DE MON
L’HOTEL
ONCLE Ensa nantes - année 2017-2018 ESTHER BOULIGAND ET ELISA DANTON
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Rapport de présentation d’Esther Bouligand et d’Elisa Danton PFE soutenu à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes, Février 2018 Architecture en Représentation, dirigée par Laurent Lescop et Bruno Suner En partenariat avec ©Les Films de Mon Oncle 3
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MERCI avant tout à Martin Marquet et Juliette Deschamps pour leur confiance, leur suivi et la richesse de nos échanges, à nos professeurs, Laurent Lescop, Bruno Suner pour leur accompagnement et leur écoute, à Cyrille Breteau pour sa présence, son attention et ses encouragements, tout particulièrement à Emmanuelle Gangloff pour son soutien, son investissement ainsi que ses précieux conseils, à Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff pour avoir partagé leurs connaissances aiguës de l’œuvre et de l’homme qu’était Jacques Tati lors de leur visite à l’Ensa Nantes, à Nina Le Goff et Maxime Meury pour leur amitié, leur écoute, leur aide, pour leur présence jusque tard dans la nuit, à Camille Chevrier pour sa bonne humeur, son appui et sa foi en nous, à Gaëlle Hérault pour sa présence et son écoute et à Carole Martinod pour son soutien depuis Amsterdam, à Alexandre Houdet et Mathilde Dassonville pour leur inspiration, enfin à Clément Frapin et Adrien Mahaza.
I
Sur les pas de Jacques Tati
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Avant propos Introductions Trajet à travers l’intime Préambule
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TATI À PALM SPRINGS ?
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Le terriroire Mirage entre illusion et réalité II
III
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LE CORPS ET L’ESPACE, en décalage
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Le corps, en perpétuel retournement Les mouvements de l’espace
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ATMOSPHÈRE, esthétisme, ambiances et couleurs
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IIII EPILOGUE
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Promesse Expériences
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MÉDIAGRAPHIE
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ICONOGRAPHIE
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TABLE DES MATIÈRES
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SUR LES PAS DE JACQUES TATI
AVANT-PROPOS Alors que nos études d'architecture se finalisent, Tati est sur le point de réapparaître - renaître à l’Hôtel de Mon Oncle. Après six années passées à l'ensa Nantes et un détour en mobilité internationale à Bangkok en Thaïlande, ce projet de fin d'étude constitue la dernière étape d'un parcours intense. Ces années ont été riches d'expériences humaines, culturelles et professionnelles, faites de rencontres bouleversantes. Elles nous ont amenées à construire progressivement nos univers, à développer notre sensibilité et à nous affirmer au travers de nos choix. Ce rapport de présentation retrace l’histoire d’un projet écrit à quatre mains, ses allers-retours, détours qui ont fait l’Hôtel de Mon Oncle. Il dévoile l'envers du décor, les coulisses et étapes de conception de ce projet ambitieux pour lequel nous nous sommes engagées et investies avec enthousiasme et toute notre détermination. Ce semestre est un parcours nourri par de nombreuses inspirations. Celles qui ont le plus structuré notre projet sont rassemblées ici. Ce mémoire raconte comment nous avons imaginé Jacques Tati à Palm Springs, notre travail sur le corps et l’espace et enfin la construction d’une nouvelle atmosphère. NB : Les textes paraphés par les initiales [E.B.] ont été écrits par Esther Bouligand. Ceux paraphés par les initiales [E.D.] ont été écrits par Elisa Danton.
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ESTHER : « Jacques Tati est une figure cinématographique qui fait écho à mon enfance. Lorsque je découvre le nouveau défi proposé par l’option Architecture en représentation, je repense aux films Mon Oncle et Les vacances de Monsieur Hulot visionnés en famille, tous les six, collés sur le canapé. C’est aussi une journée à la mer pour aller voir la silhouette de Monsieur Hulot sur la plage de Saint Marc. Le sable était jonché de méduses. Avant de commencer le semestre, mes souvenirs étaient restés figés sur ce long corps en recherche d’équilibre, complices des enfants comme le petit Gérard et incompris des adultes notamment de Monsieur Arpel. Le début de l’année s’est partagé entre le visionnage des films et courts-métrages de Jacques Tati et la lecture des nombreux ouvrages lui étant consacrés afin de répondre le plus justement possible à la commande. Finalement, j’ai découvert Tati à travers son œuvre mais aussi à travers les voix de Stéphane Goudet, Jean Philippe Guerand, Yves Pedrono, Stéphane Pajot et de tous ceux que celui-ci interroge dans Les jours de fête de Jacques Tati. Ce livre recueille souvenirs d’acteurs, photos de tournages, interviews de figurants. On y retrouve les acteurs de Jour de fête et des Vacances de Monsieur Hulot, des années après le tournage, qui nous livrent des anecdotes pleines de nostalgie. Jacques Tati est lui aussi interrogé, ainsi que Pierdel. Je découvre ainsi à travers les yeux d’autres personnes, un personnage, un artiste que j’essaie de décrypter et de comprendre. L’option Archirep incite les étudiants à entrer dans le projet par la narration. L’histoire de l’hôtel est pour Elisa et moi indissociable de l’histoire de Palm Springs. Cette ville est très différente de notre environnement quotidien. Elle est entourée de tout un patrimoine cinématographique, de l’architecture moderne et dispose d’un univers vraiment particulier. Nous devons sans avoir visité cette ville physiquement, nous en imprégner pour pouvoir transmettre un projet qui s’intègre dans ce lieu si particulier tout en réinterprétant le patrimoine transmis par Jacques Tati. C’est donc à travers la lecture d’articles, les reportages et films qui racontent la ville de Palm Springs, les photographies de Robert Doisneau que je découvre l’univers californien. »
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ELISA : « La découverte de Jacques Tati et son œuvre se fit en douceur et débuta
