspects dĂŠveloppementaux du chemin spirituel chrĂŠtien. J’avais l’habitude de tenir un journal pendant ma progression Ă travers les diffĂŠrentes ĂŠtapes de mon dĂŠveloppement. J’ai gardĂŠ une trace de tout ce qui m’arrivait et j’ai toujours su que j’Êtais en train de gravir une ĂŠchelle, pour ainsi dire, pour rejoindre Dieu. Mais je n’ai jamais ĂŠtĂŠ capable de l’expliquer très clairement jusqu’à la dĂŠcouverte du travail de Ken Wilber oĂš sont synthĂŠtisĂŠes toute la psychologie dĂŠveloppementale, la spiritualitĂŠ et la philosophie des cinquante ou soixante dernières annĂŠes. Cela m’a donnĂŠ un langage pour expliquer ma propre expĂŠrience et les diffĂŠrentes ĂŠtapes par lesquelles je suis passĂŠ et, je l’espère, me connecter avec d’autres et leur montrer ce que le chemin spirituel chrĂŠtien a toujours ĂŠtĂŠ, mais l’exprimer en des termes modernes. E&E : Pensez-vous qu’il y a une rĂŠceptivitĂŠ dans la communautĂŠ chrĂŠtienne pour cette perspective ? Est-ce que les personnes en parlent ? MARION : Je pense que oui. Pour le

croyant lambda assis sur les banc de l’Êglise c’est certainement encore un peu en avance sur son temps, mais je reçois littĂŠralement des centaines de lettres de personnes de toutes les communautĂŠs chrĂŠtiennes qui me disent ĂŞtre en accord avec ce que j’ai ĂŠcrit.

:¸/D3<7@ 23 :/ 4=7 E&E : Cela nous amène Ă une autre question. Alors qu’il semble que la mort du Dieu mythique se poursuive en Occident, ce serait l’inverse en Afrique – oĂš il y a parallèlement une expansion de la croyance en un Dieu mythique.


MARION : Oui, en Afrique vous avez chaque semaine des personnes qui se convertissent par milliers d’une religion tribale au christianisme ou à l’islam. Et cela dure depuis dix ou quinze ans. Ils sont en train de passer d’un niveau de conscience magique au niveau de conscience mythologique. Mais maintenant à l’heure de la mondialisation, ils ne vont pas rester à ce niveau deux mille ans comme nous l’avons fait en Occident. Je veux dire qu’à la prochaine gÊnÊration, ils auront peutêtre franchi une nouvelle Êtape. E&E : Pouvez-vous formuler simplement ce

que vous voulez dire par une vision du monde qui soit magique? MARION : Au niveau magique, ce qui est

le cas dans la plupart des cultures tribales, on trouve en gĂŠnĂŠral le polythĂŠisme, une croyance dans toutes sortes de dieux et dĂŠesses diffĂŠrents. Vous croyez aux pensĂŠes magiques ; par exemple si je prononce un mot magique, je peux faire pleuvoir ou vous jeter un sort, ou si vous me prenez en photo, vous capturez mon âme. Ces croyances magiques sont considĂŠrĂŠes en Occident comme des superstitions, ce qui est pĂŠjoratif, mais c’est bien le type de religion que vous retrouvez au niveau tribal. E&E : Vous avez ĂŠtĂŠ moine. Pensez-vous que la vie monacale soit aussi en train de disparaĂŽtre avec le niveau mythologique chrĂŠtien ? MARION : Cela semble ĂŞtre le cas. Dans

un sens c’est peut-être pour le mieux, parce qu’on avait appris à beaucoup de prêtres et de pasteurs que cela ne servait à rien d’essayer de parler à leurs paroissiens de mysticisme ou de niveaux plus ÊlevÊs du chemin spirituel parce qu’ils ne pourraient simplement pas les comprendre. De plus la plupart d’entre eux Êtaient bien trop occupÊs à gÊrer leur paroisse et toutes les activitÊs paroissiales pour avoir eux-mêmes le temps de mÊditer. C’Êtait donc les ordres monastiques qui avaient la responsabilitÊ de la mÊditation, si bien que si vous vouliez vraiment Êvoluer sur

le chemin spirituel, le seul endroit oĂš aller ĂŠtait le monastère. Ces idĂŠes doivent atteindre les paroissiens. Je pense que c’est ce que nous essayons tous de faire maintenant – Wilber, moi-mĂŞme et aussi le Père Thomas Keating qui se dĂŠplace partout pour enseigner la Prière du consentement. Il faut sortir et atteindre le profane moyen

