Mémoire de fin d'études- ENSNP - Blois 2019

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Revitaliser et investir le cimetière de de Montreuil

Edwige Prestel Mémoire de Travail de Fin d'Études Année 2018-2019


Revitaliser et Investir le cimetière de Montreuil

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MEMBRES DU JURY

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Edwige Prestel 2018-2019

Professeurs encadrants

Raphaëlle Chéré , Ingénieure Paysagiste, Co-Gérante de Sativa, Enseignante en Génie Civil à l'École de la Nature et du Paysage à Blois Christophe Degruelle, Président de la communauté d'agglomération de Blois, Agglopolys, Enseignant en Politiques Territoriales à l'École de la Nature et du Paysage à Blois Président de Jury

Bruno Ricard, Ingénieur Hydrologue, Maire de Lanvallay (22), Enseignant en Hydrologie à l'École de la Nature et du Paysage à Blois

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DEMAIN, DÈS L’AUBE…

POUR L’ANNIVERSAIRE DE JACQUES… UNE NUIT AU PERE LACHAISE

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends. J’irai par la forêt, j’irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. A.ROBIDA MONTREUIL EN 1870

Victor Hugo, extrait du recueil « Les Contemplations » (1856) 4

père, Jacques Higelin. À 20 mètres de là il y a une autre tombe, un peu futuriste, postmoderne, c’est celle d’Alain Bashung qui vibre elle aussi d’une lueur particulière. Je suis sûr que les âmes immenses des deux chanteurs ne sont pas localisées dans ce lieu précis : une part d’eux-mêmes est sûrement en train de vivre de nouvelles aventures dans d’autres dimensions flamboyantes, une autre est dans le cœur de tous ceux qui les ont aimés et une dernière reste, par curiosité et attachement, dans le vieux cimetière parisien : ils sont tous les deux d’anciens gamins populaires et sont fiers d’être entourés par un grand général, un chirurgien oublié et un politicien sulfureux de la troisième république. Je regarde mon portable, ça ne capte pas, il est trois heures du matin. Soudain mes poils se hérissent dru sur ma peau. Avec les chats sauvages, les hiboux et les rats, je suis le spectateur stupéfait d’un phénomène inexplicable : un arc lumineux gracieux, une espèce de brume électrique s’élève dans l’atmosphère et relie progressivement les deux tombes (...).

Paris, Cimetière du Père Lachaise, nuit du 17 au 18 octobre 2018. 3 heures du matin. À la frontière entre la 13e et la 20e division, entre l’Allée de la Vierge et l’Avenue de la Chapelle. Je suis venu visiter la tombe de mon père le 17, un jour avant son anniversaire, je préfère être seul pour pouvoir me recueillir tranquillement. Je suis arrivé tard dans le cimetière, j’étais épuisé de la tournée. Je me suis assis dans un coin un peu au dessus, j’attendais que des gens partent pour pouvoir me rapprocher mais ils restaient là à bavarder. Alors, sans m’en rendre compte je me suis endormi, j’ai sombré dans un sommeil lourd et quand je me suis réveillé c’était la nuit noire. Je panique un peu au début puis je me dis que c’est une sacrée chance d’être là, tout seul, au milieu du Père Lachaise. J’observe autour de moi et en tendant l’oreille intérieure, je décèle comme de faibles grognements, des chuchotements indéchiffrables d’ombres de fantômes. Ici les fantômes de fantômes pullulent dans l’indifférence… Les gens qui vous portaient un peu dans leur cœur sont eux-mêmes parfaitement oubliés depuis des décades. Des grandes lucioles, fugaces et merveilleuses, illuminent une fraction de seconde des noms obscurs sur des caveaux dévastés. La lune ne s’est pas levée. Tout reste dans l’obscurité indécise de la pollution lumineuse d’une mégapole. Allée de la Vierge, il y a une tombe fraîche entourée d’une aura un peu plus vive, plus définie, qui irradie d’une lumière tendre : c’est celle de mon

ARTHUR H, facebook-18-10-18

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Ces deux extraits illustrent à 162 ans d’écart l’importance de l’espace pour les vivants à se recueillir. Le passage de la vie à la mort d’un être entraîne pour ceux qui restent la configuration d’espaces, de temps, de moments, d’ambiances qui vont rythmer le temps et les chemins du deuil. Ces moments de grande vulnérabilité nécessitent des rites, d’un support spatial pour accompagner ce passage. J’ai choisi ces deux récits car la période dans laquelle ils s’inscrivent est au tournant de grandes mutations concernant le rapport des vivants à la mort et de la ville des vivants par rapport à la ville des morts. Une idée persiste : l’importance de l’espace dans le procesus du deuil. Et une question se pose  : Comment dans ces espaces, préserver un accès privilégié à l’intime, passant par un retrait des activités et flux urbains, tout en évitant de tomber dans un trop grand isolement qui prive ces lieux des éléments d’une vitalité urbaine ?

Cimetière de Montreuil

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Avant-propos Ma relation au paysage fut ponctuée par une série de détours, dont le cheminement emprunte les traits sinueux des méandres d’un cours d’eau. Tel un saumon qui naît et vit dans les rivières avant de descendre à l’âge adulte le fleuve pour atteindre la mer, j’entamai une longue migration pour remonter à rebours les eaux douces. Pour enfin trouver un lieu de naissance. Une fois ce lieu trouvé, je décidai de ne pas le lâcher. Je l’étreignis sans relâche comme un poisson visqueux pêché à mains nues. À l’inverse d’un chasseur motivé par la traque et l’asphyxie, mon étreinte avec le paysage, la spatialité fut comme un souffle partagé, une ventilation réciproque et naturelle qui me chargea d’une puissance révulsive. J’imagine que le musicien ressent ce sentiment lorsqu’il respire à l’unisson avec la musique. Quelle direction, quelle trajectoire prendre alors ? Aucune ! C’est l’espace, le lieu étudié qui donne le la ! Être paysagiste, c’est d’abord apprendre à voir, à lire. Ensuite, c’est apprendre à montrer, et à toucher le cœur humain. Il s’agit de percevoir, de construire une réflexion qui permet l’appropriation et le partage de l’espace public. Comme le courant des surréalistes, il s’agit d’établir un lien profond unissant le monde réel et le monde sensible. Une recherche de l’union entre le réel et l’imaginaire. Les « paysages perdus » peuvent se trouver au fond de l’Amazonie, mais pas uniquement. Cette question est une urgence au niveau planétaire, pour paraphraser Gilles Clément. Cette urgence est la même, à une échelle plus réduite, aux portes des villes. Les paysagistes ont à explorer, imaginer de nouvelles relations, de nouveaux assemblages. Un ensemble cohérent est à construire, à inventer. Être paysagiste, c’est aussi porter son attention sur les vides, sur les « entre-villes » qui sont très souvent perçus comme des « espaces impropres » à la ville ou des zones à remplir. Alors que ces espaces peuvent receler des valeurs paysagères et des ressources indispensables aux continuités écologiques. Ces entre-deux sont chargés de sens et facteurs de tensions intéressantes dans une logique spatiale. Ce type d’espaces, comme les cimetières en milieu urbain, occupent une place importante dans l’espace public. Confrontés à la pression démographique et foncière leur avenir est remis en question. Par ailleurs, ils cristallisent des problématiques d’évolution, de pratiques et de gestions. Ce concentré d’enjeux a suscité mon intérêt et a aiguisé mon regard sur ces espaces funéraires. Le cimetière est un espace dans lequel on passe progressivement d’un lieu à un autre. Comme franchissant une rive, où l’on traverse deux mondes séparés.

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Le cimetière, Marc Chagall, 1917

C’est un espace qui peut-être dynamique et qui peut se donner à vivre, malgré sa fonction de résidence mortuaire. Souvent délimiter par de hauts-murs, il est percu comme un front, une limite entre deux mondes, et non comme un passage. Il recouvre encore aujourd’hui une logique de juxtaposition. Travailler sur le milieu urbain, sur l’espace urbain est une démarche qui oblige à avoir une vision panoramique et en Le cimetière, Marc Chagall, 1917 même temps une vision très minutieuse. L’enjeu est donc de trouver une focale adéquate concernant l’ouverture du cimetière sur la ville. Tel un photographe, il faut parvenir à trouver un angle pertinent afin de poindre une ouverture fine du cimetière sur la ville sans perdre à l’esprit ses fonctions premières. Observer le cimetière, c’est apprendre un ensemble de choses sur les êtres qui reposent dans ce lieu, ainsi que ceux qui le pratiquent. Le cimetière est le reflet des gestionnaires, des usagers, de leurs pratiques religieuses et de leurs relations aux défunts. Lorsque la représentation du cimetière se modifie, c’est la mutation de la société qui s’exprime. Étudier un cimetière, revient à prendre le pouls de ces changements, de la perception de celui-ci. Cette démarche relève en partie du travail d’un historien ou d’un sociologue. Travailler sur cette notion de reflet fut l’une de mes motivations, car elle suppose l’emploi d’une série d’outils pluridisciplinaires et de ressources diversifiées pour répondre à un projet où les réponses à des enjeux multiples sont à inventer, à représenter. La question d’un tel sujet m’a souvent été posée. La mort est une question qui dérange, car elle est la source d’angoisses et de tensions insolubles. J’ai un certain penchant à travailler sur des questions délicates et un plaisir à questionner des sujets inélégants ou mis de côté. Traiter un sujet sur les cimetières urbains est un moyen de répondre à des questions de notre existence. Les espaces funéraires sont actuellement des espaces en pleine mutation où le paysagiste peut-être un médiateur stratégique.

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8 introduction 13 Chapitre I. Les rites funeraires :Permanences et mutations. Nature et culture 18 1. Évolution des rites-évolution des pratiques 21 Avant

propos

2. Pratiques funéraires: une affaire commune

-Du devoir de sépulture aux rites sociaux -Des religions et des rites -Des rites et des sépultures: Tour d'horizons

-Un monde en pleine mutation -vers une dématérialisation de la mort -La législation et les pratiques funéraires -des bouleversements démographiques

3. La ville des vivants la ville des morts

-Qu'est-ce qu'un cimetière

-Des enjeux et des traits communs -des typologies communes -Des préoccupations environnementales

4. Pourquoi Montreuil?

-Naissance du sujet -La recherche d'une localisation -Entre minéralité et espaces naturels

Chapitre II. La

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-Une ville en plein essor -Une ville horticole et ouvrière -Naissance du cimetière

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-Une ville en perpétuelle transformation -Le funérarium -Le Parc des Beaumonts

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3. XXE-XXIE siècles

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-Montreui, déjà une ville carrefour -Une ville nourricière

2. ère industrielle

mort et la ville: une relation saccadee

1. Montreuil: une ville carrefour XII-XVIIesiècles

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Sommaire Chapitre III."Une metonymie a 3 tetes" : un dialogue polysemique 1. Les 3 têtes -Un espace central, limitrophe et traversant.

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-Carte d’identité -Les acteurs

2. Composition générale

-Nature et caractéristique

-Un jeu topographique et une lecture socio-topographique -Un sol mouvant

3. Interfaces

-Ville -Parc des Beaumonts -Mûrs à Pêches

Chapitre IV. Reenchanter le cimetiere de Montreuil

1.(Re)créer un nouvel équipement -Sortir d'une position d'isolat interne

-Créer un modèle de maîtrise d'ouvrage -Unifier les espaces funéraires -Faire dialoguer les espacess -Fédérer les équipements

2. Ouvrir un espace ouvert sur la villle-Sortir d'une position d'isolat urbain

-Créer des continuités visuelles

-Marquer les seuils et les ouvertures -Scénographier les différents espaces du cimetière

3. Traverser un espace public révélé -Organiser un espace public

-Remailler une trame de réseaux

-Reconnecter le réseau viaire du cimetière avec la ville te le parc -Composer des micros-centralités dans une centralité

Conclustion 11

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introduction Mort et vie : des sujets intrinsèquement liés La mort sonne le glas de notre existence. Le cimetière matérialise notre sortie définitive. C’est peut-être la raison pour laquelle elle est encore un sujet tabou. Pourtant vie et mort sont intimement liée. Nous nous efforçons cependant dans notre société à « vouloir occulter la seconde de nos lieux de vie » 1. Alors que l’une des fonctions du cimetière est de montrer aux individus qu’en dépit de leur condition mortelle une part d’eux est éternelle. La pierre, le marbre « La nécropole symbolisent cette utopie d’éternité et la R.Magritte, L'univers inversé est l’envers de la tombe est considérée comme un « lieu de métropole. L’envers ou mémoire » 2. À l’instar du paysage, le cimetière de Ces espaces funéraires de 3 l’endroit, c’est selon » Montreuil est un palimpseste qui laisse laissent des vides béants dans le tissu apparaître des traces, des résonances, de urbain. Paradoxalement, ils pourraient ses versions antérieures. constituer de véritables espaces de vie, de refuges de ceux qui Ce support sur lequel s’inscrit une partie de l’histoire de la ville composent le reste de la ville. Le cimetière est un lieu particulier. Entrer dans un cimetière de Montreuil perd de sa substance et s’efface progressivement induit un rapport au corps bien spécifique. On ralentit le pas, on du reste de la ville. Reclus sur lui-même, le cimetière de Montreuil offre des potentiels paysagers et urbains non baisse le volume de la voix. négligeables. Est-ce le fait de rentrer dans un espace sacré qui produit cet effet ? Ce mémoire cherche à mettre en avant les qualités urbaines et Les seuils, les rythmes, les usages sont des leviers pour la paysagères inhérentes au cimetière de Montreuil (emplacement dans connaissance et la conception des relations entre l’urbain et la ville, espace de quiétude, proximité avec le Parc des Beaumonts, le cimetière. Identifier ce rapport est un moyen d’envisager les Murs à Pêches…) et révéler la centralité de cet espace au cœur un renouvellement de l’espace funéraire à la fois à l’échelle architectural et urbain. même de la ville. Cimetière de Montreuil 1 Grapin Hélène. Cimetière urbain : refuge de Vie ?, Mémoire de 3e année formation de paysagiste DPLG, École Nationale Supérieure de Paysage Versailles-Marseille, 2012, sous le tutoriat de Pauline Frileux, p. 9 2 Ragon Michel. L’Espace de la mort : Essai sur l’architecture, la décoration et l’urbanisme funéraires. Albin Michel, p. 450 3 idem ibid, p. 691

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Avant le XIXe siècle, les cimetières se trouvaient au centre du village, du bourg, c’est-à-dire dans et autour de l’église. La mort et ses rites se trouvaient au centre de la vie. L’éviction des morts hors de l’enceinte de la ville, de l’agglomération a précédé l’expulsion des morts de notre vie quotidienne. Un glissement de haut lieu cultuel vers un haut lieu de rationalisation administrative fait que la nécropole moderne a réalisé un autre ordre social et culturel. L’histoire des cimetières, et celui de Montreuil ne fait pas exception, est avant tout une histoire de vivants. Le cimetière révèle de manière générale une partie de l’histoire locale. Sculpture sur le mur du cimetière de Montreuil Chaque ville déteint un cimetière. Tout cimetière ancien redécouvert Une lecture spatiale de la répartition témoigne de la présence qu’une ville disparue L’acte d’habiter est une des différentes communautés sociales, se trouvait dans les parages. Le cimetière apparaît comme le double idéalisé de la ville, notion qui est présente religieuses est visible à l’intérieur du site. Les stèles, leur orientation, la limite des comme une reprographie d’un ordre social et dans les cimetières. carrés confessionnels participent à cette culturel des vivants. lecture. Selon les auteurs de la littérature grecque antique, les Égyptiens appelaient leurs tombeaux Le cimetière urbain : « habitations éternelles » ou « demeures d’éternité ». Ce terme un reflet de problématiques de « maison d’éternité »fut repris par la communauté juive, qui nommait leurs tombeaux « maisons de vie ». Dans des temps, plus Les cimetières occupent énormément de place dans contemporains, la poétesse Anna de Noailles comparait les tombes l’espace public. Le cimetière de Montreuil est confronté à des enjeux à des « maisons couchées ». qui se dupliquent sur l’ensemble du territoire d’Ile-de-France voire Koïmètèrion, mot grec qui donnera le mot cimetière désigne à l’échelle nationale. La pression démographique et foncière se fait l’emplacement où l’on dort, où l’on se repose (pour l’éternité). de plus en plus sentir dans les espaces funéraires et la question qui Toute l’architecture funéraire est chargée de symbole. se pose est quel est l’avenir de ces espaces ? Pourrait-on imaginer Le cimetière de Montreuil illustre cette notion par des exemples d’autres usages aux cimetières urbains ? visibles. La prédominance des lignes horizontales fait référence à Pourtant de nouveaux usages s’y développent (promenade, lieux l’idée de repos. Celles des lignes verticales sont censées rappeler touristiques…) et de nouveaux équipements. l’idée de la résurrection. Le cimetière de Montreuil est relativement un bon exemple pour Chaque tombe, chaque tombeau, chaque stèle est en effet le illustrer un condensé de problématiques. L'évolution des pratiques double d’une maison, d’un appartement et chaque cimetière la funéraires, telle que la crémation, pousse à réévaluer l'espace "projection » d’un village, d’une ville ou d’un quartier". funéraire actuel. Le cimetière de Montreuil a une sociotopographie qui lui est propre.

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C'EST ICI !!!

L’urbanisation qui repousse puis supprime les limites de la ville va rattraper les cimetières que l’on place hors des villes dès le XIXe siècle. Le cimetière de Montreuil n’a pas échappé à ce processus. Il se retrouve enserré dans un tissu urbain périphérique qui s’est progressivement transformé pour répondre aux besoins d’infrastructures, de zones industrielles et artisanales. Il devient alors une pièce urbaine que l’urbanisation doit contourner et sur laquelle elle bute. Il

constitue un espace de « résistance », face aux mutations urbaines alentour.

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La pratique de la crémation a mis du temps à être acceptée en France, la religion catholique l’interdisant jusqu’en 1963. Son développement est plus précoce en Europe du Nord puisque l’église protestante l’autorise dès 1887. Cependant son essor constant est fulgurant et passe de 0,9 % en 1980, à 15 % en 1998 puis 33 % en 2012. La crémation est aujourd’hui la préférence de la majorité des Français (53 % )2 pour leurs propres obsèques. La pratique de la dispersion des cendres « en pleine nature » permet de se soustraire du cimetière traditionnel. Elle est en pleine expansion et de nombreuses propositions alternatives de « funérailles écologiques » et de « cimetières écologiques » se développent dans le monde occidental depuis le tournant du XXIe siècle. La destination finale des cendres reste en France majoritairement le cimetière. En lien avec une attention toujours plus grande pour les enjeux écologiques, la crémation et la matérialité de la cendre permettent de développer de nouvelles manières de placer les morts dans le monde des vivants qui s’opposent à une industrie funéraire dans laquelle beaucoup ne trouvent plus de sens. L’image du cimetière est ternie par une standardisation de son esthétique et par des contraintes financières et d’entretien d’un culte de la tombe qui ne correspondent plus aux modes de vie mobiles actuels.

DE SATURATION ACE P ES

ES / PRATI QUE USAG

S

-Émergence de nouvelles pratiques -Évolution des rites (crémation…) -Riverains, habitants

-Manque de places -Uniformisation de l’espace funéraire

S ALE NT

en mutation

contexte général

-Pollution sols l’Après 0 phyto -Eaux -Îlots de chaleurs

IONS ENVIRO N N PAT EM E

Les rites funéraires un invariant culturel

le cimetière urbain : un reflet de problématiques

PR ÉO

Le changement des pratiques funéraires, l’homogénéisation du paysage funéraire, l’abandon partiel de produits phyto sanitaires, la saturation des espaces, et la tendance vers la dématérialisation sont autant de facteurs, qui permettent d’envisager une évolution des cimetières urbains. Cette capacité à activer des tensions tant sensibles, intimes et symboliques fait du cimetière un catalyseur, un « fabricateur de paysages et de récits ». 3 L’enjeu est de traduire spatialement ces mutations dans l’idée d’un projet urbain. L’ambition de ce mémoire est de confronter les enjeux de l’espace funéraire de Montreuil avec une approche sensible des espaces liés à l’expérience de la mort et sa place au sein de la ville. Cette approche me permettra d’en soutirer les ressources, les matériaux nécessaires à la conception d’un espace funéraire unifié, cohérent, inscrit, dans son milieu urbain.

U CC

Le cimetière urbain vers de nouveaux usages ?

La simplification du cimetière procure un sentiment très vif d’espace standardisé. La perception qui prédomine sur les cimetières en général : espaces très minéral, avec des allées bitumées, des sépultures en pierre semblables à « des parkings de supermarchés » 1. D’un côté les pratiques évoluent, et de l’autre l’idée de recueillement est toujours présente.

De nouveaux projets ? Repenser la connexion et la porosité entre le cimetière et d’autres espaces publics limitrophes, avoisinants dans le cadre d’une transition urbaine, écologique, pourrait offrir une nouvelle expérience urbaine de l’espace public qui rende possible un rééquilibrage entre vie intime et vie sociable, entre visible et invisible.

PROJET PAYSAGE Nature

Culture Usages

Espaces naturels

-Cimetière -Murs à Pêches -Parc des Beaumonts

-Évolution des rites(crémation…) -Pertes de repères -Mutation et permanence des pratiques -Émergences de nouvelles pratiques -Émergence de nouveaux marchés -Présence d’une population jeune moins rétive aux changements (crémations)

ESPACE DE SATURATION -Penser à de nouveaux espaces -Penser à une nouvelle gestion Gestion Participative

Gestion des ressources

Gestions Réflexions Expression utilisée par une habitante de Montreuil lors d’un entretien www.ifop.com/publication/les-francais-et-la-mort/

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P.Thiolliere L’urbain et la mort : ambiances d’une relation, Thèse de doctorat en Architecture, Centre de recherche sur l’espace sonore et l’environnement urbain (Grenoble), 2016, p.121

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I Les Rites funeraires permanences et mutations Nature et culture

1. ÉVOLUTION DES RITES-ÉVOLUTION DES PRATIQUES 21 Du devoir de sépulture aux rites sociaux Des religions et des rites Des rites et des sépultures : tour d’horizons

A.Anker Children funeral 1863

2. PRATIQUE FUNÉRAIRE : UNE AFFAIRE COMMUNE

LA

LE DES VIVA VIL

LE DES MO VIL

3. LA VILLE DES VIVANTS -LA VILLE DES MORTS

S RT

LA

Caspar David Friedrich 1825

N TS

L’installation des morts dans le monde des vivants est le reflet des cultures et des civilisations passées et contemporaines. Le regroupement, le rassemblement, la disposition des morts relève d’une relation complexe entre individu et société. La législation en regard des rites funéraires illustre à la fois les évolutions et les variations dans la gestion et la forme des cimetières. Actuellement, la société française interroge le cimetière traditionnel institué par le législateur, les religions et les métiers du funéraires.

un monde en pleine mutation vers la dématérialisation de la mort la législation et les pratiques funéraires des Bouleversements démographiques

qu’est-ce qu’un cimetière des enjeux, des traits communs des typologies communes préoccupations environnementales

4. POURQUOI MONTREUIL ? Naissance du sujet La recherche d’une localisation et d’un contexte entre minéralité et espaces naturels

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ÉVOLUTION DES RITES-ÉVOLUTION DES PRATIQUES Du devoir de sépulture aux rites sociaux

Marie Spartali Stillman, Antigone enterrant Polynice

« ANTIGONE ET LE DEVOIR DE SÉPULTURE » En sacrifiant sa vie pour rendre à son frère les honneurs funèbres dont Créon l’avait privé, Antigone affirme l’importance du devoir de sépulture. Dans quelle mesure le motif de la sépulture est-il un symbole privilégié pour penser le lien social, politique et religieux aujourd’hui ? L’histoire d’Antigone pose la question de la place des morts dans le champ politique qui les gomme, convoque le passé et le présentdans les discours du progrès du sacré. La sépulture est à la fois une affaire collective et individuelle.

Espaces du souvenir et lieux sacrés, les tombeaux aux mille formes et les champs de repos des morts constituent aussi une mémoire collective qui ont été à travers l’histoire le reflet des mœurs, des croyances des religions et des civilisations. Les rituels et les pratiques funéraires ont pour fonction de mettre en scène la séparation entre les vivants et les morts, de donner une nouvelle place aux morts et maintenir un lien, une relation avec le défunt. La mort est une destinée « démocratique » qui demeure un mystère indissoluble. La culture n’est à pas même de comprendre cette équation de l’existence mais elle est en mesure de prendre en charge la mort afin de lui donner un sens. Cette démarche s’inscrit dans un processus qui tient à mettre à distance la mort, de tisser un lien avec le défunt que la sépulture matérialise. La manière de séparer les vivants et les morts, les morts entre eux, expriment les différentes relations qu’entretiennent les sociétés et les individus avec la mort. Les individus, croyants ou non, créent, invente leur conception de l’«  au-delà  ». Ces imaginaires sont construits, influencés par des idéaux, des mythes propres à une société. Depuis la préhistoire, l’Homme rend hommage à ses morts.

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« Ainsi, les cimetières qui demeurent des lieux privilégiés du souvenir au sein de nos villes et villages, subissent la même destinée que les hommes : ils naissent, grandissent, changent d’aspects et sont appelés aussi à mourir tôt ou tard. » 1

t Cimetière Gallo-Romain de la ville de Civaux (Poitou Charente)

P. Moreaux, art. Naissance, vie et mort des cimetières, Études sur la mort, Les morts dans la ville, L’Esprit du temps, 2010, n° 137, p. 21

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Dans le rétro ... RITES FUNÉRAIRES NAISSANCE D’ARCHITECTURES POUR LES MORTS PLACE DES CIMETIÈRES Nécropole Gauloise Bobigny, INRAP

Préhistoire

-Civilisation de Néandertal utilise de fosses. Près du corps des offrandes, des armes de chasse en silex… Les funérailles s’accompagnent d’un repas pris en commun. -Civilisation de L’homo sapiens et l’Homme de Cro-Magnon honorent et protègent leurs défunts en utilisant des fosses, des grottes pour ne pas livrer les corps aux animaux prédateurs de cadavres. Les lieux d’inhumation sont en général dispersés.

Env. - 8OO AEC

À l’âge des métaux, les premiers métallurgistes viennent du centre de l’Europe et importent de nouveaux rites funéraires  :

la crémation des corps www.grandpalais.fr

Civilisation du néolithique (5 000 à 2 500 ans AEC) Les défunts sont inhumés et regroupés près des foyers et des habitations. Pendant près de deux millénaires, dans l’Ouest de notre Pays plus particulièrement, l’Homme de la pierre polie bâtit des tombes en pierres sèches et différents types de monuments mégalithiques au culte des morts (dolmens, tumulus et cairns ...)

et en particulier dans l’Est et le Sud de la France. Les urnes funéraires en forme de poterie sont inhumées avec des offrandes et regroupées dans des espaces, appelés «  champs d’urnes ». Ce sont des cimetières cinéraires.

Wien museum

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Env. - 200 AEC

Celtes, Gaulois honorent également leurs morts. Ils pratiquent

l’incinération ou l’inhumation.

-121/476 AEC

À 10 km de Montreuil

(armes des guerriers, les chars de combats des chefs, placés près des urnes ou des corps.) Bobigny1 abrita dans son sous-sol la plus grande nécropole gauloise connue à ce jour. Les défunts parfois inhumés directement en pleine terre avec ou non le corps enserré dans un linceul, calés dans un coffrage comme dans une sorte de caveau. Les tombes contiennent des armes ou des objets de parures.

Période Gallo-Romaine Les lieux de repos des morts s’organisent par :

la Loi des XII tables qui interdit l’inhumation ou l’incinération à l’intérieur des cités. Les funérailles sont ritualisées. Les monuments cinéraires sont érigés le long des voies d’accès aux cités (voies Appia, Latina, Flaminia). Les Gallo-Romains regroupent également les urnes dans des constructions particulières comptant de nombreuses

Au IIe siècle, les premiers chrétiens pratiquaient l’inhumation dans les combes (ravins à l’extérieur des cités) qui deviendront les catacombes. Les corps sont placés dans des caveaux souterrains ou dans des chambres funéraires. La tradition d’inhumer les morts près ou à l’intérieur des sanctuaires va s’instaurer en Occident et plus spécialement en Gaule.

« niches », le columbarium.

Musée National Romain des Termes di Diocleziano

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Columbarium, Via Appia, Rome, Italie


Nécropole Basilique Saint-Denis

Au cours des siècles suivants, les pratiques funéraires se perpétuent pour les inhumations. Cependant, l’épitaphe et la statuaire des tombeaux, quasi inexistantes au cours du haut Moyen Âge, vont renaître et se développer jusqu’à la Révolution.

www.paysagesdefrance4frwordpress.com

Haut Moyen-Âge IVe–IXe

Cimetière de Montreuil

Moyen-Âge XXIIe

Révolution

Empire Cimetière de Montreuil Cimetière Montreuil

Par l’enterrement à l’intérieur des cités, on

dérogea ainsi aux prescriptions qui préconisaient la séparation du monde des vivants et du monde des morts. Le corps et l’âme étaient confiés à l’Église. Du VIIIe au Xe siècles, l’Église catholique poursuit sa construction d’églises dans les campagnes grâce aux dons des fidèles qui pourront obtenir plus tard une sépulture à l’intérieur des édifices religieux (inhumation sous dalles). Pour les moins riches, leurs défunts sont enterrés autour de l’église, en terre bénite.

Le cimetière, lieu où dorment les morts est maintenant bien établi à l’intérieur des villes, bourgs et villages, dans et autour des établissements religieux.

Les

cimetières qui bénéficient du droit d’asile et de la protection

de l’Église sont devenus dans les grandes villes, notamment à

Paris,

des espaces de véritables rencontres sociales, religieuses et profanes

(boutiques

d’affaires, écrivains publics, bateliers, danseurs, jongleurs

et même prostituées). jusqu’à la

C’est un espace contre-réforme (XVIe)

public et commun, qui va perdurer

Les grandes épidémies de peste décimant les habitants par milliers modifièrent l’utilisation des cimetières paroissiaux. Naissance de la fosse commune.

Les cimetières prennent parfois la forme d’un cloître. Comme le cimetière des Innocents à Paris (>) construit au XIe. Il s’agissait de galeries, composées d’arcades, où étaient déposés dans les combles les ossements. Celles-ci étaient très largement décorées. Pendant huit cents ans, deux millions de Parisiens (il ne mesurait que soixante mètres sur cent vingt). Malgré l’odeur pestilentielle, le charnier des Saints-Innoncents est un lieu de promenade aussi animé au XVIIIe siècle que le seront les arcades du Palais Royal au XIXe

En

juillet

1790, l’Assemblée

Nationale renouvela l’interdiction d’inhumer à l’intérieur des églises. En mai 1791, elle supprima tous les cimetières intramuros dont elle ordonna la vente comme biens nationaux.

