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RLaEMBRANDT vérité du
Rembrandt
en cinq dates
clair-obscur Portrait de l'artiste au chevalet. 1660. Paris, musée du Louvre © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski.
Rembrandt a peint plus de 80 autoportraits (eaux-fortes, tableaux, dessins). Cet autoportrait de la fin de la vie du maître, en pleine maturité artistique, est une synthèse de son style. Ce magnifique exemple de clairobscur est visible au musée de Grenoble jusqu'au 9 juin, grâce à un prêt exceptionnel du Louvre dans le cadre de l'exposition « La pointe & l'ombre ».
LE MAÎTRE HOLLANDAIS (~1606-1669) A CONQUIS SES CONTEMPORAINS PAR DES PORTRAITS – INDIVIDUELS ET DE GROUPE – QUI VONT À L’ESSENTIEL. UN ART DE LA SYNTHÈSE QUI S’AFFRANCHIT DE LA TRADITION FLAMANDE DE LA MINUTIE POUR CRÉER UNE ŒUVRE OÙ LES OMBRES ET LES LUMIÈRES CRÉENT UN UNIVERS UNIQUE.
A
Ayant décidé de quitter Leyde, sa ville natale, Rembrandt installe son atelier au second étage de la maison dans laquelle il emménage avec sa famille, à Amsterdam. Là, à partir de 1631, défilent notables, élégantes, simples bourgeois et hommes d’affaires étrangers, attirés par la renommée toujours croissante du portraitiste. Pour obtenir un tableau, « il faut le supplier et offrir plus d’argent encore » commente Arnold Houbraken,
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peintre hollandais de l’époque*. La ville prospère : elle est devenue la plaque tournante du commerce mondial par laquelle transitent épices de Java, café du Brésil… Pour les artistes aussi, la période est faste : traditionnellement, en Hollande, même les intérieurs des maisons populaires sont décorés de tableaux. Chez Rembrandt, les commanditaires les plus exigeants affluent. Outre le portrait, l’artiste explore une vaste gamme de techniques et de
Philosophe en méditation. 1632. Huile sur bois. 28 x 34 cm.
1606 (environ). Enfance et apprentissage. Rembrandt naît à Leyde, dans une famille de meuniers. Après trois ans d’apprentissage chez un peintre de Leyde, il étudie quelques mois dans l’atelier de Lastman, spécialiste de la peinture italienne, à Amsterdam. 1624 -1631. Leyde. Rembrandt approfondit sa technique en peignant sa famille, et s’initie à la gravure. Il travaille avec un groupe de jeunes peintres. Ses œuvres commencent à être connues localement. 1631. Succès immédiat à Amsterdam. Il part s’établir là où le marché de l’art est le plus florissant. Des commandes – notamment de portraits – affluent rapidement. À partir de juin 1634, une vie de famille marquée par des drames. En 1634, Rembrandt fait un mariage d’amour avec la richement dotée Saskia, qu’il peint à de multiples reprises. Mais elle et leurs trois enfants mourront avant le peintre. Celui-ci aura d’autres femmes à ses côtés, dont Hendrikje Stoffels, qui posera pour lui. À partir de juin 1642. Courbe descendante. Même si Rembrandt demeure un peintre apprécié, les difficultés s’accumulent sur tous les plans. Financièrement, ses problèmes se soldent par la vente de ses biens et, en 1656, il doit quitter sa superbe maison. Artistiquement aussi, son succès décline. Une œuvre importante, la Ronde de nuit, est même refusée par ses commanditaires.
© 2006 Musée du Louvre/ Angèle Dequier
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L’Apôtre saint Paul. Dessin préparatoire. Lavis gris, rehauts de blanc, sanguine, collé en plein, lavis d’encre de Chine, 23,7 x 20,1 cm.
REMBRANDT
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Gérard Blot
Comment la figure évolue en cours de travail sujets. L’autoportrait, bien sûr. Le peintre réalise aussi des eauxfortes de paysages, esquisse un mendiant… Les textes sacrés l’inspirent, qu’il traduit dans des scènes bibliques. Et puis, ses proches, sa femme adorée, Saskia, puis Hendrikje Stoffels, la jeune femme qui pose pour lui après la mort de celle-ci, son neveu encore bébé, endormi, son fils Titus… Rembrandt est un peintre d’atelier. Mais lorsqu’il revient de ses promenades le long du canal de l’Amstel, il est riche de nouveaux dessins et croquis.
