Introduction
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Justine Deffontis Anthony Michel
ESPRITS
Tome 3 Réincarnation
«Naître, mourir, renaître encore et progresser sans cesse, telle est la loi.» Allan Kardec
Vivre un déchirement tout en suivant ses élans altruistes. C’était le présent destin de Louis, qui avait un pied sur la marche de l’entrée d’un wagon, l’autre encore au sol, ses yeux tournés vers sa femme, vêtue d’une grande robe claire, et sa petite fille qu’elle tenait dans les bras, toutes deux disparaissant peu à peu de l’horizon. Quelques secondes auparavant, un dernier baiser sur les lèvres de sa femme à qui il promit de revenir sans, pour autant, dater son retour. Le cœur d’Eléonore n’était pas sans amertume : son mari médecin partait rejoindre la côte galicienne dans le but d’embarquer ensuite pour une mission humanitaire sur le continent sud-américain. Mais pourquoi n’avait-il pas choisi de poursuivre sa paisible vie de famille ? En outre, il aurait continué de consulter ses patients du quartier de la Croix-Rousse à Lyon. La foi de Louis était profonde. C’est elle qui le guidait sur un chemin plus sinueux, en cherchant à réduire les douleurs des hommes et des femmes subitement appauvris à cause des campagnes vénézuéliennes après une guerre coloniale particulièrement ensanglantée. Une dernière fois, Marie-Ange, l’enfant d’Eléonore et Louis, demanda à son papa s’il allait revenir. Il avait simplement répondu : «Bien sûr, je reviendrai !» Sa fille avait les cheveux châtains, comme Louis, tandis qu’Eléonore était blonde avec des petits yeux bleus pétillants, qui toutefois, ces derniers mois, avaient perdu de leur éclat au fur et à mesure que son cher et tendre s’était motivé pour ce départ. Louis, assis sur la banquette d’un wagon, entendit maintenant
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siffler la locomotive ; ce qui résonna avec son précédent déchirement. Il posa son petit chapeau beige à côté de lui, défit son gilet. Il retint ses larmes. Cela faisait plusieurs minutes, à présent, qu’il ne voyait plus sa femme et sa fille. La crainte de ne plus jamais les revoir l’envahit de nouveau. Théophile se réveilla soudainement, dans un sentiment de peur et de culpabilité. Il tâcha cependant de se rendormir rapidement, d’oublier ce rêve désagréable. Emma arriva devant l’entrée de la chambre de sa sœur. Elle venait la chercher pour dîner. Cette dernière, prénommée Charlie, était assise sur son lit. Avant de se lever pour regagner la cuisine, elle resta quelques secondes ainsi, à regarder Emma. - Alors, c’est ta dernière nuit ici ? - Oui. Mais il se peut que, dans l’année, je revienne quelquefois dormir, répondit – avec un grand sourire – Emma à Charlie, comme pour la rassurer. - Oui. Enfin, comme je comprends ton envie de partir. Tu sais, les parents… - Nos parents sont de gentils parents. Et puis, tu sais, ce sera vite à ton tour de partir. Les choses arrivent parfois plus vite qu’on ne le croit. - Il y a même une infinité de choses qui nous sont arrivées sans que nous nous en souvenions, ajouta Charlie, qui dorénavant regardait passivement devant elle. - Oui, dans cette vie ou dans d’autres, sourit Emma.
Le lendemain, au quartier de la Croix-Rousse, à Lyon, une étroite ruelle était barrée par une camionnette blanche. Un groupe de jeunes s'affairait avec discrétion à décharger l'engin de quelques meubles et de nombreux cartons. Le samedi matin, la R était déjà en pleine effervesence, il fallait donc faire au plus vite pour emménager sans trop perturber le voisinage. - On commence à voir le bout, pas vrai Zelia ? questionna une jeune femme aux cheveux blonds depuis l'entrée de l'immeuble. - Oui, Chloé. Il ne nous reste plus que quelques cartons... informa son amie. - Tant mieux, je commence vraiment à fatiguer. A ses côtés, deux garçons s'armaient de sangles afin de transporter un beau canapé en tissu gris. - Mais quelques allers-retours sur trois étages, ce n'est rien du tout pour une sportive comme toi, plaisanta le jeune homme à la peau foncée et aux yeux clairs. - S’il ne s’agissait que de monter et descendre sans rien porter… Mais là, j'ai les bras en compote… - Prends exemple sur Théo. Regarde-le soulever ce canapé ! ajouta Achille. - Tu me cherches, toi, réagit Chloé qui recommença à grimper les escaliers. Achille sourit. Zelia, sa compagne, lui demanda ce qu’il se passait. - Rien. On rigole un peu, c’est tout. - En tout cas, j’entends que je sers de modèle pour motiver les filles ? Merci Achille ! s'exclama Théo avec un sourire laissant apparaître ses fossettes.
