RAPPORT D’ETUDE 2010 LE RENOUVELLEMENT URBAIN
… entre identité et développement durable
Partenaires principaux
Partenaires entreprises
Etudes Urbaines est composée de :
Léa Dony Yoann Le Mener Georges-Henri Maisonnave Elodie Victor Marie Moreau de Montcheuil Florian Archambault Gwénaëlle Nivez Benoit Corbeau Elsa Jousseau Christophe Poynard Marie Toubin Nicolas Brotin
Sauf mention contraire, les crédits de toutes les iconographies de cette étude sont personnels.
Le renouvellement urbain, entre identité et développement durable
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Sommaire Remerciements..................................................................................................................3 Introduction ......................................................................................................................5 I.
Régénération : revitalisation du centre et relance des activités ....................................7 1.
Les enjeux de la régénération ............................................................................................. 7
2.
Identification du patrimoine de tissu régénéré ................................................................ 11
3.
Planification et montage du projet ................................................................................... 17
4.
Bilans et éléments de réflexion pour la France ................................................................. 21
II. Rénovation : lutte contre l’habitat ancien insalubre ................................................... 26 1.
Les enjeux de la rénovation............................................................................................... 26
2.
Identification du patrimoine de tissu rénové .................................................................... 30
3.
Planification et montage du projet ................................................................................... 38
4.
Bilans et éléments de réflexion pour la France ................................................................ 45
III. Requalification : réinsertion d’un bâtiment ou d’une friche industrielle dans le tissu urbain.............................................................................................................................. 48 1.
Les enjeux de la requalification ......................................................................................... 48
2.
Identification du patrimoine de tissu requalifié ................................................................ 53
3.
Planification et montage du projet ................................................................................... 58
4.
Bilans et éléments de réflexion pour la France ................................................................. 62
Conclusion ....................................................................................................................... 65 Glossaire ......................................................................................................................... 66 Bibliographie ................................................................................................................... 67 Sites internet ............................................................................................................................. 67 Ouvrages.................................................................................................................................... 68
Annexe 1 : Fiches résumés des projets étudiés dans les trois villes d’étude ....................... 69 Annexe 2 : La gouvernance au Danemark ......................................................................... 92 Annexe 3 : La gouvernance aux Pays-Bas .......................................................................... 93 Annexe 4 : la gouvernance au Maroc ................................................................................ 95 Annexe 5 : La gouvernance en France ............................................................................... 97
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Remerciements Tout au long de notre étude, de nombreuses personnes nous ont aidés, premièrement Madame Bintner qui nous a suivis tout au long du projet, dont les conseils et le cadrage ont été très formateurs. Le choix de notre sujet est le fruit d’une réflexion entre les membres d’Etudes Urbaines, cependant la formulation et le choix des bons termes en matière d’urbanisme ont été facilités par les interventions de Monsieur Vaquin et Monsieur Ducourtieux qui n’ont pas hésité à donner de leur temps pour approfondir le sujet avec nous et réaliser des visites de sites. Nous souhaitons aussi remercier nos accompagnateurs Monsieur Boulanger, professeur de déplacements à l’EIVP pour son soutien et ses remarques pertinentes, Monsieur Gayda, secrétaire général de l’école qui nous a suivis dans ce périple frigorifique et nous a transmis son expérience des pays scandinaves et enfin Monsieur Ducourtieux, professeur d’espace public à l’école. Nous voulons aussi remercier les personnes extérieures à l’école que nous avons eu la chance de rencontrer : Victor Said de l’IAU-IdF qui nous a donné une vision globale de l’urbanisme casablancais et a facilité nos rencontres sur place, Mesdames Vanessa Merrien et Elsa Meline de l’atelier Reichen, Réda Souirgi de Systra qui nous a mieux informés sur le tramway de Casablanca, Messieurs Pernod et David Jolly des ateliers Lion, Monsieur Olivier Guillouët d’ICADE pour sa visite et son intervention enrichissante au parc Pont de Flandres, Monsieur Lafoucrière de l’entreprise I3F, pour nous avoir reçus et transmis son savoir.
L’équipe d’Amsterdam souhaite remercier Madame Joze Van Stigt, élue de Westerpark et habitante de GWL Terrein, Messieurs Volkert Vos et Floor Arons de l'agence Arons en Gelauff pour leur patience, leur aide et les nombreuses informations qu'ils nous ont fournies, Madame Nikki Van Der Linden pour la conférence et Monsieur Frans de Rooyor pour sa coopération, du Projectbureau Ijburg. A Rotterdam, nous souhaitons remercier en premier lieu Monsieur Joep Boute pour son accueil à Rotterdam, pour son aide lors de nos recherches et pour nous avoir permis de découvrir d’autres projets en lien avec notre problématique et de nous avoir fourni des contacts pour ces projets. Merci aussi à lui de nous avoir présenté la vision globale de la ville à l’horizon 2030 et le projet Kop Van Zuid. Nous voudrions également remercier Monsieur Walter de Vries et Madame Anja de Jong pour nous avoir présenté le projet de Stadshavens, projet phare de la ville de Rotterdam dont la réalisation vient à peine de commencer.
A Casablanca, nous voudrions remercier tout d’abord Madame El Kohen et l’EHTP pour leur accueil sur leur campus et pour nous avoir permis de nous déplacer facilement chaque jour grâce à leur bus et leur chauffeur, Ahmed Lambara que nous remercions chaleureusement.
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Nous souhaitons également remercier Monsieur Hafif et l’Agence Urbaine de Casablanca pour nous avoir présenté un aperçu complet des enjeux de la ville, Monsieur El Asri et la ville de Casablanca pour le temps qu’il nous a consacré. Un grand merci également à Monsieur Darak, de l’AUDA pour nous avoir présenté sans détours les enjeux de l’immobilier casablancais, à Monsieur Cherqaoui de la Région du Grand Casablanca pour son accueil et sa visite guidée des Habous. L’équipe de Casablanca souhaite également remercier Madame Jebrou pour sa présentation du projet de tramway à Rabat, Madame Bouhriz de Casatransport pour sa présentation du tramway de Casablanca cette fois. Merci également à Monsieur Saoudi de la Direction Régionale de l’Equipement et à Monsieur Abdellatif pour avoir partagé leur savoir d’ingénieur avec nous. L’ensemble des participants du voyage remercie également l’association Casamémoire pour nous avoir fait partager leur amour de Casablanca.
Nous tenons à remercier tout d’abord les services de la ville de Copenhague, qui nous ont accueillis chaleureusement. Monsieur Tøger Nis Thomsen, architecte de la ville, nous a explicité la planification urbaine de Copenhague et les derniers développements d'ørestad. Monsieur Sune Skovgaard, direction de l’urbanisme, a eu le courage de nous faire visiter Vesterbro dans un froid tout scandinave. Monsieur Niels-Arne Jensen, direction du patrimoine, nous a précisé la gestion patrimoniale de la ville de Copenhague et nous a permis de rencontrer des bénéficiaires de la rénovation de Vesterbro, comme la directrice de Oehlenschlaegersgade Skole (école primaire). Nous sommes reconnaissants aussi au Docteur Morten Elle, professeur au DTU, pour ses qualités d’hôte et son regard critique sur la politique de la ville. Nous souhaitons aussi remercier tout particulièrement Monsieur Kurt Christensen, architecte de SBS, pour son dynamisme et pour la transmission de son expérience en terme de concertation. En outre, nous sommes reconnaissants à Monsieur Tor Fossum, architecte de la ville de Malmö, pour son approche intéressante du quartier B0 01 sur le port de Malmö.
Enfin nous voudrions remercier toutes ces personnes pour leur accueil et la gentillesse dont elles ont fait preuve avant, pendant et même après nos rencontres. Merci à eux aussi pour tous les documents qu’ils nous ont fournis et qui ont été un véritable support pour notre étude.
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Introduction Face à l’étalement urbain, à l’augmentation des prix du pétrole et aux nécessités environnementales, sociétales et économiques du développement durable, reconstruire la ville sur elle-même, sans consommer de nouveaux terrains vierges est devenu incontournable. Le renouvellement urbain tente de faire face à ce problème en densifiant le tissu urbain existant. La ville durable doit évoluer sur elle-même et sa croissance se fera par mutation du tissu urbain. Par définition, le renouvellement urbain est une forme d'évolution de la ville. C'est une notion large qui désigne une action de reconstruction de la ville sur elle-même. Cela permet en particulier de se pencher sur les divers dysfonctionnements des quartiers anciens. C'est un outil privilégié de lutte contre la paupérisation, contre l'habitat indigne, les « villes dortoirs » et la ségrégation sociale. Pour cela l’équipe d’Etudes urbaines, constituée de douze élèves de l’EIVP, se propose d’étudier la mise en œuvre de pratiques exemplaires et d'opérations de renouvellement urbain dans les villes de Casablanca, Amsterdam et Copenhague : deux villes du Nord, dont les pratiques durables en terme de renouvellement urbain sont plus avancées qu’en France et une ville du Sud dont la dimension patrimoniale n’est pas à négliger et fait preuve de nombreuses initiatives. Au-delà des politiques thématiques liées aux transports, à l'énergie ou aux espaces verts, l'approche développement durable peut se décliner, pour les collectivités territoriales, sous forme d'un processus global d'aménagement ou, plus particulièrement, de nouveaux quartiers. Repérer et présenter des exemples et des méthodes concrètes de réalisations du renouvellement urbain durable, constitue une étape prioritaire pour fournir des références, clarifier les concepts afin d’en reproduire les bonnes pratiques aux spécificités françaises.
Renouvellement urbain et patrimoine A l’image de la répartition spatiale du centre vers la périphérie, cette étude se décompose en trois types d’opération : la régénération prenant place dans les centres anciens, la rénovation visant à réhabiliter les tissus de faubourgs ou périphériques insalubres et la requalification de friches industrielles situées autrefois à la périphérie des villes mais qui se retrouvent aujourd’hui bien souvent au cœur du tissu urbain. Ces trois types de renouvellement présentent chacun leurs enjeux quant aux populations, au patrimoine concerné et aux processus applicables. Il est cependant admis que le patrimoine présent dans la zone est primordial dans la mise en valeur du quartier et qu’il doit donc faire l’objet d’une étude approfondie. Il convient donc de distinguer ici les différents patrimoines que nous spécifierons dans cette étude, selon le type de tissu renouvelé. Le patrimoine que nous appelons monumental est constitué des éléments dont la valeur historique et architecturale est telle que nous tendons à les figer dans une forme que nous déterminons comme la plus véridique, la plus proche de sa forme « originale ». En ce sens, ce type de
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patrimoine est la plupart du temps protégé, du moins dans les pays européens ou occidentaux dans lesquels le « culte » du patrimoine de valeur historique est apparu au XIXe siècle sous l’influence d’intellectuels tels que Prosper Mérimée ou Viollet-Le-Duc. Il est constitué du bâti historique ayant un usage original qui le distingue du patrimoine « trivial » (il s’agit la plupart du temps de bâtiment de pouvoir, de culture ou de culte), et porte une qualité architecturale certaine qui le rend facilement identifiable. En France, dès 1913, la volonté de protection de ce patrimoine a donné lieu à toute une gamme d’outils législatifs, à différents échelons et à différents degrés de protection. Il se situe bien souvent dans les centres historiques de nos villes européennes et les anime par un attrait touristique et une fierté des populations. A l’inverse, le patrimoine modeste ou mineur (L’urbanisme face aux villes anciennes de Giovanonni), est plus difficilement identifiable et n’a été défini que plus récemment dans les années trente et pose la difficulté de la valeur à lui attribuer. En effet, si l’on veut déterminer le degré de protection à mettre en œuvre autour d’un patrimoine mineur, il faut préalablement en évaluer la valeur et on distingue alors de nombreuses échelles de valeur, largement subjectives. La valeur d’un tel patrimoine peut être une valeur esthétique subjective, une valeur de par son rôle dans l’histoire de l’art, une valeur technique ou de performance, une valeur économique, ou bien sûr une valeur affective ou morale. Il apparaît ainsi que la valeur du patrimoine dépendra de l’individu, de ses origines et de son éducation, mais aussi de l’époque ou du contexte économique. La multiplicité et la non constance de la valeur complique donc la tâche d’identification et donc de préservation. On définit également un autre patrimoine que l’on désignera par patrimoine industriel dans cette étude. Sur les friches industrielles que la ville a peu à peu entourées, de nombreux vestiges de l’activité industrielle passée existent. Si des éléments de ce type de patrimoine revêtent un intérêt esthétique, d’autres sont représentatifs d’une époque, d’une société ou d’un savoir-faire technique et en ce sens, suscitent beaucoup d’intérêt. Ce patrimoine pose toutefois de nombreux problèmes de réhabilitation puisqu’il n’est a priori pas conçu pour un autre usage que sa destination d’origine, mais l’astuce des architectes et les techniques récentes permettent aujourd’hui de dépasser ces difficultés. D’autres patrimoines non bâtis présentent un intérêt certain. Ainsi, le patrimoine mobilier peut être mis en scène dans l’espace public et témoigner également d’une époque passée, par sa valeur esthétique ou technique. La trame urbaine peut également être considérée comme un patrimoine à mettre en valeur. En effet, les plans, le découpage des îlots, l’espace public et la voirie représentent les stratégies urbaines mises en œuvre et conservent dans leurs traits les évolutions successives de la ville. Si cette valeur est forte pour l’urbaniste, elle peut paraître plus obscure pour les populations. Et pourtant, ce patrimoine immatériel retrace l’histoire de la ville et assure la continuité et la pertinence de son évolution. Enfin, en périphérie des villes, on distingue le patrimoine naturel qui peut prendre la forme d’espaces boisés, de littoral ou de zones humides qui sont directement concernés par la ville puisque menacés par son extension. On ne traitera toutefois pas les enjeux liés à un tel patrimoine dans cette étude, bien que plusieurs projets étudiés présentent un volet naturel ou paysager intéressant.
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I.
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Régénération : revitalisation du centre et relance des activités 1. Les enjeux de la régénération
La régénération urbaine est une technique de renouvellement urbain que nous définissons comme s’appliquant à des centres-villes généralement anciens qui ont perdu de leur attractivité et de leur dynamisme. De par leur importance et leur notoriété dans la ville, les centres anciens font l’objet d’attentions très particulières de la part des autorités, mais également de la population. En effet, ce sont ces aires centrales qui ont constitué les prémices de l’urbanisation et qui portent ainsi l’histoire et l’identité de toute la ville. Cette caractéristique majeure des villes européennes et de villes coloniales comme Casablanca contribue à la richesse de nos cités, mais aussi à la complexité des opérations urbanistiques s’y déroulant. Le tissu urbain sur lequel va se réaliser le renouvellement dans le cas de la régénération est un cœur de ville où le patrimoine est principalement bâti et présente un état de dégradation plus ou moins avancé. La trame urbaine reste souvent représentative des techniques d’urbanisme de l’époque et présente en soi un intérêt patrimonial certain qui est rarement remis en cause lors d’une opération de renouvellement urbain. L’attachement des populations à ce symbole de leur ville et la reconnaissance de la valeur paysagère du patrimoine que constitue un centre ancien incitent les autorités à travailler ponctuellement sur le bâti plutôt que de modifier l’empreinte au sol, souvent marquée depuis des siècles. Que ce soit le dédale des rues d’une médina, l’agencement des rues autour des canaux d’Amsterdam ou les boulevards structurant les extensions successives de Paris, les éléments immatériels découpant nos villes témoignent de sa construction, des techniques mises en œuvre et des politiques de la ville qui se sont succédé. Le manque d’entretien ou les difficultés de maintenance de ce bâti historique amènent souvent à une perte de qualité. Au-delà du patrimoine monumental souvent bien représenté dans les centres anciens, la valeur d’un cœur historique est également constituée par un bâti plus trivial auquel les habitants sont attachés. C’est ce patrimoine d’immeubles d’habitation, de maisons de ville, d’équipements publics et de parcs qui constitue la plus grande difficulté. En effet, le patrimoine monumental, souvent protégé et entretenu par des instances culturelles, bénéficie des moyens techniques et financiers de la puissance publique pour le maintenir et le mettre en valeur. Par contre, la plus grande majorité du patrimoine présent dans les centres anciens est privée. Sa maintenance dépend alors de la bonne volonté et des moyens du gestionnaire. Il est évidemment délicat et coûteux d’entretenir un immeuble haussmannien ou un ancien Riad en plein cœur de médina : les techniques, les matériaux ou les normes employés à l’époque ne sont généralement plus utilisables et, a contrario, les nouvelles techniques et réglementations compliquent la tâche du gestionnaire. Il a alors besoin d’une assistance technique et financière qu’il peine souvent à obtenir.
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C’est pourquoi le tissu bâti des centres anciens, lorsqu’il n’est pas minutieusement analysé et conservé, présente des dégradations qui nuisent à son image, voire à sa salubrité. La perte de valeur foncière se traduit parallèlement par une perte de valeur symbolique. Le centre ancien ne devient plus un cœur attractif et dynamique, mais une zone rejetée, considérée comme représentative d’un passé dont les habitants ne veulent plus. De quartier central et moteur de la ville, le centre devient une zone dégradée et rejetée par ses habitants qui le délaissent souvent pour les quartiers périphériques. Pourtant, si cette aire urbaine est devenue centre-ville, c’est qu’elle devait présenter les atouts nécessaires à ce rôle et les aménagements dont elle a bénéficié auraient dû contribuer à son rôle dominant. Ainsi, le tissu urbain constitué est sain et présente toujours des caractéristiques patrimoniales fortes dans l’imaginaire des habitants. L’enjeu est donc bien de redonner de la vitalité à ce centre et d’amener les populations à se le réapproprier. Un dynamisme nouveau doit donc être apporté à la zone, tout en tenant compte du patrimoine présent, bâti et non bâti, et de l’identité du quartier. Les opérations de régénération commenceront donc par un travail minutieux d’identification du patrimoine sur lequel il faudra agir, puis sur l’ampleur des opérations à mettre en œuvre. Ainsi, Paris et nos trois villes-exemples illustreront comment des projets de renouvellement sont conçus et montés en centre ancien afin d’identifier des grandes stratégies utilisables en régénération. Les projets illustrant la régénération sont les suivants :
A Amsterdam :
Le quartier de Spaarndammerbuurt (cf annexe 1 fiche 1) : Cet ancien quartier ouvrier datant des années 20 est en pleine mutation dans le but de lui redonner une nouvelle attractivité, et d’attirer de nouvelles populations. Ce projet s’inscrit pleinement dans la politique de création de logements propre à la ville d’Amsterdam. Les différents îlots sont dessinés par des architectes hollandais et s’articule autour d’un ancien bâtiment remarquable, « Het Schip », dessiné par Michel de Klerk.
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A Casablanca :
Le tramway (cf annexe 1 fiche 2) : Le projet de création de deux lignes de tramway à Casablanca est voué à redynamiser le centre Art-Déco de la ville. Ce centre créé par les Français durant la période du Protectorat est riche en patrimoine immobilier mais n’est pas représentatif de l’identité Marocaine. Ainsi, le défi à relever pour le tramway est de ramener les Casablancais dans ce quartier européen délaissé mais présentant pourtant tous les atouts d’un centre-ville attractif.
La nouvelle médina des Habous (cf annexe 1 fiche 3) : Ce quartier, également créé par les Européens dans les années 20 reprend la trame d’une médina traditionnelle mais son caractère plus aseptisé facilite sa mise en valeur. La préservation et le dynamisme du quartier des Habous relève d’un enjeu touristique majeur pour Casablanca et toute opération de renouvellement dans cette zone est vitale et minutieusement réfléchie.
A Copenhague :
Holmbladsgade (cf annexe 1 fiche 4) : Le quartier de Holmbladsgade est un quartier ouvrier en brique rouge traditionnel de Copenhague. La ville a lancé une opération de régénération en 1997 pour faire diminuer le taux de criminalité et l’instabilité de la population. L’opération a porté sur les ambiances d’espaces publics, les équipements et la rénovation de certains bâtiments.
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A Paris :
Les Halles (cf annexe 1 fiche 5) : Au cœur de Paris, les Halles doivent retrouver leur rôle de centre régional et même métropolitain grâce à un projet de réaménagement complet, des sous-sols à la surface. Accompagné par une concertation permanente, ce projet vise à sécuriser et rendre plus attractives les Halles tout en s’appuyant sur le tissu existant, notamment par les continuités et de nouveaux équipements.
Le secteur sauvegardé du Marais (cf annexe 1 fiche 6) : Ce quartier situé dans le quatrième arrondissement de Paris est un des rares quartiers où le patrimoine architectural a été épargné par les grandes percées haussmanniennes. Il possède un passé historique très riche, notamment grâce à ses hôtels particuliers, ses jardins et ses édifices religieux qui ont bien failli disparaître au XIXè siècle. Les projets de réaménagement de ce quartier ont pu avoir lieu après son classement en secteur sauvegardé en 1965.
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2. Identification du patrimoine de tissu régénéré Dans un processus de régénération, la question n’est pas de déterminer les éléments qui seront conservés dans le quartier puisque la valeur de l’ensemble de la zone est généralement reconnue. L’enjeu est alors de choisir quels projets y mettre en œuvre, quel levier actionner pour remplir l’objectif de revitalisation. Dans la mesure où l’empreinte du quartier et le tissu urbain sont généralement sains, les opérations ont vocation à être relativement ponctuelles et légères. La difficulté est alors d’identifier les éléments qui feront l’objet d’une rénovation ou d’un changement de destination afin de proposer de nouveaux services ou une nouvelle valeur patrimoniale au quartier.
Sur quels éléments s’appuiera la régénération ? L’ensemble du patrimoine bâti et non bâti sera donc préservé et seuls quelques bâtiments feront l’objet d’une rénovation réfléchie et optimisée. Ces opérations ont donc intérêt à se dérouler sur des édifices phares qui incarnent l’identité du quartier et recèlent une valeur reconnue par tous. En redonnant un nouveau vernis ou une nouvelle utilité à un bâtiment patrimonialement intéressant, les autorités pourraient ainsi proposer quelque chose de nouveau dans le quartier et ainsi réveiller l’intérêt de ses habitants ou de ceux des alentours. En effet, la question sociale est primordiale pour l’urbaniste qui doit trouver le ou les éléments permettant d’attirer les populations souhaitées ou de Lorsque la ville d’Amsterdam a décidé redonner envie aux propriétaires de s’occuper de leur de modifier le quartier de patrimoine. Il ne s’agit pas seulement du bâti ou de Spaarndammerbuurt, ancien quartier l’espace public, mais surtout de l’usage souhaité : ouvrier, les habitants et la ville ont équipement, centre d’envergure, infrastructure, exprimé leur volonté de conserver un commerce et tourisme... Dans le projet de bâtiment remarquable, « Het Schip », renouvellement apporté par le tramway à Casablanca, dessiné par Michel de Klerk. Celui-ci l’ensemble du quartier Art Déco ne sera pas remis en était initialement un vaste complexe question par le passage de la ligne, mais au contraire résidentiel destiné à loger 102 familles remis en valeur par le dynamisme nouveau apporté par d’ouvriers, et intégrait notamment une ce transport en commun. Ce secteur sauvegardé fera école et une poste. ainsi l’objet d’un renouvellement linéaire de façade à façade sur le boulevard principal qui devrait ensuite se propager à l’ensemble du quartier. La volonté est donc bien de trouver les éléments qui redynamiseront le quartier, qui lui donneront un nouvel élan. Toutefois cette identification n’est pas aisée et suppose d’être capable d’attribuer une valeur à tout bâti. Ainsi les villes font le choix de conserver,
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d’améliorer, de rénover, de transformer ou bien de détruire. Nous pouvons nous demander sur quoi elles basent leur choix ? Considèrent-elles exclusivement le patrimoine classé, reconnu ?
Comment estimer la valeur du patrimoine non monumental ? A Casablanca, le patrimoine identifié par la ville correspond au centre Art Déco, reconnu comme l’un des plus grands patrimoines Art Déco au monde. De même, la Nouvelle Médina est représentative d’une forme urbaine propre au Maroc. Ainsi les choix de la ville semblent basés sur une évaluation purement subjective de la valeur de tel ou tel bâti, mais nous verrons par la suite que cette valeur n’est que rarement partagée par tous. La valeur du patrimoine de centre ancien ne se résume donc pas au seul patrimoine monumental. Il peut prendre la forme d’une trame urbaine caractéristique d’une période, d’une culture, ou encore de bâtiments a priori banals qui portent toutefois une valeur sentimentale forte pour les habitants. Il semble donc difficile d’attribuer une valeur objective au patrimoine non monumental de centre ancien, d’autant que selon l’origine ou l’éducation des usagers, la perception varie sensiblement. Ainsi, le patrimoine lié à une période historique peut être important pour certaines populations quand d’autres le rejetteront, à l’instar des corons dans le Nord de la France ou des marques du Protectorat à Casablanca qui témoignent d’une époque malheureuse pour eux. La collectivité doit donc faire un choix entre satisfaire les habitants et les personnes soutenant ce patrimoine controversé. C’est pourquoi l’avis des populations doit être recueilli et pris en compte pour assurer la durabilité des processus de régénération. Toutefois, la manière de choisir ces éléments dépend de la
La municipalité de Copenhague tente d’intervenir dans les quartiers avant que de forts problèmes de criminalité ne se développent, tout en s’attachant à détruire le moins de bâtiments possible et à maintenir l’identité du quartier pendant les opérations. Les choix sur le bâti à démolir se basent donc plus sur des questions de salubrité, de qualité de vie, d’économie que sur la valeur patrimoniale intrinsèque de ce dernier. Cependant, l’histoire du bâti peut aussi entrer en ligne de compte. En effet, dans le quartier de Vesterbro, la ville a choisi de conserver et de rénover un immeuble qui fut le premier construit dans le quartier. Cette décision n’était pas évidente, puisque le bâtiment ne présentait pas une architecture remarquable et que les fondations n’étaient pas saines. Ce choix de la ville reflète la volonté de marquer l’attachement de ce quartier à son passé de faubourg dont le premier immeuble sera préservé comme témoin de cette époque.
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politique locale et des relations que la ville entretient avec les habitants. Dans nos différents voyages, que ce soit à Amsterdam, à Casablanca ou à Copenhague, nous avons remarqué que pour la régénération, la volonté de la ville est prédominante.
Qui décide de l’avenir du patrimoine des centres anciens ? En effet, on pourrait penser que la concertation est l’une des manières les plus utilisées pour identifier les opérations à mener sur ces quartiers auxquels les habitants sont attachés. Il est vrai que pour satisfaire la population, il paraît nécessaire de lui demander ce qu’elle souhaite. Cela permet de dégager facilement le patrimoine urbain du quartier et de s’assurer du soutien des habitants. Cependant la concertation n’est pas toujours évidente. D’une part, elle peut servir de tribune politique, d’autre part elle ajoute des contraintes aux décideurs. En effet, si le décideur utilise cet outil pour choisir le patrimoine à valoriser ou impliquer les citoyens dans le projet, il est dans l’obligation de prendre en compte les observations faites lors de ces réunions. Dans ces conditions, nous avons remarqué dans nos différents voyages que la décision finale revient souvent à la mairie, même si la concertation est souvent partie intégrante du projet. Cette implication des citoyens dans toutes les phases du projet permet de valoriser celui-ci et de le rendre viable.
À Casablanca, les populations n’étant pas particulièrement intéressées par leur patrimoine et la culture de la concertation n’étant pas encore suffisamment développée, ce sont les autorités qui ont décidé de classer le secteur du quartier Art Déco ou de rénover la Nouvelle Médina.
Le projet des Halles a fait l’objet d’une concertation permanente grâce à un processus clairement défini, à un comité permanent, un garant et de nombreux groupes de travail thématiques. Ainsi, les usagers et tous les acteurs du projet ont pu s’exprimer sur les services innovants, les transports, l’espace public ou les jardins publics. Des enquêtes publiques et des réunions de concertation se sont déroulées depuis 2003, faisant systématiquement l’objet de bilans et comptes-rendus afin d’assurer la transparence et l’efficacité de la concertation.
On peut ainsi dégager plusieurs niveaux dans la concertation qui permet d’identifier le patrimoine à conserver ou au contraire les opérations à mener. On peut toutefois noter que cette participation du public reste limitée et, au-delà des considérations culturelles, il faut reconnaître que le renouvellement des centres anciens est déjà en soi une opération délicate dans laquelle les mairies ont visiblement du mal à impliquer les citoyens. Une fois identifiées, les actions à mener n’en sont pas moins délicates. Les opérations en centre ancien sont généralement coûteuses et techniquement difficiles. De plus, il y a très peu de réglementations encadrant ce type d’opérations, surtout quand il s’agit d’un patrimoine privé. Cependant chaque pays a développé ses propres
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mesures de protection du patrimoine, permettant ou non de modifier un bâti dont la valeur est reconnue.
