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Emma n’allait pas passer une nuit avec ce sommeil solide et linéaire, tant souhaité à la veille d’une reprise d’étude de travail. En effet, la jeune fille brune se réveilla en pleine nuit. Elle était sur le ventre. Et progressivement, son coeur se mit à battre bien plus rapidement. Pourtant, Emma n’avait ni chaud, ni froid, la fin de l’été permettant d’avoir en particulier des nuits douces. D’ailleurs, l’étudiante n’était pas tant couverte que cela. Elle prit conscience des palpitations de son coeur et ne voyait pas pourquoi celui-ci s’emballait de cette façon. Emma ne se posait pas, cela dit, davantage de questions. Elle venait de se réveiller, prêtre à s’endormir à nouveau. Il ne fallait pas que son sommeil soit rompu trop longtemps en raison de la journée qui l’attendait. Finalement, la jeune fille se rendormit vite. Toutefois, son sommeil n’était pas profond. Puis elle sentit une présence.
Esprits Tome 2 Au-delà Esprits Tome 3 Réincarnation 12 euros
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Justine Deffontis et Anthony Michel • Esprits Tome 1 Médiums
Justine Deffontis Anthony Michel
Esprits
Tome I
Médiums Les tribulations d’Emma, étudiante et apprentie médium
Introduction
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Justine Deffontis Anthony Michel
ESPRITS
Tome 1 MĂŠdiums
Léon Denis Après la Mort Christianisme et Spiritisme Le Problème de l’être et de la destinée La grande énigme (Dieu et l’Univers) Le génie celtique et le monde invisible Dans l’Invisible : Spiritisme et médiumnité Le pourquoi de la vie
Allan Kardec t Le livre des Esprits Le livre des Médiums L’Evangile selon le Spiritisme Le Spiritisme à sa plus simple expression La Genèse, les miracles et les prédictions Oeuvres posthumes Le Ciel et l’Enfer La prière
Chico Xavier Il y a 2000 ans Nosso Lar Les messagers Missionnaires de la lumière Dans le monde supérieur Les ouvriers de la vie éternelle Dans les domaines de la médiumnité Action et réaction Entre la terre et le ciel Libération Cinquante ans plus tard Avé Christ Renoncement Paul et Etienne
Disponibles sur la libraire spirite :
www.editions-philman.com Cette édition a été réalisée avec la collaboration du Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec http://www.cslak.fr Imprimé en Europe — Dépôt légal : décembre 2013 ISBN : 978-2-913720-70-1 — EAN : 9782913720701
Justine Deffontis Anthony Michel
ESPRITS
Tome 1 Médiums
A notre entourage qui, volontairement et parfois involontairement, nous a inspiré Plus largement, à tous les Esprits qui nous ont aidés A Catherine et à Gilles A Laurent pour ses encouragements
« Je ne dis pas que cela est possible, je dis que cela est. » William Crookes
Emma se préparait à aller se coucher. Demain, c'était la reprise. Quelques jours auparavant, sa grand-mère quittait le monde des vivants. Emma était contente de retourner à l'université. Et en même temps, cette reprise avait un goût particulier. Comme si une page se tournait, avec une douleur assez marquante. Naturellement marquante car en rapport au décès de son aïeule qu'elle aimait beaucoup. La jeune fille rejoignit son lit, glissant sous sa couverture avec l'esprit assez vide. Elle ne se sentait pas spécialement bien. Ni mal non plus. Elle était certes contente pour demain. Mais elle n'y pensait pas beaucoup. Elle cherchait à s'endormir rapidement. Et elle le fit. Tant mieux. Puisqu'il fallait avoir la forme pour cette nouvelle journée. Seulement voilà, Emma n'allait pas passer une nuit avec ce sommeil solide et linéaire, tant souhaité à la veille d'une reprise d'études ou de travail. En effet, la jeune fille brune se réveilla en pleine nuit. Elle était sur le ventre. Et progressivement, son cœur se mit à battre bien plus rapidement. Pourtant, Emma n'avait ni chaud ni froid, la fin de l'été permettant d'avoir en particulier des nuits douces. D'ailleurs, l’étudiante n'était pas tant couverte que cela. Elle prit conscience des palpitations de son cœur et ne voyait pas pourquoi celui-ci s'emballait de cette façon. Emma ne se posait pas, cela dit, davantage de questions. Elle venait de se réveiller,
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prête à s'endormir à nouveau. Il ne fallait pas que son sommeil soit rompu trop longtemps en raison de la journée qui l'attendait. Finalement, la jeune fille se rendormit vite. Toutefois, son sommeil n'était pas profond. Puis elle sentit une présence. D’abord au niveau de ses pieds, juste en dessous d'eux plus précisément, comme si on venait y taper une fois doucement contre le matelas. L’étudiante ignorait si elle dormait encore. Elle gardait néanmoins les yeux fermés. Elle sentit, par la suite, que l'on parcourait l'ensemble de son corps mais de l’intérieur, partant des pieds jusqu'à la poitrine. Son cœur, lui, continuait de battre si vite… Elle prit une peur soudaine de mourir. En vérité, elle était, dorénavant, bien réveillée. Elle entendit taper doucement mais franchement à la droite de sa tête, toujours sur le matelas. Et ce, quelques fois. Elle avait la tête de l'autre côté et n'osa pas se tourner. Emma était toujours sur le ventre, son bras gauche étendu le long de son corps. Sa main droite était, quant à elle, sous le coussin. Mais dans ses deux paumes, elle sentit comme un poids, une boule, une orange lourde, et surtout, de ces parties du corps, une énergie. C'était une sensation exceptionnelle. La jeune fille essaya de lever doucement sa main gauche. C'était cependant particulièrement difficile. En conséquence, l’impression de détenir un poids dans celle-ci se confirma. Elle sentit, pour finir, un souffle sur ses cheveux, au sommet de son crâne. C'était l'affaire de trois secondes. Il n’y avait, bien entendu, pas de vent dans sa chambre et les fenêtres étaient fermées. Cet air était, par ailleurs, trop ponctuel et localisé pour qu’il vînt de l’extérieur. Emma n'était même pas effrayée. Elle ne pensait à rien. Cette dernière sensation étant alors passée, son cœur alla se remettre à battre normalement. La jeune fille allait se rendormir tout aussi normalement. Mais avant, elle s’était permise de tourner la tête. Il y avait de la clarté dans la pièce. Il faut dire qu'il était déjà
