Sauvée de la folie

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Divaldo Pereira Franco

Sauvée de la folie L’obsession guérie par le spiritisme Dicté par l’Esprit Manoel Philomeno de Miranda L'obsession existe parce qu'il y a des dettes spirituelles qui demandent réparation. Le nombre de personnes obsédées sur Terre est beaucoup plus grand qu'on ne saurait l'imaginer. On les trouve seuls, en groupes, ou dans des communautés... Nous vivons des temps critiques et pour les individus et pour l'humanité entière. Le spiritisme a un travail énorme, celui de restaurer l'enseignement de Jésus dans chaque cœur, de clarifier la pensée philosophique humaine et d'aider la science, l'encourageant à chercher les causes des maladies dans les profondeurs de l'être spirituel, plutôt que les symptômes.



INTRODUCTION Beaucoup de livres racontent une histoire à l'intérieur d'une histoire et c'est le cas ici. En traitant d'un sujet aussi délicat avec un grand nombre d'implications, comme vous le verrez plus loin, beaucoup d'auteurs mettent des avertissements les déchargeant de toute responsabilité. Ils mentionnent clairement que tous les personnages et situations sont strictement fictifs et que toute similitude avec des personnes vivantes ou des situations réelles serait une pure coïncidence. Dans ce livre, l'auteur dit juste le contraire et raconte une histoire vraie, avec des personnes vraies, les ressemblances ne sont pas de simples coïncidences. Seuls les noms ont été modifiés afin de préserver la vie privée. Ce livre a été dicté au médium brésilien, Divaldo Pereira Franco par une entité spirituelle qui, dans sa dernière vie terrestre, s'appelait Manoel Philomeno de Miranda. Ne vous attendez pas à une histoire conventionnelle, mais plutôt à une histoire qui vous montre que Hamlet avait absolument raison en disant à Horatio qu'il existe plus de choses dans le Ciel et sur la Terre dont notre philosophie n'a jamais rêvé. En fait, nos sens sont des fenêtres étroites par lesquelles nous voyons seulement une fraction de l'immense réalité qui nous entoure. Les aspects de ces réalités qui passent inaperçues ont cependant une influence sur nos motivations intérieures que bien peu d'entre nous sont prêts à admettre. Prenons pour exemple cette histoire. Une belle jeune fille de 15 ans, avec toutes les espérances que la vie peut accorder à une jeune femme, est sur le point d'entrer officiellement dans le


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cercle de la haute société à laquelle appartiennent ses parents. La réception vient à peine de commencer quand, tout d'un coup, elle se lève de son piano, crie des mots durs à son père et le frappe devant tous les hôtes. La fête s'interrompt bien sûr et la jeune fille est confiée à un hôpital psychiatrique. Dans la plupart des cas, ceci serait la fin dramatique d'une histoire très triste. Mais ici ce n'est que le déroulement d'un processus très complexe, avec des racines profondes dans le sol mystérieux des incarnations passées et avec des conséquences dans le futur pour toutes les personnes concernées. La démence due à l’obsession apparait clairement parmi les nombreux désordres qui tourmentent l'humanité de nos jours. Hantées par des troubles inconnus et intérieurs, les personnes obsédées ont été déplorablement oubliées par la plupart des psychanalystes et des psychologues qui, obstinément attachés à leur conception matérielle, ont dénié la présence des personnes désincarnées comme cause de nombreux troubles mentaux. D'autre part, certains spirites éclairés par les enseignements spirituels considèrent tous les malades mentaux comme des victimes d'obsession ayant besoin d'un traitement spirituel et négligent complètement les soins médicaux indispensables. Les deux extrêmes sont faux et devraient être évités. Bien sûr, nous tous, Esprits en évolution, portons en nous les causes de nos troubles physiques et mentaux. Puisque la douleur en elle-même est un moyen spirituel d'élévation pour l’âme, nous certifions que la souffrance provient de la mauvaise utilisation des ressources vitales accordées par la puissance supérieure qui dirige la vie. De telles ressources devraient être utilisées positivement, comme des outils pour aider à l’évolution. A sa création, l'Esprit est créé simple et se doit d’évoluer. Tout obstacle qu'il apporte dans ce processus agit comme des chaines qui le retiennent. La loi divine établit que c'est seulement à travers l'amour que nous trouvons la paix et le bonheur. Salutaire dans son essence, l'amour est le fondement de la vie et la force