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Il faut dire que le garçon brun s’était, sans séquelles particulières, sorti de son coma succédant à un accident de moto qui datait de l’été dernier. - J’entends bavarder. Je vous rappelle qu'on doit rendre la camionnette avant dix heures ! - Oui, on sait ! répondirent en chœur Zelia, Achille et Théo en levant la tête. Depuis la fenêtre du troisième étage, c’était Emma qui venait de s’exprimer. Une vingtaine de minutes plus tard, les amis se retrouvèrent dans le petit appartement de style ancien, comprenant une chambre et une belle pièce à vivre. Emma ferma la fenêtre afin de garder, dans le logement, un peu de chaleur, précieuse en ce mois de mars. - Merci les amis pour votre aide ! dit Théo. Emma va vous servir un verre. Moi, je ramène le véhicule. A plus tard. Emma s'exécuta avec un large sourire. La jeune femme de vingtet-un ans assouvissait enfin son désir d'indépendance en emménageant seule. Travaillant depuis plusieurs mois, il lui tardait de quitter le domicile familial, bien qu'elle s'entende très bien avec ses parents et sa sœur. Emma avait souhaité s'installer dans son quartier natal de la Croix-Rousse, situé sur une colline de la presqu’île lyonnaise. Ses parents ne vivaient pas très loin d’ici. Ils s’étaient naturellement proposés d’aider leur fille à déménager aujourd’hui. Mais les amis avaient vraiment tenu à le faire entre eux. Richard Desmolière, le père d’Emma, était ébéniste et finissait de lui préparer une table solide. La semaine suivante, Anne, la mère, allait aider sa fille à faire quelques commissions et rangements. La maîtresse de maison sortit des verres d'un carton et s'excusa de n'avoir à proposer à ses amis que de l'eau. Achille, qui s’apprêtait à taquiner la demoiselle, fut interrompu par la sonnerie de son téléphone. Il s'éloigna dans la pièce voisine pour répondre et revint après quelques minutes. Il paraissait dorénavant soucieux. Zelia, avec qui il était en couple depuis environ six mois, s’inquiéta :
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- Ça va ? Tu sembles avoir reçu une mauvaise nouvelle. - C'était l'assistante de mon père. Aujourd’hui, il est de garde à l'hôpital psychiatrique et se trouve au plus mal. Il ne peut même pas conduire pour rentrer. Selon son assistante, il est dans un état léthargique. Zelia et Emma échangèrent un regard. Les deux amies qui, suite au développement de leur médiumnité, étudiaient la philosophie spirite, savaient que la léthargie pouvait être provoquée par des Esprits désincarnés. Elles proposèrent donc à Achille de l'accompagner au Vinatier, célèbre centre hospitalier de Lyon. Il accepta. Chloé, la meilleure amie d’Emma, devait retrouver son conjoint Mathias. Elle était très intriguée par la situation dont elle devinait l'orientation. Par contre, elle n’avait pas, jusque là, approfondi le spiritisme comme Emma et Zelia même si, depuis le mois de septembre, elle suivait des cours au centre Allan Kardec de Bron. Pour l’heure, elle dut quitter ses camarades en demandant à Emma de la tenir informée des événements. La voiture d'Achille était garée quelques rues plus bas, non loin de la place de l'Opéra. En rejoignant le véhicule, Zelia interrogea le jeune homme sur la santé de son père. Achille l’informa : «C'est vrai que, ces derniers mois, il n’est pas très en forme. Lorsqu’il revient du travail, il peut se sentir très fatigué. Il se plaint de fortes migraines. En revanche ce matin, il avait l’air de bien se porter.» A cet instant, le garçon aux cheveux noirs et frisés intercepta un nouvel échange de regards entre sa compagne et Emma. Il pensa aux facultés médiumniques des deux croix-roussiennes. Un frisson le parcourut. Bien qu'étudiant en médecine, Achille avait du reconnaître que des choses «surnaturelles» pouvaient exister. L'été précédent, son ami Théo – une fois réveillé de son coma – avait décrit, avec véracité, des faits qui s'étaient déroulés autour de lui tandis qu'il dormait profondément. Il aurait même, pendant son coma, communiqué avec Emma et Rafael, un autre médium et ami de la bande. En outre, Théo étudiait lui aussi la médecine. Achille pouvait difficilement douter de sa parole, ainsi que de celle de Zelia