Comment protéger le patrimoine de centre ancien ? Il paraît plus facile de s’intéresser uniquement au patrimoine classé, cependant tous les quartiers régénérés ne comprennent pas tous une série importante de monuments. En outre, le patrimoine classé est souvent déjà protégé et entretenu dans un autre cadre que celui de la régénération. Nous La mairie de Casablanca tente d’endiguer les pourrons noter que tous les pays visités possèdent, destructions de patrimoine par les particuliers comme la France, une procédure de classement du en instaurant un système de permis de patrimoine. Dans ce cas, le patrimoine est aussi démolir. Mais des dérives perverses sont « intouchable » qu’en France et les autorités font induites par ce fonctionnement : les bon usage de cet outil. Les quartiers possèdent un propriétaires n’étant pas autorisés à détruire patrimoine qui n’est pas uniquement monumental, leur bâtiment le laissent à l’abandon, voire le mais principalement urbain ou « trivial ». Comme il dégradent sciemment et discrètement (en a déjà été signalé, c’est le patrimoine non classé qui cassant les fenêtres par exemple) afin pose problème, et alors les outils à disposition des d’accélérer sa destruction. Une fois détruit, les autorités sont largement impuissants. Dans ce cas, autorités ne peuvent plus empêcher le la régénération présente l’avantage d’être moins propriétaire de faire ce qu’il veut de sa coûteuse pour les mairies, mais cela passe souvent parcelle. Le seul recours de la mairie est alors par l’acquisition d’un certain nombre de bâtiments d’acquérir le patrimoine à préserver, par des pour réaliser leur projet. Est-il réellement possible mesures d’expropriation, comme c’est le cas alors d’acheter une telle quantité de bâti ? Ainsi, le pour l’Hôtel Lincoln. Mais ces procédures sont volet économique ne doit pas être négligé pour longues et coûteuses, et elles échouent assurer la viabilité de la régénération pour la parfois à récupérer un patrimoine en bon état. collectivité. Le but de l’opération est donc surtout A partir du XIXè siècle, le quartier du Marais s’est progressivement dégradé jusqu'au milieu du XXè siècle dans une certaine indifférence. Seule la nécessité de créer de nouvelles administrations permit le sauvetage de certains monuments. Il a fallu attendre le 4 août 1962 avec le vote de la loi sur les secteurs sauvegardés et sur la protection des centres-villes anciens pour voir la situation changer. La réhabilitation de ce quartier n’a réellement commencé que le 16 avril 1965, quand le Marais est devenu officiellement un secteur sauvegardé.
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d’inciter les propriétaires à entretenir leur bâti. Il faut alors que les travaux effectués sur les bâtiments soient en accord avec les plans municipaux. En effet, le point fort des quartiers régénérés est leur ambiance architecturale. Si les propriétaires changent trop l’aspect des façades, le quartier risque de perdre son identité. Un autre outil de la mairie pourrait donc être de protéger la zone ou de contrôler les permis de construire et de démolir avec des règles dans un document semblable au PLU. Un autre outil est à disposition de l’urbaniste pour protéger le patrimoine en France : la création de zones de sauvegardes où les altérations du bâti sont limitées. On distingue les secteurs sauvegardés, introduits par la loi Malraux en 1962, et les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), instituées par la loi du 7 janvier 1983 relative à la décentralisation. Si la première mesure visait concrètement à limiter le remplacement des centres anciens par des constructions récentes bien éloignées de l’identité originelle du centre, la seconde se rapporte à la protection de tous les patrimoines, qu’il soit monumental, mineur ou naturel. La création d’un secteur sauvegardé est à l’initiative de l’Etat, alors que celui d’une ZPPAUP est à l’initiative de la commune, mais le principe reste le même : le patrimoine identifié dans la zone sera protégé par une série de mesures imposant des autorisations pour tous travaux dans la zone et les travaux de réhabilitation ou d’investissement dans la zone bénéficient d’avantages fiscaux. Ainsi, ces deux outils permettent une véritable mise en valeur de l’ensemble du quartier et proposent des solutions adaptables à chaque zone et prenant en compte l’ensemble du patrimoine, et plus seulement le patrimoine monumental. Il faut toutefois souligner que le secteur sauvegardé est souvent vu comme un quartier « musée », déconnecté du tissu alentour et entravant le développement immobilier et économique de la zone. C’est pourquoi, une réflexion globale à l’échelle de tout le territoire est nécessaire. De plus, le volet financier de ces deux outils (bien que menacé aujourd’hui) ne peut être négligé et doit encourager à la mixité sociale. Si ces outils sont régulièrement utilisés en France (on compte 450 ZPPAUP en cours d’activation), et notamment à Paris dans le secteur du Marais, les villes visitées manquent visiblement de telles mesures pour prendre en charge la protection de leur patrimoine mineur.
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Conclusion Il n’existe aucune méthode universelle pour identifier le patrimoine à préserver ou les améliorations à réaliser dans un centre ancien pour le redynamiser. Nous pouvons toutefois noter que les villes choisissent souvent des infrastructures ou des équipements publics pour relancer un quartier et non pas la création de commerces ou de logements. Le projet est généralement d’envergure : à l’échelle de la commune ou même de la région. Les réalisations ne sont pas nécessairement importantes, mais la publicité est primordiale afin de mettre en valeur la ville. La concertation est délicate et rend la tâche des municipalités ardue. C’est pourquoi les décisions sont souvent arbitrairement posées par les autorités, entraînant par la suite un manque d’implication du côté des habitants. Et pourtant, le développement durable de la ville nécessite la prise en compte des questions sociétales pour assurer la réussite du projet de régénération. Le peu d’outils à disposition pour préserver ou rénover un patrimoine non monumental et souvent privé complique encore les opérations de régénération, mais les villes que nous avons visitées ont tout de même réussi à établir des stratégies de renouvellement urbain efficaces.
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3. Planification et montage du projet Différentes stratégies utilisées pour régénérer un tissu ancien Les différents projets de régénération urbaine se basent sur les grandes orientations politiques de chacune des villes visitées. A Amsterdam, la volonté de la ville est de créer du logement de manière à lutter contre la pression foncière, très présente dans l’ensemble des Pays-Bas, et donc de redensifier l’existant. La ville de Copenhague poursuit, elle, une politique d’attractivité de manière à réattirer les habitants des banlieues vers le centre-ville. Enfin, le développement de la ville de Casablanca a un but totalement différent, l’objectif étant de développer le tourisme pour des raisons économiques, et donc de s’appuyer sur le patrimoine existant en le protégeant. Ainsi, le financement et le montage des divers projets de renouvellement des centres anciens diffèrent d’une ville à l’autre. Ce paragraphe reprendra chaque projet étudié afin de mettre en avant les techniques de renouvellement urbain utilisées. La ville d’Amsterdam a la particularité de subventionner la construction de logements et de ne pas vendre le foncier ainsi construit. Elle est donc propriétaire du sol et loue seulement sous forme de baux emphytéotiques. Elle permet ainsi le développement de logements sociaux tout en gardant un droit de regard sur ce qui est construit ou détruit. Cependant, la ville d’Amsterdam n’intervient pas au cours du projet, mais seulement lorsque celui-ci est finalisé et qu’elle doit le valider. Si un détail ne lui convient pas, elle peut revenir dessus en concertation avec les architectes et urbanistes pour arriver à un projet répondant à la politique de la ville. Ce système de subvention peut s’effectuer de deux manières différentes : soit par l’intermédiaire d’un partenariat publicFigure 2: Exemple d'extérieur d'îlot privé, soit directement par la sélection d’architectes qui devront alors intervenir sur un bâtiment ou un îlot à réaménager. C’est Confier le renouvellement à notamment le cas dans le quartier de Spaarndammerbuurt, où les des architectes afin de îlots sont confiés à de jeunes architectes de l’école d’Amsterdam. redonner de l’attractivité au Toute la difficulté est alors de mener une réflexion globale à quartier, en créant l’échelle de l’îlot de manière à faire coexister logements et notamment de la diversité. équipements, et d’articuler celui-ci au patrimoine identifié : « Het Schip » présenté précédemment. La ville d’Amsterdam a ensuite validé ces divers projets qui sont actuellement en phase finale de réalisation. A l’échelle de ce quartier, la planification de la régénération a eu deux étapes principales avec tout d’abord la rénovation du bâtiment de Michel de Klerk de manière à modifier les logements, puis ensuite des îlots des alentours. L’utilisation de la concertation en phase initiale et en phase de projet a permis de s’assurer de la viabilité du projet et de Figure 1: Intérieur d'îlot en construction l’adhésion des populations.
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La ville de Copenhague, dans l’optique de rendre attractif le Proposer de nouveaux centre-ville ancien, va développer des équipements et une qualité équipements dans les de vie répondant aux attentes des habitants, et donc investir de quartiers à renouveler pour manière importante pour satisfaire ses objectifs. Le retour sur y attirer la population investissement s’effectuant par le biais des taxes d’habitations. désirée, capable Certaines associations achètent des appartements et les louent. d’entretenir le bâti. Ces associations sont financées en partie par les entreprises. Mais ces organismes similaires aux offices HLM français suivent tout de même les prix du marché. Pour assurer la mixité sociale, le Danemark n’a qu’un seul outil : imposer une part de logement locatif. Ils ne possèdent pas de système de logement social comme en France ou aux Pays-Bas. La ville alloue aux plus démunis une allocation du type CAF. Ils considèrent ainsi qu’en laissant des appartements à louer, il n’y aura pas que des propriétaires dans le quartier, et donc des populations plus défavorisées. Là encore, la concertation est un moyen très utilisé pour connaître et comprendre les attentes des Copenhagois, et donc de concevoir des éléments les convainquant de revenir vivre dans le centre ancien. Pendant toute la durée des projets et même après réalisation, la ville effectue beaucoup de publicité autour de ceux-ci pour donner envie et attirer de Figure 3: Pargs Boulevard, source : Christina Capatillo nouveaux habitants. Cette politique a notamment été utilisée dans le quartier de Holmsbladsgade, où la ville a installé de nouveaux équipements et est intervenue sur les espaces publics pour attirer des familles et faire reculer la criminalité. Prags Boulevard en est un bon exemple. Il conduit le passant de la station de métro au nouveau centre d’art et de démocratie. Ce large boulevard reçoit en son centre un mail entrecoupé d’installations sportives pour le quartier : skate-parc, terrain de basket… Les allées de part et d’autre du mail sont agrémentées de mobiliers haut en couleur et de dessins géométriques au sol.
Dans le cadre plus large du développement économique par le tourisme, la plupart des opérations de renouvellement urbain de Casablanca sont vouées à favoriser le tourisme en rénovant des quartiers touristiques. C’est en effet l’un des objectifs premiers du Schéma Directeur de la Région de Casablanca rédigé en collaboration avec des urbanistes français de l’IAU-IdF. Ce document de planification stratégique à l’horizon 2030 prévoit d’inclure l’objectif de préservation du patrimoine dans
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Figure 4: Portes typiques du quartier des Habous
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celui du développement touristique. Ainsi, dans la Nouvelle Médina, c’est la Région du Grand Casablanca elle-même qui va permettre la rénovation et le maintien de l’identité par le biais de subventions, pour encourager par exemple à conserver le style traditionnel des portes lors de travaux de remplacement. La ville va également intervenir directement sur les propriétés privées en repeignant les façades. La stratégie adoptée pour le projet du tramway est assez particulière puisque la création de la ligne, financée par la région et l’Etat, prévoit une revalorisation du foncier alentour qui inciterait ensuite les propriétaires à rénover leur bâti Art Déco. Induire une remise à niveau du bâti en proposant un nouvel aménagement linéaire des rues. Obtenir un renouvellement de façade à façade grâce à une revalorisation de l’espace public, par un transport public propre par exemple.
Ainsi, plusieurs montages technico-financiers peuvent être utilisés pour régénérer les centresvilles. Que ce soit par des opérations très légères ou des aménagements ponctuels, les villes tendent à redynamiser leur quartier en quelques points pour ensuite provoquer une nouvelle dynamique de toute la zone. Des opérations plus linéaires sont également supposées faire tâche d’huile sur les quartiers adjacents, mais l’investissement de base est bien plus lourd. La planification de ces opérations est donc primordiale et le phasage choisi décide bien souvent de la réussite du projet.
Mieux intégrer le tissu régénéré au tissu existant Un autre point important dans la réussite de la régénération est la prise en compte de l’existant et notamment l’articulation et l’intégration au tissu existant. Comme on l’a vu, les modifications apportées par une opération de régénération sont généralement légères. Cependant, la prise en compte de l’environnement ne doit pas être négligée car le caractère du quartier, qui a fait sa réussite, doit être préservé. Une rénovation complètement détachée du bâti existant ne peut pas fonctionner. Les opérations de plus grande envergure doivent également veiller à la meilleure insertion du tissu régénéré au reste de la ville. On peut en effet penser que la perte de dynamisme peut être due à une mauvaise desserte ou à un enclavement de la zone, auxquels il faudra donc remédier. A Copenhague, dans le quartier de Holmbladsgade, le bâti initial à dominance de brique rouge et grise est conservé et les nouveaux bâtiments imbriqués dans les anciens. Il n’y a cependant pas de continuité architecturale entre ces types de bâti, il existe seulement une continuité dans les Créer une continuité entre espaces publics avec un le tissu existant et le tissu jeu sur les couleurs et les renouvelé grâce à une matériaux. identité architecturale de l’espace public.
Figure 5: Centre d’Art et de Démocratie source : Nathalie Kragh
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Si la plupart des projets de régénération de Casablanca prennent place dans des zones fermées (les murs de la médina), l’articulation à l’existant est difficilement modifiable par rapport à ce qui a été pensé au départ. D’une autre manière, la question de l’intégration du tramway se pose également. En effet, sur trente kilomètres de long, il doit relier des quartiers totalement différents et contribuer au renouvellement de plusieurs zones. Ainsi, en se basant sur la portion phare du tracé, le boulevard Mohammed V et le quartier Art Déco, l’ensemble du tramway sera traité avec un style Art Déco (mobilier urbain et quais). On peut toutefois se poser la question de la pertinence d’un tel choix sur l’ensemble du Figure 6: Nouveau tramway sur le tracé, qui amènera donc à réaliser des aménagements coûteux boulevard Mohammed V, source: Systra dans un style parfois complètement discordant avec l’architecture du quartier traversé (quartier moderne du Mâarif ou populaire de Sidi Moumen par exemple).
La ville d’Amsterdam est ici un peu particulière dans la mesure où son centre ancien se caractérise par des façades totalement différentes d’un bâtiment à l’autre. En effet, il n’existe pas de réglementation sur les matériaux ou les couleurs, seule la hauteur totale et celle du premier plancher sont imposées dans la réglementation pour le centre ancien. Dans le quartier Spaarndammerbuurt présenté précédemment, situé à proximité du centre ancien, mais pas directement dans celui-ci, la cohérence est assurée de manière architecturale. En effet, la ville a manifesté sa volonté de garder le fameux bâtiment « Het Schip » qui se caractérise par sa façade en brique, matériau repris ensuite pour les îlots attenants. Le rapport entre les différents îlots a également été travaillé en intégrant des symétries communes, des inflexions et des correspondances qui témoignent d’une réflexion plus globale.
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Figure 7: Exemple de différences entre façades
Figure 8: Uniformité des matériaux de façades, source : Street View
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4. Bilans et éléments de réflexion pour la France Les différentes techniques mises en œuvre pour régénérer la ville existante et revitaliser des centres parfois délaissés répondent à de nombreuses difficultés identifiées par les autorités et les aménageurs. L’avancement des projets que nous avons étudiés dans les trois villes visitées étant très disparates, nous avons pu juger des améliorations effectives, mais aussi des réserves émises par les habitants ou les responsables des projets. Il y a en effet parfois un fossé entre les résultats idéaux attendus par les projeteurs et les résultats concrets constatés sur place. Que ce soit le retour effectif à l’âge d’or de la zone, le bon fonctionnement du quartier ou l’intégration des nouveaux aménagements à l’existant ou aux quartiers adjacents, de nombreux défauts ont pu être mis en avant. Certains projets ont néanmoins atteint leurs objectifs ou sont sur la bonne voie pour les remplir et ce paragraphe vise à faire un état des lieux des projets étudiés.
Casablanca : Lorsque le renouvellement urbain relève d’un objectif quasi national de développement du pays comme c’est le cas pour Casablanca, les résultats se doivent d’être à la hauteur des moyens mis en œuvre. Cependant, la pertinence des opérations choisies reste critiquable au vu des améliorations effectives ou attendues. Dans la nouvelle médina, il est certain que les opérations ponctuelles visant à Figure 9: Une rue commerçante de la Nouvelle maintenir en l’état le patrimoine bâti ont Médina atteint leur but puisque c’est l’un des centres les plus touristiques de Casablanca et les plus reconnus par les Casablancais. Le quartier des Habous concentre de nombreuses activités liées au tourisme et les populations y vivant sont fières de leur quartier et contribuent à son maintien. Toutefois, dans la mesure où la nouvelle médina a été créée de toutes pièces dans les années vingt, justement pour devenir une vitrine du tourisme à Casablanca, l’effet en est probablement faussé. Le tissu urbain n’a pas connu autant d’évolution qu’une authentique médina et il a été pensé dès le départ pour être plus facile à entretenir. Les rues sont plus larges, les hauteurs ont été limitées, ainsi il est plus aisé de remplacer régulièrement les pavés et de rafraîchir les façades. De plus, ce quartier bénéficie de l’attention toute particulière de la Région de Casablanca dont les bureaux établis dans l’ancien palais du sultan jouxtent la nouvelle médina. Les moyens dont bénéficie cette toute jeune administration permettent donc d’entretenir le quartier et les propriétaires ne peuvent qu’accepter un financement pour remplacer une porte ou une fenêtre. La nouvelle médina des Habous est donc une réussite dans la mesure où le patrimoine architectural est effectivement préservé et qu’il est
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réellement approprié par les habitants. Toutefois, on peut se demander si la préservation d’un patrimoine « artificiel » présente réellement les mêmes difficultés. L’opération de renouvellement attendue par le tramway reste incertaine par de nombreux aspects. Tout d’abord, les habitants qui ont été interrogés par les élèves lors du voyage n’étaient que trop rarement au courant du projet de la ville. En effet, la plupart des Casablancais ne sont pas informés des réalisations en cours et encore moins des travaux à venir. Il se dit que les Casablancais ne croiront réellement au tramway que quand ils verront les rails. Ainsi, le succès du tramway est fortement hypothétique et vu la communication actuelle sur ce nouveau moyen de transport, on peut douter de sa véritable utilisation. Alors, comment le dynamisme supposé apporté par le tramway pourrait-il être réel s’il n’est pas utilisé ? L’effet domino escompté ne pourra avoir lieu que si le tram est un succès et que l’ensemble des quartiers traversés sont redynamisés par son passage. Ce succès est d’autant plus incertain que le mode de Figure 10: Le boulevard Mohammed V transport choisi n’est pas vraiment intégré à la culture marocaine et ne s’adresse pas à toute la population. En effet, le prix sera un facteur discriminant puisque le nouveau tramway ne pourrait pas desservir l’ensemble de la population. Si on ajoute à cela la perception du patrimoine Art Déco comme témoin d’un passé sous domination française, les populations intéressées par une rénovation de ce patrimoine s’amenuisent. Au final, très peu de Casablancais se sentent concernés par la conservation de ce bâti auquel ils ne s’identifient pas et ce n’est pas un nouveau mode de transport qui leur est inaccessible qui contribuera à leur faire apprécier ce quartier. On peut toutefois espérer que, à l’image des membres de Casamémoire et de certaines personnes interviewées, une nouvelle population souhaitera se réapproprier ce quartier et contribuer à sa mise en valeur. Des mesures incitatives de la part de la mairie pourraient être envisagées, à l’image de ce qui se fait dans la nouvelle médina des Habous, mais c’est également toute l’image du quartier qu’il faudra valoriser. En effet, comme nous l’avons remarqué lors de nos rencontres avec de jeunes étudiants, le quartier Art Déco ne représente pas ce qu’ils attendent d’un quartier dynamique et attractif. Ils préfèrent se rendre dans le quartier du Mâarif où immeubles d’acier et de verre accueillent les dernières chaînes de magasins à la mode. Pourtant, c’est bien le boulevard Mohammed V et les rues adjacentes qui constituaient autrefois le centre commerçant de Casablanca, et ils présentent toutes les qualités requises pour encourager la vie économique et culturelle. Les arcades, les petites rues et les nombreux points de restauration sont autant de facteurs contribuant à l’authenticité du quartier et permettant l’installation de commerces. Ainsi, il suffirait de peu pour redonner de l’attrait à ce quartier et le rétablir dans son rôle économique, et le tramway semble être un bon vecteur pour y parvenir. Toutefois, ce projet devra être planifié avec précision et être accompagné de nombreux autres plans, notamment financiers et de communication. Le tram seul ne pourra pas réussir, l’ensemble du quartier et des populations doivent être impliquées. On peut alors regretter que la politique marocaine ne soit pas tournée vers la concertation qui aurait permis une meilleure participation des populations concernées.
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Amsterdam : Le renouvellement urbain du quartier de Spaarndammerbuurt s’est effectué autour de l’élément patrimonial identifié dans celui-ci. La modification des logements anciennement ouvriers présents dans ce bâtiment pour des logements plus spacieux va permettre d’attirer une nouvelle population vers ce quartier. De la même manière, l’architecture particulière des îlots attenants dite à double peau (deux rangées de bâtiments à des hauteurs différentes, séparées par des jardins privatifs) a permis de créer différents types de logements, de manière à faciliter la mixité sociale.
Figure 11: Vue aérienne (source : Google Earth)
Figure 12 : Coupe de la double rue, source Formes urbaines : de l’îlot à la barre
L’un des points forts de la régénération de ce quartier est l’incorporation de nombreux équipements et de commerces, notamment sur Oostzaanstraat, ce qui a permis de modifier
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profondément sa structure de manière à créer une véritable vie de quartier. La modification des îlots a également participé à la redynamisation de cet ancien quartier délaissé, dans le sens où les îlots ne sont plus seulement un assemblage de parcelles destinées à des logements, mais forment un véritable territoire urbain cohérent, assurant la continuité du tissu, et des espaces variés. Ce quartier initialement enclavé entre les docks Ouest du port et la voie de chemin de fer reliant Amsterdam à Harlem est donc devenu un espace relié au centre d’Amsterdam dans lequel une nouvelle dynamique a été initiée. Ce projet s’inscrit donc parfaitement dans la politique de la ville d’Amsterdam qui est de créer un nombre important de logements sans pour autant détériorer l’âme de la ville. Le bilan de cette opération semble positif, même si les travaux sont actuellement en cours d’achèvement, et nous avons donc un manque de recul pour pouvoir juger objectivement de sa réussite. La concertation aux moments clés du projet a joué ici un rôle primordial dans l’acceptation et la réappropriation du quartier par ces nouveaux habitants et par ses riverains.
Copenhague : Depuis les années quatre-vingt-dix, où la ville était proche de la banqueroute, la politique de la ville est d’attirer des habitants et surtout des habitants aisés afin de renflouer ses caisses grâce aux taxes d’habitation. Cet objectif n’est évidement pas affiché par la ville, mais il reste largement prédominant dans la logique des projets réalisés. Le travail dans le quartier d’Holmbladsgade attire beaucoup de « bobos », de par les activités proposées ou les espaces publics de qualité. Cette Figure 13: Holmbladsgade, nouveau café, source : population est certes plus aisée que la Copenhagen X classe ouvrière présente à l’origine dans le quartier. D’ailleurs un certain nombre d’urbanistes appellent ce quartier « the New Vesterbro » (présenté dans la partie II), de part la gentrification du voisinage et des boutiques. Par contre, le succès n’est pas encore total puisque du point de vue des habitants « d’origine », le quartier n’est pas encore sûr. Les populations visées, n’ont pas encore investi le quartier car il n’est pas assez dynamique. En effet, le quartier est trop proche de quartier plus « branchés », où la vie nocturne est beaucoup plus présente. Les Copenhagois préfèrent donc venir dans le quartier d’Holmbladsgade pendant la journée et habiter dans des quartiers où ils peuvent sortir plus facilement le soir. Par contre, il est indéniable que le centre d’art et de démocratie attire beaucoup de gens, notamment depuis que l’accès au quartier est facilité par la présence d’une station de métro créée en 2007. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion de voir que des boutiques assez « branchées » se sont implantées à
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côté du centre d’art et de démocratie. Le projet est probablement sur la bonne voie. Il faudra encore un peu de temps pour que l’opinion des gens sur le quartier change et les amène à désirer s’y installer. Sur ce point de vue, le quartier de Vesterbro achevé depuis dix ans possède encore une mauvaise réputation, alors que l’opération est une réussite et de nombreuses familles aisées s’y sont installées. La mécanique serait alors enclenchée avec un cercle vertueux dans lequel les cafés et les restaurants s’installeront d’eux-mêmes s’ils sentent que le quartier induit un fort potentiel de clients, puis l’activité nouvelle entraînerait un nouvel afflux de population …
Conclusion Il est important de conserver l’identité du centre ancien, ou plutôt d’encourager un retour à ce qui a fait son succès. Modifier la destination du quartier ou le style représenté par le centre pourrait en effet accélérer le processus d’abandon et marginaliser complètement le centre-ville. Ainsi, la mise en valeur du patrimoine monumental existant et la restauration du patrimoine commun peut d’ores et déjà contribuer à redynamiser la zone. Un quartier propre et bien entretenu incitera les populations extérieures à le visiter et contribuera ainsi à l’activité économique. Puis la valeur redonnée atteindra les populations locales qui verront à nouveau l’intérêt d’habiter un centre historique de caractère, vivant et attractif. Cette estime retrouvée du quartier devrait donc mener à une nouvelle appropriation du centre par ses habitants qui contribueront ensuite d’avantage à son maintien. Des populations capables d’entretenir du bâti nécessitant généralement beaucoup d’investissement seraient à même de dynamiser la zone, mais la mixité sociale ne doit pas être empêchée pour autant. C’est ainsi toute une population fière de son quartier, qui jouerait un rôle primordial, à la fois dans l’image et la maintenance du centre ancien. C’est par des opérations ponctuelles de réhabilitation ou d’aménagement que les autorités tentent de redynamiser les centres anciens délaissés. En effet, en redonnant de la valeur à quelques monuments ou en proposant de nouveaux équipements dans le centre, un effet tâche d’huile est espéré sur toute la zone. Ces opérations peu lourdes doivent donc être minutieusement choisies et réalisées afin d’atteindre leur objectif et entraîner une régénération effective plus large. Cependant il est aussi très important de prendre en compte la volonté et les besoins de la population qui vit dans, et à proximité, de ce quartier. Le danger d’un tel oubli serait la création d’un « quartier musée » qui serait figé dans le temps comme dans l’espace, et se verrait totalement abandonné par ses habitants. Il est donc nécessaire de trouver un juste milieu entre la conservation et la création de nouveaux équipements susceptibles de satisfaire la population. La concertation est un outil qui pourrait permettre d’arriver à de tels compromis, et un outil qui a prouvé son efficacité, que ce soit en France ou dans les villes que nous avons pu visiter. Cet outil revêt une importance dans la prise en compte des besoins des habitants, mais aussi dans la sélection du patrimoine à rénover, il permet également de clarifier le financement de tels projets. Les opérations de régénération ne peuvent réussir qu’en adoptant une approche holistique où les questions sociales (par l’implication des populations) et économiques (problématiques de financement) sont conjuguées pour garantir un dynamisme durable à la zone régénérée.
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II.