Décret du 12 juin 1804 (23 prairial An XII) interdit effectivement les

culte des tombeaux

inhumations dans les églises. En conséquence, il oblige les communes

créer des cimetières hors des limites communales. à

- Aucune inhumation dans les églises ou lieux privés - Suppression de la fosse commune et inhumation en fosse séparée - Obligation pour les communes de créer de nouveaux cimetières hors de l’enceinte des bourgs et des villes - Possibilité pour les communes de créer des cimetières confessionnels La campagne de Bonaparte en Égypte suivant les cultes professés dans les bourgs ou les villes - Création des concessions Les pouvoirs de police des cimeLa découverte de l’art funéraire tières sont attribués aux autorités égyptien influence la construc- municipales. tion de monuments en forme de réforme législative des pyramides, obélisques, mastabas… Cette cimetières par Napoléon qui s’étendra à une partie de l’Europe. Elle va favoriser l’émergence d’une nouvelle sensibilité des familles à l’égard de la mort. Elle va aussi modifier l’aspect des cimetières par des rites sociaux et religieux.

La propriété des cimetières aux autorités communales.

Gravure de Hoffbauer, fin XIXe siècle

24

Le

25

Les familles rendent hommage à leurs défunts en érigeant des tombeaux. Forme de chapelle pour conserver les habitudes en analogie avec l’église, puis de formes plus classiques. Les plus grands artistes vont, par leur art, traduire dans la pierre, dans le bronze et par l’épitaphe, toute la palette des sentiments du romantisme à l’égard des morts.


25 ans de Législation Réglementation funéraire

La fin du XIXe siècle continua de marquer largement l’histoire funéraire de notre pays. Cimetière Montreuir

Lois 4

nov.1881-

5

avril

1884

Loi

- Interdiction de créer ou d’agrandir des cimetières confessionnels - Neutralité des cimetières et interdiction pour les inhumations de toute distinction basée sur des critères religieux.

séparation de l’église et de l’état

Iére Guerre Mondiale Monument aux Morts

1889, crémation légalisée. Création du

Ces

crématorium du Père Lachaise une première en France

mêmes mesures resteront en vigueur pour les vic-

times de la

Non acceptée par l’église jusqu’en 1963

Seconde Guerre

Naissance

Lois 1924

et

1928

- Nouvelles catégories de concessions (cinquantenaires et centenaires) - Renforcement des droits des concessionnaires.

Lois 1959 Gestion

Les Autorités gouvernementales aménagent de nombreuses nécropoles miliaires. L'uniformité et sobriété caractérisent les sépultures qui en font leur grandeur. L ’individualisme s’efface devant le repos collectif de ces soldats de toute confession mort pour une même cause. La France accorde également sur les lieux des grandes batailles des emplacements pour la création de monuments, de cimetières militaires laïcs et d’ossuaires.

nov.1887

de

1905

mairies en charge des cimetières municipaux.

sur la liberté des funérailles sur le caractère civil ou religieux des funérailles et le mode de sépulture.

Décret

de

- Interdiction d’apposer des signes religieux dans les espaces appartenant a l'état. - Gestion administrative est exécutée par les

Ces lois restituèrent la propriété communale des cimetières, car les Autorités religieuses pouvaient, au XIXe  siècle, ne pas accepter les inhumations dans leurs cimetières confessionnels de ceux qui ne partageaient pas leur foi.

Loi 15

© FLORENCE GALABRU

www.cimetierejoncherolles.fr

Enfeus cimetière Valenton T

XXe

III République e

mondiale

des pompes funèbres

L’obligation de construire les cimetières en dehors des limites de la ville pose la question du déplacement du corps jusqu’à la sépulture. Des entreprises se spécialisent dans l’organisation des obsèques.

des cimetières

Mesures réglementaires pour favoriser - Rotation des sépultures - Institution des concessions funéraires et leur reprise - Suppression des concessions centenaires mais possibilité aux communes de maintenir les concessions perpétuelles.

Les

cimetières vont aussi progressivement

changer d’aspect.

Les

chapelles feront place

à des monuments plus simples et moins coû-

teux mais les inhumations en pleine terre régresseront au profit des caveaux.

Loi 1976

autorisant la remise des cendres

humaines aux familles

Libre liberté du lieu de repos des urnes à l’exception des voies publiques.

Faute de terrains disponobles, on parle de cimetières paysagers et intercommunaux dans les communes trop urbanisées.

1957 Robert Auzelle, urbaniste et architecte réétudie ces lieux de repos pour les adapter aux besoins contemporains. Il propose des aménagements nouveaux, les enfeus sorte de caveaux en élévation, ou le columbarium qui est pratiquement inexistant dans nos cimetières français. Il mettra en œuvre son art en créant cette nouvelle génération de grands cimetières à l’échelle intercommunale comme celui de Clamart, de Valenton ou des Joncherolles. Intégré dans une réflexion globale d’urbanisme, le cimetière dialogue directement avec les logements de la Cité de la Plaine dont R. Auzelle est l’architecte. S’inspirant des expériences Anglo-saxonnes et d’Europe du nord, il organise un paysage qui ne sépare plus les vivants des morts. L’idée de ce cimetière paysager est de faire régner une harmonie propice au recueillement et à une forme de sacralité restaurée. C’est une synthèse entre le « cimetière parc » américain, « forestier », de tradition germanique, et le « cimetière architectural » méditerranéen. Récusant « la monotone découpe orthogonale des nécropoles suburbaines françaises qu'il a dépoétisé les champs des morts » et « l’entassement désolant » 1 des sections de concessions au quadrillage compact.

R.Auzelle Les problèmes de sépulture en urbanisme. Thèse d’urbanisme. Paris : Institut d’urbanisme de l’université de Paris, 1942. Id. Dernières demeures. Conception, composition, réalisation du cimetière contemporain. Paris : Robert Auzelle, 1965, p.99.

1

www.funeraire-info.fr

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Depuis le début de l’humanité, l’Homme s’est toujours interrogé sur la mort. Des lieux de repos des corps et des cendres humaines ont été créés, des sépultures ont été aménagées en fonction des mœurs et des générations successives. L’emplacement des nécropoles a été largement influencé par les changements de mentalités. Tantôt séparés du monde des vivants, tantôt au sein des cités, les cimetières reflètent la culture des sociétés et des civilisations. La réforme législative des cimetières par Napoléon va favoriser l’émergence d’une nouvelle sensibilité des familles à l’égard de la mort. Elle va aussi modifier l’aspect des cimetières par des rites sociaux et religieux. La tradition millénaire de la mise en terre renvoie l’image d’un « dortoir géant » de nos morts. Le culte de la tombe individuelle ou familiale réclamait de plus en plus d’espaces et les villes en plein développement tenaient à se débarrasser des soucis d’hygiène. Ce fut une des raisons de l’exportation des cimetières en dehors des murs de la ville. Ce mouvement de rationalisation s’est renforcé en France jusqu’au milieu du XXe siècle. Les revendications crématistes prennent naturellement place dans ce mouvement de rationalisation, s’opposant à la religion de la chair et de la résurrection.

Cette gestion des espaces funéraires modifient les paysages et le rapport à la mort. La forme des monuments et l’art funéraire participent à la composition de ces espaces suivant des rituels précis. Le cimetière est laïc depuis le XIXe siècle et a abandonné, en rompant les liens avec l’église, l’orientation unique vers l’Est à des éléments structurants de l’environnement, la forme de la parcelle dans laquelle la grille orthogonale va se poser. Les dispositions des tombes tête à tête pour gagner de l’espace rendent impossible une orientation unique. Le cimetière est le lieu de cristalIisation des influences qui traversent la société à une époque donnée. Son organisation interne témoigne des mythes qui contribuent à bâtir les fondements idéologiques de notre monde contemporain. La quête de l’immortalité se lit aisément dans le paysage funéraire en un reflet intemporel de la ville. Gustave Courbet, Un enterrement à Ornans, 1850.

« Dans la culture occidentale, le cimetière a pratiquement toujours existé. Mais il a subi des mutations importantes. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, le cimetière était placé au cœur même de la cité, à côté de l’église. [...] C’est à partir du XIXe siècle seulement que l’on a commencé à mettre les cimetières à la limite extérieure des villes [...] et qu’on a commencé à procéder aux déplacements des cimetières vers les faubourgs. Les cimetières constituent alors non plus le vent sacré et immortel de la cité, mais « l’autre ville », où chaque famille possède sa noire demeure. » Michel Foucault, « Des espaces autres » 1

Conférence donnée en 1967 au Cercle d’Études Architecturales et publiée en 1984

1

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ÉVOLUTION DES RITES-ÉVOLUTION DES PRATIQUES Des religions et des rites

Chaque religion officialise, au travers de rites et de symboles qui lui sont propres, le passage de la vie à la mort. Il y a différents rites de passage pour une mort. Les religions ont joué un rôle important dans la sacralisation des cimetières et dans l’organisation des rites. Concernant le sujet de la mort, les religions sont des guides spirituels. Ces croyances influencées par des idéaux et des « mythes » façonnent l’imaginaire funéraire et l’espace dans lequel il s’exprime. Dans cette partie les trois religions monothéistes (Christianime, Islam, Judaïsme) et la religion Boudhiste sont présentes dans le cimetière de Montreuil. Les doctrines juive, musulmane et chrétienne (au moins celle de l’église catholique) exigent la séparation entre les morts.

Rites chrétiens Rite catholique : La croyance dans le jugement dernier régit le rapport à la mort. La prière lors de la mis en terre rappelle la mise au tombeau de Jésus et redit la foi en la réssurection. C’est pourquoi la religion catholique tient à respecter l’entièreté du corps pour que celui-ci puisse se présenter à Dieu. À l’occasion de la cérémonie religieuse des obsèques fleurs, bougies et prières aident l’entourage en deuil à rendre grâce pour la vie écoulée de leur proche.

On remarque une forte personnification de la sépulture (photos, plaques…). L’Église a autorisé en 1963 la crémation sous la seule condition que celle-ci soit postérieure à la cérémonie religieuse et que les cendres ne soient pas dispersées.

Rite protestant : Chez les protestants, partant de la conviction que le salut est offert aux défunts par Dieu, le rituel est destiné aux vivants. La tradition protestante veut que le service funèbre soit célébré après l’inhumation. Ce n’est pas pour le mort que la communauté s’assemble et prie, mais pour la famille dans la peine. La cérémonie se déroule dans une très grande simplicité tout en accordant une certaine liberté d’organisation. Les obsèques protestantes sont très peu portées sur le superflu. De plus, il n’y a aucune sacralisation du corps et la cérémonie peut donc tout à fait se faire sans la présence de celui-ci. Si la présence du cercueil n’a rien d’obligatoire, elle est cependant de plus en plus voulue par l’entourage du défunt. Les obsèques protestantes se font dans la simplicité et le dépouillement. Le cercueil est souvent à l’image de la cérémonie : assez brut et sans ornement. Les protestants recourent davantage que les catholiques à la crémation, puisque le corps mort n’est pas sacré.

Rite orthodoxe : Dans le rituel orthodoxe, la cérémonie est centrée sur la proclamation de la résurrection. L’utilisation des cierges fait partie du rituel funéraire. Chaque personne dépose un cierge lors de l’enterrement, à chaque visite sur la tombe. Ces cierges marquent le transfert du défunt vers la lumière du Ciel. L’ascension vers Dieu dure quarante jours, durand lesquels l’âme poursuit sa purification et accomplit son effort de détachement du corps. Un repas de commémoration est donné sur la tombe du défunt le 40e jour. Des offrandes culinaires sont d’ailleurs laissées sur la sépulture pour le défunt. Ces banquets funéraires sont donnés 6 mois, un an après le décès et au moment de la fête des morts. Ces repas sont un moment de partage entre les membres de la famille et le défunt. Un lien entre les vivants et les morts est entretenu. Les orthodoxes refusent la crémation, qui rompt la continuité entre le corps mortel et le corps glorieux promis à la fin des temps.

Cimetière Montreuil

Carré confessionnel orthodoxe-tzigane. Dans le cimetière de Montreuil, les photos et les épitaphes sont omiprésentes pour marquer l’individualité de chacun. Les chapelles marquent une originalité de formes et de matériaux par rapport à d’autres tombes contemporaines. Une tombe récemment installée témoigne de la pratique des offrandes et en attente d’une sépulture en pierre. Du fait de cette pratique, le carré confessionnel orthodoxe a été placé à l’extrémité du cimetière afin que cette coutume soit pratiquée.

Cimetière Montreuil

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Rite judaïque :

Rite musulman :

Rite boudDhiste :

La Torah n’indiquant pas de rites funéraires particuliers, ceux-ci ont progressivement été codifiés par les rabbins. Ils ont pour but de permettre à la douleur de s’exprimer, et aux personnes endeuillées de reconnaître la souveraineté absolue de Dieu. Le lien à la terre dans les sépultures juives est primordial. Encore aujourd’hui, la crémation est strictement interdite par le judaïsme. En tant que peuple apatride, le fait d’enterrer ses ancêtres symbolise l’ancrage, l’appartenance. Dans certaines familles, le rapatriement du corps en Israël est effectué. Dans le cas contraire, un sac de terre de Sion est déposé sous la tête du défunt. Après l’inhumation, commence une période de deuil qui comporte trois étapes : 7 jours, 30 jours et 1 an. L’Ancien Testament ne donne pas d’indication claire sur la question à savoir si on peut enterrer les juifs avec les non-juifs. Mais cer­ taines pratiques tentent de prouver que les juifs étaient et sont enterrés sé­parément. La communauté juive demande à être regroupée pour affirmer leur lien à la communauté. L’enterrement a lieu le plus vite possible, c’est-à-dire dans les 24 h après le décès. Lorsque le corps ou le cercueil est déposé, idéalement à même la terre, à au moins 1,25 m de profondeur, les pieds vers Jérusalem, il est ensuite recouvert de dalles. Le recueillement des vivants sur le lieu de sépulture est symbolisé par le dépôt d'un caillou sur la stèle.

On dénombre entre de 450 000 et 600.0000 adeptes du bouddhisme en France. La grande majorité de ces personnes sont originaires d’Asie, mais il existe aussi certains Français convertis. Les funérailles bouddhistes sont très sobres. Pour le bouddhisme, la mort n’est pas une catastrophe. Les bouddhistes considèrent la vie sur terre comme un simple intermède de la vraie vie. Le bouddhisme prône la réincarnation. À ce titre, le moment de la mort et les cérémonies funèbres qui lui succèdent sont essentiels, pour favoriser ce processus. Lors d’une cérémonie bouddhiste on attache notamment beaucoup d’importance aux fleurs de deuil blanches. Le bouddhisme ne prévoit pas de rites spécifiques pour les personnes défuntes. Le calme, la sérénité et le recueillement sont de rigueur pour faciliter le départ de l’être cher vers une nouvelle existence. Lors de la cérémonie, des mantras et des prières sont récités par la famille, des offrandes sous forme de fleurs et de fruits peuvent également être offertes par les invités.

Le Coran donne peu de détails en matière de rites funéraires. La seule indication ferme concerne l’inhumation. Selon les prescriptions de la Sunna, le défunt est lavé, purifié et parfumé selon un rituel précis par des personnes pieuses, du même sexe, puis enveloppé d’un linceul blanc. L’inhumation se déroule dans un délai de 48 heures maximum après la mort. Les musulmans enterrent théoriquement le défunt directement en pleine terre. En France, la communauté musulmane inhumme leurs défunts dans un cercueil de bois tendre. Il est présenté couché sur le dos, les bras le long du corps, la tête tournée vers La Mecque, 30° au Sud par rapport à l’Est. Cette orientation particulière et le désir des musulmans de se regrouper entraînent la constitution de carrés musulmans, allant à l’encontre de l’interdiction de distinction religieuse au sein du cimetière laïque. C’est une tolérance que les villes accordent aux communautés musulmanes et juives ce qui constitue actuellement un vide juridique. L’orientation des corps marque un changement dans la configuration spatiale du cimetière. Au cimetière, l’imam guide la « prière de la mort », que les fidèles récitent debout. Le défunt est recouvert de dalles, puis de terre ou de sable. L’Islam est une religion profondément opposée à l’idolatrie. C’est pourquoi les stèles sont dénuées de photos ou d’images. La crémation et l’exhumation sont interdites. La durée des concessions n’étant plus à perpétuité certaines familles rapatrient le corps dans le pays d’origine du défunt. Les sépultures sont très sobres. Comme tous les monuments d’architecture musulmane, le haut de la stèle évoque le toit de la Mecque : une forme de coupole. Les gravures se doivent d’être sobres, aucune sophistication n’est acceptée. Souvent, un croissant et une étoile sont gravés. Le fleurissement des tombes est notable à la période de l’Aïd, mais aussi à la Toussaint. L'absence de stèles est fréquente dans le rite musulman. Cette pratique peut être une opportunité à sa végétalisation.

Cimetière Montreuil-carré juif

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Les personnes pratiquant le bouddhisme souhaitent en forte majorité être incinérées mais il n’y a aucune contre-indication à procéder à un enterrement.

© ANAÏD DE DIEULEVEULT

Cimetière Montreuil

Cimetière Montreuil-carré musulman

Cimetière Montreuil-carré musulman

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ÉVOLUTION DES RITES-ÉVOLUTION DES PRATIQUES

La fête des morts Les marchands de chrysanthèmes sont là pour nous rappeler la Toussaint et notre « devoir » d’honorer nos morts en déposant des fleurs sur leurs tombes. Dans d’autres cultures, la fête des morts peut être l’occasion de banquets funéraires (comme énoncé préalablement) et d’une véritable fête réunissant l’ensemble de la société avec le monde des morts. Ce rituel funéraire est un syncrétisme religieux car il combine d’antiques traditions indigènes à une fête catholique. Les premiers peuples indigènes d’Équateur célébraient déjà les morts sous forme d’hommages à leurs accomplissements ainsi qu’à l’héritage laissé derrière eux. Lors de la conquête espagnole, ces derniers mélangèrent les rituels indigènes à leur « Toussaint » créant ainsi la « Fête des morts ». Ce jour est aujourd’hui marqué par des messes, des veilles et des visites aux cimetières durant lesquelles les familles partagent leur nourriture traditionnelle et déposent des fleurs sur les tombes de leurs défunts. Certaines sépultures sont parfois complètement ornées de fleurs et de bougies. C’est le moment de véritables "retrouvailles" avec ceux qui sont partis. Les personnes demandent aussi aux défunts de les aider et de les protéger pour l’année à venir. Ces fêtes traditionnelles sont très vivaces car c’est une manière de garder la mémoire de leurs défunts en vie.

© QUENTIN GAUDILLIÈRE

On retouve ce type de pratique aux Philippines, pour la fête des morts. Les Philippins prennent d’assaut les cimetières dès l’aurore pour y passer la journée et une partie de la nuit.

www.guadeloupe-leguide.fr

www.tout-equateur-blogforum.com Équateur

© JULIE FABIOUX

Halloween est une fête païenne celte aujourd’hui célébrée dans la plupart des pays occidentaux dont l’image de la citrouille reste une référence. Elle concerne essentiellement les enfants qui se déguisent et vont réclamer des bonbons dans leurs voisinages, sous peine d’un sort.

www.guadeloupe-leguide.fr © BRUNO PEROUSSE

Fête des morts à Mexico

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En Guadeloupe, dans la ville de Morne les Eaux au moment de la Toussaint le cimetière est inondée de lumière. Des bougies illuminent des tombes fleuries et fraîchement repeintes à l’occasion de la célébration des morts. 35


ÉVOLUTION DES RITES-ÉVOLUTION DES PRATIQUES Des rites et des sépultures : tour d’horizons Cimetières paysagers

Les cimetières de l’Europe du Nord sont des lieux de sépultures très végétalisés. Les cimetières paysagers ont souvent en commun d’avoir des allées accidentées et non quadrillées, enherbées et arborées et éventuellement composés de mares, de fontaines, de monticules, de ruisseaux. La biodiversité des essences arboricoles est également un critère important. Le dimensionnement des tombes, leur fleurissement avec des plantes vivaces ou annuelles et l’absence d’article funéraire réglementent l'aménagement du cimetière. Depuis le début du XXe siècle les pays d’Europe du Nord et la Suisse conçoivent des cimetières où l’éclectisme et l’individualisation des tombes sont proscrites à travers des réformes des cimetières qui instaurent un règlement strict des dimensions et de l’esthétique des monuments funéraires.

La mort et la ville ont souvent eu des relations conflictuelles. L’incompréhension de ce changement d’état soudain et la peur de la contamination ont poussé les hommes à éloigner la mort et les morts de leurs lieux de vie. À Paris, suite à la fermeture du cimetière des Innocents et à l’interdiction des cimetières dans les villes, de nouveaux cimetières sont construits hors des limites des centres urbains au début du XIXe siècle : celui de Montparnasse, de Montmartre, de Passy et celui du Père- Lachaise. Ce dernier conçu par l’architecte AlexandreThéodore Brongniart comme un immense jardin à l’anglaise. Le concept de cimetière paysager est ainsi né en France, inspirant de nombreux cimetières dans les pays d’Europe du nord et aux ÉtatsUnis. Pourtant, la France est restée frileuse à cet aménagement paysager pour ses nécropoles qui sont restées jusqu’à aujourd’hui très minérales et basées sur une organisation rationnelle de l’espace. Nul n’est prophète dans son pays !

Le cimetière de Skogskyrkogården, proche de Stockholm a été conçu par Sigurd Lewerentz et Gunnar Asplund en 1915. Ce « cimetière bois » cherche à valoriser le caractère collectif du cimetière, en limitant les stèles verticales qui selon les concepteurs évoquent la lutte et la compétition entre individus. L'objectif de ces nécropoles est de dégager la question du sens en travaillant un paysage sensible et spirituel, l’art et la nature et en renonçant aux effets architecturaux du modernisme du symbolisme doctrinal. Les architectes se sont inspirés du paysage existant pour créer une ambiance particulièrement agréable et fascinante qui a ensuite inspiré nombre de cimetières de par le monde.

Cimetière Assistens à Copenhague

© PEDRO CAMBRA

www.foursquare.com Cimetière de Skogskyrkogården, proche de Stockholm

On retrouve pourtant dans le nord-ouest de la France plus influencée par la culture anglo-saxonne plus de cimetières paysagers, ce n’est pas le cas sur l'ensemble du territoire français. La culture latine et les sols rocailleux du sud de l’Europe ont vu s’inventer des cimetières minéraux, villes miniatures, nécropoles monumentales, campo santo (Tour de Pise) à l’image du cloître, chapelles et enfeus.

www. voyagerenphotos.com Cimetière Père Lachaise, Paris

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© PEDRO CAMBRA

Cimetière Assistens à Copenhague

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Le cimetière de Highgate à Londres

l'art funéraire : une identité locale

www.salutbyebye.com

Le cimetière Mount Auburn, Boston, USA

Le cimetière de Mount Auburn est le premier cimetière paysager aux États-Unis. Consacré en 1831 et entouré de monuments classiques, sur un terrain paysagé vallonné, il marque une rupture avec les terrains d'inhumation de l'époque coloniale et les cimetières affiliés à une église. Le cimetière Le Père Lachaise a inspiré la conception de ce cimetière. Il est utilisé comme un espace promenade par les riverains. Ces cimetières paysagers, appelés rural ou garden cemetery, sont conçus comme des parcs d’agrément pour les citadins dans lesquels les tombes sont mises en scène.

Highgate au nord de Londres a ouvert ses portes en 1839. A cette époque, les cimetières de Londres intra-muros étaient incapables de faire face au nombre d’enterrements et la création de sept grands cimetières en proche banlieue londonienne a été décidée. On les a appelés les « Magnificent Seven » (« Les Sept Magnifiques »). Des tombes de toutes les tailles et de toutes les formes, perdues dans les broussailles et la végétation luxuriante. Situé à quelques kilomètres de lieux touristiques comme le marché de Camden et pourtant, on a l’impression d’être dans un autre monde.

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Cimetière des totems funéraires des Chunchiets au Cambodge La tombe est laissée à l’abandon dans un espace où la nature reprend ses droits. C’est à la végétation que l’on reconnaît l’âge des sépultures. La trace du monument est l’empreinte de la sépulture dans une nature englobante.

Le Kofun Daisen, mausolée de l’empereur Nintoku Sakai, Baie d’Osaka

© FREDDY MULONGO

© FRANCE LEMAIRE

Cimetière Morne-à-l’Eau, Guadeloupe

Cimetière La Souterraine, Creuse

Le cimetière de La Souterraine en Creuse comporte, surtout dans sa partie ancienne, un ensemble de tombes datant du XIXe siècle et du début XXe siècle, intéressantes à la fois par leur aspect architectural (formes variées, tombes en forme d’assise), les techniques de décor (sculpture, ferronnerie et céramique) et l’iconographie représentée. Au centre du cimetière se dresse une lanterne des morts dantant du XIXe siècle. Plusieurs hypothèses subsistent : la lumière accompagne les défunts dans l’autre monde, elle rassure les vivants, certains diront aussi que la lanterne, joue un rôle d’information, en cas de décès…

Le cimetière de Morne-à-l'Eau a une réputation internationale. En plein centre de cette commune animée du cœur de la Grande-Terre, les 1800 tombes s'étagent sur les flancs d'un splendide amphithéâtre naturel, parsemé d'une végétation au vert typiquement tropical. Il marque une identité et un art funéraire local construisant un paysage funéraire en damier donnant à l’ensemble des airs de grand échiquier. Le marbre ou le granit aux couleurs sont proscrits. L’immense majorité des caveaux sont construits en ciment et surtout en carrelage de faïence. Question couleur, le blanc et le noir prédominent. Certains défunts reposent sous des tombes d’un bleu ou d’un rose discret. Il n’y a pas de certitude sur l’origine du motif. Les caveaux sont parfois très ouvragés. Certaines familles ont fait appel à des architectes pour construire leur dernière demeure. Beaucoup de tombes ressemblent à de petites maisons. Les plus sobres sont les plus anciennes.

Un paysage funéraire vu du ciel. La période Kofun est une ère de l’histoire du Japon qui va d’environ de 250 à 538 de l’ère commune. Les Kofun sont des tertres funéraires. Cimetière La Souterraine, Creuse-Lanterne des morts

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© FRANCE LEMAIRE


Édifices funéraires hors-sols : les enfeus

www.landrucimetière.fr Cimetière Marseille, La Cathédrale du Silence

La symbolique du « lit » s’efface pour laisser place à celle du tableau. Le cimetière Saint-Pierre de Marseille abrite également la « Cathédrale du Silence », édifice de huit étages en béton permettant l’inhumation de près de 190 000 personnes, avec un colombarium, un crématorium. Construit par l’architecte Léonce Muller.

© FRANCE LEMAIRE

Cimetière La Souterraine, Creuse-Lanterne des morts

Les tombes paraissent sans âge. La tradition n’était pas au caveau familial ou à la sépulture uniformisée, mais plutôt au recyclage : les vieilles pierres tombales, médiévales, souvent taillées et de belle facture étaient réutilisées. On trouve ainsi des tombes qui ressemblent à des sarcophages mérovingiens. Dans les régions méditerranéennes de nombreux cimetières sont construits hors-sols. Les morts sont entreposés dans des casiers ventilés à l’arrière du monument. Ce sont les enfeus. La topographie en pente et la difficulté à creuser dans la roche affleurante expliquent en partie cette pratique. Une morphologie des cimetières est donc inhérente à ce type architectural. Il en découle des formes très englobantes et très minérales.

Les cimetières paysagers renvoient à une esthétique, où le végétal prend toute sa place. Ils visent à améliorer la qualité de l’expérience esthétique et renvoient à une éthique de la mort. L’idée est de rendre les corps et les cendres de la manière la plus directe et naturelle aux éléments et en l’occurrence à la terre. La monumentalité a disparu. L'empreinte laissée dans les cimetières est discrète. Les inscriptions n’évoquent pas forcément la présence physique de la mort. Les strates herbacées ou arborées au pied du monument des tombes expriment rarement la juxtaposition d’individus mais une composition. Les cimetières sont généralement appréhendés dans leur ensemble d'un point de vue conceptuel. Sur le territoire national français, une grande partie des cimetières tentent à leur manière des petits changements qu'insuffle l’industrie de la marbrerie. Leur conception n'est pas envisagée d'un point de vue global. L'architecture funéraire peut être le reflet d'une identité locale. Il lui arrive de prendre forme suivant des caractéristiques physiques et géographiques. La mort n’est pas le point final des relations entre les vivants et les morts. Elles s'expriment et s'organisent suivant certains rites. Beaucoup de cultures célèbrent les morts par la mise en scène du cimetière. Ces cérémonies illustrent le rapport que les sociétés entretiennent avec la mort et l'espace de la mort. Celui-ci est considéré comme un espace public support à l'expression de cette relation. Actuellement, de nouvelles pratiques émergent. Elles entretiennent une relation étroite avec les évolutions des sociétés qui les pratiquent. Elles bousculent les usages et amorcent de nouvelles mutations.

www.nathtrip.wordpress.com Enfeus cimetière Santiago du Chili

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Les technologies du funéraire évoluent. De nouveaux modes de traitement des corps sont expérimentés. Les rites sont ainsi amenés à se réinventer continuellement. Cependant l’évolution des technologies se heurtent au cadre juridique, à la morale, aux institutions peu disposées à concevoir de nouveaux rites funéraires.

- Crémation : quand les cendres deviennent disque…

PRATIQUES FUNÉRAIRES: UNE AFFAIRE COMMUNE Un monde en pleine mutation

La crémation Actuellement la crémation suit une évolution exponentielle en France et dans les sociétés occidentales. Cette pratique modifie l’organisation spatiale des cimetières et leur morphologie. La crémation en France sort actuellement de son statut marginal pour devenir un référentiel en matière de choix de sépultures au même titre que peut l’être l’inhumation. Marginale en 1975 avec 0.4 % des pratiques funéraires, la crémation a atteint 34.54 % en 2016 en France. Dans le cadre de l’organisation des obsèques, la crémation est devenue une pratique funéraire croissante qui, selon les prévisions pour 2050 en France, atteindrait les 50 %, ce qui est déjà le cas dans certaines grandes villes. En plus de 30 ans, la crémation a ainsi séduit non seulement les Français mais également de nombreux pays à travers le monde.1 La crémation est également un moyen d’enrayer la problématique de la saturation des cimetières face à la pression démographique et foncière. Cependant d’autres pratiques voient le jour et vont par la suite concurrencées la crémation car considérées comme plus écologiques. - Crémation : quand les cendres deviennent un arbre…

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www.lassurance-obseques.fr

« And Vinyly » entreprise fondée en 2009, basée au Royaume-Uni, est une entreprise qui propose de presser un disque vinyle, 45 ou 33 tours, en y incorporant les cendres du disparu, en totalité ou en partie. Cependant, cette pratique est relativement onéreuse (20 000 € et n’est pas à la portée de toutes les bourses). - Crémation : quand les cendres deviennent diamant… La crémation en Suisse est devenue la pratique funéraire majoritaire. Une entreprise, ALGORDANZA, s’est spécialisée dans la production de diamants synthétique avec les mêmes propriétés physiques et chimiques que les diamants naturels. Le carbone est extrait www.algordanza.com des cendres après isolation en graphite puis transformée en diamants. Cette pratique a également un certain coût.