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qui nous conduit à nos accomplissements les plus nobles. Chaque fois que nous laissons nos passions inférieures dominer notre volonté, notre sens de la proportion est aveuglé, l'amour devient malsain et nous sommes prisonniers des forces des ténèbres. C'est pourquoi, dans les soins des malades atteints mentalement, l'amour devrait être parmi les thérapies les plus précieuses. Traitées avec amour, les personnes mentalement malades trouvent souvent la guérison. Tandis que l'amour aide une personne malade à guérir, la haine l'en empêche. La jalousie, la déception, la fierté, la convoitise et l'avarice, tous enfants de l’égoïsme, condamnent l’Esprit rebelle à la roue d'une inévitable souffrance rédemptrice. Il n'y a pas d'exceptions sur la Terre. Aucune excuse ne l'emportera sur la loi de cause à effet. En toute personne qui souffre, nous trouvons toujours un Esprit coupable, luttant pour sa propre rédemption. Ceci devrait nous conduire à la méditation sur les lois divines et nous entrainer vers le désir d'aider nos frères, les humains. Parmi la multitude des gens qui souffrent de ce que la psychiatrie moderne appelle la démence, il y en a beaucoup d'obsédées, expiant les erreurs commises dans des vies antérieures et des criminels qui ont trompé la justice humaine et évité une réparation équitable. Il y a des meurtriers, des voleurs et des escrocs de toutes sortes qui reviennent liés à ceux qu'ils ont tués, volés, ou abandonnés, mais dont ils n'ont pu s'éloigner à jamais en raison de l’infaillible loi naturelle de cause à effet. Ils sont morts mais pas disparus. Ils ont changé leur apparence physique mais spirituellement ils sont restés les mêmes individus. Les lois divines les retrouvent et les maitrisent. La chaine de responsabilité qu'ils ont forgée eux-mêmes dans un passé oublié consciemment, lie la victime au criminel, le débiteur au créditeur, dans le même processus de rachat. Liés à leurs chaines karmiques, ils s'agitent, se débattent dans un effort continuel qui consume leur énergie et


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les rend fou, jusqu'à ce que la lumière de l'amour et du pardon réussisse à briser leurs chaines et à les libérer afin qu'ils puissent s'aider l'un l'autre. Jusqu'à ce que l'amour soit plus fort que la haine et que le pardon efface l'affront, ils continuent à se débattre et à se chasser les uns les autres, à se blesser dans un combat horrible où ils se maltraitent eux-mêmes, tombant dans la sauvagerie la plus ignoble. Lorsque nous rencontrons l'obsession ou des titres possédés, armons-nous d'amour pour réussir à briser les chaines qui les lient à la souffrance et les aider à poursuivre la recherche du bonheur auquel ils aspirent.


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AGRESSION C'était une chaude soirée d'été à Rio de Janeiro ; bien que le ciel soit rempli d'étoiles, l'air était étouffant. A l'intérieur d'un duplex surplombant l'océan et la plage de Copacabana, tout était prêt pour une réception bien organisée. Des invitations avaient été envoyées à des amis choisis dans la haute société et les meilleurs traiteurs engagés pour que nourriture, boissons et service soient absolument parfaits. Le chef des serveurs et quelques réceptionnistes en uniforme se tenaient à l'entrée, dans un hall privé où l'ascenseur s'arrêtait. A quelques pas de là, l'hôtesse et son mari, élégamment vêtus, accueillaient leurs amis. De petits groupes commencèrent à se former par-ci, par-là et leurs pas étaient étouffés par les tapis coûteux orientaux recouvrant le sol. Les serviteurs circulaient parmi les invités avec boissons et hors-d’œuvre. Pour le colonel Medeiros de Santamaria et sa femme, Constancio, c'était l'occasion rare et propice d'inviter des hôtes sélectionnés pour les débuts dans la haute société de leur très belle fille âgée de 15 ans. Pour se préparer a cette grande fête, elle avait suivi des cours de maintien dans une école de mannequins professionnels. A 9h 30, à la demande de sa femme, le colonel Santamaria annonça la venue de sa fille. L'orchestre commença à jouer. La jeune fille vêtue d'une longue robe de soirée en mousseline et tulle entra dans la pièce. Elle était svelte et enjouée avec un sourire radieux sur les lèvres ; ses yeux d'un bleu transparent contrastaient avec ses joues roses. Dans ses cheveux, coiffés artistiquement, était déposée une petite couronne en diamants. Elle ressemblait à une fée sortie d'un pays de rêve. Les hôtes saluèrent son entrée avec joie, car sa beauté