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– avec qui il se sentait si bien. Médium depuis l'adolescence, la jeune femme originaire du Brésil avait un peu évoqué avec son cher et tendre le monde des Esprits. Achille s'était étonné d'être facilement intéressé et ouvert à ce domaine ; contrairement à son père, qui l'avait mis en garde contre sa bande d'amis «particuliers». Victor Sylla était psychiatre au Vinatier. Son fils Achille avait rapporté à Zelia la vision des choses de son père à propos des personnes qui disaient pouvoir communiquer avec des défunts. Elles avaient «simplement», selon le médecin, des problèmes psychologiques. Avant de mettre en route le moteur de sa petite auto, Achille demanda indirectement, en redoutant la réponse, au sujet des précédents soucis de santé de son père : - J’imagine que vous avez une explication non médicale à ces symptômes. - En effet, murmura Zelia. Les migraines peuvent être le signe d’une présence d'Esprits aux fluides lourds. - Donc mauvais ? s'inquiéta le jeune homme. - Souffrants... rectifia Zelia avec un sourire bienveillant envers le jeune métis. Et une grande quantité de fluides amenés par ces Esprits peut provoquer la catalepsie, voire la léthargie. Mais, avant d’imaginer toutes sortes de choses, il faut, bien sûr, rendre visite à ton père.
Trente minutes plus tard, les lyonnais entrèrent dans l'enceinte de l’hôpital psychiatrique. Ils se dirigèrent vers le pavillon où le docteur Sylla exerçait. A leur arrivée, l'assistante du psychiatre les guida vers le cabinet. Les filles attendirent dans le couloir tandis qu'Achille pénétrait dans la pièce pour découvrir son père allongé sur le divan. Achille ressortit après un court instant. «Mon père dort, voulez-vous en profiter pour essayer de voir ce qui ne va pas ?» proposa-t-il. Zelia expliqua être un peu embêtée de faire cela sans le consentement de Victor, mais Achille insista : «Une partie de mon père souhaite qu’on l’aide. Je le sais. Je le sens ainsi.» Zelia regarda son ami dans les yeux et accepta. La seconde s'installa sur une chaise près du bureau du médecin. Son amie prit place à ses côtés. Achille resta en retrait près de la porte. Les deux jeunes femmes prirent soin d'énoncer quelques phrases engendrant protection et appelèrent leurs Esprits guides respectifs et, plus globalement, de bons Esprits pour les assister. - Que vois-tu ? demanda Zelia à son amie dont les yeux étaient parfaitement clos. - Rien de bien net. Le docteur semble entouré d'un nuage sombre et compact. - Oui, c'est un groupe d'Esprits inférieurs qui l'enveloppe. Entends-tu quelque chose ? Peux-tu recevoir une autre information ? - La sensation est très oppressante. - D'accord, merci. A cet instant, le médecin ouvrit les yeux. Il observa les jeunes filles. Une lueur d'effroi traversa son regard. Achille s'approcha de son père et essaya de le rassurer tandis que les médiums allaient se
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recueillir en silence afin de clore la séance. - Nous t'attendons dans le couloir, dit Emma en ouvrant la porte. - N'hésite pas à appeler si tu as besoin, proposa Zelia, un peu inquiète. Achille, resté seul avec Victor, tenta de lui expliquer avec délicatesse que son état pouvait être dû à des «énergies négatives» et que ses amies pouvaient l'aider. Du couloir, les médiums entendirent des éclats de voix. Achille sortit quelques instants plus tard et confia, assez embarrassé, que son père ne désirait pas les voir. - Je n'ai pourtant pas parlé d'Esprits mais il a bien compris de quoi il s'agissait et le sujet l'horripile. Je vais vous ramener et je reviendrai chercher mon père ensuite. - Non, rentre avec ton père, on se débrouillera... décida Zelia. A cet instant, Emma sortit son téléphone mobile de son manteau bleu marine «C'est Rafael !» s'étonna la jeune femme en décrochant. Après quelques minutes de conversation, elle interrogea Zelia : - Rafael souhaite savoir s'il y a une réunion médiumnique au centre spirite cet après-midi... Avec le déménagement, je suis un peu perdue dans les dates... - Oui, il y a bien une séance aujourd'hui, confirma Zelia qui ne manquait jamais les réunions. Emma s'éloigna de nouveau un court instant. Puis elle revint avec un large sourire : - Rafael est dans le coin, il passe nous récupérer. - Je vous offre un café en attendant ? proposa Achille. Le trio se dirigeait vers le hall d'entrée lorsque l'attention d'Emma fut attirée par une jeune femme qui semblait attendre à quelques mètres du bureau du psychiatre. Ses cheveux noirs cachaient en partie son visage. Emma remarqua cependant le teint pâle de la fille qui contrastait avec ses lèvres maquillées d'un rouge vif. Arrivée à sa hauteur, la médium frissonna en croisant le regard froid de la demoiselle qui l’intriguait. Emma décida pourtant de ne