L’entreprise Bios propose des urnes qui transforment les cendres funéraires en arbre ! Le message marketing est celui-ci : la graine (hêtre, pin ou Érable) se nourrit de la cendre du défunt et devient un symbole de son âme grâce à cette urne funéraire. Cette structure est implantée au Canada et assure la vente des urnes par correspondance.

L'aquamation Cette technique ne date pas d’aujourd’hui. Elle a été développée au XIXe siècle et XXe siècle pour se débarrasser des déchets d’animaux. Résomation, crémation biologique, aquamation sont les termes qui décrivent la technique de décomposer les corps par l’hydrolyse alcaline. L’Australie a adopté l’aquamation comme mode funéraire il y a plusieurs années. Plus récemment, certains États des USA l’ont homologuée, ainsi que le Canada où l’on trouve deux centres de traitement. Pour l’instant cette pratique n’est pas autorisée en France. Le corps est plongé dans une eau entre -90 et -100 °C qui dissout les tissus organiques et détruit les virus. Les os sont ensuite réduits en cendre par un système de vibration.

L’hydrolyse alcaline nécessite de 10 fois moins d’énergie que la crémation. Moins polluante, cette technique pourrait être une alternative à la crémation. De plus, les cendres dénuées de résidus polluants ne constitueraient plus un impact sur l’environnement. La crémation reste une technique polluante (rejet de gaz à effet de serre, dépense d’énergie…). Nous le verrons par la suite.

www.ouest-france.fr 09/11/2017

www.objectif-ciel.fr

1 En 2011, la Suisse arrivait en tête des pays européens ayant le plus haut taux de crémation avec 85 %. La République Tchèque (81 %), le Danemark (77 %), la Suède (77 %), la Grande-Bretagne (73 %) complétaient le classement pour la pratique funéraire dans le cadre de l’organisation d’obsèques. La Belgique, avec 48 % en 2011, totalisait en 2014 un taux de 60 %. C’est au Japon que le taux de crémation atteint des sommets avec 99,8 % de la population (En Ville, la pratique est obligatoire). www.obseques-organisation.com, Le Monde, 29 octobre 2012

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L'émergence de nouveaux espaces et de nouveaux marchés

L'Humusation L'humusation est une technique ancestrale. Elle consiste à accélérer la décomposition du corps en le plaçant dans un compost composé de broya de bois. L'Humusation, contrairement à l'enterrement ne nécessite : -pas de cercueil -pas de frais de concession dans un cimetière pendant 5, 10, ou 25 ans -pas de frais de pierre tombale, ni de caveau -pas de frais d'embaumement, ni l'ajout de produits chimiques nocifs -pas de charge d'entretien régulier de la tombe pour les proches L'Humusation, contrairement à l'incinération ne génère : -pas de rejets toxiques dans l'atmosphère, ni dans les égouts -pas de consommation d'énergie fossile -pas de location de colombarium L’humusation crée un humus riche, utilisable pour améliorer les terres.

La revendication de la mise en place de cette tecchnique funéraire émerge de la Belgique, où des pétitions circulent afin de légaliser cette pratique. Une fondation1 défend le droit à l’humusation et plaide pour une modification de la loi pour autoriser cette pratique encore illégale2. L'humusation est en adéquation avec les rituels funéraires musulmans. Cette pratique rassemble au sein de la population plusieurs dimensions, religieuses et écologiques. Elle apparaît donc comme une mesure consensuelle et adéquate pour une nouvelle conceotion des cimetières. L’écologie, autant sous ses formes idéologiques que matérialistes devient motrice dans le changement des dispositifs, pratiques et projections à l’œuvre dans le domaine du funéraire. Cette technique est intéressante car elle peut être adéquate à la mise en place d'un cimetière paysager et permet de résoudre en partie la question de la pression foncière.

Le secteur funéraire évolue, et le marché se dote de nouvelles filiales plus écologiques et plus durables. Les choix de sépultures se diversifient et recomposent progressivement l'offre funéraire. De plus certaines collectivités ont fait le pari de proposer des aménagements et offres funéraires alternatives. L'exemple le plus connu est le cimetière de Souché de la ville de Niort.

une cinquantaine de chapelles après une procédure de constatation d’abandon de longue durée. Elles sont mises aux enchères à partir d'1€. Les acquéreurs www.lavoixdunord.fr s’engageront à effectuer les travaux de rénovation nécessaires à leur maintien. Dans le Maine et Loire, "Les arbres de mémoire" est un parc funéraire près d'Angers. Situé sur 4,5 hectares, ce lieu de recueillement offre aux personnes ayant fait le choix de la crémation, que leurs cendres soient www.arbres-de-memoire.fr déposées au cœur des racines d’un arbre, parmi 12 essences. Des entreprises se spécialisent dans le marché funéraire durable. Des cercueils en cartons, en osier ou réalisés en complexe cellulosique (un matériau élaboré à partir de fibres végétales recyclées) sont proposés. Ce type de cercueils permettent de diviser par 8 la consommation de bois par rapport à un cercueil traditionnel, où la filière bois n'est d'ailleurs pas ou peu ww.abcremation.fr contrôlée. Un poids de 10 au lieu de 50 kg. Les colles utilisées sont d'origine végétales et naturelles. L'entreprise ABCcrémation propose des commandes par internet. La biodégradation se fait en seulement 1 année en cas d'inhumation.

www.francebleu.fr

Un vide juridique en France : Un vide juridique concernant de nouveaux rites funéraires reste à combler. Ces nouvelles pratiques funéraires peuvent répondre à des préoccupations environnementales et être un support à toute conception paysagère.

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www.dhnet.be

www.humusation.org Le ministre wallon de l’Environnement Carlo Di Antonio a d’ailleurs débloqué 40 000 € pour lancer une étude sur le sujet, www.moustique.be 31/10/2018

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La ville de Niort a inauguré en 2014 un cimetière paysager et naturel. Les équipes ont opté pour des choix novateurs : des cercueils ou urnes biodégradables, sans soins de conservation, l’inhumation en pleine terre sans cuve bétonnée, une discrète pierre de calcaire d’identification du défunt est posée et s’intègre parfaitement dans cet espace naturel. Le règlement intérieur interdit les fleurs artificielles. L'idée c'est d'autoriser seulement des fleurs naturelles. La conception a été réalisée en partie par une paysagiste, Eve-Marie Ferrer. Ces nouvelles perspectives permettent l'émergence de nouveaux marchés. Ils contrebalancent le monopole des pompes funèbres. Leurs regards ne se portent pas sur le cimetière naturel car "il n'y a pas de caveau béton, pas de monument en granit", explique EveMarie Ferrer.1 Le cimetière de Roubaix compte 310 chapelles funéraires, de tailles diverses. N'étant plus entretenues par les concessionnaires et par souci de conservation du patrimoine, la ville a acquis 45


PRATIQUES FUNÉRAIRES: UNE AFFAIRE COMMUNE vers une dématérialisation de la mort

Depuis le tournant du XXIe siècle la ritualité funéraire est en pleine mutation ce qui questionne profondément la relation entre la ville et la mort. Une certaine répulsion des cimetières standardisés et de ses contraintes s’exprime par le recours à la crémation et à la dispersion. « La matérialité de la cendre amène à une dématérialisation et une localisation plus diffuse des morts. Celles-ci sont renforcées par l’usage croissant de supports numériques (...) qui ouvrent de nouveaux espaces-temps pour l’entretien de la relation aux morts et participent à redéfinir la spatialité du deuil. » 1 De plus, les considérations écologiques se révèlent d’un côté structurantes et de l’autre bouleversent le domaine du funéraire tant au niveau pratique qu’au niveau des représentations. La cendre, dans sa matérialité et son devenir, engendre de nouveaux types de relations entre les morts et les vivants. Territorialement, leur inscription est de moins en moins localisée et de plus en plus diffuse.

Curieusement, le besoin d’ancrage et de localisation s’exprime pour les endeuillés qui cherchent toujours à savoir où sont les morts. Le travail du deuil nécessite la présence d'un espace et d’un environnement construit. Avec la crémation, le recueillement sur la tombe n’est plus une évidence. Dans un sondage de 2013, 37 % des personnes interrogées disent, pour entretenir le souvenir d’un proche inhumé, y penser sans avoir besoin de se recueillir sur la tombe (dans le cas d’un proche crématisé). Ces données mettent en lumière la relation entre la crémation et le non-attachement à la tombe comme lieu privilégié de l’entretien de la relation aux défunts. Les lieux du souvenir sont alors multiples : selon le même sondage ils deviennent le lieu de dispersion des cendres (23 %) ou le columbarium (23 %) mais aussi un autre lieu précis qui rappelle la personne (31 %).2

Il est difficile pour les personnes vivantes dans un milieu urbain dense de disperser des cendres dans un milieu naturel sans que celui-ci se situe à proximité d’une voie, d’un espace public. La dispersion ne peut avoir lieu dans un espace naturel public selon la législation. De plus, les sépultures cinaires concernent en partie les personnes d’obédience catholique ayant recours à la crémation. L’église a autorisé la crémation à condition que les pratiquants disposent les cendres au sein des cimetières. Les personnes de confession bouddhiste ont également recours à ce type de sépultures. En Asie, il est de coutume de conserver les cendres près d’un monastère ou d’une pagode. Ce procédé est cependant interdit en France puisque l’urne ne doit pas être conservée dans un crématoriumw plus d’un an. Le geste de la conservation reste assez fort par rapport à la dispersion.

La dispersion en pleine nature n’est pas évidente en milieu urbain. Outre le fait que certaines personnes décident de répandre les cendres du défunt dans un milieu naturel identifié loin du lieu de vie de celui-ci, certaines personnes choissisent pour de multiples raisons de déposer les cendres au sein d’un cimetière. Le dépôt de l’urne peut s’effectuer soit dans la sépulture traditionnelle, familiale, dans laquelle l’urne est inhumée ou scellée sur la pierre tombale, soit dans le columbarium ou la cavurne. Une autre option consiste à répandre les cendres dans un jardin du souvenir. Au regard du tableau suivant, les communes adhérentes au SIFUREP1 essentiellement localisé dans l’Est parisien, dont Montreuil, déposent essentiellement les cendres à l’intérieur des cimetières dans des urnes ou des cavurnes. Plusieurs hypothèses peuvent être émises.

Devenir des cendres à l’intérieur des cimetières 100 % 90 %

La crémation en France

80 % 70 % 60 % 50 %

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93 Urnes

40 %

Dispersion

30 % 20 % 10 % 0 %

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APUR, SIFUREP 2010

P.Thiolliere L’urbain et la mort : ambiances d’une relation, Ibid, p. 18.

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Étude Funescope 2014 : les Français et les obsèques, 10 ans d’évolution. CSNAF (Chambre Syndicale Nationale de l’Art Funéraire)

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6 2004

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6 2006

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APUR, SIFUREP 2010

1 Établissement public de coopération intercommunale français sans fiscalité propre, situé dans les départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, du Val-d’Oise, de l’Essonne et des Yvelines.

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Gestionnaires et dates de mise en service des crématoriums franciliens

PRATIQUES FUNÉRAIRES: UNE AFFAIRE COMMUNE La législation et les pratiques funéraires

5 km

14 km

16 km Montreuil

Service public industriel et commercial, soumis au principe de délégation de service public pour la gestion du service extérieur des pompes funèbres et des crématoriums. Aujourd'hui, on constate un nouveau monopole, celui des pompes funèbres, avec un développement massif des contrats obsèques par les banques et les assurances. Selon la Fédération française des sociétés d’assurances, 3,37 millions de ces contrats avaient été souscrits fin 2012 (+ 141 % depuis 2003), le montant des cotisations s’élevant à 1,16 milliard d’euros (+ 104 %)1. Le marché funéraire est une vraie manne économique.

Depuis plusieurs années, le législateur a initié une importante réforme du droit funéraire, afin de le simplifier et l’adapter aux évolutions que connaît la pratique funéraire, comme le recours plus fréquent à la crémation. Ce droit dépend du Code général des collectivités territoriales. Le préfet est le garant de ces dispositions juridiques. Des rôles sont attribués à différents acteurs : Les communes, les pompes funèbres. La loi encadre et normalise les pratiques funéraires. Depuis la loi du 8 janvier 1993, dite loi Sueur, a marqué l'ouverture à la concurrence des opérations funéraires et a conduit à la disparition du monopole communal sur les pompes funèbres. La législation funéraire a connu une profonde mutation avec cette loi.

LOI 1993-Pompes Funèbres n°93-23 LOI 1996-Commune n°96-42

Avec 5 680 crémations en 2014 pour 5 fours, la capacité d’accueil du crématorium du Père-Lachaise est arrivée à saturation. En mars 2016, un appel d’offre a donc été lancé pour un nouveau complexe funéraire dans Paris « comprenant un crématorium de 3 fours, avec une extension possible de 2 fours. Deux crématoriums ont ainsi vu le jour depuis moins d'un an à Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis) ainsi qu’à Cormeilles-enParisis (Val d’Oise).

L’évolution de la crémation a impacté l’offre en matière de crématorium. La Métropole du Grand-Paris a d’ailleurs établi un Schéma directeur des crématoriums.

-Schéma directeur des crématoriums Neuf crématoriums ont été mis en service au cours des années 2000 pour atteindre le chiffre de 16 crématoriums en activité sur le territoire du Grand Paris. Mais le compte n’y est pas.

En 1993, la loi Sueur transforme le marché des pompes funèbres. En France, l’activité funéraire a fait l’objet d’une lutte sociale dont l’enjeu était initialement le monopole du marché. Elle a abouti à un compromis entre les régies publiques et les entreprises concessionnaires d’une part, les agences de funérailles de l’autre. Les pompes funèbres ont le droit de transporter les corps (avant et après la mise bière ; suivant pas à pas les étapes du processus funéraire (depuis l’hôpital jusqu’aux obsèques), d'organiser des obsèques, de pratiquer des soins de conservation, de gérer les chambres funéraires et de fournir du matériel. Ces missions peuvent être assurées soit par la commune, en régie, soit par une entreprise déléguée. Il s'agit du service extérieur des pompes funèbres communal.

Depuis le 12 juin 1804, les cimetières français sont des cimetières municipaux. -Toute personne décédée, domiciliée ou souhaitant rejoindre le caveau familial du cimetière d'une commune a le droit d'y être enterré. -Chaque mairie peut choisir le type de concessions qu'elle vend parmi celles autorisées. -Seules les communes et les EPCI ont le droit de gérer des sites funéraires.

www.lagazettedescommunes.com 31/10/2013

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LOI 1996-Système de concessions

Réglementation et données spatiales

n°96-42 Seules les concessions de 15 ans, 30 ans, 50 ans ou perpétuelle sont autorisées. -Au bout de 30 ans d'abandon, la municipalité peut enclencher un droit de reprise de la concession. -Un corps doit au minimum être enseveli dans la terre avant que toute manipulation puisse être exercée. -Pour les personnes dépourvues de ressources, un service funéraire et une sépulture en carré commun est assuré.

-Les extensions et les créations de cimetière doivent se faire de préférence sur les terrains en hauteur et exposés Nord -L'aménagement d'un cimetière en zone inondable est interdit -Le cimetière doit être délimité par des murs dont la hauteur minimum est de 1.50m. -Le terrain consacré aux inhumations doit être cinq fois plus grand que la moyenne annuelle d'enterrements des communes. -Hors commune, il est interdit de construire à moins de 100m d'un cimetière -En ville, le préfet peut donner des dérogations de construction ou d'agrandiessement.

LOI 2008-Gestion des cendres n° 2008-1 350 Destination des cendres funéraires Toutes les communes de plus de 2000 habitants sont tenues de posséder au sein du cimetière un site cinéraire. Ce site doit être aménagé d'un : -espace de dispersion -équipement présentant les noms des personnes dispersées -colombarium -espace voué aux cavurnes -Il est proscrit de conserver les cendres au sein d'un domicile. -Les cendres peuvent être conservées un an par un crématorium. -Les cendres ne doivent pas être séparées ou mélangées avec d'autres cendres. -La dispersion des cendres est autorisée en pleine nature, hors des espaces protégés. -La dispersion des cendres dans un jardin public (ou sur la voie publique en général) ou privé est interdite -Toute dispersion doit être déclarée en mairie.

avec les éléments naturels. Les seuils, les rythmes, les gestes sont des leviers pour remailler cette relation entre les vivants et les morts. L'expérience du deuil qui consiste à accompagner, entretenir, se recueillir et cheminer doit être un curseur pour envisager le renouvellement des espaces de la mort à la fois à l'échelle architecturale et urbaine.

Depuis le 19 décembre 2008, les cendres humaines ont obtenu un statut juridique qui les protège par le code civil au même titre qu’un corps inhumé. Elles sont ainsi indivisibles. À travers ces nouvelles lois s’expriment une volonté d’inscrire les morts dans l’espace public et de leur apporter protection. L'idée d'une conception de vivants et de morts unis et ancrés dans un territoire est somme toute illusoire et démontre surtout une volonté de contrôle étatique des corps. Les lieux de dispersion, désignés sous le nom de "jardin du souvenir", sont aménagés au sein des cimetières, sont régulièrement des espaces enherbés. Ce sont finalement des puits de dispersion qui conservent souterrainement les cendres mélangées dans une cuve, pouvant contenir des milliers de litres. Le modèle de dispersion sur galets se multiplie dans les espaces cinaires. Ces aménégements cachent une grille d'accès à une cuve. Cette représentation connaît depuis ces dernières années un succès énigmatique. Ils sont souvent dénués de mise en scène et reflètent plutôt l'image d'un jardin sec. Alors qu'initialement ils sont censés représenter l'eau vive. La dispersion de la cendre représente une sorte de dématérialisation et une localisation plus diffuse des morts. Les considérations écologiques bouleversent le domaine du funéraire, les pratiques et les représentations. Elles s'avèrent structurantes et pourvoyeuses de dispositifs. Le lien de la relation à la mort passe par le corps. Les gestes et les mouvements matérialisent et donnent une ambiance à cette relation. C'est à partir d'une approche sensible des ambiances que peut être appréhendée la conception spatiale de ces nouveaux espaces. La matérialité de la cendre invite à de nouveaux modes d’installation des morts et permet d’envisager un entremêlement

Jardin souvenir-Cimetière de Montreuil

Pierre tombale -Table de Loi -Cimetière de Montreuil

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PRATIQUES FUNÉRAIRES: UNE AFFAIRE COMMUNE des Bouleversements démographiques L’activité des cimetières dépend des évolutions démographiques. Du fait des migrations résidentielles, le phénomène de vieillissement de la population demeure plus modéré en Îlede-France et particulièrement dans la métropole parisienne, qu’au niveau national. L’arrivée de jeunes populations (attirées par l’offre d’emploi, et l’offre universitaire) et les départs de familles et de retraités ont longtemps freiné le vieillissement et limité le nombre de décès. Néanmoins l’arrivée des générations du baby-boom à l’âge de 65 ans, le vieillissement commence à s’amorcer. En Grande Couronne la population est plus vieillissante contrairement à Paris. En découlera une hausse progressive de la mortalité avec une pression accrue sur les cimetières de la métropole.

Alimentée depuis 40 ans par des apports à peu près constants, la pyramide de 2014 a un profil remarquablement vertical dans sa moitié inférieure. Situation unique au monde, car la plupart des pays développés présentent aujourd’hui une pyramide des âges dont la base est devenue très étroite (comme l’Allemagne, par exemple).

Gilles Pison, 1914-2014 : un siècle d’évolution de la pyramide des âges en France, Population &Sociétés n° 509 mars 2014

En 1914, la pyramide des âges présente une sorte de « meule », caractéristique d’une population relativement équilibrée. Le nombre de personnes âgées est moins important que celui des jeunes.

La population de Montreuil se caractérise par sa jeunesse avec près de 40 % de moins de 30 ans. La croissance démographique est forte avec 8,4 % des familles nombreuses d’au moins 5 personnes (INSEE) Le nombre de décès par an s'élèvent en moyenne à 600, avec une population de +75 ans représentant 5,1 %.

En France, cette base verticale devrait engendrer dans quelque temps une pyramide aussi régulière que celle du 1er janvier 1914, à la veille de la première guerre mondiale. Les stigmates laissés par cette dernière se sont effacés au bout de 80 ans pour les pertes militaires directes et d’un siècle pour le déficit des naissances. Il faudra encore quelques décennies pour que disparaissent les marques de la seconde guerre mondiale et un demi-siècle pour que s’estompe la bosse du baby-boom – le temps que s’éteignent les générations nées au début des années 1970.1

Pyramides des âges de 1994

Gilles Pison, 1914-2014 : un siècle d’évolution de la pyramide des âges en France, Population &Sociétés n° 509 mars 2014

En 2014, la pyramide est enflée en son centre. En superposant la pyramide des âges de 1994 on lit l’impact des deux guerres mondiales. Correspond aux générations dites Baby-Boom.

Pendant les 20 prochaines années le nombre de décès va continuer à augmenter avant de se stabiliser à nouveau. Ce bouleversement démographique marque progressivement les espaces funéraires. Réfléchir aujourd’hui à de nouveaux espaces est primordial pour anticiper les risques de saturation optimale dans les cimetières.

INSEE-Montreuil Gilles Pison, 1914-2014 : un siècle d’évolution de la pyramide des âges en France, Population &Sociétés n° 509 mars 2014

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L’homme tend toujours vers un idéal, qu’il soit religieux ou politique, et celui-ci lui suggère des conduites rituelles. Dans la symbolique liée aux rites funéraire, on assiste à la cohabitation au sein des cimetières du sacré et du profane. Des rites différents liés à la mort sont partagés entre les croyants et les laïcs. Cependant, cela n’implique pas nécessairement la perte du caractère sacré des cimetières. Même dans les rites laïcs on trouve des composantes qui ne sont pas étrangères à une entité, à un caractère sacré (la nature par exemple). La crémation et les obsèques laïques peuvent pour certaines familles être déstabilisantes car les rituels ne sont pas forcément codifiés. Les cérémonies peuvent parfois être vécues comme des obsèques improvisées. Les pompes funèbres "bricolent" parfois un contexte de cérémonie. L'idée est de ne pas proposer un guide de pratiques funéraires laïques mais des aménagements et des espaces propices à des cérémonies et au recueillement.

© ANAÏD DE DIEULEVEULT

Cimetière de Montreuil. Reflet de la ville des vivants sur la ville des morts. s

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LA VILLE DES VIVANTS- LA VILLE DES MORTS Qu’est-ce qu’un cimetière ? un équipement ?

un espace public ?

un lieu de mémoire

un espace sacré ?

Montreuil À la tombée de la nuit la ville des morts se confond avec la ville des vivants

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Un espace public ? Un équipement ?

un espace de mémoire ?

un espace sacré ?

Au-delà du rapport que peut entretenir le cimetière avec le paysage, il est important de comprendre le fonctionnement du cimetière en tant qu’espace public. Il doit être accessible à tout type d’usagers (personnes à mobilité réduite, véhicule de service…). Outre les concessions qui relèvent de la propriété privée le reste du cimetière, y compris les inter-tombes relève de l’espace public. Plusieurs services de la mairie comme le service de la voierie et les services des espaces verts ont la responsabilité de l’entretien de cet espace. L’entretien des végétaux situés en dehors des concessions est à la charge de la commune. L’espace public relatif à la voirie concerne le système viaire du cimetière. Les allées principales doivent être suffisamment larges pour le passage de convois funéraires. L’aménagement et le type de revêtement au sol doivent permettre de distinguer les allées carrossables des allées uniquement réservées aux piétons. Le traitement de ces espaces permet de distinguer clairement les espaces inter-tombes, la limite des concessions et la limite des espaces “publics” facilitant ainsi le travail d’entretien. Un cimetière est un équipement public avec son règlement intérieur, ses horaires. Un règlement fixe les modalités de fonctionnement et d’utilisation des cimetières communaux. Pour assurer la conservation des monuments funéraires, le maire peut également fixer certaines règles dans le règlement intérieur du cimetière. En effet, il peut établir une hauteur maximale des arbres et arbustes pouvant être plantés sur les concessions. Il peut également interdire l’utilisation de certaines essences (arbres à fruits ou plantes envahissantes). Si les cimetières militaires ne sont pas sous la responsabilité des communes, ils peuvent être source d’inspiration concernant la mise en valeur et l’intégration du mobilier et du patrimoine végétal. Il n’existe pas de loi concernant l’esthétique des cimetières et les concessionnaires ont le droit de planter tout type d’arbres, d’arbustes et de massifs sur leur concession tant que ceux-ci ne gênent pas le passage ou la circulation de l’air. Cependant, le maire peut demander à ce qu’un élagage et au besoin un abattage soit fait par le propriétaire dans l’intérêt de la salubrité publique.

Les cimetières sont des espaces de mémoire individuelle et collective institutionnalisées. Dans son œuvre Les Lieux de Mémoire : La République, La Nation, Les France, Pierre Norra explique ce qu’il entend par « lieux de mémoire ». » Il expose une structure des lieux de mémoire qui se découpe selon les trois mots : « matériel, symbolique et fonctionnel. » « Le premier ancre les lieux dans des réalités qu’on dirait toutes données et maniables – le second est œuvre d’imagination – le troisième ramène au rituel. » 1 Les cimetières sont des lieux de mémoire collective, rassemblant en leur sein les traces et empreintes de l’histoire politique ou culturelle. Même si ces lieux sont des lieux de passage fort banals, ils prennent une dimension grâce à la mémoire et aux rituels. Lieu à la fois de passage pour les vivants et de résidence permanente pour les morts. Le cimetière propose différentes formes d’inscription de la mémoire en un lieu déterminé, sur les pierres tombales qui sont autant d’îlots de mémoire. Les cimetières sont des lieux-carrefours où se rencontrent à la fois la dimension politique, sociologique et politique. Les carrés militaires et les monuments matérialisent la Grande Histoire, l’histoire individuelle, un esprit de corps militaire, sur les lieux mêmes où l’unité a combattu. C’est là une des expressions du sentiment national, envisagé depuis une communauté locale. Les monuments aux morts sont des lieux de mémoire de la République. Érigés dans les espaces publics, ils sont devenus une des constantes du paysage des communes françaises. Dans le cimetière de Montreuil le monument aux morts est situé au cœur du cimetière de manière très monumentale scénographie le cimetière et marque fortement dans le paysage funéraire. Les sépultures militaires façonnent le paysage et se reconnaissent facilement de par leur morphologie et leur typologie.

Les cimetières se sont crées sur les fondements d’une terre sacrée. Aujourd’hui, ce rapport se maintient, se transforme et se réaffirme dans des formes multiples. Un lieu qui se distingue de l’ordinaire gagne une part de sacré. Par sacré, on peut également entendre une capacité à rassembler sur un espace. Le cimetière désigne tout terrain public et sacré. Pendant des siècles, il fut considéré comme terre consacrée, bénie par un prêtre et rattachée à une paroisse, une église. Depuis la fin du XIXe siècle, ce n’est plus le cas, le cimetière est devenu un lieu neutre qui doit respecter la religion de chacun sans en imposer une seule. Considérés comme des lieux civils publics par l’État laïc, les cimetières ne peuvent en conséquence être affiliés à aucune religion en particulier. L’objectif est de respecter la liberté de culte de chacun sans discrimination. La foi ne peut en aucun cas impliquer de différence de traitement entre les défunts comme entre les vivants. Cependant des espaces de sépultures de confessions religieuses se dessinent spatialement au sein des cimetières, désignés sous l’appellation de carré confessionnel. Ce terme détermine également un périmètre défini du cimetière où sont enterrées les personnes d’une même confession. Cependant devant l’afflux de demandes de la part des communautés religieuses, les autorités ont décidé de laisser aux maires la responsabilité ou non de créer ce type d’espace. En choisissant l’emplacement des concessions, le maire peut en effet regrouper les personnes de même religion, sans pour autant inaugurer officiellement un espace dédié qui serait contraire à la loi. Le maire a donc la possibilité d’instituer une zone confessionnelle du moment qu’elle n’est pas matériellement délimitée par un mur ou un signe visuel. Dans le cimetière de Montreuil, certains de ces espaces sont délimités par des strates arbustives. Ce n’est pas un mur érigé mais une limite, un seuil végétalisé dans l’espace de la nécropole, semblable à une « chambre bocagère funéraire ».

P.Norra, Lieux de Mémoire : La République, La Nation, Les France, p.528.

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Cette dimension sacrée peut se réaffirmer aujourd’hui à travers la nature, un arbre. Quelles places, quelles formes peut-elle prendre pour générer une nouvelle symbolique, une nouvelle puissance, un nouvel espace public ? C’est autour du terme mortuaire et sacrificiel que les monuments nourrissent généralement débats et réflexions. Ces lieux de mémoires collectives cristallisent encore de nos jours des traumatismes et une dimension sacrée

« J’irai courir sur vos tombes1 »

Libération 30 mai 2016

De jeunes allemands et français courrent au milieu des tombes du cimetière de Verdun lors des commémorations. Jogging organisé par les deux pays. Une polémique politique a éclaté. Néanmoins en dehors du buzz ou de la maladresse de l’évènement, cette réaction témoigne encore de la dimension sacrée que symbolisent ces espaces.

France Info 30 mai 2016

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un espace dématérialisé ?

Un espace de mémoire ? Un espace sacré ?

La création d’un cimetière s’est élaborée à partir de marques successives de la religion et des mutations urbaines du XIXe siècle. Un modèle dont la conception se révèle aujourd’hui insuffisante pour répondre aux besoins des mentalités actuelles, en particulier à la demande exponentielle des crémations. L’étiolement du christianisme, la présence montante d’autres religions, de croyances agnostiques, de l’athéisme modifient le regard sur la mort et sur le champ du sacré qui se laïcise. La mobilité et l’éclatement des familles concourent à dématérialiser le rapport qu’elles entretiennent avec leurs défunts. Le besoin d’un lien avec les morts, et aussi avec les autres vivants à l’égard des morts, s’exprime parfois dans des espaces insolites, c’est-à-dire technologiques, capables de satisfaire ce besoin. La perte et l’insuffisance des rituels couplées à la diffusion d’internet révèlent une forme de « resacralisation » de la mort. Ce nouveau type de rituel qui se veut plus personnel, plus intime peut être paradoxalement partagé avec le plus grand nombre. Les nouveaux cimetières virtuels sur la toile - système mystérieux à la croisée du jeu vidéo et de la data base - sont des outils technologiques qui se chargent d’assurer la mémoire des défunts à travers ces nouveaux rituels numériques. Cette pratique témoigne une certaine forme de « re-sacralisation ».