par le visionnage du film Playtime, en quatre fois. Diverses lectures tel que l’ouvrage de Michel Chion Jacques Tati, une biographie écrite par Jean-Philippe Guerand, mais aussi Jour de fête... ont été les premières portes d’entrée dans le monde de Tati. Des articles et divers films d’archives de l’INA (Institut National de l’Audiovisuel) et des podcasts entendus sur France Culture dans l’émission Les Chemins de la philosophie par Adèle Van Reeth sont venus compléter le tableau et m’ont permis de mieux comprendre le personnage de Monsieur Hulot et de découvrir la personnalité de son auteur. Je retiendrai particulièrement les interventions de Jérôme et Juliette Deschamps, ainsi que cette journée de studio en compagnie de Macha Makeïeff, un temps fort, un vrai coup d’accélérateur et une présence indispensable et décisive dans la tournure qu’a pris notre projet. Le visionnage des films a été enrichissant de par la singularité de chacun et grâce aux liens qui les unissent : matières, couleurs, personnages, cadrages, lumières et expressions. « Du Music-hall au burlesque, de l’image-son au cinéma grandeur nature, de l’homme désarçonné par son milieu jusqu’à la mélancolie respectueuse d’un monde qui nous échappe, Tati explore le décalage entre un homme toujours seul et un univers mécanisé qu’il est trop poète pour dénoncer. »[Philosopher avec Jacques Tati, Playtime, le burlesque grandeur nature.] Nous nous donnons rendez-vous dans un café nantais et ce jour-là, nous sortons de nos valises nos premières impressions sur cet homme mystérieux ainsi que notre ressenti à propos du site du Racquet Club qui nous est proposé. Elle nous a saisies, touchées et même renversées, la poésie de Jacques Tati et « le vent de liberté » qui soufflait sur la ville de Palm Springs dans les années 50 nous est parvenu. »
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Trajet A Travers l’Intime Le semestre débute par un Trajet A Travers l’Intime proposé par Emmanuelle Ganglof, un voyage d’introspection et d’expression, une découverte de l’autre, de soi et de Tati à la fois. Par le biais de cet exercice, je fais mes premiers pas vers Tati et j’entre dans son monde en dévoilant le mien. Ce fut une surprenante et éprouvante occasion de nouer des liens avec Jacques Tati; citer et donner vie aux scènes «traces de pas» présentes dans Les Vacances et Mon Oncle; Faire l’expérience du jeu avec le public, éveiller les soupçons, attiser la curiosité, provoquer des questionnements, puis créer la surprise. Donner sens au costume et à la posture comme élément indispensable au mouvement du corps et de l’image qu’il renvoie par la silhouette qu’il nous donne. Prendre conscience de l’importance d’établir un protocole scénographique précis pour accrocher l’observateur, toucher le visiteur et faire sourire les passants. Sujet de l’exercice : Il s’agira de parler de soi par le geste de défaire sa valise. La référence est la scène des Vacances de M. Hulot (7 :30 - > 8 :30). Il faudra utiliser ou créer une valise, la remplir et définir un protocole scénographique pour son ouverture.
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Dans ma valise, se trouve toujours un carnet de voyage. Dans ce carnet, je n’y écris pas grand chose mais je dessine une carte par jour. Des cartes-mémoires, des cartes-itinéraires qui retracent mes parcours quotidiens. Souvenirs d’espaces-temps, ces cartes dévoilent où je suis, quand je suis et qui je suis. Les présentations se déroulent le temps d’une matinée et les valises se déploient aux quatre coins de l’école. C’est l’occasion pour moi de fabriquer une carte de ce voyage en adaptant mon processus cartographique pour le réaliser grandeur nature et en temps réel. J’effectue alors le contour de mes chaussures à hauts talons à l’abri des regards pour ne pas révéler tout de suite mon identité. Je laisse des empreintes de pas sur mon chemin, et elles envahissent les sols de l’école au fur et à mesure de notre déambulation. Successivement, le groupe suit mes pas, puis ce sont mes pas qui le suivent et nous revenons parfois dessus. Les traces finalement conduisent le groupe au balcon, d’où il peuvent apercevoir la scène de dénouement et la révélation de mon identité car je m’expose à la vue de tous, et je relie mes derniers pas à la carte finale de notre parcours dessinée sur une terrasse en contre-bas. [E.D.]
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« La réflexion autour de l'univers de Jacques Tati n'est pas une réflexion nostalgique, elle embraye sur deux questions fondamentales liées à l’œuvre d'un artiste : comment préserver et transmettre « l'esprit d'un film », comme il existe un esprit du lieu et comment concevoir « à partir de » sans être dans le plagiat ou la parodie. »
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PRÉAMBULE
/ Rencontre avec Martin Marquet et Juliette Deschamps Martin Marquet, petit -fils d'Henri Marquet, un ami très proche de Tati, et Juliette Deschamps s’investissent ensemble dans les « Films de Mon Oncle ». Cette entreprise se consacre au rayonnement et à la restauration de l’œuvre de Jacques Tati. Lorsqu’ils nous proposent de nous lancer dans la création d'un lieu vivant dédié au grand cinéaste nous sommes très enthousiastes. Ils imaginent un hôtel. Et pourquoi pas le Tati hôtel ? // La commande Nous rencontrons Martin Marquet le 14 septembre 2017. Il nous dévoile rapidement le site d’accueil du projet : la ville de Palm Springs. Bassin du modernisme des années 50 et 60, cette ville est cryogénisée dans son temps. Le site d’intervention est précisément le terrain de l’ancien Racquet Club. Nous saisissons l’enjeu de célébrer à la fois Jacques Tati, le cinéma, l’architecture et le design. Il faudra relier en ce lieu la joie de vivre à la française et le mode de vie américain. C’est un nouveau concept hôtelier qu’il faut inventer, un « hôtel-musée », un « hôtel-théâtre » dont l’intention serait de faire sortir Tati de l’écran de cinéma. L’objectif est de faire entrer Jacques Tati dans le présent, qu’il transforme le quotidien des visiteurs dont le luxe serait l’expérience d’un fragment du monde décalé, à sa manière. Il faudra fabriquer un lieu de vacances, un lieu de travail, un lieu de résidence, un lieu de spectacle et de loisir, un haut lieu culturel. Cet espace sera ouvert, un poumon dans la ville qui attire et diffuse un nouveau mode de vie, à la Tati. Le patrimoine immatériel qu’est l’œuvre de Tati transmis dans ce « monument », sera un geste fort autant que sa « force poétique, une force universelle », et évidement esthétique. « La beauté, mais jamais dans l’humour ». C’est autant dans la forme et dans l’usage, l’un servant l’autre qu’il s’agira de rendre possible des situations cocasses, des gags, de faire sourire et même rire.