1¸Sab c\S P]\\S QV]aS _cS ZO dWS []\OabW_cS RWa^O`OWaaS ^O`QS _cS ZS QV`WabWO\Wa[S R]Wb [OW\bS\O\b aS T]QOZWaS` ac` ZO [O\W|`S R¸ObbSW\R`S ZSa ^S`a]\\Sa ]`RW\OW`Sa et ĂŠduquĂŠ. C’est lĂ oĂš l’on doit agir. On ne peut plus compter sur les monastères pour nous produire quelques saints ici et lĂ . Il faut atteindre des milliers et des milliers d’individus, des personnes ordinaires dans leur vie quotidienne. C’est pourquoi je pense que c’est une bonne chose que la vie monastique disparaisse parce que le christianisme doit maintenant se focaliser sur la manière d’atteindre les personnes ordinaires. E&E : Lorsque, au niveau de leur chemin

individuel, les personnes ĂŠvoluent et embrassent ces niveaux de dĂŠveloppement plus profonds et plus ĂŠlevĂŠs – comme les chrĂŠtiens qui progressent vers les niveaux de dĂŠveloppement dont nous parlons –, pensez-vous qu’elles vont abandonner leur identitĂŠ en tant que chrĂŠtien, ou leur appartenance Ă une religion ? Vontelles lâcher leur affiliation religieuse une fois atteint ces niveaux de dĂŠveloppement plus ĂŠlevĂŠs, plus intĂŠgraux et plus mystiques ?

MARION : Oui, je crois qu’à un certain point c’est dĂŠjĂ le cas. Après tout, le but, mĂŞme sur le chemin chrĂŠtien – tout comme celui de l’islam, du judaĂŻsme, du bouddhisme, et de l’hindouisme – est l’union avec Dieu. Et si vous ĂŞtes unis Ă Dieu, vous avez ĂŠvoluĂŠ ou transcendĂŠ toutes les religions parce que Dieu n’est ni mĂŠthodiste, ni bouddhiste, ni luthĂŠrien. Lorsque votre identitĂŠ a atteint ce niveau de transcendance, vous n’êtes plus rien de tout cela. Vous irez peutĂŞtre encore Ă l’Êglise et serez de tradition chrĂŠtienne, pour ainsi dire, ou de tradition bouddhiste, ou n’importe quelle autre tradition, mais fondamentalement vous les avez transcendĂŠes. Gandhi n’a-t-il pas dit : ÂŤ J’appartiens Ă toutes les religions. Âť ? On en voit des exemples aujourd’hui. Je connais une ĂŠglise, ici Ă Washington, Ă laquelle je vais assez souvent qui se nomme elle-mĂŞme inter-religieuse et c’est vraiment ce qu’elle veut dire. Il y a des baptistes, des catholiques, des juifs, des hindouistes, des musulmans et des bouddhistes. Et les services religieux proviennent presque chaque semaine d’une tradition diffĂŠrente. E&E : Si donc Jim Marion continue Ă ĂŠvoluer

vers des niveaux de dĂŠveloppement spirituel de plus en plus ĂŠlevĂŠs et qu’il prend la prochaine pilule nano technologique pour allonger son espĂŠrance de vie, est-ce qu’il s’identifiera encore Ă ĂŞtre chrĂŠtien dans soixante-quinze ans ? MARION : VoilĂ ce que je dirais. Je suis de tradition chrĂŠtienne – je suis issu de cette tradition – mais j’ai beaucoup de respect pour toutes les autres, et je pense qu’elles aboutissent toutes au mĂŞme endroit de toute façon, donc ce n’est pas si important que je me qualifie moi-mĂŞme de chrĂŠtien.

C< <=CD3/C BG>3 2¸pD37: E&E : Je voudrais vous poser une dernière question à propos de ce que Ken Wilber appelle les Êtats et les stades. Il fait une distinction entre les Êtats de conscience et les stades de dÊveloppement Êvolutif. Dans ses derniers Êcrits,