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pas faire part de ses impressions à ses camarades. Rafael arriva quinze minutes plus tard, alors que les deux croixroussiennes évoquaient avec Achille des solutions pour aider le psychiatre. Le nouveau venu en profita pour se réchauffer avec un café. Vêtu de son éternel blouson de cuir noir, sa tenue était plutôt légère même si les températures hivernales commençaient à s’adoucir au cours de ce mois de mars. Saisissant son gobelet de liquide chaud dans la machine, il s'enquit : - Bah alors ? Vous êtes venus faire quoi ici ? Y a un malade dans la bande ? - Non, ce n’est pas ça mais… répondit Emma, gênée, en se pinçant les lèvres. - Mais quoi ? demanda Rafael. Pour ne pas mettre Achille mal à l'aise en dévoilant les soucis de son père, Emma préféra cacher la vérité et changer de sujet : - Belle barbe ! Elle te va bien, elle remplit un peu tes joues creuses. - Je n’aurais pas cru, en me levant ce matin, que j’allais, dans la journée, recevoir des compliments dans un hosto. Et puis ce n’est pas aujourd’hui que tu déménageais ? - Comment as-tu deviné ? s’étonna la fille Desmolière. - C’est l’un de mes talents cachés. Non, il y a juste à voir comme vous êtes fringués vous trois… Et puis tu m’avais prévenu que ça devait se faire un de ces quatre. - C’est vrai qu’on ne s’est pas changés. On est venus juste après avoir monté le dernier meuble au studio et bu un verre, précisa Achille. - Aller, vous n’allez pas me la faire. Vous êtes venus avec des intentions… spirituelles, ajouta Rafael avec un léger sourire en regardant fixement derrière Emma. - Chut, pas si fort ! prononça celle-ci. Et puis… qu’y a-t-il ? Que regardes-tu comme ça ? En effet, une chose semblait captiver le beau brun de vingt-cinq ans. Derrière Emma, c’était le couloir où se situait le cabinet du
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docteur Sylla. La croix-roussienne fit volte face pour voir ce qui intriguait tant son ami. La jeune femme, qui avait auparavant attiré son attention, se trouvait adossée contre un mur et observait le petit groupe d'amis. - Tu as remarqué quelque chose d'étrange chez cette fille toi aussi ? questionna Emma en passant sa main dans ses longs cheveux bruns. - Qui donc ? demanda Achille, alors que Rafael allait machinalement dans la direction de la petite demoiselle aux cheveux noirs. Celle-ci mit aussitôt les bouts et disparut dans un autre couloir. Rafael, suivi de ses amis, s'arrêta un instant. Il semblait se concentrer pour savoir où était passée l’inconnue. En vérité, le jeune homme faisait appel aux Esprits proches de lui, ceux qui le soutenaient au quotidien. Parmi eux, son guide spirituel ainsi qu’un autre Esprit, nommé Amaury, que le jeune homme avait bien cerné. Car cet Esprit avait été, autrefois, un Esprit obsesseur dans le sens où il poussait Rafael à utiliser sa médiumnité pour faire des farces ou agir avec une certaine arrogance ou provocation. A présent, l’Esprit Amaury se repentait en aidant régulièrement Rafael à agir avec bienveillance et sollicitude. Ce n‘était pas toujours facile. Ils avaient tous deux leurs vieux démons qui parfois pouvaient les poursuivre. Amaury, justement, ne se sentait pas très rassuré dans cet endroit peuplé de personnes malades. Bien souvent, les gens souffrant de troubles psychiatriques ont une médiumnité développée. Elle sous-entend naturellement une hypersensibilité. Donc ces personnes peuvent être spécialement perturbées par les Esprits qui les entourent. Certaines, souffrant de ce qui est médicalement et officiellement appelé une dépression, captent les pensées mélancoliques des Esprits affligés. Ils ruminent sur elles et créent un lien d’affinité très fort avec les Esprits qui les émettent. Difficile ensuite de sortir de ce cercle vicieux. Plus globalement, les gens rencontrant des problèmes psychologiques attirent des Esprits tourmentés. A partir de là, Esprits désincarnés et incarnés souffrent