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/ TATI À PALM SPRINGS
Appréhender ce nouveau territoire, saisir ses caractéristiques et les enjeux pour y insérer finement un «Tati Hôtel», en accord avec son histoire afin qu’il puisse être acteur de son futur. L’eau nous sert de lien, de moyen de communication entre les deux univers de Palm Springs et de Jacques Tati et nous emmène sur la piste du mirage.
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I. Le territoire
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/ TATI À PALM SPRINGS
“ L’eau chlorée n’est pas potable.” [ Hocus Pocus. ]
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I. Le territoire
/////// Histoire de Palm Springs La ville de Palm Springs est historiquement un territoire amérindien sur lequel les palmiers abondent grâce aux sources d’eau chaude apparues à la suite d’un tremblement de terre il y a plusieurs centaines d’années. Dès le début du XXème siècle, la ville devient une station touristique privilégiée. Dans les années 50, les acteurs d’Hollywood s’y retrouvent pour faire la fête et se reposer, sans s’éloigner des plateaux de tournage. L’eau naturellement présente en plein désert se retrouve contenue dans les piscines des villas californiennes. Elle est ensuite détournée pour arroser les pelouses verdoyantes des nombreux golfs de la ville ou nettoyer les carrosseries étincelantes des habitants. Petit à petit les sources s’épuisent pour alimenter les besoins abusifs d’une élite qui ne compte pas. [E.B.]
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/ TATI À PALM SPRINGS «Palm Springs, un paradis artificiel»
Imprimez vos cartes géographiques | JGN
[ Extrait de Geopolis «sécheresse en Californie: Palm Springs», le mauvais élève, 2015 ]
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I. Le territoire
/////// Palm Springs aujourd’hui ? «Il règne à Palm Springs un sentiment de détachement du monde où l’existence semble s’étirer paisiblement.» [California Dreamin’- Soleil, désert et design - Pauline Weber - Vanityfair- septembre 2016]
Invitant à la relaxation, jouissant d’un climat prévisible et parfait, d’octobre à mai, Palm Springs semble être un oasis où souffle un vent de liberté qui fait rêver. La population aisée de son âge d’or, ouverte à la nouveauté et à l’expérimentation a donné champ libre aux designers et architectes de l’époque. Albert Frey, architecte suisse, disciple de Le Corbusier y a fait «raisonner l’architecture et le paysage dans une harmonie totale.» C’est aussi ici que Richard Neutra dessina la maison d’Edgar Kaufman et E. Stewart Williams celle de Franck Sinatra. John Lautner signe la Harpel house et la plus connue et futuriste Elrod House. Aujourd’hui la ville compte le plus grand nombre de bâtiments du style Mid Century Modern. Inspiré par le Bauhaus et le modernisme européen de l’entredeux guerres, ce mouvement a démocratisé l’architecture de qualité qui combine rationalité, luminosité, fonctionnalité et innovation. Palm Springs est un véritable musée à ciel ouvert qui bat son plein. Car si d’apparence tout est resté figé, les nouveaux habitants l’investissent et font vivre ce patrimoine exceptionnel au quotidien. La ville attire les passionnés et les curieux notamment à la Modernism Week qui a lieu en février chaque année depuis 2006. De plus, elle a accueilli et elle rassemble encore les stars de cinéma et célébrités et a créé son propre Festival du Film. Le Festival de musique de Coachella participe également à la résurrection de la ville. Les hôtels fleurissent, d’autres font peau-neuve comme le très coloré Saguaro Hotel, aujourd’hui symbole de la ville et de sa joie de vivre. [E.D.]
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/ TATI À PALM SPRINGS
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I. Le territoire
/////// Pourquoi Palm Springs ? Alors si l’architecture contemporaine, le design et la culture, qui définissent l’esthétique visuelle de Jacques Tati continuent de rassembler leurs amoureux, le projet trouve naturellement sa place à Palm Springs. Et puis, si l’on jette un coup d’œil à la skyline de la ville, ponctuée de ses palmiers, leurs courbures ne seraient pas sans rappeler la silhouette de Jacques Tati. [E.D.]
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/ TATI À PALM SPRINGS «Je m’y suis senti là comme un fauteuil Louis XIV dans un aérodrome.»
[Robert Doisneau]
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I. Le territoire
/////// Ambiance aquatique Afin de nous plonger dans l’univers de cette ville, les travaux de plusieurs artistes nous guident. A travers l'objectif de Robert Doisneau et ses clichés, on découvre une « Amérique acidulée » et l'architecture « aux lignes pures comme l'air du désert » des villas. Les peintures de David Hockney racontent ce qui peut se passer au bord des piscines. Elles renvoient à tout un univers, un imaginaire et une ambiance scintillante créée par les reflets de l'eau. Lorsque l’on regarde ses peintures, on entend un « splash », le cliquetis des verres à cocktails qui s'entrechoquent, des rires et des chansons. [Palm Springs is just for fun ] Un reportage sur Raymond Loewy |arte] nous suggère la qualité de vie propice aux artistes et nous présente cette ville comme une très grande et puissante source d'inspiration. L’ouvrage Les décorateurs des années 50 sur le mobilier de cette époque nous donne quelques clés en terme d'esthétique et d'usage domestique pendant cette période. [E.D.]
