Savoir être, Claude Halmos

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PAYS :France

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1 octobre 2017 - N°378

Vos questions

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m (Û£ Claude Halmos, psychanalyste,

est lauteure

de Pourquoi l'amour ne suffit pas, Du berceau à l'école, Grandir, L'Autorité expliquée aux parents, Dis-moi pourquoi, rassemblés sous le titre Dessine-moi un enfant ; de Parler, c'est vivre et Est-ce ainsi que les hommes vivent ? (tous au Livre de poche) ; et de Savoir être (Pocket).

CL.IKII ¥ Li,-I Psychologies, Claude Halrnos, 2-8, rue GastonRébuffat,

75019 Paris

ou chalmos@psychologies. com. Chaque mois, elle répond à une sélection de lettres dont nous publions des extraits.

Comment réagir à la rébellion de ma fille ? Ma fille (18 ans) est née un mois après la mort (à 19 mois) de sa sœur aînée. Tout allait bien mais, depuis trois ans, elle est devenue rebelle, ne fait plus rien à l'école, et le conflit est permanent. Mon mari et moi ne savons plus quoi faire. Valérie, Dijon Votre fille, Valérie, est née dans des conditions difficiles puisque votre mari et vous étiez dans le deuil de sa sœur, qui venait de vous être arrachée par la maladie. Vous avez néanmoins, en l'entourant sans la surprotéger, fait en sorte que tout sepasse bien, et elle a toujours été indépendante, sociable, sans problèmes. Jusqu'à, il y a trois ans, une « chute »brutale : opposition permanente, refus de travailler en classe (alors qu'elle aun projet professionnel auquel elle tient), etc. On pourrait évidemment penser (elle avait 15 ans) au remue-ménage de l'adolescence. Mais je pense que cela ne suffit pas car vous me donnez une précision importante. Juste avant sa « chute »,on a détecté chez votre fille un problème de défenses immunitaires, dont on s'est, de surcroît, rendu compte qu'il avait - en partie - provoqué la mort de sa sœur aînée. Il est possible que cette « découverte » soit à l'origine de son changement radical d'attitude. D'abord parce qu'elle l'oblige, pour avoir une vie normale, à s'injecter chaque semaine un traitement. C'est évidemment contraignant et cela peut lui donner un sentiment d'injustice qui provoque sa« rébellion »

Y a-t-il un moyen de gérer ma timidité

?

J'ai 20 ans. Depuis mon enfance, je suis d'une timidité tellement maladive qu'elle a gâché ma scolarité : les enseignants me considéraient comme une handicapée. Je dois aujourd'hui reprendre des études. Comment faire ? Ariane, Lille Deux lignes (auxquelles vous ne semblez pas attacher d'importance) ont, dans votre lettre, retenu, Ariane, mon attention. Je les cite : « Je reçois et j'ai reçu dans mon enfance beaucoup de critiques de mes parents (moche, visage dégueulasse, squelette, sale naine, sale nulle, arrête tes études, fais femme de ménage). » Vous appelez cela des « critiques »,Ariane? Moi, j'appelle cela des injures. Desinjures monstrueuses. Et particulièrement monstrueuses quand elles sont dites par sesparents àun enfant. Et après avoir, toute votre enfance, entendu vos parents détruire ainsi, méthodiquement, l'image quevous pouviez avoir de vous, vous vous étonnez d'avoir été « timide » ?Vous n'étiez pas timide, Ariane, vous étiez apeurée. Et sans doute même terrifiée. Et c'était normal. Un enfant pense toujours que sesparents savent tout, et que tout ce qu'ils lui disent est vrai. Et il est persuadé que le monde entier partage leur opinion. Dès lors, si sesparents le dévalorisent, il aborde les autres, paralysé par la crainte, en redoutant leur jugement. C'est,je pense, ce que vous avez fait à l'école, et les enseignants n'ont pas été capables de le comprendre. Or tout cela était faux. Car les parents maltraitants (et les vôtres l'étaient) ne disent pas les chosesparce qu'elles sont vraies. Ils les disent parce qu'elles sont susceptibles de faire souffrir leur enfant et que (répétant souvent ce qu'ils ont euxmêmes vécu mais cela n'excuse rien, au contraire) ils serepaissent de sasouffrance. Cessezde vous regarder dans le miroir de la perversion de vos parents, Ariane, et redressez la tête. Vous n'êtes pas et n'avezjamais été cequ'ils disent. Battez-vous !

