Jacques Prévert n'est pas un poète, Christian Cailleaux / Hervé Bourhis

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5 BONNES RAISONS…

Apocalypse sur Carson City T.6

BONNES RAISONS DE LIRE APOCALYPSE SUR CARSON CITY

APOCALYPSE SUR CARSON CITY T.6 GUILLAUME GRIFFON / AKILÉOS Album cartonné 104 pages N&B, disponible

UN RÉCIT ORIGINAL

Guillaume Griffon ? Ce nom ne vous dit rien ? Si vous êtes amateur de bande dessinée et de cinéma de série B, il risque pourtant de devenir très rapidement votre auteur préféré. Certes, ce natif de Roanne n’a jusqu’à présent publié que peu d’albums – deux tomes du western Billy Wild, avec Céka au scénario, et six tomes d’Apocalypse sur Carson City, en solo. Mais il est rapidement parvenu à imposer son style radical et sans concessions. Alors laissez-vous tenter par cette virée trash et déjantée à proximité de la célèbre Zone 51, où l’on ne sait pas trop qui des rats de laboratoire ou des humains sont les plus monstrueux. Philippe Peter

Que la menace soit constituée par une horde de zombies, des requins géants ou des marmottes mutantes, le genre horrifique fait en général appel à un principe simple : la survie. Après avoir vainement tenté de trouver une explication au cataclysme, le ou les héros en sursis finissent toujours par courir. Dans Apocalypse sur Carson City, Guillaume Griffon ne se prend jamais au sérieux, sans pour autant faire de son histoire une véritable parodie de film d’horreur. Son intrigue principale s’enrichit de réflexions parallèles, qui évitent à l’ensemble de sombrer dans le bête jeu de massacre ou l’humour redondant.

UN HOMMAGE AUX SÉRIES B

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JACQUES PRÉVERT N’EST PAS UN POÈTE BOURHIS & CAILLEAUX / DUPUIS

Album cartonné 232 pages couleurs disponible

Ceci n’est pas une chronique

Déjà responsable d’un ouvrage sur le même sujet, Bourhis et Cailleaux en remettent une couche en s’attaquant, carrément, au biopic dessiné de la vie du poète des Feuilles mortes et aussi scénariste de Quai des brumes et des Enfants du paradis. Pas vraiment n’importe qui dans le paysage restreint des personnes sachant manier la plume. Dire de Prévert qu’il sortait du cadre habituel a dû être le leitmotiv journalier des auteurs de cette BD tout le temps qu’ils ont mis à mettre sa vie en petites cases. Pour comprendre Prévert, il faut imaginer les tenants et les aboutissants du personnage. Ainsi, en 1948, il passe par une porte-fenêtre, chute lourdement et passe plusieurs jours dans le coma. Quelque temps plus tard, en pleine convalescence, il profite du temps nécessaire pour la réduction de ses fractures pour apprendre l’art du collage en poésie ! Avec un sujet pareil, il était couru d’avance que Bourhis et Cailleaux avaient obligation de mener leur mission à bien en délivrant un pavé d’exception capable de ratisser large de 7 à 77 ans sur le plan de la tranche d’âge susceptible d’ouvrir la bestiole. C’est du beau travail qui ne va pas se lire en deux heures. Il y a énormément d’informations, pléthore de personnages toujours célèbres ou déjà oubliés par l’histoire. Le dessin est agréable, la narration à l’image du sujet. On regrette déjà d’être arrivé à la fin. Pas grave, cette BD est faite pour être compulsée encore et encore par des lecteurs de plus en plus passionnés. Géant Vert

C’est la grande force de cette saga, dont le septième tome devrait également être le dernier. Fan de films de série B, Guillaume Griffon ne peut s’empêcher de leur déclarer son amour à tout bout de champ. Citations, caricatures de personnages, scènes complètes revues et corrigées, ambiances : les références au cinéma de genre, honni par les membres de l’intelligentsia des 7e et 9e arts, pleuvent comme les viscères de monstres au petit matin. Adeptes de l’intellectualisation permanente, abstenez-vous surtout de commenter !

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UN HUMOUR CORROSIF

PUPPY LUZ / GLÉNAT

Album cartonné 160 pages N&B disponible

C’est ce qui différencie précisément le cinéma de série B et l’œuvre de Guillaume Griffon. Ce dernier ne se prenant jamais au sérieux – comment peut-on décemment avoir peur de monstres qui ressemblent à des lamproies géantes ? –, il signe quelques dialogues caustiques et autres saillies pliantes. Mais attention : cet humour assumé et grinçant ne fait pas pour autant d’Apocalypse sur Carson City une promenade de santé. Les têtes tombent pas centaine, et les survivants de Carson City ont récolté suffisamment de viscères de zombies pour fournir l’Amérique entière en sauce nuoc-mâm pour la décennie à venir.

UNE GRANDE MAÎTRISE DU DÉCOUPAGE

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Le rythme haletant d’Apocalypse sur Carson City doit beaucoup à son découpage fin et précis. L’auteur joue en permanence avec la composition de sa planche. Refusant le principe du gaufrier classique, il s’inspire plus des comics pour adapter les cases en fonction de l’importance des informations qu’elles contiennent. Il intègre également des éléments qui sortent du cadre stricto sensu de la bande dessinée, avec des fiches de personnages ou encore des clins d’œil à l’univers des jeux vidéo, sans pour autant que cela n’alterne la grande lisibilité de l’ensemble.

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5 BONNES RAISONS DE LIRE… / APOCALYPSE SUR CARSON CITY T.6

UN DESSIN BLUFFANT

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Autant être honnête : le style affirmé de Guillaume Griffon ne plaira pas à tout le monde. Avec leurs têtes longues et disproportionnées, les personnages peuvent surprendre. Mais on s’habitue finalement très vite à ce graphisme particulier, un rien inspiré du dessin de presse et de la caricature. Surtout que le trait en noir et blanc de l’auteur, d’une grande finesse, est tout bonnement superbe, avec un niveau de détails rare.

D’une catharsis à l’autre

Déjà, il y a ce personnage, Puppy, un petit chiot mort aux lèvres comme cousues à la manière du Monsieur Jack de Tim Burton. Et puis il y a aussi cette absence de bulles, comme pour faire comprendre que l’illustration se suffit à elle-même. Pourtant, il est choupi ce Puppy... Enfin, pendant quelques cases. Le temps que le lecteur se fasse à l’idée qu’il s’agit d’un animal mort-vivant revenu de l’au-delà pour une obscure raison que la science réfute. Et si même l’endroit, un cimetière pour animaux, est effectivement le paradis des chiens, car plein d’os à ronger, on s’en fout puisque Puppy ne ronge plus rien car il est mort. Une fois le chiot bien en phase avec sa nouvelle condition absolument pas terrestre, il décide de partir à l’aventure à la recherche de... Dieu sait quoi. En gros, Puppy essaie de refaire ce qu’il faisait du temps où il était vivant : des conneries qui n’intéressent que les chiens. Ce qui est bizarre dans cette BD, c’est qu’elle est tout aussi prenante que la mort ou le néant. La seule différence, c’est que l’auteur donne au lecteur le choix de la lire ou non. Vu que les pages de l’ouvrage ne sont absolument pas numérotées, nous remercierons la feuille d’info envoyée par l’éditeur, ainsi que la personne en charge du résumé qui nous a appris l’adjectif dystopique qui vient d’un mot décrivant une société incapable d’atteindre le bonheur et, par extension plus ou moins acceptée, une forme d’utopie virant au cauchemar. Bon sang ! Après Catharsis, les deux font la paire ! Géant Vert

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