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/ TATI À PALM SPRINGS
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I. Le territoire
/////// La symbolique de l’eau Éparpillée sous des formes et dans des scènes diverses, l’eau nous semble être un des motifs structurant le plus fortement l’œuvre de Tati, et tout particulièrement Mon Oncle. L’eau peut être instable, joueuse, amusante lorsqu’elle se situe dans la ville ancienne alors qu’elle est contrôlée, contenue, maîtrisée dans la ville moderne et notamment dans la Villa. C’est aussi l’eau qui régit la ville et la vie à Palm Springs. Sans l’eau, impossible d’habiter le désert. Chez les Arpel, l’eau est contrôlée et va même jusqu’à disparaître. Dans la cuisine, l’eau est inexistante. Même dans la salle de bain, on ne voit pas de lavabo. Une scène reste aussi imprégnée dans nos esprit : lorsque l’on aperçoit, à travers des silhouettes projetées, Madame Arpel, qui fait prendre à Gérard une douche de vapeur. L’eau n’a plus de forme physique mais disparaît dans l’air. Cette scène a une résonance particulière pour la ville californienne puisqu’il est fréquent de rafraîchir les trottoirs des rues commerçantes avec des brumisateurs. C’est un fil qui évolue tout au long du film et qui est fortement relié à la structure de la ville. L’eau est présente partout. Elle symbolise les flux, les reflux. Elle représente un dynamisme à l’intérieur d’un monde figé. Tati introduit un mouvement par l’eau : le jeu de Gérard avec la baleine crachant de l’eau soufflée dans un tuyau, le sommeil de Hulot à l’usine. Ainsi lors de la garden party, elle jaillira dans ce jardin où pourtant rien ne dépasse. C’est un signe de plus pour indiquer au spectateur que les deux mondes communiquent et que dans le monde moderne aussi, un imprévu est vite arrivé. Il faut également rappeler que Monsieur Hulot a toujours sur lui son parapluie, dont il ne se sert jamais. Cet accessoire prend donc le rôle d’un instrument de protection superflue. Cet objet est privé de son ustensilité il n’a qu’une visée symbolique et esthétique. Lorsque Monsieur Hulot l’ouvre dans Trafic, dans la dernière scène, c’est la fin du personnage et nous comprenons alors qu’il va disparaitre dans la bouche de métro. [E.B.] 35
/ TATI À PALM SPRINGS
plan masse actuel de la parcelle
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I. Le territoire
/////// Le Racquet Club « There aren’t many places that are more Palm Springs than the Racquet Club » said Nicolette Wenzell, a curator at the Palm Springs Historical Society. « It was a glamorous escape … a place where everyone from Hollywood came to hang out. » [Christine Mai-Duc - journaliste du Los Angeles Times - article du 25 juillet 2014]
«This was the birth of Palm Springs.» [Colin Atagi et Skip Descant - journalistes du Desert Sun - article du 23 juillet 2014]
Fondé en 1934 par Charles Farrelle et Ralph Bellamy, le Racquet Club se composait à l’époque de deux courts de tennis, d’une piscine et d’un bar ainsi que de quelques bungalows. Haut lieu de rassemblements et de fêtes de l’élite du show-business d’Hollywood, il a vu défiler bon nombre de célébrités. Après les années 70, les activités du club ont diminué. Il fut détruit par un incendie en juillet 2014. Aujourd’hui, seuls quelques bâtiments sont restés sur pieds. Les traces d’un dernier court de tennis sont tout juste visibles et la piscine dans laquelle Marilyn Monroe s’est baignée est bel et bien vide. [E.D.]
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/ TATI À PALM SPRINGS
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I. Le territoire
/////// Tati sportif Pour des séjours sportifs, entre autres, Palm Springs attire golfeurs et tennis man. On imagine parfaitement Tati y venir en vacances pour dévoiler ses talents de mime avec son numéro d’Impressions sportives « qui constitue le fruit d’années passées à observer ses semblables en plein effort. » ou même jouer véritablement, avec une raquette cette fois-ci, comme dans Les Vacances de Monsieur Hulot. Il paraît évident que le programme de l’hôtel conserve des courts de tennis et propose d’autres terrains de jeu. Finalement, l’hôtel tout entier est une cour de récréation, un temps de récréation, un Playtime. [E.D.w]
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II. Mirage entre illusion et rĂŠalitĂŠ
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/ TATI À PALM SPRINGS
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II. Mirage entre illusion et réalité
/////// L’illusion La création de cette ville en plein désert est presque une illusion tant elle est surréaliste. C’est ce que Robert Doisneau a voulu capter lorsqu’il débarque le 21 novembre 1960: «toutes les maisons ont des piscines, on fait pousser du gazon en plein désert, les femmes portent des fourrures car la climatisation tourne à plein régime». Il observe cet endroit fasciné et plein d’amusement, ses clichés expriment le paradoxe en images. L’idée du mirage nous interpelle tout de suite. Le terme «mirage» vient du latin miror, mirari qui signifie s’étonner, voir avec étonnement. Il caractérise une apparition de l’eau en plein désert par un phénomène optique. Il fait appel à l’imaginaire d’un voyage dans le désert. Le mirage, c’est l’Oasis. Tout le monde peut observer les mirages mais chacun peut lui donner son interprétation. Son caractère fugace et changeant permet de donner au mirage le sens que l’on souhaite. C’est aussi une expérience troublante puisque l’on voit quelque chose qui n’existe pas. C’est une flaque mouvante qui avance sur la route et notre esprit sait pertinemment qu’elle n’existe pas. Pourtant, elle nous suit. Le mirage est un paradoxe, c’est un invisible matériel. Le voyageur peut décider si ce qu’il voit est réel ou imaginaire. L’illusion de l’eau sans sa présence nous intéresse alors. [E.B.]
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/ TATI À PALM SPRINGS
Entre l’apparence et le mirage paraître sous l’eau réalité étrange, réalité inversée.