Rénovation insalubre
:
lutte
contre
l’habitat
2010 ancien
1. Les enjeux de la rénovation La rénovation abordée dans cette partie concerne la transformation d’un quartier, d’un îlot en vue de l’améliorer. Le concept de rénovation urbaine est assez récent en France. En effet, il apparaît à la fin des années cinquante. Il s’agit alors de lutter contre l’habitat ancien insalubre, c’est d’ailleurs sur ce point que nous allons insister dans toute cette partie et ce au travers d’exemples choisis dans trois villes : Amsterdam, Casablanca et Copenhague. La rénovation urbaine désigne donc pour nous, la démolition globale de certains îlots permettant la construction de logements neufs, la création d’un tissu urbain plus adapté. Cette démarche en France est souvent complémentaire de celle des ZUP. Elle permet la viabilisation d’espaces péri-urbains pour en faire des quartiers d’habitat. Comme nous venons de le définir, la rénovation à notre sens concerne donc principalement le tissu ancien dense, très dégradé et qui peut être amené à faire face à des problèmes, tels que l’alcool, la drogue ou encore la prostitution. C’est également un tissu laissé à l’abandon, suite à une délocalisation d’activités par exemple, repris par des populations, qui y squattent. Découlent de ces deux phénomènes, des problèmes d’hygiène, de santé, de pauvreté, mais aussi de criminalité et d’insécurité. Le quartier perd alors de sa valeur, à la fois morale et économique. La rénovation urbaine lutte contre cette insalubrité et vise principalement à transformer en profondeur certains quartiers, et ce par le biais d’intervention spatiale et de diversification des types de bâtis, d’activités… elle suppose la mise en place d’aménagements parfois lourds comme la restructuration du réseau viaire, la création d’équipements nécessaires aux habitants, ou encore la réorganisation des espaces. Les types de quartiers concernés par l’insalubrité sont divers, ils peuvent être au départ pensés comme un tissu constitué pour des activités, des logements, des commerces, mais il peut également s’agir d’un quartier monté de toutes pièces par ses habitants, comme c’est le cas du bidonville à Casablanca, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir par la suite. Parmi l’ensemble du tissu constitué, relativement dense, le patrimoine qui nous intéresse est principalement composé de patrimoine bâti. Cependant, dans certains quartiers, l’emprise au sol, la volumétrie ou encore la trame viaire sont des éléments importants, que la municipalité a tenu à conserver et que l’on peut donc, en ce sens, considérer comme du patrimoine. Se pose alors la question de la conservation. En effet, qui dit patrimoine, dit conservation de celui-ci. Il est donc important de se demander qui choisit le patrimoine conservé, comment ce choix est effectué et quels paramètres peuvent l’influencer. Le choix du patrimoine conservé peut être réalisé en concertation avec la population, c’est le cas des villes européennes que nous avons visitées, ou par décision unilatérale de la municipalité, comme c’est le cas à Casablanca. Pour cette dernière, il est toutefois important de noter, que même dans le cas d’une destruction totale, suivie d’une
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reconstruction complètement différente, les habitants créeront d’eux-mêmes des zones de vie et de rencontre. Par ailleurs, parmi les facteurs d’influence dans le choix du patrimoine, on trouve principalement le coût. Il est souvent moins coûteux de conserver l’enveloppe du bâti et de la rénover, plutôt que de raser et de recommencer. Enfin, comme nous l’avons vu il est important de conserver une partie du patrimoine, cela permet de préserver une part de l’identité du quartier et facilite l’appropriation du nouveau quartier par la population, grâce à des éléments phares auxquels elle peut se raccrocher. Les objectifs économiques et sociaux sont donc à mener de concert afin de garantir la durabilité du projet de rénovation. Ainsi, les enjeux de la rénovation sont multiples, mais font principalement référence à la préservation de l’identité du quartier, à la lutte contre l’insalubrité, mais aussi l’insécurité. Il est également important de redynamiser la zone, de la remettre aux normes, de lui redonner de la valeur et donner envie aux gens de venir y vivre. Cependant, cela suppose des opérations lourdes, les enjeux globaux énoncés peuvent être traités localement avec des solutions différentes et innovantes selon les îlots. En effet, bien que les enjeux concernent l’ensemble de la zone, ils sont souvent repris au niveau local, à l’échelle de chaque îlot et peuvent, d’un îlot à l’autre, être traités différemment, en fonction de l’évolution des technologies et des choix effectués concernant le patrimoine. Les opérations de rénovations, à l’initiative des communes ou des collectivités locales, sont donc pensées de façon globale et traitées ensuite plus localement. Nous allons illustrer la conception et la réalisation de tels projets au regard de Paris et des villes françaises en général, mais aussi des villes étrangères que nous avons visitées : Amsterdam, Rotterdam, Casablanca, Copenhague. Les projets illustrant la rénovation urbaine sont les suivants :
A Amsterdam : Les Eastern Docklands (cf annexe 1 fiche 7) :
Hôtel Lloyd Ll d
Dans le Da l quatier atie de Bornéo B né
Le quartier des Eastern Docklands, siège de nombreuses émeutes, a été créé au XVIIème siècle. On y trouvait en général les familles des dockers et les populations pauvres. Dans les années 70, les sociétés de navigation qui s’y trouvent, par manque de place, vont s’installer vers les nouveaux docks à l’Ouest de la ville, laissant à l’abandon toute cette zone. Le secteur a alors été repris par des squatters, des nomades de la ville et des habitants de péniches aménagées. Après plusieurs années de planification et de discussions, la municipalité a commencé à rénover le quartier des Eastern Docklands. Cette rénovation débute dans les années 80, la plupart des squatters quittent alors le quartier, mais beaucoup d’artistes ou d’habitants des péniches restent. Cette période de squat est rappelée dans des restaurants locaux et a, de manière quasi certaine, influencé l’atmosphère actuelle des Eastern Docklands. Ce grand projet est actuellement presque terminé et un nouvel espace de vie est né, la population est en train de se l’approprier et d’y créer sa propre ambiance.
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Les Rives Nord de l’IJ (cf annexe 1 fiche 8) :
Anciens Quais Anci Quai NDSM
En 2002, un plan directeur général a été mis en place, principalement axé sur l’accessibilité de la zone, sur une lente reconversion et sur les liens entre l’eau et les zones de logement. Plus tard, divers projets ont été définis tels que le quai NDSM, la zone Shell ou encore Buiksloterham. Chaque projet présente une approche différente. Buiksloterham s’est développé il y a plus d’un siècle. De terrains agricoles, cette zone devient une zone industrielle, principalement liée aux chantiers navals. Après la délocalisation des chantiers, elle s’est transformée à partir des années 90, en zone d’habitation. Il en va de même pour la zone portuaire de NDSM de 20 000m², laissée à l’abandon dans les années 80. La ville a lancé en 1999, une consultation pour un réaménagement culturel de cet espace. C’est un collectif d’artistes, d’artisans et d’entrepreneurs : Kinetic North qui s’est vu attribuer cette zone pour une période de dix ans. Enfin, la zone Shell a vu naître de nombreux logements privés (80%), permettant ainsi de remédier aux problèmes de logement d’Amsterdam.
Aux Pays-Bas nous avons également eu l’occasion de visiter Rotterdam. Dans cette ville, certains quartiers ont dû faire face à l’insalubrité, mais ils ont été réhabilités pour d’autres raisons, comme le manque cruel de logements. Nous ne nous intéresserons donc qu’aux deux premiers projets cités. Ces deux quartiers ont été choisis pour la pauvreté, les problèmes de santé et le squat qui y régnait, mais aussi pour leur histoire.
A Casablanca : Sidi Moumen (cf annexe 1 fiche9) : Les différents programmes de réhabilitation du bidonville de Sidi Moumen n’ont, pour l’instant, pas porté leurs fruits étant donné la faible qualité des logements proposés. C’est pourquoi, afin de résoudre des problèmes de pauvreté, d’insécurité et de propreté, plusieurs programmes sont en cours à Sidi Moumen : le grand stade de la ville (don de Sa Majesté le Roi), le terminus de la première ligne de tramway à Casablanca à Sidi Moumen, un grand centre d’activités commerciales…
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Casamarina (Abords de l’ancienne Médina) (cf fiche 1 annexe 10) : Le projet de CasaMarina est un projet qui s’insère dans un projet plus global qui s’étend sur tout le littoral de la commune de Casablanca. Il a pour objectif de ramener les Casablancais vers la mer, redynamiser le littoral, lutter contre la pauvreté et l’insécurité également présente dans ces zones. En effet, jouxtant l’ancienne médina qui fait face à de nombreux problèmes de saturation de l’espace, de trafics et d’insalubrité, ce projet a pour ambition de reporter la richesse sur ce quartier défavorisé.
A Copenhague : Vesterbro (cf annexe 1 fiche 11) : Ce quartier faisant partie du Copenhague historique s’est trouvé dans une situation difficile à la fin des années 80. Sur les axes principaux, les commerces et les activités étaient florissants, mais l’intérieur du quartier était dans un état déplorable. En plus de l’insalubrité des bâtiments, les problèmes sociaux étaient innombrables : drogues, alcoolisme, prostitution. La mairie de Copenhague a donc décidé, dès le début des années 90, de mettre en place un projet de rénovation pour pallier l’insécurité et l’insalubrité dans ce quartier central de la capitale danoise. En quinze ans, ce sont plus de 10 000 logements, 1 000 bureaux et quelques centaines de commerces qui ont été refaits pour redonner de la viabilité au quartier et sortir de la spirale de paupérisation en réintégrant le quartier à la ville.
A Paris : Le quartier de Belleville (cf annexe 1 fiche 12) : « La lutte contre l’habitat insalubre constitue l’une des priorités de la Municipalité. Depuis 2001, 1 000 immeubles recensés au titre de l’insalubrité ont fait l’objet d’une politique volontariste afin de sortir de la dangerosité des familles, bien souvent déjà fragilisées. Cet objectif représente encore aujourd’hui un enjeu devant mobiliser tous les acteurs de la Ville. » Jean-Yves Mano Adjoint au maire de Paris chargé du logement
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2. Identification du patrimoine de tissu rénové Que garde-t-on et pourquoi ? L’objectif principal de la rénovation urbaine réside dans la remise en état, la revalorisation d’un quartier ou d’un ensemble d’îlots. Une telle technique de renouvellement urbain peut comprendre des travaux de démolition/reconstruction, mais aussi de restructuration d’immeubles, de trames viaires… Mais de simples ravalements de façades entrent aussi en jeu dans cet objectif. L’opération de rénovation va cependant plus loin que la simple restauration. En effet, la revitalisation globale d’un quartier, sa revalorisation, la lutte contre sa dégradation, l’insalubrité et l’insécurité qui y règnent vont au-delà d’un retour à l’état initial. En ce sens, il est difficile de se poser la question du patrimoine à conserver. La rénovation passe par des mesures à la fois sociales, économiques, politiques, environnementales mais aussi patrimoniales. En effet, la préservation de certains éléments patrimoniaux (au sens large) du quartier sert la rénovation qui en est faite. Une fois entendu que le patrimoine d’un quartier, qu’il soit relatif à l’histoire, à l’architecture ou à l’usage du bâti, est nécessaire à son dynamisme, il est important de savoir sur quels éléments patrimoniaux s’appuyer. Si on regarde d’un peu plus près chacune des villes, on s’aperçoit que l’aspect historique est le facteur qui prime pour la ville d’Amsterdam, tandis que pour Copenhague l’aspect architectural a une certaine importance ; enfin pour Casablanca, c’est la fonction d’usage qui l’emporte. Cependant, dans les trois cas, il ne faut pas oublier un facteur important : le facteur politico-économique. L’objectif principal de la préservation de certains éléments est de s’en inspirer, de s’appuyer sur ces points forts, en faire des atouts de la rénovation urbaine et des futurs îlots. Ils permettent de redynamiser le quartier mais surtout de lui redonner de la valeur, de lui redonner une identité propre et par le biais de ces éléments clés, de le rattacher au tissu alentour existant.
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Le renouvellement urbain, entre identité et développement durable Dans les opérations de rénovation, l’idée principale est de garder au maximum ce qui peut être conservé. Lorsque cela s’avère délicat, il est possible de ne préserver que les bâtiments en façade pour garder l’aspect de surface du quartier tout en créant de nouveaux cœurs d’îlots plus modernes. Ainsi, la ville de Copenhague a voulu redonner vie au quartier de Vesterbro et le transformer tout en gardant son identité architecturale grâce aux nombreuses façades conservées. Toutefois, le bâtiment peut parfois être trop dégradé pour être conservé, et alors, dans une optique de sécurité évidente, la destruction est inévitable. L’empreinte au sol reste alors le dernier témoin de l’occupation passée et mérite d’être mise en valeur, que ce soit par une reconstruction la respectant, ou la mise en scène d’un espace public rappelant l’histoire du site.
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Extérieurement, le bâtiment Skomagerstiftelsen (Institut Shoemaker) est très particulier avec une tour surmontée d’un pinacle torsadé fenêtres en arc. Dès 1942, le bâtiment a souffert de nombreuses détériorations. Lors de sa rénovation, l’intérieur a été complètement transformé, les appartements ont été agrandis, les couloirs redimensionnés, mais la façade a été refaite à l’identique de l’ancien bâtiment. Les fenêtres, les pignons ainsi que le pinacle ont été entièrement reproduits ce qui a redonné au bâtiment son identité propre.
Dans le quartier des Eastern Docklands beaucoup de choses ont changé, mais certains bâtiments ont été conservés, notamment pour leur histoire, comme c’est le cas pour l’Hôtel Llyod. Cet hôtel fut au départ un hôpital par lequel transitaient les personnes voulant rejoindre les Amériques. Il est ensuite devenu, pendant la Seconde Guerre Mondiale, une prison nazie pour les prisonniers politiques. La municipalité, suite à la guerre, a préservé cette prison d’abord pour les prisonniers de droit commun, puis pour les jeunes. C’est en 2000, que la rénovation de ce bâtiment historique a commencé, pour en faire l’actuel hôtel restaurant et ambassade culturelle, que nous avons visité.
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L’espace public est également un élément important du patrimoine des quartiers insalubres, qui peut être préservé pour rappeler l’histoire du quartier et permettre une rénovation efficace et acceptée par les habitants dans la mesure où cet espace public accompagne leur vie quotidienne. Il convient de noter toutefois que ces espaces sont souvent ceux qui ont le plus souffert de la négligence des autorités à entretenir le quartier. Et pourtant, ils permettent de structurer le quartier et d’assurer la salubrité en proposant des espaces ouverts, accessibles et faciles à entretenir. Puisque ces espaces sont le reflet du quartier aux yeux des visiteurs comme à ceux des riverains, les municipalités gardent à l’esprit, au cours de la rénovation et par la suite, de proposer des équipements permettant de dynamiser la vie du quartier tout en favorisant les lieux d’échanges. Généralement, elles décident de mettre en place des bars, des restaurants ou des commerces tout en donnant un caractère identitaire fort par le mobilier urbain ou la mise en place d’événements urbains (sculpture contemporaine, fontaine, etc...).
La place Halmtorvet, située à quelques dizaines de mètres de la gare centrale s’est créée en 1847 par la jonction des voies ferrées de Copenhague et de celles provenant de Roskilde. Après la Seconde Guerre Mondiale, les voies ont été enlevées et se sont trouvées remplacées par un important trafic routier avec la proximité de la gare centrale et du marché de viande. Cette place s’est vite transformée en un lieu de trafics de drogues et de prostitution intensifs. Les riverains n’osaient plus la fréquenter, surtout à la nuit tombée. La ville a donc décidé d’en faire une priorité dans la rénovation de Vesterbro. Aujourd’hui, une grande partie du trafic routier a été dévié et les places de parkings ont laissé place à de larges pistes cyclables.
Dans la problématique de résorption des bidonvilles, les programmes s’appuient principalement sur l’empreinte au sol et la trame viaire puisque l’ensemble du bâti est trop dégradé pour être conservé. Les autorités ont ainsi un moyen de réhabiliter des quartiers d’urbanisation spontanée tout en conservant l’organisation spatiale d’origine qui fonctionne. Dans ces quartiers où les activités industrielles côtoyaient souvent les logements des travailleurs, dans des conditions insalubres, les témoins de l’activité économique passée méritent d’être conservés afin d’assumer l’histoire de la zone. Ainsi, des entrepôts ou des équipements industriels sont réhabilités et affectés à un nouvel usage, intégré dans la nouvelle destination du quartier. La ville d’Amsterdam a permis par exemple la transformation d’une ancienne station d'énergie hydraulique, généralement connue comme l'usine à vapeur, en boîte de nuit : le Panama.
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Dans l’ancienne médina, le patrimoine conservé et mis en valeur se compose du bâti, de la trame viaire mais surtout du patrimoine d’usage. En effet, la population vivant dans l’ancienne médina ne souhaite pas quitter cet endroit car même si l’habitat est insalubre, la population est proche de son lieu de travail (le port) et aime l’âme de son quartier.
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Concernant l’ensemble des rives nord de l’IJ le site est encore à l’état de projet, seuls quelques travaux au niveau de la zone Shell ont été entrepris. A priori, comme pour les Eastern Docklands, il a visiblement été décidé de conserver quelques bâtiments industriels, notamment pour leur histoire, ou leur rapport au site, l’objectif étant de les transformer en bureaux, commerces ou logements, dont la ville manque cruellement. Par ailleurs, il semblerait que la rénovation de cette zone, et notamment le projet de Buiksloterham, s’appuie sur l’accessibilité. Ceci est principalement dû au fait que, par le passé, le manque d’accessibilité de cette zone a entrainé et favorisé son déclin.
Il faut souligner également que le patrimoine monumental, s’il existe, peut être un appui pour la réalisation de la rénovation. Ainsi, une attention plus soutenue à l’entretien de ce patrimoine donnera l’impulsion pour la rénovation de tout le quartier.
Le musée de la Ville de Copenhague situé sur Vesterbrograde fait parti des rares bâtiments construits au XVIIème siècle encore présents dans le quartier. Il a été protégé en 1924 et sa rénovation a duré trois ans. Il s’agit encore une fois d’une vraie volonté de conserver des éléments marquants de l’histoire du quartier pour structurer l’ensemble de la rénovation dont il fait l’objet.
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Concernant les projets parisiens et plus particulièrement celui de Belleville, certains éléments ont été conservés, notamment en ce qui concerne le parcellaire du quartier. En effet, le tissu urbain le plus ancien encore existant date de la fin du XIXème siècle. Le tissu urbain constitué à cette époque l’a été sur un terrain précédemment cultivé en vignoble. Suite à la rénovation intensive de ce quartier, à la fin du XXème siècle, une partie des parcelles ont conservé une forme étroite et profonde, et sont disposées transversalement à la pente du terrain, selon l’orientation traditionnelle des vignobles. Ce type de parcellaire n’existe que sur les opérations récentes, concernant celles des années soixante, soixante-dix, et donc le « Nouveau Belleville » (achevé en 1975). L’ancien parcellaire a été complètement effacé. En 1952, débutent les opérations de rénovation urbaine menées par la Ville de Paris. Différents îlots insalubres font l’objet de vastes programmes d’aménagement, avec tout d’abord le secteur des « Couronnes » et du « Nouveau Belleville ». Le vieux bâti de cette zone était constitué d'immeubles de hauteur variable (trois à cinq étages), desservis par des petites rues, des cours et des impasses. L'opération d'aménagement a presque complètement rasé les îlots concernés. Dans le "Nouveau Belleville", la hauteur moyenne se situe entre dix et quinze étages, les étroits passages deviennent de larges allées. En conséquence, le paysage urbain a complètement changé, très peu d’éléments ont été conservés.
L’ancienne usine de clefs faisait partie de la zone d’aménagement du secteur « RamponneauBelleville ». Elle devait être rasée dans le projet initial de la mairie, mais le bâtiment a été restauré par une vingtaine d’artistes squatteurs. Dans la seconde version de la ZAC en 1993, elle devait être conservée mais les artistes devaient être expulsés. La Forge devait devenir un centre d’animation municipale. Enfin, en 1996, la nouvelle municipalité a choisi de conserver la forge et d’en faire un lieu d’animation socioculturelle du quartier, dans la continuité des ateliers d’arts plastiques déjà organisés. Après travaux les abords sont de nouveau investis d’œuvres d’art.
Au début des années soixante-dix, un nouveau programme débute avec les secteurs de « Faucheur-Envierges » et « Bisson-Palikao ». En parallèle, en 1977, le nouveau schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la ville de Paris, défend la fonction résidentielle, et opte pour la réhabilitation de l’ancien parc de logement. Figure 14 : La Forge – Source : www.parisbalades.com Le projet « Bisson-Palikao », qui n’a pas encore commencé, est repensé dans cette optique. Il est envisagé de conserver les immeubles existants qui ne sont pas trop dégradés. La voirie fait l'objet de quelques améliorations, mais en respectant l'ancien tracé. On cherche aussi à maintenir des fonctions économiques similaires, en prévoyant la réinstallation ou l'implantation d'activités industrielles et artisanales emblématiques du quartier.
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Enfin, à la fin des années 1980, le projet du secteur « Ramponneau-Belleville » est mis en place. Le projet initial prévoit de nombreuses démolitions (quatre îlots doivent être rasés). Les habitants opposés à ce projet de rénovation s'associent et créent l'association la Bellevilleuse. Après sept ans de lutte, le projet est abandonné. Un nouveau projet, dans lequel 80 % des immeubles ont été sauvés et les habitants relogés en totalité, voit alors le jour. Les constructions neuves (uniquement des logements sociaux) sont en harmonie avec les bâtiments anciens, qui eux, sont réhabilités par l’OPAC (logement sociaux) ou subventionnés dans le cadre de l’OPAH.
Par qui et comment le choix du patrimoine conservé est-il opéré ? Contrairement à la régénération urbaine ces quartiers ne sont pas véritablement habités mais plutôt squattés. On pourrait donc penser que l’avis de la population qui y réside compte peu. Pourtant, ils prennent part à la rénovation de ce quartier, ils sont intégrés à son évolution. Certains, pourront même par la suite y vivre. Cependant, il est important de noter qu’une partie d’entre eux en sera exclue, de par la qualité de vie qui y sera instaurée et des nouveaux loyers qui en découlent. La rénovation urbaine ne lutte pas seulement contre l’insalubrité et la dégradation des quartiers, mais aussi contre la pauvreté. Une partie de la population en est donc automatiquement exclue. La concertation est donc, contrairement à ce que nous pourrions penser, une façon de choisir le patrimoine conservé, en collaboration avec les habitants actuels, voire futurs du quartier, mais aussi des quartiers voisins. Ce qui permet d’ailleurs, une meilleure intégration au tissu existant et facilite les démarches en l’absence de réelle population. Le choix du patrimoine conservé peut ainsi se faire de différentes façons. En effet, dans les villes d’Amsterdam et de Copenhague, le choix est en partie fait en concertation avec les habitants du quartier, ou avec les squatteurs dans le cas d’Amsterdam. La ville ayant de toute façon le dernier mot. Cependant, à Casablanca, le procédé est complètement différent, la municipalité et toutes les instances qui lui sont supérieures ont une pleine maîtrise des choix. Pour Amsterdam, la concertation avec les habitants est très poussée. En effet, lors de la rénovation d’un quartier, les habitants prennent part au projet tout au long de sa réalisation. Ils constituent des groupes de travail et proposent des solutions et émettent des choix en partenariat avec les services de la ville et les architectes ou promoteurs travaillant sur le projet. Ils peuvent ainsi suivre l’évolution complète du projet et émettre des objections à tout moment. Par ailleurs, si un projet est réalisé sans consultation de la population, celle-ci s’y oppose et, de par son pouvoir de décision important, peut empêcher le projet de voir le jour. Il est toutefois à noter que la municipalité se réserve le droit de statuer dans certains cas et notamment du point de vue financier. Au vu des coûts engendrés par telle ou telle opération, elle peut s’y opposer.
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Le renouvellement urbain, entre identité et développement durable D’autres occupants bien particuliers peuvent également intervenir dans l’élaboration du projet et ainsi déterminer eux-mêmes le patrimoine qu’ils affectionnent ainsi que les activités qu’ils souhaitent voir se développer dans le quartier. Il existe donc d’autres formes intéressantes d’implication de la population que la concertation. Ces dernières sont spécifiques à un projet et donnent des résultats positifs. La zone portuaire NDSM Wharf a été totalement redynamisée, et est aujourd’hui très attractive. Elle accueille par exemple l’un des restaurants les plus populaires de la capitale.
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Pour la zone portuaire NDSM Wharf, la ville a lancé en 1999 une consultation pour un réaménagement culturel de ces 20 000m², remportée par Kinetic North, un collectif d’artistes, d’artisans et d’entrepreneurs culturels originaires de ces squats. Ils ont pour objectif de rénover la zone et d’en faire un espace culturel et ce sur la période de dix ans renouvelable, pour laquelle ils ont obtenu cette zone.
Pour ce qui est de Copenhague, en termes de gouvernance, c’est la ville qui paye donc c’est elle (par le biais de cabinets d’architecture et d’urbanisme) qui choisit ce qui sera conservé ou non. Cependant, durant la rénovation du quartier de Vesterbro, d’énormes efforts ont été mis en place autour de la concertation : ·
Création de l’ « Urban Renewable Center » ainsi que de nombreux groupes de citoyens
·
Explication dans les écoles avec des jeux autour de « comment voyez-vous votre futur quartier » En conséquence, quelques îlots ont été conçus à l’image de ce que les enfants ont imaginé.
·
Voyages d’étude et de comparaison avec des habitants du quartier dans différentes villes européennes.
·
Mise en place d’un site internet où les gens peuvent soumettre des plans, des dessins, des photos…
Cette concertation a coûté très cher : entre cinq et six millions d’euros…
A l’inverse, concernant les projets touchant au quartier de Belleville dans les années soixante, soixante-dix ou dans les années quatre-vingt, la participation des habitants est très faible. Cependant, pour ce qui est du secteur de « Ramponeau-Belleville », entrepris à la fin des années quatre-vingt, la mobilisation a été générale. Le projet initial prévoyait la démolition de quatre îlots entiers, afin de construire un quartier neuf. Ce projet fait face à une forte opposition à la fois des riverains et de certains services d’urbanisme de la ville. En 1989, quelques habitants du quartier se sont réunis et ont créé une association, la Bellevilleuse, pour s’opposer à ce projet complètement fou. En 1990, la ville crée la
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ZAC « Ramponeau-Belleville » et présente alors un projet moins ambitieux, mais continue de privilégier une opération de rénovation profonde, voire totale, du bâti. La Bellevilleuse continue de critiquer fortement les partis pris d’aménagement. Et après sept années de lutte, ils finissent par obtenir ce qu’ils souhaitent, à savoir l’annulation du projet. L’ancien maire Jean Tibéri décide alors en octobre 1996 de repenser l’opération et d’associer à cette nouvelle démarche la Bellevilleuse. Il faudra dix-huit mois supplémentaires pour qu’en juin 1998, le Conseil de Paris vote à l’unanimité un nouveau projet dans lequel 80% des immeubles ont été réhabilités par l’OPAC ou subventionnés dans le cadre de l’OPAH (qui remplace alors l’aménagement de ZAC envisagé en premier lieu). Quant aux constructions neuves, uniquement des logements sociaux, elles sont en harmonie avec le bâti existant. Ce secteur du bas Belleville est donc un excellent exemple d’engagement citoyen pour sauver un quartier populaire de Paris. D’ailleurs, la Bellevilleuse continue son activité et reste vigilante concernant toutes les évolutions du quartier.
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3. Planification et montage du projet Comment le projet est-il financé ? Le renouvellement urbain en général et la rénovation urbaine en particulier sont financés en France par différents mécanismes. Le financement peut être direct, par le biais de subventions européennes, nationales, régionales ou départementales. Des investisseurs privés peuvent également intervenir. Mais dans le cas particulier de la rénovation urbaine, de par la complexité de ce financement, la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (loi Borloo) a été mise en place. Elle a instauré un nouveau cadre financier des projets de renouvellement urbain pour les zones urbaines sensibles (ZUS), gérés par l’agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Nous reviendrons plus en détails sur la loi Borloo et l’ANRU un peu plus loin. En revanche, si de telles subventions existent dans notre pays, les financements peuvent être tout autres dans nos pays voisins. En effet, suivant les villes que nous avons visitées, les financements des projets diffèrent et ils peuvent même différer d’un projet à l’autre pour une même ville. En effet, à Copenhague la ville prend en charge une partie du financement, le reste pouvant par exemple être financé par des coopératives. Pour ce qui est d’Amsterdam, la ville peut financer une partie, mais elle peut aussi louer les terrains à des promoteurs. Le terrain appartient dans tous les cas à la ville. Enfin, pour la ville de Casablanca, les subventions sont similaires à celles de la France : elles peuvent venir de la commune, de la région, de la caisse des dépôts ou de promoteurs privés. La suite de cette partie reprendra les projets des différentes villes et abordera plus en détails, pour chacun d’eux, le ou les modes de financement mis en place.