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tous ensemble… Ils s’entretiennent mutuellement dans des pensées négatives. Aucune des deux parties ne peut aider l’autre. A moins que, par exemple, l’un des Esprits incarnés souffrants trouve subitement, en lui, cette lucidité nécessaire pour localiser l’authentique faille de ses problèmes. Existent, parmi celles psychologiquement souffrantes, les personnes atteintes de schizophrénie, qui ont davantage conscience de présences spirituelles autour d’elles. En effet, elles peuvent voir ou entendre des Esprits souvent malveillants. Jean était le nom du guide spirituel de Rafael. Il était un Esprit élevé qui ne craignait pas les entités du bas-astral. Ceux-ci ne perçoivent pas les désincarnés dont les vibrations sont plus élevées. Les Esprits supérieurs doivent abaisser leur niveau vibratoire pour se rendre visibles des Esprits aux fluides plus grossiers. Jean était là pour superviser la situation et faire sentir aux Esprits familiers de Rafael qu’ils n’étaient pas seuls. Amaury, de son côté, s’éloigna de son protégé pour aller observer la jeune fille particulière. Elle s’était enfermée dans une salle destinée aux activités de loisirs des pensionnaires de l’hôpital. Elle était entourée d’un groupe d’Esprits en colère. Amaury les entendaient encourager la demoiselle à s’en prendre à Rafael. Cet Esprit aujourd’hui bienveillant vis-à-vis de Rafael connaissait bien la situation car il avait lui-même guidé un groupe d’Esprits qui agissait de la sorte avec le garçon d’origine catalane. Amaury s’apprêtait à se manifester auprès du groupe d’Esprits mécontents et proches de l’étrange inconnue quand Rafael ouvrit la porte. Il était entouré de ses trois autres Esprits amis. «Personne n’est là ? J’aurais pourtant cru…» prononça le garçon. La jeune femme s’était cachée sous une table. Le groupe d’êtres invisibles autour d’elle était au comble de l’excitation. Ils se rapprochèrent de la médium pour former autour d’elle une masse compacte. Son aura se teinta d’une couleur grisâtre dont Amaury pouvait sentir les lourdes vibrations depuis l’autre bout de la pièce.
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Elle fit un geste de la main et une chaise en bois vola brusquement en direction de Rafael qui eut à peine le temps de se baisser pour l’éviter. Plusieurs objets suivirent. L’inconnue, prenant de l’assurance, se redressa. Son visage était méconnaissable, tordu par la fureur qui l’avait envahie. Amaury aperçut Emma et Zelia derrière la vitre de la porte. Elles tentaient d’ouvrir celle-ci en vain. Un Esprit obsesseur la bloquait. Amaury se dit qu’il était temps d’agir. Il ordonna aux Esprits familiers de Rafael d’entourer la jeune fille en envoyant une énergie apaisante aux obsesseurs. Tandis que les premiers s’exécutaient, Amaury souffla des consignes à Rafael afin de communiquer avec la médium. Le jeune homme brun affirma alors : «Je sais ce qu’il t’arrive. Au fond de toi, tu n’as pas envie d’engendrer tout ce cirque. Ce sont ceux qui t’entourent qui te poussent à faire ça. Mais, crois-moi, tu peux leur résister !» La médium, sentit ses forces obscures l’abandonner. En effet, les Esprits familiers de Rafael envoyaient des vibrations roses, blanches et bleutées en direction de la fille et de son entourage spirituel qui, surpris, se dispersa subitement ; non pas pour laisser ces jeunes gens tranquilles mais pour essayer maintenant d’attaquer les bons Esprits individuellement. Amaury avait l’impression d’assister à une bataille au corps-àcorps entre entités. Il sentit la présence de Jean qui lui redonna confiance. «Maintenant ! lança-t-il à Rafael, elle est plus vulnérable.» Le catalan se redressa, sous le regard de Zelia et Emma toujours coincées derrière la porte vitrée. La médium menaçante se précipita sur son adversaire afin de le frapper au visage malgré sa petite taille. Rafael saisit son poignet et dévisagea son assaillante qui était contre lui. Le regard de cette dernière était noir et haineux. De son autre main, le médium la saisit par la taille, tentant de limiter ses gestes très agités. Après quelques secondes, Rafael sentit que la fille se calmait un peu. Il la lâcha. Il crut, à tort, à son apaisement. En effet, la vingtenaire offensante courut vers l’autre bout de la pièce où les obsesseurs, à présent hors de portée des bons Esprits, se rassemblè-
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rent à nouveau contre elle. Puis, elle ouvrit une porte-fenêtre qui donnait sur le parc et partit, toujours en courant.
