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Introduction

Que ce soit au milieu d’un grand open space, au calme dans son bureau privatif, à l’usine ou bien encore en boutique, nous passons souvent la majeure partie de notre temps éveillé au boulot. À l’heure où l’engagement pour un monde soutenable se fait indéniablement nécessaire et nous pousse de plus en plus au changement, comment ne pas question ner également notre quotidien professionnel pour le rendre plus écolo?

Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours été estampillé « écolo ». D’abord fervent amoureux et défenseur des animaux non humains, je suis devenu végétarien puis quasiment vegan. J’ai en parallèle adopté une démarche zéro déchet de plus en plus exigeante au gré de mes prises de conscience. Aujourd’hui, j’ai décidé de ne plus prendre l’avion qu’exceptionnellement, une fois tous les cinq ou dix ans. D’autre part, je privilégie le vélo, la marche à pied ou les transports en commun pour mes trajets du quotidien. J’ai longtemps réussi à déconnecter ma vie personnelle de ma vie professionnelle. Celle-ci a été ponctuée de diffé rentes expériences. Si je travaille aujourd’hui au sein d’une maison d’édition à taille humaine, j’ai connu la vie de libraire, mais également et principalement, le quotidien dans une grande enseigne de distribution. Or, au fur et à mesure que mon engagement personnel pour réduire mon empreinte écologique augmentait, la perception que j’avais de mon environnement et des pratiques professionnelles auxquelles

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j’étais soumis m’apparaissaient de plus en plus contradictoires avec mes valeurs et aspirations profondes. Jusqu’à ne plus pouvoir cautionner le modèle économique dans lequel évoluait mon entreprise et que, par ailleurs, j’évitais au maximum dans ma vie privée. Pourquoi accepter de mettre son énergie et son temps au profit d’une entreprise de grande distribution quand, pour ses courses, on ne jure que par les petits commerces qui favorisent l’approvisionnement local? Après des mois de réflexion et d’atermoiements, une seule solution m’est apparue pour me dépêtrer de ce paradoxe: démissionner et trouver un emploi qui correspondrait davan tage à mes idéaux de société.

Car faire entreprise c’est aussi faire société. Sans forcément aller jusqu’à quitter votre job, je vous invite à travers cet ouvrage à démarrer ou élargir votre engagement écologique en procédant à quelques modifications de vos habitudes au travail, seul ou en embarquant vos collègues et votre direction. Le mode de gouvernance et de management de la plupart des entreprises tend à diminuer le sentiment de responsabilité que l’on peut avoir. On se préoccupe souvent davantage de sa consommation, des déchets que l’on produit et de leur gestion dans sa sphère privée plutôt que dans son quotidien professionnel. Il est en effet souvent réellement plus compliqué de se rendre compte des gaspillages et abus et de changer les choses au travail. Cependant il faut tenter, dans la mesure du possible, de ne pas subir l’inertie de son entreprise et de garder à l’esprit sa capacité à faire changer les choses, même à toute petite échelle. C’est d’ailleurs tout le sujet d’une étude 1 publiée en 2018 par Anne Desrues et Gaëtan Brisepierre qui a mis en évidence

1. Anne Desrues, Gaëtan Brisepierre, Le transfert de pratiques environnementales domicile/travail, 2018, ADEME.

le transfert de pratiques écologiques de la sphère domestique vers la sphère professionnelle. En effet, un nombre crois sant d’individus (probablement vous qui me lisez) essayent, lorsqu’ils sont au travail, de reproduire et de diffuser auprès de leurs collègues les principes environnementaux qu’ils appliquent chez eux (zéro déchet, minimalisme, etc.) sans pour autant que cela fasse parti de leurs attributions profes sionnelles. Anne Desrues et Gaëtan Brisepierre les appellent, vous appellent, les transféreurs et transféreuses.

J’ai donc conçu ce livre pour tous les transféreurs et toutes les transféreuses en herbe ou plus avancé·e·s qui auraient besoin d’un peu d’aide ou d’idées. Ne cherchez pas ici une méthode clé-en-main pour tout changer. Loin d’un modèle à reproduire, cet ouvrage se veut davantage une piste de réflexion à adapter à votre quotidien professionnel singulier. En fonction de votre rythme de travail, des contraintes liées à votre activité, de l’engagement écologique de votre direc tion et de vos collègues, bref d’une multitude de facteurs, vos possibilités ne seront évidemment pas les mêmes. Loin d’être exhaustif ou normatif ce livre se veut principale ment une première boîte à idées ainsi que le point de départ d’une réflexion sur votre quotidien en entreprise afin que ce dernier devienne de plus en plus en accord avec vos convic tions écologiques.

Pour tracer votre chemin, je vous propose de vous baser sur quelques grands principes pour la plupart issus de la permaculture. En quoi le concept de permaculture peut vous aider à rendre vos pratiques professionnelles plus écologiques? Il est vrai que la permaculture est toujours aujourd’hui majoritai rement pensée comme un mode de production agricole. Cela s’explique si l’on revient à la définition initiale de la

permaculture par Bill Mollison, l’un des deux fondateurs du mouvement: « un système intégré et évolutif d’espèces végétales et animales pérennes, ou s’autopérennisant, utiles à l’homme.

»2

Cette définition, initialement très centrée sur le jardin et

l’agriculture, s’est par la suite peu à peu élargie pour devenir « le recours à un mode de pensée systémique et à des principes de conception, qui fournissent un cadre organisationnel » comme l’écrit David Holmgren, co-fondateur de la permaculture avec Bill Mollison, dans son ouvrage Permaculture 3 . La permaculture peut également s’avérer un formidable outil de gestion des organisations au sens large. En effet, elle a vocation à créer un écosystème durable et équilibré en s’in tégrant à un environnement naturel et humain donné et en l’enrichissant. L’entreprise en tant qu’entité humaine tournée vers la production (quelle qu’elle soit) de biens ou de services se prête donc parfaitement à l’application des principes de la permaculture.

David Holmgren a conceptualisé 12 principes clés à prendre en compte dans le cadre d’une démarche permaculturelle: - Observer et interagir - Créer une production - Capter et stocker l’énergie - Appliquer l’autorégulation et accepter la rétroaction - Utiliser et valoriser les ressources renouvelables - Ne pas produire de déchets - La conception, des grandes structures aux détails - Intégrer plutôt que séparer - Utiliser des solutions lentes et à petite échelle

2. Bill Mollisson, Permaculture One, extrait de Permaculture: principes et pistes d’action pour un mode de vie soutenable, David Holmgren, éditions Rue de l’échiquier, 2017. 3. David Holmgren, Permaculture: principes et pistes d’action pour un mode de vie soutenable, éditions Rue de l’échiquier, 2017.

- Utiliser et valoriser la diversité - Valoriser les bordures - Être inventif face au changement

Dans la première partie du livre que vous tenez entre les mains, vous trouverez donc des réflexions inspirées par ces 12 points mais également par d’autres approches comme la Communication NonViolente. La deuxième partie du livre, application pratique de la première, décline des dizaines de solutions concrètes à piocher, adapter, et appliquer en fonction de votre situation. Comme nous venons de le voir, les principes fondamentaux de la permaculture peuvent s’appliquer au monde de l’entre prise et nourrir une réflexion sur l’évolution de son rapport quotidien au travail dans une perspective plus écologique. Le but n’est pas de s’attacher point par point à ce qu’enseigne la permaculture mais plutôt de s’inspirer des idées les plus importantes et les plus facilement transposables à l’uni vers professionnel.

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