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II. Mirage entre illusion et réalité
/////// L’eau sans eau L’imaginaire de l’eau véhicule des reflets, des couleurs, des sons très particuliers. L’univers de Palm Springs, les piscines, le son cristallin des verres qui se heurtent, les couleurs et les reflets de l’eau sont des éléments que l’on relie naturellement à cet imaginaire. Nous vient alors l’idée de créer un hôtel autour de cette présence colorée, sonore, liquide sans pour autant que l’eau soit physiquement présente dans l’hôtel. L’eau sans eau. Comment immerger le public dans un univers aquatique sans utiliser une goutte d’eau? L’Hôtel serait une expérience immersive. Dans l’eau, sous l’eau, à la surface de l’eau. Un travail des matières, de la lumière et des couleurs permettraient de ressentir son existence et ainsi de prendre conscience de son incohérente profusion dans le reste de la ville. [E.B.]
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Que ce soit la prise en compte d’une ressource rare et essentielle ou la cristallisation d’une force qui nous effraie et que l’on garde sous les yeux pour ré-assurer son contrôle, l’eau sans l’eau c’est avant tout la dialectique du réel contre l’imaginaire. L’eau réelle, projetée dans l’imaginaire par son empreinte et son absence ou l’eau imaginaire, projetée dans le réel par son mimétisme et son évocation. Cherchons-nous une quelconque purification de notre environnement en faisant naître l’architecture au sein du liquide, telle une Venus sortant de l’eau? L’eau sans l’eau, confrontation du palpable et de l’impalpable, réunion de l’immobile et du mouvement. L’eau indomptable et catastrophique ou l’eau vitale et nourricière alimente toujours aujourd’hui un imaginaire aussi riche que contemporain. [E.B.]
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« Palm Springs n’est pas une ville, c’est une apparition, un mirage. »
[ «Palm Springs, l’Oasis du design, Stupéfiant !» janvier 2017 ]
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II. Mirage entre illusion et réalité
/////// Les effets du mirage « Présent dans l‘imaginaire commun, vision d’un monde parallèle, inconnu qui semble familier, existant et invisible. Le mirage représente exactement l’idée du flou, à savoir la perception et l’interprétation. La vision d’un mirage est un voyage d’introspection pour le spectateur qui doit décider si ce qu’il voit est réel ou imaginaire. » [Mirages. Le Flou dans l’art, exposition fictive, musée d’Orsay, 2017] Le mirage nous mène sur la piste de l’illusion et nous suivons les pas de Jacques Tati qui, par sa formation dans la pantomine et au music-hall, nous apprend que «Le dialogue ne compte pas, tout est basé sur l’effet visuel.» [Les jours de fêtes de
Jacques Tati, Stéphane Pajot, ed. D’Orbestier 2006].
Tati observe son quotidien, il invente le récit qu’il s’imagine. Il fabrique une histoire, faite de faits réels mais tranformés. Il ficelle presque scientifiquement son oeuvre et laisse alors encore plus de liberté à ses spectateurs qui à leur tour vont observer, croire, interpréter, imaginer des histoires. «Vous avez ce qui est basé sur l’observation puis ce qui est basé sur l’invention, sur l’imagination...» [Jacques Tati]. [E.D.]
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II. Mirage entre illusion et réalité
/////// La fiction Tati fait croire au spectateur, il joue avec lui. Dans Playtime, il duplique M. Hulot dans la foule de touristes puis nous le montre en train de monter dans un bus alors qu’il n’en est rien. Ce n’est pas lui. Il scénarise et met en scène des quiproquos tels que la scène des cabines de plages dans Les Vacances, lorsque Mr Hulot croit corriger un voyeur. « Les fictions seront toujours plus fortes que toute réalité qu’on peut réaliser. » « Les fictions sont ouvertes à tous. »
[Macha Makeïeff]
Il donne à voir l’illusion puis la dévoile. Grâce à son cadrage toujours large, il présente au spectateur la situation selon les différents points de vues des personnages, simultanément. On suit le fil de l’action, on se trompe, on se moque de nous, on réalise et puis on sourit. Finalement, Jacques Tati nous donne tous les éléments qui s’assemblent petit à petit. C’est de cette manière que nous avons imaginé le processus de découverte de l’Hôtel. On laisse percevoir les éléments de façon isolée et c’est au visiteur d’en découvrir les liens. [E.D.]
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“Où la chute est libératrice” et rafraîchissante ! 54
II. Mirage entre illusion et réalité
/////// Fausse route Après avoir étudié la piste du mirage de l’eau comme concept hôtelier, notre réponse ne paraît pas adaptée au territoire aride de Palm Springs. Nous devons accueillir des clients et leur offrir un séjour divertissant et inédit. Il ne doit en aucun cas être anxiogène ou douloureux. L’absence physique de l’eau dans l’Hôtel n’est pas envisageable, elle représente un apport de fraicheur essentiel pour toute personne y séjournant. Et si la présence de l’eau était justement un moyen de reprendre le droit chemin que nous a tracé Jacques Tati ? L’eau comme matière, comme univers nous conduit à l’eau et aux effets qu’elle provoque dans une architecture.
L’eau permet une évasion dans le domaine imaginaire, elle est « fondamentalement l’instrument d’une libération individuelle ».
[Marguerite Chabrol - L’imaginaire découpé de Mon oncle de Jacques Tati - article issu du Cahier Louis Lumière n°10] [E.B.]
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/ TATI À PALM SPRINGS
« Playtime est, surtout dans sa première partie, un film fait par élimination. [...] Elimination de Paris, bien qu’on soit censé y être : des traces survivantes de la ville n’existent qu’à l’état de reflets, comme des «idées» sur les vitres. » [Michel Chion]
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II. Mirage entre illusion et réalité
/////// Le reflet L’idée de l’eau mirage, qui reflète une autre réalité ou une illusion de la réalité continue de nous intéresser. L’eau, dans son reflet, renverse la réalité, ou dévoile un autre monde, retourné. C’est parfois un prolongement de ce que l’on voit. C’est aussi une manière de regarder autrement. Les impressionnistes ont trouvé dans l’eau, un composant essentiel de leurs peintures. L’eau est un terrain de jeu et d’expérimentation. Monet peint la lumière changeante qui se reflète dans l’eau, Auguste Renoir saisit les différents types de reflets, selon si l’eau est calme ou mouvementée. Au cinéma, le reflet est un moyen de montrer autrement, par un autre point de vue ou de montrer plusieurs choses dans un même plan. Jacques Tati utilise le reflet dans plusieurs films, même si c’est dans Playtime qu’il est le plus employé. Il est même support de gag. Le reflet est utilisé pour tromper les apparences. On croit voir quelqu’un devant nous alors qu’il se situe derrière. Le reflet permet de rassembler différents plans en un seul et ainsi tromper la profondeur. [E.B.]