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dévoile la matière
« Rembrandt a d’abord brossé assez rapidement la composition. Puis, au fur et à mesure de sa peinture, il a positionné la tête différemment, déplacé les jambes, hésité sur l’emplacement de la main. Rembrandt esquisse des contours, ébauche des formes, sur lesquelles il revient ensuite », Bruno Mottin.
DE NOMBREUX REPENTIRS « Rembrandt avait toujours un papier sous la main. Il croquait sur le motif, il esquissait des idées… En revanche, nous n’avons retrouvé que très peu de dessins préparatoires de ses compositions, sauf pour celles qui sont très sophistiquées, comme la Leçon d’anatomie, qui comporte un raccourci compliqué. Rembrandt se fie à son expérience pour ébaucher directement son œuvre sur le support », explique Bruno Mottin, conservateur du patrimoine au département de recherche du C2RMF, le Centre de recherche et de restauration des musées de France. « Après avoir réalisé une ébauche du motif au pinceau sur sa toile, il se lance. Rembrandt maîtrise
Une touche finale qui
Bethsabée au bain tenant la lettre de David. 1654. © Musée du Louvre, dist. RMN / Angèle Dequier
L’atelier de Rembrandt, dans sa maison à Amsterdam. © Kees Hageman
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suffisamment son art pour apporter des modifications en cours de route. » Comme celles de Titien, les radiographies des œuvres du peintre hollandais témoignent de nombreux repentirs destinés à faire évoluer la position d’un personnage, simplifier une composition en éliminant une forme. Par ailleurs, alors même qu’il peint sur sa toile, Rembrandt réalise parfois des dessins à des stades intermédiaires de l’œuvre pour tester de nouvelles voies, décider d’une évolution.
L’ARCHITECTE DE L’OMBRE
Sur sa toile, à l’instar de nombreux peintres de l’Europe du Nord du XVIIe siècle, Rembrandt utilise une double préparation. « La première a un rôle fonctionnel, pour que la peinture adhère à la toile. La seconde sert de ton de fond. Il va la moduler en fonction de l’ambiance générale qu’il souhaite obtenir. Rembrandt se rend compte qu’une préparation sombre n’est pas toujours ce qui lui convient : le brun sombre donne peu de possibilités d’approfondir les ombres. Il oblige à monter en lumière », analyse Bruno Mottin. Ainsi, ce fond est souvent plus clair, dans certains cas gris, à base de blanc de plomb. Phases successives, « Rembrandt aime beaucoup superposer les couches, par exemple en commençant par une couche brune, puis des couches claires empâtées, elles-mêmes retravaillées à la hampe du pinceau, pour faire apparaître les couleurs sombres du dessous. Cela fait contraster les clairs retravaillés et le fond plus sombre. » Dans cette construction du clair-obscur, Rembrandt joue aussi l’opposition entre ses couleurs sombres très transpa-
« Lorsqu’il veut représenter un objet lisse et brillant, comme une perle, Rembrandt monte d’abord les ombres en glacis sur un ton moyen tout en laissant la préparation visible en certains endroits. L’empâtement constitue la touche finale, qui va donner l’effet de matière et la profondeur du bijou. La nature de la matière elle-même n’est pas perceptible sans l’empâtement. Si on enlève ce dernier, on ne comprend plus de quoi il s’agit. »
La comparaison de cette radiographie avec l’œuvre finale montre l’évolution des formes. Radiographie de l’œuvre. © C2RMF. E. Ravaud
rentes et l’empâtement épais de ses couleurs claires, par superposition, ou dans des zones différentes du tableau. Des éclats de lumière transparaissent par endroits, au gré du coup de pinceau volontairement irrégulier, témoin de la démarche alla prima du peintre.
