PAYS :France
DIFFUSION :334759
PAGE(S) :22-23
JOURNALISTE :Caroline Berger
SURFACE :191 % PERIODICITE :Hebdomadaire
16 juillet 2021 - N°3907
André MANOUKIAN
DANS SON DERNIER LA MUSIQUE” ET SE
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“JE CHANTE FAUX COM U
ne reprisesur tous les fronts
pour notre irremplaçable Dédé!Entre son spectacle Le Chant du périnéeavec lequel il vient de repartir entournée à traversla France, ses chroniques sur France Inter,diverses émissionsde télé,l’organisation deson festival CosmoJazzàChamonixet la sortie de son livre Sur les routes de la musiquechez HarperCollins, l’ex-juré deNouvelle Star se révèle, à 64 ans, envrai touche-à-toutavec en point d’orgue: lamusique ! Confidencesd’un mélomane,passionnéet passionnant. FranceDimanche : D’où est née l’idée de cetouvragesavoureuxet étonnant? AndréManoukian : D’un tas de choses
qui me portent depuislongtemps. Comme denepasapprendre correctelamusique aux enfantset d’avoir abandonnécettenotion d’improvisane le sait, mais tous les tion. Personne grandsmusiciens classiques étaient degrandsimprovisateurs. Et quand j’entendsles gensme dire qu’ils ont étédégoûtés de la musique à causedu solfège,ça me révolte. Ne dit-on pas pourtantjouer de lamusique?On a complètementperducet aspectdejeu dansl’enseignement.Moi-même, j’ai commencépar le classiqueetai beaucoup bataillé, donc c’est mon histoire. ment
étéle déclic? AM : Ma rencontre avec un chef d’orchestre,il y a dix ans, m’a ouvert lesyeux : il m'a racontéque lorsque Beethovenfaisaitun concert depiano solo, 80% dece qu’iljouait étaient de l’improvisation. Il demandait aupublic ce quece derniervoulait qu’il joue. On lui envoyait des mélodies, et bim, il partait.Et puis, on n’a pasattendu Kaariset Booba pourfaire desbattles, il y enavait déjà entrelesmusiciens de l’époque. Louis Marchand,un organiste françaisvirtuose du xvme siècle, FD :
Quel a
s’était d’ailleurs barréencouranten entendant Bach! Bref, toute cette musiquequ’on ditaujourd’hui savante, maisqu’on a foutue dansle formol. Ça partdoncde ça,et de mes origines arméniennes aussi.Quandj’étaisen musicologie, on m’expliquait que tous les instrumentsvenaient d’Orient. Et commeaujourd’hui onvoit cetterégion commeun lieu de destructionet de menacepotentielle,bienje voulais juste remettre un peu l'histoire à l'endroitet dire que la musique, c’est l’histoiredes hommes entempsdepaix, cequ’ils ont de plus beau. FD : La musique,c’est votrevie ? AM : La première chose queje fais enme levant le matin : me mettreau piano. Ce bouquin m’a contraint à synthétisermapensée,cequi est pour moi unexploit. C’est le fruit delongues années de réflexion et je ne suis pas mécontent durésultat. J’ai commencé à parler de musiqueà Nouvelle Star finalement. Et à mon sens,il n’y apas de différence entreles commentaires que je faisais sur M6 et meschroniques sur France Inter. Décrypterles émotions de tousces gossesqui venaient chanterdevantnousétaitformidable.
j’entends cette musique,elle me transporte
dans mon
enfance. Et à l’inverse,maman écoutait Sheila. Moi, j'ai ensuiteappris le piano à 6 anset lorsqueje faisaisdes petitsrécitals pourla famille, jejouais Bach,Beethoven,Mozart... Mais il y avait toujoursune tante ou une cousinepour me demanderLes Rois mages,que j’ai appris du coupà l’oreille, caron nem’enseignaitpas ça dansmon cours de classique. J’arrivais de l’école, jejetaismon
“MON PÈRE JOUAIT DU BACH ET MA MÈRE ÉCOUTAIT SHEILA.” Après, certainssont touchéspar la grâceet d’autresun peumoins- même si je reste persuadéqu’onpeut tous l’avoir si on fait un petit effort. FD : À quand remontentvos premiers souvenirsen musique? AM : Tout petit déjà,en entendant mon pèrejouer lesInventions de Bach au piano. Jem’en souviens comme si c’était hier et peuxmême vous les jouer... [il les joue !] Chaquefois que
cartableet me mettaisaupiano. Quandj’étais petit, il n’y avait pasde PlayStation.La seule émission de télé, c’était Bonne nuit lespetitsà 20 heures,après, onallait se coucher.Avantcela, je me revois des heures à mon piano. FD : Pas unejournéene passesansque vousjouiez ouécoutiezde la musique? AM : Si, parfois je peux ne pas en jouer,ce qui n’est pas si mal. Ça fait
tu
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Tous droits de reproduction réservés
PAYS :France
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PAGE(S) :22-23
JOURNALISTE :Caroline Berger
SURFACE :191 % PERIODICITE :Hebdomadaire
16 juillet 2021 - N°3907
VRE,
L’EX-JURE DE “NOUVELLE STAR” NOUS EMBARQUE “SUR LES ROUTES DE
VRE SANS DÉTOUR. CONFIDENCES EN RÉ MINEUR POUR NOTRE BONHEUR...
