La réalité me casse les pieds, Jean-Christophe Averty

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PAYS :France

RUBRIQUE :Le postillon document

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DIFFUSION :399291

SURFACE :79 %

JOURNALISTE :S. L. F

PERIODICITE :Hebdomadaire

24 mai 2017

DOCUMENT

Toutes les vies d’Averty Peuavantsamort, le Zébulondel’audiovisuelseconfiaità NoëlHerpesurFranceCulture. Lerecueilde leursentretiens,qui paraît aujourd’huienlibrairie,selit aussiaveclesoreilles. l afilmé lesjazzmendeLaNouvelle-Orléans, encagéJohnnyHallyday,donnéàvoir Alfred JarryetleDouanierRousseauàdesheuresde grandeécoute… Jean-ChristopheAverty (19282017)fut lepoète,pataphysicienetsurréaliste, delatélévisionfrançaise.En2015,il s’étaitconfié àNoëlHerpe,dansl’émission«Avoixnue»,sur FranceCulture. Leurs entretiens,étincelants d’intelligenceet de fantaisie,sont réunis dans un volume,«Laréalitémecasselespieds»(Plein Jour/France Culture).« Toutl’artd’Avertyaconsisté à inverserlachronologie etàressusciter l’enfance à coupsdecroyance »,écrit Herpe.Eteignezvotre télévision,et lisezAverty! § S.L.F.

I

Extraits Vous avez dit«vieux»? Il setrouve qu’avecClaudeChabrol,qui était un ami, etdeuxoutrois autres(futurs)metteurs en scène,nousallions unefois parsemaine,le vendredi soir, au premier étaged’un bistrot à Pigalle.Ony voyaitdesartistesd’un certainâge: ils devaientavoir dansles70ans,c’étaientdes enfantspar rapportà mon âgeactuel.J’aihorreurdu mot «vieux ».Lesgensdisent:«un vieil homme »,comme si c’était mal de vieillir. Ce n’estpasmal devieillir, c’estlamentable.

Lebébéhaché

achetaittouslesdimanches.Elleseservaitd’un hachoir, et pour maintenir la viande de manière à cequ’elle s’enfonce,elle y mettait les doigts. J’avaistoujours la trouille qu’elle les broie – et queje lesmange!Après ça,on peut voir dansla moulinette etle hachoir quelque chosedeplusélevé:lefait quetout tourne dans l’univers, quetout tourne etrevient toujours.

Comment regarder latélévision Latélévisionabesoind’êtreregardée.C’estune machine célibataire,un objet qu’aurait pu inventerMarcelDuchamp.Il fautlaregarderseul. Pasenfamille : il ne faut pasqu’il y ait desenfants,desappelstéléphoniques.Il ne faut pas qu’il y ait, àcôtédevous,desgensqui n’aiment paslatélé.Lesgensqui aiment,eux,setaisent; ils neselèvent paspour aller aux toilettes;ils ne téléphonent pasni ne mangent en regardant. Agir autrement pour moi est inimaginable!C’estun manque derespect,commesi l’on semouchait aveclespagesd’un livre.

Van Gogh etlui Il estvrai quelapeinture esttoujours uneprise au vol, un arrêt sur image.J’auraisbien aimé voir bougerun tableaudeVanGogh–maiscela n’existepas.J’aidoncimaginéun VanGoghqui bouge.Sanstoucher bien sûr àla peinture : je m’interdisaiscegenred’exploit. Au fond, jeregrettequ’elle n’ait pasbougéd’elle-même;en me voyant, elleaurait dû fuir !

Voussavez, il s’agissaitdedétruirelecôtéconventionnel etsérieuxdelatélévision.Certes,onne peut pasrire detout : on ne peut pasrire de la Portraitsde Johnny encage guerre,onnepeutpasriredesgensquimeurent, Mascarade. Avertyréalisés Bref,je l’ai présentépour la première fois àla c’estimpossible– maison peut trèsbien faire Jean-Christophe tomber un bébéenCelluloïd dansun hachoir poursonémission«Aurisque télévision.Enfermédansunecage,etsuspendu àviande,etenrire !Quandon aeuun pèrequin- devousplaire»(1966-1971). auplafond,chantant jenesaisplus quoi.Entre caillier commele mien, qui vendait cequ’on nous,jen’aimaispasseschansons,ellesm’évoappelait des«mounettes»…Car «Moulinette » n’estqu’une quaientdesmarteaux-piqueurs.Çaswinguait commeun fer marque,comme« Frigidaire».Lamounetteétait un hachoir à repasser,c’était plutôt lourdingue, et pas vraiment mon à viande P36,fabriqué par une sociéténommée Perfecta! genre…Maisj’aifait cequejepouvaisfairedemieux–comme L’idéedubébéhachém’estvenue,en 1963,dela conjonction avectouslesartistesquej’ai filmés.Jeme suisdu resteaperçu d’un souvenir et d’uneexpérience.Ma fille venait denaître que c’était un type maniable, intelligent et qui savait très et ellem’empêchaitdedormir encriant touteslesnuits. Déjà, bien cequ’il allait devenir.On est devenusamis, et j’ai fait lesenfants,jen’aimaispasbeaucoup;maislà,c’étaiteffrayant! plusieurs émissionsaveclui (…)§ COSTE/SIPA Etpuis, jeme suisrappeléque,lorsquejevivais chezmespa- « Laréalité me casseles pieds.Entretiens avecNoël Herpe », rents,ma mèrefaisaitdespâtésavecdesabatsdepoulet qu’elle deJean-ChristopheAverty (Plein Jour/FranceCulture, 112 p.,14 €). HENRY

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