Le Récit national. Une querelle française - Jean-Noël Jeanneney

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PAYS :France

DIFFUSION :317225

PAGE(S) :103 SURFACE :38 % PERIODICITE :Quotidien

6 avril 2017 - N°22599

IDÉES

Le roman national interdit Des pas d hi riens autour du lit national. Mat ment s corre est de rigueur

CHRONIQUE Zemmour ezemmour@lefigaro .fr

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t soudain tout devient clair. Et soudain , on comprend. Pourquoi François Filon ne doit pas gagner . Ne doit pas devenir président de la cet . République Pourquoi acharnement inusité . Ce bombardement réservé aux « médiatico-judiciaire ennemis de la République » . François Filon est bien pire qu' eux . Son crime impardonnable? « II veut réécrire les programmes d histoire avec l idée de les concevoir comme un récit national . » Pour lui ( comme pour le général de Gaulle et François Mitterrand! ) la France est née avec le baptême de Clovis . Fillon a « blessé la laïcité comme rarement elle le fut » en sa foi catholique et en évoquant évoquant « la France , fille aînée de l Église » . Il ne est pas sagement soumis au politiquement correct historique en acceptant , « ce qui serait raisonnable , de marquer est progressivement que la nation enfantée , progressivement définie » . De surcroît , Filon ne parle jamais des ouvriers qui ont tant souffert aux débuts de la Révolution industrielle , mais en revanche exalte les générations successives de paysans français : « cela se rattachant tout droit à la thématique presque obsédante d un enracinement" barrésien » . Traduction : Milon est pétainiste Ce tract intitule « postface préélectorale » . Il vient en conclusion d un ouvrage qui rassemble quinze émissions de . Quinze conversations radio d historiens. Quinze échanges ponctués de chansons d époque et de discours . Quinze émis'

LE RÉCITNATIONAL. UNE QUERELLE FRANÇAISE. JEAN-NOËL JEANNENEY. FAYARD. 374 p. 19Euro

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sions intitulées « concordances des temps» et diffusées sur France culture. « Concordances destemps » , pour montrer que les querelles et les préoccupations du passésont toujours lesnôtres. L auteur de ce tract anti-Fillon est Un historien fin , Jean-Noël cultivé , mesuré. Un homme courtois , urbain , distingué . Mais la gauche ne elle fait la guerre . La rigoleplus lorsqu' guerre culturelle . Dont l Histoire est son fait la guerre arme privilégiée . en stratège habile , tenant la part égale entre « les nostalgiques d un passé » et les « tenants d un chagrin fantasmé rétrospectif, entre les partisans du roman national et ceux de la repentance . Faux équilibre , faussemesure , faux centrisme , faux jugement de Salomon : Jeanneney ne tape que sur un camp, celui du récit national : légendaire crispé sur lui-mê-

villiers , Montesquieu et l abbé Dubos pour savoir si l origine de la France vient des barbares francs ou des Romains. On est surpris d apprendre avec Michel Pastoureau que notre drapeau bleu blanc rouge vient du drapeau américain qui vient lui-même du drapeau anglais qui vient de la jonction entre l Écosse et l Angleterre sous la même couronne au début du XVIIe siècle. On est ravi de Hervé Le Bras est apercevoir brillant lorsqu' il ne parle pas d immigration . En revanche , on retrouve dans son rôle habituel Patrick Weil , à la fois connaisseur averti de ces choseset en chef du camp propagandiste immigrationniste . On apprécie l échange musclé avec le regretté René Rémond , l historien catholique tenant la dragée haute à Jeanneney (et à la doxa dominante) sur l antisémitisme prétendu de l Église pendant l affaire Dreyfus. On sort rarement des débats historiques autour du Jeanneney fait la guerre en stratège XIXe siècle . Jeanneney habile , tenant la part égale lui-même semble entre « les nostalgiques d un passé poursuivre un combat lointain , fantasmé » et les « tenants celui des républicains contre les partisans de d un chagrin rétrospectif» l Ancien Régime, celui de l Église franc-maçonne me... Onnousa piégé le terme, tout comme contre l Église catholique . Comme si les celuid identité... » enjeux étaient toujours lesmêmes pour la Montrons à l égard de Jean-Noël France d aujourd hui .Mais est il en Jeanneney davantage d équanimité Jeanneney qui dénonce chez lesderniers montre lui-même à l égard de ses défenseurs du roman national « une conviction adversaires: ses conversations sont souvent réactionnaire au senspropre , obstinément passionnantes, toujours instructives . Ses nostalgique et rabougrie ... » Et lors historiens sont triés sur le volet une historienne défend âprement la bienpensant (il ne faudrait pas provoquer des trilogie républicaine , Liberté , Égalité, crises cardiaques chez les auditeurs de Fraternité , contre les sarcasmes « France Culture! ) ; mais de bonne qualité. réactionnaires » , Jeanneney emballe et vend la mèche : « Je ne déteste pas que Jeanneney est un « relanceur » aguerri. On se replonge avec délectation dansces l historienne que vous êtes devienne querelles du XV1lIe siècle entre Boulain quelque peu normative. » '

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Ce qui empêchera pas le même , dans sa diatribe de conclusion , de vanter l histoire comme « lemeilleur de l esprit critique ». est il apprentissage agit alors de dénoncer l édification d un roman national , comme base fondamentale d apprentissage de cet cher à Renan, ce « legs indivis» qui héritage forge des citoyens français , quelles que soient leurs origines , et leur donne envie de poursuivre cette histoire glorieuse. Mais l esprit critique de est hémiplégique , qui ne fait que caresserles mêmes vaches sacrées de la bienpensance historiographique : la Révolution française, 1848, la Ille République, Jules Ferry , le Front populaire , le Conseil national de la Résistance, de Gaulle ; et se fait toujours acerbe avec les mêmes cibles : l Ancien Régime, les Bonaparte, les patrons du XIXe siècle, Boulanger, Barrès , Maurras , Vichy et Pétain. Jadis, les marxistes auraient demandé: d où il parle ? Les marxistes avaient pas toujours tort . Jean-Noël Jeanneney est l héritier d une grande de hauts dignitaires républicains , et lignée professeur d histoire émérite à Sciences PoParis. fut ministre de Mitterrand et a présidé la mission du bicentenaire de la Révolution .Près de trente ans après, il se félicite encore du défilé ostentatoirement cosmopolite , conçu par le publicitaire Jean-Paul Goude, qui consacra la « défrancisation » de la symboliquement Révolution française ( et de la France) , sacrifiée sur l autel de son universalisme. Et l on comprend alors que ces « historiens critiques mais patriotes » à la sont les complices objectifs des Jeanneney historiens mondialistes à la Patrick Boucheron . Ceux-là déconstruisent ce que ceux-ci détruisent . Comme disait Charles Pasqua : « Les uns épluchent les oignons et lesautres pleurent . » n'

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