Le projet de rénovation est en grande partie financé par la ville de Copenhague. En effet, la ville a pris en charge toutes les réparations de façades et de structures. Pour le second œuvre, cela reste variable. En général se sont des coopérations d’habitants qui gèrent les bâtiments et qui payent les réparations à l’intérieur. Cependant quand il s’agit de logements sociaux (un peu plus de 20% du bâti), c’est la ville qui paye ; même chose pour les équipements collectifs : écoles, crèches, etc... Tous les lieux communs, comme les garages à vélos, les cœurs d’îlots, les espaces verts au pied des bâtiments ont été à la charge de la ville. Mais surtout, la ville a payé pour tout ce qui concerne le relogement des personnes pendant les travaux, ainsi que pour les reconstructions complètes. C’est aussi la ville qui a payé les installations de récupération d’eaux de pluie, les panneaux solaires (photovoltaïques et de chauffages), mais se sont les nouveaux occupants qui doivent payer l’entretien. Ce dernier est rarement fait, ce qui génère des problèmes. Par exemple la moitié des systèmes de récupération d’eaux de pluies pour les toilettes ou les machines à laver collectives ne fonctionnent plus…
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La ville finance le gros œuvre et les équipements mais laisse le second œuvre et l’entretien à la charge de l’habitant.
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L’idée de base de la ville était de refaire à neuf pour augmenter le prix du foncier et revendre plus cher une fois les travaux terminés. Comme la mairie ne pouvait pas exproprier les occupants, elle les a réinstallés avec des loyers similaires à leur précédent logement, puis une augmentation de 10% par an a été mise en place. Les habitants ont donc fini par partir et des personnes plus aisées ont pris leur place. Pourtant cette opération n’a jamais été et ne sera jamais rentable pour la ville. Dès le début des opérations, les aspects constitutifs du développement durable ont été pris en compte. Pour chaque phase, pour chaque bloc, pour chaque projet les questions sociales, économiques et environnementales ont été abordées. Pour la ville de Copenhague la rénovation de Vesterbro a été un terrain privilégié pour tester de nombreuses méthodes dans tous ces domaines. Nous avons parlé un peu plus tôt de la création de l’Urban Renewal Center, mais ce sont des centaines de nouvelles méthodes, de nouveaux outils qui ont été testés pendant les quinze années de travaux dans le quartier. Cela va des salles communes avec des machines à laver alimentées par l’eau de pluie, à des éoliennes miniatures qui permettent d’alimenter ces mêmes machines à laver ainsi qu’une partie de l’éclairage des parties communes.
Dans la ville d’Amsterdam, le Ministère du Développement Urbain a estimé que la ville devrait construire 50 000 logements. Mais elle manque d'espace. Sept îles sont donc réorganisées ou créées en ce sens, et une réflexion est menée sur la réutilisation des anciennes zones industrialo-portuaires. Diverses mesures concrètes sont proposées dans le Masterplan de 2003, pour développer dans ces zones le logement, l'emploi, les équipements et la culture. 18 000 logements seront par exemple créés dans le district d’Amsterdam North, auquel appartiennent les Rives Nord de l’IJ. Concernant le financement des projets qui découlent de ces objectifs, nous n’avons que peu d’informations. Pour ce qui est du projet des Eastern Docklands, il semblerait que, comme dans la majorité du reste de la ville, le terrain appartienne à la ville qui loue (par le biais de baux emphytéotiques) ou vend pour une somme symbolique le bâti à des La ville redonne de la promoteurs. Ces derniers utilisent alors le bâti comme ils le souhaitent. valeur à ses terrains en Par ailleurs, concernant le patrimoine bâti conservé ou créé sur certains confiant leur îlots, la municipalité fait souvent le choix de sélectionner un architecte aménagement à des de renom afin de transformer ou de concevoir de nouveaux bâtiments. architectes renommés. Ceci permet de donner de la valeur au foncier ainsi créé ou de revaloriser celui qui existe. Pour ce qui est des rives nord de l’IJ, suivant les quartiers que nous avons cités, les projets et leur financement sont envisagés de façon différente. Pour Buiksloterham, le réaménagement s’est fait dans le cadre d’un partenariat public-privé. Une partie des bâtiments a été récupérée, pour l’installation de bureaux notamment. De nouveaux bâtiments ont été construits pour accueillir des entreprises jeunes cherchant des locaux peu coûteux. Au total, la répartition des fonctions est la suivante : 65 % pour les logements, 30 % pour les activités et 5 % pour les équipements.
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Concernant le réaménagement de NDSM Wharf, ce secteur de 32 hectares est caractérisé par d’anciens bâtiments industriels. De nouveaux bâtiments ont été construits autour des anciens. Le projet a été financé conjointement par trois participants. Nous n’avons cependant pas pu obtenir plus de détails sur ce financement.
Enfin, pour la majorité des projets à Casablanca, nous retrouvons pour le financement : la Caisse de Dépôt et de Gestion, la Commune Urbaine de Casablanca, la Région du Grand Casablanca, ou encore des promoteurs étrangers. La Caisse de Dépôt et de Gestion est un établissement public doté d'une personnalité civile et d'une autonomie financière. La CDG est une institution financière ayant pour vocation d’une part de conserver, sécuriser et convertir l’épargne institutionnelle en encours à long terme et, d’autre part, concourir à la dynamisation, l’animation et au développement des marchés financiers. La CDG a ainsi pour rôle central de recevoir, conserver et gérer des ressources d’épargne qui, de par leur nature ou leur origine, requièrent une protection spéciale. Par son statut et ses missions, la CDG s’impose de fait comme le principal La CDG combine le rôle de investisseur institutionnel du Royaume, jouant un rôle de premier financeur, aménageur et plan dans divers secteurs stratégiques de l’économie nationale, décideur, par manque de aussi bien par des investissements directs qu’à travers ses filiales et sociétés d’aménagement organismes gérés. A l’horizon 2010, le groupe CDG ambitionne de au Maroc. devenir un acteur de référence à l’échelle nationale, sur toute la chaîne de ses métiers (immobilier, tourisme, finance, prévoyance), et de jouer notamment un rôle d’excellence pour le développement d’opérations d’aménagement urbain et territorial.
Concernant les projets de réhabilitation du quartier de Belleville, la SIEMP (société immobilière d’économie mixte de la ville de Paris) a reçu pour mission d’intervenir afin de participer à l’éradication de l’insalubrité dans ce quartier. « Elle a été dotée pour cela d’une palette d’outils particulièrement innovants et de moyens financiers à la hauteur des enjeux : une enveloppe budgétaire de plus de 150 millions d’euros a été consacrée au traitement de ce problème. Le traitement de l’insalubrité ne passe pas systématiquement par l’acquisition, la démolition et la construction de logements neufs. Il faut inciter les propriétaires à requalifier les logements existants et à les mettre aux normes. Des aides et des subventions leurs sont accordées sous certaines conditions. Elles peuvent atteindre jusqu’à 70 % du montant des travaux hors taxes. La réussite de l’action entreprise avec les copropriétaires dans le quartier du Bas Belleville est de ce point de vue exemplaire. Elle démontre qu’il est possible de sauvegarder et d’embellir le patrimoine, tout en conservant les populations sur place, en améliorant leur confort et en contenant le niveau des loyers. » Jean-Yves Mano, Adjoint au maire de Paris chargé du logement.
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Quel montage pour le projet ? De la même façon que pour les projets de régénération urbaine, les projets de rénovation urbaine s’appuient sur de grandes orientations politiques. Parmi ces orientations on retrouve bien sûr la réintégration des quartiers concernés dans le tissu existant de la ville. Mais aussi la lutte contre l’habitat insalubre, voire même contre les bidonvilles, comme à Casablanca ; et par la même occasion la création de logements, la densification de l’existant, comme à Amsterdam. La politique d’attractivité est aussi très forte dans de tels projets. En effet, il est important d’attirer de nouvelles populations dans ces zones souvent délaissées, à l’abandon. Par ailleurs, la planification des projets fait appel à divers mécanismes, comme la rénovation d’un quartier îlot par îlot, comme c’est le cas pour les villes d’Amsterdam ou de Copenhague. Les projets sont pensés de façon globale et traités à l’échelle locale, îlot par îlot, ce qui permet de proposer des solutions innovantes et adaptées à la situation de chacun des îlots pris indépendamment les uns des autres. Concernant Casablanca, les projets auxquels nous nous sommes intéressés ne sont pour l’instant qu’au stade de la conception, nous ne connaissons donc pas de façon claire les mécanismes de planification qui seront mis en place. En revanche, cette planification s’insèrera dans le cadre du Schéma Directeur d’Aménagement Urbain établi par la ville en collaboration avec l’IAU-IdF. Dans les villes que nous avons visitées il existe d’autres outils, comme le Structuurplan à Amsterdam. L’ensemble de ces mécanismes sont présentés dans la suite de cette partie et ce, ville par ville. Nous reviendrons dans une dernière partie sur les outils mis en place en France et plus spécifiquement à Paris au travers du projet de Belleville.
Concernant les Rives Nord de l’IJ et le projet des Eastern Docklands, les projets se sont déroulés îlot par îlot, ou quartier par quartier pour les Rives Nord. Notamment pour les Rives Nord, sur lesquelles la ville envisage une transformation lente, qui passe principalement par les infrastructures (routes, ponts publics, transport en commun par voie fluviale) dans le but de rétablir l’accessibilité du site et ainsi éviter la dégradation inévitable d’un quartier enclavé, seuls éléments sur lesquels elle peut agir puisque les terrains appartiennent aux anciens usagers. Le Structuurplan en cours (cf Annexe 3 : la gouvernance aux Pays-Bas), valable de 2000 à 2010, était basé sur une préservation des espaces naturels, avec une densification du tissu urbain entre ces espaces. Le nouveau Structuurplan pour les années 2010 à 2040 est en cours d'examen. Les points principaux sont les suivants : une réduction du parc de bureaux au profit des logements, une expansion du centre-ville, moins de voitures et davantage d'espaces verts. La perspective de l'accueil éventuel des Jeux Olympiques en 2028 y est également intégrée. Ce plan a été établi sur trente ans pour des raisons de cohérence sur le long terme et d'importance des budgets alloués.
A partir de 1920, le Département de Planification Urbaine est créé au Danemark, ainsi que les offices de logement, qui louent la plupart du temps aux classes moyennes. Puis à partir de 1995,
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cette compétence est gérée au niveau des districts, toujours avec les acteurs cités précédemment, et les habitants sont davantage impliqués dans le processus. Ils peuvent notamment bénéficier de "free plots", des parcelles acquises en copropriété sur lesquelles ils peuvent construire une habitation à l'architecture libre (hormis quelques contraintes de hauteur et de largeur). En 2001, la municipalité décide de subventionner les offices de logement qui s'engagent à ne pas faire de profits, pour éviter les constructions de mauvaise qualité notamment. Concernant le phasage même, nous avons dit plus tôt que les travaux étaient réalisés bloc par bloc, par la méthode dite de « Bologne ». La mairie a décidé de procéder en commençant par des points forts souvent publics, ou d’intérêt public. Ainsi, la rénovation du quartier a démarré par la place « Harmtorvet » dont nous avons parlé précédemment C’était donc un point stratégique pour la rénovation du quartier Intervenir en premier sur des points forts du tissu, des et pour montrer les efforts de la ville pour changer les choses, ce nœuds ou des centralités. qui a très bien marché. La rénovation a donc été tout d’abord menée sur les points forts du quartier puis sur les blocs d’immeubles aux alentours. Ceci dans une progression générale de l’Est vers l’Ouest, du centre ville vers l’extérieur à quelques exceptions près. Pour augmenter le niveau de vie et attirer des populations plus aisées beaucoup d’efforts ont été faits. Les écoles ont été agrandies et modernisées. Des maternelles et des crèches ont été créées au rez-de-chaussée d’immeubles, des appartements médicalisés pour personnes âgées ont été mis en place.
Enfin, pour ce qui est de Casablanca, sur l'ensemble des projets en cours, les travaux en sont toujours à la phase d'étude et non de réalisation. C'est pourquoi nous avons très peu d'information quant à la planification des différents projets que nous avons étudiés. Pour le projet "prioritaire" aux yeux du SDAU : le plan de déplacement urbain, un premier phasage a été réalisé. Dans un premier temps la première ligne de tramway doit être réalisée, ensuite viendront les deux autres lignes de tramway (pas d'échéance), une ligne de métro et de RER (pas d'échéance). Le projet de Sidi Moumen sera impulsé par la réalisation du grand stade de Casablanca. Cet équipement majeur sera réalisé en premier et conjointement avec l’arrivée du tramway et permettra ensuite de créer l’animation nécessaire au désenclavement du quartier et permettre ainsi une réhabilitation complète du bidonville.
Induire une revalorisation par la création d’équipements rentables.
Le projet de CasaMarina prévoit, quant à lui, une répercussion positive de l’aménagement de tours d’affaires, habitations, palais des congrès et un port de plaisance sur l’ancienne médina adjacente et lui permettra ainsi de renforcer son identité. En effet, les remparts entre l’ancienne médina et le projet de la marina vont être abattus. Ainsi, la ville et l’ancienne Redistribuer la médina s’ouvriront sur le port et le littoral. Un travail également envisagé est richesse en créant de réduire en hauteur les bâtiments en bordure de ces remparts pour revenir des interactions à une hauteur primaire, qui était R+1. Ceci permettrait de dégager la vue sur spatiales entre le l’ancienne médina depuis le port. D’autre part, l’avenue qui aujourd’hui neuf et l’ancien. sépare le port de l’ancienne médina et de la ville va être requalifiée pour
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conjuguer les deux bords de l’avenue. L’avenue accueillera même la deuxième ligne de tramway, qui pour l’instant n’est pas encore programmée.
Figure 15 : Avant, source: Casamarina
Figure 16 : Après, source Casamarina
Le financement des projets de renouvellement en France Avant d’aborder le financement et la planification des projets de Belleville, nous allons revenir sur la loi Borloo, l’ANRU et la politique de la ville depuis les années quatre-vingt. Depuis le début des années quatre-vingt, grâce à la mise en place des procédures de développement social des quartiers (DSQ), des contrats de villes et d’agglomération, la politique de la ville s’efforce de mobiliser des moyens à la fois financiers et humains pour réduire les difficultés des quartiers, dits « en crise ». On entend par ce terme des îlots résidentiels où les habitants accumulent les handicaps (habitat dégradé, chômage, concentration de population immigrée, ménages pauvres, travailleurs faiblement qualifiés, échec scolaire, délinquance…). Cependant, bien que de nombreux moyens soient mis en œuvre, cette politique fonctionne mal. Elle va donc être réorganisée par la loi Borloo du 1er août 2003. La nouvelle politique abandonne la réhabilitation des quartiers et se tourne vers les restructurations lourdes, par le biais de démolitions importantes, suivies de reconstructions diversifiées. L’objectif principal étant de supprimer les ghettos urbains. La loi Borloo lance alors un programme de rénovation urbaine sur cinq ans. De nombreux travaux sont alors réalisés pour aménager des espaces publics, créer ou réhabiliter des équipements publics, réorganiser les voiries, rénover le parc de logements publics ou privés. Dans la même optique, la loi Borloo crée l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU), afin de simplifier et d’accélérer les démarches des collectivités locales et des bailleurs sociaux désireux de mettre en œuvre des projets de rénovation urbaine. Son objectif est d’accompagner les projets de rénovation urbaine, et d’ainsi transformer en profondeur certains quartiers. Cela permettra de réintégrer ces quartiers à la ville, de créer de la mixité sociale… L’ANRU est financée par l’Etat et les partenaires sociaux (cf. Annexe 5 : la gouvernance en France).
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Parallèlement à cela, la loi Borloo met en place un important programme de revitalisation économique des zones prioritaires, avec notamment la création de quarante-et-une nouvelles zones franches urbaines (ZFU).
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4. Bilans et éléments de réflexion pour la France Comme nous l’avons vu, il est parfois difficile de savoir sur quel patrimoine s’appuyer, de savoir quoi conserver et quoi démolir. Nous avons aussi pu constater que les choix dans le cas de la rénovation urbaine sont souvent guidés par des orientations politico-économiques. Il est plus facile et plus économique parfois de reconstruire que de conserver, ou au contraire de préserver que de détruire. Outre ce choix difficile, comme tout projet d’urbanisme, les projets de rénovations urbaines sont conçus de façon « idéale » or la réalité s’en éloigne plus ou moins. Nous avons pu constater à travers l’analyse de nos projets et des questionnaires posés aux habitants que certains points sont encore à améliorer, et ce tout au long du projet. La majorité des projets a néanmoins atteint ses objectifs et les habitants en sont contents, ils ont pu se le réapproprier. Pour les projets en cours de conception il est difficile de nous prononcer.
Copenhague : Pour Vesterbro, le bilan est positif dans l’ensemble. Les objectifs majeurs ont été atteints, les problèmes de drogues et de prostitutions se sont amoindris, le quartier est redevenu un lieu de vie pour chacun et on ne s’y sent pas du tout en insécurité. Cependant cela pose un nouveau problème de notre point de vue : le niveau de vie s’est amélioré, le taux de chômage a chuté, mais ceci est surtout dû au changement de la population : les pauvres sont partis, laissant place à la classe moyenne. Des études ont montré que la pauvreté s’est dispersée dans d’autres parties de la ville, mais est-ce la bonne solution ? En fait personne n’a su nous dire précisément où ces populations défavorisées étaient parties. Selon la plupart de nos interlocuteurs, elles se sont disséminées dans l’ensemble des quartiers de la ville, mais concrètement aucune étude de suivi n’a été mise en place. La ville de Copenhague utilise maintenant cette méthode pour les quartiers à réhabiliter ou à requalifier. Pourtant, elle ne souhaite pas renouveler l’expérience de Vesterbro à l’identique à cause de son coût. De nombreux procédés sont réutilisés à tous les niveaux : concertation, phasage, méthode de travaux, outils environnementaux, etc… mais rien n’aura l’ampleur de Vesterbro. Au final cette expérience leur a permis de tester beaucoup de techniques et d’en tirer les leçons. Mais nous avons eu l’impression qu’au final, peu de choses ont été retenues puisqu’elles ont coûté très cher et que la ville privilégie actuellement des projets qui lui permettent de renflouer ses caisses, comme le réaménagement du port où elle peut doubler voire tripler le prix du mètre carré après les travaux, par rapport à des projets de rénovation à l’image de Vesterbro.
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Amsterdam : Concernant la ville d’Amsterdam, les deux projets sont à des stades différents. Pour les rives Nord, comme nous l’avons dit un peu plus haut, la rénovation en est encore au stade de projet, sauf quelques éléments qui ont été rénovés, comme le restaurant renommé. Celui-ci permet d’attirer des gens de toutes cultures et de tous milieux. C’est un des points positifs du renouveau de cette zone. Ceci est donc de bon augure pour le reste de cette ancienne zone portuaire. Nous ne pourrons cependant en juger véritablement que dans plusieurs années. En revanche, les Eastern Docklands sont terminés et en nous y promenant nous avons constaté que cet endroit était très calme et très propre. Nous ne nous sentions pas en insécurité. Cette zone s’est donc fortement améliorée quant à l’insalubrité et l’insécurité. En outre, ce quartier est très bien connecté au reste de la ville, il est aisé de s’y rendre par différents moyens de transports (bus, tram, voitures, vélos). Son accessibilité, mais aussi les formes de bâti de ce quartier, similaires aux quartiers périphériques d’Amsterdam, permettent une meilleure intégration de celui-ci dans le tissu existant. Pour ce qui est de l’appropriation de ces quartiers par la population, l’amélioration de la qualité de vie, l’identité de ces quartiers, nous ne pouvions en juger par nous-mêmes, nous avons donc choisi d’interroger certains des habitants. Les habitants du quartier ou les passants interrogés disent s’y sentir bien et être assez contents de ce nouvel espace. L’aménagement est donc une réussite. En revanche, il serait bon de savoir si la population qui se l’était appropriée, y vit encore, question à laquelle nous n’avons pour le moment pas de réponse. En effet, l’habitat est d’un standing plus élevé, la question de la population pouvant y vivre se pose donc. Nous n’avons rencontré aucune personne vivant dans ce quartier avant sa restructuration. En revanche, nous avons pu constater, qu’outre les habitants, nous avons interrogé de nombreux passant qui y viennent pour se promener, pour le calme et la proximité avec l’eau. Le cadre est aujourd’hui bien plus agréable et attire les Amstellodamois.
Casablanca : A Casablanca, la majorité des projets sont actuellement en phase d’étude ou bien en cours de réalisation. Il est donc difficile d’évaluer les impacts que ces derniers auront sur la population et la ville elle-même. Cependant, nous pouvons tout de même émettre une opinion sur les différents projets cités. En effet, le projet CasaMarina présente plusieurs points d’interrogation : est-ce que la présence de cette richesse (Marina, Centre d’affaires,…) à proximité du centre historique de la ville va réellement conserver l’identité forte de ce quartier tout en en corrigeant les maux ? Est-ce qu’à terme, le projet de CasaMarina ne va-t-il pas déborder sur l’ancienne Médina et étouffer la richesse culturelle de cette dernière ?
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A Sidi Moumen se posent des interrogations également : le projet du Grand Stade (qui reste le projet phare à l’intérieur de ce projet) est-il vraiment la solution à apporter pour lutter contre la grande pauvreté et l’insalubrité de ce quartier ? Les logements actuellement réalisés posent également de sérieuses inquiétudes puisque ces derniers semblent ne pas respecter les normes d’hygiène. De plus, il semble impossible de reloger l’ensemble de la population sur place, étant donné que la densité de population dans ce bidonville est largement supérieure à celle projetée après réhabilitation. Quelle politique de relogement va être appliquée par la ville ?
Conclusion En ce qui concerne la rénovation, les opérations à mener sont extrêmement diverses et variées, ce qui rend la tâche d’autant plus complexe. En effet il faut dans un premier temps faire le zonage ainsi que définir les espaces qui seront conservés ou qui seront reconstruits. Nous retiendrons que pour des raisons économiques, les municipalités préfèrent conserver ce qui peut l’être tout en portant une attention toute particulière aux espaces publics. De plus selon les pays les raisons d’un choix sont variées, ce sont en priorité pour des raisons architecturales, historiques ou d’usages. Les quartiers que nous avons vus souffrent de problèmes sociaux profonds avec des taux de chômage et de criminalités très élevés. Il ne faut pas se cacher que si on veut rénover ces quartiers, c’est avant tout pour redonner de la valeur au foncier et pour éviter que les gens qui peuvent payer ne quittent le quartier. A la source de ces projets, on retrouve presque toujours la municipalité qui s’allie avec un ou plusieurs partenaires privés. La municipalité n’a souvent pas les moyens techniques pour mener à bien la rénovation d’un quartier dans son intégralité, mais elle en a les moyens financiers. Elle va donc se tourner vers des spécialistes qui mèneront cette rénovation pour elle. De cette union naît une sorte de contradiction : d’un côté la rénovation de quartiers est quasiment intégralement payé par la ville et de l’autre côté, elle doit être rentable …. C’est de cette opposition que l’on voit souvent apparaitre plus de logements dans la zone qu’auparavant alors que les appartements privés voient leurs prix grimper en flèche. Dans la majorité des cas, avant et pendant les travaux, une concertation assez poussée est menée. Que l’on fonctionne par un phasage par bloc ou par bâtiment, un réel effort est fait pour reloger les populations résidentes au cours des travaux. Sans cette concertation et l’implication de la population, il est impossible de rendre la rénovation urbaine durable. Cependant, au lieu d’avoir une élévation du niveau social des populations initiales, on assiste plutôt à un changement de population. On peut assimiler ce phénomène à la gentrification que l’on peut connaitre dans certains quartiers comme celui du Marais à Paris. On peut regretter à cette occasion un manque de visibilité dans les déplacements de population. Nous n’avons pas pu identifier de vrais outils pour avoir un suivi des populations après les travaux.
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III. Requalification : réinsertion d’un bâtiment ou d’une friche industrielle dans le tissu urbain 1. Les enjeux de la requalification La requalification est une forme de renouvellement urbain qui consiste à réutiliser des éléments dont l’activité (bâtiments, friches industrielles…) a été abandonnée pour une autre activité. Cependant, la requalification conserve le bâti ou quelques traces de l’ancienne activité, en vue de rappeler l’histoire au sein d’un lieu pourvu de nouveaux intérêts et de nouvelles utilisations. La requalification est souvent accompagnée par des projets de densification d’espaces déjà urbanisés. Les zones urbaines concernées par la requalification sont, à l’origine, de grandes emprises, monofonctionnelles, notamment des emprises dédiées à l’industrie ou à d’importantes infrastructures de transport. La plupart du temps, la position de ces emprises est devenue un handicap à la suite de mutations urbaines, économiques, sociales ou réglementaires si bien qu’il devient impossible de continuer à vouer ces emprises à leur fonction originelle. Ces emprises, au départ à la frontière de la ville, se trouvent aujourd’hui entourées de tissu urbain. Outre la valeur foncière apportée par la proximité de la ville, la réutilisation de ces zones offre la possibilité d’une densification ou d’une respiration dans le tissu urbain. Il s’agit donc de zones relativement étendues, et portant en elles une certaine forme d’urbanisation liée à leur fonction originale, qui a déterminé la volumétrie souvent imposante des bâtiments, leur forme, leurs matériaux, leur répartition sur la zone et les infrastructures de transports dédiées aux personnes, aux véhicules, ou aux matériaux. L’enjeu est donc de profiter des avantages de ces espaces, telles que l’importance des surfaces libérées ou la qualité du patrimoine industriel pour créer un événement dans le tissu urbain. Il s’agit de transformer un patrimoine monumental en un patrimoine urbain, c'est-à-dire vivant. Pour ce faire, il convient d’éviter la muséification de ces zones ou les choix radicaux qui consistent à faire table rase d’un passé encore proche. En effet, ces espaces ont joué un rôle au sein de la ville concernée, si bien qu’il semble difficile de leur ôter définitivement l’identité que ce rôle leur a conféré et de ne pas en faire des centralités particulières.
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A Amsterdam : WesterGasFabriek (cf annexe 1 page13) : Cette ancienne fabrique de gaz du XIXème siècle a perdu son intérêt avec la découverte de gaz naturel dans le Nord du pays dans les années 60. En 1989, les bâtiments de la fabrique ont été officiellement reconnus comme présentant un intérêt en tant que bâtiments industriels. A partir de 1996, le projet de développement de Westergasfabriek s’est appuyé sur la volonté d’en faire un parc culturel, qui a effectivement ouvert ses portes en 2003.
Zeeburg Eiland (cf annexe 1 fiche 14) :
Figure 17 : Fi source : www. aronsengelauff.nl
L’île de Zeeburg, à l’Est du centre d’Amsterdam, a longtemps été dédiée exclusivement aux transports et à l’industrie. Aujourd’hui, la ville d’Amsterdam urbanise l’île en mettant à profit sa bonne desserte en termes de transports et sa proximité avec le centre. Le projet phare est l’Annie M. G. Schmidt Huis (« Maison d’ Annie M. G. Schmidt») de l’agence Arons en Gelauff, aménagée dans les anciens silos de l’usine de traitement des eaux usées.
De Kraanspoor:
Figure 18 : source : www. oth.nl
Située sur la rivière Ij, cette structure servait à charger et décharger les bateaux au moyen d’une grue. Cette fonction lui a donné son nom, qui signifie littéralement « chemin de la grue » (Crane Track en anglais). La structure en béton était destinée à être démontée jusqu’à ce que l’agence d’architecture OTH propose un projet de réutilisation de la structure. Le bâtiment a reçu en 2008 le prix spécial du Jury et le prix du « bâtiment vert » du MIPIM.
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GWL Terrein (cf annexe 1 fiche 15) : GWL Terrein est l’emplacement d’une ancienne usine de traitement de l’eau sur lequel a été réalisé dans les années 90 un quartier à haute qualité sociale et environnementale. Le pari était notamment de créer un quartier sans voiture et dense. La dimension sociale prend une part très importante dans ce projet, en favorisant la mixité. La concertation a joué également un rôle primordial dans la conduite de ce projet.
A Rotterdam : Kop van Zuid (cf annexe 1 fiche 16) : Ancienne zone portuaire, Kop van Zuid est située face au centre ville. Auparavant elle avait notamment été le terminal de la ligne Holland-America, ce dont témoigne l’hôtel New York.
Figure 19 : source : www.eropuit.nl Fi uit.nl
Aujourd’hui, Kop van Zuid est devenue le centre des regards : cette presqu’île compte de nombreuses réalisations architecturales prestigieuses, notamment les tours de Renzo Piano, Rem Koolhas ou Norman Foster. Elles contribuent à attirer de nouveaux investisseurs et à modifier l’image de la ville de Rotterdam dans le monde entier.