La nécropole militaire de Verdun et l’ossuaire de Douaumon au loin. Les cimetières militaires sont des lieux de recueillement, de commémoration, de paix et de sacrifice. Cette forme bâtie du culte des morts reflète certains aspects d’une civilisation et une forme scénographiée des nécropoles militaires. Le principe est celui de l’égalité absolue. Les champs de bataille laissent place aux champs de croix. L’alignement et la symétrie sont le reflet de l’armée en rang. Ces cimetières ne s’installent pas dans une dynamique d’évolution. Ils sont figés dès leur création. Ces nécropoles sont une sorte de faire-valoir pour les valeurs patriotiques. Le roman "Au revoir là-haut" de Pierre Lemaitre illustre l'exploitation de ces symboles funéraires militaires, au point d'en devenir une escroquerie.

Les cadres, les repères qui orchestraient l’espace funéraire sont en pleine transformation : l’écologie tend à devenir structurante, la crémation et le numérique introduisent peu à peu la dispersion des morts, de leur corps matériel comme de celui immatériel qui persiste dans les mémoires humaines et digitales.

www.ripcemetery.com

En effet, certaines applications comme RIP CIMETERY proposent de véritables cimetières dématérialisés à glisser dans sa poche histoire d’avoir ses défunts toujours à portée de clic. www.usine-digitale.fr

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D’autres formes de support numérique concernant la localisation des sépultures dans les cimetières ont été mises en place ces dernières années. Chaque collectivité peut mettre à disposition les informations liées à son site funéraire, y compris la base de données des défunts et leur localisation. Près de 2 100 cimetières y sont déjà présentés, ce qui représente plus de 500 000 sépultures et 1,7 million de défunts.1 La ville de Montreuil dès 2016 a lancé son propre logiciel. Le cimetière abrite quelque 23 000 tombes. Pour aider les proches de ces disparus à se repérer dans le dédale des 27 km d’allées, la ville a mis en place un logiciel permettant la localisation des sépultures sur un site internet dédié et une borne installée à l’entrée de l’ancien cimetière. Les utilisateurs obtiennent alors les numéros de division, de section et d’allée de l’emplacement en question.

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LA VILLE DES VIVANTS -LA VILLE DES MORTS

E DES VIVA N

ILLE DES MO

R

TS

-Ville de réseau réseau viaire, voie, typologie, hiérarchie, réseau hydraulique….

ILL AV

V LA

TS

L

des enjeux, des traits communs

-Espace public -Espace privés (concessions, caveau), différentes typologies d’habitats -Services, équipements (acceuil familles, sécurité, hygiène, gestion) -Usages -Pratiques

-Périphérie (murs-clôtures) -Nature et périphérie

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-Rationalisation de l’espace -Homogénéisation de l’habitat (tombes) -Occuption du sol -Lecture d’une sociotopographie (répartition socio-culturelle et cultuelle des tombes)

-Économie -Démographie renouvellement de la population, fin des concessions -Densité, saturation de l’espace, fabrique de la ville sur la ville

-Patrimoine (tombes-art funéraire) -Mémoire collective (monuments aux morts) -Mémoire individuelle (tombes)

-Rapport au paysage urbain/paysage naturel -Préoccupations environnementales

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-Temps différent de celui de la ville des vivants mais un temps propre au cimetière qui impose sa temporalité (temps figé-éternité)


RADIOGRAPHIE URBAINE

Le cimetière est à la fois un établissement et un espace public. Cette double dimension suit des logiques semblables à celles d’un espace urbain. Il est donc intéressant d’envisager de nouvelles stratégies en considérant le cimetière suivant ces mêmes logiques. Cette démarche permettra d’identifier le paysage d’acteurs actuels et de réfléchir à de futurs acteurs aux nouvelles compétences.

L'effet miroir

Bâti

Voies

Végétation

Le cimetière est également un lieu d’enchevêtrements entre les différents temps : le temps de la mémoire, le temps du deuil et le temps du quotidien. C’est aussi un espace où se superposent, se branchent les éléments structurants de la ville. Il participe à la vie urbaine. Il est donc primordial de le considérer non pas comme un objet isolé, mais comme un îlot à part entière.

Chaque ville abrite en son sein une autre ville dont le nom des familles porte les mêmes noms. Le cimetière est une sorte de réplique, de reflet de la ville des vivants dans sa morphologie, ses typologies d’habitats, ses quartiers… Et pourtant ce sont les grands invisibles des espaces urbains. Caché derrière ses murs, le cimetière reste en marge du reste de la ville. Comme un miroir de la société, il cristallise, condense les mêmes préoccupations, les mêmes enjeux, les mêmes aspirations. Le schéma présenté ci-dessus est une synthèse des enjeux, des caractéristiques communes entre la ville des vivants et la ville des morts. Les tombeaux, les sépultures sont le double d’une maison, d’un appartement avec ses quartiers, dans lesquels on peut lire différentes époques, différentes strates sociales. Le droit au caveau est une sorte de parallèle au droit au logement.1 Outre ces caractéristiques, le miroir de la ville des vivants sur la ville des morts se marque aussi sur la gestion des espaces, des limites. Comme la ville, le cimetière est un espace ponctué de petits espaces privés, où un parcellaire se dessine. La surface dont chaque famille dispose peut-être un morceau de jardin, une parcelle d’intimité. Le cimetière comme la ville se dessine par des alignements, des trottoirs et des places. Une toponymie, d’ailleurs très présente, matérialise un découpage du cimetière par des allées, des voies. Comme l’architecture des villes, les sépultures permettent de lire les époques. Le patrimoine urbain est à la ville ce que l’art funéraire est au cimetière. Est-ce qu’une ville est vraiment une ville quand elle possède un cimetière ? Selon Paul Delouvrier, père des villes nouvelles, c’est le cas.

L’entreprendre dans sa relation aux autres espaces urbains est un moyen d’établir les lignes et point d’interactions avec les espaces publics environnants afin de le jumeler par la suite avec un ensemble d’espaces publics cohérents. Aborder le cimetière comme une ville est une manière de cibler en partie les enjeux, les sujets et les espaces à traiter. Raccommoder les liens entre la ville des vivants et des morts est un moyen de lui redonner une place au sein de l’espace urbain, de le sortir de sa posture d’isolat et de redessiner ses contours en lien avec l’espace urbain. Une gestion des limites du cimetière est vitale pour établir une réflexion à l’échelle du paysage. C’est pourquoi la diversité des situations urbaines environnantes doit être observée et enrichies. De plus, le cimetière peut jouer un rôle dans la préservation et le renforcement d’une trame végétale accessible au public et être un support à de nouveaux usages.

N. Tanguy, La ville et le cimetière, TFE, 2001, École de la Nature et du Paysage, Versailles, p.127.

Radiographie du Cimetière de Montreuil

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LA VILLE DES VIVANTS- LA VILLE DES MORTS des typologies communes La

Entre ville et cimetière

ville des morts, la ville des

vivants : une saturation de l'espace

L’une des typologies les plus manifestes entre la ville des morts et la ville des vivants de Montreuil, comme dans beaucoup de villes et de nécropoles françaises, est celle de l’habitat et de la tombe. L’idéologie de l’habitat urbain se reflète étrangement dans les sépultures. L’idéologie pavillonnaire s’exprime jusque dans la clôture, la grille, le muret et la sépulture. Elle se commande directement sur catalogue et se duplique spatialement dans l’espace urbain et funéraire. L’habitat vertical a remplacé la maison individuelle dans certaines typologies de tombes au profit des cases, de tours. Les chapelles du XIXe reproduisent dans leurs compositions les traits des édifices religieux. Cette typologie traverse les âges et constitue un patrimoine funéraire en lien parfois avec la date de création des cimetières du XIXe siècle. Actuellement, l’espace funéraire est en pleine mutation. Il est donc intéressant de réinterroger les formes d’habitats funéraires en liens avec les évolutions de la société contemporaines.

Cimetière de Montreuil

Cimetière de Montreuil

En France, à la fin du XVIIe et au début du XIXe siècle, les cimetières, à l’origine placés en centre-ville, ont été repoussés dans les espaces périurbains, pour des raisons hygiéniques. Aujourd’hui, ces cimetières se retrouvent au cœur des villes. Progressivement, la ville a grignoté sur les espaces périphériques, en englobant les cimetières. Les nécropoles rencontrent les mêmes problèmes que les métropoles dans lesquelles elles s’insèrent. Le premier d’entre eux, pour l’une comme pour l’autre, étant la saturation de l’espace. L’équation semble évidente. Si nous sommes de plus en plus nombreux à vivre en ville, nous sommes aussi de plus en plus nombreux à y mourir. Ainsi, en France on estime qu’en 2040 le nombre de morts par an atteindra les 700 000.1 L’extension est souvent la première solution envisagée. Cependant, celle-ci n’est pas toujours possible. Les politiques urbaines doivent donc aujourd’hui penser à de nouvelles évolutions, de nouvelles adaptations des cimetières. À l’heure où la pression démographique et foncière se fait de plus en plus sentir dans nos villes, pourrait-on imaginer d’autres usages aux cimetières urbains ? Le cimetière urbain est ainsi le reflet des problématiques des métropoles et des agglomérations. Dans certaines mégalopoles mondiales la saturation de l’espace urbain empiète l’espace de la ville des morts générant des usages et parfois l’implantation de certaines populations dans la ville des morts.

www.huffingtonpost.fr

© MARIUST

Au Caire et à Manille, l’espace urbain est tellement saturé que les cimetières sont devenus de véritables lieux de vie où logent les habitants les plus démunis.

Cimetière de Montreuil www.demainlaville.com, 31 oct.2017

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© TAMARA ABDUL HADI

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LA VILLE DES VIVANTS- LA VILLE DES MORTS Des préoccupations environnementales

"Même mort on pollue" Dès 2003, des scientifiques, entrepreneurs de pompes funèbres et gestionnaires de cimetières allemands ont constaté qu’un tiers des sépultures contenaient des corps qui, enterrés depuis 30 ou 40 ans, ne s’étaient toujours pas décomposés. Ces dépouilles rejettent alors dans le sol et les nappes phréatiques des substances polluantes qui étaient autrefois « digérées » par la microbiologie du sol au cours d’un processus de décomposition qui prenait entre 8 à 10 ans.

La pollution dans les cimetière « La question n’est pas très étudiée, "car les morts ne consomment pas !"1 Les cimetières sont parmi les principales sources anthropiques de pollution et de contamination de l’eau dans les zones urbaines et au-delà. Ils peuvent avoir des effets négatifs importants sur les eaux souterraines et être une source de maladies infectieuses. Les cimetières représentent des menaces potentielles pour l’environnement et pour la santé. Cependant la connaissance de cette pollution anthropique relative aux cimetière n’est pas récente. L’impact des cimetières sur les eaux souterraines a attiré l’attention des scientifiques dès la fin du XIXe siècle.2 Récemment, depuis les années 1990, les soins de thanatopraxie se sont largement développés en France. Auparavant, les corps étaient essentiellement conservés, par le froid. La thanatopraxie s’est également développée à partir d’un besoin pratique de conserver les corps plus longtemps. Ainsi, plusieurs litres de formaldéhyde sont injectés dans le corps au cours de la thanatopraxie. Ces soins sont prodigués en France sur près de 70 % des corps.3 Peu d’exemples de pollution des eaux souterraines ou de surface par les cimetières ont été trouvés dans les références de la littérature scientifique française.

"Des sols morts" Produits Phyto-sanitaires

Inhummation

Crémation

Les corps inhumés ou brûlés contiennent des substances toxiques qui polluent les sols, les nappes phréatiques et l’atmosphère. L’inhummation et la crémation sont à charge égale génératrice de pollution. Il est cependant difficile d’évaluer aujourd’hui parmi ces deux pratiques laquelle présente un impact environnemental majeur. État de l'usage des pesticides par les communes franciliennes sur les espaces verts et les cimetières 2 %

3 % 80 %

17 %

Espaces verts

25 %

73 %

Cimetières

N’utilisent pas des pesticides Utilisent des pesticides Non concernés par la gestion de ces espaces

833 kilos CO2

Naturparif

www.reporterre.net, L.Hänggi, E.Gomez, Mort on pollue encore, 30 octobre 2017 En 1879, la Société française d’hygiène hospitalière a remarqué la relation entre la fièvre typhoïde et les eaux souterraines contaminées par des lixiviats d’un cimetière de Paris. -A.Ucisik, P.Rushbrook, The impact of cemetaries on the environment and public health: an introductory briefing, Waste Management WHO Regional Office for Europe European Centre for Environment and Health Nancy Project Office, World Health Organization, Copenhagen, 1998. 3 En dehors de la France et de la Grande-Bretagne, cet usage est interdit, sauf dans des cas particuliers de rapatriement de corps, par exemple. Or, lors de la décomposition du corps, le produit se répand et malgré la législation, la plupart des caveaux ne sont pas étanches. La pollution est donc à envisager à plus ou moins long terme. S’il y a des problèmes d’infiltration ou d’inondation, l’eau polluera les terres des cimetières et s’infiltrera dans les nappes phréatiques 1 2

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4023 km

La Fondation des services de la ville de Paris a mené une étude afin de calculer ce taux de pollution. Elle prend en compte toutes les étapes du processus d’in-

humation : le cercueil de sa fabrication à sa destination finale, le transport du défunt jusqu’au cimetière, la gestion du cimetière et la fin de concession (ossuaire, crémation ou pulvérisation des restes). Le choix de la sépulture représenterait à lui seul 88 % des impacts d’une inhumation. En effet, un caveau classique est composé de ciment, gros émetteur de gaz à effet de serre. Et le monument en granit qui surplombe la sépulture est très souvent importé… de Chine.

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L'ÉCOSYSTÈME URBAIN, DES LEVIERS D'ACTIONS

"Quelle pollution choisir ?" Il est donc difficile d’avoir une idée réelle de l’impact de ces produits sur les sols, mais également dans l’air lors de la crémation. Les traitements anticancéreux, par exemple, résisteraient à des températures de plus de 1,000 °C, quand un four de crémation chauffe à 900 °C. Peu d'informations publiées nous renseignent sur le fait que les cimetières peuvent être envisagés comme des sources potentielles de polluants. Réglementairement, les eaux de cimetières ne sont pas considérées comme des déchets dangereux, « du fait du délai d’inhumation prévu par le Code général des collectivités territoriales qui est supérieur à la durée de vie des gênes pathogènes dans le sol ». (Question écrite n° 23195 de M. Jean-Pierre SUEUR, publiée au JO Sénat du 29/03/2012).

peintures, vernis, éléments de quincaillerie en métal, clous en fer issus des cercueils. L’eau est la principale voie de transport des contaminants, qu’elle conduit vers les couches de terrain plus profondes ou vers la surface. Le risque est la contamination de la nappe phréatique en dehors du périmètre des cimetières. Les virus étant plus mobiles dans le sol que les bactéries, les risques de contaminations de la nappe par ces micro-organismes peuvent se répercuter sur de plus grandes distances. Elle peut résulter de remontées de nappes phréatiques, de la présence d’une source, de ruissellements d’eaux pluviales… Ce problème est souvent rencontré dans les cimetières. Cet impact environnemental est parfois méconnu des collectivités pour deux raisons principales : les travaux de fossoyage sont souvent réalisés par des entreprises extérieures et les tabous qui entourent le sujet de la mort. Plus de 60 % des cimetières ne disposent pas de système de drainage souterrain. Quand drainage il y a (pour 37 % des cimetières), on note que les eaux qui en sont issues sont très rarement évacuées dans le réseau des eaux usées en vue de leur traitement (2 % des cas). 1

La question de l'eau

Le devenir des eaux de cimetières peut suivre les filières classiques suivant leur nature : - Les eaux considérées comme des eaux usées C’est le cas de toutes les eaux qui se sont trouvées en contact avec les corps, les cercueils (eaux de caveaux). Elles peuvent être évacuées dans le réseau de collecte des eaux usées après pompage ou être transportées à la station d’épuration communale ou intercommunale. La question de la pollution des cimetières peut-être pour la suite un support fondamental à toute intervention paysagère. Une approche consisterait ainsi à établir un ensemble de critères de base pour la conception, la construction, réhabilitation de cimetières, sur une trame paysagère. Les contaminants proviennent du corps et peuvent inclure des substances chimiques utilisées dans les processus de chimiothérapie et d’embaumement (par exemple, arsenic, formaldéhyde et méthanol), le maquillage, ainsi que divers autres éléments, tels que les obturations, stimulateurs cardiaques,

Le relief, plus particulièrement le profil en pente, est un atout quant à la déperdition progressive des contaminants depuis l’aval vers les sources d’eau. Cependant, une irrigation excessive des cimetières peut ajouter une quantité inutile d’eau. Cette consommation excédente d’eau est susceptible de produire une pollution supplémentaire due à la corrosion des cercueils et à la mobilisation de pathogène des fluides.

S.Larramendy, Paysages et entretien des cimetières, Recueil de fiches repères et actions pour la réhabilitation écologique et paysagère des cimetières, Plante & Cité, Ingénierie de la nature en ville, Angers, novembre 2017.

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Milieu-Urbain -Caractéristiques-

Cycle de l’eau

Vivant -Communautés-

Surface végétale

Naturel

Microclimat urbain Un climat exacerbé

Communauté d’espèces

Été

Boisements

évapotranspiration

Jardins partagés

ruissellement Espaces enherbés

Infiltration

En ville

E

INFLUENC

Très chaud en été Sec-Luminosité forte

Humaine Animale

Végétale

Arbres

Arbustes

Mammifères

Insectes

Oiseaux

Herbacées

ENCE

Surface bâtie

INFLU

Hiver Plus chaud que la moyenne en hiver à cause des activités humaines

Très sec par tous les temps à cause des surfaces imperméabilisées et des canalisations qui empêchent tout stockage de l’eau.

Éléments de Éléments de composition gestion

INE

DESS

Les eaux de pluie et les eaux usées partent dans des collecteurs. L’eau potable est collectée par des systèmes de capteurs Éléments de gestion

Un milieu très minéral et imperméabilisé par les parkings, routes, bâtiments. Un milieu fragmenté par les nombreuses barrières physiques (mur, bâtiment, clôture, route…) R LEVIE

Pollution

TION

D’AC

Collecteur cimetière Montreuil

Gestion de l'eau cimetière Montreuil

Températures dans le cimetière de Montreuil APUR

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Érosion du sol Cimetière Montreuil


L'exemple du cimetière de Versailles

www.versaillesdailyphoto.blogspot.com

Le cimetière de Versailes, les Gonards, a initialisé la pratique 0 phytho depuis 2009. C'est le premier en France à avoir labellisé son cimetière éco-jardin. Cimetière entouré par la forêt domaniale et le centre horticole de la ville. C'est un cimetière paysager, la partie haute étant aménagée en promenade et plantée d'arbres. Le gestionnaire du site a mis en place un plan de gestion différenciée définissant l'entretien à mener en fonction des aménagements et des strates végétales en place. Une véritable place a été faite à la nature spontanée et sauvage sur ce site. Le gestionnaire a ainsi fait le choix de laisser s’enherber des bordures et des recoins entre les sépultures et d’aménager des prairies sur certaines parties du site, dissuadant les usagers de fréquenter et piétiner ces zones. Ce site comprend également une zone boisée.

L’aspect paysager a été fortement pris en compte sur le site avec la réalisation d’un travail sur le volume, les formes, les couleurs et les vues. Ces travaux ont rendu le cimetière beaucoup plus agréable pour les usagers. Une gestion raisonnée de l’eau est menée sur ce site : arrosage ponctuel des nouvelles plantations, jaunissement estival des pelouses accepté sur la totalité du site, récupération des eaux de source à l'aide de cuves souterraines dans la ville de Versailles (cette eau constitue la principale source pour l'arrosage des cimetières). Le gestionnaire a également mis en place un système de puisard sur l’une des parcelles qui permet de drainer les eaux de ruissellement et éviter la stagnation dans les caveaux.

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Des évolutions sont notables et manifestent un changement progressif, une remise en cause des pratiques actuelles. L'intérêt croissant pour l’écologie concourt à annoncer des évolutions notables, un intérêt nouveau, une fréquentation possiblement accrue, de ces lieux collectifs que sont les cimetières. Les préoccupations environnementales sont l'un des leviers dans ce processus de mutations et participent à de nouvelles conceptions paysagères des cimetières. La pression culturelle et sociale entraîne cependant une résistance forte à l’évolution des pratiques, notamment de désherbage. En parallèle, l’offre funéraire et cinéraire se développe, questionnant l’intégration d’espaces dédiés dans un cadre paysager. La majorité des cimetières ont une ambiance minérale dominante mais pour certains, la présence du végétal est forte, et ils s’apparentent alors à des jardins ou à des parcs. C'est pour cette raison que j'ai jeté mon dévolu sur le cimetière de Montreuil étant donné son environnement et sa composition. La gestion en 0 phytho est un objectif que le cimetière de Montreuil s'est fixé pour 2019. Cependant la réflexion de la gestion des déchets et la gestion différenciée n'est pas forcément envisagée. Il est donc intéressant pour la suite de s'interroger sur ces éléments de gestion.

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LOCALISATION : ÉCHELLES NATIONALES ET DEPARTEMENTALES C'est en île de France

EST GRAND ENSEMBLE /Intercommunalité

MÉTROPOLE GRAND PARIS

Naissance du sujet

411 531 hab. (2015)

7 020 210 hab. (2015)

39,2 km2

814 km2

4

POURQUOI MONTREUIL ?

10 498 hab./km2

8 624 hab./km2

travailler sur un cimetière urbain MONTREUIL 106 691 hab. (2015) 8,92 km2

DÉPARTEMENT SEINE-SAINT-DENIS

11 961 hab./km2

1 592 663 hab. (2015)

Bondy

Pantin

236 km2 6 749 hab./km2

Pré-Saint-Gervais Les Lilas PARIS

Noisy-Le-Sec Bobigny

Romainville

Bagnolet

MONTREUIL

Vincennes

Avec ses 106 691habitants et 892 hectares, Montreuil en 1er couronne de Paris, est la première ville d’Est Ensemble et deuxième du département de Seine-Saint-Denis. Son histoire politique, urbaine, économique et sociale en fait une ville de mixité et de diversité culturelle avec un quart de ses habitants issus de l’immigration, 80 nationalités représentées. Une fracture sociale existe entre le bas Montreuil, connecté directement avec Paris et le haut Montreuil, moins équipé et mal desservi et qui concentre plus de logements sociaux et de personnes à faibles ressources.

La ville est engagée dans un vaste programme de requalification/rénovation urbaine (quartier de la Mairie, Haut de Montreuil, Projet de renouvellement urbain sensible (PRUS) BelAir Grands Pêchers), de construction de nouveaux logements et d’équipements de service public (piscine écologique, ouverture de nouvelles écoles et centres de santé…). Montreuil est une ville de culture(s) dont le rayonnement est régional, national voire international. Elle compte 400 entreprises culturelles et 1 200 intermi ents, 1 000 artistes plasticiens. La ville a également un tissu associatif très actif avec 650 associations.

Les travaux de Robert Auzelle sur le cimetière intercommunal de Clamart il y a 50 ans a été pour moi d’une grande influence. Il est à la fois le résultat d’un projet architectural et paysager ambitieux, visant une homogénéité urbaine entre une cité (la Plaine) et son cimetière. Véritable reconquête du végétal sur le minéral à une époque où tout n’était pas aussi évident. Si l’on se réfère au travail de Robert d’Auzelle, le cimetière est un équipement beaucoup plus vaste, une sorte de jardin, de parc dans lequel les tombes sont disséminées. Le cimetière du Père-Lachaise et le cimetière de Clamart ont été conçus avec une dimension paysagère forte. Ce cadre paysager est de plus en plus recherchée aujourd’hui. Comme je l’évoquais dans l’introduction de ce TFE j’ai une appétence à travailler sur des sujets et des espaces que beaucoup estiment « ragoûtants ». Dans sa représentation, le cimetière en est un ! La mort reste et demeure un tabou mais surtout une réalité urbaine palpable. Celle-ci est marginalisée, hors les murs ou derrière. « La ville contemporaine est en effet le miroir à peine déformant de notre distanciation vis-à-vis de la mort, qui se matérialise très concrètement par la mise à l’écart… de nos défunts. » 1

Il est donc intéressant de « désacraliser » notre regard sur la mort et d’apaiser la relation de défiance que nous entretenons à l’égard de celle-ci pour pouvoir définir de nouveaux espaces. Cette nouvelle relation doit-elle forcément se faire qu’en déconstruisant les murs qui nous séparent des tombes ? La réponse est beaucoup plus complexe. C’est sur cette complexité que je souhaite travailler. Car à mon avis, c’est dans cette relation que le dialogue entre la ville des vivants et la ville des morts prend tout son sens. La surface des cimetières variant de quelques mètres carrés à plus de cent hectares, n’est donc pas à négliger surtout en ville, où l’espace est restreint. Réfléchir à une meilleure insertion du cimetière dans le tissu urbain était pour moi un enjeu essentiel. L’objectif de travailler sur un cimetière consiste, à mon avis à effacer l’image d’une enclave, d’une rupture pour offrir des vues, des transparences, des perspectives et des traversées afin de faciliter la circulation de proximité et d’ouvrir la ville des morts aux vivants.

www.slate.fr, A la ville à la mort, Philippe Gargov, 2 novembre 2013.

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LE CIMETIÈRE ET LE PARC DES BEAUMONTS

Dans la dynamique de la ville compacte, de la densification, il convient aujourd’hui d’interroger la place de cet espace, son intégration dans un tissu urbain renouvelé, son rôle et sa fonction dans la ville au regard des évolutions sociétales. Cette préoccupation est donc soutenue par des aspirations de nature et de quiétude dans les espaces saturés en ville et dans les cimetières. Une approche plus simple, moins ostentatoire et plus soucieuse de l’environnement des obsèques est désormais souhaitée par les usagers et sur l’ensemble du territoire national.

Parc des Beaumonts

Avant de choisir mon site, un territoire, mon envie était d’envisager le cimetière comme un lieu qui s’offre à la ville comme une pause, une transition, un abri, une respiration. La particularité intime du lieu apparaît comme un atout. Dédié aujourd’hui au repos des morts, demain cet espace pourrait être accessible au repos des vivants. Cette envie a été confortée par l’adoption de la loi Labbé en janvier 2017 qui peut être une gageure sur la gestion des lieux funéraires pour les collectivités territoriales. La loi Labbé interdit à partir du 1erjanvier 2017 aux personnes publiques d'utiliser des produits phytosanitaires pour l'entretien des espaces verts, forêts, promenades et voiries accessibles ou ouverts au public. Ne sont pas concernées par cette loi les zones privées et les zones publiques telles que les cimetières, les terrains de sport, les voiries dans les zones étroites ou difficiles d'accès. Cimetière de Montreuil Seuls les cimetières ayant une vocation de promenade sont Vue d’un immeuble depuis le cimetière dans sa partie récente. exemptés de cette dérogation. La difficulté fut de trouver un site d’étude. Mon objectif était de trouver un site densément peuplé où la problématique de la saturation de l’espace était exacerbée.

C'est ici

A

B

Chambre Funéraire

D37 N

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VUES SUR LE PAYSAGE URBAIN DE L’EST PARISIEN Paris

Paysage urbain de la seine-saint denis Bassin de l'Ourcq

A

Le paysage de Monteuil marqué par la présence du plateau de Romainville offre des vues panoramiques sur les paysages de l’est parisien.

Situé à la périphérie de ce plateau, celui-ci fait office de belvédère et offre des vues sur le lointain : le centre-ville, installé au pied du coteau et sur les pentes, le Bas Montreuil, puis le Haut Montreuil, sur le plateau, la vallée de la Seine, en continuité avec Paris et le bassin de l’Ourcq.

Forêt de saint-Germain en Laye Centre-ville

B

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POURQUOI MONTREUIL ?

LE CIMETIÈRE ET SON ENVIRONNEMENT

La recherche d’une localisation et d’un contexte cimetière et le parc des Beaumonts me fit songer à un axe de symétrie où la réciprocité ne s’exprimait pas spatialement. Cette ambivalence entre végétal et minéral très marquée sans véritable dialogue me guida vers des pistes de réflexions pour penser à de nouveaux espaces funéraires.

Montreuil répond à une liste de critères pouvant englober le plus largement possible un champ de problématiques. Outre la densification urbaine, je cherchais un site qui avait été créé au XIXe siècle, en dehors de son centre urbain et rattrapé par l’urbanisation des décennies plus tard. Un critère majeur du site était la présence d’une fracture nette au sein du site telle une infrastructure routière, habitat de type tour… Autre caractère qui prévalait était une histoire particulière et une identité territoriale marquée par celle-ci. J’étais en quête d’un territoire contrasté et morcelé. En termes de population mon choix se tournait vers une population diversifiée que ce soit en termes de cultures, d’âges, de catégories socioprofessionnelles. Mon regard se porta dans un premier temps sur le département de la Seine-Saint Denis, et mon choix s’arrêta finalement sur Montreuil car le cimetière communal est divisé en une partie ancienne et une partie nouvelle par la départementale D37. Cette composition binaire suscita mon intérêt car une lecture historique et spatiale se présentait. Cette fracture très nette, que représente la D37, entre le

Centre-ville

Parc des Beaumonts

Lycée Horticole Jardin École

Murs à Pêches

Complexe des Grands-Pêchers

Vaste espace clos, en mutation dans sa partie la plus contemporaine, le cimetière de Montreuil est un lieu singulier à proximité du centre-ville qui constitue une rupture dans l’urbanisation. Adossé au parc des Beaumonts, classé Natura 2000, avec lequel il partage toute sa limite est et une partie de sa limite sud.

Le cimetière se trouve non loin du centre-ville. La strate boisée du parc des Beaumonts est un repère de l’entrée du cimetière. Située sur les hauteurs du plateau de Romainville, l’accès se fait depuis la rue de Galilée qui marque l’ascension.

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Parc Montreau

N Son inscription dans un contexte topographique particulier, le rend perceptible de loin et largement identifiable par sa trame végétale qui souligne sa composition. Le paysage de la Seine-Saint-Denis est fait de contrastes. Le morcellement de l’espace est une constance à toutes les échelles : grandes zones ferroviaires ou industrielles, ensemble d’habitat collectif, pavillonnaire accentué par de nombreux éléments de coupure. L’espace est haché. La verticalité des immeubles participent à ce fractionnement, découpent l’horizon et déterminent des isolats.

La situation en hauteur du cimetière propose des vues remarquables sur une partie de la métropole du Grand-Paris et sur un paysage naturel, à travers le site des Murs à Pêches, accolé aux parcs de Montreau et des Beaumonts. Le réseau d’équipements dans lequel il s’insère concerne des échelles globales et locales : le parc des Beaumonts, le complexe sportif des Grands-Pêchers, le stade d’athlétisme Jean-Delbert, le lycée des métiers de l’horticulture et du paysage, le secteur des murs à pêches à l’est… Ce sont des espaces plantés qui contribuent à rendre ce contexte urbain très végétalisé.

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MONTREUIL LES 3 PARCS : UNE MAILLE PAYSAGÈRE SEGMENTÉE

POURQUOI MONTREUIL ?

Entre minéralité et espaces naturels

A3

D

41

A

18

D36b

6 D37

D20

Parc Montreau Murs à pêches

A186

Parc des Guilands

D41

Parc des Beaumonts

N302

C'est ici !