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/ TATI À PALM SPRINGS
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II. Mirage entre illusion et réalité
/////// Distorsion de la réalité L’eau capte la lumière et dévie ses rayons. A sa surface, tout se reflète et ondule. Au travers, elle déforme la réalité. En dessous elle nous rend sourds. [E.D.]
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// LE CORPS ET L’ESPACE en décalage
Tati a observé le monde et aujourd’hui, c’est nous qui l’observons. Nous analysons la silhouette de son personnage Monsieur Hulot, «dégingandée», sa démarche maladroite, ses réactions inappropriées. Nous comprenons petit à petit son décalage par les mouvements de son corps dans l’espace, toujours à la recherche d’un certain équilibre. Du corps à l’espace, c’est l’ordre de la villa des Arpel dans Mon Oncle que Monsieur Hulot renverse sur son passage. «Introduire ce “désordre, c’est y introduire la vie.» [Design des lignes et signes, Stéphane Goudet. Entretiens avec architectes et designers. ]
«Cette maison est un collage d’éléments très identifiables, où chaque chose est à côté d’ellemême.»
[Design des lignes et signes, Stéphane Goudet. Entretiens avec architectes et designers.]
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I. Le corps en perpĂŠtuel retournement
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// LE CORPS ET L’ESPACE en décalage
« Tati à l’image de son personnage, Monsieur Hulot, n’aime pas le bon sens, il glisse, tombe et se cogne. […] De ratages en décalages, Hulot est toujours un demi-ton en dessous de la mélodie ambiante, à contre-temps du rythme social, sorte de clinamène en chair et en os qui introduit un peu de désordre grinçant dans cette mécanique bien huilée. »
[Philosopher avec Jacques Tati, Playtime, le burlesque grandeur nature. France culture.]
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I. Le corps en perpétuel retournement
///////// Monsieur Hulot en décalage Dans ses films, Monsieur Hulot semble débarquer dans un autre monde, le monde réel. Mais alors d’où vient-il ? Notre projet serait d’inventer le monde d’où il vient. Là-bas, tout est de travers mais c’est ordinaire, dans le monde réel il fait tout de travers. Notre hôtel serait la construction physique du monde derrière le miroir, dans le reflet. Plusieurs scènes de Mon Oncle jouent sur le décalage du personnage d’Hulot. Il ne semble pas avoir la même logique que nous. Ainsi, lorsqu’il explore la cuisine de Madame Arpel, il découvre qu’une cruche rebondit quand on la laisse tomber à terre. Il tente alors de renouveler l’expérience avec un verre… qui se fracasse sur le carrelage. De quel point commun entre la cruche et le verre a-t-il déduit qu’ils pouvaient présenter une caractéristique commune ? Du fait qu’ils sortent du même placard ? Ce type de raisonnement - mais peut-on parler de raisonnement ? - est assez exemplaire d’une appréhension des objets et, plus généralement, du monde, foncièrement inadaptée. Ses relations avec les autres en deviennent confuses et embarrassées car il ne semble pas avoir les même convenances. Comme lorsque l’on arrive à l’étranger loin de chez nous, on observe comment les gens pratiquent tel ou tel lieu, objet, afin de les imiter. Monsieur Hulot paraît découvrir tout ce qu’il touche. Il est en décalage comme si sa logique n’était pas compatible avec celle des autres. [E.B.]
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// LE CORPS ET L’ESPACE en décalage
Do you want to live in an apartment or house that can help you determine the nature and extent of interactions between you and the universe? [Shusaku Arakawa]
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I Le corps en perpétuel retournement
///////// Le Monde de Tati En pénétrant le monde de Jacques Tati, on ne peut qu’observer différemment notre quotidien, être plus attentif, et découvrir, d’une autre manière, des choses qui nous semblaient ordinaires. L’Hôtel de Mon Oncle renverse les codes, bascule nos habitudes, et rend visible l’ordinaire. Les architectures de Shusaku Arakawa sont conçues pour pousser les résidents à vivre pleinement et plus longtemps. Ce sont des architectures amusantes et stimulantes qui vont éveiller les plus petits et aiguiser les sens des plus âgés. On peut parler d’architecture active. L’Hôtel de Mon Oncle s’inspire de cette architecture pour proposer un espace vivant. C’est la création d’une réalité inversée pour développer l’imaginaire de chacun dans les différents espaces. [E.B.]
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// LE CORPS ET L’ESPACE en décalage
« Sa démarche est unique : tantôt, il avance à grandes enjambées déterminées, mû par une décision dont il ne dit mot ; tantôt c’est la valse-hésitation, et il fait des marches d’approches compliquées. Jamais il n’est vraiment au repos, même dans l’immobilité, toujours à prendre la position de celui qui va quelque part, véritable plaque tournante humaine.» [Michel Chion]
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I Le corps en perpétuel retournement
///////// La suspension, le point de bascule
« La gravité n’est pas de l’ordre des choses visibles. La nature est à ce point organisée
par la gravité que l’homme ne la sent pas, notre rapport à la terre est d’une telle évidence qu’il devient insensible. Il est dans la nature de la nature humaine d’être en équilibre. Le corps humain est pourtant vertical en dépit de la gravité, il n’est jamais immobile. Je marche, mais à chaque pas, je tombe un peu et je me retiens de tomber. Je tiens debout, je marche, mais je ne me sens pas tomber, je ne sens pas l’effort que fait mon corps pour combattre la pesanteur. Mon corps n’est pas stable, il est en perpétuel rétablissement, il fait des mouvements pendulaires insensibles pour me maintenir sur cet axe qui me relie au centre de la terre, il travaille en permanence pour ne pas s’effondrer. La nature a eu la gentillesse de ne pas me faire sentir l’effort que je fais pour être vertical. L’architecture suit cette même règle, elle dialogue avec la gravité. La conquête de la verticale est un gain sur cette force invisible. La gravité, dans son évidence, n’est, pas plus que la lumière, une dimension palpable de la nature, elle n’est pas sensible par elle même, elle ne fait pas partie des choses du monde visible, d’ailleurs, pendant longtemps, pour nous, elle n’a pas existé.