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il parle de deux voies d’Êvolution diffÊrentes. L’une est un chemin qui passe par des Êtats de conscience – les Êtats mystiques auxquels nous associons souvent un accomplissement spirituel ÊlevÊ. L’autre sorte de dÊveloppement est un chemin à travers des stades de conscience, qui sont souvent associÊes à des niveaux de dÊveloppement plus psychologiques. MARION : En relation avec le titre de

votre magazine – Eveil&Evolution – le travail rĂŠcent de Wilber suggère qu’il y a deux types d’Êveil : l’Êveil vertical et l’Êveil horizontal. L’Êveil vertical signifie, comme vous l’avez dĂŠcrit, atteindre les stades de dĂŠveloppement les plus ĂŠlevĂŠs ; et il y a l’Êveil horizontal qui s’intĂŠresse Ă des ĂŠtats de conscience, et non des stades. Toutes les traditions ont mis l’accent depuis toujours sur la maitrise des ĂŠtats de conscience mystiques. Lorsque je fais rĂŠfĂŠrence au modèle ancien chrĂŠtien des trois phases de la vie mystique, il s’agit très probablement d’une description d’Êtats de conscience. Si nous sommes d’accord sur ces deux types d’Êveil, je voudrais en ajouter un troisième. Le troisième, Ă mon avis, est reprĂŠsentĂŠ par JĂŠsus dans les Évangiles – il ne parle pratiquement que de cela. C’est l’unitĂŠ psychologique. C’est l’Êlimination de l’ombre ou l’intĂŠgration totale de l’ombre dans la personnalitĂŠ. Je pense qu’il y a probablement beaucoup de gurus et de maĂŽtres dans le monde qui sont sans doute ĂŠveillĂŠs, mais qui nĂŠanmoins ne sont pas unifiĂŠs psychologiquement. C’est un type d’Êveil crucial. JĂŠsus dit dans l’Évangile de Thomas : ÂŤ Lorsque vous ferez du masculin et du fĂŠminin un Unique, alors vous entrerez dans le Royaume ! Âť (Évangile apocryphe de Thomas, 22). Il parle d’unir la partie rationnelle masculine du soi avec la partie affective fĂŠminine du soi et de les rendre complètement Un. Jung appelait cela l’individuation. Donc je pense que, si nous faisons une distinction entre les ĂŠtats de conscience et les stades, il faut aussi prendre cela en considĂŠration. Souvent dans mes

+) ĂŠveil & ĂŠvolution

confÊrences, j’insiste sur la mÊditation pour aller d’un Êtat de conscience à un autre, mais Êgalement sur l’absolue nÊcessitÊ de l’intÊgration Êmotionnelle. Il faut vraiment travailler dur pour intÊgrer l’ombre. E&E : Pensez-vous qu’il soit rÊellement possi-

ble de rÊaliser cette unitÊ ou intÊgration profonde de l’ombre ? Parce que beaucoup disent que :  Ces ÊlÊments d’ombre seront toujours prÊsents. 

C\ W\RWdWRc Oc \WdSOc ZS ^Zca {ZSd{ \S d]Wb OcQc\S a{^O`ObW]\ S\b`S ZcW Sb 2WSc 1][[S 8{aca Z¸O RWb ( ª :S >|`S Sb []W \]ca a][[Sa c\  MARION : Nous en aurons toujours un peu

mais il y a une grande diffÊrence entre une personne intÊgrÊe et une personne qui ne l’est pas. E&E : Pouvez-vous dÊcrire comment vous

imaginez une culture basĂŠe sur les niveaux supĂŠrieurs de dĂŠveloppement ? MARION : Je pense que vous pouvez la voir

chez certains individus, mais nous en sommes encore si loin dans la culture en gĂŠnĂŠral que je n’aurais aucune idĂŠe de ce Ă quoi elle ressemblerait. Fondamentalement, je pense qu’au niveau le plus ĂŠlevĂŠ les individus ne voient aucune sĂŠparation entre eux et Dieu. Comme JĂŠsus l’a dit : ÂŤ Le Père et moi, nous sommes un. Âť (Jean 10, 22-30) Ils ne voient aucune sĂŠparation entre le ciel et la terre. JĂŠsus a dit que le Royaume des Cieux est lĂ devant nous et tout autour de nous. Ils ne voient aucune sĂŠparation entre eux et les autres. ÂŤ Quoique vous fassiez