Emma rentra à son appartement en fin de soirée. Elle gardait Lucky, le chien de sa sœur qui était partie quelques jours avec ses parents. A peine ouvrit-elle la porte que le petit animal blanc l’accueillit avec des bonds de joie. «Oui Lucky, on va sortir» dit la jeune femme en posant son sac et en saisissant la laisse. Après avoir claqué la porte, elle dévala les escaliers puis arriva dans l’entrée de l’immeuble. Elle repensait aux événements qui s’étaient déroulés à Vinatier un peu plus tôt. Plus de peur que de mal pour Rafael qui se reposait chez lui. Par contre, le petit groupe n’avait aucune idée de l’identité de la médium qui l’avait agressé. Emma, toujours dans ses pensées, ne prêta pas attention à la présence d’un jeune homme dans le hall de l’immeuble. Celui-ci sursauta en voyant le chien. Emma avait déjà croisé cet individu qui devait probablement être un voisin. Elle habitait céans depuis peu de temps et n’était pas encore sûre de connaître tous ses voisins hormis ceux de son étage La brunette salua le garçon comme d’habitude. Il répondit simplement : «Bonsoir.» Puis, tandis qu’elle allait ouvrir la porte d’entrée, l’homme l’apostropha : - Hey ! - Oui ? - Excuse-moi, mais j’ai peur des chiens… - Ah d’accord. Dans ce cas, pardon de vous avoir fait peur. - Viens ! On va discuter… proposa l’homme en indiquant le fond de l’entrée. Emma observa son interlocuteur. Ses yeux étaient rouges et
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exorbités. Par ailleurs, elle trouvait sa voix étrange. L’individu semblait drogué. Un sentiment d’inquiétude envahit la jeune fille qui essaya de garder son sang froid : - Je vous écoute… - Aller, viens par là ! dit-il en essayant d’attraper l’épaule de la demoiselle. Le chien qui se trouvait entre eux paraissait le perturber. Emma comprit les intentions de cet homme qui, percevant la peur soudaine de la jeune fille, changea de ton : « Viens là je te dis, je ne vais rien te faire ! » Ses yeux étaient maintenant très effrayants. L’homme était déterminé. Les pensées se bousculaient dans la tête d’Emma. Comment pouvait-elle s’en sortir ? Regagner la rue, appeler au secours. C’était la seule échappatoire. A reculons pour garder le chien entre elle et l’homme. Emma ouvrit la porte et se retrouva dans la rue qui était déserte. L’homme ricana. Situé encore dans l’allée, il regardait Emma tel un chasseur en quête de sa proie. Puis il commença à défaire sa ceinture. Emma se mit alors à crier : «Au secours, aidez-moi s’il vous plait !» Le corps amaigri de l’agresseur se figea : «Mais… chut ! Que fais-tu ?» Confiante, Emma reprit ses appels au secours. Un couple apparut à la fenêtre du premier étage de l’immeuble. - Que se passe-t-il ? demanda le voisin du dessus. - Rien… mentit l’homme. On discute simplement. Tout va bien. - Non ! s’exclama Emma. Il me fait peur ! Pouvez-vous descendre me raccompagner ? Le voisin descendit. Emma, tremblante, regagna l’immeuble aux côtés de son sauveur. L’autre homme ne se démonta pas et les suivit. Il maintenait ses explications fantasques. Mickaël – le voisin du dessus – ordonna à l’oppressant garçon de ne pas les suivre. Il escorta ensuite Emma, toujours affolée, jusqu’à son appartement. Après l’avoir remercié, Emma s’enferma à double
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