Dernières nouvelles de la science. Mathieu Vidard

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Mathieu Vidard

Dernières nouvelles de la science

Grasset

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Ce livre est issu des chroniques « L’Édito Carré » de Mathieu Vidard dans la matinale de France Inter. Photo de couverture : JF Paga ISBN : 978‑2-246‑81787‑1 Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays. © Éditions Grasset & Fasquelle, 2019. © France Inter, 2019.

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À ma mère.

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Les limites d’Homo sapiens

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’est un nouveau coup infligé par la science à notre narcissisme. Nous étions tout juste remis de ne pas être le nombril de l’univers (merci à ce premier de la classe de Copernic). Nous étions à peine consolés du traumatisme darwinien, qui a fait de nous de vulgaires bipèdes pas plus intéressants qu’une crevette grise ou qu’un phacochère. Voilà qu’une bande de scientifiques enragés nous annonce, sans le moindre scrupule, que notre espèce aurait atteint ses limites biologiques. Les rabat-joie en question appartiennent à l’IRMES, l’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport. D’après leur étude parue en 2017, nous pouvons remballer notre latin et reléguer dans les livres d’histoire la devise de Pierre de Coubertin : « Citius, altius, fortius. » Car il y a peu de chances que nous allions un jour plus vite, plus haut ou plus fort que nos grands-parents. En prenant en compte des paramètres biologiques, phy‑ siques et environnementaux depuis 1896, les chercheurs de l’IRMES montrent que notre croissance ralentit : les résultats sportifs, notre taille moyenne et notre durée de – 19 –

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vie ne progressent plus aussi vite qu’au siècle dernier. Terminée, l’idée selon laquelle nous pourrions avancer nez au vent sur le chemin du progrès éternel. Oubliée aussi, la promesse d’éradiquer le vieillissement. Notre amour propre doit s’y résoudre, l’homme est au plafond. Au cours du xxe siècle, les progrès technologiques, ali‑ mentaires et médicaux ont permis à notre espèce d’en‑ chaîner les records. L’homme vivait plus longtemps, il devenait aussi de plus en plus grand et athlétique, pour le bonheur de nos yeux. Dans le même temps, cet enfant gâté incapable de se restreindre a surexploité les res‑ sources et modifié son environnement, au point que ce sont les écosystèmes qui l’ont façonné à leur tour, modi‑ fiant drastiquement sa physiologie. Il y a eu ces dernières années des épisodes de séche‑ resse en Afrique du Nord. Combinés à la pénurie de nour‑ riture et à l’instabilité politique, ils ont eu des effets directs sur les populations : on sait par exemple que les Égyptiens concernés par les émeutes de la faim sont plus petits en moyenne que les autres. Les données montrent également que les deux tiers des épreuves en athlétisme stagnent depuis les trois dernières décennies. Que les capacités d’endurance des enfants des pays développés sont en recul, que la taille moyenne des hommes néerlandais ne dépasse plus les un mètre quatre-vingt-deux et que, depuis 1997, personne n’a vécu plus de cent vingt ans. C’est Jeanne Calmant qui doit rire en nous regardant de là-haut, sa cigarette au bec. La doyenne française de l’hu‑ manité, notre queen invaincue de l’espérance de vie n’est pas près de se voir chiper son record de longévité avec ses cent vingt-deux ans, cinq mois et quatorze jours au compteur.

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Sucre : notre drogue quotidienne

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haque matin, dans des millions d’entreprises du monde, des junkies se retrouvent autour de la machine à café. Les yeux vitreux, la bouche avachie, ils agitent fébrilement la touillette dans leur tasse avant de s’enfiler enfin leur dose de poudre blanche. Le soleil n’est pas encore levé qu’ils ont déjà cinq voire dix grammes de cette substance hautement addictive dans le sang. Son nom ? Le sucre bien sûr. Produit de grande consommation ayant marqué les heures sombres de l’esclavagisme, le sucre s’apparente purement à une drogue, voire à un poison. Il représente un problème de santé publique à l’échelle planétaire, étant le principal responsable des épidémies d’obésité et de diabète de type 2. Il faut regarder les choses en face : nous souffrons d’une intoxication et d’une addiction géné‑ ralisée au sucre. Que ta chocolaterie brûle en enfer, Willy Wonka ! Cette dépendance s’explique d’abord par le fait que le sucre génère du plaisir. Dès la naissance, il dor‑ lote nos circuits de la récompense comme aucune autre – 21 –

