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Faire son pain
À mes parents, Zohra et Saadi, qui m’ont transmis l’amour et le goût du bon pain, immuable héritage.
« Les mains larges, souples, les mains aux doigts forts et aux paumes dures prennent la farine, la mélangent à l’eau, la pressent, la frappent, l’étalent. Les mains semblent les instruments réels de cette magie, et chaque geste qu’elles font transforme la pâte. Les doigts fouillent dans la masse et font pénétrer l’humidité, puis compriment, font jaillir l’excédent d’eau. La face des mains arrondit, lisse, saisit la pâte en boule, la réunit, la rend plus dense. Les phalanges des doigts, le poing l’étalent, la brisent, l’aèrent. Puis les mains la reprennent, la renferment, et chaque molécule de la pâte est ainsi mise à jour, puis renvoyée vers l’intérieur, pénétrée par l’air et par l’eau. Il y a la musique aussi. Les mains empoignent la pâte lourde, la cognent sur le plateau de la table, la froissent, la déchirent. Les phalanges frappent la masse, les paumes tapotent, aplatissent, giflent. C’est une musique des mains, comme celle des sculpteurs de pierre ou celle des maçons, une musique concrète et rythmée, et quand on l’entend, avec le bruit de la respiration, c’est comme si on entendait la plus ancienne des musiques, celle née sur Terre en même temps que les tribus d’hommes. »
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