A Casablanca :
Les anciens abattoirs (cf annexe 1 fiche 17) : Au Nord Est de Casablanca, les abattoirs constituaient un haut lieu du quartier et de la ville puisque le quartier s’est développé autour de cette activité à travers le commerce. C’est l’architecte français Georges-Ernest Desmarest qui est à l’origine de ces bâtiments, construits en 1920, et qui constituaient à l’époque la plus grande surface couverte de Casablanca avec quelques 20 000 m² dont la qualité architecturale vaut au bâtiment un classement au patrimoine de la ville. L’association Casamémoire tente de créer une « fabrique culturelle » dans ces locaux désaffectés.
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L’aéroport d’Anfa (cf annexe 1 fiche 18) : L’aéroport d’Anfa à Casablanca est l’ancien aéroport international, que la ville a peu à peu entouré. Il était devenu dangereux de maintenir cette activité avec la proximité des nouvelles constructions et il a donc été remplacé par un nouvel aéroport à l’extérieur de la ville. La superficie du site est immense (près de 400 ha) et celuici se situe en plein milieu urbain à dominante résidentielle. C’est une occasion rare à exploiter et un projet de grande ampleur qui se profile.
A Copenhague : Meat Market (cf annexe 1 fiche 19) :
Figure 20 : source : copenhagen Fi nh X
Le quartier du Meat market est situé à Vesterbro, à proximité de la gare centrale. Cette aire a été le plus grand centre de l'industrie alimentaire de Copenhague, pendant plus de 70 ans. Elle est considérée comme patrimoine protégé depuis 1995 et appartient à la mairie de Copenhague. Une partie du complexe est encore utilisée comme marché à viande, en revanche, on y trouve maintenant aussi des galeries d’art, des bars, une école d’architecture, une salle d’évènements et spectacles, une boite de nuit, une piscine avec restaurant et salle de sport, un lieu de rencontre associatif dédié à l’art.
A Malmö : Bo01 ou Vastra Hammen (cf annexe 1 fiche20) : Le quartier Bo01 est situé en front de mer, à proximité de la gare centrale et du centre de Malmö. Il s’agit d’une ancienne friche portuaire transformée en zone de logement, dans laquelle les efforts réalisés en termes de construction durable en font un exemple mondial d’éco-quartier. Figure 21 : source : ville ille de d Malmö
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A Paris : La ZAC Rive Gauche (cf annexe 1 fiche 21) : Sur des anciens terrains appartenant à la SNCF, c’est un nouveau quartier qui voit le jour dans le 13e arrondissement de Paris. La multiplicité du patrimoine industriel présent sur le site et la présence d’associations vindicatives a rendu la tâche difficile aux aménageurs mais le projet a déjà vu de belles réalisations comme la Bibliothèque François Mitterrand et Docks en Seine. Le Parc Pont de Flandres (cf annexe 1 fiche 22) : Sur l’ancienne emprise des entrepôts de denrées alimentaires dans le 19e arrondissement de Paris, un parc de bureaux est en cours de réalisation. L’enjeu technique de la requalification de ce bâti monumental en bureau est toutefois dépassé par la problématique d’espace urbain intégré au quartier puisque le parc est actuellement enclavé.
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2. Identification du patrimoine de tissu requalifié Que garde-t-on et pourquoi ? L’enjeu de la requalification est soit d’incorporer les emprises dans le tissu qui s’est constitué autour d’elles, soit d’en faire une respiration au sein de ce tissu, comme un parc urbain.
Peu à peu, la ville a entouré l’aéroport d’Anfa à Casablanca, si bien qu’il était devenu dangereux de maintenir cette activité avec la proximité des nouvelles habitations. Il a été remplacé par un nouvel aéroport à l’extérieur de la ville et c’est une emprise de près de 400 ha en pleine zone résidentielle qui se libère.
Comme nous l’avons déjà évoqué, ces zones d’abord vouées à une activité unique (industrie, transports) étaient Le projet prévoit notamment la création d’un grand situées aux frontières de la ville. Cette parc urbain axé sur la piste de l’ancien aéroport. position est devenue problématique et de moins en moins intéressante au regard des usages pratiqués. Toutefois, ces zones présentent des avantages non négligeables pour d’autres activités.
Malmö a vu le déclin de ses chantiers navals et de son industrie textile précipité par une crise économique dans les années 1990. Suite à l’ouverture du pont Øresund, reliant Malmö à Copenhague, en 1995, le rôle de Malmö dans la nouvelle configuration territoriale de la région est étudié via une planification urbaine, nommée Vision 2000. Le projet Bo01 nait de cette planification. Son rôle est de relancer l’activité du port laissé à l’abandon en profitant d’une situation géographique attractive. En effet, ce quartier est situé en front de mer, bordé par des parcs les plus attrayants de Malmö, de la gare centrale et à proximité du centre.
Chaque morceau de ville concerné par la requalification présente des potentiels qu’il s’agit de mettre à profit pour promouvoir un nouvel usage. Dans le cas d’un port par exemple, une situation géographique devenue handicapante en termes d’accès peut se révéler très intéressante si on l’envisage comme une zone résidentielle. Tout l’enjeu consiste donc à savoir détecter les opportunités que présentent ces zones. Ceci est d’ailleurs loin d’être évident car il faut pour cela dépasser de nombreux a priori. En outre, ces a priori sont d’autant plus forts que l’on connait – croit connaître – la zone concernée.
En effet, ces zones, de par leur existence antérieure, sont l’objet de nombreuses projections et interprétations. Chacun y rattache sa propre histoire et ses propres valeurs, il est donc difficile et délicat d’intervenir Figure 22 : source : ville de Malmö sur celles-ci. L’effacement total de l’usage ancien du sol est souvent regretté, même par des habitants nouveaux, étrangers à l’ancien quartier, comme cela a été constaté par la municipalité d’Amsterdam.
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Il convient donc de conserver certains éléments, les questions liées à cette conservation étant très nombreuses : comment sélectionner ces éléments ? Combien en garder ? Dans quelles conditions les conserver ? La volonté de conservation, notamment d’une certaine identité, relève d’une certaine fierté par rapport au passé, même si cette identité n’est pas directement liée aux activités actuelles. C’est ce que l’on observe par exemple à Casa-Anfa où le désir d’afficher le passé aéronautique est clairement assumé. Pourtant, on ne peut pas dire Sur le site de Casa-Anfa, les éléments que l’activité de l’aéroport se diffusait dans les conservés le sont pour leur intérêt technique quartiers environnants. et architectural, notamment leur structure métallique et avant-gardiste. La mémoire La requalification est en fait l’occasion de aéronautique est également mise en valeur s’interroger sur l’identité d’une zone urbaine, sur par la conservation de l’empreinte au sol de les aspects que l’on veut mettre en valeur et sur la piste de l’ancien aéroport et de bâtiments ceux que l’on voudrait atténuer. tels que l’aérogare. L’île de Zeeburg, située un peu à l’Est du centre historique d’Amsterdam, accueillait autrefois une usine d’assainissement. Aujourd’hui, sa position presque centrale est desservie par le boulevard périphérique amstellodamois et par le tramway. Le projet de la municipalité d’Amsterdam est de profiter de cette situation et de ces dessertes afin d’urbaniser l’île pour répondre à une demande de logements sans étalement supplémentaire de la ville. Trois anciens silos ont été conservés sur l’île. Pour deux d’entre eux, la mairie a organisé un Sur l’île de Zeeburg, deux anciens silos de concours visant à déterminer leur futur acquéreur. traitement des eaux usées deviendront donc Le concours porte non seulement sur la forme un centre culturel dédié à l’écrivain pour architecturale, mais aussi sur la destination et le enfant Annie M. G. Schmidt, selon les plans fonctionnement du bâtiment. En tant proposés par l’agence Arons en Gelauff. qu’acquéreurs potentiels et investisseurs privés, il revient aux candidats de s’assurer de la pérennité de leur investissement. Dès lors, si le patrimoine sort du domaine public, son passage d’un patrimoine monumental à un patrimoine urbain, c'est-à-dire vivant, est quasiment assuré par le fait qu’il est récupéré par un organisme privé. Ironie du sort, c’est le projet le plus délirant qui a remporté le concours, en proposant d’installer une girafe toboggan au sommet d’un silo construit pour nettoyer les eaux usées … Figure 23 : source www.aronsengelauff.nl
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Outre les éléments construits, la conservation des traces au sol est également à interroger. D’une part, elle permet de conserver une dimension des éléments qu’il n’est pas pertinent de garder mais dont on veut garder une trace. D’autre part, lorsqu’il s’agit d’éléments de première importance dans l’identité du site, le travail autour de leur conservation est crucial. L’agence Reichen et Robert a par exemple proposé la conservation de la piste d’Anfa Tous les îlots de la ZAC Rive comme axe principal du parc et a remporté le concours Gauche portent encore la organisé par l’AUDA. Dans le parc aménagé à la place de la marque de l’activité ferroviaire WesterGasFabriek, ancienne fabrique de gaz située à l’Ouest passée, par leurs dimensions d’Amsterdam, un silo a été transformé en salle de spectacle. caractéristiques de la longueur Un autre a été remplacé par un bassin épousant exactement des trains (300 à 400m). son emprise et fonctionnant comme un négatif. D’une très bonne qualité esthétique, il invite les passants à une promenade en contrebas du parc.
Le Kraanspoor (littéralement chemin de la grue) est un exemple particulièrement réussi de ce type d’initiative. A l’origine, il servait à charger et décharger les bateaux de l’Ij au moyen d’une grue, fonction qui lui a donné son nom. Avec le déplacement des activités portuaires, il n’est resté de cette infrastructure qu’une monumentale carcasse de béton au milieu de l’eau, que la mairie avait décidé de démonter.
Figure 24 : source www.oth.nl
Le choix des éléments conservés et les conditions de cette conservation dans le temps sont donc délicats à déterminer. De plus, comme nous l’avons déjà indiqué, le potentiel d’un patrimoine existant est loin d’être évident et le contexte n’est pas toujours propice à la mise en évidence de ce potentiel. Ainsi le potentiel de la structure Kraanspoor a été révélé par l’agence OTH. En faisant équipe avec ING Real Instate Developments, ils ont présenté à l’équipe municipale un projet transformant cette structure vide en un bâtiment très performant d’un point de vue environnemental et d’une qualité esthétique indéniable. Sa destination première est le tertiaire, pour répondre à certains besoins d’ING Real Instate, mais le bâtiment est étudié de manière à pouvoir changer de fonction dans le temps. Le projet a séduit la municipalité qui a accepté de vendre la structure à un prix symbolique. La qualité de cette réalisation a d’ailleurs été récompensée par deux prix au MIPIM l’année dernière.
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Le renouvellement urbain, entre identité et développement durable Il n’est pas rare, enfin, que la conservation d’éléments construits soit le fait d’une volonté privée (une personne ou une association). C’est notamment le cas à Casablanca, où les démarches de consultation n’en sont qu’à leurs balbutiements. Pour l’aéroport d’Anfa, comme nous le développerons en seconde partie, la sauvegarde de certains bâtiments militaires ne dépend que de la volonté d’un ou deux hommes. Au Nord Est de Casablanca, les abattoirs, haut lieu du quartier et de la ville, ont attiré l’attention de l’association Casamémoire. Une grande valeur sentimentale est en effet attachée à ces bâtiments et à l’activité d’abattage autour de laquelle s’est développé le quartier, à travers le commerce. Ces bâtiments ont véritablement créé une identité propre à ce quartier au sein de Casablanca. Outre ce fort attachement, les abattoirs suscitent l’intérêt pour leur forme architecturale, de type néo-mauresque. La qualité architecturale, qui vaut au bâtiment un classement au patrimoine de la ville, est par ailleurs conjuguée à une utilisation de matériaux comme le béton armé, avantgardistes à l’époque. La ville a reconnu l’intérêt de ces bâtiments et désire les conserver si on leur trouve une seconde fonction. Elle avait initialement pensé à une séparation en trois usages mais le projet a échoué (les artistes portant le volet culturel ne souhaitant pas être rattachés à une fonction commerçante). Finalement, les abattoirs ont été confiés à l’association Casamémoire, qui a comme objectifs de conserver un patrimoine architectural et de profiter de grands locaux et d’une emprise importante pour développer son concept de fabrique culturelle. Ce serait également l’occasion de bénéficier d’une remarquable vitrine afin de mieux faire connaître ses intentions et ses projets auprès des Casablancais.
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La mairie de Copenhague a mis en place un plan de conversion du Meat Market, échelonnée en plusieurs étapes. Selon les personnes que nous avons rencontrées sur place, la diversité et le contraste créés par les activités artistiques et les activités alimentaires donnent des inspirations. Des artistes, des designers, des photographes et des cinéastes se sont déplacés dans les locaux vides. Plusieurs des portes autrefois fermées sont maintenant ouvertes la nuit. Les chambres de réfrigération sont reconverties en chambres noires et les lucarnes ont été remises à neuf. La vision d'un nouveau lieu culturel dans la zone de Vesterbro, située au centre de Copenhague, a été ainsi conçue. Le site, fort en histoire a longtemps été le seul bastion non conquis de la zone : une ville presque secrète dans la ville, que peu de personnes à l'extérieur de l'industrie alimentaire connaissent vraiment bien. Quand la créativité est devenue une expression à la mode, la Ville de Copenhague s’est rendue compte que ces constructions fonctionnelles des années 1930 pourraient être intéressantes pour des gens autres que les bouchers qui ont eu l'habitude de travailler là.
Figure 25 : source copenhague X
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Dans tous les cas, il apparaît que les requalifications sont des occasions exceptionnelles en termes d’architecture et d’aménagement. Il est notable que ces requalifications sont de véritables défis et sont l’occasion d’expressions architecturales particulièrement frappantes. Les bâtiments aux proportions monumentales, conservés comme signe de l’identité de la zone requalifiée, sont le centre des regards. Il s’agit d’affirmer une certaine identité en la rendant plus belle et sans la dénaturer.
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3. Planification et montage du projet Ici, il semble que les pratiques soient très différentes : certains utilisent la concertation avec les différents acteurs du projet, d’autres impliquent les habitants ou riverains au projet.
Aux Pays Bas, la concertation avec la population joue un rôle central. En outre, comme nous l’avons déjà évoqué, les initiatives privées trouvent assez facilement leur place. Ceci tient sans doute à une culture assez marquée de confiance et d’écoute mutuelle entre les différentes parties. Les requalifications aux Pays-Bas laissent beaucoup plus de place au secteur privé ; notamment dans les concours où les candidats sont aussi les futurs gestionnaires de l’établissement sur lequel ils réfléchissent (les silos de Zeeburg) ou les candidatures spontanées (le crane Track). Les collaborations entre architectes et investisseurs créent des conditions de création et de réalisation assez favorables : à Rotterdam, le quartier de Kop van Zuid voit s’élever des tours dessinées par les architectes les plus prestigieux autour du vieil hôtel New York. L’initiative de la municipalité était d’y faire converger les regards : or c’est effectivement ce qui se passe, la proximité avec le pont Erasme, le soin apporté à l’espace public et l’émulation créée par la proximité de toutes ces constructions fait de ce quartier l’endroit où il faut se montrer. C’est à la fois une opportunité pour les architectes de s’exprimer et pour les investisseurs privés de jouer sur leur image en termes de modernité, d’innovation… De manière moins spectaculaire, sur l’ancienne emprise d’une usine d’eau potable, GWL Terrein est un îlot de logements relativement récents qui s’intègre au sein d’un tissu urbain qui s’est constitué autour de lui. La concertation a joué un rôle primordial dans la réalisation du projet. De nombreux futurs habitants se sont investis dans le projet et se sont constitués, comme cela est l’usage aux Pays Bas, en société de logement. L’un des impératifs Les habitants se réunissent était que chaque architecte (ils sont quatre en tout sur la zone) en syndicats de logement et devait travailler avec dix habitants. Si les débuts ont été un peu travaillent conjointement difficiles, les architectes ont fini par accepter l’investissement des avec les architectes à futurs habitants. Il s’agit ici d’une vieille tradition hollandaise : des l’élaboration du projet. syndicats de logements se forment et agissent pour l’intérêt commun. Dans le cas présent, ce sont les futurs habitants qui ont formé un syndicat, mais il existe des syndicats de logements par professions ou constitués autour de n’importe quel élément de rassemblement. En tant que maîtres d’œuvre, ils peuvent imposer leurs exigences aux architectes : cette forme de concertation est assez particulière comparée à ce qui se fait en France puisqu’elle n’est pas voulue par une instance publique mais organisée et gérée par les futurs habitants. A Casa-Anfa, la préservation des bâtiments a été programmée dès le début du projet et la démolition des éléments non conservés est actuellement achevée. Pour autant, le futur usage des bâtiments préservés n’est pas encore déterminé. C’est un des éléments intéressants de ce projet : la prise en compte de la question patrimoniale a été pensée dès le début du projet, et on a identifié les éléments à conserver sans avoir à considérer immédiatement leur reconversion.
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Cette volonté de conservation de certains membres de l’AUDA ne s’appuie toutefois sur aucun classement des bâtis à un quelconque référencement de patrimoine à conserver. Le sort de ces bâtiments n’est donc pas encore définitivement scellé et dépend fortement d’éventuels changements à la tête de l’agence. Le projet prévoit la création d’un grand parc urbain, qui manque à Casablanca, ainsi que des petites entités de ville l’entourant. La réutilisation de l’emprise de la piste comme axe structurant du parc est le second parti fort du projet, qui accompagne le travail sur la mémoire aéronautique du site (avec notamment un jeu sur les chiffres qui donnent les coordonnées aéronautiques sur la piste). Cette grande ouverture vers le ciel, au milieu du parc, sera une marque forte. En outre, son orientation déterminée originellement par les axes des vents dominants présente un intérêt quant à l’aération du parc. La conservation de l’emprise correspond plus, ici, à un désir de mémoire d’un lieu avec une activité passée forte et à un intérêt même de la trame, qu’à la qualité de fonctionnement du tissu urbain. Un autre enjeu important du projet est la couture des quartiers situés de part et d’autre de l’emprise. Des barrières de clôture vont être abattues et de nombreuses emprises privées devraient être intégrées au parc, comme les installations du Club Alpin Français actuellement en bordure d’aéroport. L’AUDA est une filiale de la CDG, propriétaire foncier du site de l’ancien aéroport suite à un don royal. Le projet entre dans le cadre du SDAU et bénéficie donc de tout le portage politique nécessaire à sa réussite, d’autant qu’il n’y a pas de manifestations d’opposition des habitants riverains et qu’il n’existe aucune concertation. Le projet est porté par le roi, ce qui garantit sa bonne conduite, notamment en termes de financement.
Figure 26 : éléments conservés à Anfa
Assurer la bonne intégration au tissu urbain en adoptant une réflexion plus large incluant les activités périphériques tournant généralement le dos à la zone requalifiée.
La requalification de Bo01 à Malmö bénéficie d’un très bon partenariat public privé (dit PPP). La première partie du développement occidental du port de Västra Hamnen (projet Bo01) à Malmö s’est réalisée grâce à un PPP indépendant entre la ville de Malmö et l’entreprise d’énergie E-on qui fournit une énergie totalement renouvelable au projet. Une centrale à biogaz s’est développée à
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Le renouvellement urbain, entre identité et développement durable Malmö (en coopération entre E-On et la municipalité) pour la fourniture de gaz pour les autobus de transport en commun, sous la forme d’un PPP partiellement indépendant. La planification urbaine (Vision 2000) étudie le rôle de Malmö dans la nouvelle configuration territoriale de la région et est à l’origine de ce projet. Elle a pour objectif de développer des logements énergétiquement autosuffisants et de fortement diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Les enjeux consistent à dépolluer les sols, utiliser une energie locale 100% renouvelable, réduire la dépendance à la voiture et construire écologique.
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Un PPP de prestation de service est un partenariat qui fournit un service garanti à certains clients. Selon le type de service, ces PPP particuliers peuvent être indépendants, partiellement indépendants ou publics. Les PPP indépendants sont ainsi appelés car les personnes payent directement pour les employer. Les PPP partiellement indépendants sont des services où les personnes ne payent qu’une partie des charges réelles, comme par exemple dans les services de transport en commun.
Ce projet veut être un projet phare, dont le but est d’engager un débat sur nos modes de vie actuels et futurs. Enfin, il existe des PPP publics qui Bo01 propose des visions inovantes de l’habitat futur, où fournissent un service géré par une les attentes en matière d’esthétique, d’écologie et de entreprise privée financée par l’argent haute technologie sont combinées. Bo01 est destiné à être public. Ils sont publics car chacun a le droit un projet pilote pour tester les technologies et les d’employer ces services sans payer. Certains solutions qui pourraient être applicables à plus grande exemples sont les écoles et les hôpitaux échelle. La qualité environnementale du projet a contribué dans certains pays de l’UE. à un financement public aux échelles locale mais aussi gouvernementale et européenne. Pour atteindre les objectifs novateurs du projet Bo01, les sols ont été analysés et décontaminés avant la Ce qui ressort de la mise en œuvre de ce construction, une majeure partie des besoins en projet, c’est la réelle imbrication des secteurs chauffages sont couverts par un aquifère souterrain publics et privés : utilisant de l’eau de mer ainsi que par des panneaux · La Ville de Malmö a initié le projet par son solaires. L’électricité est générée par une centrale fort programme environnemental. éolienne et par des cellules photovoltaïques. Les déchets sont valorisés et transformés en biogaz. Le · L’Agence suédoise de l’énergie a participé quartier a été conçu pour réduire les futurs besoins en au financement du projet Bo01. transports et la dépendance à la voiture. Le projet a donc intégré la création d’un réseau de pistes cyclables · Sydkraft, une des principales compagnies et de voies piétonnes, un système de transport public d’énergie suédoise était en charge de la roulant aux carburants écologiques, et la création d’un production et de la distribution programme favorisant les véhicules roulant aux d’électricité, de chauffage et de biogaz à carburants écologiques. Les matériaux de construction Bo01. C’est maintenant E-on qui en a la utilisés sont réutilisables après destruction des responsabilité. bâtiments et il n’y a pas d’utilisation de produits classés · Les compagnies de construction ont été dangereux. Une attention particulière a été portée à la directement impliquées dans la négociation biodiversité en créant des zones d’habitats pour du programme de qualité, ses conditions et plusieurs espèces de plantes et d’animaux, des toitures et murs végétalisés.
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ses objectifs environnementaux. La Ville de Copenhague possède les bâtiments du Meat Market (marché de la viande) et gère ainsi les locations des logements créés dans ces locaux. Ici, il s’agissait de préserver l’atmosphère et l’animation créée par le commerce des viandes, tout en attirant de nouvelles entreprises, séduites par l’unicité du cadre. Le projet a été confié au cabinet d’architecte Mutopia, dont l’une des propositions est d’ouvrir des passages dans le Figure 27 : La Halle du Meat Market Meat Market pour inciter à traverser et à animer le bâtiment. Toutefois, une attention particulière est portée au maintien du trafic automobile, afin de ne pas entraver l’activité économique. Ces mesures ne garantissent pas que les locataires et les bouchers pourront rester dans les lieux. Le projet a suscité de grandes inquiétudes quant à la possible disparition de l’industrie alimentaire du Meat Market (qui en est le centre copenhagois depuis plus de soixante-dix ans) au profit de l’installation d’industries plus jeunes. Ces inquiétudes ont été renforcées par la hausse apparente des loyers, compensée en réalité par des subventions indirectes.
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4. Bilans et éléments de réflexion pour la France Amsterdam : D’une manière générale, les expériences d’implication de la population hollandaise dans les projets d’architecture ou d’aménagement sont des succès. A GWL Terrein, à Amsterdam par exemple, l’implication des futurs habitants est réelle et si les décisions prises en termes d’aménagement sur l’îlot requalifié ne nous semblent pas toujours très heureuses, il ressort de cette organisation une certaine convivialité. Or, il est évident qu’un quartier principalement destiné au logement se doit d’être un endroit agréable à vivre pour ses habitants, ce qui est visiblement réussi dans ce cas. Il est toutefois notable que l’implication des populations à Amsterdam est très culturelle, et dure de longue date. Dans les années soixante-dix, par exemple, la municipalité avait demandé aux étudiants de l’école d’architecture de proposer une rénovation du quartier juif, vidé de sa population par la Seconde Guerre Mondiale et tombant en ruines. Cette initiative, en soi, est la manifestation d’un certain esprit d’ouverture et d’une absence de frilosité de la part des autorités amstellodamoises. Mais après la construction du premier immeuble, la population, d’ordinaire plutôt calme, a clairement manifesté son refus face au type d’architecture proposée, très moderne, très colorée et en décalage avec les volumétries et les proportions locales. La mairie d’Amsterdam a mis fin à cette expérience mais l’unique immeuble réalisé est resté en place. Il ressort néanmoins que les méthodes hollandaises d’implication des populations sont plus efficaces à Amsterdam qu’à Rotterdam : ceci est visiblement imputable au fait qu’Amsterdam est une capitale culturelle, dans laquelle le niveau d’éducation est très élevé. A l’opposé, Rotterdam est une ville très ouvrière qui a longtemps vécu par son port. Il semble que ses habitants ne se sentent pas spécialement concernés par de telles questions, soit qu’ils ne s’en sentent pas la légitimité, soit qu’elles ne les intéressent pas outre mesure.
Copenhague : Le projet Bo01 à Malmö bénéficie lui aussi d’une bonne concertation entre les différents acteurs mais pas avec les habitants de Malmö. Cependant, le nouveau programme de planification urbaine, intitulé “Vision 2015”, comportera une dimension participative plus importante que son prédécesseur “Vision 2000”. Après la construction du pont de l’Øresund et en parallèle avec la construction de Bo01, il s’est développé un programme régional “Esprit de Scanie”, qui regroupe les habitants de la région de Malmö mais aussi les habitants de la région de Copenhague, usagers du pont. Il s’agit d’un large processus de consultation mené auprès de toutes les autorités locales, des organisations, des associations, des entreprises et des citoyens. Cette consultation, ainsi que les actions menées en faveur de l'éducation à l'environnement, favorisent le respect de la biodiversité du site par les résidents et incitent au changement de leur comportement. Vision 2015 fera intervenir les responsables de ce programme.
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D’une manière générale, les opérations danoises de requalifications semblent être un succès. Les logements du projet Bo01 sont effectivement habitées par des populations de milieux divers, comme le prévoyaient les mesures sociales du projet. Il se dégage du quartier une atmosphère de bien-être des habitants. La réussite du Meat Market nous a paru plus mitigée. La « partie grise », convertie en un complexe réunissant un centre sportif, des restaurants et des magasins est visiblement une réussite et attire un public nombreux. A l’inverse, il se dégage de la « partie blanche » - censée devenir un pôle de culture et de détente avec ses galeries d’art, ses bars et ses boites de nuit - une ambiance de jour un peu froide, voire glauque.
Casablanca : A Casablanca, par contre, les processus de concertation n’existent pas. La notion de patrimoine urbain n’est donc pas toujours très bien entendue et les revendications des habitants ou riverains inexistantes. Par ailleurs, les projets d’Anfa et des abattoirs sont tous deux en cours de réalisation. Nous n’avons pas encore de recul pour évaluer leur réussite mais on peut d’ores et déjà s’inquiéter pour le projet des anciens abattoirs, contrairement à l’opération sur l’ancien aéroport. En effet, Casamémoire est une association de vingt-cinq personnes environ, souvent des architectes bénévoles. La gestion des abattoirs ne leur a été laissée que pour un an dans un premier temps, et avec une enveloppe de 200 000 euros de la ville pour reconvertir et entretenir d’immenses locaux. L’association semble manquer de projet à long terme et reste inflexible sur son refus d’accueillir des activités lucratives dans ces locaux. Etant donné l’état actuel des bâtiments, on ne peut que s’inquiéter de leur devenir sans autre source de revenu pour leur entretien que les quelques subventions de la ville.