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substance. Des études menées sur des rats par le neuro‑ biologiste Serge Ahmed ont montré que quatre-vingt-dix pour cent d’entre eux préféraient l’eau sucrée aux sensa‑ tions provoquées par la cocaïne ou l’héroïne. Les mêmes rats finissaient par manifester des troubles anxieux en cas de manque. On sait maintenant que le goût sucré active les mêmes zones du cerveau que les drogues, en particu‑ lier les neurones qui libèrent la dopamine. Ces résultats ont beau avoir été obtenus avec des rongeurs, ils n’en sont pas moins parlants. Seulement, l’idée que les produits très sucrés ont un potentiel addictif est loin d’infuser dans la société. Un peu comme à la belle époque du tabac où l’on s’enfumait joyeuse‑ ment, fenêtres fermées de préférence, sans que per‑ sonne trouve rien à y redire. Notre consommation de sucre explose. Un adulte en consommait deux kilos par an au début du xixe siècle, nous en sommes aujourd’hui à trente-cinq kilos ! Notre organisme, lui, n’a pas eu le temps de s’adapter, et il souffre particulièrement des sucres ajoutés, que l’on trouve dans les aliments transformés. La dose maximale de sucre considérée comme sans danger pour la santé est de trente-deux grammes par jour, soit l’équivalent d’une canette de Coca. Les sodas sont justement le pre‑ mier des poisons à proscrire. Ils sont liés à l’épidémie contemporaine d’obésité et peuvent provoquer de graves lésions du foie. Arrêtons aussi de croire à cette légende selon laquelle le sucre serait une source d’énergie qui donnerait un coup de fouet. Une étude flamande vient de montrer que c’est surtout aux cellules cancéreuses que le sucre donnait de –   2 2  –

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l’énergie, puisqu’il a un effet multiplicateur sur la crois‑ sance des tumeurs. Si l’envie vous prenait de décrocher un peu, vous pouvez lire le livre du docteur Lustig : Sucre, l’amère vérité, paru en 2017 chez Thierry Souccar Éditions.

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Adieu, Stephen Hawking

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e 14 mars 2018, journée internationale du chiffre pi, s’est éteint Stephen Hawking. Il était à son domicile de Cambridge, à cent kilomètres d’Oxford, où il était né en 1942. Stephen Hawking est l’un des scientifiques les plus marquants de notre temps. Il est parvenu à se hisser dans le club très fermé des scientifiques pouvant être cités et reconnus dans le monde entier. Le seul qui puisse vraiment rivaliser avec lui dans cette catégorie poids lourds est Albert Einstein ! Einstein qui, lui, est né un 14 mars. Tous les deux ont incarné aux yeux du public la figure du génie et cela en exerçant dans la même dis‑ cipline : la physique théorique. La comparaison entre Einstein et Hawking s’arrête là. Même si Stephen Hawking a été universellement reconnu comme un des plus brillants cosmologistes de son époque avec ses travaux sur l’espace-temps, le Big Bang ou les trous noirs, l’ampleur de ses découvertes ne peut pas se comparer à celles d’Einstein. Peu importe. Le public l’a désigné comme le génie « grand attracteur » qui a tout emporté sur son passage. –   2 4  –

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Son impact s’explique par deux choses indissociables. D’abord, qu’il ait publié en 1988 Une brève histoire du temps, ouvrage qui vulgarisait un domaine fascinant pour le commun des mortels, la cosmologie. Hawking a eu cette démarche, rare à l’époque, de s’adresser au profane pour l’embarquer dans les phénomènes du cosmos les plus mystérieux. Son livre est devenu un best-seller malgré un certain degré de complexité. La seconde raison qui a fait de Hawking un homme reconnu et aimé du grand public est bien sûr son han‑ dicap. Il avait contracté la maladie de Charcot à vingt ans. Cet esprit génial prisonnier dans son corps en fauteuil roulant est devenu l’incarnation du chercheur sans corps, entrant directement en contact avec les lois de l’univers. Il disait lui-même que son physique difforme collait parfai‑ tement au stéréotype du génie. Hawking a touché le public au plus profond car, même si la maladie avait décidé de lui confisquer toute auto‑ nomie physique, il était resté toute sa vie un esprit libre ayant pu exploiter tout le potentiel de son intelligence. Il disait même avec humour que son handicap avait été un atout, parce qu’il lui permettait de déroger à l’obligation de donner des cours à des étudiants de première année et de participer à des réunions ennuyeuses et chrono‑ phages. Stephen Hawking était le scientifique le plus connu au monde, une rock star mondiale. Il portait un mes‑ sage d’une puissance colossale. Il avait écrit : « Je crois que les personnes handicapées devraient se concentrer sur les choses que leur handicap ne les empêche pas de faire, sans regretter ce dont elles sont incapables. » – 25 –

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Tout le monde s’est reconnu dans cette phrase et, au-delà de la science, c’est ce que le public a d’abord retenu de lui.

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