ME UN JAMBON du coupcommeun repos,etlorsqueje m’y remets,j'ai l’impression de n’avoir jamais entendu lesonde cetinstrument formidable. Mais en réalité, j’ai sans cesse les doigts qui frétillent et suis toujoursentrain de chercher un piano. FD : Pourquoi avoir choisidepartirvivre à la montagne,à Chamonix? AM : Ça, c’est à cause de ma femme
qui a pété un plomb! Lorsqu’elle a vu qu’on pouvait très bien y élever les enfantsjusqu’auBac, elle m’a dit : « J’ai inscrit les enfantsà l’école... à Chamonix!». Ce à quoij’ai répondu: « Oh,p... ! » Et finalement, on y esttrès bien, c’est notrecampdebase.Après, comme touslesmusiciens,je suis un nomade,je bouge tout le temps. Entre Paris,qui restepour moi la plus belle ville du monde, et lanatureà Chamonix,je suis
!”
Mais cen’est pasgrave, je neregrette rien de monparcours.J'ai arrêté médecine aubout desixmois etmesuislancé dansla musique.Ce qui, au départ, n’a pasvraimentplu à mesparents... FD : Vous avezreprisvotretournéeavec votre seul en scèneintitulé Le Chant du périnée. Qu’en est-il exactement? AM:C'estune interrogationsurmes émois : pourquoijeme metsdanstous
mesétatsen entendantun chanteur ou unechanteuse.Hypersensibleà la voix, j’ai fait un spectacle pour raconter commentjel’ai un beaujour rencontrée, moi qui, jusqu’ici, ne faisais pasvraimentde différence entreStevie Wonder et Sheila.Je suis tombésous le charmedela voix, trouvant quec’était le plus bel instrumentdumonde.Et je suis passédu côtéféminin de la force. FD : Vous êtesaussiun fan de jazz?
servi. FD : Vous êtes sûrementun féru de ski,derando? AM : Oui. Jesuis lyonnais et à l’âge de 5 ans,j’ai viré
ma cuti. Réagissanttrès mal au vaccin du BCG, j’ai développéun débutde tuberculose. On m’a alors collé dansun préventorium à Chamonix.Ce qui a bien arrangémon pèrequi adorait la montagne,maismoins plu à mapauvre mère qui préférait la mer. Ensuite,on a passé toutesnosvacancesà la montagne, c’est la plus belle destination du monde. FD : Est-il vrai qu’aprèsle Bac, vous aviezcommencé médecine? AM : C’était pourfaire plaisir à mon père,maisje n’étais pasdu tout fait pour ça. J’ai à l’époque passéun Bac C, alorsquej’aurais mieux fait defairedesétudeslittéraires, çam’auraitplusserviensuite.
“J’AI RÉUSSI À DÉGOÛTER
TOUS MES GOSSES DE LA MUSIQUE.” AM : À14 ans,jeme suis intéresséau jazz.Làj’en ai bavé. Jesuisallé voir des jazzmenpour qu’ils m’aident. Mais ils m’incitaient à boireun bonwhisky! C’était un peu court comme conseil, alorsj’ai casséma tirelire et suis parti aux US. Au Berklee College of Music à Boston, on m’a apprisque tous les
secrets de musiqueimprovisée tenaient
sur une demi-feuillede papier.Que deux portéessuffisent.Quandj'y pense, je trouve criminel qu’on ne l’enseigne pasaux enfants. Carc’est unjeu d’enfant ! Le petit Mozart ne composait pas à l’âge de 3 ans, il improvisait et c’est sonpapaqui écrivait. Vousparliezde votrepassion pour les voix, mais aimez-vous la vôtre? FD
:
Ma voix chantéeestun caucheJechantefaux comme unjambon, ce qui, pour un musicien, est absolument traumatisant.Quandje chante, j’entendsàquel point c’est faux, c’est affreux. Parcontre,je me suis un peu habitué à ma voix parlée. En tout cas, j’aime raconterdes histoires. FD : Vous avez trois enfantset deux petits-enfants. Tous mélomanes? AM : J’ ai réussi à dégoûter tous mesgossesdela musique.C’est assez dingue, mais pasvraiment étonnant finalement : à force de m’entendre m’exercer sur un même accorddurant des heures,benvoilà ! Et puis,il est vrai que je n’ai jamais pris beaucoup de temps pour leur enseigner,c’est dommage.Mais, est-cequeje m’en veux? Pasvraiment. Jen’avais pas forcément enviequ’ils fassent la même chosequemoi, je voulaisjuste qu’ils trouventleur voieet soientheureux. FD : Que font-ils alors? AM : Ma fille Julie, 40 ans, est cinéaste. Elle a fait son premierfilm l’an dernier, Les Vétos avec Clovis Cornillac, et bosse sur deuxautres. Mes fistons, Anton, 21 ans,et Arts, 19 ans,sont de la générationgeek, nésavec les ordinateurs. L’un s’est lancé dans la conception de jeux vidéo et l’autre est trader. Tout ça pour ne pas bouger de Chamonix ! Confinésdepuisqu’ils sont nés, ils n’ont même pas vu passerle confinement. On m’avait prévenu: en les élevantici, il y avait un risque pour qu’ils neveuillentjamaisen partir, ce qui estle casduplus grand. Quantau plus jeune, il se tire au Canada.Mes petits-fils, Ethan, 11 ans,et Zacharie, 5 ans,font eux un peudemusique. AM:
mar
!
FD : Vous allezpeut-êtrevousrattraper aveceux? AM : Je ne suiscertain ni de mes
talents de pédagogueni de ma patience.Pourtant, il faudrait bien! Je ne saispascommentfaisaient les anciens,mais ils le faisaient ! Tout n’est peut-êtrepasperdu... Recueilli par Caroline BERGER
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