Conclusion Il apparait par ces différents exemples que les requalifications sont non seulement l’occasion d’une expression architecturale mais aussi qu’elles rendent nécessaires cette expression. En effet, il semble que les enjeux qu’elles génèrent impliquent la prise de partis assez radicaux afin d’affirmer la renaissance de ces sites dans une nouvelle fonction. Leur importance dans l’imaginaire des habitants de la ville et notamment des quartiers alentours implique que la requalification donne naissance à un événement urbain, comme un parc, un équipement sportif ou culturel. Il semble en effet difficile de créer sur ces grandes emprises industrielles un tissu qui les fonde dans celui qui les a entourées. Même lorsque ce type de dessein est envisagé, les éléments industriels qui sont conservés – halles, silos, châteaux d’eau –même reconvertis continuent à jouer un rôle phare dans le paysage urbain, ne serait-ce que par leurs dimensions, comme les frigos de la ZAC Paris Rive Gauche. Ces éléments industriels sont donc l’image des requalifications et en ce sens sont le centre des regards. C’est donc particulièrement dans leur reconversion que se lit le parti pris par les aménageurs, les architectes et les propriétaires. Nous observons des différences flagrantes entre les
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différentes villes que nous avons observées. Ainsi, dans une ville, la plus grande modernité côtoie les peintures défraichies témoignant de la longue histoire de l’usine ; dans une autre, on ne touchera rien de l’origine, pas même les crochets à viande ; dans une dernière, seuls les beaux éléments ne seront conservés qu’après de soigneux ravalements ou sous une belle peinture. Ces différences sont le fait d’écarts dans les rapports qu’entretiennent les sociétés avec leur patrimoine et notamment leur patrimoine industriel. L’intérêt des opérations de requalification réside enfin dans l’opportunité de recréer de la ville à partir de rien et d’ainsi inclure une démarche environnementale prépondérante. Le projet de Malmö illustre parfaitement cette occasion inespérée de créer un éco-quartier au cœur de la ville. On peut ainsi regretter que ce type de réflexion ne soit pas abordé dès la conception pour la friche de CasaAnfa. Mais il faut alors souligner que l’intégration du nouveau quartier, qu’il soit respectueux de l’environnement ou non, reste une priorité afin de réellement créer du patrimoine urbain. C’est pourquoi on peut aujourd’hui s’interroger sur des projets tels que le Parc Pont de Flandres qui reste une enclave dans le tissu urbain, ou le 104 d’Aubervilliers qui n’a pas encore réussi à se faire accepter par les habitants du quartier.
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Conclusion Le renouvellement urbain recouvre donc des réalités très différentes. Il apparait qu’il n’existe pas de solution, ni même de méthode pour recréer la ville sur elle-même. En touchant à l’existant pour en tirer quelque chose de neuf, on touche à ce qui a trait à la vie quotidienne et à l’imaginaire des habitants d’un quartier, d’une ville voire d’un pays. Or, ces imaginaires sont aussi multiples que le sont les gens qui habitent les villes. L’enjeu est donc de renouveler la ville en faisant ressortir ce qui faisait son identité et en exaltant ses potentiels. En conséquence, ce type de développement urbain fait appel à la sensibilité des aménageurs et des responsables. Outre les objectifs habituels en termes de transports, de logements, de paysage, ils doivent encore discerner les éléments qui fondent l’identité d’un quartier, d’un morceau de ville, les interpréter pour les mettre en valeur et appuyer sur eux de nouvelles composantes porteuses de modernité. Le renouvellement urbain est aussi l’occasion de rectifier les anciens aménagements, de les faire correspondre davantage aux nouvelles exigences qui sont apparues en termes de développement durable, autour des trois composantes qui le constituent, sociale, économique et environnementale. La création de logements adaptés aux populations concernées doit donc s’accompagner d’activités et d’emplois assurant la viabilité économique du projet, tout en promouvant un aménagement aussi respectueux de l’environnement que possible. Loin de ne regarder que vers le passé, le renouvellement urbain fait ainsi le pari d’un existant assez riche et assez fertile pour porter les bases d’une ville moderne et capable de s’adapter aux évolutions de la société.
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Glossaire AUDA CDG SDAU Casamémoire
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Agence d’Urbanisation et de Développement d’Anfa (cf Annexe 4 : la gouvernance au Maroc) Caisse de Dépôts et de Gestion, équivalent de la CDC française. Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme Association casablancaise contribuant à la protection et à la mise en valeur du patrimoine Art Déco en organisant des manifestations de sensibilisation, en acquérant du bâti menacé et en le rénovant.
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Bibliographie Sites internet France ·
http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/fiches/fiche14.htm fiche sur les secteurs sauvegardés
Les Halles ·
http://www.paris.fr/portail/Urbanisme/Portal.lut?page_id=101&document_type_id=4& document_id=13460&portlet_id=20988
Belleville · · · · ·
http://www.siemp.fr/fileadmin/Documents/Autres/lettrebasbelleville.pdf http://www.parisbalades.com/Cadres/cadres20belleville.htm http://www.jan.it/belleville/tcu_1.html www.mairie-belleville.fr http://parisavant.com/
Amsterdam-Rotterdam · · · · · · · · ·
www.kopvanzuid.info www.rotterdam.nl www.urbansummit.rotterdam.nl www.easterndocklands.com www.amsterdam.info www.aronsengelauff.nl www.oth.nl www.gwl-terrein.nl www.dro.amsterdam.nl
Copenhague · · · ·
http://www.cphx.dk/index.php?language=uk#/34282/ http://www.kvarterloeft.dk/uk_version/holmbladsgade.htm http://guide.dac.dk/guide/skabeloner/kort.asp?mapID=395&lcid=1033 http://www.eaue.de/winuwd/81.htm
Malmö ·
http://www.malmo.se
Casablanca ·
http://www.casablanca.ma/index/
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·
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http://www.casamemoire.org/site/
Ouvrages · · ·
· · · · ·
Casablanca, le roman d’une ville, Michel ECOCHARD, Editions de Paris 1955 Portrait de ville Casablanca, Jean-Louis COHEN et Monique ELEB, Institut Français d’Architecture 1999 Planning Amsterdam Scenarios for Urban Development 1928-2003, Allard JOLLES, Erik KLUSMAN, 2003 Guide Werstern Harbour, ville de Malmö Guide de l'ARENE sur Les quartiers durables Le culte moderne des Monuments, Aloïs Riegl L’allégorie du patrimoine, Françoise Choay Rénovation urbaine : Enjeux, Mise en oeuvre, Qualité, Hors Série n°30 de la revue Urbanisme, février 2007
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Annexe 1 : Fiches résumés des projets étudiés dans les trois villes d’étude Les fiches suivantes reprennent les grandes caractéristiques du projet et en donnent un aperçu succinct afin de permettre la bonne compréhension de l’étude.
1-Spaarndammerbuurt............................................................................................................. 70 2- Tramway de Casablanca....................................................................................................... 71 3- Nouvelle médina des Habous .............................................................................................. 72 4- Holmbladsgade..................................................................................................................... 73 5- Les Halles .............................................................................................................................. 74 6- Le marais .............................................................................................................................. 75 7- Eastern Docklands ................................................................................................................ 76 8- Rives Nord de l’IJ .................................................................................................................. 77 9- Sidi Moumen ........................................................................................................................ 78 10- Casa Marina........................................................................................................................ 79 11- Vesterbro............................................................................................................................ 80 12- Belleville ............................................................................................................................. 81 13- Westergasfabriek ............................................................................................................... 82 14- L’ile de Zeeburg .................................................................................................................. 83 15- GWL Terrein ....................................................................................................................... 84 16- Kop Van Zuid ...................................................................................................................... 85 17- Anciens abattoirs................................................................................................................ 86 18- Anfa .................................................................................................................................... 87 19- Meat Market ...................................................................................................................... 88 20- Malmö : Bo01 ..................................................................................................................... 89 21- Paris Rive Gauche ............................................................................................................... 90 22- Parc de Flandres ................................................................................................................. 91
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1- Spaarndammer buurt Type de projet : régénération http://rogershepherd.com/WIW/solution3/deKler k.html
Maîtrise d’ouvrage : Ville d’Amsterdam Destination principale : Logements et équipements
Description : Cet ancien quartier ouvrier datant du début des années 20 est en pleine mutation dans le but de lui redonner une nouvelle attractivité, et d’attirer de nouvelles populations. Ce projet s’inscrit pleinement dans la politique de création de logements propre à la ville d’Amsterdam. Les différents îlots sont dessinés par des architectes hollandais et s’articule autour d’un ancien bâtiment remarquable, « Het Schip », dessiné par Michel de Klerk. Ce bâtiment était initialement un vaste complexe résidentiel destiné à loger 102 familles d’ouvriers, et intégrait notamment une école et une poste. Le nouveau projet prévoit de modifier ces logements de manière à augmenter leurs surfaces, ainsi que les îlots alentours en modifiant la encore la structure des logements, et en intégrant des commerces et équipements.
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2- Tramway de Casablanca Type de projet : régénération Maîtrise d’ouvrage : Casatransport Maîtrise d’œuvre : Systra-CID Phasage : 2008 : lancement de l’appel d’offre 2009 : études de projet et début des travaux de déviation des réseaux 2010 : début des travaux de la ligne 2012 : inauguration en 2012 Financement : coût 6,4 milliards de dirhams, dont 2,4 milliards en emprunts concessionnels et 4 milliards en fonds propres (Etat, collectivités locales et grands projets de Casablanca). Le fonctionnement sera assuré par les recettes de fonctionnement.
Description : Sur une longueur de 30km, la première ligne de tramway de Casablanca est actuellement à l’étude. Desservant 49 stations pour une durée totale de parcours de 50 min, le tramway est transporter 250 000 dimensionné pour voyageurs par jour entre Sidi Moumen et Anfa ou Hay Hassani. Ainsi, de nombreux quartiers périphériques seront desservis et réaménagés sur le linéaire du tramway. En effet, la ville a opté pour un tramway accompagné d’un réaménagement des voies et de l’espace public, sur un total de 90 ha. Le traitement architectural des stations a également été créé avec soin grâce au style Art Déco. Ce nouveau moyen de transport (il y a déjà eu un tramway à Casablanca dans les années 50) n’est toutefois pas prévu pour desservir toute la population de Casablanca puisque le tarif choisi limitera son utilisation. Mais les technologies développées sur ce projet visent à encourager l’ingénierie casablancaise et à promouvoir un transport plus respectueux de l’environnement.
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3- Nouvelle médina des Habous Type de projet : régénération Maîtrise d’ouvrage : la région du Grand Casablanca
Financement : coût 1.2 millions d’€ Destination principale : Logements, commerces
Description : La nouvelle médina des Habous a été créée dans les années 20 par l’équipe de Prost sur des terrains donnés à la fondation pieuse des Habous. Un palais destiné au sultan sera réalisé, ainsi que plusieurs vagues de logements pour « musulmans à revenus modestes ». A l’époque, les architectes et urbanistes affirment tenir compte des mœurs des « indigènes » en conservant les pratiques urbaines traditionnelles marocaines. Les arcades commerçantes et les façades aveugles des habitations s’ouvrant uniquement sur les cours intérieures donnent rapidement un caractère authentique à la nouvelle médina qui se peuplera progressivement de familles aisées. L’installation des commerçants confirme d’emblée la réussite du quartier et l’enjeu est aujourd’hui de préserver cette « vitrine » touristique de Casablanca. Dans l’optique de développer le tourisme dans la capitale économique du Maroc, la région du Grand Casablanca participe à la rénovation du quartier en subventionnant par exemple le recours à l’artisanat traditionnel et en entretenant minutieusement le quartier.
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4- Holmbladsgade Type de projet : régénération http://www.kvarterloeft.dk/uk_version/holmbl adsgade.htm
Maîtrise d’ouvrage : ville de Copenhague Financement par la ville de Copenhague, le comité urbain du Gouvernement Danois, coût du projet environs 505 M DKK, soit 68 M€
Destination principale : Logements, équipements et commerces
Description : Le quartier de Holmbladsgade est un ancien quartier ouvrier avec ces bâtiments en briques rouges et grises. La population contient plus d’immigrés, de chômeurs et de personnes avec un faible niveau d’étude que la moyenne sur Copenhague. C’est aussi un quartier assez jeune avec beaucoup d’enfants. En outre, de nombreux studios sont présents, ils sont occupés essentiellement par des étudiants, les locataires changent donc souvent. Tous ces paramètres et l’augmentation de la criminalité ont incité la ville à intervenir dans ce quartier. L’opération s’effectue sur une zone d’environ 2km sur 800m et a eu lieu entre 1997 et 2003. Le quartier manquait d’équipements et d’espace vert, ainsi que d’une vie commerçante dynamique et de liens sociaux. Le projet porte donc sur la réalisation du Centre d’Art et de Démocratie, sur l’implantation d’une station de métro et sur la création et l’aménagement d’espaces publics. Le Centre d’Art et de Démocratie comprend outre une bibliothèque et un café, des salles utilisées pour la démocratie de proximité et par les associations du quartier. La station de métro permet une meilleur accessibilité et mise-en-valeur du quartier et induit un dynamisme commerçant accentué par les nouveaux espaces publics comme Holmbadsgade. Tout le long du projet, la concertation a permis d’impliquer les habitants dans le processus.
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5- Les Halles Type de projet : régénération http://www.paris.fr/portail/Urbanisme/Portal.lut? page_id=101&document_type_id=4&document_id =13460&portlet_id=20988 Maîtrise d’ouvrage : Ville de Paris Maîtrise d’œuvre : équipe SEURA-David Mangin Phasage : 2003 : lancement de la consultation et de la concertation 2004 : choix du projet d’urbanisme SEURA-Mangin 2006 : comité permanent de concertation, lancement du concours international d’architecture pour le forum 2007 : choix des lauréats Berger et Anziutti 2008 : phase études et conception 2009 : début des travaux
Destination principale : Activités artistiques et commerciales, espaces verts, pôle de transport
Description : Après la relocalisation du marché de gros à Rungis (à partir de 1969), le trou des Halles fait l’objet d’une opération de ZAC en 1971 pour intégrer le pôle de transport et les espaces commerciaux via le forum des Halles achevé en 1986. Aujourd’hui, le projet des Halles vise à réinscrire ce centre de transport régional dans la dynamique des hautslieux touristiques du quartier (Tuileries, Palais Royal, Beaubourg). Le projet porte à la fois sur la surface du site (jardin et rues), sa profondeur (pôle de transports souterrain, commerces, équipements, voies souterraines) et ses émergences (accès et bâtiments). Coordonné par l’équipe réunie autour de David Mangin, le projet de réaménagement des Halles s’articule principalement autour du projet de Canopée proposé par les architectes français Berger et Anziutti. L’enjeu majeur est d’améliorer l’articulation entre la surface et les plateformes de transport en commun grâce à de nouveaux accès, des cheminements facilités et plus cohérents, prolongeant notamment les rues existantes en surface. Une série d’équipements (bibliothèque, conservatoire, auditorium, …) s’ajoute également à l’actuel forum des Halles, pôle commercial de dimension régionale.
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6- Le marais Type de projet : régénération http://formation.paris.iufm.fr/~jablonka/produ ctions/ParisHG/HGChrist/marais/historique.ht ml
Type d’opération : opérations ponctuelles visant des bâtiments ou édifices particuliers
Dates clés : XVIè et XVIIè siècle : construction de la plupart des hôtels particuliers caractéristiques du quartier du Marais. XIXè siècle et début du XXè siècle : dégradation du Marais, modification de son architecture 1965 : Classement de ce quartier en tant que secteur sauvegardé
Destination principale : Activités culturelles et touristiques
Description : L’histoire du Marais remonte à longtemps et se caractérise dans l’évolution de la ville de Paris par le fait qu’il est un des rares quartiers de Paris à avoir été épargné par les grandes percées Haussmanniennes. De ce fait, il possède un passé historique très riche, notamment grâce à ses hôtels particuliers, ses jardins et ses édifices religieux qui ont bien failli disparaitre au XIXè siècle. Il a fallu attendre 1965, et son inscription comme secteur sauvegardé pour voir apparaître des projets de rénovation. Ces projets ne sont pas de grandes envergures et concernent bien souvent un élément particulier de ce quartier.
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7- Eastern Docklands Type de projet : Rénovation – Zone portuaire Amsterdam www.easterndocklands.com Phasage : Le projet se décompose en plusieurs iles, traitées de manière indépendante. Pour certaines les travaux de requalification sont terminés pour d’autres, c’est encore à l’état de projet. L’hôtel a rouvert en 2004. Maîtrise d’ouvrage : La municipalité
Destination principale : Logements, commerces, bureaux et équipements
Description : Histoire : Même si les docks datent du XVIIème siècle, la majeure partie fut construite au début du XXème siècle pour faire face à la demande croissante d’utilisation du port. Pour ce faire, des zones de marécage furent asséchées et de nouvelles îles apparurent (Ex : Borneo et Java). Cependant, les conditions de vie dans les docks étaient très mauvaises, et entrainèrent de violentes grèves et émeutes. L’entre-deux guerre voit des projets de constructions de nouvelles habitations et de réseaux d’assainissement qui améliorent quelque peu les conditions de vie. Construits à partir du XVIIème siècle, les Eastern docklands ont été au cœur de l’activité économique d’Amsterdam jusqu’au début du XXème siècle où ils ont été supplantés par les docks à l’ouest de la ville. Totalement abandonnés dans les années 70, ils ont accueilli des squatteurs, des nomades et beaucoup d’artistes qui y ont laissé une empreinte forte. Dans les années 80, la plupart d’entre eux sont délogés, car la municipalité décide de le rénover pour en faire une zone d’habitation vivante et très attractive. Elle est devenue très propice à l’établissement de PME, cafés, restaurants et commerces de proximité, mais reste très attachée à la culture alternative qui fut la sienne. L’hôtel Lloyd : Situé sur ce site, il a eu de nombreuses fonctions et est assez représentatif de ce qu’a été le quartier durant ces cent dernières années. 1921/1935 : Dans cet hôtel ont lieu les examens médicaux et les désinfections avant les embarquements pour l’Amérique. Durant la 2nde guerre mondiale, les nazis le transforment en prison pour les résistants. Après guerre, il sert à l’incarcération des détenus de droits communs. En 1963, il devient un centre de détention pour mineurs avant de fermer en 1989. Il devient alors un atelier d’artistes. Cependant, la multitude de rénovations autour de l’hôtel pousse la ville à le réhabiliter lui aussi. En 1997, elle décide, après concours, d’en faire un hôtel et une ambassade culturelle. C’est le bureau d’architectes du MVRDV qui est chargé du projet.
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8- Rives Nord de l’IJ Type de projet : Rénovation – Zone portuaire Amsterdam Phasage : Le projet s’inscrit dans un plan directeur général pour les rives nord de l’IJ mis en place en 2002. Il est principalement axé sur l’accessibilité de la zone, une lente conversion et les liens entre l’eau et les zones de logement. A travers ce plan général, divers projets ont été définis tels que le quai NDSM, la zone Shell ou encore Buiksloterham. Chaque projet présente une approche différente.
Destination principale : Logements, commerces, industries, équipements
Description : Buiksloterham : terrain agricole, cette zone devint plus tard une zone pour la construction navale. Dans les années 60 et 70, les chantiers navals ont été déplacés vers l’Asie en raison des coûts de production plus faible. La zone industrielle a perdu de sa densité, pour être finalement délaissée, et même squattée. Au milieu des années 90, cette zone industrielle entame une lente reconversion en zone d’habitations.Contrairement aux autres projets des rives nord de l’IJ, les propriétaires et promoteurs privés sont nombreux, la ville n’a donc pas la volonté de racheter les lieux des anciens usagers. Elle opte plutôt pur une lente transformation de la zone, encouragée par une bonne accessibilité grâce aux routes, ponts, transports en commun... Le projet a été confié au bureau de projet Noordwaarts en lien avec le service d’aménagement spatial et le service du développement d’Amsterdam. Quai NDSM Wharf : Cette zone portuaire de 20 000m² a été laissée à l’abandon dans les années 1980. En 1999, la ville a lancé une consultation pour un réaménagement culturel de ces 20 000m², gagnée par Kinetic North, un collectif d’artistes, artisans et d’entrepreneurs culturels originaires de ces squats. Ils se sont vus attribuer cette zone pour une période de 10 ans, renouvelable pour développer cette zone en un nouveau lieu de culture. Aujourd’hui cette zone est très dynamique, elle accueille des centres créatifs, de loisir, des cafés et des restaurants. L’un d’entre eux est même l’un des plus populaires de la ville. Zone Shell : Cette zone offre le développement le plus commercial, avec la construction de nombreux logements privés (80%) pour remédier aux problèmes de logement présents à Amsterdam.
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9- Sidi Moumen Type de projet : rénovation Maîtrise d’ouvrage : Agence Urbaine Maîtrise d’œuvre : Al Omrane Phasage : 2013 : parc urbain et stade, desserte par le tramway Financement : par l’Etat et la commune, recasement par le ministère de l'Habitat, de l'Urbanisme et de l'Aménagement de l'espace
Destination principale : Logement, équipement sportif, activité industrielle
Description : Sidi Moumen est l’un des plus importants bidonvilles de Casablanca et abrite une part des 9% de la population casablancaise vivant dans un habitat insalubre. En périphérie de la ville, ce centre urbain datant des années 30 est resté longtemps à l'agonie, rassemblant tous les déshérités de la ville. Cette zone marginalisée fait aujourd’hui l’objet d’un projet majeur du SDAU de Casablanca par un programme de résorption de l’habitat insalubre et une suite d’équipements qui ramèneront ce quartier dans le tissu urbain. Les aménagements seront les suivant : · ·
·
Création d’une zone d’activités économiques nouvelles avec aménagement d’une cité de l’automobile et de la zone des ferrailleurs (190 ha) Réalisation d’un complexe sportif o Un grand stade de 70 000 spectateurs o 60 hectares d’équipement sportif o Site de 100 hectares (situé dans l’ancienne carrière) Réalisation d’un parc urbain (40 ha)
Ce projet d’inscrit dans un projet plus large de mutation da la zone de Sidi Moumen afin de requalifier la zone dont l’image est largement négative. Ce site sera également le point de départ du tramway. Toute une infrastructure sera créée autour du stade : un parc aquatique, un site d’athlétisme, un espace de loisir et une cité du sport. Pour ce projet très ambitieux, un concours international a été lancé. Dans ce projet pensé d’un bloc et qui devra donc être réalisé « d’un bloc », la requalification urbaine, amène la requalification sociale, grâce à l’économie et au sport. Il ne s’agit pas de faire table rase du tissu existant, mais le bidonville sera complètement restructuré avec notamment des emprises de voirie élargies et la création d’un maillage complet de voirie (230 ha à équiper) et un travail de l’espace public. L’opération d’habitat accompagnant les équipements permettra ainsi la résorption du bidonville par la création de nouveaux logements bifamiliaux et une technique de recasement in situ durant les travaux.
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10- Casa Marina Type de projet : rénovation Maîtrise d’ouvrage : Casamarina Phasage : la création de la marina a commencé, le plan masse du projet a été adopté (sur la base d’un projet des Ateliers Lion) et les travaux ont commencé en 2009 Financement : la CDG finance les parties de logement, le palais des congrès est géré en concession avec les revenus des commerces et hôtels.
Destination principale : Logement, bureaux, équipements, loisir, transport maritime
Description : Le projet de création d’une marina adjacente au port intervient dans l’objectif de tourner Casablanca vers la mer. Sur des terrains gagnés sur la mer, un ensemble d’immeubles de logement, de bureaux et divers équipements (port de plaisance, palais des congrès) se construira suivant un schéma permettant l’ouverture sur la mer. Un grand espace vert de loisir, accueillant également un aquarium, permettra de faire la transition entre ce nouveau quartier et la mosquée Hassan II. Ce projet vise donc à faire la jonction entre le tissu existant (l’ancienne médina) et la mer en requalifiant notamment le boulevard des Almohades et en supprimant le mur d’enceinte de la médina qui la coupe actuellement du littoral. Ainsi, la richesse créée par ce complexe de standing élevé permettra de redynamiser l’ancienne médina qui souffre aujourd’hui d’une densité très élevée induisant des problèmes d’insalubrité et de sécurité. Le projet de la marina s’insère dans un plus vaste programme de reconquête du littoral avec d’autres aménagements prévus tout le long de la corniche : résorption des bidonvilles de la pointe d’El Hank (ancien phare) par la création d’une casbah, complexes touristiques et parc naturel.
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11- Vesterbro Type de projet : rénovation Maîtrise d’ouvrage : Ville de Copenhague Maîtrise d’œuvre : Variée, principalement : -
L’entreprise de rénovation urbaine (SBS Byfornyelse) Le centre de rénovation urbaine
Phasage : 1989 : Création du plan de rénovation 1991 : Vote au conseil municipal de Copenhague du plan définitif 1992 : Début des travaux 2001 : Mise en place de standards écologiques 2006 : Fin des travaux
Financement : Ville de Copenhague, Etat Danois
Destination principale : Logement, commerce, activités sociales
Description : Le quartier de Vesterbro est né au milieu du XIXème siècle. Il s’est développé autour du pont à l’ouest de la vieille ville de Copenhague, duquel il tire son nom jusque dans les années 20. Les constructions ne comprenaient que rarement l’accès à l’eau, au chauffage central, aux sanitaires, et même à l’électricité. La proximité de la gare centrale, des abattoirs et de quartiers résidentiels plus riches a favorisé l’apparition de nombreux trafics de drogue, d’une prostitution active et d’une criminalité importante. De plus, les habitants n’ayant pas de moyen pour effectuer des travaux dans les bâtiments, l’état du quartier est devenu critique à partir des années 70. Sur un quinzaine d’années, c’est 35 hectares comprenant un peu plus de 4000 logements pour environ 300 commerces qui ont été intégralement rénovés. Au total, c’est près de 1 milliard d’euros qui ont été investis par la ville et l’état pour faire de Vesterbro un quartier nouveau et écologique.
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12- Belleville Type de projet : Rénovation Maîtrise d’ouvrage : SIEMP Phasage : 1952 : Début des opérations de rénovation urbaine 1956-1965 : Première série de rénovation urbaine : ilot « 4792 », secteur « Couronnes » et le nouveau Belleville (achevé en 1975). Début des années 1970 : Nouveau programme concernant le secteur « Faucheur-Envierge » et le secteur « Palikao ». 1977 : Nouveau Schéma Directeur d’Aménagement d’Urbanisme, nouvelle procédure : la ZAC Fin des années 80 : Rénovation du secteur « RamponeauBelleville » 1989 : Création de l’association la Bellevilleuse 1990 : Création de la ZAC « Ramponeau-Belleville » 1996 : Annulation du projet de ZAC 1998 : Acceptation du nouveau projet d’OPAH
Destination principale : Logements et équipements
Description : En 1952 la ville entreprend de rénover l’ensemble du quartier de Belleville, fortement dégradé. Ce projet va se faire en différentes phases. La première entre 1956 et 1965, avec les secteurs de l’ilot « 4792 », secteur « Couronnes » et le nouveau Belleville (achevé en 1975). L’opération d’aménagement va presque raser la totalité des ilots. Le bâti de 3 à 5 étages laissera la place à un bâti plus dense de 10 à 15 étages. Le paysage urbain change radicalement. Au début des années 70 un autre projet voit le jour, il concerne les secteurs « Faucheur-Envierge » et « Palikao ». Le premier sera réalisé selon les mêmes principes que les précédents, le second en revanche s’inscrira dans le nouveau plan d’aménagement et d’urbanisme, qui opte notamment pour la réhabilitation du parc de logements. Ainsi, les immeubles peu dégradés seront conservés, comme la trame viaire qui ne subit que quelques améliorations. Enfin, en 1989, la ville choisit de rénover le secteur « Ramponeau-Belleville » et prévoit de raser 4 ilots pour créer un nouveau quartier. Les riverains s’y opposent et créent l’association la Bellevilleuse. Le projet de ZAC est toutefois créé en 1990. Puis en 1996, Jean Tibéri décide de revoir le projet et d’associer la Bellevilleuse à sa réflexion. Un nouveau projet naitra en 1998, dans lequel 80% des immeubles ont été sauvés et la population en totalité relogée. Les constructions neuves sont en harmonie avec le bâti alentour. Les immeubles anciens sont réhabilités par l’OPAC ou subventionnés dans le cadre de l’OPAH.
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13Westergasfabriek Type de projet : requalification www.westergasfabriek.nl Maîtrise d’ouvrage : Municipalité Maîtrise d’œuvre : Kathryn Gustafson et Francine Houben de Mecanoo Phasage : 1.Création de lieux artistiques 2. Dépollution 3. Démocratisation grâce au parc et aux commerces
Financement : Municipalité, fondations.
Destination principale : Evènements, commerces, entreprises
Description : Sur les lieux d’un ancien site industriel (usine de production de gaz) et devenu insalubre depuis l’arrêt de l’exploitation en 1967. En 1992, la municipalité cherche à réhabiliter et à requalifier ce site. En 1997, les architectes Kathryn Gustafson et Francine Houben de Mecanoo dessinent le parc En cédant des parcelles à des entreprises pour un euro symbolique qui s’engagent à les dépolluer en contrepartie, la municipalité a fait venir une forte activité dans le secteur, ce qui en fait un lieu très fréquenté. De plus les lieux sont utilisés pour des nombreux évènements culturels majeurs. Une des particularités du site est son côté polyvalent, permettant de nombreuses activités différentes. La proximité du parc avec le centre ville d’Amsterdam ajoute à l’attraction du site, dans une ville où les habitants recherchent fortement les espaces verts.