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six heures du matin. C'était effectivement la lumière de l'aube puisque – Emma le vérifiant de son lit – elle provenait du contour de sa fenêtre. Au bout du compte, cette nouvelle phase de sommeil allait ne pas durer longtemps. Emma se réveilla assez contrariée par cette nuit avec ses étranges sensations. Elle ne risquait pas de les perdre à l’esprit. Comme un peu plus tôt – puisque, après tout, elle ne dormit qu’une petite heure de plus –, Emma jeta un coup d’œil dans sa chambre. L’étudiante n’était pas tranquille. Elle n’avait pas, de toute façon, passée une nuit tranquille. Sa chambre était naturellement un peu plus éclairée que tout à l’heure. Son regard s’arrêta sur le réveil. Il était six heures vingt. Une demi-heure de sommeil supplémentaire aurait été la bienvenue après la difficile semaine qu’Emma venait de vivre. La jeune fille, se sentant oppressée, se leva et se dirigea vers la salle de bain. Une bonne douche l’aiderait sans doute à reprendre son calme. Emma enfila un pantalon bleu marine et une chemise cintrée blanche. Après avoir lissé ses longs cheveux bruns, elle prit quelques minutes pour mettre en valeur ses yeux noirs. Emma aimait être soignée de la tête au pied. Cette habitude lui venait de sa grand-mère, qui présentait toujours parfaitement. Même ces derniers mois, durant lesquels la folie l’avait atteinte, Gisèle ne négligeait pas son apparence. Emma, devant sa glace, se remit justement à penser à sa grand-mère. Elle sentit son cœur se serrer en se remémorant les derniers évènements. Les crises de délire incontrôlables de Gisèle avaient contraint la famille Desmolière à la faire hospitaliser en psychiatrie. L’état de l’octogénaire s’était alors dégradé en quelques semaines. Emma fut tirée de ses tristes pensées par la douce voix de sa mère qui, dans le couloir, l’appelait. La jeune fille ouvrit la porte de la salle de bain et embrassa sa mère. — Bonjour Maman. — Tu as mieux dormi ?
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— Pas vraiment… Mais ça va aller. C’est la rentrée aujourd’hui. Ça va me changer les idées ! — Je vais réveiller ta sœur, le petit déjeuner est prêt. L’odeur du café et du pain grillé envahissait l’appartement familial. En entrant dans la cuisine ouverte sur le salon, Emma aperçut son père plongé dans son journal. — Bonjour Papa ! Richard leva la tête et sourit tendrement à sa fille. — Bonjour ma chérie. Tu es en forme pour cette rentrée ? — Ça ira… après avoir bu un bon café ! Soupira Emma en empoignant la cafetière. Elle remplit une tasse de café bouillant et se mit à table, où le petit déjeuner était servi. Apercevant sa sœur dans l’embrasure de la porte, Emma se leva pour l’embrasser. Charlie, de quatre ans sa cadette, lui ressemblait beaucoup : le teint clair, une longue chevelure brune. Néanmoins, l’adolescente avait hérité des yeux bleu azur de son père. Anne pénétra dans la pièce d’un pas pressé et s’adressa à sa fille aînée : — Charlie rentre du lycée à dix-sept heures. A quelle heure penses-tu finir ta journée ? — J’ai prévu d’aller courir au Parc de la Tête d’Or avec Chloé après les cours. Nous avons des épreuves physiques à la fin du premier semestre, et l’endurance n’est pas mon point fort… Je ne serai pas là avant le dîner. — Fais-moi le plaisir de te ménager, soupira sa mère. Ces dernières semaines ont été éprouvantes pour chacun de nous, et tu as eu peu de vacances avec ton stage. — Ne t’inquiète pas maman, coupa la jeune fille, ça va aller… La famille Desmolière vivait dans un appartement, au dernier étage d'un vieil immeuble du quartier de la Croix-Rousse – quartier situé dans le quatrième et premier arrondissement de Lyon. L'endroit mêlait authenticité et tranquillité. Les fenêtres ne don-
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naient que sur un côté de l'immeuble, à l'opposé de la rue où se situait son entrée. Des fenêtres, on voyait un autre immeuble, qui était si proche que, même avec un grand soleil dans le ciel, la lumière du jour pénétrait relativement peu dans l'appartement. L’apparente froideur des lieux était compensée par la présence du vieux poêle, dans l'un des coins du salon, qui réchauffait depuis des années les parents et leurs deux filles. Quand un membre de la famille fermait la cossue porte d'entrée, plus possible d’entendre un voisin et l'apaisante magie du silence pouvait s'opérer, silence grandissant depuis que les enfants avaient grandi. De plus, malgré les années qui s'écoulaient et devaient donc rendre une vie financièrement plus souple, les affaires de Monsieur Desmolière ne s'amélioraient pas, l'obligeant à passer plus de temps dans son atelier. Une demi heure plus tard, Emma dévalait les pentes de la Croix-Rousse pour rejoindre la station de métro de l’Hôtel de Ville. Après trois arrêts, l’étudiante gagna la place des Charpennes où elle emprunta le tramway en direction de la Faculté de Sport. Icelle faisait partie du campus de la Doua, à cheval sur deux villes, Lyon et Villeurbanne. En effet, de par son immensité, la Doua s’étendait du Parc de la Tête d’Or au long des berges du Rhône. Une jeune fille blonde attendait à l’entrée du bâtiment réservé au Pôle universitaire de la Forme. Apercevant enfin Emma, elle la gratifia d’un sourire complice. C’était une amie. Son nom était Chloé. Ces deux-là étaient suffisamment proches pour que Chloé eût assisté aux funérailles de Gisèle. Aussi, elle éprouvait une grande compassion pour son amie en deuil. — Salut ma belle, contente de te retrouver ! Prononça Chloé. — Moi aussi. Merci encore pour ta présence la semaine dernière… — C’était tout naturel.