Ă l’un d’entre eux, c’est Ă moi que vous le faites. Âť Vous traitez donc rĂŠellement les autres comme le Christ, non pas comme s’ils ressemblaient au Christ ou que vous faisiez semblant qu’ils sont le Christ ; vous les voyez rĂŠellement comme divins et vous les traitez comme tels. Bien sĂťr, le monde serait entièrement diffĂŠrent si nous atteignions tous ce niveau. Mais nous parlons aussi de personnes qui ne sont pas allĂŠes peut-ĂŞtre aussi loin mais qui sont très spirituelles et relativement intĂŠgrĂŠes, des personnes dynamiques. Les meilleurs exemples seraient des individus tels que Martin Luther King, ou Clara Barton ou Booker T. Washington, ou bien Abraham Lincoln – des individus qui sont profondĂŠment spirituels et intègrent leur spiritualitĂŠ Ă la politique, la mĂŠdecine ou la science et ont un effet incroyable sur le monde. Ils ne sont peutĂŞtre pas ÂŤ techniquement Âť ĂŠveillĂŠs, mais ils sont tellement ĂŠvoluĂŠs sur le plan spirituel et se sont tellement dĂŠveloppĂŠs – ĂŠmotionnellement, psychologiquement, spirituellement – qu’ils apportent une contribution fantastique au monde. Imaginons maintenant que tout le monde se mette Ă agir au mĂŞme niveau que Martin Luther King, Clara Barton, Booker T. Washington ou Abraham Lincoln. Ce monde ne ressemblerait en rien Ă ce qu’il est maintenant. Il n’y aurait aucune comparaison possible. yZflk\q cĂ‹\eki\k`\e Zfdgc\k \e Xe^cX`j

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Dialogues avec Andrew Cohen :fe] i\eZ\j \k i\kiX`k\j Xm\Z le \ej\`^eXek jg`i`kl\c [l )(\ j` Zc\

Education & Formation JkX^\j \k flk`cj [\ kiXej]fidXk`fe gfli d\kki\ \e giXk`hl\ cX g_`cfjfg_`\ [\ cËym\`c ymfclk`]

Communication & Culture GlYc`ZXk`fej i mfclk`feeX`i\j# jlggfikj [\ Zfddle`ZXk`fe `eefmXekj# \k ]fildj glYc`Zj [peXd`hl\j [Ë\ogcfiXk`fe [l ZX[i\ g_`cfjfg_`hl\ \k jg`i`kl\c [\ cX Zlckli\ [\ [\dX`e

Évolutionnaires I j\Xl ^cfYXc [Ë`e[`m`[lj [ k\id`e j ~ Zi \i le\ i mfclk`fe [Xej cX ZfejZ`\eZ\ \k [Xej cX Zlckli\

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our la plupart des gens, prendre de l’âge c’est d’abord comme lancer les dĂŠs pour voir si l’on atteindra les quatrevingt-cinq ans, puis ensuite c’est comme tirer Ă pile ou face. Pourquoi cela ? Parce qu’à l’âge de quatre-vingt-cinq ans, une personne sur deux aura la maladie d’Alzheimer – la maladie la plus redoutĂŠe en Occident. Selon des chercheurs de pointe spĂŠcialisĂŠs dans la maladie d’Alzheimer et citĂŠs dans un article de Time magazine en 2001, intitulĂŠ ÂŤ l’Êtude des nonnes Âť, non seulement nous avons cinquante pour cent de chance de contracter cette maladie Ă quatre-vingt-cinq ans mais nous avons ĂŠgalement dix pour cent de chance de l’avoir Ă soixante-cinq ans. En juin 2007, la chaĂŽne NBC news a annoncĂŠ que nous avions une chance sur

La raison de cet enthousiasme vient de votre curiositĂŠ intellectuelle. Par exemple, vous ne vous seriez pas abonnĂŠ Ă Eveil & Evolution si vous n’aviez pas dĂŠveloppĂŠ cette capacitĂŠ de protection dont je vais vous parler. Cependant je vous mets en garde, car cela peut-ĂŞtre une bonne nouvelle pour certains, et une mauvaise nouvelle pour d’autres. David Snowdown, un scientifique qui travaille sur les problèmes liĂŠs au vieillissement au centre Sanders Brown de l’universitĂŠ du Kentucky, et une ĂŠquipe de neurologues et de psychologues, ont commencĂŠ Ă ĂŠtudier un groupe de nonnes d’un certain âge qui vivent au couvent de l’École des SĹ“urs de Notre Dame. Ils se sont demandĂŠs pourquoi certaines femmes, qui avaient ĂŠtĂŠ nonnes toute leur vie ĂŠtaient atteintes d’Alzheimer et d’autres non, alors qu’elles avaient partagĂŠ un environnement identique pendant des dizaines d’annĂŠes. Avec l’aide de la psychologue Susan Kemper de l’universitĂŠ du Kansas, ils ont ĂŠtudiĂŠ les premières lettres ĂŠcrites par les nonnes au moment de leur entrĂŠe au couvent. Ce que l’Êquipe essayait de dĂŠcouvrir ĂŠtait la connexion entre la maladie d’Alzheimer et le vieillissement, l’usage du langage, la perspective ou l’attitude de dĂŠpart, et le niveau d’Êducation. L’Êtonnante dĂŠcouverte est que l’Êquipe de chercheurs a pu prĂŠdire avec une exactitude de quatre-vingt-cinq Ă quatre-vingt-dix pour cent, qui allait contracter la maladie d’Alzheimer. Comment ? En examinant la ÂŤ densitĂŠ d’idĂŠe Âť dans la manière qu’avaient les nonnes de s’exprimer soixante ans plus tĂ´t. La clartĂŠ des pensĂŠes ĂŠcrites indiquait Ă quel point