D240

N

Montreuil est une grande ville densément peuplée. Cela se traduit architecturalement par la présence d’immeubles pouvant atteindre parfois plus de 37 m. Ces émergences peuvent faire songer à des « montagnes » qui dégagent l’idée d’une certaine puissance, d’un relief artificiel. Ce gigantisme traduit une ambiance minérale particulière par rapport à la dymamique paysagère environnante. Ce pardoxe a suscité mon intérêt, car je souhaitais dans un contexte multiple et composite mesurer l’importance de l’emprise du cimetière et réfléchir à son avenir. Ce type de contexte permet d’étudier les frottements entre la ville de la vie et la ville de la mort et ce qu’ils produisent dans l’expérience urbaine. Cette omniprésence de la ville, tant dans ses volumes, dans ses gabarits que dans la minéralité presque ininterrompue de sa charpente, en appelle à une relation très vive, très tendue. Ce rapport ne semble pas toujours déboucher sur une territorialité heureuse, sur un lien organique et harmonique entre l’habitant et son milieu de vie. De plus, la minéralité du cimetière caractérise cet espace funéraire comme tant d’autres. Cet état de fait est lié aux rites et à l’offre funéraire du moment qui ont pour conséquences de simplifier, de standardiser le paysage funéraire et d’accroître les îlots de chaleur.

Vue depuis derrière l’entrée du cimetière côté Sud-Est

La nature est présente à Montreuil sous de nombreuses formes : des 3 grands parcs aux jardins plus modestes, tous ces espaces participent à un paysage varié et riche dans ce milieu urbain. Cette maille paysagère est corsetée par des infrastructures routières conséquentes. L’autoroute A186 pénètre dans le tissu urbain et vient buter aux pieds des Murs à Pêches, site classé intérêt national depuis 2001. Cette configuration du réseau viaire est semblable à celle du tracé en patte d’oie, héritage de l’histoire des faubourgs de la ville, que nous verrons plus précisément au cours du second chapitre.

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Selon Robert Auzelle, « la réunion dans la mort des membres d’un groupe témoigne de sa cohésion. C’est l’expression visible, parlante, de la solidarité. » Or, dans les cimetières modernes, « chaque monument hurle sa volonté individuelle, son mauvais goût particulier, sa richesse personnelle. » « Comment rendre sensible la « chose collective » ? La pratique du caveau est selon Auzelle la « principale cause de l’aspect chaotique du cimetière » où chacun cherche à se démarquer selon ses moyens et sa fantaisie. Dans l’idéal d’un paysage composé par le végétal, il plaide pour une esthétique unifiée des monuments funéraires. En affirmant cela, il regarde en direction des pays du nord de l’Europe qui depuis le début du XXe siècle travaille contre l’éclectisme et l’individualisation.1 Dominé par des sols imperméables et des emprises minérales, le cimetière de Montreuil invite à réfléchir à de nouveaux rites funéraires, à la dématérialisation du statut des cendres, à l’intégration du patrimoine funéraire dans une maille paysagère, à la gestion, à une diversification de l’offre funéraire… Le cimetière de Montreuil peut être un espace de liaisons écologiques, de transition entre la ville et les espaces naturels jouant un rôle dans la préservation et le renforcement de la trame végétale accessible au public. Pourtant, par nature, le cimetère est difficilement mutable mais il peut être un point stable de la trame végétale et participer à la constitution de bastions contribuant à l’organisation de dispositifs écologiques. L’espace de la concession est en mesure de devenir « un jardin » où l’on associe la mort avec la vie qui reprend sous forme végétale. La connexion avec la nature peut également passer par la vue sur le paysage naturel. Ainsi, choisir une concession, un espace de dispersion avec une vue sur le paysage peut représenter une ressource pour les vivants lorsqu’ils viennent se recueillir. Réfléchir à ces enjeux permet également d’évaluer les répercussions sur la gestion et l’aménagement de cet espace. Les pratiques funéraires disposent et façonnent l'emplacement voué au repos des morts. La ville de Montreuil dans son évolution historique de ces pratiques suit les penchants des différentes périodes.

Vue de la ville depuis le Parc des Beaumonts

R.Auzelle, À la mesure des hommes, Paris : Éditions Ch. Massin, 1980

1

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II La mort et la ville : Une Relation saccadee

1.MONTREUIL UNE VILLE CARREFOUR : XII-XVIIIE Montreuil, déjà une porte de Paris La ville nourricière

La ville de Montreuil entretient cependant avec la mort une relation en lien avec le paysage. La ville des morts s'est insérée dans la trame agricole et industrielle et en a épousé les contours. Les bouleversements urbains contemporains ont redessiné les pourtours et modifié l'inscription de la ville des morts sur son territoire. La nécropole est un paysage funéraire qui garde l'empreinte de ces évolutions. De son côté, elle a également impacté le tissu urbain. Il serait donc intéressant d'observer par la lorgnette cette relation et de voir comment les évolutions urbaines et funéraires ont composé le cimetière actuel de Montreuil.

2.ÈRE INDUSTRIELLE : une ville en plein essor

89 91

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Naissance du cimetière

93 95

Ville ouvrière et horticole

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3.XXE-XXIE SIÈCLES

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un territoire en perpetuelle transformation

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La Chambre funéraire

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Le Parc des Beaumonts

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MONTREUIL : UNE VILLE CARREFOUR XIIE-XVIIIE

Saint-Denis Nécropole royale

Paris

Siège royal

Montreuil déjà une porte de paris .

Montreuil Centre d’un ensemble de paroisses

Vincennes Résidence des rois de France

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Montreuil est peuplé depuis le Néolithique. Il est admis que Montreuil tire son nom du mot latin monasteriolum, signifiant " petit monastère " ou " petite église ". Dès le VIIIe siècle, une charte atteste de la présence d'un village à Montreuil, constitué autour d'un petit monastère implanté à la place de l'église actuelle, et qui englobe une partie du Vincennes et du Bagnolet d'aujourd'hui, sous le nom de Monasteriola. Au XIIe siècle, les autorités ecclésiastiques décident que Montreuil devienne le chef-lieu du doyenné de Chelles. Montreuil devient ainsi le centre d’un ensemble de plusieurs paroisses. L’emplacement de Montreuil, situé entre l’abbaye de Saint-Denis, nécropole royale, et le château de Vincennes, l’une des résidences des rois de France au Moyen Âge jusqu’au milieu du XVIIe siècle, lui offre une position de carrefour de la vie religieuse et royale. Dès cette époque le territoire se divise en deux zones. La première, située au sud-ouest de la ville, est constituée d’une plaine défrichée dès le Xe siècle et forme le Bas-Montreuil. La seconde, située du nord-est au nord-ouest du terroir, forme le Haut-Montreuil. Sur le Haut- Montreuil sont installés les grands domaines de Tillemont, Montreau, la Boissière qu’on retrouve aujourd’hui dans les noms de certains quartiers. Le village prend de l’importance et devient au XIIème siècle un lieu de prédilection pour le haut clergé et les puissants seigneurs. Ce développement s’organise autour de la construction de l’église Saint-Pierre-Saint-Paul, qui devient le lieu de culte du roi et de la cour en résidence à Vincennes. Montreuil est alors situé sur la route reliant Paris à Rosny et sur la route reliant Romainville à Vincennes. Le croisement de ces deux routes, aujourd’hui la Croix de Chavaux, est un carrefour important de la région. 89

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Carte Cassini 100 000e

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Église Saint-Pierre-Saint-Paul


MONTREUIL AU XIIE Église et Cimetière originel

culture maraîchère

Carrefour de la Croix de Chavaux

viticulture culture céréalière

MONTREUIL AU XVIIIE

culture maraîchère viticulture

Carrière de gypse

culture céréalière culture murs à pêches

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Le cœur du village est regroupé autour de l’église, c’est la principale zone d’habitation. Le cimetière primitif se situe au Moyen-Âge sur les abords de l'église. Dès le Moyen Âge, le territoire, modelé par les activités agricoles et la topographie, se divise en deux zones. La première zone, située au sud-ouest de la ville, à la limite de Paris, est constituée d’une plaine défrichée dès le Xe siècle et forme le Bas-Montreuil. La seconde, située sur le plateau en demi-lune, du nord-est au nord-ouest du terroir, forme le Haut-Montreuil. Sur cette zone du HautMontreuil sont installés les grands domaines : Tillemont, Montreau, la Boissière et la ferme Saint-Antoine. Noms qui désignent actuellement des noms de quartiers. La viticulture est la première culture de Montreuil et domine les autres types d’exploitation, recouvrant la partie ouest de la ville et les pentes des coteaux. Cette culture permet de faire vivre les habitants qui peuvent vendre leur production sur le marché urbain parisien. Les zones de cultures sont notamment localisées dans le fief de Montreau, où se situe le moulin à vent. Au XVIIe siècle, les rues de Montreuil sont relativement nombreuses, irrégulières et convergent toutes vers le centre. La ville est aussi traversée en tous sens par les chemins d’exploitation des cultures maraîchères. La nouvelle route pavée (aujourd’hui rue de Paris), remplace le chemin de terre traversant les vignes du Bas-Montreuil, renforce alors la liaison avec Paris et ouvre la voie à un essor économique de la ville Un tournant dans l’histoire de l’agriculture montreuilloise s’amorce durant la période moderne, au XVIIe siècle, avec l’introduction de la culture de pêchers en espalier, dite du « palissage à la loque », le long de murs de plâtre. Si la culture des pêches en est un élément important, l’agriculture montreuilloise reste diversifiée. La culture de la vigne, qui précéda la culture de la pêche, reste une activité importante. La culture de fleurs commence à se pratiquer au début du XVIIIe siècle et se développera par la suite.

MONTREUIL : UNE VILLE CARREFOUR XIIE-XVIIIE Une ville nourricière .

Grâce à l’introduction de la culture en espalier, dite du "pallissage à la loque" ou "palissage à la diable", le long de murs en plâtre qui permettent de protéger les arbres du vent et du froid, la culture des pêches devient rapidement la principale source de richesse de la ville.

Les pêches de Montreuil sont devenues fameuses et vont approvisionner les tables des souverains de l’Europe jusqu’au début du XXe siècle. Les murs à pêches sont encore visibles de nos jours sur le plateau du haut Montreuil

Les sols locaux ont été choisis judicieusement. Les marnes, mélange de calcaire et d’argile riches en gypse, étaient accessibles à Montreuil à ciel ouvert. C’est au cœur des carrières que se développe dès le XVIesiècle l’une des premières industries de Montreuil. Sous l’ordre de louis XIV, les parisiens plâtraient leurs maisons pour lutter contre les incendies. Les habitants de Montreuil en ont construit des supports et des abris pour leurs pêchers. La trame qu’ils forment est intimement liée à la topographie et à l’ensoleillement. Les lignes des murs à pêches mettent en scène les mouvements du terrain, elles forment un paysage architecturé Les horticulteurs montreuillois de l’époque cherchaient un moyen pour que les pêches puissent être récoltées chaque année, malgré un climat mal adapté à ce type de culture. Les pêchers fleurissent au mois de mars, tandis que l’hiver n’est pas encore terminé. Louis XIV ordonna la livraison anuelle des pêches de Montreuil à sa table.

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www.alimentation-generale.fr La "Grosse mignonne" ou "Le Téton de Vénus" est la pêche emblématique de Montreuil

Ce qui marquait l'identité des fruits de Montreuil c'était le tataouage sur la peau du fruit, réalisé à partir d'un pochoir avec les armoiries ou les portraits des destinataires. Le dessin découpé empêchant le soleil de colorer le fruit.


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MONTREUIL FIN XIXE

Cimetière

Carrière

Chemin de fer

Carrière

Carrière

culture maraîchère

Au XIXe siècle les terres agricoles sont remplacées par des usines. Ainsi de nombreuses industries vont prendre possession de la ville : transformation du bois, jouets, plâtreries, briqueteries et transformation des peaux. Les plâtreries exploitent le sous-sol en gypse de la ville. L’opposition entre Haut et Bas Montreuil trouve sa source non seulement dans la topographie, mais aussi dans un développement bien distinct de ces deux parties de la ville. Alors que le plateau reste majoritairement agricole jusqu’au milieu du XXe siècle, le Bas Montreuil commence à s’urbaniser dès le milieu du XIXe. Au XIXe siècle, les murs à pêches s’étalaient sur plusieurs centaines de kilomètres et s’étiraient jusqu’aux villes voisines de Montreuil : Bagnolet, Rosny, Romainville, Fontenay.

ÈRE INDUSTRIELLE Une ville en plein essor

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culture murs à pêches site industriel

©COLL. MUSÉE DE L’HISTOIRE VIVANTE

En 1841 est édifié l'enceinte de Thiers accompagnée d'une enceinte de forts protégeant Paris. Les aménagements marquent fortement le paysage. La rue principale de Montreuil passant devant l'église se prolonge au sud jusqu'à Fontenay. Montreuil développe son industrie autour de la rue de Paris entre l'enceinte de Thiers, son centre bourg, et la Croix de Chavaux. Deux grands percements sont opérés dans le tissu du centre bourg à partir du centre-ville. Il s'agit de deux rues typiques de l'urbanisme moderne du XIXe siècle La trame urbaine de Montreuil est celle des faubourgs. Cette typologie est héritée depuis le Moyen-Âge et se prolonge jusqu'au XIXesiècle. Étant une des villes satellite de Paris, la configuration de tracés en patye d'oie est liée à cette imbrication. Cette charpente viaire fait de Montreuil un territoire maillé et traversant propice à des développements économiques.

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Carrière de Montreuil début du XXe siècle

Carte État-Major 50 000e

En 1870, l’industrie montreuilloise est déjà très diversifiée. La ville compte une quarantaine d’usines autour de trois branches d’activités, la chimie, les arts du feu et l’ameublement. Le quartier usinier et ouvrier du Bas-Montreuil gagne du terrain, entraînant des changements profonds pour la commune. La population montreuilloise passe de 13 000 habitants en 1872 à 32 000 en 1896. Le 1er juillet 1877, au réseau d’omnibus s’ajoute une liaison par tramways hippomobiles entre la mairie et la place de la Nation. Le développement du tramway favorise les délocalisations d’industries de Paris vers Montreuil. D’autres industries très diverses s’installent progressivement (industries chimiques, métallurgiques, imprimeries, travail des cuirs et fourrures, puis mécaniques).

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Fin XIXème, la ville devient célèbre avec Emile Reynaud qui invente l’image animée avec le praxinoscope et surtout Georges Méliès qui va construire les tout premiers studios de cinéma au monde à Montreuil.

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Carcasse de l'ancienne plâtrière Morel qui transformait le gypse. La déprise industrielle a laissé comme héritage les vestiges de cette ère et marque encore aujourd'hui le paysage urbain. Les cheminées restent un point de repère dans le paysage.


ÈRE INDUSTRIELLE ©COLL. MUSÉE DE L’HISTOIRE VIVANTE

©COLL. MUSÉE DE L’HISTOIRE VIVANTE

Sortie de l'usine Hardi-Milori au début du XXe siècle

Ouvriers travaillant dans les carrières de Montreuil début du XXe siècle

L'usine Milori spécialisée dans la fabrication de produits chimiques pour les couleurs et fondée à Paris en 1818 serait la première entreprise à s’installer à Montreuil. En 1827 qu’elle s’établit au 261 de la rue de Paris, sur un terrain de plus d’un hectare, marquant ainsi le début d’une forte industrialisation dans le Bas-Montreuil.

De bonne qualité, ce plâtre est destiné à la province, mais aussi à Paris et sert notamment, à partir de 1852, à construire les immeubles haussmanniens.

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Horticulteurs

Étalage de produits maraîchers aux Halles de Paris début du XXe siècle

Dans les années 1820, la culture des fleurs gagne le coteau de Montreuil. En plein champs ou dans les clos se multiplient la culture des lilas, des violettes, et des jacinthes. Dans la seconde moitié du siècle, un fort développement et une spécialisation se remarque dans les espaces agricoles.

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De nombreux horticulteurs remplacent entre les murs, les légumes par des fleurs faciles à cultiver, giroflées et les pivoines. Le carreau de Montreuil aux Halles représente un dixième de leurs produits. Au XXe siècle, les exploitants accordent plus d'importance aux cultures florales, plus rémunératrices que les cultures fruitières. Le 23 décembre 1878, en mairie de Montreuil, nait l'association dite "société d'horticulture pratique de Montreuil-sous-bois" En 1894, elle devient "régionale" (SRHM). Dès le départ, l'objectif de l'association est de regrouper les horticulteurs de Montreuil pour se faire connaître. C'est ainsi que, le 28 septembre 1920, nait la "fédération des sociétés d'horticulture et des syndicats agricoles de la région Est de Paris". Cette fédération existe toujours et est à proximité du cimetière. 94

une ville horticole et ouvrière La ville de Montreuil de par sa topographie et son occupation du sol marque une double identité : agricole et industrielle. Dans la continuité du Faubourg Saint-Antoine, Montreuil se spécialise dans la filière bois, avec des besoins d’espaces moins importants que la grande industrie. Cette dernière trouve sa place dans des interstices d’une trame urbaine où le maraîchage est encore présent. Au milieu du XIXe, l'industrialisation de la ville s'accélère. Des fabriques au milieu des domaines horticoles et des carrières de gypse (situées à l’emplacement des actuels Parc des Guilands et Parc des Beaumonts) s'installent progressivement. On compte trois grandes carrières de gypse : les carrières Morel (du nom de leur propriétaire) situées à l’emplacement de l’actuel Parc des Guilands, et les carrières Gallet et Leclaire devenues le Parc des Beaumonts. Au début de l’année 1850, les plâtriers et les maçons représentent 50 % de la population industrielle © CLARA FAUJOUR

© CLARA FAUJOUR

Statues de l'horticulture et de l'industrie devant la mairie

Les immigrés s’installent dans le Bas-Montreuil, alors appelé le Nouveau-Montreuil. Bien avant le développement de l’industrie, des ouvriers agricoles bourguignons collaboraient déjà auprès des cultivateurs montreuillois. Cette identité marque le paysage et distribue l'occupation du sol suivant une certaine sociotopographie. Ces deux activités s'influencent et déterminent les productions locales. La proximité des carrières et la rentabilité économique, ont incité les villageois à remplacer la culture traditionnelle de la vigne par celle des fruits et en particulier des pêches.

Le développement industriel, dans les secteurs de la porcelaine, du jouet, de la verrerie est également lié, du moins au début, à l’exploitation du gypse. La géologie a également déterminé son développement économique. La diversification des cultures (maraîchage, horticulture, cultures fruitières) liés à un savoir-faire local fait de Montreuil une des "mères nourricières" de la ville de Paris. L'afflux de population va avoir un impact sur l'occupation du cimetière. Cet accroissement constitue une des conséquences du déplacement du cimetière primitif vers un cimetière en périphérie de la ville. 95


LIMITE DU CIMETIÈRE EN 1876-LIMITE EN 1921

ÈRE INDUSTRIELLE Naissance du cimetière La ville de Montreuil possédait une nécropole autour de

©COLL. MUSÉE DE L’HISTOIRE VIVANTE

Carrière

Cimetière 1921

l'église romane Saint-Pierre-Saint-Paul. Le décret du 12 juin 1804 (23 prairial an XII) et l'ordonnance royale du 6 décembre 1843 prescrivent la translation des cimetières à l'extérieur de l'enceinte des communes de 35 mètres à 40 mètres au moins de l'enceinte des villes et des bourgs. Au début du XIXesiècle, le cimetière de Montreuil est totalement saturé. Pour de multiples raisons, financières, conflits politiques le cimetière de Montreuil tarda à déplacer le cimetière hors de ses murs. À partir de 1824, l'achat d'un terrain à un propriétaire agricole (situé entre les actuelles rues Eugène Varlin et Galilée) marqua la naissance du cimetière Il ouvrit officiellement ses portes le 28 mars 1826, rue Pierre de Montreuil, un an après l'ouverture du cimetière de Montmartre et deux après celle du cimetière Montparnasse.

Il ne cessa d'être agrandi, soit par l'achat de terrains par la municipalité, soit par le legs de terrains par des propriétaires montreuillois soucieux de disposer d'une sépulture ou d'une concession familiale à perpétuité. Un projet d'agrandissement est entrepris. La municipalité a recours à des moyens juridiques dont elle dispose pour procéder par voie administrative à l'acquisition de nouveaux terrains, malgré les contestations des propriétaires. Un décret le 12 septembre 1868, reconnaît d'utilité publique les expropriations effectuées. Cette pratique va devenir le mode d'intervention habituelle. Elle sera de nouveau utilisée pour les agrandissements en 1880 et en 1903.

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N

Limite du cimetière primitif Extensions de 1880-1903 Limite du cimetière actuel Tracés et limites des anciennes parcelles agricoles et futurs tracés du cimetière

La localisation en périphérie perdure entre la fin du XIXe et le début du XXe siècles Le cimetière de Montreuil est situé à l'orée de deux sites de productions, deux paysages. Un paysage agricole architecturé, les Murs Pêches et un paysage urbain industriel : la carrière de plâtre.

Le plâtre pour la construction des murs à pêches était extrait de cette carrière, ce qui explique en partie la proximité des sites. La trame en lanière est un patrimoine encore lisible et constitue une une des identités de Montreuil.

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L'entrée historique du cimetière depuis la rue E.Varlin. Le paysage dans la perspective s'est modifié. Le site de la carrière a laissé place aux grands ensembles.P.Hivert, Le cimetière de Montreuil, reflet d’une société, Musée de l’Histoire vivante, 2008, p.60. 97


MONTREUIL EN 1933

Soixante ans plus tard, à la veille de la Première Guerre mondiale, 122 usines se sont installées, principalement dans le Bas Montreuil, et la population montreuilloise a décuplé, passant à 43 217 habitants. Le travail du bois est au début du XXe siècle l’une des plus florissantes industries du Bas Montreuil. Un habitat ouvrier de qualité médiocre se développe de 1850 à 1950 à proximité immédiate des petites usines, sur les étroites lanières des anciennes parcelles horticoles et maraîchères. Le bâti est relativement bas et lâche : petits immeubles, maisons de ville d’un ou deux logements avec en fond de cour les ateliers des artisans. Les maisons sont fréquemment construites par les habitants eux-mêmes. Le plateau est resté majoritairement rural, essentiellement voué aux cultures horticoles et fruitières. Quelques bidonvilles y apparaissent pendant l’entre-deux-guerres, ainsi que les premiers lotissements privés. La ligne 9 du métro arrive porte de Montreuil en 1933. La partie industrialisée de Montreuil se densifie et jusqu'à être plus urbanisée que son centre bourg. Montreuil se dote d'un cimetière sur d'anciennes parcelles maraîchères. Les nouveaux tracés partant de la place de l'Hôtel de Ville font réseaux avec les anciens qui partent du parvis de l'Église Saint Pierre Saint Paul. La ville va faire de l’aménagement du Plateau sa priorité au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Elle y construit entre 1956 et 1975 plusieurs milliers de logements dans des grands ensembles massifs destinés à absorber la croissance rapide de la population (la ville compte 76 246 habitants en 1954, 96 446 en 1962). Un tissu pavillonnaire se diffuse entre ces opérations d’aménagement. Ainsi se dessine l’opposition entre un plateau majoritairement résidentiel alternant pavillons et grands ensembles et, en plaine, un faubourg industriel déjà vieillissant.

MONTREUIL 1960-1970

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3

XXE-XXIE SIÈCLES

Une ville en perpétuelle transformation

Parc des Beaumonts Collège Jean Moulin

Cimetière 1962

N

Cimetière 1977

N

Les tracés modernes se sont multipliés dans le centre bourg, remplacçant d'autres tracés historiques tout en incluant certains. L'arrivée du périphérique et des grandes radiales le desservant viennent bouleverser le territoire à une plus grande échelle. Le carrefour historique de la Croix de Chaveaux reste le lieu de convergence de la plupart des tracés structurants Il distribue dans toutes les directions des voies qui connectent Montreuil à ses communes voisines. Ce réseau est de plus en plus ramifié à une série de rocades Le cimetière évolue et se modifie au rythme de la ville. Il va progressivement muter.et voir ses interfaces se transformer du fait de l'urbanisation. Celle des 30 Glorieuses va redessiner radicalement les pourtours du cimetière et bouleverser son environnement. De grands ensembles et équipements viennent sertir les limites Sud

Cimetière 1987

N

de la ville des morts. Le collège Jean Moulin va épouser les anciennes limites de l'usine de plâtre. Le cimetière est dorénavant intégré à la ville et n'occupe plus à lui seul les limites de la périphérie. Dès les années 1970, la saturation du site fait porter les regards vers le site de l'ancienne carrière. Le tracé du nouveau cimetière va reprendre en partie celui inhérent au site industriel. Le sous-sol instable des carrières interdit de construire à la surface, qui demeurent donc des espaces boisés. Après une période d'enfrichissement, et après avoir été comblé par les remblais du métro, le site de la carrière est repris par la municipalité pour réaliser un parc urbain. Cette opération va avoir un impact direct sur la nature de l'environnement de la nouvelle extension. 99


XXE-XXIE SIÈCLES Le funérarium

le parc des Beaumonts Chambre Funéraire Cimetière

Photo remise par le service le service funéraire -1976

Chambre Funéraire

N

www.hosiho.com

Cimetière 1977

L'aménagement du funérarium en 1976, est concomitant avec l'extension du cimetière. La construction de cet établissement et l'agrandissement de la nécropole modifient les traits du cimetière "historique". La pratique des rites funéraires se trouve alors modifiée. Les défunts sont désormais reçus dans cet équipement en attente d'obsèques. La chambre funéraire a une architecture typique des années 1970. Typologie architecturale en dôme a les mêmes contours que le

bâtiment du siège du Parti communiste d’Oscar Niemeyer à Paris réalisé en 1971. Cet équipement jouxte le cimetière récent, l’entrée du Parc des Beaumonts et fait face au cimetière historique. La présence de cette structure participe localement au complexe funéraire de la ville. La végétation du Parc des Beaumonts structure aujourd'hui cet équipement et lui fournit une structure paysagère.

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Le Parc des Beaumonts voit le jour dix ans plus tard. Ce parc de 22 hectares, carrière de gypse, situé sur le bord sud du plateau de Romainville (culminant à 110 m). Dès 1930, les galeries souterraines de la carrière sont utilisées par des producteurs de champignons. Longtemps laissé à l’abandon, le site devient propriété de la commune en 1963 qui souhaite en faire un espace vert. Après avoir acheté le terrain et comblé les galeries, la Ville de Montreuil y a aménagé un parc dans les années 1980. Les premiers travaux d’agencement datent de 1986. L'aménagement des Parcs de Montreuil (Beaumonts, Montreau et Guilands) est en lien avec les lois de décentralisation de 1985.

Leur réalisation est à l'initiative du Conseil Général qui souhaitait corriger un déficit de nature dans le département. En 1998, un espace naturel de 11 hectares est aménagé sur le bord du plateau. Sous les directives de Pierre Rousset, le parc a été aménagé et structuré tel qu’il est maintenant : ses prairies fleuries, ses espaces boisés et ses zones humides artificielles (mares permanentes et temporaires) accueillent de nombreuses espèces végétales et animales, dont de nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs habituellement rares en ville. Dans un environnement très urbanisé, cet ilôt protégé, est aujourd'hui l'armature paysagère du cimetière. Il est visible de loin par sa localisation sur le plateau. Il est devenu un repère.

101


L’histoire de la ville de Montreuil relève clairement un lien vivrier séculaire avec la capitale, comme bien des banlieues parisiennes et concourt à son essor. La majeure partie du territoire présente une double identité : agricole et industrielle. Les espaces voués à la culture maraîchère avec son bâti de maisons de culture, concentre l’habitat dans des tissus denses, afin de laisser le maximum de surface aux cultures. Cette vocation agricole a commencé à décroître dès la première guerre mondiale. Elle a duré un temps bien plus long que sa vocation industrielle, étalée plus ou moins sur un siècle. L'occupation du sol résulte de cette industrialisation et de cette activité agricole passée à la mise en place de grands ensembles. Le XXe siècle voit aussi le développement du pavillonnaire de masse. De grandes poches foncières subsisteront jusqu’en 1950, date à laquelle on commence à implanter les programmes de logements sociaux sous la forme de Grands Ensembles. Toutes les traces de l’agriculture et de cette industrialisation n'ont pas disparu. Les traces du passé agricole persistent dans la trame foncière du parcellaire. Le patrimoine industriel est encore visible. Les bâtiments industriels sont de plus en plus restaurés et occupés par des agences d'architectes, designers, indépendants, artisans, illustrateurs, dans des ateliers de "coworking". Le cimetière de Montreuil est situé au cœur de la ville et occupe une place centrale. Il est incorporé dans une maille urbaine. L'urbanisation a progressivement embrassé le cimetière. Il serait donc intéressant de relever par la suite quelle est sa situation actuelle et son intégration au sein de ce tissu urbain. La persistance d'un réseau de type faubourg fait que la nécropole est au centre d'un espace traversant. La persistance des tracés est un phénomène frappant. Il est intéressant de prendre en considération ces lignes de force.

C'EST ICI !!!

« Personne n'a voulu comprendre que la ville future, ce n'est ni le Carroussel, ni l'Arc de Triomphe, mais Issy-les-Moulineaux, Asnières ou Pantin, et que le destin de Paris dépendait du sort, de l'aisance, ou du bonheur, des habitudes ou de la vie instinctive de chaque habitant de ses faubourgs. » Jean Giraudoux

À la sortie du métro Mairie de Montreuil, on peut observer un plan mural en céramique de la Manufacture nationale de Sèvres, réalisé en 1937 par une ancienne élève de l’École des arts décoratifs, Anne-Marie Fontaine (1900-1938). Il représente la Ville de façon schématique avec ses monuments, y compris les plus récents, comme le stade, les écoles et la mairie, et des éléments caractéristiques tels que le sont, entre autres, les Murs à Pêches et les entreprises, et bien sûr le cimetière.

102

103


III Une metonymie un dialogue

a

3

tetes  :

polyseMIQUES

La particularité du cimetière de Montreuil est qu'il est constitué de trois entités distinctes déployant une variété d’interfaces. La figure de style la métonymie consiste à désigner le tout par une partie. Ces trois unités forment un tout mais disloquées spatialement. Cette fragmentation se pressent également dans leur gestion. Tournées et centrées sur elles-mêmes, elles n’entretiennent pas un véritable dialogue. Une connaissance des acteurs et des gestionnaires fut utile pour comprendre le fonctionnement du cimetière et le système funéraire actuel. La composition du cimetière s’est faite au gré des époques sans une véritable conception prédéfinie. Les seuils dans leur matérialité reflètent cette composition « improvisée ». L’environnement autour du cimetière est multiple et peut constituer un support intéressant pouvant être porteur d’un projet en lien avec les préoccupations liées à la mort, les préoccupations environnementales.