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Après un léger silence, Emma reprit : — Alors, toujours partante pour l’entraînement ce soir ? — Bien sûr ! J’ai donné quelques cours au club ce week-end. Un remplacement de dernière minute… Je suis en pleine forme. Les jeunes femmes entamaient leur deuxième et dernière année d’étude en alternance à la faculté de sport. Dans quelques mois, elles allaient obtenir leur diplôme d’éducateur sportif spécialisé dans les métiers de la forme. Emma et Chloé se dirigèrent vers la salle où avaient lieu les cours théoriques. Sur place, elles prirent plaisir à retrouver les vingt-six autres élèves de leur promotion. La responsable du pôle accueillit les étudiants. Elle leur présenta le planning d’alternance ainsi que leur nouvel emploi du temps. La matinée se poursuivit par un enseignement de psychophysiologie. Après une pause repas à la cafétéria universitaire, les élèves découvrirent leur nouveau professeur d’anatomie. A dixsept heures, Monsieur Deltour conclut son cours : - Pensez à revoir vos leçons régulièrement. Dans quelques semaines, vous pourrez apprécier une approche plus «réelle» de l’anatomie. Nous irons à la faculté de médecine pour observer les muscles et les articulations d’un cadavre. A cet instant, un silence pesant envahit la salle. Les élèves se regardèrent, hébétés. - Ne vous inquiétez pas, ajouta le professeur, je suis sûr que vous trouverez cette expérience captivante. Et bien sûr, les âmes les plus sensibles pourront rester à distance ! Chloé lança un regard effaré à Emma : — Disséquer un cadavre ? Quelle horreur ! Je ne suis pas étudiante en médecine ! Emma sourit : — Oui. Bien moi, il va falloir que je me prépare psychologiquement…
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Après cette longue journée de cours, les deux amies avaient hâte de se défouler. A bord de la petite auto de Chloé, elles se dirigèrent vers l’entrée ouest du Parc de la Tête d’Or. Seulement quelques kilomètres séparaient le parc du campus, mais le trafic était dense à Lyon en fin de journée. Les places de parking étaient rares aux abords du parc. En conséquence de quoi, les étudiantes laissèrent le véhicule sur le Boulevard des Belges et gagnèrent la porte des enfants du Rhône à pied. Emma prit quelques instants pour admirer les grilles en fer forgé, ornées partiellement de feuilles d’or, qui s’élevaient sur onze mètre de hauteur. — Commençons à courir, proposa Chloé. On va faire un tour du parc et puis on trouvera un endroit calme pour faire quelques exercices spécifiques. Les deux amies s’engagèrent sur la piste de jogging. Les jolies boucles blondes de Chloé dansaient sur ses épaules. Après avoir longé les grandes serres et le jardin botanique, les étudiantes contournèrent le parc zoologique et achevèrent leur course aux abords de la Cité internationale. — Pour la suite de l’entraînement, on va sur l’Ile du Souvenir ? Proposa Emma. Les escaliers sont moins encombrés que ceux à l’entrée du parc. Ça nous permettra de faire quelques exercices intéressants. Les jeunes filles s’engagèrent dans le passage souterrain menant à l’île. — C’est quand même un peu glauque comme endroit pour s’entraîner, non ? Ce n’est pas sur cette île qu’il y a un monument aux morts ? Interrogea Chloé. — Si, mais on sera plus tranquilles ici. — O.K. Tu es quand même une coach assez particulière, Emma. Je ne te conseille pas d’emmener tes clients ici ! Les amies s’esclaffèrent en atteignant la surface de l’île : lieu à la fois rafraîchissant lorsque l'été osait se poursuivre de plus belle, et mélancolique en raison de l'hommage qui y était fait
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pour les défunts combattants de la Grande Guerre. Les deux sportives avancèrent de quelques mètres en direction du monument édifié au centre de l’île. Soudain, Emma vacilla. — Que se passe-t-il ? s’inquiéta son amie. — Je ne sais pas, j’ai… comme un vertige. — Viens, allons nous asseoir sur ces marches, murmura Chloé en soutenant sa camarade. Tu fais peut-être une hypo-glycémie ? — Je ne pense pas. J’allais très bien il y a deux minutes encore… Oh, ma tête ! J’ai une migraine terrible ! Gémit Emma en caressant ses tempes — C’est cet endroit. Il doit y avoir de mauvaises ondes ! plaisanta Chloé. Les jeunes filles observèrent alors le décor qui les entourait. Une statue les surplombait. Elle représentait six personnages portant une dalle funéraire enveloppée dans un linceul. Autour de l’esplanade sur laquelle s’élevait la sculpture, des milliers de noms étaient gravés dans la pierre. — C’est en mémoire des Lyonnais tués pendant la guerre quatorze-dix-huit, expliqua Chloé en lisant la plaque commémorative. Emma jeta un œil à sa montre. — De toute façon, il va falloir rentrer… Les deux amies repartirent en faisant le chemin inverse. A la sortie du souterrain, Emma s’étonna : — Ça alors, la douleur a totalement disparu ! C’est… vraiment bizarre. — Je te l’ai dit, lança Chloé l’air mystérieux, cette île doit être hantée ! Un parc aussi ancien, qui porte un nom pareil, doit cacher bien des secrets ! — Justement, j’ai entendu dire que le Parc de la Tête d’Or doit son nom à une légende. Si je me souviens bien, un trésor y serait enfoui quelque part. Il renfermerait notamment une statue en or représentant le visage de Jésus, je crois. — Fascinant ! Mais je pense que, depuis le temps et avec tous