/ Z¸vUS RS _cOb`S dW\Ub QW\_ O\a c\S ^S`a]\\S ac` RScf Oc`O ZO [OZORWS R¸/ZhVSW[S` Âł ZO [OZORWS ZO ^Zca `SR]cb{S S\ =QQWRS\b huit de souffrir de dĂŠclin mental grave Ă soixante-cinq ans. Le plus bouleversant, c’est la prĂŠdiction selon laquelle quatorze millions de personnes seront atteintes de la maladie d’Alzheimer aux Etats-Unis d’ici 2050. Croyez-moi, je n’essaie pas de vous dĂŠprimer. La bonne nouvelle est que les chercheurs sont comme des chiens de chasse sur une piste, tombant sur des plantes qui pourraient retarder ou mĂŞme inverser ce cauchemar. Mais tout d’abord regardons avec enthousiasme quels sont ces nouveaux indicateurs permettant de savoir de quel cotĂŠ de la pièce vous allez avoir tendance Ă vous trouver.

++ ĂŠveil & ĂŠvolution

le cerveau continuerait Ă fonctionner correctement, et ĂŠgalement comment une rĂŠserve supplĂŠmentaire de capacitĂŠ mentale pourrait compenser toute perte ultĂŠrieure de cellules du cerveau dĂť au vieillissement. Il n’y a pas si longtemps, le corps mĂŠdical se moquait de l’idĂŠe que le cerveau puisse se rĂŠgĂŠnĂŠrer par lui-mĂŞme. De nos jours, la plasticitĂŠ des ĂŠlĂŠments neuronaux est largement acceptĂŠe. De nombreuses recherches conduites sur des rats de laboratoire indiquent que mĂŞme des rats ĂŠlevĂŠs pour ĂŞtre ÂŤ stupides Âť (manquant de glutamate neurotransmetteur), une fois placĂŠs dans un environnement stimulant et invitant Ă la rĂŠflexion, ont gĂŠnĂŠrĂŠ de nouvelles cellules et du glutamate dans le cerveau. Si vous avez dĂŠjĂ fait cette expĂŠrience de ÂŤ ah-ha ! Âť quand vous dĂŠcouvrez quelque chose de nouveau et de passionnant, chimiquement c’Êtait le rĂŠsultat de votre cerveau dĂŠversant du glutamate dans vos synapses neuronales et l’envoyant vers d’autres parties de votre cerveau. Ce processus ne fonctionne plus pour ceux qui souffrent d’Alzheimer. Mais la question qui se pose est de savoir qui vient en premier, la poule ou l’œuf ? Nous savons de manière certaine qu’une stimulation du cerveau avec une activitĂŠ intellectuelle permanente permet de conserver vos neurones en bonne santĂŠ et vivants, pourvu que cela soit associĂŠ Ă des ĂŠmotions positives. Comme le corps et l’esprit sont un, ceci est en partie une solution encourageante. La nutrition joue ĂŠgalement un rĂ´le important. Les malades d’Alzheimer, par exemple, ont des concentrations en acide folique extrĂŞmement basses. Les protĂŠines toxiques appelĂŠes ÂŤ bĂŠta-amyloĂŻde Âť ont ĂŠgalement ĂŠtĂŠ indiquĂŠes dans une rĂŠcente ĂŠtude japonaise comme ĂŠtant la cause d’atrophie des cellules du cerveau. Comme elles rĂŠsistent Ă la dĂŠcomposition


