Mal de mères, Stéphanie Thomas / France Culture - Lattès

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PAYS :France

RUBRIQUE :Idées

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JOURNALISTE :Christine Rousseau

PERIODICITE :Quotidien

24 décembre 2021 - N°23938

idées

L TAABBOOUU LEE T D REEGGRREETT DUU R M MAATTEERRNNEELL ses propres interrogations LIVRE mêle de femme, de mère et de fille. iolences sexuelles, harcèlement, inceste, pédophilie… Si la parole des femmes, à la faveur du mouvement #meetoo, ne cesse de se libérer, il est un sujet où elle demeure encore empêchée par la honte et la culpabilité. « Tabou ultime », selon Stéphanie Thomas, le regret d’être mère « relève de l’indicible et de l’inavouable dans une société où ce sentiment va à l’encontre des fondements de la MALDEMÈRES. DIXFEMMES RACONTENT société humaine ». Bousculée et questionnée elleLEREGRET D’ÊTREMÈRE de Stéphanie Thomas, même sur son rapport à la materJC Lattès/France Culture, nité à la lecture de l’étude pion178 p., 19 €. nière de la sociologue israélienne Orna Donath, Le Regret d’être mère (Odile Jacob, 2019), la journaliste et productrice à France Culture a décidé d’explorer de manière plus incarnée et intimiste cette « ambivalence maternelle » en donnant la parole à dix femmes rencontrées, là où leur anonymat est préservé : les réseaux sociaux et les forums de discussion. Dix témoignages précieux car rares auxquels la journaliste

V

Revenant sur l’enfance souvent difficile de ces femmes – marquée par des mères défaillantes, toxiques, la violence ou l’inceste –, sur leur désir ou non d’enfant et les pressions familiales subies ; sur leur maternité vécue comme un bonheur ou un calvaire, Stéphanie Thomas, à travers chacune de ces histoires uniques, esquisse ce que recouvre ce sentiment de regret complexe, absent du débat public et peu ou pas exploré en sciences humaines. Poids des injonctions Qu’elles aient été portées par un puissant désir d’enfant (Luna, Ambre), par des carences affectives (Sylvie) ; qu’elles se soient lancées comme un « défi » d’être mère afin de ne pas apparaître comme une « looseuse » inaccomplie (Coline) ; qu’elles se soient senties « piégées » (Aïna) ou laissées surprendre par la maternité (Elsie), toutes ou presque évoquent le poids des injonctions familiales, sociales et religieuses ; mais surtout leur souffrance – parfois phy-

sique – à ne pas correspondre au « mythe » heureux de la maternité. Bien loin de l’image du «bonheur » et « d’accomplissement », la maternité est vécue comme une perte d’identité, de liberté irréversible, une forme de «dépossession de soi ». Reste qu’aussi douloureux soit-il, le regret d’être mère n’est en rien synonyme de désamour ou de maltraitance. Au contraire. Toutes disent « aimer » leur fils ou fille et faire tout ce qui est en leur pouvoir pour s’occuper d’eux. Voire trouver des subterfuges pour faire advenir cet « instinct maternel » prétendument inné ou tisser un lien physique lorsque celui-ci se refuse à elle. Comme le raconte Stéphanie Thomas au travers du témoignage – sans doute le plus poignant – de Luna et de sa petite fille. « Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est justement l’intérêt que ces femmes portent à leur regret qui fait d’elles des femmes investies dans leur rôle de mère », conclut la journaliste qui, en brisant un tabou, rend avec délicap tesse justice à ces femmes. christine rousseau

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