LE GARDIEN DES LEGENDES

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Claudine Jacques Papou

Le GARDIEN des LÉGENDES

raconte...

Écrire en Océanie


Le gardien des légendes… © 2011−Écrire en Océanie Auteur : Claudine Jacques Illustrateur : Papou ISBN 978-2-918460-08-4 Toute utilisation, reproduction, représentation, adaptation totale ou partielle par quelque procédé que ce soit, faite sans le consentement écrit de l’éditeur, constituerait, pour tous pays, un délit sanctionné par la loi sur la protection de la propriété littéraire.


Claudine Jacques Papou

Le GARDIEN des LÉGENDES

raconte...

Écrire en Océanie


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L'OISEAU

Jadis, à l'aurore d'une ère de sel et de plumes, les hommes vivaient sans femmes. Ils n'en avaient jamais vu, jamais rêvé, jamais imaginé et ne comprenaient pas ce grand manque qu'ils ressentaient tous, sortis de la terre comme d'un ventre, ensemble et pourtant seuls.

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Un jour, ils s'aperçurent qu'on leur volait de la nourriture. Ce crime était terrible et méritait châtiment.

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Ils chargèrent le plus habile, le plus haut perchÊ, le plus rapide de leurs oiseaux de proie, de surveiller leurs provisions. 8


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L'oiseau à l'œil vif scrutait le paysage lorsqu'il vit une corde descendre des nuages ; il crut d'abord voir d'autres hommes venus du ciel et s'apprêtait à les attaquer...

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... mais ces hommes-là étaient différents : ils avaient des corps sveltes et charnus, des peaux lisses et ambrées, de longs cheveux de jais et riaient et chantaient et bougeaient avec grâce.

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L'oiseau malin décida de patienter avant d'agir. Il attendit que le dernier de ces êtres mystérieux ait touché le sol et, de son bec acéré, coupa la corde. 14


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Les femmes, prises au piège de leur gourmandise, durent rester avec les hommes qui partagèrent leur repas avec allégresse. De ce jour, l'oiseau fut vénéré.

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C'est fini. C'est fini. 17


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LES ESPRITS DES RIVIÈRES

Jadis, dans le monde perdu d'avant les matins calmes, au temps des Kami, des Kitsune et des Gaki, vivaient dans les eaux trépidantes, cachés sous les roches, transparents dans l'onde ou faisant la planche sur le miroir d'une flaque arrêtée, les esprits des rivières.

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Ceux qui les croisaient au hasard de l'aube ou de la nuit étaient effrayés de leur extrême laideur. Tant et tant qu'ils se taisaient et se rapetissaient dans l'ombre de leurs demeures, et ce n'est qu'à la fin de leur vie, aux portes de la mort, qu'ils osaient enfin les décrire...

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Que dire aussi de ces petits monstres puissants, au corps d'écailles, de ces tortues à tête de singe, au crâne déformé rempli d'eau ?

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Certains promeneurs imprudents se laissaient prendre sur les gués, d'autres lors de paisibles bains. Entraînés dans l'eau funèbre, les Kappa les noyaient alors avec délectation et le sentiment d'un devoir accompli.

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Exaspérés, les paysans courageux, las de tant de disparitions, cherchèrent à comprendre. Ils se cachèrent des jours et des nuits pour les observer. C'est ainsi qu'ils apprirent leur secret.

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L'eau contenue dans le sommet de leur crâne creux Êtait leur force ! Mais aussi leur faiblesse !

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On sut alors dans la région entière que la seule parade pour vaincre les Kappa était de les rencontrer à terre et de les saluer poliment. Ils baissaient instinctivement la tête pour rendre la politesse et l'eau s'écoulait alors librement. Ils perdaient ainsi tout pouvoir.

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On pouvait alors choisir

de les vaincre ou de les aimer.

C'est fini.

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LE BANIAN Jadis, une femme aux longs cheveux noirs et crépus battait de toute sa vigueur l'écorce à tapa dans les vergers de l'astre blanc.

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Elle voulait en faire un tissu éclatant pour s'en parer de la tête aux pieds et ainsi – du moins le croyait-elle – épouser un Dieu.

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L'écorce vint à manquer. Désolée, la femme résolut de partir en forêt pour trouver de quoi continuer son ouvrage. Elle découvrit alors un arbre qu'elle n'avait jamais vu auparavant, il était gigantesque, dépassait tous les autres, et imposait ses ombres au sol lumineux.

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" Voici l'arbre qu'il me faut ", se dit-elle, éblouie, en détachant un morceau d'écorce !

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Elle commença par les racines, puis découpa le tronc et tout ce qui était à sa portée, et enfin elle décida de grimper sur ses ramures.

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Alors qu'elle montait, son pied se posa sur une branche et la brisa. La branche s'envola dans l'espace... 43


... puis retomba sur terre o첫 elle prit racine. C'est ainsi que naquit le premier banian. 44


C'est fini. 45


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