Date : Du 27 mai au 02 juin 2021 Page de l'article : p.2 Journaliste : JÉRÔME GARCIN
Pays : FR Périodicité : Hebdomadaire OJD : 359285
Page 1/1
Par «JÉRÔME GARCIN
ontrairement à Jacques Lusseyran, devenu aveugle à 8 ans, Laetitia Bernard n’a jamais connu la lumière du monde ni les couleurs de l’enfance. Elle ne peut pas avoir la nostalgie d’un
Journalistes, elle est entrée en 2007 à Radio France, où elle présente, tous les week-ends, le Journal des sports sur France-Inter et France-Info. Elle a couvert les Jeux paralympiques de Londres, Sotchi, Rio, Pyeongchang et aussi un Tour de France, en 2019. Le sport, de la natation au cyclisme, elle le pratique avec
spectacle auquel le destin lui a ferveur et en connaît mieux que d’autres les vertus. toujours refusé d’assister, et dont
Quintuple championne de France handisport de saut
elle n’a pu envisager la beauté d’obstacles (sur le parcours, un cavalier voyant qu’avec ses autres sens, l’oiiïe, l’odorat, le toucher. Car elle est aveugle, « très, très,
la précède et la guide par la voix en lui criant, à l’approche des barres : « Un, deux, trois, je saute »), elle
très aveugle » ajoute-t-elle avec humour, depuis
a fait du cheval son allié, sa force et son regard. Avec
sa naissance, en 1983, à Gien. Le certificat
lui, elle trouve l’équilibre, redouble de confiance et
ophtalmologique remis alors à ses parents est sans
obtient ce qu’elle appelle le « centrage ancrage ». Son
appel : « Cécité congénitale complète, irréversible. »
autre complice se prénomme Robert. C’est le lecteur
Après la nuit, la nuit. Mais, tel l’écrivain comblé de « Et
d’écran, ou synthèse vocale, qui lui permet d’entendre
la lumière fut », Laetitia Bernard n’exprime aucune
ses courriels, ses articles, les dépêches et toutes les
protestation, elle salue même sa bonne fortune : «En
pages web. En feit, Laetitia Bernard est entourée
prenant du recul, je me considère comme extrêmement
d’amis. Avec son livre, écrit sur un bloc-notes braille
chanceuse, voire privilégiée. » Elle écrit ça dans son
pendant un confinement qui a plongé la France « dans
premier livre, « Ma vie est un sport d’équipe » (Stock,
l’obscurité », elle va encore en gagner de nouveaux.
19,50 euros), en oubliant, par modestie, de préciser que
Elle les mérite, mais la méritent-ils ? J. G.
cette chance, ces privilèges, elle ne les doit qu’à son intrépidité, sa persévérance et son irréfragable optimisme. Elle incarne en effet la fameuse injonction de René Char : « Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront. » Epaulée par des parents en or, diplômée de SciencesPo Strasbourg et du Centre de Formation des
Tous droits réservés à l'éditeur
STOCK 7053411600508