PAYS :France
DIFFUSION :425216
PAGE(S) :30
JOURNALISTE :J-R Van Der Plaetsen
SURFACE :50 % PERIODICITE :Hebdomadaire
25 juin 2021 - N°23901
UN HOMME, UNE VOIX
SYLVAIN TESSON RIMBAUD, CE FRERE D’AME „
LES RENDEZ-VOUS DE J-R VAN DER PLAETSEN
Dans un formidable petit livre à glisser dans sa poche pour l’été, l’écrivain évoque la figure fraternelle d’un poète qui fut aussi un vagabonddes grandschemins. arviendra-t-il à atteindre l’absolu auquelil aspire-
P
puisqu’il s’agit de la préoccupation principale de Sylvain Tesson? Autrement dit : jusqu’où l’alpiniste est grimpera-t-il - sachant
sommetvient souventla chute ? Ce sont deux des questions que l’on se pose en refermant Un été avec Rimbaud, ardentet magnifique petit livre rédigé d’une traite, dont chaque phrasesemble avoir été marquéeau fer, à mêmela peaude l’àme ou la chair de l’esprit. Il y a trois ans, Tessonnous avait emmenésavec Homère au cœur de la mythologie gréco-latine,qui s’est fondue avec le
tant d’harmonie dans la culture judéo-chrétienne. Cet été, il nous entraîne de l’Ardenne à Aden, sur les tracesd’un poètequi pressentla fin d’une civilisation etl’horreur du nouveaumondeà venir. La statureathlétique, le teint hàlé, les onglesrâpés de ceux qui pratiquent la varappe,le visage cabossé depuis son accidentdansles Alpes :
La phrase du livre à retenir (p. 197)
"Le bonheur n’est pas une question rimbaldienne”
VN ÉTÉ A VEC RIMBA UD, de Sylvain Tesson, Équateurs/FranceInter, 220 p., 14,50 €.
tant a été écrit sur Tesson qu’il est inutile d’enchérir dans la description physique. Il faudrait plutôt brosser son portrait psychologique. Rimbaud y occuperait une place centrale. Pastant pour son goût de la route, d’ailleurs, pas davantagepour sa faculté à faire jaillir de la poésiede quelquesmots frottés comme des silex, que pour le sensde sadestinée : celle d’un homme qui a voulu réinventer le monde par le verbeet s’affranchir du réel - avant d’y retomberde très haut. Jamais Tessonn’a été aussiprès de lui-même que dans cetessaien forme d’autoportrait. « L’humanité a saccagé le monde, dit-il. Seul l’art nous permet d’espérer être un jour pardonné. » Mais pourquoi ne cite-t-il pasdans son Eté avec Rimbaud un vers qui résumeleur désenchantement commun : « Un rayonblanc, tombant duhaut du ciel, anéantit cette comédie » ? C’est sans doute que tout y est dit - et qu’il n’y a pas grand-chose à ajouter aprèsavoir atteintune telle lucidité sans espoir.
Tous droits de reproduction réservés