par les enzymes, ces protĂŠines ÂŤ bĂŠtaamyloĂŻde Âť s’accumulent dans les tissus du cerveau. Elles se dĂŠveloppent ensuite comme une plaque sĂŠnile qui empĂŞche les neurones de transmettre leurs signaux. On a aujourd’hui dĂŠcouvert que cela peut ĂŞtre rĂŠduit par l’herbe appelĂŠe ashwagandha. Pour autant je ne veux pas que vous laissiez tomber les myrtilles, les extraits de pĂŠpins de raisins et les feuilles de ginkgo. Les myrtilles grâce Ă leurs pigments anti-oxydants appelĂŠs anthocyanocides aident Ă renforcer la circulation capillaire dans les tissus du cerveau, et la fonction neuromotrice. Les extraits de pĂŠpins de raisin et le ginkgo ont des effets similaires, ils contribuent Ă une amĂŠlioration de la micro-circulation des tissus du cerveau tout en amenant des propriĂŠtĂŠs anti-oxydantes très puissantes. Selon une ĂŠtude de l’universitĂŠ de Tufts publiĂŠe en Septembre 1999 dans le Journal des Neurosciences, des rats d’un âge ĂŠquivalent Ă soixante-dix - soixante-quinze ans chez un ĂŞtre humain, ont dĂŠmontrĂŠ des capacitĂŠs de mĂŠmoire accrues, ont dĂŠveloppĂŠ des nouvelles cellules du cerveau, et ont inversĂŠ le processus de vieillissement. Il n’y aucune raison pour que vous et moi ne puissions faire la mĂŞme chose ! Vous ne pouvez apprendre que ce que vous pouvez apprĂŠhender consciemment. DĂŠveloppez votre conscience et vous dĂŠvelopperez ĂŠgalement vos capacitĂŠs mentales. Donc pour en revenir Ă ce pile ou face avec une chance sur deux‌ Suivez ces suggestions et vous vous retrouverez avec une pièce Ă deux faces ! 8ggi\e\q$\e [XmXekX^\ \e Xe^cX`j jli cX m`\ „kfeeXek\ \k c\ kiXmX`c [\ G\k\i IX^eXi jli

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IgVch[dgbVi^dc YZ aV 8jaijgZ Explorez davantage le cadre philosophique et spirituel de la culture de demain, Ă travers les publications et les forums proposĂŠs par EnlightenNext.

BV\Vo^cZ What Is Enlightenment? Eveil & Evolution (E&E) est la version française de What Is Enlightenment? (WIE), le magazine international d’EnlightenNext dont la mission est de faire ĂŠvoluer la conscience et la culture.

H^iZ lZW L>: DĂŠcouvrez une vĂŠritable mine d’informations, organisĂŠe par thèmes, couvrant des sujets tels que la Spirale de l’Êvolution, l’intelligence collective, la spiritualitĂŠ ĂŠvolutive ou la nouvelle libĂŠration des femmes.

L>: JcWdjcY Consultez la mĂŠdiathèque en ligne, rĂŠgulièrement mise Ă jour, d’audios, vidĂŠos et MP3 tĂŠlĂŠchargeables, de visionnaires, mystiques, scientifiques, philosophes et militants d’avant-garde. En anglais.

8dc[‚gZcXZh Venez rencontrer les pionniers de la culture Êmergente. 19 juin

La nouvelle libĂŠration des Femmes avec Elizabeth Debold

HVadch : : Venez discuter des derniers sujets traitĂŠs dans Eveil & Evolution. En français, sur invitation. Le feu de la libertĂŠ, 3000 ans d’Êvolution des Femmes

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Le fĂŠminin divinisĂŠ, dĂŠvoilĂŠ

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Le feu de la libertÊ, 3000 ans d’Êvolution des Femmes

21 avril

Le fĂŠminin divinisĂŠ, dĂŠvoilĂŠ

2 juin

Vert Vif : une nouvelle Êcologie pour le 21e siècle

16 juin

L’avant-garde de l’avant-garde, la perspective intÊgrale et super-intÊgrale

15 sept.

La relation Corps-Esprit dans un contexte evolutif

13 oct.

La mort du Dieu mythique

3 nov.