»
[Laurent Beaudouin - publication de la conférence sur Luis Barragan au Musée Valencia IVAM INSTITUTO VALENCIANO DE ARTE MODERNO lors de l’exposition « Luis Barragan the Quiet Revolution »]
Nous imaginons que Monsieur Hulot n’est pas soumis à la même gravité que les habitants de Saint-Maur. Sa démarche rebondissante et sa silhouette qui penche défient les lois de la gravité.
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// LE CORPS ET L’ESPACE en décalage
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I Le corps en perpétuel retournement
///////// Décaler le regard du spectateur En voyant ce personnage qui amuse et qui ne fait pas comme tout le monde, le spectateur se questionne. Et si finalement la norme n’était pas le bon sens ? Nous devons adopter un autre point de vue, ne pas considérer qu’il y a un chemin tracé à suivre mais une multitude de voies que chacun peut emprunter de manière différente. Comme si Tati avait voulu nous dire que les apparences ne sont peut-être pas ce qu’il y a de plus important. Alors, devant cet être qui ne se conforme pas à notre système de jugement ordinaire, «il faut peut-être adopter une attitude différente, plus ouverte, vierge en quelque sorte. Porter un autre regard, voilà peut-être à quoi Tati nous invite. Laisser une chance à nos sens de trouver d’autres raisons de rire, de s’émouvoir, c’est à la fois le propos et la clé du film.» [Dossier pédagogique les Grignoux]
Voir différemment. C’est ce que Tati souhaitait transmettre à travers ses films. Ceux-ci se prolongent dans la vie de chacun et l’on remarque des petits détails auxquels on n’avait jamais prêté attention. Mais comment voir le monde sous un autre angle à travers une architecture? Au delà d’un univers esthétique et très pur, Jacques Tati voulait que ses films fassent réagir le spectateur, qu’il se questionne, qu’il observe, en dehors de la séance de cinéma. L’Hôtel de Mon Oncle est une architecture qui questionne l’espace, la lumière, le placement de notre corps dans l’espace. A travers un hôtel amusant et décalé, les clients ou visiteurs vont jouer avec l’espace et découvrir une nouvelle manière de voir le monde. [E.B.]
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// LE CORPS ET L’ESPACE en décalage
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I Le corps en perpétuel retournement
///////// Le corps en équilibre Les mouvements des corps dans les films de Jacques Tati sont presque chorégraphiés. La gestuelle est étudiée et certaines scènes peuvent être assimilées à de la danse contemporaine. Lorsque Madame Arpel et la voisine se rencontrent, chacune suit le chemin tracé au sol, les bras ouverts, et le regard qui suit le corps, à la manière de danseuses. Le corps de Monsieur Hulot, lui, semble détaché de cette gestuelle dictée. C’est un long corps en recherche d’équilibre. Il trébuche, avance et recule, parfois sur la pointe des pieds. Il souhaite disparaître ou être discret alors que ses actes ne le font, au contraire, que remarquer davantage. Plusieurs scènes montrent Monsieur Hulot renversé. Dans l’une des scènes coupée de Mon Oncle, Monsieur Hulot est pendu à un arbre pour tenter de remettre le portail en place. Cette scène a été reprise dans Trafic : alors que Peter raccompagne Maria, on distingue dans la lueur nocturne Monsieur Hulot, pendu dans le lierre de la façade. Enfin, à la fin du film, lorsque l’équipe arrive à Amsterdam, Hulot explore ce qu’il reste du Salon International de l’Automobile. Il monte alors dans une voiture exposée. A peine la portière fermée, celle-ci se retourne et Hulot se retrouve à l’envers, le corps renversé. En filmant Monsieur Hulot la tête en bas, Jacques Tati voulait-il nous suggérer que le monde était plus intéressant à l’envers? Enfin, dans Mon Oncle, une scène nous a particulièrement marquée. Le renversement du canapé haricot est un geste explicite de son décalage par rapport au monde réel. Ce geste est de trop pour Monsieur Arpel, c’est le point de bascule qui éloignera pour un temps Gérard de son Oncle. [E.B.]
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// LE CORPS ET L’ESPACE en décalage
encadreur
rugby man
pantomine
« L’encadrement du regard est à plusieurs échelles, sur l’immensité, la pièce, la maison, le domestique, sur l’objet.» [Macha Makeïeff]
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cineaste
I Le corps en perpétuel retournement
///////// L’encadrement du regard «C’est un artiste du regard.» [Macha Makeïeff] Tati passait des heures à observer le quotidien. Il commença par observer «l’envers du décor» d’une salle de classe lorsqu’il était mis au coin à l’école. Puis il observa longuement les peintures qu’il encadrait dans l’atelier de son beau-père. Enfin, il se découvrait plus de talent à la troisième mi-temps à mimer ses camarades qu’il observait pendant les matchs. Il saisit l’espace par le regard, en prend conscience de cette manière. « La problématique du rectangle Tout se passe dans ce rectangle : l’encadreur; le terrain de rugby où on lance le ballon en arrière; le music-hall où le temps-l’espace est limité : sans accessoires, nu; le passage du music-hall au cinéma qui transporte les règles du jeu, de la scène à l’écran-image. Il conserve toujours une certaine frontalité et travaille dans une géométrie. » [Macha Makeïeff]
Ce qu’il voit, il le voit d’un autre angle par rapport aux autres. Observateur, extérieur, à distance, il est finalement décalé mais toujours encadré.