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les travaux récents, s’il y avait eut un trésor, on l’aurait trouvé… — Oui voilà, ce n’est qu’une légende… répondit Emma songeuse. — Tu n’as vraiment pas l’air dans ton assiette. Je te raccompagne jusqu’à chez toi, c’est plus prudent. — Merci. Peux-tu plutôt me déposer à l’hôpital du Vinatier ? Je dois récupérer des affaires. Je rentrerai ensuite en bus… — D’accord, mais je te ramènerai. Je ne suis pas pressée, personne ne m’attend, soupira Chloé. A dix-huit heures, la voiture blanche de Chloé arriva devant l’entrée du centre hospitalier. Le large portail en métal gris était ouvert, laissant apercevoir une splendide chapelle d’inspiration byzantine qui s’élevait au bout de l’allée principale. Chloé déposa Emma devant le bâtiment où Gisèle avait été internée. Mais en pénétrant dans le hall, un frisson parcourut Emma. Elle se sentait très mal à l’aise dans cet endroit où sa grand-mère s’était éteinte. Le secrétariat était indiqué au fond du couloir principal. Au loin, Emma vit un grand jeune homme mince et brun, aux cheveux très courts. Il portait une blouse blanche et poussait un patient en fauteuil roulant. En arrivant à leur hauteur, Emma était captivée par cet homme charmant qui lui sourit, laissant apparaître des fossettes. Quelle était sa fonction ? Etait-il médecin ? Soudain, le malade attira l’attention d’Emma. Il l’observait, la tête penchée sur le côté. Ses pupilles étaient tellement dilatées que ses yeux paraissaient tout à fait noirs. Serrant les mâchoires, comme pour contenir de la colère, il murmura : — Je sais qui tu es. Laisse-nous tranquilles. Tu ne peux pas nous faire partir… — Comment ? je ne vous connais pas Monsieur. Vous devez faire une erreur, répondit Emma, stupéfaite. — Navré, ne l’écoutez pas, interrompit le jeune homme, ayant les joues rosissant un peu. Monsieur Hillman, je vais vous confier
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au Docteur Sylla. Il vous reconduira ensuite dans votre chambre. Le docteur en question, qui était psychiatre, avait assisté à la scène. Il s’approcha d’Emma et lui dit : — Je suis désolé que mon patient vous ait importuné, Mademoiselle. Il s’exprime très rarement. Que le malade s’exprimât rarement était-ce rassurant puisque alors Emma le fit sortir involontairement de son silence ? En tout cas, de plus en plus nerveux, il s’écria : — J’ai déjà rencontré des personnes comme toi, laisse-nous ! On est bien ici, tu ne peux rien faire ! Puis subitement, l’homme se leva. Il tenta d’agripper Emma mais le docteur le retint de justesse. Ce dernier appela à présent une infirmière afin de l’aider à maintenir le patient décidément agité. Ils décidèrent de l’attacher à son fauteuil. Emma, effarouchée, s’était réfugiée près du jeune homme qui, en vérité, était externe en médecine. «Calmez-vous, voulait-il la rassurer, vous ne craignez plus rien. Encore une fois, je suis navré de cet incident. Est-ce que ça va ?» Elle resta muette. Elle regardait s’éloigner le docteur Sylla et l’infirmière avec le patient qui visiblement lui était hostile. Une voix familière l’interpella. C’était Chloé. Elle venait d’incruster les lieux, s’inquiétant de ne pas voir son amie revenir. — Emma ! Tout va bien ? Demanda-t-elle. — Ah, tu es là ? Dit, surprise, sa brune camarade. Oui ça va, j’ai juste croisé un patient un peu agité… Emma se tourna à nouveau vers le jeune homme en tentant de lui sourire : — Merci, j’ai un peu paniqué. — Il n’y a pas de quoi ! Moi-même, ça fait seulement quelques semaines que je suis ici en stage… et j’ai du mal à m’habituer. — Ha ? Pardon Monsieur, je ne vous ai pas dit bonjour. — Bonjour, répondit l’externe à Emma. — Alors vous êtes étudiant ? Interrogea Chloé.
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— Oui, je suis en troisième année de médecine. Je m’appelle Théo. Une voix glaciale les interrompit : «Monsieur Etienne, je vous retrouve dans mon bureau ?» C’était le docteur Sylla ; il semblait contrarié. Etienne était le nom de Théophile, qui s’exécuta, souriant brièvement mais chaleureusement à Emma. Embarrassée, celle-ci se tourna vers le psychiatre, dont elle ne voyait maintenant que la tête, dépassant de l’entrée de son bureau. — J’allais au secrétariat. Je crois que c’est par là ; affirma-telle peu clairement, avant de tourner les talons et faire quelques pas aux côtés de Chloé. — Attendez un instant ! C’était encore une fois le docteur, ressorti de son bureau. Il rejoignit Emma et lui fit face. Elle se figea. L’homme à la peau sombre dévisagea son interlocutrice. — Avez-vous une idée de ce que voulait dire mon patient à votre sujet tout à l’heure ? — Absolument pas ! Mais de toute façon, c’est une personne très déséquilibrée, non ? — En effet, répondit seulement le docteur. Rapidement, il salua ensuite les étudiantes et disparut dans une salle d’examen. Chloé, pour sa part, s’étonna de cette étrange question. Or, Emma allait prendre le temps de lui relater l’incident en détails. Après avoir récupéré les affaires de Gisèle, les amies regagnèrent le quartier lyonnais de la Croix-Rousse. Il était maintenant vingt-deux heures quand, à son tour, Théo retrouva son chez-lui. Le jeune homme avait un peu de mal à tenir le coup moralement. Le monde de la psychiatrie était naturellement éprouvant. La complexité de l’être humain y était exacerbée. Le personnel médical devait entendre la douleur du patient dans sa dimension pathologique sans évidemment la partager. De surcroît, pour Théo, l’autorité du docteur Sylla n’était
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pas toujours simple à gérer. Enfin, Monsieur Hillman avait fait des siennes aujourd’hui. Il y avait eu également cette fille. Comment, déjà, son amie l’avait-elle appelée ? Ha oui, Emma. Avant d’enfiler son casque et de grimper sur sa moto, Théo expira un bon coup pour ensuite avoir en tête l’idée que demain était un autre jour et que, surtout, il ne voulait sûrement pas lâcher ses études qui le passionnaient.