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14- L’ile de Zeeburg Type de projet : requalification http://www.dro.amsterdam.nl/publicaties/mag azine/@112003/het_zeeburgereiland/
Maîtrise d’ouvrage : Ville d’Amsterdam Financement : Partenariats Publics Privés Destination principale : Logements
Description : L’île de Zeeburg a longtemps accueilli les fonctions typiques d’une périphérie : usines, autoroutes, boulevard périphérique (A 10), dépôt de matériel … Elle se trouve aujourd’hui exactement entre le centre ville à l’Ouest et l’archipel d’IJburg nouvellement créé à l’Est. Parfaitement desservie par les différentes infrastructures de transports – tramway, autoroutes, périphérique –elle se présente naturellement comme une zone à urbaniser, maintenant que l’usine de traitement des eaux usées a été déplacée. Il semble difficile d’atténuer les ruptures que constituent les grands axes de circulation sur l’ile mais on chercher à créer de petits quartiers plutôt qu’un grand quartier sur l’ile. Pour des raisons financières, la construction et l’exploitation des logements dans ses quartiers est confiée à des aménageurs privés mais la municipalité veille à l’unité architecturale de l’île, en termes de volumétrie et de matériaux. Le projet phare de l’ile est la reconversion des silos de l’usine en un centre culturel - la Maison d’Annie M. G. Schmidt – par l’agence Arons en Gealuff. Celui-ci est financé par l’association dédiée à la promotion de l’œuvre de l’auteur pour enfant. Ces silos ont fait l’objet d’un concours organisé par la municipalité locale et sont vendus à un prix symbolique aux gagnants (groupement du cabinet Arons en Gelauff et de l’association pour la promotion de l’œuvre d’Annie M. G. Schmidt) à qui il revient d’assurer la pérennité du projet.
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15- GWL Terrein Type de projet : requalification http://www.gwl-terrein.nl/
Maîtrise d’ouvrage : Amsterdam Westerpark (municipalité locale)
Destination principale : Logements
Description : Située sur l’emprise d’une ancienne usine de traitement des eaux usées et à trois kilomètres du centre ville d’Amsterdam, ce quartier de haute qualité sociale et environnementale a été réalisé dans les années 1990. Ce quartier est très dense et se veut sans voiture (0,2 voiture par logement), ce que rend possible sa très bonne desserte par les différents modes de transports publics amstellodamois (bus, tram et train). Une très grande attention a été portée à la mixité sociale et à la convivialité, ce qui se manifeste par l’aménagement des espaces extérieurs. La concertation a également joué un rôle primordial dès le début du projet. La dimension environnementale est également prise en compte comme principe d’aménagement et de vie en communauté: les types de bois utilisés ou la gestion des eaux pluviales font l’objet d’accords entre les habitants. Certains bâtiments industriels ont été conservés et requalifiés et un château d’eau moderne a été construit pour renforcer l’identité industrielle du site, liée à l’eau.
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16- Kop Van Zuid Type de projet : requalification Situation : Depuis 1990, nombre de port du 19ème siècle ont été urbanisés, cette urbanisation va sans doute se poursuivre jusqu'en 2010. La région à laquelle ils appartiennent s'appelle aujourd'hui "Kop Van Zuid", située face au centre-ville mais de l'autre côté de la rivière, sur la rive sud de la Meuse. Ils couvrent une superficie de 125Ha.
Destination principale : Logements, commerces, bureaux et équipements
Description : Cette zone a été abandonnée dans les années 60/70 suite à la migration du port. Les personnes travaillant au port ont pour certains continué d’y vivre, sont également arrivé nombre d’immigré et de squatteurs. A la suite de la pénurie de logements, le gouvernement a entrepris un vaste programme de construction de maisons. Rapidement, la nécessité de mettre l'accent sur les zones urbaines est apparue. Dans ce quartier une partie des anciens bâtiments a été conservée et rénovée. Comme c'est le cas pour l'hôtel New York (4 étoiles), situé dans l'ancien terminal de la ligne Holland-America ; ou encore la plus vieille zone portuaire qui a été transformée en musée. Par ailleurs, nombre de bâtiments rénovés l'ont été par de grands architectes comme Renzo Piano, Norman Foster ou encore Rem Koolhaas. Tout ceci a permis de donner à cette partie de la ville une nouvelle image et ainsi d'attirer des investisseurs privés. La requalification de ce quartier, bien qu'actuellement non terminée est déjà une réussite. Les objectifs fixés ont été atteints. En effet, la région offre maintenant un beau mélange de bureaux, commerces, habitations et se quartier redore l’image de Rotterdam. Toutefois, l'aspect maritime reste absent de ce quartier, il symbolise très bien l'état d'esprit traditionnel de la séparation du port et de la ville. En 1986, dans le cadre d'un plan directeur commandé par le nouveau directeur de l'urbanisme Riek bakker, Kop van Zuid a été abordée comme la clé de la future urbanisation de Rotterdam. Cet espace a été conçu à usage mixte, avec des bâtiments accrocheurs, en bord de mer animé, et en lien direct avec le centre-ville. L'objectif était de changer l'image de Rotterdam, mais aussi ouvrir l'ensemble du sud de la ville. Cet objectif a été atteint, et ce même avant la fin de la rénovation.
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17- Anciens abattoirs Type de projet : requalification Maîtrise d’ouvrage : Casamémoire Maîtrise d’œuvre : Financement : fonds donnés par la commune. Trouver des financiers et des sponsors. Destination principale : Equipement culturel
Description : Les abattoirs de Casablanca, situés à un nœud de transport (ferré et maritime) ont fermé en 2004. Après avoir été nettoyés et débarrassés de toutes les structures dangereuses, ils ont été confiés à l’association Casamémoire qui les gère depuis mars 2009. C’est l’architecte français Georges-Ernest Desmarest qui est à l’origine de ces bâtiments, construits en 1920, et qui constituaient à l’époque la plus grande surface couverte de Casablanca avec quelques 20 000 m². Véritable centre d’animation du quartier où les populations se rassemblaient autour de l’activité de boucherie, les anciens abattoirs sont aujourd’hui transformés en un nouveau centre attractif centré sur la culture. De nombreuses manifestations gratuites sont organisées par la ville et l’association afin de permettre l’accès à la culture pour tous. Cependant, la totalité de la surface n’est pas encore mise à contribution et de nombreux aménagements devraient être réalisés pour mieux adapter le bâtiment à sa nouvelle fonction, mais l’association a des difficultés à lever les fonds nécessaires.
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18- Anfa Type de projet : requalification Maîtrise d’ouvrage : AUDA Maîtrise d’œuvre : Agence Reichen et Robert Destination principale : Espace vert, logements, bureaux
Description : Sur la friche de l’ancien aéroport Casa-Anfa construit en 1940, c’est tout un nouveau quartier qui verra le jour sur 365 ha. L’objectif principal du projet est la création d’un grand parc urbain qui articulera le reste du programme. Ce parc prendra place sur l’ancienne piste de l’aéroport afin de garder une trace de l’activité passée de la zone. De plus, de nombreux bâtiments témoins des techniques architecturales de l’époque (entrepôts en structure métallique, villa de style néo-mauresque, tour de l’aérogare) ont été conservés, ainsi que quelques exemplaires de patrimoine mobilier des années 40 (simulateur de vol). L’enjeu majeur reste l’insertion du nouveau quartier au tissu existant car les activités alentours tournent actuellement le dos à l’ancien aéroport et le coupent du tissu urbain (bureaux, bâtiments militaires, complexe sportif du Club Alpin Français). Ainsi, l’interface est étudiée afin d’assurer la bonne intégration de ce projet phare (« projet royal ») à Casablanca. Pour y contribuer, le terminus de la future ligne de tramway est d’ores et déjà intégré au programme d’aménagement de la friche.
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19- Meat Market Type de projet : requalification Maîtrise d’ouvrage : Mairie de Copenhague Phasage : 1883 : construction de la partie brune 1934 : construction de la partie blanche Abandon d’une partie de l’activité dans les années 1990 1995 : plan de reconversion du Meat Market Destination principale : Aire de loisirs (complexe piscine, salle d’évènements), maisons associative, bars, restaurants, galeries d’arts, école d’architecture Description : Le quartier du meatpacket est situé à Vesterbro, proche de la gare centrale. Il s’agit de trois aires séparées : la blanche, la grise et la brune, elles correspondent aux couleurs des bâtiments. La partie brune est la plus ancienne datant de 1883, la partie blanche est une enclave de 400x600m d’une structure moderne bâtie en 1934. Cette aire a été le centre de l'industrie alimentaire de Copenhague, plus grande pendant plus de 70 ans. Elle est considérée comme patrimoine protégé depuis 1995. Une partie du complexe, la partie grise et une partie de l’aire blanche est encore utilisée comme « meat market » en revanche, il y a maintenant des installations de galeries, bars, une école d’architecture, salle d’évènements et spectacles, des galeries d’art, une boite de nuit, une piscine avec restaurant et salle de sport, un lieu de rencontre associatif dédié à l’art. La mairie de Copenhague a mis en place un plan de conversion du meat market en 1995, cela a été fait en plusieurs étapes. Selon les personnes que nous avons rencontrées sur place, la diversité et le contraste crée par les activités artistiques et les activités alimentaires donnent des inspirations. Des artistes, des designers, des photographes et des cinéastes se sont déplacés dans les locaux vides. Plusieurs des portes autrefois fermées sont maintenant ouvertes la nuit. Les chambres de réfrigération sont converties dans des chambres noires et les lucarnes sont purifiées. La vision d'un nouveau lieu culturel dans la zone Vesterbro, située au centre de Copenhague, a été ainsi conçue. Le site, fort en histoire a longtemps été le seul bastion non conquis de la zone : une ville presque secrète dans la ville que seulement peu de personnes à l'extérieur de l'industrie alimentaire connaissent vraiment bien. Quand la créativité est devenue une expression à la mode, la Ville de Copenhague s’est rendue compte que ces constructions fonctionnelles des années 1930 pourraient être intéressantes à d’autres gens d'autres que les bouchers qui ont eu l'habitude de travailler là.
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20- Malmö : Bo01 Type de projet : requalification Maîtrise d’ouvrage : Mairie de Malmö Phasage : déclin des chantiers navals dans les années 1990 1995 : ouverture du pont de l’Øresund reliant Copenhague à Malmö 1996 : naissance du projet de planification urbaine vision 2000 et naissance du projet Bo01 Destination principale : Logements
Description : Le projet Bo01 nait de la planification urbaine vision 2000. Son rôle est de relancer l’activité du port laissée à l’abandon en profitant d’une situation géographique attractive. En effet, ce quartier est situé en front de mer, bordé par des parcs les plus attrayants de Malmö, de la gare centrale et à proximité du centre. La zone de Bo01 s’étend sur 9 ha et est constituée de 600 logements pour 1000 habitants. Le port ouest s’étend sur 140 ha et accueillera environ 30 000 résidents d’ici 20 ans. Pour l’instant, 4000 personnes y vivent. Comme il s’agit d’une friche portuaire, il a fallut construire tout en conservant le front de mer. L’opération s’est construite avec un désir de rendre cet écoquartier comme un exemple mondial, le projet s’est donc forcé à utiliser une technologie de pointe en termes de bâtiment HQE : voici les différents efforts visibles : - Energie : 1,400 m² de panneaux solaires, placés sur dix bâtiments, viennent compléter la chaleur produite par la pompe à chaleur. Une grande centrale éolienne (2MW) située à Norra Hamnen (le port du nord) et 120m² de cellules solaires produisent l’électricité pour les bâtiments, la pompe à chaleur, les ventilateurs et autres pompes du quartier. Une grande partie du concept tient dans la faible utilisation d’énergie dans les bâtiments. Chaque bâtiment est équipé d’un compteur affichant les consommations d’électricité. - Transport : la priorité est donnée aux cyclistes et aux piétons. Les arrêts de bus sont situés au maximum à 300 mètres des habitations.Les places de parking sont limitées à 0,7 places par logement. Des voitures électriques sont mises à la disposition des résidents. - Biodiversité : la mise en place d’un système de management des eaux de pluie ont résulté en une très grande biodiversité, particulièrement en comparaison aux zones urbaines ayant la même densité de population. Les eaux grises sont traitées dans le poste de purification de la ville. - Déchets : transformation des déchets organiques en biogaz, utilisé pour chauffer les habitations et comme carburant pour les véhicules.
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21- Paris Rive Gauche Type de projet : requalification http://www.parisrivegauche.com/ Maîtrise d’ouvrage : SEMAPA Phasage : 1982 : lancement du projet pour la candidature de Paris aux JO 1988 : début des études 1993 : validation du PAZ 1995 : inauguration de la BNF, début des travaux sur l’avenue de France 1998 : ouverture de la ligne 14 2000 : installation des premières entreprises, poursuite des consultations d’urbanisme 2006 : livraison de la passerelle Simone de Beauvoir, 1ère rentrée universitaire à Paris 7 2009 : ouverture au public de Dock en Seine, début des travaux de couverture des voies ferrées à Austerlitz Sud
Destination principale : Logements, bureaux et équipements
Description : Sur 130 ha de terrains appartenant majoritairement à la SNCF à l’origine, l’opération Paris Rive Gauche a débuté dans les années 80. Dans le 13e arrondissement de Paris, en bord de Seine, ce quartier s’est développé sur une dalle en face de la ZAC de Bercy. Il vise principalement à rééquilibrer la distribution des emplois dans la région parisienne avec la création d’un pôle d’emploi majeur (70% de la ZAC) avec 700 000 m2 de bureaux, 5000 logements et 98 000 m2 d’espaces verts. Plusieurs grands bâtiments ont été conservés dans la zone, témoins de l’activité passée : grands moulins, halle aux farines, entrepôts frigorifiques, entourés d’un patrimoine fort : l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, la gare d’Austerlitz. Le territoire est ainsi profondément marqué par les usages passés, avec par exemple des dimensions d’îlots (300400m) basées sur la longueur des trains stockés dans la zone. La concertation est très délicate sur ce territoire faiblement habité à l’origine. En effet, l’importante part de bureaux a très vite été critiquée par l’association TAM TAM (Tolbiac Austerlitz Masséna) qui préemptait la parole locale pour contredire le projet quoi qu’il propose. Cette stratégie du « recours à tout prix » a largement entravé la concertation, mais les réunions de quartier avec les « vrais » habitants comme à Austerlitz ont abouti à un meilleur projet. De même, les associations de corps de métier ont pu contribuer à préserver leur patrimoine.
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22- Parc de Flandres Type de projet : requalification http://www.icade.fr/icade-tertiaire,code-projetemgp_parc_pont_de_flandre.html
Maîtrise d’ouvrage : ICADE Financement : rénovation par ICADE qui loue ensuite à des entreprises privées. Destination principale : Bureaux et locaux d’activité
Description : Les entrepôts du Parc Pont de Flandres ont été construits sous Napoléons par les frères Perreire et ne formaient à l’époque qu’une seule parcelle. Les magasins généraux servaient au stockage de toutes les denrées destinées à alimenter Paris et étaient desservis par voie d’eau grâce à la darce permettant l’accès des péniches. Aujourd’hui, ils accueillent 70 000 m2 de bureaux sur une unité urbaine indépendante de 5 ha. L’identité architecturale très forte de ce type de bâti est un enjeu majeur pour la requalification en immeubles de bureaux. Les matériaux, les structures et les volumes ne sont pas adaptés à ce type d’usage. En effet, les façades ne sont pas porteuses mais fixées par des rivets métalliques à la structure bois. Ainsi, les travaux de rénovation présentent un enjeu technique et financier important qui induit une valeur locative forte mais propose des locaux uniques en bordure de Paris, bientôt desservis par le RER E. Ce patrimoine n’étant pas protégé, seule la volonté d’ICADE a permis de conserver une grande partie du patrimoine architectural des entrepôts, tout en proposant des bâtiments basse consommation (BBC) répondant aux normes de sécurité.
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Annexe 2 : La gouvernance au Danemark Rappel historique Le Danemark prend naissance avec son unification vers 980 sous le règne d’Harald « à la dent bleue ». L’histoire du Danemark est marquée par de nombreux conflits l’opposant à la Suède. Suite à une guerre désastreuse avec cette dernière, une insurrection populaire danoise contre les nobles donne au roi un pouvoir absolu. A cette époque on passe d’une monarchie élective dominée par la noblesse à une monarchie héréditaire au pouvoir absolu selon la « Loi Royale » de 1665. Suite aux révolutions européennes de 1848, le Danemark devient une monarchie constitutionnelle en 1849.
Pouvoir exécutif Le Danemark est officiellement représenté par le monarque (depuis 1972, la reine Margrethe II de Danemark). Le pouvoir exécutif est entre les mains des ministres du cabinet. Le premier ministre est appelé ministre d’Etat. Au niveau territorial, le Danemark a connu une réforme majeure. Depuis les 1 er janvier 2007, les 13 amter sont remplacés par 5 régions et les 270 communes sont regroupées en 98 structures qui regroupent environ 55 000 habitants chacune. Ces dernières reprennent globalement les responsabilités des anciens amter. Avant 2007, 3 communes métropolitaines dont Copenhague avaient un statut équivalent aux amter. Le Danemark compte deux régions autonomes : le Groenland et les îles Féroé.
Pouvoir législatif Le pouvoir législatif est assuré par le parlement, Folketing en danois. Il est composé de 179 membres, dont 4 sont pour les territoires danois autonomes. Les élections ont lieu tous les 4 ans mais le ministre d’Etat peut appeler aux urnes avant cette date. Pour être représentés au Folketing, les partis doivent obtenir au moins 2% des voix.
En matière d’urbanisme La dernière réforme de janvier 2007 illustre la volonté d’aménager le territoire à un échelon local. Les régions n’ont pas de compétences d’action sur ce domaine. Elles peuvent néanmoins conseiller les 98 structures. La loi danoise, à la différence de la loi française SRU, n’impose pas la construction de logements à caractère social Au Danemark, depuis 1986, la loi impose aux habitants de participer aux projets de rénovation
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Annexe 3 : La gouvernance aux Pays-Bas Rappel historique Après avoir obtenu son indépendance vis-à-vis de l’Espagne en 1580 (officiellement reconnue en 1648 par les traités de Westphalie), les Pays-Bas sont devenus une république entre 1581 et 1806. Brièvement occupée par la France sous Napoléon entre 1806 et 1815, le pays est devenu une monarchie constitutionnelle en 1815. La Loi fondamentale du royaume des Pays-Bas, constitution néerlandaise, a été adoptée en 1815 et est toujours en vigueur actuellement.
Pouvoir exécutif Les Pays-Bas sont officiellement représentés par le monarque (actuellement et depuis 1980 la reine Beatrix). Le monarque nomme en théorie les membres du gouvernement mais dans la pratique, il ne fait qu’entériner les résultats des élections législatives. Lorsqu’un gouvernement tombe, le premier ministre doit présenter sa démission au souverain. Le gouvernement est l’organe exécutif principal des Pays-Bas. Il est composé du monarque et du conseil des ministres. Il doit rendre des comptes auprès du parlement. Si la capitale politique et économique du pays est Amsterdam, le siège du gouvernement est à La Haye. Au niveau territorial, les Pays-Bas sont composés de 12 provinces (équivalent aux départements en France), plus deux territoires insulaires dans les Antilles. Chaque province est gouvernée par un commissaire de la Reine nommé par le souverain et par un corps législatif (les États provinciaux) élu par le peuple. Les gouvernements provinciaux n’ont pas un pouvoir très étendu : ils assurent essentiellement la liaison administrative entre le pouvoir central et les communes. L’essentiel des pouvoirs juridique, politique et financier est exercé par le gouvernement central. Les communes sont dirigées par un bourgmestre nommé par le souverain et par un conseil élu par le peuple.
Pouvoir législatif Les États généraux du Royaume des Pays-Bas (Staten-Generaal) sont le parlement. Ils sont composés des deux chambres : La Première Chambre (Eerste Kamer der Staten-Generaal = Sénat). Elle comprend 75 membres élus au suffrage universel indirect par les 12 provinces du royaume pour un mandat de 4 ans. La Deuxième Chambre (Tweede Kamer der Staten-Generaal = Assemblée Nationale). Elle comprend 150 membres élus au suffrage universel direct, au scrutin proportionnel.
En matière d’urbanisme La loi d’aménagement du territoire (Wet op de Ruimtelijke Ordening «WRO») de 1965, révisée en 1985, est considérée comme le texte essentiel du droit de l’aménagement du territoire néerlandais. Deux éléments caractérisent la loi d’aménagement du territoire : une organisation fortement
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décentralisée d’une part et le fait que le plan d’urbanisme soit le seul instrument ayant un effet contraignant sur les citoyens d’autre part. La commune a compétence pour établir le plan d’urbanisme et délivrer les permis de construire. Elle seule peut établir des règles contraignantes pour les citoyens en édictant des normes concernant l’utilisation de l’espace dans le plan d’urbanisme. Les autorités supérieures (L’Etat et la province) ne peuvent édicter de plans normatifs : le plan national d’aménagement du territoire (pkb) et le plan d’aménagement du territoire élaboré par la province (streekplan) sont purement indicatifs. Le plan d’urbanisme a trois fonctions : Une fonction de planification. Il sert en effet de cadre d’action pour les aménagements réalisés sur un territoire donné. Une fonction de programmation pour les initiatives développées par la commune pour l’aménagement du territoire. Une fonction de réglementation. Il définit les règles d’occupation des sols s’imposant aux autorités administratives et aux citoyens. La procédure d’élaboration du plan d’urbanisme permet à tout administré de présenter des observations à trois moments : avant l’adoption du plan par le conseil municipal, avant la décision d’approbation du plan par la province et enfin en appel auprès du département de la juridiction administrative du Conseil d’État (plus haute instance juridictionnelle administrative). Pour la planification des projets à Amsterdam, la ville possède deux outils principaux. Le premier outil est le Structuurplan, une sorte de schéma directeur établi généralement à l'échelle de la province, et à l'échelle de la ville dans le cas d'Amsterdam. C'est un document qui indique comment la ville doit se développer dans les quinze à vingt prochaines années, dans les grandes lignes. Il existe une certaine flexibilité : si les conditions viennent à changer, les mesures contenues dans ce plan peuvent être reconsidérées. Le second outil est le Bestemmingsplan. Etabli à une échelle plus locale, celle du district, il décrit de façon plus détaillée l'attribution des fonctions aux différentes parcelles : résidentiel, bureaux, etc. Il doit bien sûr respecter le Structuurplan. Il est établi par le Conseil de District, avec consultation des habitants, prise en compte de leurs désaccords et mesures de publicité obligatoires.
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Annexe 4 : la gouvernance au Maroc Rappel historique La fondation du Maroc se fait avec les Idrissides qui allièrent à leur cause diverses tribus araboberbéro-afro-musulmanes afin de contrôler des petits royaumes ou territoires indépendants de tout pouvoir central. Au fur et à mesure des alliances, les Idrissides étendent leur influence territoriale avec des populations autochtones et lancent les bases de l'organisation d'un état constitué (Makhzen) reprises par les dynasties suivantes. Les Idrissides ont dessiné les bases de l'état et des frontières de l'actuel Maroc et les Almoravides ont donné au pays son nom (le nom Maroc est due à déformation linguistique française de Marrakech) et ont créé la capitale Marrakech. Des désaccords apparus au début du 20e siècle suite à des problèmes de gestion du pays, créèrent une période d'instabilité dont profitèrent plusieurs puissances coloniales (Allemagne, Angleterre, Espagne, France) afin d’essayer de s'emparer du pays qui possède entre autres une position géostratégique intéressante, à la veille de la première guerre mondiale. Après bien des tractations houleuses et secrètes qui faillirent déclencher dès 1912 la première guerre mondiale, le Maroc fut partagé entre la France et l'Espagne. Et en 1955, le Maroc retrouva son indépendance.
Pouvoir exécutif Le Maroc a été décrétée monarchie constitutionnelle par Hassan II en 1962. Elle a été modifiée et enrichie à 4 reprises en 1970, 1972, 1992 et 1996. L’essentiel du pouvoir est concentré entre les mains du roi, monarque héréditaire, qui nomme le premier ministre en tenant compte de la majorité du parlement. Actuellement, le pouvoir exécutif est exercé par le gouvernement.
Pouvoir législatif Le pouvoir législatif est exercé par la chambre des représentants composée de 325 membres élus tous les cinq ans au suffrage universel, et la chambre des conseillers qui comprend 270 membres renouvelés par tiers tous les trois ans.
Echelle de gouvernance ·
·
Niveau central o L’Etat o Ministères Niveau régional o Le Wali. C’est l’équivalent du préfet. Il y en a un dans chaque région o Le gouverneur o Les services extérieurs qui représentent le ministère au niveau régional
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L’Agence Urbaine de Casablanca est un service de l’Etat. Elle est dirigée par un gouverneur directeur général et dépend du ministère de l’intérieur. o Inspection régionale de l’urbanisme o Direction régionale de l’équipement (DRE) qui s’occupe de la dimension urbaine du Grand Casablanca Niveau local o Commune (acteur principal au niveau local) o Préfecture o Région o
·
En matière d’urbanisme Casablanca est doté d’un SDAU depuis 1984, et un PDU a été réalisé en parallèle. Deux documents de planification viennent d’être créés : · ·
Un plan de développement stratégique Un SD (document réglementaire). Il comporte un volet de mis en œuvre comportant les actions à moyens terme et à long terme. Le SD est un document de planification stratégique en termes d’économie, d’environnement et de social pour l’horizon 2030. Il va permettre d’organiser l’espace de Casablanca.
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Annexe 5 : La gouvernance en France Cette annexe a été réalisée par Charlotte Calas, élève en 3ème année à l’EIVP.
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RENOUVELLEMENT URBAIN : ECHELLES DE GOUVERNANCE EN FRANCE ET A PARIS En termes d’aménagement du territoire et de renouvellement urbain, la notion de « gouvernance urbaine » est utilisée depuis plusieurs années pour traduire les transformations de l’action publique en France. Selon MARCOU Gérard, RANGEON François et THIEBAULT Jean-Louis, la gouvernance se définit comme « les nouvelles formes interactives de gouvernement dans lesquelles les acteurs privés, les différentes organisations publiques, les groupes ou communautés de citoyens, ou d’autres types d’acteurs, prennent part à la formulation de la politique » (Les relations contractuelles entre collectivités publiques). La question de la gouvernance est donc d’autant plus complexe qu’elle combine une multiplicité d’acteurs privés et publics intervenant sur des domaines différents : économique, social, culturel… et à des échelles et des influences différentes : place, ville, agglomération, communauté urbaine… Il s’agit donc d’un partenariat incluant la participation des citoyens.
I – Echelles de gouvernance 1.1 – Les transformations de la gouvernance urbaine en France D’après Vincent Bréal, allocataire-moniteur à la Faculté de droit et de science politique de SaintEtienne, le gouvernement d’une ville peut être représenté comme un processus résultant de relations entre 4 pôles : - la politique (les élus locaux et leurs équipes) ; l’administration (les services municipaux, intercommunaux, les structures para-municipales) ; - la société urbaine (l’ensemble des groupes sociaux qui constituent la ville) ; - l’État.
a. Le centralisme Dans les années 50, du fait d’un héritage historique très fort, la France est un Etat très centralisé, qui est l’acteur central des politiques urbaines. Plus de 36 500 communes sont alors sous la tutelle forte de l’Etat. Le développement local n’est pas une notion à l’ordre du jour : les acteurs locaux essaient plutôt de défendre les intérêts de leur commune face aux directives de l’Etat.
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Territoires National
Etat Ministères
Départemental Communal
Préfets et directions Maire
Elus Assemblée Nationale, Sénat Conseils généraux Conseils municipaux
Société civile Conseil Economique et Social (CES), fédérations Fédérations départementales Sections, associations…
Représentation simplifiée de l’organisation de la France dans les années 50
Cependant, de nouvelles problématiques se posent à l’issue de la seconde guerre mondiale, en vue de la nécessaire reconstruction de la France. Faut-il privilégier une planification verticale ou les initiatives doivent elles partir des communes ? Une amorce de déconcentration apparaît donc dans les années 60. Plusieurs mesures sont prises : -
le rôle du préfet de département est élargi à la coordination des différents services de son territoire, même si ces derniers restent fortement liés à leur administration centrale ;
-
en 1963, la création de la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR) ;
-
en 1964, la création du préfet de région (21 en France), dont l’une des missions est le « développement économique et l’aménagement du territoire » ;
-
en 1966, la création du Ministère de l’Equipement, correspondant à la fusion des travaux publics, du transport et de la construction. Au niveau des services territoriaux, on assiste à la création des Directions Départementales de l’Equipement (DDE) et des Groupes d’Etude et de Programmation (GEP) ;
-
en 1966, la création des communautés urbaines ;
-
en 1967 : la loi LOF (Loi d’Orientation Foncière). Cette loi institue les premiers Schémas Directeurs d’Aménagement et d’Urbanisme, qui fixent les orientations générales d’utilisation des espaces, les cadres de référence pour l’Etat, les services publics, les collectivités. Chaque schéma couvre un espace autour d’une zone urbaine. La traduction au niveau local des Schémas Directeurs Régionaux se fait par les Plans d’Occupation des Sols. L’élaboration des plans locaux d’urbanisme se fait de manière conjointe entre les communes et l’Etat, même si ce dernier garde une influence forte sur les choix à prendre.