104

1. LES 3 TÊTES un espace central, limitrophe et traversant carte d’identité les acteurs

2. COMPOSITION GÉNÉRALE nature et caractéristique une lecture du site topographique et sociotopographique un site mouvant

3. 3 INTERFACES

107 107 112 118

125 125 135 140

145 146 152 155

Ville Parc des Beaumonts Murs à Pêches

105


LE PLATEAU DE ROMAINVILLE : LE PARC DES HAUTEURS

1

LES 3 TÊTES un espace central, limitrophe et traversant. 40 m

Fort d’Aubervilliers

BOBIGNY

PANTIN 45 m

t

65 m

E SEIN

PLATEAU DE ROMAINVILLE

BAGNOLET

PLATEAU DE CHELLES

NOISY-LE-SEC

Fort de Romainville Fort de Noisy Buttes Chaumont Belleville LES LILAS 120 m

50 m

BONDY

Parc Henri Barbusse

PARIS

45 m

Cimetière

Parc départemental Jean Moulin Bas Montreuil Les Guilands 45 m VINCENNES

PLATEAU D’AVRON

110 m

Fort de Rosny

Le plateau de Romainville est un massif gypseux comportant quatre masses d’épaisseurs variables séparées par des couches de marnes argileuses où l’exploitation du gypse a participé au développpement du territoire. Les galeries souterraines des carrières de gypse ne favorisent pas la construction, expliquant ainsi l’importance des espaces verts sur les bords du plateau. Ces espaces sont de natures très différentes : parcs aménagés, squares, espaces en cours d’aménagement ou cimetières.

Les Murs à Pêches 110 m Parc Montreau Parc des Beaumonts 100 m

Butte de Fontenay

FONTENAY

Limites de L’Établissement public territorial Est Ensemble

Limite communale

Principaux espaces verts

Territoire d’échange avec le Grand Paris

Forts 106

À l’Est de Paris, se trouve une large butte appelée communément Plateau de Romainville, est aussi désigné plateau de Montreuil ou de Bagnolet, culmine à 131 mètres sur le territoire de la commune des Lilas. Surnommée parfois « plateau des 10 communes », le plateau est donc à cheval sur 3 départements (Paris, la Seine-Saint-Denis et le Val de Marne). Ce plateau offre sur ses pentes un grand nombre d’espaces verts hétéroclites donnant à voir de beaux points de vue sur le territoire qu’il surplombe.

L’établissement public territorial EST ENSEMBLE envisage de faire évoluer ce territoire en un véritable « parc naturel urbain » qui conjugue « urbanisme écologique » et mutation économique, sur lequel 32 km de promenade suivent les contours du plateau.

GRAND PARIS

PARIS

EST ENSEMBLE

PARC DES HAUTEURS

Montreuil

LE PLATEAU DE ROMAINVILLE Ce projet désigné sous le nom de « Parc des Hauteurs » est l’un des grands territoires stratégiques d’Est Ensemble. Il prend appui sur un projet de valorisation de cette entité paysagère remarquable et méconnue, et sur l’arrivée de nouveaux transports en commun.

107


LE CIMETIÈRE DE MONTREUIL : UNE ACCROCHE TOPOGRAPHIQUE ET URBAINE

LE CIMETIÈRE DE MONTREUIL UN ESPACE CENTRAL

NOISY-LE-SEC

ROMAINVILLE NOISY-LE-SEC

NOISY-LE-SEC

ROMAINVILLE

ROMAINVILLE

LÉO LAGRANGE-BRANLY BOISSIÈRE

ROSNY-SOUS-BOIS

BAGNOLET

BAGNOLET

VILLE HAUTE

PARIS PARIS

FONTENAY-SOUS-BOIS

VILLE BASSE

RÉPUBLIQUE ETIENNE MARCEL CHANZY BOBILLOT

VINCENNES

LA NOUE CLOS FRANÇAIS VILLIERS-BARBUSSE

SOLIDARITÉ-CARNOT CENTRE-VILLE JEAN-MOULIN-BEAUMONTS

RUFFINS-MONTREAU

15 min

Parc Jean Decesari

15 min

VILLE HAUTE

BAGNOLET

49 min

20 min

FONTENAY-SOUS-BOIS

Espace naturel

PARIS

Cimetière

N

ROSNY-SOUS-BOIS 36 min

36 min

MURS A PECHES

22 min

Parc du Château de l’étang

ROSNY-SOUS-BOIS

LE MORILLON BEL-AIR GRANDS-PECHERS

VINCENNES

55 42 min

Parc Henri Barbusse

N

VILLE BASSE La ville de Montreuil est coupée en deux par le Plateau de Romainville. La partie Nord-Est est située sur le plateau. Cette « montée » constitue une coupure topographique avec le reste de la ville. Le cimetière de Montreuil apparaît comme une agrafe entre la ville haute et la ville basse. Le prolongement du tracé viaire au sein du cimetière fait de cet espace un espace traversant et central.

La trame viaire du cimetière redistribue les parcours à l’échelle du quartier, de la ville et des villes limitrophes. Les limites, les angles du cimetière constituent les limites administratives du découpage des quartiers de la ville. La pointe Nord-Est du cimetière est une accroche entre les deux espaces naturels environnants : l’espace des Murs à Pêches et le Parc des Beaumonts. La nécropole apparaît comme une rotule urbaine, un pivot au sein de la ville.

108

FONTENAY-SOUS-BOIS

Porte de Montreuil 36 min

17 min

Accroche

VINCENNES 40 min

Départ

15 min 30 min

15 min

N

Le cimetière est un espace central dans la ville. Tous les trajets en direction des espaces naturels, parcs, forts situés sur les rebords du plateau de Romainville sont à équidistance depuis le cimetière suivant un mode de mobilité douce.

109


LE CIMETIÈRE DE MONTREUIL : UN POTENTIEL ESPACE CENTRAL DANS LA BOUCLE DES 3 PARCS

CIMETIÈRE : UN POINT DE CONTACT UNE NOUVELLE CENTRALITÉ Le cimetière apparaît comme une centralité potentielle, un point de contact entre différentes interfaces de la ville. (Centralité) « Elle dépend du pouvoir d’attraction ou de diffusion de cet élément qui repose à la fois sur l’efficacité du pôle central et sur son accessibilité. L’élément peut être un centre urbain, un équipement polarisant plus spécialisé (...). L’accessibilité est une condition majeure. » 1 Le cimetière à l’heure actuelle ne détient pas un pouvoir d’attraction et de diffusion en tant qu’espace public. Cependant, son accessibilité et sa localisation parmi un archipel d’espaces naturels et d’équipements contribuent spatialement à une forme de centralité.

La situation centrale du cimetière se retrouve dans la boucle des trois parcs de la ville. L’aménagement du cimetière peut constituer une transition, une continuité urbaine et écologique du Parc des Beaumonts avec le reste de la ville. Le renforcement de l’espace public dans cet espace peut lui permettre de sortir d’une position d’isolat et de l’ouvrir à différentes échelles  : quartier, ville, agglomération et métropole

Cimetière Historique

Max Webber affirme ainsi que « la centralité des activités urbaines est liée au degré selon lequel les activités tendent à se rassembler autour d’un point unique dans l’espace » 2. Le cimetière de Montreuil occupe une place centrale mais n’occupe pas encore un véritable rayonnement. Son inscription à l’échelle de la ville en tant qu’espace public investi pourrait offrir des services à une population extérieure. Notamment, en ce qui concerne la promenade du Parc des Hauteurs et la chambre funéraire à l’échelle intercommunale.

École maternelle Georges Jacques Danton

LE CIMETIÈRE DE MONTREUIL : DANS LA BOUCLE DU PARC DES HAUTEURS

École Primaire er d

Les Murs à Pêches

e Fu

L’Équipement territorial Est Ensemble envisage d’un projet d’espace public : La promenade des Hauteurs. Pour illustrer son projet, Est Ensemble montre à plusieurs reprises le parc des Beaumonts et les Murs à Pêches, espaces naturels à haute valeur paysagère.

VILLE COMPACTE

La Collecterie Atelier/Magasin

Ateli

Lycée Jean Jaurès

on

mais

Eglise Saint Pierre Saint Paul

Maison Funéraire CENTRE-VILLE

Lycée des métiers de Jardin l’horticulture et du École paysage Collège Jean-Moulin Ecole-Vélo

Mosquée Mousala

Cimetière Récent

Parc des Beaumonts

Cimetière F.Choay, « L’urbanisme, utopies et réalités : une anthologie », éd du Seuil, coll Points, Sciences humaines, 1979, p. 66. Max Weber, La ville, La Découverte, « Politique et sociétés », Paris, 2014, p.280

1 2

110

Centre sportif Arthur Ashe

Collège Lenain-de-Tillemont

N

www.est-ensemble.fr

EHPAD IUT Les Beaux Monts Église NotreDame des Foyers

Pompes Funèbres

Le cimetière de Montreuil peut s’insérer dans la boucle du Parc des Hauteurs à travers ces deux sites et constituer une prise de contact entre les parcs du Plateau de Romainville et la ville de Montreuil.

ESPACES MIXTES

Collège Césaria Evora

111

Ecoles Maternelles Crèche départementale Henri Wallon PMI

ESPACES NATURELS

É Q U I P E M E N T S


UNE MÉTONYMIE À TROIS TÊTES

Accès

carte d’identité

102-121-122 D37 Avenue Jean Moulin

Nombre d’emplacements

102

Durée des concessions

5 ans 10 ans

121

15 ans 30 ans 50 ans 122

perpétuité

22 000

122

Places disponibles 150 122 122

Offre funéraire gratuite

Horaires

D37

Été Hiver

ossuaire

112

carré des anges

terrain commun

D37 coupe le cimetière en deux parties.

113

Le cimetière de Montreuil est très bien desservi. L’accès routier se fait par la route départementale D37 qui relie Paris-Porte de Bagnolet à Rosny-sous-Bois et traverse la ville de Montreuil. Accès routier qui concerne le circuit crématorium du cimetière Père Lachaise au cimetière de Montreuil. À l’Est de la ville, elle fait un tronc commun avec l’A186 qui dessert la ville de Romainville. La chambre funéraire de Montreuil étant un établissement intercommunal bénéficie d’un réseau multimodal. Le réseau de Bus assure également les liaisons entre la chambre funéraire et les cimetières des villes avoisinantes (Bus 121 et 122) et le crématorium du Père Lachaise (Bus 102) ainsi que d’autres espaces naturels du plateau de Romainville (Fort de Rosny, Château de Villemomble.

102

Gambetta (Paris 20e)-Rosny-ss-Bois

122

Galiéni (Paris 20e)-Val-de-Fontenay

121

Mairie de Montreuil-Villemomble


CIMETIÈRE ANCIEN Naissance

1826

Extensions

1826

1869

1880

Superficie

1973

1903

CIMETIÈRE NOUVEAU

Emprise

Naissances

09,31 ha

Occupation du sol Saturation

Cette partie du cimetière est comme nous l’avons vu dans le Chapitre II le cimetière historique de Montreuil. Aujourd’hui saturé, seules les personnes disposant d’un caveau familial peuvent espérer s’y faire inhummer. La rotation des concessions reste problématique en partie car les corps se décomposent mal.

Part de la superficie communale Part de la surface plantée et surface minérale

Création

1976

Création espace cinaire

2008

100 %

1,05 %

Superficie

15 % 85 %

Emprise Occupation du sol Part de la superficie communale

Les services du cimetière ont commencé depuis cette année à végétaliser les allées du cimetière de la partie historique

Vue au Nord-Est du cimetière La densité des tombes et urbaine est manifeste

114

Vue du cimetière et du Parc Beaumont depuis l'entrée du cimetière

Part de la surface plantée et surface minérale

02,08 ha

75 %

0,23 %

30 % 70 %

La création de l’extension du cimetière et de la chambre sont concomitantes. En 1973, un projet d’aménagement du parc des Beaumonts est proposé par un élu de la mairie, comportant l’extension du cimetière et la création d’un « cimetière paysager ». L’aspect paysager du cimetière réside essentiellement dans la proximité du parc. La strate arborée est certes importante mais l’occupation minérale est tout de même plus importante que l’occupation végétale. Cependant, les strates arbustives sont plus présentes que dans la partie historique du cimetière. La partie récente du cimetière est un espace bi-partite : un espace voué aux inhumations (corps et urnes) et un espace voué à l’incinération. L’espace cinaire a été créé suite à la législation de 2008 qui oblige les collectivités de plus de 2000 habitants de mettre en place un équipement spécifique. La création de l'espace cinaire a été mise en place en même temps que la rénovation de la chambre funéraire. 115


CHAMBRE FUNÉRAIRE

LA CHAMBRE FUNÉRAIRE AU CENTRE DU RÉSEAU DE LA MORT

Naissance

Chambre Mortuaire

-Travaux à l'intérieur du bâti -Travaux aménagements extérieurs

2008-2010

Personnel

3 agents funéraires

Composition 4 salons de présentation 1 salle de cérémonie 1 laboratoire pour Thanatopraxie

1 salle de 18 cellules réfrigérées

Superficie Emprise Occupation du sol-bâti Part de la superficie communale

0,24 ha 25 %

Située à proximité de l’EPHAD des Beaumonts, de l’hôpital et aux pieds des espaces de sépultures lui permet d’avoir une cohérence entre les différentes infrastructures et de centraliser le circuit lié à la mort. De plus, elle accueille dans Limite -seuil entre le cimetière et la chambre funéraire ses murs les défunts des villes limitrophes du département de la Seine-Saint-Denis. La chambre funéraire se situe donc au cœur du réseau de la mort. Sa proximité avec le cimetière lui confère une cohérence organisationnel et une centralité locale. La chambre funéraire est une mission de service public relative au service extérieur des pompes funèbres. Il comprend : le transport de corps, l’organisation des obsèques, les soins de conservation, la fourniture des cercueils et urnes cinéraires, la fourniture de personnel et des objets et prestations nécessaires aux obsèques, inhumations, exhumations et crémations, la gestion et l’utilisation des chambres funéraires. Sa gestion confiée à la société OGF, dans le cadre d’une délégation de service public la coupe des services du cimetière de la ville de Montreuil. Ce cloisonnement entre services est d’ailleurs matérialisé spatialement par une clôture maçonnée qui sépare l’espace du cimetière et l’espace de la chambre funéraire. Aucune liaison directe, autre que visuelle n’existe avec ces équipements.

0,004 %

116

PF

PF

CHAMBREPFFUNÉRAIRE

Hôpital 1976

Lieu de culte

PF

PF Cimetière PF

PF Domicile Crématorium La gestion des cimetières est un enchevêtrement de services publics et privés le tout dans un système de délégation. Elle appartient à la commune et/ou aux établissements publics de coopération intercommunale. La ville de Montreuil gère avec le SIFUREP le système funéraire de la ville. Ce sont les principaux gestionnaires. Le type de gestion de délégation de service public est issue de La loi Sueur en 1993, qui mit fin au monopole communal des pompes funèbres et ouvrit le secteur à la concurrence. Depuis ce jour les pompes funèbres privées s’attribuent un monopole commercial important. Que ce soit dans la proposition commerciale de contrats d’obsèques, que sur la gestion d’établissements funéraires (chambre funéraire, crématorium). Leur présence est au cœur du réseau et du

Nature

système funéraire comme le montre le schéma ci-dessus. Le bilan général qui peut-être dressé au niveau local et national est critique. L’impact sur les collectivités est multiple : --> prix en hausse, déficit de contrôle, matériaux issus de filières étrangères et peu contrôlées, standardisation des produits funéraires, perte d’identité culturelle dans l’art funéraire… L’image de mercantilisme marque ce secteur d’activité économique relatif à la mort. La ville de Montreuil comme tant d’autes est également impacté par ce déséquilibre commercial.

117


UNE MÉTONYMIE À TROIS TÊTES

Les travaux du cimetière, tels que le nivellement, les plantations, l’entretien sont faits sous la surveillance du maire de la commune. Ils ont le caractère de travaux publics et sous soumis à des appels d’offres.

les acteurs À l'échelle du cimetière :

À l'échelle de la ville : Gestionnaires

6 agents chargés de l’entretien du cimetière

2007

ouverture des portes

La gestion est assurée par :

-Les services techniques des espaces verts chargés de l’entretien des allées, inter-tombes et des espaces d’inhumation spécifiques (jardin du souvenir, terrain commun, espaces d’inhumation dont l’entretien est prévu dans le règlement intérieur)

contrôle de travaux

surveillance du marbrier pendant les travaux.

SERVICES MUNICIPAUX

lls sont parfois chargés d’assurer le déroulement de « petites cérémonies » funéraires quand les pompes funèbres ne peuvent ou ne veulent pas le faire. Ces agents sont sous la responsabilité d’un chef de service, véritable interface entre les agents et le bureau de la conservation.

-Les familles entretiennent la concession et les constructions qui s’y trouvent. Les usagers fleurissent les tombes essentiellement par des plantes coupées, en pot ou encore en plastique.

SIFUREP1

Chef de service Bureau de la conservation

-une référente administrative chargée de la gestion du personnel -une personne responsable du budget et de l’accueil des familles. -une personne qui travaille en relation étroite avec les pompes funèbres.

118

SYNDICAT INTERCOMMUNAL

Service espaces verts spécifiques au cimetière

Service voirie

OGF Délégation de service public

CHAMBRE FUNÉRAIRE

1 Le SIFUREP est un Syndicat mixte qui a pour missions d’organiser, de gérer et de contrôler le service public funéraire pour les collectivités adhérentes. Pour la gestion de la chambre funéraire de Montreuil il a conclu, avec le délégataire OGF (« Obsèques générales de France », leader français des services funéraires avec sa marque commerciale historique PFG -Pompes Funèbres Générales), un contrat de délégation du service extérieur des pompes funèbres (pour une durée de six ans à compter du 1er janvier 2013).

119


ÉTAT ACTUEL DU SCHÉMA D'ACTEURS

Le jardin école et le lycée horticole : Des acteurs potentiels ?

Acteurs publics

Standardisation de l’espace funéraire

-Services techniques ville :

Gestionnaires :

Le jardin école est situé sur un terrain communal pour lequel la société régionale d’horticulture de Montreuil. Ces deux établissements participent dans leurs activités à la trame paysagère du Haut-Montreuil. Cette association vieille de plus de 130 ans a fait bénéficier la ville de la renommée de ses horticulteurs. Elle se charge de valoriser des savoirs faire arboricole pour certains tombés en désuétude. Depuis dix ans, elle mène un programme d’action dynamique tourné vers le quartier et les écoles. Elle a par exemple proposé un programme d‘activité sur le thème « Patrimoine, pêches, pommes et potagers » dans le cadre d’un appel à projet des écoles « classes de ville ». L’association organise aussi des ateliers pédagogiques pour les écoles et accueille chaque année depuis 2008 la ferme pédagogique temporaire (plus de 3 000 visiteurs par an). Jusqu’à présent, le lycée horticole n’avait que peu d’actions tournées vers la ville, hormis une vente annuelle de plantes, ouverte à tous. Depuis l’année scolaire 2013-2014, le lycée commence à se tourner vers les espaces de la ville pour son programme de formation en stage collectif.

-Espaces Verts -Voirie

-Mairie

-SIFUREP

Acteurs privés Habitants / Riverains :

Saturation de l’espace dans un milieu urbain dense Interface et covisibilité rude

-Vivier associatif (Murs à Pêches…) -Établissements publics (Lycée Horticole, Jardin-École) -Artisans, Artistes

www.paris-bise-art.blogspot.com

Ces deux structures peuvent représenter des interlocuteurs potentiels et acteurs dans le cadre d’une gestion participative du cimetière. La proximité des lieux est un atout considérable.

Le cimetière est jalonné d’équipements d’obédience horticoles et de jardins familiaux. Ils constituent sur le territoire de Montreuil un vivier associatif très important. Un rapprochement avec ces structures est envisageable dans le cadre d’un plan de gestion participative.

- Vide juridique concernant de nouvelles pratiques (humusation des corps, inhumation en pleine terre, aquamationhydrolyse alcaline…)

Monopole du marché funéraire

Manque de qualité du cadre de vie Relative absence de ressources, de biodiversité

Ségrégation spatiale

Logique urbaine Perceptions

120

Acteurs privés -Pompes funèbres

-Usagers/visiteurs -Communautés religieuses (juive, chrétienne, musulmane) -Laïcs - Manque d’investissements / appropriations de l’espace par les habitants

- Absence d’économie locale liée à cette activité funéraire - Absence de lieux de sociabilité (café, espace de rencontres…)

Acteurs publics

- Absence d’une gestion : *l’eau (arrosage automatique) *des sols (pollutions) Gestions vitales pour le Parc des Beaumonts (Classé Zone Natura 2000) à proximité du cimetière Logique économique Logique communautaire Logique de gestion

121


Le cimetière désigne un genre de création pouvant prendre des formes multiples. Dans les cimetières « naturels », les plantes, les fleurs, les arbres au pied desquels sont inhumées les cendres remplacent les monuments, servent de repères et symbolisent la continuation de la vie. Dans le cas de la dispersion des cendres, les traces sont minimales. Il s’agit d’une pratique volontairement anti-monumentale. Et on passe de la figure du monument massif et imposant à celle de l’empreinte légère et éphémère. Ces nouvelles matérialités du funéraire définissent une nouvelle esthétique et invite à une créativité.

ILLE DES VIVAN

V LA

123

ILLE DES MO

R

TS

122

AV

TS

Les caractéristiques du cimetière reprennent en partie celles de la ville. Le cimetière et la ville sont scindés en deux : la ville par la topographie et le cimetière par une infrastructure routière. La ville haute et la ville basse ne se reflètent pas dans leur composition et leur structure générale. La localisation du cimetière fonctionne comme une jonction entre ces deux espaces urbains. C’est pourquoi le révéler comme un espace central et traversant permettrait à la fois de suturer en partie les deux villes et ainsi d’ouvrir la ville des morts sur la ville des vivants. Le cimetière dans son fonctionnement actuel ne permet pas cette ouverture. Les équipements qui composent le cimetière sont tournés sur eux-mêmes et n’ont pas de contact entre eux et avec leur environnement. Cette situation renforce l’idée d’un vide tant au niveau spatial qu’en termes de gestion. En dehors du cadre actuel, il n’y a pas véritablement de plan de gestion différenciée. Elle demeure essentiellement fondée sur des pratiques horticoles traditionnelles. Repenser un cadre juridique, une gestion, réaffirmer une centralité sont des moyens d’offrir un cadre, de nouveaux espaces et usages sur lesquels s’appuyer pour réaliser un espace novateur, participatif et cohérent. Repenser le fonctionnement des services funéraires serait un moyen de générer une économie locale à différents niveaux. Après avoir sondé les enjeux à l’échelle de la ville, il est venu de prendre le pouls des enjeux à l’échelle du cimetière et de lire comment la ville des morts se structure à côté et en face de la ville des vivants.

L


COMPOSITION GÉNÉRALE

2

Nature et caractéristique

L’art funéraire, les rites, les pratiques qui accompagnent la mort sont avant tout des constructions sociales qui varient avec le temps. Là, tout est allégorie et représentation : la disposition, l’emplacement des sépultures, l’organisation de l’espace, les monuments, les inscriptions, la géographie « interne du lieu » du lieu, l’art funéraire. Les lieux d’inhumation sont des musées à ciel ouvert, où la mise en scène de la mort implique une série de métaphores. Il ne s’agit pas seulement d’une série de données mémorielles, ils sont aussi des témoins muets de nos attitudes individuelles et de nos comportements collectifs. Dans le cimetière se lisent les traces des citoyens du passé et de l’évolution de la ville et de la culture. À travers cette lecture, il est possible de distinguer des

124

125

groupes sociaux à différentes époques, qui ont vécu ensemble, qui sont morts ensemble et sont regroupés dans la mort : les soldats, les plus vulnérables, les bourgeois, les différentes confessions… Les cimetières ont été organisés et hiérarchisés en fonction des durées, tailles et coûts des concessions en installant les concessions cinquantenaires ou perpétuelles contre les enceintes ou dans les allées les plus accessibles. Les concessions de 30 ou 15 ans dans des allées moins visibles. Les terrains communs concédés pour 5 ans, comme nous l’avons vu précédemment se retrouvent souvent sur des allées en impasse éloignées des entreés. La lecture de cette construction sociale et historique se lit aisément dans le cimetière de Montreuil.


STRATES PATRIMONIALES

Le cimetière révèle une partie insoupçonnée de l’histoire locale. À travers les monuments, leurs inscriptions une lecture de société sociale, locale et nationale se déchiffre. Leurs emplacements et leur agencement est également une source d’informations. N

Le patrimoine funéraire est concentré dans les divisions du Nord-Ouest qui composaient le cimetière originel. Elles conservent l’aspect original donné par les sépultures du XIXe siècle. Les monuments les plus remarquables et de dimensions importantes sont souvent situés le long des allées. Chapelles et concessions portent les noms issus de la bourgeoisie terrienne, cultivateurs et propriétaires et les acteurs de la vie politique locale. Les alliances patrimoniales conclues au fil du temps par les familles montreuilloises manifestent de la force des liens de parenté affichés sur les noms combinés des familles. Ces sépultures matérialisent jusque dans l’univers mortuaires, la prise de possession du sol et de l’espace. Les sépultures des personnes modestes de cette période ont disparu du fait de la rotation des concessions. Dans les espaces environnants, le patrimoine présent est relativement contemporains et se diffuse parmi ce patrimoine ancien. La partie sud en contrebas, est accessible par une très large voie dont le fond de perspective est le monument « Aux morts glorieux ». Monument dédié aux soldats tombés lors de la Ière Guerre mondiale, de la Seconde, d’Indochine et d’Algérie.

patrimoine funéraire patrimoine funéraire commémoratif patrimoine contemporain patrimoine diffus diffusion et entremelage d’époques historiques

126

Des carrés militaires sont implantés en terrasse à proximité immédiate du monument. Disposés de part et d’autre de l’allée monumentale, leur centre est marqué par un prunus et des haies qui soulignent les limites des divisions. Le monument aux morts est impossible à éviter. Il occupe tout l’espace visuel dès l’entrée. Les divisions à proximité du monument sont densément occupées. Cette partie est relativement arborée, regroupant de chaque côté de l’allée principale des divisions de grandes tailles et un patrimoine funéraire contemporain. Édifié au centre du cimetière, le monument divise en deux le site. La partie Nord, la plus élevée, offre des vues remarquables. Dans cette partie, face à une entrée, un obélisque orne une place ovoïdale en hommage aux citoyens morts pendant la commune en 1871. Le cimetière récent offre un paysage funéraire diversifié du fait de la présence de l’espace cinaire. Cependant, le patrimoine funéraire demeure contemporain puisque les premières sépultures datent de la fin des années 1970. Comme le cimetière historique, l’image d’une standardisation du paysage funéraire prédomine à certains moments.

127


NATURE DU SOL-VÉGÉTATION

HIÉRARCHIE DES VOIES

Le sol du cimetière ancien est dans sa globalité relativement minéral. Il est composé d’une diversité de nature des sols. Dans l’ensemble, les chaussées et les trottoirs sont recouverts de bitume, de bitume rose/ rouge ou gris. Les pavés de caniveaux latéraux sont préservés. Depuis l’entrée principale, la perception du bitume est très forte. Cependant, plus on avance et plus cette dominante s’atténue car une grande partie des allées secondaires de la partie haute sont depuis peu enherbées. Comme le cimetière ancien, la nécropole récente est scindée en deux. La partie Nord est relativement minéralisée, tandis que les emprises du Sud qui longent le parc et le funérarium sont très végétalisés. Ces deux univers sont séparés par le double alignement qui longe la voie Nord/ Sud. L’extrémité Sud forme une enclave très minérale très peu intégrée au cimetière comme à son environnement. La partie Nord du cimetière accueille de grands sujets qui embrassent les espaces d’inhumation. La minéralité des tombes est estompée par cette ambiance boisée. Le jardin du souvenir et le colombarium se situent sur une partie engazonnée et à l’ombre d’une strate arborée. Le colombarium est composé de plusieurs groupes de columbariums formés de tronçons de murs curvilignes roses. Cette production marbrière est le résultat d’une commande sur catalogue.

Type de nature de sols

N

strate minérale

strate arbustive

enrobée

gravier

strate enherbée

strate enherbée strate arbustive strate arborée

N

128

Hiérarchie des voies primaire secondaire desserte

N

deux parties. Une allée traverse dans toute sa longueur est bordée par des arbres qui contribuent à souligner la hiérarchie des voies. Dans la partie Nord, deux voies Est-Ouest bordées de platanes rejoignent un autre alignement de platanes qui longe la clôture Nord-Ouest du cimetière. Le cimetière récent a une forme globalement triangulaire et compsé de trois entités. La séquence d’entrée s’organise suivant d’une voie d’esplanade perpendiculaire à la D37 (Avenue Jean-Moulin). Elle conduit à un axe Nord-Sud qui séparent les divisions traditionnelles de l’ouest semblables à celles du cimetière ancien, de celles de l’est, plus récentes et plus plantées. Ce dernier secteur en lien avec le Parc des Beaumonts occupe environ 1/3 du du site. L’ensemble des voies principales sont recouvertes de bitume. En revanche, la majeure partie des allées des divisions est composé d’un sol perméable (gravier). Depuis le mois de septembre les services du cimetière engazonnent les allées et le devant des tombes. 129

Les allées primaires permettent la circulation des véhicules (entretien, cortèges,...) et des personnes à l’intérieur du site. Les allées secondaires relient les voies primaires et permettent l’accès aux allées des divisions. Les dessertes favorisent l’accès des personnes depuis les allées principales jusqu’aux sépultures. Le cimetière ancien à la forme générale d’un trapèze. La composition général du plan est orthogonale. Les voies principales sont orientées perpendiculairement et parallèlement à la pente. Ce plan en grille est renforcé par les arbres d’alignement qui bordent une partie des divisions. La partie Sud, en contrebas est accessible par une séquence d’entrée axée sur une très large voie dont le fond en perspective est le monument aux morts. Le retournement des arbres d’alignement le long des allées longeant le monument Est-Ouest, redouble sa composition et souligne la partition de la nécropole en


DIVERSITÉ TYPOLOGIQUE DE REVÊTEMENT

ÉQUIPEMENTS ET ESPACE CINAIRE

Toilette publique

Poste de garde Toilette publique

Cavurnes

Locaux Techniques

Salle d’accueil Bureau de conservation

Jardins du souvenir Espace de dispersion de cendres

Salle d’accueil

Jardin du souvenir

N

Colombarium

Espace cinaire Jardin du souvenir

Cavurnes

Fontaine d’eau potable

Colombarium Jardin souvenir devant terrain commun

L’espace lié au devenir des cendres a été attribué spatialement en périphérie du cimetière à proximité du parc. Le choix de l’emplacement est plutôt judicieux, car il se situe sous une couverture arborée. Cependant, la qualité d’agrément mériterait d’être repensée. Monument que l’on retrouve dans d’autres cimetières du SIFUREP. La composition du site cinaire tire très peu partie de ce site exceptionnel. La partie des cavurnes se regroupent autour de deux secteurs. Le premier est formé de plusieurs alignements autour de quatre emplacements. Le deuxième secteur répartit autour de huit emplacements autour d’un cercle au sein duquel des plantations semblent possibles.