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faisait grand effet sur eux. Ses parents étaient remplis de fierté et leur cœur inondé de cette joie terrestre si éphémère qui laisse derrière elle une inexplicable sensation d'amertume. Le père invita sa fille pour la valse traditionnelle. Tandis que l'orchestre jouait, le père et la fille étaient envahis par leurs émotions et souvenirs personnels. Pour le père, anciens souvenirs oubliés, des rêves de jeunesse, ses ambitions militaires, son premier amour, son mariage, la guerre... ah oui, la guerre. Il essaya de se débarrasser de cette pensée inopportune qui l'assaillait. La jeune fille n'avait pas autant de souvenirs, sa vie commençait tout juste et beaucoup de rêves restaient à réaliser ; Esther souhaita pouvoir arrêter cet instant de bonheur afin qu'il dure éternellement. D'autres couples s'élancèrent sur la piste et la fête se poursuivit parmi les rires, les boissons et les friandises. Au moment voulu, le maitre d'hôtel annonça que le diner allait être servi sous peu. En attendant, le colonel Santamaria suggéra que sa fille joue du piano. Sa proposition fut reçue par un très long applaudissement et les invités se groupèrent autour du grand Pleyel. Esther s'assit avec assurance et commença à jouer une pièce de Brahms, remplissant l'air d'une mélodie douce et tendre. Ses parents, resplendissants de bonheur, étaient assis tranquillement, absorbés par le jeu de leur fille. Même la chaleur de la nuit semblait s'adoucir et une brise marine légère rafraichissait l'air. Soudainement la scène changea. Esther montra un léger trouble ; son corps délicat sembla se pencher en avant, comme sous l'impulsion d'un choc électrique. Puis, brusquement, elle se tourna et regarda son père avec des yeux grands ouverts. Elle paraissait transfigurée, l'expression changée et le visage d'une pâleur mortelle. Des gouttes de sueur commencèrent à couler sur son front et ses joues. Elle se leva rigide, comme prise par une folie soudaine et effrayante. Pris par surprise, personne ne bougea. La jeune fille s'avança vers son père stupéfait et sans avertissement lui frappa durement le visage. Alors qu'il se levait, la figure crispée, elle le frappa à nouveau. Ce fut le scandale. Quelques femmes se mirent à


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crier et le colonel Santamaria se mit inconsciemment à rendre les gifles. La jeune fille commença à crier furieusement et dut être emmenée de force dans sa chambre. Parmi les invités, il y avait un docteur qui accepta de l'examiner et lui administra un sédatif qui resta sans effet. La fête finit dans la tristesse et la famille se retira rapidement, plongée dans une douleur profonde. Ce trouble subit prit rapidement des proportions alarmantes. Gravement perturbée, Esther bombardait son père de mots grossiers et brutaux qui sortaient de sa bouche d'une manière incohérente. Apparemment, la présence de son père stimulait ce flot d'insultes et chaque fois qu'il apparaissait, elle perdait la raison. Il semblait qu'une haine longuement nourrie remontait du plus profond de son âme. Ce ne fut qu'à l'aube qu'elle tomba dans une certaine torpeur, son corps secoué par des convulsions. Le docteur resta jusqu’à ce que le couple décida de se retirer, prostré et moralement abattu, ne comprenant pas ce qui venait d'arriver. D'ordinaire de tels événements invitent l'homme à réfléchir sérieusement sur le sens de la vie et le poussent à la recherche de valeurs spirituelles.