Le lendemain matin, Emma se sentait plus en forme que la veille au soir. Elle décida donc d’aller faire une séance de sport au centre de remise en forme où elle était stagiaire. Pour ne pas inquiéter ses parents – surtout sa mère, au courant de ses nuits perturbées –, elle ne leur avait pas raconté l’incident à l’hôpital. Idem à propos de son trouble au Parc de la Tête d’Or. Les deux choses dans la même journée. Au moment de se réveiller, Emma s’était brièvement demandée s’il y avait un lien entre cet incident et son malaise. Mais un lien de quelle nature, à vrai dire ? En même temps, Emma souhaitait un peu oublier ces épisodes moralement fatigants. En revanche, elle avait bien récupéré, en repartant de l’hôpital, les quelques affaires de sa grand-mère. Ses parents étaient un peu étonnés qu’elle fût allée là-bas. Monsieur Desmolière comptait y aller ce matin même. Le club était situé dans l’Ouest Lyonnais. Pour s’y rendre, Emma empruntait les transports en commun. La station de métro Hôtel de ville était située à quelques centaines de mètres de son domicile. Elle s’y rendait en une poignée de minutes. Evidemment, le samedi matin, les voyageurs étaient nettement moins nombreux qu’en semaine. Pourtant, dans le métro, Emma se sentit rapidement oppressée. Elle trouva une place assise et s’y installa. De là, elle essaya de respirer calmement. Puis Emma remarqua discrètement qu’on l’observait. Assis en face d’elle, un jeune homme la dévisageait.
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Croisant le regard d’Emma, il détourna la tête en passant la main dans ses cheveux. Il était à la fois séduisant et intriguant. Il avait le teint pâle et les joues creuses. Une légère moustache et une fine barbe au niveau du menton mettaient en valeur des lèvres parfaitement dessinées. Ses yeux, aussi sombres que ses cheveux, se portèrent de nouveau sur Emma. Celle-ci ressentit soudain des palpitations intenses dans la poitrine. L’inconnu se leva sans quitter la jeune femme des yeux. Mal à l’aise, elle baissa la tête et fit mine de chercher quelque chose dans son sac. Son rythme cardiaque redevint régulier. Puis Emma regarda autour d’elle, le garçon avait disparu. A l’arrêt Bellecour, l’étudiante prit une autre ligne en direction de la gare de Vaise. Arrivée à celle-là, elle monta ensuite dans le bus qui la conduisit jusqu’au centre de remise en forme. Après avoir contourné le bâtiment, la stagiaire traversa la cour et grimpa les quelques marches qui permettaient d’accéder à l’entrée. A l’accueil, Emma salua ses collègues. Enfin, elle descendit retrouver Chloé aux vestiaires. — Comment vas-tu depuis hier ? Tu as pu dormir cette nuit ? Questionna la blondinette en enfilant un débardeur bleu turquoise assorti à la couleur de ses yeux. Un corsaire noir soulignait ses cuisses rondes et fermes. — Et bien, oui ça va. Enfin je ne sais pas, j’ai des sensations vraiment étranges… — Ah oui ? Tu m’inquiètes vraiment. Tu devrais aller voir un médecin au lieu de venir faire du sport ! — Mais ça va ! Là, je me sens très bien. Et puis ces vertiges durent quelques minutes et, l’instant d’après, tout redevient normal, rétorqua Emma en fermant son casier. Plus grande et élancée que sa camarade, elle portait une brassière rouge et un collant noir. Les étudiantes se dirigèrent vers la salle de cours collectif. Pour y accéder, elles traversèrent l’espace musculation. Un petit groupe s’entraînait dans une ambiance décontractée. Un jeune
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homme, qui semblait être le centre d’attraction de ses camarades, interpella Chloé. Il la gratifia de quelques compliments sur un ton narquois. Cependant, la demoiselle n’y prêta pas attention. Légèrement agacé, le garçon aux yeux clairs et au teint hâlé poursuivit son entraînement en marmonnant quelques moqueries qui déclenchèrent l’hilarité dans le petit groupe. Emma observa son amie au visage attristé et la rassura : — Tu as bien fait de l’ignorer, Mathias ne mérite pas ton attention. — Oui, je me demande comment j’ai pu rester autant de temps avec un type si arrogant ! C’est alors qu’une musique rythmée envahit la salle de gym. Emma et Chloé suivirent les trois cours dispensés dans la matinée. Elles prirent ensuite connaissance de leur emploi du temps pour la semaine de stage à venir. Emma était de retour chez elle en début d’après-midi. L’étudiante n’avait pas la force d’avaler quoi que ce soit. Elle informa ses parents qu’elle souhaitait se reposer et gagna rapidement sa chambre où elle se sentait si bien depuis toute petite. Comme, en vérité, dans l’appartement tout entier, qu’elle voyait tel un chaleureux refuge. Sur le sol du salon ainsi que du couloir qui la conduisait à sa cambriole, il y avait des petits carreaux comme des pierres. Gris foncé ou encore bordeaux, quelques uns n'étaient pas très stables, un peu décollés ou bien fendus. Monsieur Desmolière les avait plusieurs fois réparés. Il avait plusieurs fois répété qu'un jour il refera faire l'ensemble du sol. En vain. De toute façon, ses filles avaient passé l'âge de jouer à rester en équilibre sur ces carreaux qui bringuebalaient. L'hiver, sous la lumière jaune des lampes, comme l'été, pendant lequel on pouvait ouvrir grand les fenêtres étant donnée la chaleur que peut connaître la ville de Lyon, les Desmolière avaient su vivre dans la fraternité, malgré la situation professionnelle
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des époux qui bringuebalait elle aussi. Une fraternité, malgré une condition qui ne se voulait pas meilleure. Cette fraternité salutaire lorsque le bonheur n’est pas porté sur un plateau, celle qui fait se serrer les coudes, survivre collectivement ou résister les millions de gens qualifiés d'ordinaires. Anne et Richard Desmolière avaient eu, dans la modestie, le souci de confectionner un bonheur pour leurs filles. Le papa, de par son travail d'artisan ébéniste, entretenait depuis longtemps un savoir-faire faisant intervenir l'accord entre son esprit et ses mains. Son atelier était dans la même rue, dans un autre immeuble. C'est dans la cave, située en dessous du dépôt, qu'il passait beaucoup de temps, afin de fabriquer, réparer des objets qui ensuite se gardaient parfois toute une vie. Emma s’allongea sur son lit. Elle ferma ses grands yeux noirs. Ses cheveux reposaient en bataille sur sa couette. La jeune femme aurait aimé s’endormir en vitesse. Seulement voilà, elle ne put s’empêcher de se remémorer la scène – en détails cette fois, comparativement à ce matin – qui s’était déroulée la veille à l’hôpital psychiatrique. L’externe en médecine, Théo, lui avait fait une impression à la fois douce et rassurante. Emma pensa ensuite à ce médecin, le docteur Sylla, qui lui avait été finalement assez antipathique. Mais ce n’était rien à côté de la frayeur suscitée par son altercation avec le malade ! En fait, son visage la hantait. Que dire, aussi, de ses paroles étranges ? Emma sombra dans le sommeil à cet instant. Après quelques minutes toutefois, il lui sembla se réveiller. Elle sentit des vibrations parcourir son corps. Puis elle eut l’impression d’être totalement paralysée. Elle essaya de bouger, en vain. Des lors, Emma fut prise de panique. Impuissante face à cet état, elle désirait reprendre le contrôle et se réveiller réellement. Il devait effectivement s’agir d’un cauchemar ! Et puis soudainement, cette pesante impression disparut. Il n’y avait