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(c'est votre mot) actuelle. De plus, le fait de se savoir porteuse d'une anomalie dont sa sœur, déjà, a été victime, peut faire (imaginairement bien sûr) entrer l a mort dans les cartes de sa vie : elle ne pense plus, dites-vous, à son avenir (professionnel). Et il ne faut pas oublier non plus que tout cela lui fait probablement revivre, inconsciemment, ce que le bébé qu'elle était a vécu, durant ses premiers mois où lajoie de sanaissance s'est mêlée, chaque jour, au désespoir de la mort de sa sœur. Je crois que la situation mériterait que votre mari et vous consultiez avec elle. > >

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1 octobre 2017 - N°378

Vos questions à Claude Halmos

franceînfo Retrouvez Claude Halmos dans C'est dans ma tête,

» Mes enfants vont mal à cause de moi. Que puis-je faire ? J'ai 47 ans et trois filles de 21,15 et 12 ans. Elles sont issues de deux unions différentes auxquelles j'ai, chaque fois, mis fin. Et je vis une troisième rupture. Mes filles vont mal et je suis sûre que c'est à cause de ces séparations. Aidez-moi. Marielle, Poitiers

chaque samedi, à 6 h 51 et 8 h 21, dans la matinale week-end de Matteu Maestracci. Sur franceinfo, franceinfo.fr et en podcast.

Vous me dites, Marielle, que vos filles, aujourd'hui, « vous manquent de respect et deviennent, aux yeux des autres parents, de mauvaises fréquentations ». La situation est donc inquiétante. Or, àquoil'attribuez-vous? A un manque de confiance en elles dont elles souffriraient et qui serait dû au «contexte négatif » que vous pensez « leur avoir fait subir ». Je ne connais pas vos filles, Marielle, mais je pense que vous êtes aveuglée par votre culpabilité. Une culpabilité d'autant plus grande que vous auriez voulu qu'elles seconstruisent dans « une joie et une harmonie » que vous-même, enfant, n'avez pas connues. Vous avezvécu, dites-vous, trois relations difficiles et semblables : alcool, intolérance, violence verbale. Et vous vous demandez pourquoi. Vous J'ai découvert il y a un an que mon compagnon avait une liaison. avez raison. Et vous avez raison Puis, peu à peu, qu'il avait une double vie, et un bébé de aussi de penser que l'ambiance dans quelques mois. Je voudrais qu'il avoue la vérité à nos trois filles, laquelle vos filles ont grandi n'était mais il tergiverse. Dois-je la leur dire moi-même ? Anna, Nantes pas l'idéal pour se construire (voir un homme manquer de respect à sa Votre compagnon, Anna, n'a cessé, dites-vous, de mentir depuis que, il y mère n'incite pas à la respecter). a un an, vous avez découvert sa liaison. Il a d'abord prétendu avoir eu une Mais ce que vous oubliez, c'est aventure passagère, avec une collègue de travail. C'était faux. Puis il ainventé des qu'elles ont toujours eu, malweek-ends de travail, pour retrouver cette femme, alors qu'il avait abandonné son gré ce climat problématique, travail pour passer du temps avec elle. Quand vous lui avez demandé de partir, il a un point d'appui que beaucoup dit qu'il allait vivre chez ses parents alors qu'il était déjà installé avec elle et leur d'autres, en pareilles circonsbébé, dont vous ignoriez l'existence. Et, parallèlement, il a toujours menti aussi à tances, n'ont pas : votre amour cette femme, qui vous croyait séparée de lui et au courant de tout. Vous voudriez et le souci que, même en difaujourd'hui qu'il « avoue » (pourquoi ce mot?) la vérité à vos filles. Je crains ficulté, vous avez toujours eu que, la vérité n'étant pas son fort (et vous le savez mieux que personne), il d'elles. Elles auraient donc pu, je n'ait du mal à le faire... Il faut donc que vous leur parliez, vous, et vite, car pense, « s'en sortir » beaucoup elles ont certainement besoin de pouvoir partager ce qu'elles ressentent mieux. Mais elles ont probablement de cette situation que - au moins inconsciemment - elles ne peuvent pas buté sur votre culpabilité. Les penignorer. Et je crois qu'il serait important que vous les aidiez à comprendre que, sant malheureuses à cause de vous, si l'attitude de leur père est choquante, il n'est pas pour autant un monstre. Que vous n'avez sans doute pas osé leur vous leur disiez ce que vous savez de son histoire qui explique que, faute d'assumettre les limites dont elles aumer ses choix et d'en payer le prix, il se retrouve en permanence obligé de mentir, raient eu besoin. Et vous vous êtes à propos de tout et à tout le monde. Et que vous leur disiez aussi ce qui, de votre sans doute sentie responsable, àleur propre histoire, explique que vous ayez pu choisir cet homme et, depuis trente place, deleurs transgressions. Il faut ans, continuer à l'aimer. Cela leur permettra d'avoir des repères pour comprendre donc redresser la barre. Et pour y la complexité de cette situation qui met en cause leurs deux parents. >> parvenir, réussir (grâce àun travail) àtordre le cou à cette culpabilité qui brouille vos repères éducatifs.

Ai-je raison de vouloir que mon compagnon avoue sa double vie à nos filles ?

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