PAYS :France
RUBRIQUE :Alsace
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JOURNALISTE :Serge Hartmann
SURFACE :46 % PERIODICITE :Quotidien
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10 octobre 2018 - Edition Strasbourg-Nord
HISTOIREUN ROMAN GRAPHIQUE SUR LE DRAME DES MALGRÉ-NOUS
Le terrible voyage de Marcel Grob Juin 1944 : un Alsacien de 17 ans est enrôlé de force dans la Waffen SS. Ce jeune homme, c’est Marcel Grob, le grand-oncle de Philippe Collin, auteur de radio et de télévision. Soucieux de faire connaître le drame des Malgré-Nous, il lui consacre un roman graphique magistralement mis en images par Sébastien Goethals et publié par les très estimables éditions Futoropolis. Serge HARTMANN Il a quitté Paris un matin pour se rendre au cimetière de Belfort. Avec lui un exemplaire duVoyage de Marcel Grobfraîchement sorti de l’imprimerie, album que Philippe Collin est allé déposer sur la tombe de son grand-oncle maternel : Marcel Grob (1926-2009). En guise d’hommage, bien sûr, mais aussi pour lui demander pardon.
décidait de ne plus jamais lui adresser la parole, de ne même plus le revoir. Pour le vieil homme, qui jusque-là lui avait tenu lieu de grand-père de substitution, le choc avait été rude. Par cette rupture, son petit-neveu lui faisait savoir qu’il le considérait comme un nazi. Rien de moins qu’un salaud aux mains tachées de sang.
Philippe Collin : « Le besoin de comprendre… » © BERTINI Marcel Grob, incorporé de force dans une division de la Waffen SS. DR
Pardon de lui avoir tourné le dos à jamais quand en 1995, à 20 ans, apprenant que Marcel avait combattu dans les Waffen SS, il
« Maintenant, je m’en veux terriblement. D’autant plus que Marcel est mort en 2009 et que nous n’avons plus eu l’occasion de reparler de tout cela. Or, depuis, j’ai effectué des recherches sur les
Malgré-Nous. Bien sûr, je savais que les jeunes Alsaciens n’avaient pas eu le choix et qu’ils étaient obligés de combattre dans la Wehrmacht, les autorités allemandes utilisant leurs familles comme des otages. En revanche, je croyais que pour se retrouver dans la Waffen SS, il fallait nécessairement avoir été volontaire. J’ai appris depuis que c’est faux ! », raconte Philippe Collin.
Homme de radio et de télévision, animateur d’émissions culturelles, il s’est aussi beaucoup intéressé à l’histoire contemporaine (il est titulaire d’une maîtrise) et plus particulièrement à l’épuration qui suivit la Libération. Ayant grandi en Bretagne et fait sa vie à Paris, l’Alsace ne lui est pas étrangère pour autant. En effet, durant son
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10 octobre 2018 - Edition Strasbourg-Nord
enfance, Philippe Collin allait fréquemment passer ses vacances entre Mulhouse et Belfort auprès de la famille de sa mère. Il entretenait alors un lien privilégié avec son grand-oncle : « J’avais perdu mon grand-père à l’âge d’un an. Marcel l’avait en quelque sorte remplacé », explique-t-il encore. Une affection qui, on l’a vu, n’a pas résisté à sa découverte de l’enrôlement de Marcel Grob dans la Waffen SS, enrôlement jugé donc un peu hâtivement comme volontaire par son petit-neveu. Qui fit en 2012 une découverte qui allait tout changer : « C’était trois ans après sa mort. Je suis tombé sur son livret militaire allemand. À son matricule, il manquait une abréviation : FRW. J’avais appris qu’elle signifiait Freiwilligen, engagé volontaire. Elle n’apparaissait évidemment pas dans les matricules des soldats enrôlés de force. C’était bien la preuve que Marcel avait été versé contre son gré dans la Waffen SS ». Rongé par le remords, désireux aussi de mieux faire connaître une page douloureuse de l’histoire de cette Alsace qui lui est émotionnellement si proche, Philippe Collin a ressenti le besoin de raconter l’histoire de Marcel Grob. Mais sous quelle forme ? Radio et télévision sont ses modes d’expression habituels, mais le roman graphique, par la force du dessin et sa capacité à toucher un
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jeune lectorat, lui est apparu comme un bon médium. Dont il n’avait pourtant jusque-là aucune expérience. Prenant son bâton de pèlerin, il est allé frapper à la porte des excellentes éditions Futuropolis. Qui ont tout de suite dit banco. « Dès le premier entretien ! », n’en revient toujours pas Philippe Collin. « Je n’ai pas voulu non plus l’absoudre complètement » Restait à trouver un dessinateur. « On a été mariés ensemble par Futuropolis ! », plaisante Sébastien Goethals. Lui, en revanche, la bande dessinée, c’est vraiment son univers – on lui doit l’adaptation duManuel de survie à l’usage des incapables, de Thomas Gunzig, parue sous le titreLeTemps des sauvageschez Futuropolis. Le tandem a d’autant mieux fonctionné que l’histoire des Malgré-Nous n’était pas inconnue à Sébastien Goethals. « Ma compagne est d’origine alsacienne. Elle-même avait un grand-père enrôlé dans la Wehrmacht. J’avais donc déjà des repères », raconte le dessinateur. Qui ajoute : « J’ai vraiment l’impression que le sujet ne m’est pas tombé dessus par hasard. » En dépit de l’implication personnelle de Philippe Collin, qui tisse dans ce roman graphique un récit à forte résonance familiale, la fiction prime puisqu’il a bien fallu combler les
silences de Marcel Grob. « Je n’ai pas voulu non plus l’absoudre complètement. Il s’agissait pour moi de comprendre au-delà de la zone d’ombre qui recouvre son action dans la Waffen SS », commente Philippe Collin. Ainsi confronte-t-il Marcel Grob à un juge dont on peut penser qu’il incarne un peu l’auteur, avec ses doutes et ses interrogations. Ce qui ne l’empêche pas de voir dans le destin de Marcel Grob, au-delà du drame des Malgré-Nous, une dimension plus universelle : « Celle de tous ceux dont les vies ont été balayées par les guerres. » Le Voyage de Marcel Grob, aux éditions Futuropolis, 191 pages, 24€. Rencontre avec les auteurs et l’historien Christian Ingrao, jeudi 11 octobre à 15 h à la librairie Kléber à Strasbourg ; vendredi 12 octobre de 15 h à 17 h, à la librairie Tribulle à Mulhouse, suivie d’une conférence à 18 h à la chapelle Saint-Jean. ■
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