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Table des matières
Introduction
Comme souvent, on peut dire que ce sont des rêves qui nous guident dans la vie et plus particulièrement ceux liés à l’enfance. C’est bien l’un d’eux qui m’a conduit à faire mon premier voyage en Amazonie puis à partager mon temps entre cette région du monde et l’Europe. Pour paraphraser l’ethnologue Ryszard Kapuscinski, ceci n’est pas un livre sur l’Amazonie, mais sur des rencontres avec des femmes et des hommes de là-bas, sur mes rencontres avec plusieurs peuples amérindiens, le temps que nous avons passé ensemble, dans cet océan vert et leur cosmos hétérogène. Partir pour l’Amazonie, c’était une manière pour moi de bousculer certains acquis et habitudes, d’ouvrir un nouveau chapitre dans ma vie trop bien réglée. Je m’étais toujours promis de partir un jour dans cette région du monde et d’aller à la rencontre de certains de ces peuples premiers, mais je ne savais pas encore que par le hasard des rencontres, ces voyages allaient se succéder puis changer irrémédiablement le cours de ma vie.
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Au départ, c’était une manière de prendre de la distance vis-à-vis de la civilisation occidentale, d’essayer de me retrouver après une série de films documentaires pour la télévision suisse et la chaîne européenne ARTE sur les punks, les skinheads et les néonazis. Des tournages qui m’ont amené à filmer des rassemblements des groupes extrémistes les plus radicaux. Près de dix années de ma vie à interviewer, observer, suivre et rassembler des archives sur les organisations radicales du White Power, dont les ramifications faisaient apparaître une inquiétante communauté de haine. J’avais besoin de couper les ponts avec ces subcultures violentes, car cette immersion ethnographique n’était pas sans incidences sur ma vie. Ma décision fut définitive : quitter ces univers de surveillance policière, de menaces et de mensonges pour d’autres aventures. Je voulais avoir de l’empathie pour les personnes que je rencontre, aimer mes protagonistes et potentiellement pouvoir filmer cette fois-ci la beauté sur terre. Partir en Amazonie, à l’autre bout du monde, était une manière radicale de changer de cap, de me défaire d’un passé trop envahissant. Peut-être pour prouver que je pouvais aussi raconter d’autres histoires sur la complexité du monde.
Ce premier voyage en solitaire en Guyane en 2004 fut une ouverture à de nouveaux horizons. Le projet était à l’origine de retrouver l’Indien d’un livre de mon enfance, Parana le petit Indien d’Amazonie et de m’immerger dans la nature sauvage. Mais on ne part pas en Amazonie à cause de vagues désirs mal identifiés. Mon premier voyage n’était-il pas en réalité une manière de me perdre, dans la puissance du jardin d’Éden d’avant la chute, de provoquer des éléments qui allaient me dépasser et me transformer ? Se perdre dans le Paradis ou, comme le disait si bien l’écrivain brésilien Euclides da Cunha : « pour aller là où les hommes vivent de la générosité divine avant le passage de la vie primitive vers l’ordre de la civilisation ».
Entreprendre des voyages dont j’ignorais encore tout et qui allaient me guider sur des chemins totalement inconnus. Rapidement les séjours allaient s’enchaîner ; rencontres d’abord avec les Indiens wayana, puis les Yanomami, les Kayapo, les Xipaya, les Xikrin et les Macuxi. De l’initiation aux mondes des esprits jusqu’aux combats pour la défense des droits autochtones et de la terre. Une vingtaine d’années de mésaventures et d’aventures originales et singulières pour un homme qui ne s’est jamais pris pour un aventurier, qui est devenu un cinéaste engagé, défendant une certaine vision de l’écologie ou plus simplement une personne qui a tenté de rester fidèle à certains rêves de jeunesse.