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UN JOUR INOUBLIABLE À NEW-YORK, il y a plus de dix ans, je traver-

sais Park Avenue, en route pour donner une confĂŠrence, quand un taxi jaune, ayant dĂŠcidĂŠ de ne pas s’arrĂŞter Ă un feu rouge, perdit le contrĂ´le Ă 60km/heure. Il nous accrocha ma femme et moi, alors que nous venions de quitter le trottoir, avant de heurter quelques autres personnes et de s’Êcraser contre une voiture. Aujourd’hui encore, je peux clairement me reprĂŠsenter la scène. Je me tenais debout dans la rue avec une mauvaise fracture au bras droit qui pendait comme Ă un fil et une dĂŠchirure si profonde au mollet droit que, comme on me l’a dit plus tard, mon tibia ĂŠtait clairement visible. Ma femme gisait inconsciente Ă mes pieds, du sang coulant du coin de sa bouche. A cet instant, j’ai pensĂŠ qu’elle pouvait ĂŞtre morte. Plus tard, sur mon lit d’hĂ´pital, ayant appris qu’elle et moi serions rĂŠtablis et plus ou moins remis Ă neuf en moins d’un an, je me souviens de la pensĂŠe qui me traversa l‘esprit : ÂŤ Comment une telle chose a-t-elle pu m‘arriver ? Âť Puis, la rĂŠponse s’imposa : ÂŤ Et pourquoi pas ? Âť Depuis un certain temps dĂŠjĂ , je rĂŠflĂŠchis Ă cette ironie bizarre qui fait que tant d’entre nous Ă l’avant-garde de la culture occidentale – la gĂŠnĂŠration la plus opulente, la plus hautement ĂŠduquĂŠe et privilĂŠgiĂŠe qui ait jamais existĂŠ sur cette terre – se sont mis en tĂŞte que nous mĂŠritons d’être heureux, en bonne santĂŠ, et prospères. Il semble que nous soyons nombreux Ă croire, consciemment ou inconsciemment, qu’avant de nous incarner dans ce processus de dĂŠveloppement, nous avons signĂŠ une sorte de contrat avec notre crĂŠateur stipulant que nous sommes prĂŞts Ă endurer un certain niveau de peur, de stress et d’insĂŠcuritĂŠ, Ă condition de finir tĂ´t ou tard par ĂŞtre heureux. Et il semble, que plus nous sommes riches et privilĂŠgiĂŠs, plus grande est cette attente. Après plus de vingt ans de travail intensif avec des hommes et des femmes qui disent vouloir se transformer et se dĂŠvelopper spirituellement, je suis arrivĂŠ Ă la conclusion que l’une des raisons pour lesquelles atteindre et maintenir des niveaux supĂŠrieurs de dĂŠveloppement spirituel est un tel dĂŠfi pour nous, c’est que nous attendons tellement et sommes prĂŞts Ă donner si peu pour obtenir ce que nous pensons vouloir. La vĂŠritĂŠ c’est que c’est difficile d’être heureux. Que de satisfaire simplement nos dĂŠsirs narcissiques et matĂŠriels ne nous apportera pas nĂŠcessairement le bonheur est devenu presque une lapalissade aujourd’hui. Mais combien d’entre nous ont creusĂŠ assez profondĂŠment pour vraiment reconfigurer nos propres idĂŠes sur ce qu’est le bonheur, Ă la lumière des valeurs supĂŠrieures Ă celles que vĂŠhicule notre culture insensĂŠe ? Pour que nos valeurs changent de façon