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même plus aucune sensation corporelle. La jeune fille vit alors très nettement sa chambre comme si elle était éveillée, les yeux bien ouverts. Cette perception était, cependant, légèrement différente de la réalité. Les couleurs, notamment, n’étaient pas tout à fait les mêmes. Emma sentit maintenant une présence à sa droite. Elle tenta de diriger son regard dans cette direction. Ce fut assez facile et rapide. La vision qu’elle eut à cet instant la saisit : un homme se tenait là, près de son lit. Elle ne le connaissait pas. Le visage qu’il avait était triste et son regard implorant. Mais Emma n’eut pas le temps de l’observer plus précisément. Elle était dans une sensation d’angoisse qu’elle surmonta uniquement en se réveillant brutalement. Le jour commençait à tomber doucement, le soleil étant resté timide en cette fin d’été. L’un de ses rayons éclairait néanmoins l’entrée de la petite salle de bain qui donnait sur la chambre d’Emma. L’étudiante, s’étant levée, l’avait rejointe. Elle était, devant son lavabo, en train de rafraîchir son visage en passant de l’eau dessus. Ses idées également, elle voulait sans doute les rafraîchir. En vérité, de tous ces étranges phénomènes, l’étudiante ressentait maintenant le besoin de parler. Mais certainement pas à ses parents qui se faisaient déjà beaucoup de souci pour elle. En se séchant et omettant de se remaquiller un peu, la jeune fille pensa à sa grand-mère et plus précisément aux hallucinations dont elle était atteinte à la fin de sa vie. Commencer à douter du contrôle de son propre esprit, ne plus savoir, en outre, distinguer l’imaginaire de la réalité : c’était la sensation que venait d’avoir Emma cet après-midi. Une sensation qu’elle trouvait affreuse. Quand même, elle se demandait une nouvelle fois pourquoi ne pas parler de tout ça à ses parents. Outre l’inquiétude qu’elle craignait de faire grandir, chez eux, elle savait que son père,
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Richard, était très cartésien. Il allait mettre ces hallucinations sur le compte d’une grande fatigue, conséquence entre autres du décès de sa mère. Autrement dit, les hallucinations restaient des hallucinations. A travers l’avis de son père qu’elle imaginait, Emma se convainquait elle-même que seule la fatigue était la source de tout ceci. Elle avait, malgré ça, le désir de partager ses expériences avec Chloé, en qui elle avait pleinement confiance. Les deux amies s’étaient rencontrées au collège. Chloé, transplantée du cœur quelques mois avant son entrée en sixième, avait été dispensée de suivre les cours d’éducation physique, à son grand désarroi. La minote, déjà toute blonde, brûlait d’impatience de pouvoir enfin courir et pratiquer différentes activités comme ses camarades. Emma s’était immédiatement prise d’affection pour Chloé et une belle amitié était née. L’année suivante, celles qui devenaient peu à peu des adolescentes s’étaient inscrites dans un club de gymnastique artistique. Dès lors, la passion du sport ne les avait plus quittées. Après avoir informé Chloé de sa visite, Emma prit le chemin du plateau de la Croix-Rousse, où son amie d’enfance résidait. Les pentes étaient raides dans ce quartier campé sur une colline au nord de la presqu’île lyonnaise. Au crépuscule du samedi, les rues bondées accueillaient les amateurs de shopping et les premiers fêtards du week-end. La jeune croix-roussienne, qui connaissait l’endroit comme sa poche, décida d’emprunter les traboules. Une traboule est un chemin reliant deux rues et situé en travers d'un ou plusieurs immeubles. Il est généralement étroit et seulement pour les piétons. Les premières traboules datent peut-être du quatrième siècle, à la veille de la chute de l'Empire romain. Mais celles de la CroixRousse sont plus récentes car construites à l'époque des ouvriers de la soie surnommés les Canuts ; passages qui leur donnaient le moyen de transporter plus rapidement leurs textile et matériel à
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travers la ville. Aussi, ces chemins allaient bien servir aux Canuts pendant leur révolte ainsi que, plus tard, à des résistants de la seconde guerre mondiale. Grâce aux traboules, Emma pouvait atteindre rapidement le Gros Caillou, ce fameux bloc de roche, symbole du quartier et trônant au sommet des pentes sur une place révélant une vue splendide sur l’Est de Lyon. Tandis qu’elle s’engageait dans l’un de ces passages, complètement dépeuplé à la tombée de la nuit, la jeune femme eut l’étrange sensation d’être suivie. Elle se retourna : le couloir sombre et humide était désert. Emma restait quand même mal à l’aise et, de ce fait, pressa le pas. Dans la traboule suivante, elle entendit un bruit derrière elle et aperçut une silhouette masculine. Saisie de panique, Emma se mit carrément à courir. Une multitude de pensées lui traversaient l’esprit. Pourquoi avait-elle pris ce chemin ? Que faire si elle était agressée ? Se défendre, crier ? Il fallait retrouver du monde, la foule, rejoindre, autrement dit, un endroit fréquenté. Emma atteignit la sortie du nouveau couloir qu’elle venait d’emprunter et osa jeter un coup d’œil dans son dos. Personne. Soulagée, elle fit volte face. Mais brusquement, quelque chose la heurta ! Tête baissée, car encore un peu angoissée, Emma vit d’abord des chaussures noires puis un jean noir, un blouson de cuir noir… Enfin, elle leva les yeux pour découvrir le visage de l’homme qui se tenait immobile contre elle. Des traits fins et jeunes, de grands yeux sombres : ce faciès captivant ne lui était pas inconnu. — Pardon, j’espère que je ne vous ai pas effrayée, demanda posément mais un brin ironiquement le jeune homme. — Non, bien sur que non… balbutia Emma. Tremblante, elle contourna rapidement le garçon et poursuivit sa route. Elle ne tarda pas à retrouver les rues principales et à arriver enfin chez Chloé.