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FOLIE Le jour suivant était lourd et chaud et un profond chagrin pesait sur tous dans la maison du colonel Santamaria. Esther n'avait pas encore complètement repris connaissance. Les sédatifs l'avaient plongée dans une profonde prostration et elle en sortait dans un état de crise permanente. La charmante jeune fille avait fait place à un être dément et irresponsable. Elle avait des gestes agressifs et des mots obscènes jaillissaient sans cesse de sa bouche. Parmi les cris, des rires bruyants rendaient sa voix vulgaire. Son visage était blême et des cercles bleus entouraient ses yeux. Sa bouche était sombre et ses yeux avaient un regard dur et menaçant. Des convulsions spasmodiques secouaient son corps. Son visage tordu révélait la douleur atroce qu'elle ressentait. Par moment elle semblait revenir à la conscience et alors se plaignait que quelqu'un la fouettait sans pitié et qu'elle ne pouvait pas lui échapper. Son visage rougissait alors et si on la regardait de plus près, on pouvait voir des marques rouges sur sa peau délicate. Puis elle retombait dans des accès de folie, de sarcasmes et d'agressivité, comme si elle était habitée par des furies. Le médecin qui l'avait examinée le soir précédent avait conseillé, au cas où les crises recommenceraient, de consulter un neurologue, parce que si les symptômes s'aggravaient, on pourrait penser à un cas d'hystérie, capable de déboucher sur une maladie chronique. Il avait précisé que la jeune fille traversait une période de transition dans la construction de sa personnalité durant laquelle les impulsions sexuelles s'intensifiaient. En bon disciple de Freud, il avait bien sûr fait un discours sur la libido et ses conséquences sur les mécanismes de l'émotion. Les parents affolés ne savaient que faire. Le docteur de famille confirma le diagnostic : un cas d'hystérie avec


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possibilité de complications alarmantes. Il fallait donc consulter un psychiatre le plus vite possible. Un psychiatre célèbre fut donc appelé au chevet de la jeune fille et le traitement commença immédiatement. Au début, elle put rester à la maison, mais malheureusement sans aucune amélioration. En fait, elle allait de pire en pire et sa résistance physique se dégradait parce qu'elle refusait toute nourriture. Afin de conserver son équilibre, elle fut nourrie artificiellement. Apres trois jours d'essais infructueux, en dépit des soins de la famille et des médecins, le docteur recommanda l'hospitalisation afin qu'un traitement adéquat puisse être entrepris. Il pensait aussi qu'il était important d'isoler Esther du cercle familial où, peut-être, se trouvaient les causes inconscientes de son traumatisme mental. Selon lui, l'environnement familial empêchait la guérison. Comme il n'y avait pas d'autre alternative, les parents acceptèrent. On donna à Esther une dose importante de sédatif et elle fut transportée dans une clinique psychiatrique connue située dans un paysage magnifique, au bord de la mer, à Rio. Tous espéraient que le site contribuerait à sa guérison. En dépit des ressources les plus modernes de la psychiatrie, la jeune patiente n'échappait toujours pas à ses hallucinations. De nouveaux symptômes se manifestaient jour après jour. Elle se référait sans cesse au besoin de venger un honneur outragé qui devait être lavé dans le sang, à une justice attendue depuis longtemps et à une vengeance personnelle. Après un mois, elle n'était plus que l'ombre d'elle-même. Son apparence physique s'était améliorée parce que le traitement médical l'avait aidé à préserver une apparente vitalité, mais elle était devenue complètement folle. Aucun traitement n'avait été négligé, pourtant elle ne recouvrait pas sa lucidité. Même les traitements de choc n'avaient plus aucun effet et la laissaient complètement insensible. Au début, on pensa que cet état était une amélioration, mais plus tard il fut prouvé qu'il était simplement du à un blocage de ses réactions nerveuses amenant un contrôle temporaire de ses troubles. Les parents désespérés ne savaient plus à quel saint se vouer.


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Habitués à une religion traditionnelle, ils ne pouvaient que réciter des prières conventionnelles sans y trouver aucun réconfort. Leur seul but était de guérir leur fille et ils priaient comme quelqu'un qui paie un tribut à Dieu afin d'être délivré d'un devoir désagréable. Ils n'avaient jamais appris la méditation qui permet aux forces de vie et à la paix d'emplir notre être, nous aidant à garder l'équilibre physique. Ils revenaient généralement des services religieux l'âme déprimée et le cœur revolté. Un ressentiment obstiné contre tout et chacun renforçait leur dépression intérieure. Ils se sentaient blessés dans leur orgueil et dans leur susceptibilité insensée, orgueil et susceptibilité trop appréciés sur cette terre de futilités. Dans leur confusion, ils éprouvaient des émotions contradictoires envers leur propre fille : amour, honte, humiliation et colère. A mesure que le temps passait, une acceptation silencieuse et morbide de la vérité transformait l'atmosphère de la maison et les médecins eurent la même attitude envers la jeune fille. L'intérêt initial se transforma bientôt en une acceptation implicite d'une réalité : elle ne guérira jamais. Et bientôt le diagnostic effrayant et irrévocable tomba : schizophrénie. Même aujourd'hui, ce simple mot nous parait comme une menace effrayante.