130

131


L’EAU

LA GESTION DES DÉCHETS

LE MOBILIER

La présence des 36 fontaines alimentées par l’eau potable de la ville est un véritable enjeu concernant la gestion de l’eau au sein du site. Ces points d’eau sont essentiellement utilisés pour l’arrosage des fleurs en pot sur les sépultures. Certains espaces bénéficient quant à eux d’un arrosage automatique. La minéralité et l’imperméabilisation du cimetière localisé sur les pourtours Sud du Plateau de Romainville favorisent l’accroissement du ruissellement en termes de volume et de débit des écoulements, au détriment de l’infiltration dans le sol. Envisager un cheminement de l’eau au cœur du cimetière est un moyen de limiter les risques d’inondation et les risques de pollution. L’arrosage des massifs communaux pourrait être alimenté par les eaux de toiture ou autre bâtiment dans l’enceinte du cimetière. Ce dispositif nécessite une réflexion préalable sur sa faisabilité et son intégration à l’espace public. La localisation du cimetière à l’orée de la ville basse et la ville haute peut être un réceptacle des eaux pluviales en lien avec l’espace naturels du Parc des Beaumonts. Cette gestion du cycle de l’eau dans l’espace funéraire permettrait de réduire la vitesse des flux et pourrait être une ressource pour le cimetière dans un aménagement paysager de renaturation, et un levier pour une meilleure gestion de l’espace et contribuer à des services écosystémiques. En cas de canicule, le cimetière est ouvert et les fontaines sont accessibles aux habitants. Aménager le cimetière comme un îlot de fraîcheur permettrait de faire du cimetière un espace refuge.

La gestion des déchets est un problème important en terme de gestion, et de pollutions visuelles… L’emplacement d’un conteneur poubelle peut être intégré à la haie, par des plantations ou être enterré. On peut aussi y intégrer un compost collectif pour les usagers. Cette gestion des déchets peut-être en lien avec une gestion participative du cimetière. Un réseau de récupération de composte peut-être planifié avec le Jardin école et le Lycée Horticole peut être envisageable. Cette nouvelle gestion est un moyen de fonctionner en circuit court concernant la production de matière organique.

Les assises, poubelles, fontaines et arrosoirs composent quasiment l’ensemble du mobilier du cimetière. Les assises d’un style disparaître sont assez présents sur l’ensemble du site. Le dessin des fontaines répond à une typologie de fontaines en fonte au dessin sobre et esthétique. Un design de certains de ces mobiliers peut être repensé pour une meilleure intégration, continuité et cohérence au sein de cet équipement. On recense souvent le même mobilier que dans l’espace urbain ordinaire. Un cimetière n’est pas un espace ordinaire. Sa symbolique renvoie une atmosphère qui fait de lui un espace différent. Sa proximité entre des espaces différents tels que l’espace urbain environnant et le Parc des Beaumonts invite à réfléchir à un mobilier à la croisée de ces transitions. La place que l’on accorde aux cimetières dans la ville reflète la relation entre les vivants et les morts. Repenser les détails du mobilier pour l’aménagement du cimetière de la ville permettra de conforter l’ouverture de la ville des morts sur la ville des vivants. Réfléchir à des fonctions innovantes peut-être aussi un moyen de créer une certaine attraction de ce lieu. Des équipements peuvent être mis à disposition du public : poubelles, bancs, abris… Les familles en ont besoin lors de leur visite au cimetière. Chacun de ces éléments doit être pensé en harmonie avec l’ensemble (dessin, choix des matériaux, couleurs).

Entretien avec le reponsable du cimetière

1

132

133


COMPOSITION GÉNÉRALE

A’

B

un jeu topographique

B’

A

COUPE LONGITUDINALE 1000E N

COUPE TRANSVERSALE 1000E N

B

B’

105 m

110

105

96 m A

A’

100

Pente 12 %

100

Pente 5 %

Pente 8 %

Pente 10 %

95

95

90

90

85 80

8m

Voirie

135

Espace enherbé

255 m

Voirie cimetière

2,5 m 5m

6,50 m 2,50 m Sépultures

Voirie

Voirie

3,50 m Espace enherbé

Espace enherbé Voirie

35 m Sépultures

26m

5 m 2 m 2,5 m

Sépultures

43 m Sépultures

20m 2,5 m

5m Voirie

Sépultures

Voirie

Monument aux morts

Espace enherbée

Esplanade

Voirie

Sépultures

134

48 m carré militaire

Voirie

5 m 5 m 6,50 m 8,30 m 5 m

2,5 m

41m Sépultures

10,5 m

5m Voirie

Voirie Sépultures

45 m Sépultures

3m 2,50 m 4m 2,50 m Trottoir-Alignement d’arbres 3,50 m 6m Voirie Trottoir-Alignement d’arbres 3 m 5m Sépulture 5m Voirie

21 m 2,50 m Voirie

Espace enherbé Parking Voirie Parking

28 m 2,50 m Sépultures Voirie

Sépultures

85

75


COMPOSITION GÉNÉRALE

une lecture sociotopographique

Le cimetière de Montreuil est situé dans un contexte topographique particulier. Cette inscription en bordure du Plateau de Romainville lui confère une force paysagère à l’échelle de la ville et à l’intérieur du site. La partition en deux de l’ancien cimetière est très visible sur la coupe. Le monument au mort marque deux ambiances topographiques et deux séquences bien distinctes. De plus, les divisions de la partie Nord sont de plus grande taille que la partie Sud. La densification de l’habitat funéraire s’est d’ailleurs faite sur l’espace des allées et de la voirie. Les allées sur la partie Sud se sont réduites à 2 m 50 alors que le gabarit des autres allées sont de 5m. Dans la partie haute, la visibilité sur le cimetière récent, le funérarium et le Parc des Beaumonts délivre une vision d’ensemble très forte. Avec cette vision dégagée le cimetière de Montreuil donne l’impression de couvrir à lui seul un îlot. L’Avenue Jean-Moulin divise l'équipement et marque le seuil entre le cimetière ancien et le nouveau. Séquence marquée par l’infrastructure mais également par un changement de dénivelé. À l’intérieur du cimetière récent les jeux de dénivelés font que le parc participe directement au paysage intérieur du cimetière.

Vue depuis l’Ouest, de l’entrée du cimetière à la limite du Parc des Beaumonts, vue sur l’ancien cimetière

N

carré des enfants

carré confessionnel musulman

carré terrain commun

carré confessionnel tzigane

Allée principale depuis l’entrée du récent cimetière, vue côté Est, vue sur l’ancien cimetière et l’habitat pavillonnaire environnant.

136

carré confessionnel juif

Le cimetière est un lieu éminemment social puisqu’il représente les différences sociales et religieuses jusque dans le culte des morts. Cette répartition se lit au sein du cimetière et s’inscrit suivant une topographie bien précise avec des limites plus ou moins végétalisées. La localisation de ces « carrés » est très souvent relayée en périphérie. Deux carrés juifs sont implantés, un dans l’ancien et un dans le nouveau cimetière. Dans la partie actuelle le carré confessionnel juif est inscrit dans la topographie, à la limite du Parc des Beaumonts. Il est constitué de deux carrés qui se font face à face. Ces deux espaces sont délimités par des strates arbustives hautes créant une sorte de « chambre bocagère funéraire ». 137

Cette frontière végétalisée a été souhaitée par la communauté religieuse. Le carré confessionnel musulman également situé sur les terrasses de l’ancien cimetière à l’extrémité NordOuest du cimetière et face à l’entrée depuis la rue Paul Doumer est ceinturé d’une strate arbustive de taille moyenne. Le carré confessionnel orthodoxe épouse également une position excentrée à la frontière de la chambre funéraire et du Parc des Beaumonts. Cette localisation a été décidée par les services municipaux en vue de laisser la communauté Tziganes célébrer les banquets funéraires sur les sépultures. À l’abri, dans un écrin de verdure, des regards des autres familles, la communauté tzigane est libre de pratiquer ses rites funéraires. Cette division est aujourd’hui sous occupée. Dans l’attente elle demeure engazonnée. Le carré des enfants et le carré de terrain commun sont à l’extrémité du cimetière et s’inscrivent dans la topographie du Parc des Beaumonts. Le carré des enfants fut réaménagé en gradins car les sépultures n’étaient pas délimitées. Le carré de terrain commun, ou plus communément appelé carré des indigents, pour ne pas évoquer l’idée d’une « fosse commune ». Les emplacements sont individuels et sont mis à disposition pour une durée minimale de 5 ans. Au terme de ce délai, le cimetière ne les reprend pas systématiquement. Il ne le fait qu’en fonction des besoins. On exhume alors les ossements et les bois de cercueils, qui sont ensuite incinérés. Les cendres sont mises dans un caveau commun sans identification.


Carré confessionnel juif dans le cimetière récent

Carré confessionnel orthodoxe

Carré confessionnel musulmans

Carré des anges et terrains communs

Un jardin des souvenirs est d’ailleurs réservé à la dispersion des cendres. Ces deux carrés à l’écart de l’ensemble du cimetière clôturent et ceignent le cimetière. Il y a donc une urgence visuelle et sociale à réaménager l’espace des carrés de terrain commun et de celui des enfants. La requalification de ces espaces situés à l’orée du Parc des Beaumonts permettrait de rétablir une certaine forme de dignité devant la mort. Une trame végétale serait à même de conduire la revalorisation de cet ensemble très minéralisé. Il serait intéressant de repenser cette partie afin de réduire cette position d’isolement, gommer cette interface assez rude et de l’intégrer au reste de la ville des morts. L’emplacement des tombes sur un système de gradin peut être repensé pour signifier par la suite un interstice entre le cimetière et le Parc des Beaumonts.

La solution des « carrés confessionnels » au sein des cimetières communaux serait pour certains élus la seule compatible avec la législation en vigueur, qui entend éviter toutes discriminations fondée sur la religion, les croyances ou non. La configuration de ces espaces est actuellement isolée du reste de la ville des morts. L’idée est de les reconnecter avec le reste de la nécropole.

Ce qui est intéressant de retenir dans cette limite c’est la trame végétalisée qui distingue l’espace public, la voirie, de l’espace intime des sépultures. L’objectif par la suite est de reprendre ce principe sur l’ensemble de la nécropole afin de dessiner des espaces de recueillement sur l’ensemble du cimetière et ainsi estomper cette ségrégation spatiale

138

Carré commun dit des indigents et carré des anges (enfants)-gradins Partie sud du cimetière contact avec le parc

139


COMPOSITION GÉNÉRALE Un sol mouvant Butte témoin, un patrimoine géologique, paysager fragile :

Calcaire de Brie Marne verte Marne supragypseuse Ancienne carrière

Cimetière

1

0

1

2

3

4 Km

N

Les buttes-témoins sont constituées de sédiments non dégagés par l’érosion. Emergences plantées, elles jouent un rôle particulier dans le paysage : ce sont des belvédères. Le sous-sol de Montreuil et de la région de l'Est parisien est composé essentiellement des formations suivantes : - le travertin de Brie (roche dure (couche perméable), qui permit, au XIXe siècle, de fabriquer les moellons de construction réclamés par l'urbanisation parisienne (calcaire du Sannoisien supérieur très perméable) ; il est recouvert de limons. Son épaisseur sur le secteur d'étude varie de 2,5 m à 4,7 m.

- les argiles vertes dites de Romainville (du Sannoisien inférieur) de 5 à 6 m d'épaisseur sur le plateau et de 5 à 2 m sur le versant. L’argile verte caractérisée par son imperméabilité explique la présence de la nappe du travertin. Elle affleure sur les limites du plateau. Par son caractère imperméable, elle contribua au développement des cultures maraîchères. Vers la fin du XIXe siècle, ces marnes et glaises seront exploitées par des briqueteries dotées de fourneaux avec cheminée. Les marnes contiennent de l'argile, du calcaire et parfois du sable. Le calcaire s'est formé il y a 35 millions d'années dans les lagunes à l'Est de Paris.

140

Aléa très élevé Aléa élevé Aléa moyen Sens des ruissellements

N

Une tombe dans le cimetière historique de Montreuil. Affaissement de la sépulture suite à des mouvements de terrain

Plan de Prévention des Risques de Mouvements de Terrains, Affaissement et effondrement liés aux anciennes carrières et à la dissolution du gypse, retrait gonflement des argiles, 22 avril 2011, Commune de Montreuil.

L'existence d'anciennes carrières souterraines abandon- les marnes supra-gypseuses, (marnes de Pantin et d'Argenteuil) Les marnes de Pantin reposent sur les marnes d’Argenteuil qui nées peuvent-être à l'origine de mouvements de terrain et constisont plus imperméables. Les marnes de Pantin sont aquifères. Le tue un risque majeur pour les aménagements existants et une gypse, ou pierre à plâtre, furent exploitées par les carrières dès le contrainte vis-à-vis de l'occupation ultérieure. Les eaux naturelles constituent un facteur déclencheur ou aggravant XVe siècle. - Les formations affleurantes sont par endroits recouvertes par des des risques. La dissolution du gypse et les retraits-gonflements remblais : il s’agit de sols très hétérogènes composés de mélange d'argile car le gypse se dissout au contact de quantités suffisantes de terre végétale, matériaux divers, corps de chaussée et gravats. d'eau courante. Des poches souterraines de gypse peuvent ainsi se Montreuil est posé sur une zone coquillière allant de Charonne à vider de manière invisible, et s'effondrer sous le poids du terrain supérieur. Joinville et de caractéristique fossilifère. Sur cette couche argileuse, on retrouve la nappe superficielle du Travertin. Généralement peu profonde sur le territoire de Montreuil (105.00 m en moyenne). Son niveau remonte rapidement pour chaque pluie supérieure à 5mm, ce qui provoque nombreuses émergences, notamment en centre-ville et dans le quartier de Ruffins. 141


CONTEXTE HYDROLOGIQUE Entre le monument et l’empreinte, il y

Ru Gobetue

Bassin versant Quartier Ruffins

Murs à Pêches Zone inondable ou de débordement

Bassin versant centre Montreuil

Direction de ruissellement Bassin de rétention

N

Des bassins de rétention existants sont saturés en cas de pluie. Il ressort que les eaux infiltrées sur le haut plateau rejoindraient la nappe du Travertin et s’écouleraient soit vers le Sud-Est (les Ruffins), soit vers le Sud-Ouest (secteur de Murs à Pêches). ll n'y a plus de cours d'eau à Montreuil mais plusieurs cours d’eau s’y écoulaient autrefois. À proximité du cimetière, le ru Gobetue, été enterré lors de l’urbanisation de la commune. Seul en témoigne aujourd’hui une résurgence du ru Gobetue. Compte tenu de la situation géologique sur le rebord du plateau, l’eau est peu profonde dans le sol. Les mares existantes, même créées artificiellement, témoignent de cette disponibilité de l’eau dans la ville. Certaines de ces mares sont d'anciennes fosses de refroidissement d'activités industrielles. Bien que Montreuil ne soit traversée par aucun cours d’eau, la commune est exposée à un risque d’inondation pluviale urbaine « assez fort » en cas de forte pluie. Les rues basses de Montreuil

sont sujettes à ces inondations par ruissellement aussi ponctuelles qu’impressionnantes. Ces problèmes d’inondation sont dus à la topographie  : le phénomène des grands bassins-versants associé à la forte imperméabilisation des sols provoque une concentration des eaux de ruissellement entraînant ainsi la saturation et le débordement du réseau d’assainissement. Les secteurs exposés à ce risque sont situés le long du thalweg formé par le lit de l’ancien ru de Vincennes (enterré). À plusieurs reprises l’état de catastrophe naturelle a été reconnu par arrêté ministériel.

a une différence de poids. Le monument pèse, l’empreinte n’a pas de poids. Le monument, quelle que soit sa nature, manifeste un désir de conservation « projeté dans la pierre et dans le marbre, affirmé dans le bronze ».1 Une différence de durabilité les distingue. Le monument est dur et durable, l’empreinte plus fragile, bien qu’elle puisse aussi durer. Le monument est aussi symbole de hiérarchie, entre ceux qui méritent un monument et ceux qui n’en ont pas. Mais les monuments du cimetière sont pour la plupart, destinés à disparaître au terme du bail de la concession. Pourtant le monument est voué à être éternel, l’empreinte temporelle. Comment la figure de l’empreinte peut-elle être génératrice de singularisation et tenir le rôle de conservateur de la mémoire des morts ? L’introspection du cimetière est une étape essentielle pour comprendre la composition, la répartition et le fonctionnement interne de cet établissement public. L’appréhender de l’intérieur permet de poindre les seuils, les limites. Comprendre le fonctionnement des interstices m’a permis de saisir sa position, sa Vue des chambres bocagères funéraires du carré confessionnel juif relation ou sa non relation avec les équipements qui le Vue depuis la partie Nord-Ouest composent et l’entourent. Cette étape fut primordiale pour appréhender par la suite les interfaces extérieures du cimetière et son inscription sur le territoire à différentes échelles. Lire le cimetière à l’échelle du territoire, a été une démarche importante pour retracer sa place centrale, à l’échelle de la ville et de l’agglomération. Refléter l’image de la ville des vivants sur la ville des morts m’a permis de dresser une liste d’enjeux et de prendre le pouls des préoccupations actuelles. L’étape suivante consiste à appréhender les éléments structurants extérieurs afin de déterminer les enjeux en dehors du périmètre du cimetière.

Inondations dans la rue de Romainville le 27 juillet 2001 DICRIM - Ville de Montreuil – mars 2012

1

142

P.Hivert, Le cimetière de Montreuil, reflet d’une société, Musée de l’Histoire vivante, 2008, p.62.

143


TYPOLOGIE D'HABITAT, INTERFACE, VISIBILITÉ ET CO-VISIBILITÉ DU CIMETIÈRE

3 INTERFACES Ville, parc des Beaumonts, les murs à pêches

VILLE CENTRE-VILLE

Ru

eP

MURS À PÊCHES

au

n uli

lD

o

M n-

ou

me

r

Habitat collectif-Habitat mixte

Partie historique cimetière Patrimoine funéraire

Visibilité depuis les immeubles de 15 étages

La pointe Nord-Ouest du cimetière représente une sorte d’accroche entre ces deux espaces. Actuellement le paysage des Murs à Pêches est invisible depuis le cimetière contrairement à celui du Parc des Beaumonts. Le bâti qui ceinture la nécropole est composite tant dans sa typologie que sur son emprise. Cette armature structure essentiellement l’interface Ville / Centre-Ville avec le cimetière. La hauteur du bâti contigu offre des visibilités à l’intérieur et à l’extérieur de l’espace funéraire. Ces interrelations visuelles sont à prendre en considération dans l’objectif d’ouvrir sur le cimetière sur la ville. Cette prise en compte concerne également le travail des seuils et des limites entre le cimetière et les différentes interfaces. Les immeubles de types grands ensembles offrent des vues très étendues depuis les étages supérieurs sur la ville des morts et des vivants. Ces tours sont perçus à l’échelle de la ville et à l’intérieur du cimetière. Cette co-visibilité doit être ménager sous différents angles et en lien avec la topographie du lieu.

Habitat Type Grands Ensembles/6-9 étages

Monument aux morts

Visibilité depuis les immeubles 6-7 étages

Voies principales structurantes

a . Je Av

D3

7

PARC DES BEAUMONTS

Typologie d’habitat Habitat pavillonnaire

N

ÉLéments structurants du cimetière

Visibilité et covisibilité entre le cimetière et le bâti

Habitat Type Grands Ensemble 15 étages

Alignement d’arbres sur D37

Visibilité depuis les immeubles d’habitat collectif + Immeubles à venir

Renouvellement urbain

Interfaces

Visibilité depuis les pavillons Habitat collectif 144

3

Le paysage et la charpente du cimetière sont visibles depuis ces bâtiments monumentaux. L’idée est de penser les futurs aménagements depuis le sol et le ciel, avec l’idée d’une forme de miroir de la ville des vivants sur la ville des morts, un miroir du parc sur la ville des morts. Les questions de visibilité et de co-visibilité, de seuils et de limites sont primordiales pour saisir le rapport entre le cimetière et l’espace urbain.

145


3 INTERFACES Ville

HAUTEUR DU BÂTI

Murs à Pêches

Inférieur à 10 m 10 m Entre 10 et 37 m Supérieur à 37 m N

146

La cartographie du bâti ci-contre nous renseigne sur la hauteur et l’emprise des bâtiments. Elle fait apparaître clairement le contraste à l’intérieur du tissu urbain aux alentours du cimetière. Au Sud du cimetière le tissu est lâche et composé d’un système de grands ensembles, dont les hauteurs oscillent entre 10m et 37m. Sur le flanc Est de la nécropole, le tissu est plus resserré et beaucoup plus composite. Un enchevêtrement de construction de natures variées dessinent le tissu. Le pavillonnaire domine, ponctué au Nord de quelques grands ensembles et de zone d’activités. La variété de hauteur se combine avec la variété typologique des bâtiments. L’habitat pavillonnaire sur cette partie du territoire est composé d’un à deux étages. Cette configuration architecturale offre des vues directes sur la nécropole.

La végétation des jardins qui se manifeste depuis la rue participe à une ambiance végétalisée et paysagère. Avec les Murs à Pêches, ils contribuent à tisser une maille paysagère. Au Nord, du cimetière le tissu est encore plus relâché et varié. L’habitat pavillonnaire, l'activité industrielle et les grands ensembles sont en pleine mutation. Une série de travaux jalonnent le pourtour du cimetière et modifient la trame urbaine. Les bâtiments qui sortent de terre ne s’élèvent entre 4-5 étages. Il est évident que ce nouveau paysage urbain est à prendre en considération dans la mise en place d’un système et d’écran vis-à-vis du cimetière. De l’autre côté du cimetière, côté ouest, la présence du Parc des Beaumonts et le cimetière récent délivrent une tout autre ambiance, séquence. L’absence d’habitat, mise à part à l’angle Sud du cimetière, caractérise cet espace. Les plus hauts immeubles du secteur (plus de 37 m) se nichent entre les deux nécropoles et le Parc.

147


CLÔTURES ET ACCÈS

Typologie d’accès Rue P

ierre

de Mo

ntreu

il

lin ar eV

Entrée « Historique » Architecture Pierre de taille

Ru

eE

ug

èn

er

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aul D

P Rue

Entrée principale Architecture Pierre de taille

Ru

Accès principal Grille-ferronnerie

eG

Accès secondaire Grille-ferronnerie condamné ali

lée

-M

ou

lin

Accès Parc des Beaumonts condamné- Grille Av . Je

an

Accès piéton Accès voiture N

Typologie de clôtures Grillage

Accès services Pompes funèbres

Grille Mur en pierre Palissade en béton

La clôture des cimetières est inscrite dans le code général des collectivités territoriales, recommandée à au moins 1,5m de hauteur. Traditionnellement, la clôture permettait d’éviter l’intrusion du bétail à l’intérieur du lieu “sacré”. Six accès dont un condammé, permettent d’entrer dans le site et facilitent la circulation dans la nécropole. Le site est entouré de façon hétérogène par des murs en béton

Mur en béton Visibilité sur cimetière depuis la rue

Hauteur de la végétation 1-5 m plus de 10 m

Vue du portail de l’accès condamné de la rue Eugène Varlin depuis l’intérieur du cimetière. La porosité des matériaux permettent une visibilité interne et externe au cimetière. Les toilettes sur la gauche sont d’une typologie et d’une maçonnerie propre aux années 1940-1950.

ou en meulière (pleins ou ajourés) et par des grilles. Une des particularités de ce cimetière est la qualité de la clôture Est de l’ancien cimetière. Elle est relativement identique à celle de la limite ouest du nouveau cimetière implanté de l’autre côté de l’avenue Jean-Moulin (D37).

Entrée principale du cimetière au sud, par la rue Galilée. Porte monumentale érigée dans les années 1921. L’ensemble des accès est composé de ce type portails métallique.

148

149


Sur la limite Nord du cimetière les murs sont d’une grande hétérogénéité. Les murs en meulières sont les résidus du mur originel de la nécropole. Les murs en béton obstruent la visibilité sur le cimetière en créant un mur aveugle très linéaire et minéral. Des grilles métalliques ont été rajouté créant une ouverture réduite sur le cimetière. Cette enceinte aux matériaux composite isole et ferme tout contact entre le monde des morts et la ville des vivants et matérialise la posture d’enclave qu'occupe le cimetière aujourd’hui.

150

La D37 qui sépare en deux le cimetière de Montreuil longe les clôtures de part en part, éloignant ces deux parties encore plus du réseau urbain. Les murs cependant, atténuent la pollution sonore de la circulation routière. Une hiérarchie peut être dressée dans la typologie des entrées. L’accès principal marque de façon monumentale l’entrée du cimetière depuis l’espace urbain avec une vue en perspective sur une autre monumentalité : le monument aux morts. Les autres accès sont de taille plus réduite mais reprennent la même typologie. L’entrée historique du cimetière se situe à l’angle de la rue Eugène Varlin et la rue Pierre de Montreuil. Moins monumentale que celle rue de Galilée, elle n’en demeure pas moins importante. Cet accès est emprunté par les riverains qui coupent à travers le cimetière pour se rendre dans le centre-ville. La clôture de la façade principale du cimetière récent est la seule en contact de la ville. Cependant, l’accès du cimetière au parc est condamné. Il serait intéressant de repenser à sa réouverture. Une articulation entre le parc et le cimetière permettrait en partie d’ouvrir le cimetière à la fois sur le parc et sur le reste de la ville et favoriser des moblités douces dans un contexte paysager. Le traitement de la grille qui marque la limite entre le cimetière et le Parc des Beaumonts est intéressant. La végétation grimpante se développe et permet à l’espace funéraire d’être intégré dans son environnement planté. En limites Nord et Sud, des grillages et des palissades de béton plus ordinaires délimitent l’équipement. L’enjeu est de penser au jeu d'articulations entre les espaces funéraires et les autres usages urbains, en termes de seuil et de séquences. Ce traitement des limites permettrait d’assurer les transitions urbaines, écologiques, entre le public et l’intime, le profane.

Vue des murs de l’ancien cimetière depuis le cimetière nouveau, sur la D37. Murs en béton ajouré ont un tracé géométrique qui donne une relative visibilité depuis l’intérieur et l’extérieur du cimetière.

Signifier les seuils et les accès, travailler les interstices, traiter le contournement et le cheminement du cimetière inscrirait le cimetière dans le tissu. Les vues que l’on a depuis l’intérieur du cimetière sur le paysage environnant et la façon dont on perçoit ce cimetière depuis l’extérieur, impactent sur la qualité de l’espace et fondent une partie de son identité. Le passage dans l’enceinte du cimetière (seuil, entrée par les portails ou portillons ) doit participer à la mise en valeur de celui-ci. La mise en scène du seuil du cimetière doit inviter au calme et au recueillement.

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3 INTERFACES parc des Beaumonts Mare

Mare Zone naturelle

Aire de détente

Aire de détente

Aire de jeux Observatoire Accès

interdit au public

Zone naturelle interdit au public Périmètre Natura 2000

Aire de jeux

Lycée horticole Jardin-école

Observatoire

Accès condamné

Accès

Accès condamné

N

Vue sur le Fort de Vincennes

Vue sur le paysage métropolitain

152

Vue sur la Tour Eiffel

À l’endroit où s’étend l’un des plus grands espaces verts du territoire d’Est Ensemble, le Parc des Beaumonts se situe en taille (22 ha) dans la même catégorie que celui des Buttes-Chaumont, à Paris. Intégré au réseau Natura 2000 de Seine-Saint-Denis à partir de 2006, la zone naturelle au centre du parc est protégée. D’une superficie de 11 hectares, cet espace naturel se situe au cœur du parc. Ses prairies, ses espaces boisés et ses mares accueillent de nombreuses espèces animales et végétales dont certaines sont rares. Des animations de découvertes de la biodiversité y sont programmées. Différentes actions en rapport avec l’agriculture ont été mises en place dans le parc. Compte tenu de la proximité de Paris, la diversité animale y est remarquable. Des papillons rares, tel que l’Azuré des cytises (Glaucopsyche alexis) y sont recensés. La plupart des insectes (lépidoptères et orthoptères) sont liés aux lieux herbeux riches en graminées et en plantes mellifères avec quelques buissons, dans des secteurs bien ensoleillés. Ces milieux se raréfiant autour de la capitale, plusieurs espèces trouvent là un lieu de refuge. Le cimetière de Montreuil apparaît comme une zone tampon éligible à une mission d’espaces refuges et de ressources. D’ailleurs le Schéma Régional de Cohérence Ecologique (SRCE) identifie le Parc des Beaumont comme un corridor écologique imortant. (voir carte ci-dessus). Le Parc des Beaumonts, les Murs à Pêches et le Parc de Montreau, sur la commune ont une forte capacité de connectivité. Cet outil de prise en compte et de cadrage positionne le territoire d’Est Ensemble dans un maillage écologique principalement développé à l’Est et au Sud et totalement déconnecté au Nord. Deux axes forts se dégagent en Est-Ouest :

www.museedelaresistanceenligne.org

-le long de la Corniche des Forts à partir du parc des Buttes Chaumont à Paris et vers les Coteaux d’Avron, et la vallée de la Marne. - du cimetière du Père Lachaise, au parc départemental Jean Moulin Les Guilands, vers le parc des Beaumonts, puis vers le Bois de Vincennes. Outre sa capacité à assurer une fonction d’écotone, le Parc des Beaumonts est un espace capable d’accueillir des loisirs et des aires de détentes. Le cimetière directement adossé au Parc des Beaumonts, dans un projet de réaménagement, apparaît comme un espace de liaisons écologiques, un espace de liaisons entre la ville et le parc à travers une reconnexion des parcours de ces deux entités. Une symétrie paysagère du Parc peut se reporter au sein du cimetière. Le Parc des Beaumonts fut également un espace pourvoyeur d’inspirations et d’hypothèses dans le cadre de mon mémoire de TFE. Dans une clairière, 27 arbres ont plantés à la mémoire de 27 hommes fusillés. Cette information a eu une résonance très forte sur la question des rites funéraires. Certes dans ce contexte, il s’agit d’un hommage rendu aux Héros de la résistance. Mais, on peut imaginer cette pratique au sein du cimetière de Montreuil pour l’inhumation du commun des mortels.

153


Présence locale faune

3 INTERFACES Murs à Pêches

Veronica acinifolia L. Ranunculus circinatus

Hyoscyamus niger L. Allium longispathum P.Clergeau, M.Paris, Trame verte et bleue du territoire d’Est Ensemble, Rapport de synthèse, Urban-Eco Scop, Juillet 2017

Présence locale Faune Odontites jaubertianus

Wolffia arrhiza

Oiseaux

Circus aeruginosus

Falco tinnunculus

Accipiter nisus Amphibiens

Alytes obstetricans Rana temporaria Linnaeus

Triturus alpestris

Insectes

Glaucopsyche alexis

Zygaena ephialtes

Orthetrum brunneum

Ce parc est un espace de refuge au cœur d’un environnement très urbanisé. Les espèces présentées sont des espaces menacées, protégées ou en situation de vulnérabilité. On recense dans le Parc des Beaumonts une grande variété d’oiseaux, d’insectes et de mammifères. L’Azuré des cytises (Glaucopsyche alexis) est devenu si rare qui’il est considéré comme au bord de l’extinction en en Île-de-France.

