PAYS :France
RUBRIQUE :Autre
PAGE(S) :22
DIFFUSION :317225
SURFACE :50 %
JOURNALISTE :Enguérand Renault
PERIODICITE :Quotidien
18 juin 2022 - N°24206
« Au-delà de la connaissance délivrée par mes invités, l’émission est avant tout un bon moment de radio. Je ne scénarise jamais à l’avance et je m’adapte à l’humeur, aux digressions de mes invités. C’est une véritable danse, menée à deux, et les auditeurs y sont très sensibles. »
RENCONTRE
! " !
Enguérand Renault erenault@lefigaro.fr
e 1er juillet prochain, la productrice reprendra une dernière fois le micro des « Chemins de la philosophie », émission culte de France Culture, podcastée plus de 6 millions de fois chaque mois. Dans un ouvrage coé-
Tous droits de reproduction réservés
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JOURNALISTE :Enguérand Renault
PERIODICITE :Quotidien
18 juin 2022 - N°24206
dité par les Éditions Herscher et France Culture, elle en a sélectionné les meilleurs moments. Un livre qui promet aux lecteurs de mieux vivre avec la philosophie. Les thèmes abordés sont aussi éclectiques que l’amitié selon Aristote, la mélodie du temps qui passe selon Jankélévitch, le rugby selon Daniel Herrero ou la mort aux trousses, avec Hitchcock… LE FIGARO. - Comment est né ce projet Les Chemins de la philosophiee ?
de livre,
Adèle VAN REETH. - Laurent Nunez, éditeur chez Herscher, m’avait proposé de réaliser ce livre juste avant l’annonce de ma nomination à la tête de France Inter. En février dernier, devant l’urgence, il m’a poussé à l’écrire. La difficulté du projet a été de choisir entre les trois mille émissions enregistrées sur onze saisons, et d’éditorialiser ce choix afin de montrer tout l’éclectisme de la programmation, avec à la fois des sujets de philosophie classique et contemporaine et puis des sujets un peu plus inattendus, comme le rugby, les jeux vidéo ou le Kamasutra. J’avais une chose en tête : faire un beau livre, bien illustré, qui soit agréable à feuilleter et à lire. Cela afin de compenser la perte de supplément d’âme lorsque l’on passe de l’oral oral à l’écrit. La retranscription fait perdre le son on des voix, la p perception des humeurs, même mee les silences q qui, parfois, disent beaucoup dee choses. Je tena tenais aussi beaucoup au aço çons de vivre avec la phisous-titre e du livre - 25 faço losophiee -, une manière de dire que cet ouvrage n’est pas un cours sur la philosophie, mais une façon de la vivre vre vre. L’émission est un succès d’antenne mais aussi un phénomène de podcast. Avec 6 millions de téléchargements par mois, c’est le cinquième podcast le plus écouté de France. Comment expliquer ce succès pour un sujet réputé aride ?
Lorsque j’ai repris l’émission, en 2011, je savais qu’il y avait une énorme demande autour de cette thématique, mais aucune offre en radio. Dans notre proposition, j’ai toujours été attentive à ce que les thèmes philosophiques abordés soient en prise avec notre temps. Mon ambition a été de trouver la meilleure manière de parler de Platon à notre époque, avec ses nouveaux usages, son nouveau public et sesnouvelles attentes. Au-delà de la connaissance délivrée par mes invités, l’émission est avant tout un bon moment de radio. Je ne scénarise jamais à l’avance et je m’adapte à l’humeur, aux digressions de mes invités. C’est une véritable danse, menée à deux, et les auditeurs y sont très sensibles. Vous voulez être en prise avec l’époque. Quelles sont, selon vous, les interrogations
actuelles
des Français ?
Ce livre tiré de l’émission éponyme est un antidote aux livres de développement personnel qui se multiplient en librairie. Nous ne prétendons pas apporter de réponses aux questions que se posent nos concitoyens. Mais nous sommes là pour reformuler ces questions avec les mots justes. Mes invités apportent des éléments qui s’inscrivent dans la longue histoire de la pensée. L’émission cherche à rendre la philosophie accessible. Aujourd’hui, le rapport au savoir et à la connaissance a beaucoup changé dans la société. L’accès au savoir est moins vertical, plus horizontal. À l’heure où le savoir est très compartimenté et où les opinons s’affrontent parfois violemment, je pense qu’il est important d’insister sur la transversalité des savoirs. Nous devons être capables de mêler Socrate et le rap, être moins snobs tout en restant exigeants. C’est la meilleure façon d’encourager la pensée, la réflexion. Selon moi, pour la philosophie, tout est intéressant, tout est sujet de réflexion, et il faut le partager avec le plus de monde possible. La philosophie parle à l’intime, elle est donc hors catégorie. Par exemple, lorsqu’un citoyen a giflé le président Emmanuel Macron, nous avons consacré toute une semaine à la gifle à travers l’histoire, la culture, le cinéma, afin de montrer que ce qui s’est passé n’est pas nouveau, mais s’inscrit dans une longue tradition du rapport avec le pouvoir. Je ne suis pas une spécialiste des maux de la société, je ne les juge jamais. La véritable mission de service public est d’apporter une réflexion sur le temps long. Il doit parler de tout à tous, n’exclure aucun sujet ni personne. Le service public doit apporter une certaine cohésion dans la société, un ciment collectif. Comment
bien vivre
avec philosophie
?
Cette émission aborde des thèmes chers aux Français, comme la recherche du bonheur, la mélodie du temps qui passe et même la séduction. J’ai débuté une émission sur Kierkegaard en demandant au philosophe Vincent Delecroix s’il est lui-même un séducteur et s’il utilise les recettes du Journal du séducteurr écrit par le penseur danois. Cela emporte immédiatement l’auditoire et lui procure la promesse de passer du bon temps. Durant toutes ces années, je me suis toujours interdit de donner mon opinion, de juger un propos. Mon rôle est de transmettre la parole, de révéler un savoir et d’apporter la contradiction, soit dans l’émission elle-même, soit dans une autre où j’expose un point de vue différent. Durant
toutes ces années,
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18 juin 2022 - N°24206
la programmation a-t-elle avec l’actualité chaude ?
été en prise directe
Lors des attentats de Charlie Hebdo, en 2015, je me suis dit qu’il était impossible de ne pas être dans cette actualité. Nous avons monté des émissions avec trois philosophes pour les questionner sur ce qu’apporte la philosophie face à une actualité brûlante. Peut-elle répondre à un sujet à chaud ? Peut-elle s’abstenir d’apporter des réponses ? Puis, lors des confinements, j’ai enregistré les émissions depuis chez moi avec des philosophes souvent confinés à la campagne. Les mauvaises liaisons téléphoniques, les nombreuses coupures résonnaient avec l’expérience personnelle de nombreux auditeurs. C’était une manière d’être dans les mêmes conditions qu’eux, de leur parler de cette période étrange à travers Spinoza, Platon ou Deleuze. Ce livre est-il une manière de refermer la parenthèse France Culture avant d’aborder la direction de France Inter ?
Ce livre n’est pas un testament. C’est un livre de témoignage. Je quitte l’émission, et ce n’est pas à moi d’en écrire la suite. Exceptionnellement, je reviendrai au micro le 1er juillet pour une ultime émission, pleine de surprises, je l’espère.
À l’heure où le savoir est très compartimenté et où les opinons s’affrontent parfois violemment, je pense qu’il est important d’insister sur la transversalité des savoirs. Nous devons être capables de mêler Socrate et le rap, être moins snobs tout en restant exigeants ADÈLE VAN REETH
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