spectaculaire, nous devons ĂŞtre prĂŞts Ă faire une sacrĂŠe dose d’efforts. Nous sommes de plus en plus nombreux Ă nous tourner vers la dimension spirituelle de la vie. Mais il est rĂŠvĂŠlateur de voir que beaucoup des expressions les plus populaires de la spiritualitĂŠ post-moderne sont basĂŠes sur une perspective philosophique qui nous encourage Ă rechercher la promesse d’une paix, d’un bonheur et d’une dĂŠlivrance sans effort, plutĂ´t qu’un engagement envers le processus de vie qui exigerait toujours plus de nous. Pourquoi le bonheur serait-il un droit de naissance pour les personnes les plus chanceuses qui aient jamais existĂŠ ? Pourquoi nos aspirations spirituelles doivent-elles se concentrer sur la seule poursuite de la paix intĂŠrieure? Dieu a-t-il crĂŠĂŠ l’univers pour que vous et moi puissions ĂŞtre heureux au dĂŠbut du 21e siècle ? Est-ce vraiment tout ce Ă quoi rime ce processus de quatorze milliards d’annĂŠes ? Et d’oĂš vient cette prĂŠsomption chez tant d’entre nous que nous mĂŠritons d’être heureux ? Qu’avons-nous fait concrètement pour mĂŠriter un tel privilège innĂŠ ? Il est fascinant d’observer ce que devient notre perspective quand nous ne prĂŠsumons plus que nous mĂŠritons forcĂŠment quoi que ce soit, surtout pas la promesse d’un bonheur ou d’une paix parfaite. Faites un essai. Vous serez peut-ĂŞtre surpris de dĂŠcouvrir que tout un univers de possibilitĂŠs autrefois inimaginables s’ouvre Ă vous. Et aussi peut-ĂŞtre, vous commencerez Ă vous ĂŠveiller Ă la rĂŠvĂŠlation ĂŠpoustouflante que le processus mĂŞme qui a donnĂŠ naissance Ă votre propre capacitĂŠ de vie et de conscience a un besoin urgent de votre empressement Ă faire des efforts, et mĂŞme, j’ose le dire, Ă souffrir, pour son dĂŠveloppement supĂŠrieur. Je suis convaincu que ce Kosmos en ĂŠvolution a un besoin dĂŠsespĂŠrĂŠ de notre participation consciente, afin que son potentiel de crĂŠativitĂŠ continue Ă se dĂŠvelopper. Peut-ĂŞtre que notre recherche spirituelle post-moderne de paix est en train de nous mettre tout simplement hors-jeu. Alors que nos valeurs spirituelles ĂŠvoluent, si nous arrivons suffisamment haut, nous tomberons peut-ĂŞtre sur une rĂŠvĂŠlation surprenante : afin de faire l’expĂŠrience d’un bonheur qui soit profond, nous devons ĂŞtre prĂŞts Ă nous battre pour dĂŠcouvrir une attention pour le processus de vie qui soit ni plus ni moins Kosmique et qui nous libĂŠrera, mais qui, ironiquement, ne nous laissera jamais en paix.

Il est fascinant d’observer ce que devient notre perspective quand nous ne prÊsumons plus que nous mÊritons forcÊment quoi que ce soit.

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Andrew Cohen, fondateur et ĂŠditeur en chef de What Is Enlightenment? et de son adaptation française Eveil & Evolution, est enseignant spirituel depuis 1986. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont Vivre l’Éveil et Embrasser le ciel et la terre. Il travaille actuellement sur son prochain livre, When God falls Out of the Sky. (Lorsque Dieu tombe du ciel) Pour en savoir plus, rendez-vous sur andrewcohen.org ou andrewcohen.fr +- ĂŠveil & ĂŠvolution


978-2-10-0

MAOGANI 080312

« Voilà le livre que j’attendais. Ecrit avec une étonnante clarté sur le développement humain et la dimension spirituelle de l’homme, il montre comment ces idées abstraites et complexes peuvent être appliquées dans la vie de tous les jours. »

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Warren Bennis, professeur d’économie, Université de Sud-Californie, spécialiste mondial du leadership. Contact : Aqua Dyn France 02.40.87.88.44 tykoad@wanadoo.fr

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PRÉSENCE harmonique Ésprit d’Éveil & Spiritualité Musicale

ENSEIGNEMENTS DE

Et si le développement durable devenait une source de profits pour votre entreprise ? Devenez une entreprise intégrale et accédez à une dimension collective capable de gérer les antagonismes et la complexité du 21e siècle. s Eco-innovation selon Cradle to Cradle* s Leadership authentique s

Intelligence collective

… et votre entreprise une source de profits pour les générations futures ? contact@integralvision.fr s www.integralvision.fr *Cradle to Cradle© est une philosophie d’écologie industrielle selon laquelle la conception de tout produit ou système doit obéir au paradigme « déchet = nourriture ». Elle est déployée depuis 20 ans par l’institut de recherche environnemental EPEA dont Integral Vision est le représentant en France. Pour en savoir plus reportez-vous page 30.

DAVID HYKES “Sa musique vous enchante, vous transporte totalement ailleurs, comme dans un autre monde, au Temps Ancien. Dès que je l’ai entendu, il n’y avait plus de doute.” – Dzongsar Khyentse Rimpoché

“Il a ouvert une nouvelle dimension dans la musique. Il nous apporte véritablement la musique des sphères. Sa fondation Présence Harmonique diffuse une forme de savoir qui joint les sciences à leur niveau le plus subtil, où ce qui semble être matière se révèle en énergie pure.” – Yehudi Menuhin

Enseignements en France: du 18 au 20 avril et du 25 au 28 avril; du 15 au 20 juillet www.presenceharmonique.org presenceharmonique@gmail.com Pommereau, 41240 Autainville, France Tél. +33 (0) 9 52 56 7469


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