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PENSEES AMERES La folie d'Esther était une tragédie choquante pour le colonel Santamaria et sa femme. Après le traumatisme des incroyables premiers jours, la logique revenue, ils devaient faire face à la réalité brutale : Esther était folle et sa maladie offrait peu de chance de guérison. La famille désespérée était maintenant dans un état de prostration profonde. Le temps passait plein de douleur et de désespoir. Le spécialiste était lui-même déconcerté par ce cas peu ordinaire. Le pronostic clinique était décourageant et l'énergie physique d'Esther se détériorait peu à peu. Elle refusait de manger et on devait la nourrir de force. Soumise aux électrochocs, sa réaction fut inattendue. Au lieu de la prostration qui suit normalement la convulsion et à la surprise générale, elle tomba dans un nouvel accès de délire furieux. Esther avait reçu une éducation soignée. Ses lèvres de jeune fille innocente n'avaient jamais prononcé un mot grossier. Maintenant, en état de perte de contrôle, elle proférait des injures contre son père, comme si elle était dominée par une puissance intelligente et dégradante qui la manipulait à volonté. En consultant tous les livres spécialisés, le docteur n'avait pas trouvé un cas semblable. L'état d'Esther variait périodiquement comme si différentes personnalités se manifestaient à travers elle. Sa réaction aux électrochocs étant tout à fait négative, on essaya la narcothérapie, sans aucun succès. Tous les traitements qui furent essayés pendant le premier mois se montrèrent inutiles et même dangereux. Le médecin, après avoir parlé de ce cas avec un de ses collègues les plus éminents, avoua son embarras au colonel. Le cas était déconcertant et semblait étrangement difficile, mais il


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n'admettait pas l’échec. Il expliqua que certains patients ne montraient d'amélioration qu'après un traitement long et continu. Cette explication tendait à diminuer l'angoisse grandissante des parents et leur attente anxieuse d'une guérison rapide qui, pour les médecins, était impensable. En fait, le cas d'Esther correspondait à un diagnostic tout à fait différent, englobant la vie spirituelle, la survie et l’obsession. Malheureusement, la possibilité d'un tel diagnostic ne peut généralement pas être admise par un médecin traditionnel. Ainsi, en raison de la limitation des méthodes classiques et des préjugés académiques, Esther ne pouvait pas être aidée. Accablé par des tourments de toutes sortes et abattu par l’incertitude de la guérison de sa fille, le colonel devint triste et renfermé, submergé par le chagrin. Au fond de son cœur, il ne pouvait accepter la situation ; il analysait le problème sous tous les angles et il lui paraissait complètement absurde. Il avait toujours été un homme honnête. Sa vie était un exemple parfait de dévouement à son pays et, en particulier, à l’armée à laquelle il avait donné le meilleur de lui-même. Dans sa jeunesse, à l'académie militaire, il avait acquis une personnalité forte et disciplinée. Amoureux de la vérité, il devint un champion de la légalité, de la justice et de la loyauté. Marié deux fois, sa première femme mourut soudainement et il resta seul et sans enfants. La seconde lui avait donné, pour son bonheur, une fille et à 56 ans, il se considérait comme un homme heureux lorsqu’apparut l'étrange maladie de sa fille Esther. Dona Margarida son épouse, femme très belle et poétesse sensible, avait étudié dans l'un des meilleurs collèges de Rio et avait reçu une excellente éducation. Elle connaissait parfaitement la langue et la littérature française et aimait parler de ses auteurs français favoris. Après son mariage, elle invitait ses amis chez elle et y organisait des concerts. La folie d'Esther l'avait frappée brutalement et plus elle y pensait moins elle pouvait expliquer les causes de la maladie déroutante de sa fille bien-aimée. Aussi loin qu'elle pouvait se rappeler, personne dans sa famille n'avait souffert de maladie mentale. Son foyer était sain et équilibré