UN SOLITAIRE QUI FAIT
DES ÉMULES Le maître travaille seul. « Raphaël avait créé une véritable entreprise pour parvenir à réaliser ses multiples travaux. Il encadrait les peintres et apprentis qui travaillaient sur une même œuvre, si bien qu’il est difficile de dire qui a fait quoi. A contrario, Rembrandt ne dispose pas d’une équipe structurée. Il travaille toujours à des tableaux sur chevalet, d’une taille qui ne nécessite pas la participation de plusieurs personnes. Il a simplement dû se faire aider pour des tâches comme le broyage des couleurs. Ses œuvres sont entièrement de son fait. » Pour autant, de nombreuses personnes gravitent autour du peintre, dans son atelier. Des assistants rémunérés effectuent des tâches de base comme la
préparation des toiles. Plusieurs élèves suivent l’enseignement du maître et vont constituer une véritable école rembranesque.
L’ART DE LA SYNTHÈSE
Rembrandt lui-même a forgé sa propre démarche artistique et affiné ses choix techniques au gré d’un parcours très libre. Au total, il passe moins de quatre ans à apprendre les techniques dans des ateliers. Pour l’essentiel, sa quête demeure extrêmement personnelle : dès
« Rembrandt aime beaucoup superposer les couches. Cela fait contraster les clairs retravaillés et le fond plus sombre. »
Traitement par zones
« Rembrandt a l’habitude de travailler les zones très localement en recherchant des effets différents. Il adapte la technique à la partie du tableau, en fonction de ce qu’il recherche. Dans certains cas, il utilise, sur la surface peinte, le frottement d’un linge grossièrement tissé afin de donner un effet de matière. Ailleurs, de manière extrêmement localisée, il se sert de la hampe de son pinceau pour dessiner des cheveux en découvrant des sous-couches plus claires. »
La palette de Rembrandt Dans le Portrait de l’artiste au chevalet (p. 40), Rembrandt a peint avec les pigments disposés sur la palette représentée dans le tableau, avec une adjonction de noir, comme le montrent les analyses du C2RMF. Sur la palette, les couleurs sont rangées du plus clair au plus sombre, avec le blanc (de plomb) au plus près de l’artiste. Suivent un ocre jaune, un brun clair, un rouge vif et un plus sombre. Le brun semble fait à partir d’une laque rouge et d’un ocre jaune. Et le rouge vif d’une terre argileuse, probablement avec un peu de vermillon. Bref, c’est avec une palette très synthétique de six couleurs que Rembrandt
a probablement réalisé son tableau. Quant à la couche de préparation, brune, elle contient un grand nombre de pigments qui semblent issus de résidus de la palette de l’artiste (blanc de plomb, noir de carbone, grains de vermillon, noir d’os, jaune de plomb et d’étain, oxydes de fer…). La palette de Rembrandt en comprend habituellement d’autres, notamment le jaune de plomb et le bleu d’azurite.
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qu’il commence à peindre et à dessiner, il le fait en croquant inlassablement les modèles qu’il a sous la main, les membres de sa famille. Père, mère, frères et voisins sont invités à poser en fonction de la lumière, revêtus de costumes recherchés et choisis par Rembrandt. Il est luimême son propre sujet, à travers lequel il apprend à restituer des traits, à capter une expression, à rechercher la vérité d’un être. Lorsque, jeune peintre, il arrive à Amsterdam, sa peinture est plutôt précise, détaillée. Progressivement, son trait se libère. De plus en plus, « il procède par élimination. Il réduit les traits physiques à l’essentiel » analyse Bruno Mottin. La trajectoire de sa touche, toujours plus synthétique, évoque celle de Titien, mort quelques années plus tôt. Le peintre hollandais n’a pas sacrifié à la tradition de l’époque qui commandait aux
artistes d’aller en Italie nourrir leur inspiration auprès des maîtres de la Renaissance. Pour autant, Rembrandt s’intéresse à la démarche des autres artistes et aux cultures lointaines. Il fréquente les ventes aux enchères, accumule les objets, les œuvres d’art. Lorsqu’en 1656 il est déclaré insolvable, l’inventaire de ses biens mis aux enchères compte des paniers chinois, des coquillages, de somptueux tissus, ainsi que de nombreux ouvrages d’art, dont un livre entier de gravures de Titien. Le maître vénitien n’est pas le seul à l’avoir inspiré. L’art de la lumière du Caravage, son intérêt pour les modèles du peuple ont aussi touché Rembrandt, toujours à la recherche – loin devant la beauté – de la vérité de ses sujets. Texte : Anne Daubrée. * In l’Atelier de Rembrandt, de Svetlana Alpers, éditions Gallimard.
