Musiciennes de légende, Marina Chiche / France Musique - First

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lundi 20 décembre 2021 / La Marseillaise

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CULTURE Marina Chiche réhabilite ces femmes qui ont fait la musique LIVRE « Musiciennes de légendes » est un ouvrage pionnier. En une trentaine de portraits, l’auteure rend aux femmes leur place dans la grande histoire de la musique. Et elle n’est pas mineure. Autant de modèles positifs pour tous, – les petites filles en tête – et une grande leçon pour les hommes.

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e vous fiez pas à la douceur de la première de couverture car le feu couve, éclate et court tout au long des formidables pages de Musiciennes de légendes, ouvrage écrit d’une plume alerte, tel un staccato, par Marina Chiche. Le titre emprunte celui de l’émission conçue et animée par la violoniste internationale sur France Musique, en août 2021, heureusement toujours écoutable sur le site de la radio publique grâce à la magie du podcast. Formée notamment au Conservatoire régional de Marseille Pierre-Barbizet, connue des habitués du Festival de Radio France de Montpellier et du grand public grâce aux Victoires de la musique, Marina Chiche a choisi le portrait pour évoquer le destin de 30 musiciennes. La plupart sont de parfaites inconnues non à cause de leur médiocrité mais parce que ce sont les hommes qui non seu-

La violoniste Marina Chiche puise son énergie dans les modèles de femmes musiciennes. Aussi talentueuses que les hommes, elles sortent enfin de l’ombre grâce à elle et on lui dit merci. PHOTO ASTRID DI CROLLALANZA

lement ont longtemps écrit l’histoire mais ont aussi tenu de manière exclusive la baguette et les instruments dans la sphère publique. Marina Chiche fait œuvre de militante éclairée en réhabilitant ces femmes oubliées de l’histoire. Son livre est pionnier dans le sens où il est le chaînon manquant sur la partition de l’histoire de la musique. Il l’est d’autant plus que la musicienne a choisi d’en faire un ouvrage accessible au plus grand nombre : clarté du propos, mise en page attrayante, typographies chaleureuses, photogra-

phies et exergues font que l’on plonge avec délectation dans la vie de ces personnalités exceptionnelles. Elles deviennent autant de modèles qui font hélas encore tant défaut aux petites filles. Avec ces pages, Marina Chiche, qui fit ses premières gammes à l’âge de quatre ans, leur dit que rien ne leur est interdit. Que l’on peut s’affirmer et se réaliser y compris dans l’adversité. Des pionnières Maud Powell, Antonia Brico, Hazel Harrizon, en passant par les étoiles filantes que furent Lise Christiani, Jacqueline Du Pré ou Ginette

Neveu, l’auteure se juche sur les épaules de ces géantes à la fois pour les mettre dans la lumière et pour raconter la longue marche des femmes pour s’imposer dans le monde de la musique et être pleinement musiciennes, qu’elles jouent d’un instrument, chantent, composent ou dirigent.

Ginette Neveu, l’étoile filante

Elle réserve une place particulière à Ginette Neveu, son modèle, au style qualifié de « viril » par les critiques (hommes) de l’époque quand il était tout simplement puissant et époustouflant.

Dans son avant-propos, Marina Chiche souligne : « S’il était temps d’écrire ce livre, mon espoir est qu’il ne sera bientôt plus nécessaire d’écrire un ouvrage uniquement consacré aux femmes. Si l’on parle de plus en plus des compositrices et des cheffes d’orchestre - à juste titre - la question de la place et de la représentation des interprètes féminines demeure souvent éludée. » Et de citer une étude de 2020 réalisée par l’Association française des orchestres soulignant qu’en France « seulement 28 % des solistes femmes sont programmées par les orchestres français (alors que les étudiantes sont nombreuses et brillent dans les conservatoires). » Marina Chiche conclut : « En écrivant ce livre, j’ai compris qu’en n’inscrivant que de rares élues dans notre histoire collective - des arbres qui cachent la forêt -, les historiographes avaient perpétué, consciemment ou inconsciemment, l’idée que ces femmes étaient des exceptions dans un monde d’hommes. Ainsi, en ne donnant pas aux femmes leur juste place dans l’histoire, nous avons été privés collectivement de modèles d’une force incroyable, dont nous avons tous et toutes besoin. » La musicienne écrivaine répare enfin cette injustice. Françoise Verna

« Musiciennes de légendes », Éditions First et France Musique, 21,95 euros.

Antoine Doinel, double de Truffaut projeté au César MARSEILLE Jusqu’au 4 janvier, le cinéma le César projette quatre films de la saga Antoine Doinel, double fictif du réalisateur François Truffaut qui fit son apparition dans « Les quatre cents coups ». n 1959, François Truffaut E réalise son premier film, Les quatre cents coups, directement

inspiré de son enfance. Un chefd’œuvre symbole de la Nouvelle vague - mouvement qui révolutionna le cinéma, tant du point

de vue technique que de la mise en scène spontanée des sentiments - narrant la vie d’Antoine Doinel, 13 ans. Un jeune adolescent un peu trop adepte de l’école buissonnière, coincé entre une mère distante et volage, ainsi qu’un beau-père déconnecté. Antoine Doinel ou un double fictif de Truffaut, lui aussi passé au cours de sa jeunesse par des fugues et un centre d’observation des mineurs, pour lequel son choix d’acteur s’est porté sur Jean-Pierre Léaud.

Léaud décuple la force de Truffaut

Projeté au César, Les quatre cents coups est le premier film de la saga Antoine Doinel, qui

en appela trois autres, également diffusés dans ce cinéma situé sur la place Castellane (6e) jusqu’au 4 janvier. Toujours au centre, le héros incarné par Jean-Pierre Léaud, dont Truffaut disait : « J’ai eu une chance de tomber sur ce gosselà. Mieux encore, il a amélioré le film. Je voyais Antoine plus fragile et farouche, moins agressif. Jean-Pierre lui a donné sa santé, son courage. Spontanément, il trouvait les gestes vrais, rectifiait le texte, toujours avec justesse, et il employait les mots qu’il avait envie d’employer. » Autant de louanges qui posèrent les jalons d’une collaboration fructueuse entre le grand réalisateur et le jeune acteur,

Truffaut et Léaud, au mimétisme frappant, sur le tournage de « Domicile conjugal ». PHOTO PIERRE ZUCCA

déjà décuplée dans le deuxième volet de la saga, Baisers volés. Sorti en 1968, il montre cette fois Antoine Doinel, désormais âgé de 24 ans. Toujours instable, aussi bien dans sa vie active que professionnelle, mais ses pensées obstinément tournées vers son amoureuse,

Christine. La saga Antoine Doinel s’acheva à travers Domicile conjugal (1970), puis L’amour en fuite, réalisé neuf ans plus tard, qui narre la séparation du couple et les pérégrinations éternelles d’Antoine. P.A.

www.lecesar-marseille.com


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