Territoires National
Etat Ministères
Régional Départemental Communal
Préfet de Région Préfets et directions Maire
Elus Assemblée Nationale, Sénat Conseils régionaux Conseils généraux Conseils municipaux
Société civile Conseil Economique et Social (CES), fédérations CESR et fédérations régionales Fédérations départementales Sections, associations…
Représentation simplifiée de l’organisation de la France à la fin des années 60
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b. 1982 : la décentralisation L’organisation institutionnelle de la France est complètement modifiée entre 1981 et 1983, avec les premières lois de décentralisation. Les changements apportés sont les suivants : -
la libre administration des collectivités avec la suppression de la tutelle de l’Etat, la création du contrôle de légalité des actes et la séparation de l’exécutif départemental/Etat ;
-
les Régions deviennent des collectivités territoriales de plein exercice avec une compétence d’aménagement du territoire ;
-
un transfert des compétences et des moyens : o au niveau communal : les communes obtiennent la maîtrise totale de l’élaboration de leurs Plans d’Occupation des Sols, peuvent délivrer les permis de construire et réaliser les plans d’aménagement ; o au niveau départemental : l’action sociale et plusieurs routes départementales. la mise en place du « contrat de plan Etat – Région », qui est un contrat pluriannuel d’aménagement et d’équipement entre l’Etat et les Régions.
-
L’ensemble de ces mesures aboutissent à une hiérarchisation des niveaux de décision en France : -
national : intérêt général, grands équilibres et égalité des citoyens, régional : intérêts et équilibres propres à la région, local : porte les aspirations et attentes des habitants, et plus globalement des acteurs locaux (élus, entreprises, associations)
c. 1992 : l’intercommunalité Le constat est rapidement fait que le niveau communal est peu adapté aux enjeux de développement local. En effet, les solidarités et les enjeux de développement nécessitent des espaces plus vastes que les territoires communaux. Cette réflexion conduira aux réformes des années 1990 : le développement de la coopération intercommunale. Même si la notion de coopération communale existe depuis 1890, sur des sujets très techniques et ponctuels comme l’assainissement, la gestion des déchets… la loi ATR (Administration Territoriale de la République) de 1992 ont fait de l’intercommunalité le moteur et l’axe principal du développement local. Cette loi sur l’intercommunalité offre deux avantages, qui lui ont permis un succès rapide : -
les communes peuvent décider librement de leur adhésion à une intercommunalité et peuvent fixer librement son périmètre géographique, ainsi que les compétences qu’elles veulent mettre en commun ;
-
la collectivité dispose alors d’une autonomie financière, c’est-à-dire le droit de fixer librement son budget, le montant de l’impôt à prélever et la capacité à le prélever directement.
A l’issue de cette loi de 1992, les communautés de communes et les communautés de villes sont créées. Cependant, le 2ème type de communauté sera supprimé en 1999.
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Le processus de décentralisation continue en 1995 avec la Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire (loi Pasqua). Son but est de coordonner les politiques locales sur le plan national et local. Avec cette loi apparaît la création des « Pays », qui n’est pas un échelon supplémentaire dans l’intercommunalité, mais correspond à l’association de plusieurs communes ayant une cohésion géographique, économique, culturelle ou sociale autour d’un projet d’aménagement. En 1999, la loi Voynet, ou loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire redéfinit la notion de Pays. Elle permet de mieux coordonner les initiatives locales, de garantir et d’optimiser le fonctionnement des services publics et de promouvoir un développement durable. Cette loi permet la création des conseils de développement. Quelques principes de l’intercommunalité sont encore modifiés en 1999 avec la loi Chevènement, relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale. En particulier, cette loi permet de définir les compétences obligatoires et facultatives pouvant être associées entre les communes. Elle permet également de développer la solidarité financière via la taxe professionnelle (TPU). Suite à cette loi, l’organisation de l’intercommunalité présentée dans le tableau suivant. Forme d’intercommunalité Communauté d’agglomération
Seuil et Compétences conditions obligatoires Zones urbaines - développement d’au moins économique d’intérêt 50 000 habitants communautaire - aménagement de l’espace communautaire - habitat et logement social - politique de la ville
Communauté urbaine
Agglomérations d’au moins 500 000 habitants
Communauté communes
- développement et aménagement économique, social et culturel - aménagement de l’espace - habitat et logement social - politique de la ville - gestion des services d’intérêt collectif - protection et mise en valeur de l’environnement du cadre de vie de Regroupement - développement de 2 ou 3 économique communes, sans - aménagement de l’espace objectif minimal de population à atteindre
Compétences facultatives - création ou aménagement et entretien de voirie d’intérêt communautaire - création ou aménagement et gestion de parcs de stationnement d’intérêt communautaire - assainissement et eau - lutte contre la pollution de l’air, contre les nuisances sonores, élimination et valorisation des déchets des ménages et assimilés, ou une partie de cette compétence - construction, aménagement, entretien et gestion d’équipements culturels et sportifs
- politique du logement et du cadre de vie - création, aménagement et entretien de la voirie - construction, entretien et fonctionnement des équipements culturels et sportifs d’intérêt communautaire - équipements scolaires publics élémentaires et préélémentaires 4
En 2000, les lois relatives à l’aménagement du territoire laissent place au renouvellement urbain, avec la loi SRU du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Cette loi place l’agglomération au cœur des politiques d’aménagement, de développement durable et d’urbanisme. De nouveaux documents d’urbanisme sont créés, comme le Schéma de COhérence Territoriale (SCOT) et le Plan Local d’Urbanisme (PLU). Cette loi achève l’édifice de la décentralisation en permettant à la communauté de commune de se ressaisir de son territoire. Territoires National
Etat Ministères
Régional Préfet de Région Départemental Préfets et directions Pays Intercommunalité Communal
Maire
Elus Assemblée Nationale, Sénat Conseils régionaux Conseils généraux GIP, syndicat Conseil communal, conseil d’agglomération Conseils municipaux
Société civile Conseil Economique et Social (CES), fédérations CESR et fédérations régionales Fédérations départementales Conseil de développement CD Sections, associations…
Représentation simplifiée de l’organisation de la France avec l’intercommunalité Les compétences transférées sont les suivantes : Région Département Pays Intercommunalité Communes
Formation, économie, développement, environnement culturel… Action sociale, équipement, jeunesse, culture Territoire de projet Compétences obligatoires et facultatives Compétences larges mais les moyens sont limités
d. 2002 : la décentralisation, acte II L’année 2002 représente un nouvel élan dans le processus de décentralisation entamé en France, avec le débat national, la réforme de la constitution et le transfert de compétence (sous Raffarin et Sarkozy). Suite à cette période, l’organisation des échelles de gouvernance françaises, des compétences et des responsabilités est la suivante (pour chaque thématique).
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1.2 – Cas de l’Ile-de-France L’Ile-de-France a connu une évolution très particulière et l’influence de l’Etat sur ce territoire a perduré très longtemps. Ce n’est qu’à partir des années 60 que de nouveaux principes de gouvernance, de planification urbaine et de redistribution des richesses fiscales sont instaurées. En 1961, on assiste à la création du district de la région parisienne, ancêtre de la Région Ile-de-France, qui couvre 3 départements : la Seine, la Seine-et-Oise et la Seine-et-Marne. Les missions de ce district sont associées au projet de villes nouvelles, au SDAURP (Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris), au réseau express régional et autoroutier lancé au début des années 60. Le district a pour but principal de mieux intégrer la grande banlieue en cofinançant ses politiques publiques. La loi du 10 juillet 1964 met un terme à l’expérience du département de la Seine et crée 7 nouveaux départements franciliens : c’est la coupure entre Paris et sa banlieue. En 1968, le pouvoir local est désormais divisé en 4 niveaux : municipal, intercommunal, polydépartemental et régional. La loi du 6 mai 1976 fiat du district une région à part entière et l’autorité de l’exécutif régional est même renforcé par l’élection des conseillers régionaux au suffrage universel direct, à partir de 1986. Ce mouvement de décentralisation est suivi de nouvelles inflexions fonctionnelles et institutionnelles qui pèsent sur le morcellement de la gouvernance métropolitaine. Les intercommunalités urbaines historiques du gaz, des eaux, des pompes funèbres et de l’électricité reprennent leur autonomie de gestion au tournant des années 1980-1990, tandis que la nouvelle génération d’intercommunalité des années 1990-2000 accentue plus encore le chevauchement des instances locales. Durant cette période de morcellement du pouvoir local et d’affaissement de l’autorité régalienne, l’économie francilienne voit son centre de gravité glisser vers l’Ouest. Les ressources fiscales s’y sont polarisées au détriment des zones périphériques et des cités dortoirs, résidentielles ou populaires. La tertiarisation et l’industrialisation à haute valeur ajoutée de l’économie locale ont modifié en profondeur le tissu social des communes de tradition ouvrière aux populations fragilisées. Dès le tournant des années 1970, au moment où se réalisent les villes nouvelles et où les communes populaires de l’ancien département de la Seine subissent de plein fouet la désindustrialisation et la montée du chômage, le pouvoir d’agglomération, morcelé en plusieurs départements, ne dispose plus d’assemblée délibérative et de bureau exécutif en mesure d’établir et de financer de nouvelles péréquations fiscales. C’est durant cette période charnière que l’image du « millefeuille » administratif entre dans le vocabulaire et tend à qualifier l’entrecroisement des institutions locales, la dilution des prises de décisions et l’absence de gouvernance métropolitaine. Au tournant des années 2000, l’histoire semble s’être accélérée. Trois événements consécutifs sont en voie de formaliser une nouvelle instance de collaboration Paris Banlieues. La création en 2001 d’une délégation municipale de la ville de Paris en charge de la coopération avec les collectivités territoriales d’Île-de-France, confié au conseiller de Paris communiste, Pierre Mansat, est suivie par la réunion d’une conférence métropolitaine tenue pour la première fois en juillet 2006 à Vanves autour des élus locaux de l’agglomération parisienne et par l’annonce à l’occasion des Assises de la métropole, en juin 2008, du lancement du Syndicat mixte d’étude Paris Métropole. Cet organe embryonnaire ne se présente pas comme l’incarnation d’un nouveau pouvoir d’agglomération. Il n’affiche pas la volonté de simplifier ou d’absorber certaines couches du « mille feuille administratif ». Le pragmatisme prévaut. Pour l’heure, l’enjeu du Syndicat Paris Métropole est d’identifier et d’élaborer des politiques publiques mutualisées, de grands projets et des évènements métropolitains fédérateurs portés par l’agglomération. À la différence des années 1960, l’initiative est désormais municipale. Bien que l’histoire ne se répète pas, les collectivités locales parisienne et banlieusardes retissent ce que l’État et son bras armée, le district, avait souhaité défaire en 1964 : l’instance délibérative de l’ancien Grand Paris. L’ambition affichée du syndicat est le décloisonnement et l’articulation des différentes institutions locales. Un exercice délicat de diplomatie et de compromis qui, s’il réussit, dessinera peut-être les contours d’une gouvernance métropolitaine apaisée. 7
Aujourd’hui, l’Île-de-France comporte cinq niveaux de gouvernance : -
l’État ; la région (qui correspond approximativement au bassin d’habitat sans détenir la compétence logement) ; huit départements (dont deux délégataires des aides à la pierre) ; 105 EPCI (29 communautés d’agglomération, 72 communautés de communes et quatre syndicats d’agglomération) ; 1 300 communes.
Intercommunalité en Région Ile-de-France en 2009
Compétence
Nom du syndicat
Assainissement
SIAAP (Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne)
Déchets
SYCTOM (Syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères de l’agglomération parisienne)
Eau potable
SEDIF (Syndicat des eaux d’Ile-deFrance)
Gaz et électricité
SIGEIF (Syndicat intercommunal pour le gaz et l’électricité en Ile-de-France)
Territoire concerné Hauts-de-Seine, Seine Saint-Denis, Valde-Marne, Paris + 180 communes de la 2ème couronne d’Ile-de-France ð 8 millions d’habitants 85 communes entre Paris, les Hauts-deSeine, les Yvelines, Seine Saint-Denis, Val-de-Marne ð 5,3 millions d’habitants 144 communes de la région parisienne (7 départements hors Paris) ð 4 millions de consommateurs 176 communes pour le gaz sur les Hauts-de-Seine, la Seine Saint-Denis, le Val-de-Marne, la Seine et Marne, 8
l’Essonne, le Val d’Oise et les Yvelines (4,9 millions d’habitants) 55 communes pour l’électricité (1,2 millions d’habitants) Télécommunication SIPPEREC (Syndicat intercommunal de 78 communes sur les départements de la périphérie de Paris pour l’électricité la 1ère couronne, Versailles et Paris (bois de Boulogne et Vincennes) et les réseaux de communication) ð 3 millions d’habitants Transport STIF (Syndicat des transports d’Ile-de- Région Ile-de-France France) Assistance AP – HP (Assistance publique – publique Hôpitaux de Paris) Les EPCI – consécutivement aux évolutions législatives récentes – sont devenus les chefs de file des politiques locales de l’habitat qui élaborent et mettent en œuvre les programmes locaux de l’habitat (PLH). Les compétences d’urbanisme et d’habitat sont toutefois éclatées, avec cinq types de documents de planification : -
le schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) ; les plans départementaux de l’habitat (PDH) ; les SCOT ; les programmes locaux de l’habitat (PLH) ; les plans locaux d’urbanisme (PLU).
En outre, les collectivités publiques et les financeurs du logement social développent parfois leurs propres stratégies locales avec parfois des orientations divergentes. Les dispositifs publics – nombreux – pour l’aménagement, le développement économique, la politique de la ville, se chevauchent, sur des territoires caractérisés de surcroît par de fortes disparités. L’enchevêtrement des périmètres de la politique de la ville est à ce titre manifeste. Ainsi, les contours des communautés d’agglomération récemment constituées dans le nord de l’Essonne ne coïncident pas exactement avec ceux des contrats de ville, des contrats locaux de sécurité, des PLH, des PLIE, des GPV, majoritairement intercommunaux, et des bassins d’habitat délimités par les DDE. La commune reste le détenteur principal du pouvoir urbain. Depuis la décentralisation, le pouvoir d’attribution du permis de construire échoit en effet aux maires, sans que les communes disposent toujours des moyens d’une maîtrise du foncier ou de la maîtrise d’ouvrage des opérations d’urbanisme.
1.3 – Cas du Grand Lyon Le Grand Lyon est une intercommunalité au statut d'Établissement public de coopération intercommunale (EPIC) et n'est pas une collectivité territoriale. Sa légitimité démocratique est donc quelque peu limitée par le mode de désignation de son assemblée (voir le tableau ci-dessous) alors qu'elle exerce de plus en plus de compétences stratégiques, qu'elle lève les impôts nécessaires à cet effet et qu'elle donc devenue essentielle au pilotage de l'agglomération.
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Commune Urbanisme
Communauté urbaine (Grand Lyon) x
Transport
x (Sytral)
Habitat
x
Développement économique Mesures sociales Culture
x
Loisirs et sports Gestion de l’eau Qualité de l’air Déchets Voirie Police
x x
x
x x : biennales (danse, art contemporain) + journées du patrimoine + Fête des lumières… x x x (Coparly) x x x
Autre Agence d’urbanisme, Sepal, Inter-SCOT Département + Région (ferroviaire) Etat (financement du logement social) Aderly Département + Etat
Etat
Département + Etat Etat (police nationale + gendarmerie) Urgences, sécurité x (Spiral) Etat + Département (incendie) Actions internationales x x Aderly Aderly : Agence pour le développement économique de la région lyonnaise Coparly : Contrôle de la pollution atmosphérique dans la région lyonnaise Sepal : Syndicat mixte d’études et de programmation de l’agglomération lyonnaise Spiral : Sec. permanent pour la prévention des pollutions industrielles et des risques dans l’agglomération lyonnaise Sytral : Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise x (Polices municipales)
Compétences et niveaux de gouvernance En 1969, à sa création, la Communauté urbaine de Lyon était à la bonne échelle géographique et couvrait à peu près l’agglomération définie par l’Insee en 1968. Elle s’occupait uniquement de fonctions techniques (eau, assainissement, voirie, propreté). Quarante ans après, l’agglomération s’est dilatée et le Grand Lyon n’est plus à la bonne échelle alors que, au fil des lois de décentralisation et des lois sur l’urbanisme, il exerce des compétences beaucoup plus stratégiques qu’à l’origine : urbanisme et aménagement, développement économique, environnement, prospective, etc. Aujourd’hui, la Communauté urbaine du Grand Lyon souffre d’une échelle territoriale trop restreinte par rapport aux fonctionnalités urbaines et aux pratiques quotidiennes de ses habitants. Elle couvre 57 communes alors que l'aire urbaine prise en compte par les statisticiens de l'Insee en compte presque 300 ! Caractéristiques (nombre de communes, population, superficie,
Nature, objectifs
Commune de Lyon
- 47,9 km² - 472 000 habitants
Échelle institutionnelle, municipalité élue, 9 arrondissements
Communauté urbaine de
- 57 communes - 510 km²
Créée en 1969, c'est un Établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Ses compétences se 10
Lyon (Courly, Grand Lyon)
- 1 194 000 habitants
sont élargies au fil des années : définition de politiques, mise en œuvre de projets. Un processus d'adhésion en Les membres de son assemblées n'émanent pas du cours pour la commune de suffrage universel direct mais sont élus par les conseils municipaux des communes qui la composent. Lissieu (pour 2011 ?)
Schéma de cohérence territoriale (SCOT) de Lyon (Sepal [2])
- 72 communes - 730 km² - 1 250 000 habitants
Élaboré par les collectivités locales, le SCOT assure une cohérence des politiques territoriales sur les questions d'urbanisme, de logement et de déplacements
Inter-SCOT
L'Inter-SCOT regroupe 10 SCOT de l'aire métropolitaine lyonnaise - 795 communes - 10 050 km² - 2 745 000 habitants
Espace de coordination des documents de planification destiné à harmoniser les dix SCOT. Mutualisation de moyens d'étude.
Aire urbaine Insee
- 296 communes - 3 300 km² - 1 650 000 habitants
Périmètre statistique de l'Insee seulement.
La DTA de l'"Aire métropolitaine lyonnaise" Aire englobe Lyon et Saintmétropolitaine Étienne. lyonnaise : Elle correspond, dans périmètre de la l'ensemble, à l'aire Directive d'influence de la métropole territoriale lyonnaise. d'aménagement - 382 communes (DTA) [3] - 4 460 km² - 2 260 000 habitants
Élaborée sous la responsabilité de l'Etat, la DTA fixe des objectifs concernant, par exemple, les grandes infrastructures de transport, l'étalement urbain, les espaces naturels. La DTA s'impose aux SCOT et aux collectivités publiques. C'est, avec l'Inter-SCOT, un espace de coordination des instruments de planification.
Rassemble 12 collectivités de la grande métropole lyonnaise : Grand Lyon, région Rhône-Alpes, SaintÉtienne métropole, 4 départements (Ain, Isère, Région urbaine Loire, Rhône), de Lyon (RUL) communautés de la Porte de l'Isère (CAPI), du Pays Viennois, de Villefranchesur-Saône, du Grand Roanne et de Bourg-enBresse.
Association créée en 1989, la RUL, lieu de dialogue et de concertation politique pérenne, elle est surtout destinée à mener des réflexions stratégiques : définition des grands enjeux métropolitains, cadres de référence stratégiques, impulsion d'actions coordonnées. Elle a commencé à piloter certaines actions : parcours touristiques, billétique unique dans les transports en commun.
- 2 879 communes - 43 700 km² Région Rhône- 5 645 000 habitants Alpes
Échelle institutionnelle aux conseillers élus. Définition de politiques. Schéma régional d'aménagement du territoire. Mise en oeuvre de projets, notamment dans le domaine des infrastructures. Espace de dialogue pour le réseau des huit villes.
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II – Renouvellement urbain à Paris Il existe actuellement 2 projets de rénovation urbaine touchant Paris et l’Ile-de-France : le Grand Projet de Renouvellement Urbain et le Grand Paris.
2.1 – Le G.P.R.U (Grand Projet de Renouvellement Urbain) Le G.P.R.U est un projet débuté en 2001, qui concerne 11 quartiers parisiens, avec pour but d’y améliorer les conditions et le cadre de vie. Ce projet a été officiellement lancé en mars 2002, lors de la signature d’un avenant au Contrat de Ville de Paris entre la Ville de Paris et d’autres partenaires, comme l’Etat, la Région, la Caisse des Dépôts et l’ACSE. Le projet touche 7 arrondissements et concerne près de 200 000 habitants. Il concerne les thématiques suivantes : -
cadre de vie : actions sur l’habitat, création ou amélioration d’équipements, mise en valeur des espaces publics et des espaces verts, renforcement des transports publics, amélioration de la sécurité et de la propreté…
-
actions de proximité : développement des services destinés aux enfants, aux jeunes et aux personnes en difficulté, soutien aux initiatives associatives…
-
solidarité avec les communes voisines : montage de projets en commun, développement des échanges…
Le projet de renouvellement urbain de chaque quartier doit être élaboré avec la participation des habitants et des usagers concernés. Pour cela, les mairies d’arrondissement organisent des réunions de concertation. Les sites concernés sont :
Les Olympiades (XIII) Bédier - Porte d'Ivry - Boutroux (XIII) Plaisance - Porte de Vanves (XIV) Porte Pouchet (XVII) Porte Montmartre - Porte de Clignancourt et Secteur Porte des Poissonniers (XVIII) Secteur Paris Nord-Est (XVIII) Cité Michelet (XIX) Saint Blaise (XX) Porte de Montreuil - La Tour du Pin (XX) Porte de Vincennes (XII et XX) Porte des Lilas (XX) 12
Les acteurs participant à ce projet sont les suivants : -
La Mairie de Paris : elle est à l'initiative du « Grand Projet de Renouvellement Urbain », qu'elle finance en grande partie. Elle valide les projets et assure le pilotage général et la cohérence des actions sur les sites.
-
Les Mairies d'arrondissement : elles élaborent avec les services de la Ville le projet global pour chacun des 11 sites et veillent au bon déroulement de sa mise en œuvre. Elle gère l'information du public et organise la concertation.
-
Les partenaires : la Préfecture de Paris, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), la Région d'île de France, la Caisse des Dépôts et consignations, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé) apportent des financements et participent aux grandes orientations.
-
Les techniciens : des professionnels désignés par la Ville de Paris étudient et coordonnent le projet sur chaque site : o le Chef de Projet Urbain (Direction de l'Urbanisme de la Ville de Paris) est chargé des opérations concernant le cadre urbain (espace public, équipements, logement) ; o le Chef de Projet « Politique de la Ville » intervient dans le domaine social, le développement économique, l'éducation, l'emploi... Avec son équipe de Développement Local, il assure une mission de proximité et de dialogue avec les habitants et les associations... o des spécialistes externes : architectes, paysagistes, sociologues… qui apportent un appui au projet.
2.2 – Le Grand Paris Dans le cadre de la concurrence internationale des métropoles, le président de la République a appelé, le 26 juin 2007, à la création d’un Grand Paris. Depuis, de nombreuses questions se posent sur la gouvernance à associer à un tel projet et sur l’avenir institutionnel de l’Ile-de-France. Plusieurs rapports ont été publiés pour proposer des premiers éléments de solution. Par exemple, le rapport Balladur a opté pour un scénario proche de celui préconisé par le rapport du sénateur Dallier, à savoir la constitution d’une collectivité de nature supra-communale, issue de la fusion des 4 conseils généraux de la zone dense mais aussi de l’absorption des compétences intercommunales (syndicats techniques ou communautés) voire communales (Plans locaux d’urbanisme). Par-delà les enjeux politiques d’une telle option, cette dernière pose de véritables questions de gouvernance : -
elle interdit de fait aux maires du Grand Paris toute possibilité de coopération intercommunale ;
-
elle n’associe pas les maires au fonctionnement de l’autorité du Grand Paris tout en les dépossédant de compétences importantes (urbanisme, habitat, déchets, eau, transports…) ;
-
elle conduit à la constitution de deux collectivités « supra-locales » concurrentes (Grand Paris et région Ile-de-France) et à un conflit prévisible de leadership ;
-
elle propose un périmètre que nombre d’observateurs avisés considèrent comme trop vaste pour gérer des services de proximité mais trop étroit pour définir les grandes stratégies de l’agglomération physique (transports, développement économique, aménagement…) puisqu’elle exclut les grands 13
pôles structurants (Roissy, Orly, Saclay, Cergy…) du modèle polycentrique poursuivi depuis Paul Delouvrier. Les sénateurs présents au débat du 30 mars dernier ont fait part de leur préférence pour une vision multipolaire, « polycentrique », de l’organisation de l’agglomération parisienne tout en soulignant la nécessité de procéder à la rationalisation des périmètres des communautés actuelles et au renforcement de leurs compétences. Rejetant l’option d’un « Grand Paris » supra-communal privilégiée par le rapport Balladur, les présidents de communautés d’Ile-de-France ont mis en débat les scenarii alternatifs présentés par l’équipe technique de l’AdCF (Assemblée des Communautés de France). Les 5 propositions de gouvernance retenues pour l’instant sont les suivantes : -
la création d’un syndicat mixte ouvert sur le volontariat, qui s’occuperait principalement des questions d’urbanisme. Ce syndicat aurait vocation à mettre en synergie les différentes administrations
concernées par des politiques de grands travaux. Il pointe deux excès à éviter : l'impérium parisien et le « plus de région » ; -
le projet Paris Métropole, qui correspond à une assemblée formée des syndicats mixtes existants et de nouveaux syndicats intervenant dans des domaines stratégiques. Le périmètre du Grand Paris dépend alors des compétences que l’on souhaite prendre en compte ;
-
le renforcement des pouvoirs du Conseil Régional d’IdF, en lui donnant le leadership sur l’ensemble des questions de déplacements, de logement et de développement économique ;
-
une constitution en pétales, qui vise à développer, autour de Paris, 6 à 8 grandes intercommunalités très intégrées en matière d’urbanisme. Chacun de ces pétales serait porté par un pôle économique et
serait susceptible de réaliser une redistribution équitable au cœur de ces pétales. L'idée générale est la suivante : plutôt que d'allonger les fils de transports et de communication de Paris vers l'extérieur, pourquoi ne pas penser la polycentralité par des centralités périphériques. -
la fusion Paris – petite couronne : scénario révolutionnaire qui supprime les départements 92, 93 et 94, nomme un maire du Grand Paris.
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Sites Internet 1°) Historique sur la France : http://ipc.sabanciuniv.edu/eng/ArastirmaAlanlari/documents/Casagrande.pdf http://www.cdu.urbanisme.equipement.gouv.fr/IMG/pdf/frebault_cle535cd1.pdf http://carrefourlocal.senat.fr/dossiers/decentralisation_france_retrospective_historique/index.html http://www.mamrot.gouv.qc.ca/publications/obse_muni/decentralisation_france.pdf 2°) Cas de l’Ile-de-France : http://www.anru.fr/IMG/pdf/Rapport_CES_Pour_une_gouvernance_renovee_du_PNRU.pdf http://www.localtis.info/cs/BlobServer?blobcol=urldata&blobtable=MungoBlobs&blobkey=id&blobwher e=1250155149076&blobheader=application%2Fpdf http://www.mouvements.info/Gouverner-le-Grand-Paris-le-poids.html 3°) Cas du Grand Lyon http://geoconfluences.ens-lsh.fr/doc/territ/FranceMut/FranceMutDoc13.htm 4°) Le G.P.R.U : http://www.paris.fr/portail/Urbanisme/Portal.lut?page_id=161&document_type_id=5&document_id=612 &portlet_id=2469 5°) Le Grand Paris http://aitec.reseau-ipam.org/IMG/pdf/Actualites_SDRIF_et_GRAND_Paris_pour_Aitec_20avril.pdf
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