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La fidèle amie d’Emma habitait dans un appartement de surface modeste, de quarante mètres carré. Il comprenait une grande pièce à vivre, avec un coin cuisine et un espace nuit sur mezzanine. Le parquet au sol et les poutres apparentes donnaient beaucoup de charme à ce petit logement décoré avec soin, dans un style zen et épuré. Emma prit place sur le canapé futon gris foncé, tandis que Chloé préparait du thé. Cette dernière apporta, par la suite, un joli service à thé de couleur rouge, gravé et calligraphié. Emma relata brièvement sa frayeur dans les traboules. Son amie l’écoutait. Elle se moqua gentiment. — Quand même, il me semble avoir déjà vu ce garçon… et dans des circonstances toutes aussi étranges, murmura Emma. Une sonnerie retentit. Cela venait de la porte d’entrée. Emma s’interrompit quand sa blonde camarade ajouta : — En parlant de choses étranges, je me suis permis d’inviter ma voisine Zelia. Elle en connaît un rayon dans ce domaine. Je me suis dit qu’elle pouvait peut-être t’aider à comprendre ce qui t’arrive. Emma, surprise, resta bouche bée. Elle souhaitait partager ses expériences avec son amie, pas avec une inconnue ! Pour autant, elle n’eut pas le temps de protester, Chloé ouvrit la porte. Une jeune femme souriante entra. Zelia avait les cheveux noirs et bouclés, la peau couleur café. Elle semblait un peu plus âgée que les étudiantes. Elle embrassa chaleureusement Chloé, qui fit, sans tarder, les présentations pour l’inviter ensuite à s’installer sur son siège en osier, perpendiculaire à son canapé. La blonde demoiselle s’assit, quant à elle, sur ce dernier, rejoignant Emma. Zelia était sage-femme à l’hôpital de la Croix-Rousse. Elle raconta son arrivée dans la région, sept ans plus tôt, pour ses études. De son côté, Emma se détendit, ravie que la conversation ne tourne pas autour d’elle. Les Lyonnaises poursuivirent sur le charme et les aléas de la
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vie de leur quartier. Puis Zelia s’enquit de la rentrée universitaire. En définitive, Emma raconta ses expériences avec auto-dérision, s’estimant être «une petite nature» ou «un brin dérangée». Malgré ce ton un peu décalé dans les propos de l’étudiante, la voisine de Chloé l’écoutait avec attention avant de lui demander : — Ne penses-tu pas que des éléments invisibles peuvent avoir une influence sur nous ? Sur nous tous, je veux dire. — Invisibles ? Je ne sais pas. Zelia la questionna à nouveau : — Saint-Thomas croyait seulement à ce qu’il voyait. Es-tu comme lui, Emma ? — Je ne sais pas trop, je ne me pose pas ce genre de questions, mais… je crois que j’aime avoir des certitudes. — Et pour toi, que devenons-nous après la mort ? Un léger silence s’ensuivit. «Je n’ai pas d’avis particulier» répondit simplement Emma, un peu surprise et embarrassée de la tournure que prenait la conversation. Elle n’était pas très à l’aise avec ces questions. Ce genre de sujet était quelque peu tabou dans sa famille. Pourtant, elle s’était déjà interrogée sur l’au-delà, notamment suite au décès de sa grand-mère. Emma se souvenait que, petite, sa mère lui racontait qu’on s’envolait rejoindre les étoiles quand le corps était trop fatigué et malade. Puis cette histoire avait fini parmi les légendes du Père Noël et de la petite souris. Finalement, pour Emma, il n’y avait rien après la mort. En même temps, cette idée de néant effrayait la jeune fille. Et étrangement, concernant Gisèle, il était arrivé à Emma de l’imaginer parcourir l’espace tel un ange. Avant ce jour-là, Zelia ne connaissait pas la fille Desmolière. Elle ne souhaitait donc pas paraître trop insistante avec ses questions. Elle ajouta toutefois : «Tes expériences s’expliquent très bien d’un point de vue spirite. Tu as une certaine sensibilité que tu peux apprendre à maîtriser, et même développer. Cela t’intéresserait ?» Emma était un peu confuse. Elle ne comprenait pas de quoi
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il s’agissait et ne savait pas quoi répondre. Chloé intervint, interrompant le dialogue. — Zelia, tu es médium, m’as-tu déjà dit. Mais Emma ne le serait-elle pas aussi, en vérité ? Elle le serait sans qu’elle le sache ! — On peut voir ça comme ça, répondit sa voisine, qui apprécia la remarque. A la suite d’un nouveau silence succinct, Zelia, portant une tasse de thé à ses lèvres, reprit : — Disons, si ça te fait peur Emma, je peux tenter de t’apprendre à te fermer à cela. Mais pas sûr que ça marche. Quand cette faculté se manifeste – et je précise que nous l’avons tous en nous, elle est plus ou moins développée –, c’est pour une bonne raison, nous devons en faire quelque chose. Or, il faut avant tout s’instruire, comprendre comment fonctionne le monde invisible. — Hé bien parle-nous un peu de cela, proposa Chloé, enthousiaste. — Attends ! Coupa Emma. Si on parle d’Esprits, de ces trucs flippants avec les tables qui tournent et les verres qui se déplacent, non merci, très peu pour moi ! Zelia sourit et reprit la parole : «Ça, c’est bon pour les films d’horreur et aussi pour les apprentis médiums inconscients ! Plus raisonnablement, nous sommes entourés d’Esprits accrochés à la matière. Après la mort, certains Esprits s’élèvent, vont vers «la lumière», et les autres restent sur Terre près de leurs proches ou sont errants, coincés, ne sachant que faire. Ceux-là perturbent les vivants et les influencent. La plupart des personnes n’en ont pas conscience. D’autres, en revanche, plus sensibles, peuvent percevoir des sensations, comme celles que tu as décrites, Emma. D’autres encore peuvent entendre ou voir ces Esprits désincarnés. Le médium est un canal entre le monde des vivants et celui des morts.» Les deux étudiantes étaient captivées par les paroles de Zelia. Celle-ci poursuivit : — Je voulais dire un mot, sinon, sur les tables tournantes.