Chapitre 3 - Pensées amères

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et Esther n'avait jamais montré la moindre trace de dérangement mental, d'insécurité ou de névrose. Au contraire, elle avait toujours manifesté une intelligence brillante et vive ainsi qu'une nature gaie. A l'école, ses maitres et ses camarades l'aimaient et la considéraient comme une étudiante responsable et consciencieuse. Pour ses parents, elle avait toujours été une source de joie. Alors pourquoi ? Lorsqu'elle essayait de comprendre, la mère s'abimait dans d'amères pensées. Depuis le jour où sa fille avait été hospitalisée, Dona Margarida ne l'avait pas revue, le docteur ne lui donnant pas la permission, mais elle insistait. Afin d'alléger sa souffrance, le docteur lui permit d'observer Esther, à distance, car il craignait que la jeune fille réagisse négativement à la vue de ses parents. Ce fut très douloureux. La jeune fille, profondément endormie sous l’influence de sédatifs puissants, ressemblait à un animal en hibernation avec un visage décoloré et grimaçant. La mère la regardait fixement, sans pouvoir retenir ses larmes. Le colonel, contrairement à sa femme, ne montrait pas son chagrin. Il se renfermait sur lui-même, nourrissant sa révolte en silence. Il se sentait comme prisonnier d'un filet solide et étouffant. - Un cauchemar, pensait-il. Oui, un cauchemar intolérable. Il allait en sortir bientôt et retrouver le bonheur dans sa maison. Ainsi, il essayait d'échapper à la réalité, se dupant lui-même par de fausses illusions. Il ne pouvait pas se faire à l'idée que sa fille, cette joyeuse petite fée qui avait enchanté son jardin, était maintenant enfermée dans un asile psychiatrique. Oui, c'était vraiment un asile psychiatrique, en dépit de la qualité de l'environnement et des soins. La folie, cette maladie dégradante, transformait l'être humain en animal et une chose si hideuse ne pouvait lui arriver à lui, ou pire, à sa fille bien-aimée, la source même de toutes ses joies. Et cet officier courageux, qui avait combattu dans la seconde guerre mondiale sans jamais se laisser aller à ses émotions, se voyait maintenant pleurer amèrement et sans espoir. Dans ces jours difficiles, le couple allait parfois se promener afin d’alléger la souffrance. En arpentant l'avenue de Copacabana avec


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sa femme, l'esprit du Colonel était invariablement ramené à son enfant. Il aurait donné n'importe quoi pour la sauver, n'importe quoi... Se donnant le bras, ils marchaient solitaires, essayant de tromper le temps. Le long des trottoirs de Copacabana, plein de monde, ils se sentaient abandonnés et prisonniers du destin. De temps en temps, sortant de ses spéculations matérielles stériles, le colonel murmurait : - Dieu n'existe pas. L'aspect le plus difficile du problème, qui aggravait sa dépression, était qu'apparemment dans la pensée de sa fille, il apparaissait comme un monstre haïssable. Sa simple présence déclenchait l'agressivité d'Esther. Comme sa femme l'avait fait auparavant, il essaya de convaincre le médecin de le laisser voir sa fille, espérant ainsi adoucir sa peine. Le médecin refusa. Le père fut très impressionné en apprenant, plus tard, que sa fille ayant senti ses intentions, s'était montrée en colère et encore plus perturbée. - Si elle meurt, se dit-il, je me tuerai. Cette pensée semblait le réconforter parce qu'il était convaincu que la mort était la fin de la vie. Il croyait qu'une fois les cellules épuisées, la pensée, le raisonnement et la conscience se désintégraient également. Le cœur du colonel ne pouvait trouver l'apaisement. Lorsqu'au malheur s'ajoute le ressentiment, l'homme vit dans les ténèbres. Le rejet systématique des réalités simples de la vie fait osciller entre l'apathie et l'agressivité. La fierté, poussée à bout par la loi divine, réagit violemment ; elle empoisonne la réalité au point qu'on est amené à envisager le suicide, non comme un acte lâche, mais comme la seule solution, ignorant qu'une fois accompli, il se révélera une réalité décevante dans l’au-delà, où le suicide est un crime. Pour un homme, la seule manière de montrer sa force, sous la pression de la souffrance morale, est de se vaincre. Le colonel Santamaria et sa femme étaient habitués à la flatterie et à la vie facile de la haute société. Ils n'avaient jamais envisagé la possibilité de souffrir. Leurs croyances religieuses ne les avaient jamais avertis que leur vie n'était pas privilégiée et faite de joie seu-


Chapitre 3 - Pensées amères

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lement. Ils commençaient à comprendre que la peine et la tristesse n'étaient pas réservées seulement au peuple. Jusqu'alors, ils avaient uniquement vécu pour eux-mêmes. Ils devaient maintenant sortir de leur profond égoïsme et considérer ces aspects importants de la vie qu'ils avaient ignorés auparavant.


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