Les secrets du clair-obscur selon Rembrandt
Où voir ses œuvres
REMBRANDT
~ En France : • Louvre parisien : belle collection d’œuvres de Rembrandt. www.louvre.fr • Musée des Beaux-Arts de Lyon : l’une des premières œuvres du peintre. www.mba-lyon.fr • Musée Granet d’Aix en Provence : un autoportrait. www.museegranetaixenprovence.fr • Église Saint-Vincent du Masd’Agenais (Lot-et-Garonne) : un Christ sur sa croix. • Jusqu’au 9 juin, prêt du musée du Louvre, Autoportrait au chevalet (1660) au musée de Grenoble pour l’exposition « La Pointe et l’ombre, dessins nordiques du musée de Grenoble » www.museedegrenoble.fr ~ Aux Pays-Bas : • Amsterdam, le Rijksmuseum abrite plus d’une vingtaine d’œuvres de Rembrandt. www.rijksmuseum.nl • On peut visiter la maison de Rembrandt, restaurée : www.rembrandthuis.nl.
SUIVRE LE CHEMIN DE L’OMBRE PLUTÔT QUE CELUI DU CONTOUR, BÂTIR SA TOILE SUR LES OPPOSITIONS LUMIÈRE-OMBRE, OPACITÉTRANSPARENCE, NET-FLOU, JOUER D’UNE LUMIÈRE SUBTILE QUI BAIGNE L’ENSEMBLE DE L’ŒUVRE, OMBRES COMPRISES… EDGAR SAILLEN NOUS GUIDE À LA DÉCOUVERTE DES SECRETS DE REMBRANDT.
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Capter la fluidité de l’ombre
Poser les bases du clair-obscur
Préparation de la toile avec un ton gris neutre, semitransparent et non opaque, pour laisser transparaître la lumière de la toile. Le gris : noir, blanc et terre d’ombre. Edgar applique la préparation à grands coups de pinceau volontairement irréguliers qui laissent une trace visible. Le but : obtenir un fond mouvementé, avec un peu de relief, et laisser voir la lumière par endroits. Le dessin est réalisé avec une couleur terre. On ne cherche pas le contour, la précision. L’objectif est de rendre l’ondulation de l’ombre en gardant la fluidité du trait. Au besoin, on peut diluer un peu la terre avec du médium. Taille de la brosse : entre 8 et 12.
Mise en place des ombres et lumières, sans rentrer dans les détails. La deuxième étape peut être monochrome : noir, terre d’ombre brûlée, blanc, éventuellement un ocre jaune. Ou alors, seulement terre et blanc. Chaque coup de pinceau sert les oppositions lumière-ombre, opacitétransparence, netteté-flou. Ne pas hésiter à accentuer le contraste. Edgar appose un glacis un peu bistre sur l’ensemble de la toile, puis creuse les ombres avec des glacis et fait saillir les lumières avec des empâtements très prononcés. Exemple : le contraste entre le front et le fond. La complexité réside dans les demi-pâtes, translucides, comme la fourrure posée sur le bras. Edgar les travaille dans les deux heures qui suivent la pose du glacis, pour trouver la juste sensation de « glisse ».
D. R.
Le choix de l’eau-forte
Rembrandt fut également un grand maître de la gravure. Il a principalement pratiqué la technique de l’eau-forte, mieux adaptée à sa démarche libre que la gravure sur bois ou au burin, qui appellent un travail plus minutieux. Avec l’eau-forte, l’artiste enduit uniformément la surface de la plaque de cuivre de cire puis, sur cette base, il exécute son dessin au moyen d’une pointe spéciale qui pénètre la cire. Deuxième étape : plonger la plaque dans un acide qui attaque le métal, là où la cire a disparu. Le dessin s’inscrit en creux sur la plaque, et l’on peut alors tirer des épreuves. Rembrandt aimait beaucoup traiter des sujets populaires. Certains historiens de l’art estiment que cette étude constitue un dessin préparatoire non finalisé, probablement pour la Pièce aux cent florins (ci-contre). Feuille d’étude : mendiant aveugle, reprises de têtes. Plume et encre brune. 12,2 x 9,8 cm.