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Cette méthode de communication avec les défunts a été utilisée à la naissance du spiritisme, à Lyon, au milieu du XIXème siècle. Mais disons qu’ainsi il était difficile de savoir à quel esprit on avait à faire. Les Esprits les plus inférieurs peuvent communiquer, grâce aux médiums, par les déplacements d’objet — Les Esprits inférieurs ? S’étonna Emma. — Ce sont ceux qui sont sensibles aux choses matérielles, qui ne sont pas très élevés moralement et spirituellement. Zelia donna d’autres explications : «Pour revenir aux communications, avec d’autres méthodes telle que la psychographie, il est plus facile de savoir à quel genre d’Esprit on s’adresse. Le contenu du message en donne une idée.» Emma avoua qu’elle ne comprenait pas bien cette notion. — N’est-ce pas forcément la personne, euh… l’Esprit appelé qui se présente ? Demanda-t-elle. — Ce n’est pas aussi simple que cela, répondit Zelia qui allait donner d’autres explications. Les morts ne sont pas toujours disponibles. Alors, quand un médium attend une communication, n’importe quel Esprit peut se présenter et répondre à la demande. De ce fait, il est préférable qu’un médium travaille dans un groupe. Ce qui permet d’éviter d’être dupé. Il existe d’autres moyens pour cela, mais on n’est jamais totalement à l’abri des erreurs ou supercheries. Enfin, si vous souhaitez en apprendre plus, j’ai quelques livres… — Oui voilà ! Lança Chloé, plutôt amusée, depuis le début, par cette conversation. C’est en voyant ta bibliothèque que je m’étais interrogée à ton sujet. — Et contrairement à la plupart des personnes, tu ne m’as pas rayée de ta liste d’amis après mes brèves explications, répondit Zelia toute aussi amusée que Chloé pour le coup. Après un échange de légers sourires marquant une ambiance détendue, Chloé demanda à sa voisine : — Et alors, on ne peut pas essayer maintenant de voir ce que ça donne avec Emma ?
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— Non. La grande erreur est d’essayer de communiquer chez soi, sans protection. Car on a de forts risques de se retrouver envahi par des Esprits errants, farceurs ou pire encore… — Pire ? Intervint Emma en ouvrant un peu plus grand ses yeux. — Bien, il y a, comme chez les vivants, des Esprits foncièrement mauvais. Et quand on leur ouvre la porte… Enfin, nous en parlerons plus tard. Je vous invite à venir assister à une séance au centre spirite. — Je ne sais pas trop. Tout ceci est assez perturbant. Mais merci Zelia pour tes explications, déclara Emma. La sage-femme, qui travaillait de nuit ce week-end, prit ensuite congé des étudiantes. Avant de partir toutefois, elle avait donné à Emma deux ou trois conseils simples – afin, par exemple, de garder son calme – lorsqu’elle allait être à nouveau confrontée à une manifestation spirite. Emma, par la suite, téléphona à ses parents pour leur annoncer qu’elle passait la nuit chez son amie. Pour la première fois depuis longtemps, elle dormit d’un sommeil profond.
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A paraître Tome II - Au-delà Tome III - Réincarnation.
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Emma n’allait pas passer une nuit avec ce sommeil solide et linéaire, tant souhaité à la veille d’une reprise d’étude de travail. En effet, la jeune fille brune se réveilla en pleine nuit. Elle était sur le ventre. Et progressivement, son coeur se mit à battre bien plus rapidement. Pourtant, Emma n’avait ni chaud, ni froid, la fin de l’été permettant d’avoir en particulier des nuits douces. D’ailleurs, l’étudiante n’était pas tant couverte que cela. Elle prit conscience des palpitations de son coeur et ne voyait pas pourquoi celui-ci s’emballait de cette façon. Emma ne se posait pas, cela dit, davantage de questions. Elle venait de se réveiller, prêtre à s’endormir à nouveau. Il ne fallait pas que son sommeil soit rompu trop longtemps en raison de la journée qui l’attendait. Finalement, la jeune fille se rendormit vite. Toutefois, son sommeil n’était pas profond. Puis elle sentit une présence.
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Justine Deffontis et Anthony Michel • Esprits Tome 1 Médiums
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Tome I
Médiums Les tribulations d’Emma, étudiante et apprentie médium