Tesson - Un été avec Homère

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PAYS :France

RUBRIQUE :Thématiques

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JOURNALISTE :Serge Hartmann

PERIODICITE :Quotidien

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17 juin 2018 - Edition Colmar

SYLVAIN TESSONRÉCIT

Homère en tête-à-tête Retour aux fondamentaux helléniques. Durant un mois, Sylvain Tesson a trouvé refuge dans une île des Cyclades. Seul face au vent, au soleil, à la mer. Et à Homère. Serge HARTMANN «  Chante, Déesse, l’ire d’Achille Peléiade, ire funeste, qui fit la douleur de la foule achéenne, précipita chez Hadès, par milliers, les âmes farouches des guerriers, et livra leurs corps aux chiens en pâture, aux oiseaux en festin. »

Le Triomphe d’Achille, traînant le corps d’Hector (Franz Matsch, 1832). palais de l’Achilleion, Corfou

Et c’est parti pour 15 000 vers qui disent le courage des hommes et cette folle démesure, l’hubris, qui heurte les dieux et conduit les mortels à leur perte. Mais toujours avec panache et un indéfectible sens de l’honneur.

Sylvain Tesson. DR

C’est la traduction deL’Iliadeeffectuée par Philippe Brunet, et celle deL’Odysséeassurée par Philippe Jaccottet que Sylvain Tesson convoque abondamment dansUn Été avec Homère. Isolé un mois sur l’île de Tinos, dans les Cyclades, chichement installé dans un ancien pigeonnier vénitien, l’écrivain avait pour seule compagnie l’épopée homérique. Du beau monde, tout de même  : Agamemnon, Patrocle, Achille, Hector, Ajax, Priam… Sans oublier les dieux, amusés depuis leur lointain Olympe du spectacle bruyant de ces héros, leur sauvant la mise ou les plongeant dans l’Hadès. Fallait-il pour autant, afin d’être au

plus près d’un texte fixé il y a plus de 2 500 ans, poser ses pénates dans cette mer Egée forcément sillonnée par Homère – ou qui que ce soit qui se cache derrière ce nom ? «  Le génie des lieux nourrit les hommes  », assure Sylvain Tesson. Citant aussi Lawrence Durrell, à la plume philhellène, qui affirmait  : «  Nous sommes les enfants de notre paysage  ». «  À Tinos, poursuit Sylvain Tesson, effaré par les rafales et étourdi de lumière, je compris que la poésie homérique était née de la rencontre du génie des lieux et du génie d’un homme. Les poèmes aspiraient cet air, cette mer. Et si Homère avait disposé d’un tel réservoir d’images et d’analogies, c’est qu’il avait parcouru cette géographie, aimé cet espace, captant ici et là des visions qui n’auraient pas été les mêmes si elles avaient été moissonnées ailleurs. » En une série de courts textes, initialement conçus pour la radio, que France Inter et les éditions Equateurs ont eu l’excellente idée de coéditer, Sylvain Tesson arpente le récit homérique, s’en délecte, l’interprète au prisme de l’histoire, de la littérature, de l’anthropologie, de la géographie… Surtout, et c’est le plus beau compliment qu’on puisse lui faire, il nous donne envie de nous y replonger. Il le revisite avec sa sensibilité propre. Celle d’un poète

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écorché, autant admiratif de la puissance des mots incarnant l’antique épopée que de leur pertinente et inaltérable modernité. La colère mène le monde Car dans le fracas des armes Homère délivre une leçon universelle dont Tesson se fait le passeur  : «  Ce n’est ni l’amour ni la bonté qui mènent le monde mais la colère. Parfois, elle s’apaise mais gronde toujours, sourde bête, tapie dans les replis de la terre comme une ombre au mufle soufflant qui ne supporte pas de souffrir, mais qui ne connaît pas les raisons de sa blessure  ». S’ils étaient sujets à la colère, à la démesure, si les dieux avec la guerre avaient libéré «  un monstre dans le

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laboratoire des hommes  », il est une chose qu’admire Sylvain Tesson chez les Anciens Grecs  : le respect qu’ils se vouent entre adversaires. Il y voit une forme de grandeur. Son origine ? «  Parce que les raisons de la guerre ne sont pas idéologiques, ni politiques, religieuses ou morales. […] Nulle volonté chez les Achéens ou les Troyens d’imposer un dogme, une idole ou de conquérir les âmes. » Les siècles qui allaient suivre s’empresseront de rattraper ce retard… ■

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