Artiste peintre, passionné de techniques anciennes, Edgar Saillen marie aujourd’hui l’enseignement de celles-ci et des techniques modernes dans son atelier de Montreuil. Il a réalisé des copies au Louvre pendant plusieurs années. www.artien.com
MATÉRIEL ~ Médium (45 % huile de lin cuit, 45 % vernis dammar, 5 % térébenthine de Venise) ~ Cire d’abeille (en addition aux couleurs de lumière) ~ Palette : blanc d’argent, jaune de Naples, jaune de cadmium clair, ocre jaune, rouge de cadmium moyen, rouge de Venise, laque de garance, vermillon, bleu phtalo, terre d’ombre brûlée, terre d’ombre verdâtre, noir.
La Pièce aux cent florins ou Jésus guérissant les malades. Premier état vers 1649. Eau-forte, pointe sèche et burin, 28,1 x 39,4 cm. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/ Gérard Blot
Photos démo : Anne Daubrée.
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Localiser les contrastes, préciser les détails
Mise en couleur : alla prima Même pour la mise en couleur, on continue d’appliquer le même principe de semitransparence pour les demiteintes, d’opacité pour les lumières et de transparence pour les zones sombres. Exemple : sur la fourrure, ombre avec des traits noirs, Edgar fait une mise en couleur avec un glacis laque de garance en transparence. Dans la demi-teinte et l’ombre, les couleurs sont brisées. Dans les zones lumineuses, on applique la couleur par touches franches et apparentes. Utilisation de la hampe du pinceau, par exemple dans les cheveux, pour dessiner avec la lumière sous-jacente. Edgar veille à préserver des interstices par lesquels on voit la couleur du fond. Exemple : le gris transparaît sur le visage et le refroidit. Et pour refroidir ultérieurement la carnation, il rajoute des touches de ton gris. Exemple : au-dessus du sourcil. Pour les transitions entre lumière et ombre, on peut se servir d’un gris transparent.
Une touche qui se tient. Pour accentuer l’opacité des lumières, Edgar ajoute de la cire d’abeille à la couleur blanche et aux autres couleurs de la lumière. La touche conserve plus de tenue, elle s’affaisse moins et reste d’autant plus nette.
Edgar suit le même principe que l’étape précédente, en affinant les détails et en traitant les contrastes de manière localisée. Sur la chair, il procède par glacis localisés colorés roses et jaunes, puis par empâtements plus clairs. Les contrastes entre clair et obscur sont accentués localement. Exemple : petit rehaut froid sur des surfaces chaudes, comme le point blanc dans l’iris. On peut poursuivre cette étape longtemps. Le risque : perdre la dimension « alla prima » de la démarche de Rembrandt…
De l’art de donner de la profondeur. « L’arrière-plan n’a ni transparence, ni opacité franche. Les contrastes forts entre les valeurs et les matières se concentrent au premier plan du tableau. Le principe est celui de la diminution graduelle de l’intensité des tons et des couleurs, au fur et à mesure qu’ils vont vers des plans plus reculés, et qu’ils sont voilés par l’atmosphère ambiante. »
À LIRE ~ « Rembrandt : approches scientifiques et restaurations.» Technè, numéro 35. 2012. Revue du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF) ~ Émile Michel, Rembrandt, Sa Vie, Son Œuvre et Son Temps. Hachette ~ Svetlana Alpers, l’Atelier de Rembrandt. Éditions Gallimard ~ Pierre Cabanne, Rembrandt. Éditions Chêne ~ Ersnst van de Wetering, Rembrandt, the painter at work. Amsterdam University press. PRATIQUE DES ARTS N° 115 / AVRIL-MAI 2014
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