Patrimoine identitaire de la ville de Montreuil, les Murs à Pêches est aujourd’hui haut lieu associatif. Jardins partagés ou familiaux ayant une vocation de lieux d’agriculture urbaine, ils n'entretiennent pas un rapport visuel avec l’espace public. Ils ne s’appuient pas sur des espaces de transition qui pourraient constituer des lieux singuliers. Les Murs à Pêches sont toujours perçus à travers les époques comme une réserve foncière. En 1994, le Plan d’Occupation des Sols (POS) classa néanmoins les murs à pêches comme zone urbanisable à 80 %. 12 hectares furent associés à une zone industrielle. Un groupe de défense se constitue afin de protéger ce patrimoine horticole1. Il s’agit de la création de l’association « Murs à pêches ». Depuis cette date, l’association tente de les sauvegarder en replantant les fruitiers, reconstruisant les murs et animant le site. En 2003, près de 8 ha ont été classés par le Ministère de l’Environnement au titre des « sites et paysages ». Ce classement reconnaît trois intérêts majeurs au site : patrimoine anthropologique, techniques de constructions originales et un paysage particulier. Le site est classé par le PLU sur certaines parties zone naturelle constructible. Des tensions entre les associations du site et les élus locaux sont fortes et se manifestent jusque dans l’élaboration des documents d’urbanisme. Les débats ont projeté cet espace délaissé dans le débat poli­tique et citoyen, mais aucun projet structurant consensuel ne semble pour autant se définir. En 2015, le nouveau PLU prévoit toujours que cette zone soit constructible, ne protégeant qu’une partie, celle bénéficiant du classement « site et paysage ».

Vue à l’intérieur d’une parcelle des Murs à Pêches culture de la vigne

En octobre 2017, un programme de restauration est confié à UrbanEra, filiale du groupe Bouygues Immobilier, le projet de l’ex-usine EIF (située en plein cœur des Murs à Pêches), dans le cadre du Grand Paris. Le secteur des Murs à Pêches est un élément paysager qui reste un espace très fragile malgré les mesures de classement. L’interface avec le cimetière n’est pas évidente. Elle mériterait d’être signifiée. Le traitement de cette relation, liaison dans l’espace urbain permettrait de requalifier ces deux espaces. Cette mise en avant depuis l’espace public permettrait aux usagers de prendre en considération cet espace2.

Un programme immobilier de 13 270 m2, incluant des logements, mais aussi 5 000 m2 d’activités. Les portes du périmètre des Murs à Pêches ne s’ouvrent vraiment au public qu’à l’occasion d’évènements ponctuels. Ainsi, le festival des Murs à Pêches anime depuis 2001 pendant trois jours en juin

1 2

154

155


1764

1870

D’après la carte des chasses

1936

D’après l’Atlas de 1870 du département de la Seine

Cette cartographie met en exergue la réduction du site des Murs à Pêches en peau de chagrin du fait de la pression foncière et indsutrielle. Comme nous l’avons vu, le cimetière de Montreuil était exploité par des cultures maraîchères, horticoles et pour l’extraction du gypse. Ce qui peut expliquer en partie le contournement des Murs à Pêches autour du site.

1999

Accès du Parc des Beaumonts vers les limites du cimetière

D’après le Plan Directeur du Service Géographique de 1936

D’après repérage de la DRAC

Les graffitis marquent une des entrées du site des Murs à Pêches

Source DRAC Île-de-France, A.Auduc, P.Pissot Montreuil, patrimoine horticole, Seine-Saint-Denis, Itinéraires du Patrimoine, Région Île-de-France, 2003

Entrée cimetière

Murs à Pêches

Ces deux espaces se font pourtant face à face sans tisser de véritables liens. Ils souffrent de coupures fortes et de l’absence de liaison. 156

Dresser le portrait du cimetière à l’échelle de la ville et à l’échelle du cimetière est un moyen de comprendre comment la ville des morts s’inscrit sur son territoire et quel peut-être son rayonnement en dehors. L’hétérogénéité des interfaces et des paysages sont un atout pour la suite du projet. Cette diversité est une source d’imagination quant à la conception des effets de seuils. Ces différents points de focale peuvent constituer un support pour de nouveaux usages, séquences et pour une nouvelle configuration et représentation paysagère. Outre l’aspect spatial, à l’intérieur de ces espaces des acteurs émergent. Associer ces différents interlocuteurs dans le projet renforce l’idée d’ouvrir le cimetière sur la ville en dehors de la connexion des cheminements. Créer un lien entre ces différentes interfaces a l’objectif de formuler une cohérence et un nouveau dialogue entre les diverses entités. D'après une enquête du SIFUREP, « les cimetières jouent un rôle social ». De plus en plus de personnes fréquentent les cimetières pour se reposer ou se promener. C’est le cas dans 60 % des cimetières membres du SIFUREP1. Aménager ces espaces en mileu urbain est un moyen de proposer des espaces publics voués à la promenade et à la quiétude. Les cimetières peuvent être touchés par le vandalisme. Le fait de devenir de véritables lieux de promenades, permet de réduire efficacement les vols.

1 Colloque du SIFUREP , Cimetières de la région parisienne: portrait, évolution et place dans la métropole urbaine, Compte-rendu du mardi 19 octobre 2010, p.04 Ainsi, le cimetière de Noisy-le-Sec, comme le souligne son conservateur, M. Jacques Ladreyt, constitue souvent la sortie quotidienne des personnes âgées qui entretiennent, ainsi, un lien social avec le personnel...

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IV ReEnchanter de Montreuil

le cimetiere

1.(RE)CRÉER UN NOUVEL ÉQUIPEMENT Création d'un modèle de maîtrise d'ouvrage unifier les espaces funéraires faire dialoguer les espaces fédérer les équipements

Unifier les espaces funéraires Décloisonner les espaces Sortir d'une position d'isolat

Ouvrir un espace sur la ville

160 160 163 163 163

LA

E D ES VILL

S

RTS MO

E DES VIV ILL

AN T

LA V

Marquer le cimetière dans le paysage urbain Marquer les seuils et les ouvertures

2.OUVRIR UN ESPACE OUVERT SUR LA VILLE créer des continuités visuelles

Remailler une trame de réseau Des micro-centralités dans une centralité globale Reconnecter le réseau viaire du cimetière avec le réseau de la ville et le réseau du parc

marquer les seuils et les ouvertures scénographier les différents espaces du cimetière

165 165 165 165

Mon projet consistera à créer des espaces et des aménagements en direction des familles et des riverains dans un espace décloisonné spatialement et structurellement. Le but est d’en faire un espace de vie. L’enjeu est de faire cohabiter ces deux caractéristiques. Le végétal sera un support pour composer cette variété de fonctions et de rassembler ces différentes structures au sein d’un même équipement. Le deuil ne s’arrête pas à la sortie du cimetière. Penser l’expérience du deuil comme un parcours invite à penser à des espaces ressources au deuil, des espaces étirés qui accompagnent les citadins en mouvement. Ces cheminements connecteraient les lieux existants (écoles, associations), de la biodiversité (parcs), de l’intime (lieux de culte), de la fin de vie (EPHAD).

158

3.TRAVERSER UN ESPACE PUBLIC RÉVÉLÉ

169

remailler une trame de réseaux reconnecter le réseau viaire du cimetière avec la ville et le parc

169 169

composer des micro-centralités dans une centralité

169

159


1

(RE)CRÉER UN NOUVEL ÉQUIPEMENT

CRéation d'un modèle de maîtrise d'ouvrage

CRÉATION

Gestionnaires :

-Mairie

-SIFUREP

Acteurs privés

sépultures, de nouveaux rituels sociaux, de nouvelles

COOPÉRATIVE FUNÉRAIRE PUBLIC Logique transversale

Acteurs publics

formes de gestion ainsi qu’à un nouveau rapport entre la

Acteurs publics Services techniques de la ville : -Espaces Verts -Voirie

La Coopérative Funéraire favorise l'économie locale et les achats bio-responsables.

La pierre angulaire de ce sujet est donc repenser cet espace funéraire et public comme un cimetière parc avec une cohabitation d’usages, de gestions avec le « Vivant » sous toutes ses formes  : caractéristiques physiques,

Acteurs privés

usagers, écosystèmes…

Pompes funèbres

N DE GESTION P LA

-Vivier associatif (Murs à Pêches…)

concessions non renouvelées )

Programme de Phytoremédiation Gestion des eaux

l’espace

des

cimetières.

Une

paysage des lieux de sépultures. A contrario de cette

Gestion des concessions

-Établissements publics (lycée Horticole Jardin-école)

progressivement

standardisation des pratiques simplifie et impacte le

MONOPOLE ÉQUILIBRE

(plantation d’arbres sur des

tendance, une approche plus simple, moins ostentatoire

Usagers/visiteurs -Communautés religieuses (juive, chrétienne, musulmane)

et plus soucieuse de l’environnement des obsèques est désormais souhaitée par les usagers. L'objectif de ce document est d'aider les acteurs dans la démarche d'aménagement du cimetière et de leur faire prendre conscience de la qualité paysagère et

-Laïcs

patrimoniale qui fondent son identité, de s'adapter ainsi

-Artisans, Artistes céramistes, ébénistes

aux besoins actuels et à venir. Ce guide a également pour objectif de sensibiliser les habitants et les usagers à ces

IBILISATION SENS

questions. La délivrance de concession, leur déplacement,

Des habitants et des riverains à de nouvelles pratiquesnouvelles sépultures

E

l'installation de nouveaux équipements, l'entretien courant par la commune et les familles. Il vise ensuite à

ON PARTICIPATI V S TI

Du cimetière avec les habitants, les usagers et les services techniques de la ville

apporter des réponses concernant la gestion du cimetière.

Création d’un nouvel espace public

E

G

Création d’un nouvel équipement

Création d’une économie locale

ville et le cimetière.

Les pratiques et l’offre funéraires transforment

Habitants / Riverains :

Création d’un nouveau cadre juridique

L’un des enjeux de ce sujet est donc

de réfléchir spatialement à de nouvelles formes de

Gestion durable, écologique, partagée en lien avec le vivant

Il doit également permettre de prendre conscience des “écueils” à éviter dans un souci d'économie d'espaces

Création d’un cimetière paysager central ancré dans le territoire

et de moyens dans le respect de l'environnement, du patrimoine communal et de l'identité propre au cimetière. Il informe enfin sur les nouvelles pratiques funéraires et les nouvelles “formes” d'aménagement que le cimetière pourra prendre. L’objectif est de définir de nouvelles formes, identités, de nouveaux usages, matériaux, concepts qui peuvent

Logique économique Logique sensibilisation Logique de gestion

coïncider avec l’idée du cimetière du IIIe millénaire.

Logique urbaine

Se référer schéma acteur actuel p.121

160

les appareils cardiaques type pacemaker, prothèses dentaires, ne Un nouveau modèle de Pompes Funèbres : pas avoir recours à une conservation utilisant des produits à base La coopérative funéraire de Montreuil L’idée de créer une coopérative funéraire publique est de formaldéhyde et de méthanol. de rétablir un équilibre commercial en pratiquant des prix justes et plus compétitifs. La fonction première de cette structure est de proposer des services classiques d’une entreprise de pompes funèbres. Ce qui change ? Son éthique, sa structure… et ses coûts. Les principes et valeurs sont fondés sur une économie sociale et solidaire. Les utilisateurs des services étant aussi les propriétaires de la coopérative, auront leur mot à dire sur la qualité des services offerts. L’offre de services sera absente de pression de la part des conseillers. Les services sont pensés pour avoir un impact moindre sur l’environnement (cercueils biodégradables, des soins plus écologiques que les soins thanatopraxiques…). L’objectif est également de privilégier le circuit économique régional en cherchant des fournisseurs locaux. La coopérative de Montreuil aura aussi la vocation de solliciter les artisans, les artistes locaux afin d’établir de nouvelles stèles, de nouvelles architectures funéraires ayant pour but d’inventer un art funéraire local. Cette structure s'inspire de la Coopérative de Nantes qui a ouvert en 2016. Inspirée elle-même des coopératives funéraires canadiennes.

Un nouveau cadre juridique et législatif : Ce nouveau cadre législatif sera un support pour aménager de nouveaux espaces paysagers. L'idée est de défendre les principes de l'humusation et de l'aquamation. Ces nouveaux rites funéraires seront en conformité avec l’ensemble des communautés religieuses et laïques. C’est pourquoi un programme de sensibilisation sera organisé afin d’informer les usagers, les habitants. L’aménagement paysager du cimetière a également pour objectif de gommer spatialement une certaine sociotopographie peu encline à un espace public.

Une charte Il sera demandé aux familles, et aux futurs défunts de signer une charte pour les futures inhumations et crémations qui les engagent à ne pas vêtir le défunt de tissus synthétiques, d’ôter

L’achat de cercueil en pin, en carton, en bambou, en osier ou en papier mâché avec un traitement sans solvants sera également préconisé. Dans le cadre d'une recherche, le recours à un compostage cryotechnologique à titre expérimental sera communiqué aux familles désirant avoir une alternative à la crémation, ou à l‘inhumation classique.

Un nouveau plan de gestion : Un nouveau plan de gestion sera mis en place avec les services de la ville s’orientant sur plusieurs axes : -Gestion des concessions abandonnées ou non renouvelées Le but de cette démarche est d’établir un plan de ces concessions avec les services de la mairie afin de déterminer les différents espaces qui peuvent être aménagés, plantés. Ce type d’action permettra de dédensifier le cimetière et libérer de la place pour les futures interventions paysagères. -Gestion de l’eau et des sols Un projet hydraulique sera également mis en place avec les services techniques de la ville afin d’établir une gestion des eaux pluviales et de la nappe aquifère en vue de pallier à l’usage de l’arrosage automatique. Ce type d’intervention pourra être couplé avec un programme de phytoremédiation afin d’assurer une dépollution des sols. -Gestion participative et une gestion différenciée : Un partenariat avec les structures d’enseignement horticoles sera mis en place après un programme de concertation entre les membres de ces institutions (membres de la direction, enseignants, représentants d’élèves) et les services des espaces verts ( direction et agents), les représentants associatifs des Murs à Pêches et les représentants d’associations de quartier. Ces rencontres permettront d’établir une certaine base de travail concernant le plan et le mode de gestion indispensable à la mise en place de techniques alternatives d’entretien et de déterminer le niveau de gestion qui peut s’appliquer sur certains espaces. Ces rencontres permettront également à chacun d’échanger sur différentes pratiques et d’ouvrir le cimetière sur la ville.

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(RE)CRÉER UN NOUVEL ÉQUIPEMENT Sortir d'une position d'isolat interne Unifier les espaces funéraires Créer une unité : les limites comme enjeu de liaison

-Décloisonner les équipements en créant de nouvelles ouvertures

Requalifier les vis-À-vis -Signifier les entrées des équipements -Créer des continuités visuelles -Annoncer le passage vers le parc

Réouvrir l'accès du cimetière et du parc -Signaler les équipements et leurs itinéraires -Traiter la frange pour signifier le passage : parc, cimetière, ville

faire dialoguer les espaces Réaménager le stationnement de l'Avenue Jean Moulin -Réduire les nuisances sonores -Rompre la vitesse automobile -Conforter la liaison du corridor écologique.

Les espaces, où se joue la relation à la mort et aux morts doivent sortir d’une situation d’isolement en entretenant des liens entre eux et avec les autres espaces urbains. La création de liens entre le nouveau cimetière, l'ancien et la chambre funéraire prodiguerait à cette nouvelle composition une cohérence spatiale et structurelle. Les équipements et les nouveaux aménagements fédéreraient l'espace funéraire à travers de nouveaux usages et de nouvelles séquences. L'Avenue Jean Moulin est l'épine dorsale de cette nouvelle relation, le point de suture où une partie des points

de connexion viennent se greffer. Un effet de miroir des accès depuis cet axe routier réaménagé signifierait visuellement l'unité de l'équipement funéraire. Cette nouvelle séquence viendrait également marquer le passage progressif de la ville des morts vers le Parc des Beaumonts, et le reste de la ville. La coopérative de Montreuil permettrait d'avoir une cohérence spatiale et La coopérative de Nantes a ouvert en 2016. Elle offre les mêmes services que les autres sociétés : contrats obsèques, organisation du transport du corps, la vente de cercueil, la préparation de cérémonies civiles.

162

Extension sur le Parc d'un nouvel espace cinaire-Dispersion des cendres

Aménager un monument architectural pour l'espace cinaire -Créer une sorte de "mémorial" (pour dispersion des cendres), colombarium -Affirmer les accès cimetière/parc

Fédérer les équipements

Créer de nouveaux équipements

-Aménager des points de compostage

Gestion participative -Aménager des locaux techniques

163

-Aménager des abris de cérémonies

Gestion coopérative -Créer une coopérative funéraire


OUVRIR L'ESPACE SUR LA VILLE Sortir d'une position d'isolat urbain

2

créer des continuités visuelles Ouvrir des vues depuis les murs du cimetière -Créer des co-visibilités depuis l'intérieur et l'extérieur du cimetière

Conserver la vue sur la nécropole

Traiter la frange face au cimetière -Requalifier l'espace public en pied d'immeubles -Marquer visuellement la continuité entre intérieur/extérieur en végétalisant les marges Végétaliser les murs-intérieur et extérieur

marquer les seuils et les ouvertures L’enjeu principal de ce projet est donc d’imaginer une intervention paysagère dans un cimetière/parc où coexistent sépultures et espaces publics. Ce lieu de recueillement serait à terme pratiqué comme un espace de promenade, un lieu de circulation et de loisirs, et surtout un nouveau lieu de recueillement pour les familles des défunts. Ouvrir le cimetière sur la ville implique de le révéler, le signifier. L'intérêt est de le mettre en contact avec ses multiples interfaces avec une mise en scène pour chacune. Les ouvertures et les seuils permettraient de brancher le cimetière au cœur du tissu urbain. Travailler sur les porosités permettrait d'ouvrir la ville des morts sur la ville des vivants. La connectivité et la perméabilité du cimetière et de ses parties auraient une signification autant sur le

terrain sociologique, morphologique que sur le plan écologique. La configuration des interfaces du cimetière de Montreuil permet de travailler ce qui est entre le cimetière et la ville. Traiter les limites, les accès permettrait d'intégrer le cimetière à la ville et ainsi d'en faire un lieu à part entière. La perméabilité du cimetière se fait sur différentes échelles : depuis la rue, depuis le Parc des Beaumonts et depuis le ciel. Scénographier le sol permettrait depuis les différents angles et point de vues aux riverains d'apprécier ce paysage quotidien.

164

Inscrire le cimetière dans le paysage urbain -Créer des accès -Traiter les entrées en lien avec leurs interfaces -Marquer les entrées comme un repère visuel dans le paysage urbain -Hiérarchiser la typologie des entrées : entrée principale, entrée secondaire

scénographier les différents espaces du cimetière

Mettre en scène les différentes strates patrimoniales

-Mettre en valeur la strate patrimoniale -Lier les strates avec leurs interfaces

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Voir un paysage de haut

www.lejdd.fr Mémorial Notre Dame de Lorette, Verdun, Philippe Prost

www.cestenfrance.fr Porte Église de Sarlat, Jean Nouvel

Axe Majeur, Cergy-Pontoise, Dani Karavan

Marquer les éléments structurants du cimetière dans le paysage urbain est une manière de devenir un repère visuel en tant qu'équipement.

Vue du cimetière et des alentours depuis grands ensembles www.bertrandbeyern.fr Cimetière Amsterdam, stèle, jardin du souvenir

www.presseocean.fr

Apur

Association Big Bang Mémorial cimetière de Nantes de la Bouteillerie

Cimetière Weiach-Suisse, noms gravés sur les dalles des allées -jardin du souvenir

L'association Big Bang Memorial « amène de l'art, de la nature, parle d'histoire » dans le cimetière grâce à des chantiers participatifs, des visites et des ateliers (ateliers de plantations de plantes grimpantes sur certaines grilles et d’anciennes tombes). Elle invite les Nantais à jardiner et fleurir le cimetière de la Bouteillerie. Ces chantiers participatifs sont menés en partenariat avec la ville et en collaboration avec les services techniques du cimetière.

La dématérialisation de la cendre efface dans une certaine mesure la mémoire de l'identité du défunt. Penser à de nouvelles empreintes permettrait d'inscrire autrement et spatialement la mémoire des individus disparus. L'inscription dans l'espace public de la ville des morts participerait à graver cette mémoire dans l'espace public. La trace de l'individu n'est plus relayée dans les registres d'état civil elle devient visible dans l'espace et dans les éléments structurants du cimetière.

166

Comme nous l’avons vu ultérieurement, la hauteur de certains bâtiments permet de balayer du regard le paysage de la ville des morts et de la ville des vivants. Cette interface en hauteur est une donnée supplémentaire à saisir dans le but de dessiner un aménagement pouvant être vue d’en haut. Le renouvellement urbain s’opérant au Nord du cimetière va offrir une vue sur la nécropole avec son jeu topographique et sur le Parc des Beaumonts. L’idée est de concevoir un aménagement au sein du cimetière qui serait en mesure de gérer les interfaces entre le cimetière et les bâtiments afin de réduire le ressenti d’une vue trop directe d’un « parking » funéraire et de créer de l’épaisseur entre ces deux entités. De plus, le paysage perçu deviendrait alors la surface sensible dans laquelle s’inscrit la construction d’une chose commune. Une fois rendue visible spatialement et mise en forme collectivement par un ensemble d’activités humaines, individuelles et collectives, cette composition peut générer un changement de perception des habitants sur le cimetière. Concevoir un espace aussi particulier que le cimetière et perceptible depuis des points de vue remarquables peut réorienter la perception et la représentation des habitants qu’ils ont du lieu dans lequel ils

évoluent. La perception d’un espace aussi collectif peut dans une certaine mesure participer à la construction d’une nouvelle expérience du lieu. Le lieu existe et se caractérise par rapport aux expériences qu’il est capable d’offrir : vues, sons odeurs et ambiances. Réciproquement celles-ci dépendent des types d’activités dans lesquels les habitants s’engagent. Une relation au temps, au cycle des saisons peut être également établie à travers le tissu végétal au sein de la nécropole. Réfléchir à des essences, des couleurs est un moyen de rythmer, de créer une harmonie sur la symphonie du temps qui passe.

www.fr.123rf.com Photo aèrienne du cimetière Montparnasse

167


centre-ville

Ville basse

TRAVERSER UN ESPACE PUBLIC

3

organiser un espace public remailler une trame de réseaux

parc beaumont

Ville haute

Redessiner et végétaliser un sol -Hiérarchiser les voies, allées -Organiser et guider les parcours avec le végétal -Composer des îlots d'intimité à l'intérieur du cimetière

Voie primaire Voie secondaire Desserte Inter-tombes

reconnecter le réseau viaire du cimetière avec le parc et la ville

Traiter les connexions -Raccorder les cheminements du parc avec le réseau du cimetière -Aménager la clairière comme point de liaison -Guider les parcours par une signalitique -Marquer les passages de seuils

organiser une centralité

composer des micro-centralités dans une centralité

Aménager des places, placettes, point de rencontres -Hiérarchiser les centralités et réorienter les parcours Place- Espace de rencontre Placette-Espace de changement de directions Placette d'espace de recueillement des îlots d'intimité

168

169


Les voies et les allées forment l'espace public du cimetière et ordonnent l'espace selon une trame qui n'est pas toujours significatives et lisible à l'heure actuelle. Redessiner un sol permet de redistribuer l'espace, guider les parcours à l'intérieur du cimetière ( espace de recueillement) jusqu'à l'extérieur (ville/ parc) et de structurer des îlots d'intimité, en retrait des voies principales. La hiérarchie des voies serait guidée par des strates végétalisées. Les strates arborées pourraient conduire les voies principales et isoler ainsi les espaces de recueillement. Les strates arbustives seraient un support de délimitations des concessions. Les tombes et les inter-tombes seraient quant à elles végétalisées par des strates herbacées diversifiées pouvant atténuer l'effet minéral, le caractère sériel de la production marbrière. Les divisions pourraient offrir également un cadre paysager à l'intérieur et à l'extérieur. Cette nouvelle configuration redonnerait une unité au lieu. Les plantations peuvent être également associées à la réalisation d'espaces de cérémonie (notamment ceux liés aux rites funéraires de la crémation). Des rosiers pourraient être un support pour la dispersion des cendres et permettraient d'identifier les espaces cinaires. Adossés aux murs, ils participeraient à réduire une

co-visibilité abrupte et donneraient une épaisseur à l'espace intersticiel. Les rosiers arbustifs pourraient être une empreinte devant la dématérialisation de la cendre. Le Jardin École de Montreuil a une expertise des rosiers et il serait intéressant d'en bénéficier. De plus, la végétation contribuerait à mettre en valeur le patrimoine existant et de structurer le dessin de ces nouveaux espaces. Raccorder la trame viaire du cimetière à la trame urbaine permettrait d'avoir une continuité dans les parcours et faire de ce lieu un espace traversant tant pour les usagers que pour la biodiversité. Des centralités de différentes tailles suivant la localisation pourraient redistristribuer les parcours, être des points de rencontre ou d'isolement. Un nouveau mobilier intrinsèque au cimetière pourrait constituer des repères dans ces nouveaux espaces publics. et guider les parcours. Une réflexion des matériaux viendrait appuyer cette nouvelle hiérarchie urbaine, conduire, signaler les parcours, ainsi que le marquage des seuils et des limites.

Avant

Requalifier l'espace public et l'offre funéraire

Évolution des limites

Avant

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Conclusion Concevoir des espaces pour les vivants invite le paysagiste à questionner les habitants, les usagers sur leurs pratiques et leurs représentations. À quelle posture est renvoyé le paysagiste concernant la conception d'espaces destinés à des habitants appelés à dormir pour l'éternité ? C'est à mon sens le deuxième volet qui s'ouvre : le projet. Il y a comme un goût de défi à remplir cette mission. Un défi politique dans le sens où je remets en question la pratique, la gestion et la place de cet espace funéraire au sein de la ville. Boulverser les habitudes, les représentions, l'économie ancrées sur cet espace suscitera forcément des grincements de dents. Car la question de la mort demeure un sujet sensible et une économie diffuse. Les questions qui vont vont rythmer maintenant le projet s'articulent autour de : Comment faire ? Quel est le sens recherché ? Il s'agit bien de faire du sens. Mais lequel ? Du sens et non pas mon sens. Comment faire naître une signification à un moment où la transformation des espaces funéraires est en mouvement ? L'évolution de l’installation des morts dans le monde des vivants reflète les cultures des sociétés, les civilisations passées et contemporaines. Les législations impliquent des variations dans la gestion spatio-temporelle et la morphologie des cimetières. Nous sommes aujourd'hui à un tournant et la manifestation de nouvelles pratiques est encore au stade du balbutiment. La conscience écologique commence à trouver ses assises dans l’habitat des vivants comme dans l’habitat des morts. De nouvelles pratiques interrogent le cimetière traditionnel institué par les religions monothéistes. La dématérialisation des corps liée à la crémation implique la réflexion de nouveaux rites, de nouveaux espaces. Quelle fonction donnée à ce lieu complexe et composite à l'image de la société ? C'est un défi qui suggère d'avancer avec précautions. Je ne peux imposer ma vision et me soustraire à rassembler les différents acteurs. L'appropriation du cimetière par les usagers et les habitants est un enjeu central. Il est difficile cependant d'associer les familles autour de la recomposition de ce morceau de territoire car ces dernières sont parfois dispersées sur le territoire national. Néanmoins joindre les acteurs et les habitants autour d'une nouvelle gestion était à mon sens plus réalisable. La difficulté de l'exercice est de répondre à un "besoin fictif". Proposer des intentions de projet à des personnes qui ne vous ont pas sollicité est une difficulté qui permet d'affirmer la place du paysagiste dans la reconfiguration de cet espace. Faire comprendre que le cimetière est un espace public avec des enjeux et des problématiques spatiales et paysagères participe à faire prendre conscience que cet îlot urbain peut faire l'objet d'un projet de paysage.

Cimetière de Montreuil

C'est pourquoi le développement d'un cadre de maîtrise d'ouvrage fut pour moi une porte d'entrée pour la définition des objectifs du projet, l'identification des acteurs potentiels et la compréhension des logiques urbaines de ce site. Cette démarche m'a permis d'appréhender les éléments essentiels pour cadrer et poser les différentes étapes du projet et d'assumer le rôle d'un paysagiste. Le cimetière est un espace public. Espace qui jusqu’à ce jour m'était inconnu. Penser, façonner une ville mortuaire représente un défi que je relève avec joie. Inviter à la réappropriation d'un espace public qui suscite autant l'attrait que la répulsion est une gageure de taille. Inviter à désacraliser le regard, à requestionner la législation en cours est un moyen de donner un nouveau sens à ces espaces funéraires et amorcer de nouveaux critères de transformation. En Belgique, et plus particulièrement dans les Flandres, les cimetières ne sont pas forcément fermés le soir1. Cette ouverture de la ville des morts sur la ville des vivants peut-être concevable. Cette pratique relève dans une moindre mesure à rendre la ville poreuse et traversante. Les cimetières sont rarement des lieux de connexions. Ils sont plûtot perçus comme des lieux de séparation et de distanciation. Le cimetière dans un contexte urbain tel que Montreuil représente une emprise importante, un espace ouvert paysager sous investi. Requalifier cet espace est une opportunité pour les habitants à se recueillir dans un espace qui offre des vues sur le paysage urbain lointain. Il peut devenir un parcours quotidien, un espace de refuge et de quiétude pour les habitants et la faune environnante.

P.Thiollière, Ibid, p.336.

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RemerciemenTS A MON INCROYABLE FAMILLE Mes garçons Oscar et Vadim, Dragan, mon compagnon de vie, mes parents qui me soutiennent chaque jour et sans qui l'aventure n'aurait pu exister A MES ENCADRANTS Raphaëlle et Christophe, pour leurs conseils avisés et leur soutien constant A MES AMI(E)S Julie, Audren, Séverine, Roxanne, Laïla, Victoria, Lorrenna, Sonia, Olivier, Sandra...pour leur soutien sans relâche A MES AMI(E)S DE L'ÉCOLE Léa, Charlie, Coline, Guillemmette, Tifaine, Nina, Pauline, Perrine, Maïenne, Camille.... avec qui l'aventure est digne d'être vaincue AUX RESPONSABLES DU CIMETIÈRE Florian Vigneron, Adjoint délégué aux Affaires sociales et solidarités, Cultes, Mémoire, Cimetière, Anciens combattants, Bâtiments et travaux de la Ville de Montreuil Thierry Manteau, Responsable Technique du cimetière de Montreuil pour leur précieux conseils et leur disponibilité

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