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// LE CORPS ET L’ESPACE en décalage
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I Le corps en perpétuel retournement
///////// En équilibre et suspension - [Yoann Bourgeois . Cavale] Hors du cadre, hors de la piste, d’autres artistes prennent leur envol et cherchent à leur tour leur équilibre, ce sont les circassiens. C’est dans Parade que Tati rend hommage au monde du spectacle. Aujourd’hui le cirque prend de nouvelles formes et s’échappe du chapiteau. Acrobates, jongleurs, funambules et trapézistes investissent de nouveaux espaces. Dans notre projet, nous imaginons leur offrir un nouveau terrain d’expériences et de représentation. Il nous semble évident qu’ils prennent place dans la programmation de l’hôtel afin qu’ils puissent animer et l’investir par leur corps en mouvement. Nous découvrons la pratique du danseur Yoann Bourgeois dans son numéro «Cavale», en visionnant un documentaire : Cirque hors-piste, Nicos Argillet et Netty Radvanyi [Arte, juillet 2017]. Il invente une autre manière de monter l’escalier. Il le gravit puis se laisse tomber dans le vide et refait surface comme par enchantement, grâce au trampoline dissimulé dans le socle du décor. Le numéro est répétitif, élégant et vertigineux. [E.D.]
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// LE CORPS ET L’ESPACE en décalage
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I Le corps en perpétuel retournement
///////// Le corps confus par le costume La mode féminine dans les films de Tati est très spécifique contrairement à la mode masculine beaucoup plus classique (costume gris, chemise, uniforme). Elle renvoie une image des femmes assez stéréotypée. Chaque personnage féminin est marqué par un caractère qui s’exprime très clairement dans ses vêtements. Le film Mon Oncle est particulièrement intéressant puisque plusieurs gags sont issus de ces costumes féminins. Les femmes du film sont à plusieurs reprises confondues avec d’autres personnes ou même des objets, du fait de leur habillement. Dans la première scène du film, on voit un balai à poussière nettoyer les vitres tout seul, presque comme une machine étrange puisqu’aucun personnage n’apparaît dans le champ. Lorsque le chien veut rentrer dans la villa, Madame Arpel apparaît dans un costume vert, les cheveux recouverts d’un turban de même couleur, avec des gants qui lui recouvrent les mains. On ne peut pas vraiment discerner son corps tellement il est absorbé par son costume, elle perd presque son caractère humain pour devenir un objet ménager. Un peu plus tard dans le film, Gérard rentre chez lui, il entend l’aspirateur dans le salon et accourt en appelant sa mère, finalement celle-ci est partie et l’aspirateur fonctionne seul, comme si Madame Arpel était devenue l’aspirateur. Le personnage a été comme avalé par l’appareil électroménager moderne que représente l’aspirateur. Dans une autre scène qui nous a beaucoup fait rire, Monsieur et Madame Arpel confondent la voisine avec un vendeur de tapis et ne veulent pas la laisser entrer. Finalement, en s’apercevant de leur erreur, ils se confondent en excuse et l’invitent à entrer. Si ces deux scènes sont très différentes, elles décrivent toutes deux une confusion, où deux personnages féminins sont pris pour quelqu’un d’autre ou quelque chose d’autre à cause de leur accoutrement. [E.B.]
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// LE CORPS ET L’ESPACE en décalage
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I Le corps en perpétuel retournement
///////// Quand le costume détourne le corps Les vêtements choisis pour chaque personnage reflètent la personnalité, les goûts de celui-ci. Leurs comportements sont très liés à leur costume et à ce qu’ils souhaitent montrer d’eux-même. Pourtant il est aussi utilisé pour tromper le spectateur. Le corps disparaît à plusieurs reprises sous le costume. On ne distingue alors plus vraiment un être vivant mais un objet mouvant. Le textile habille le corps comme on habille une architecture. Le corps paraît enveloppé, comme si les mouvements de la personne n’avaient pas d’importance. Il n’y a pas une recherche de confort mais de formes et de couleurs. Le corps est support du costume et non l’inverse. Finalement, le textile est aussi un moyen de tromper et de renverser l’image. Le corps devient objet ou l’objet devient corps. On ne peut pas s’empêcher de penser à la table-robe de Hussein Chalayan, au textile sculpture de Matilda Norberg ou à l’incroyable travail sur la structure du tissus et l’enveloppement du corps d’Issey Miyake. Le textile dans l’Hôtel apporterait une souplesse, du volume et dans son mouvement et sa légèreté, des indices d’effervescence humaine. [E.B.]
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II Les mouvements de l’espace
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// LE CORPS ET L’ESPACE en décalage
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II Les mouvements de l’espace
////// La limite
«
L’architecture est horizontale. L’homme est un être vertical, mais la ligne de nos yeux trace une horizontale. L’homme s’est fait dans ce rapport à angle droit. Ses yeux sont parallèles à l’horizon et un léger basculement de la tête lui donne l’équilibre, comme une bulle d’air dans un niveau de maçon. Notre tête articulée fait basculer un espace qui pourtant reste le même. La mer ne coule pas lorsque nous penchons la tête. Dans cet amour de l’horizontal, l’eau est la seule rivale de l’architecture. La ligne d’horizon en est la profondeur ultime. Nos yeux projettent un plan parallèle au sol, soulevé à un mètre et demi et c’est dans cette épaisseur que nous nous déplaçons. Nous sommes suspendus dans ce plan horizontal sans fin. Notre pensée flotte à la hauteur des yeux et nous avons construit pour y vivre un monde parallèle à cette surface imaginaire. La ligne d’horizon est garante de l’infinité du monde, de ce recul permanent qui nous éloigne de sa propre limite. La tension de la verticale et de l’horizontale est la structure de toutes choses.
»
[Laurent Beaudouin - publication de la conférence sur Luis Barragan au Musée Valencia IVAM INSTITUTO VALENCIANO DE ARTE MODERNO lors de l’exposition « Luis Barragan the Quiet Revolution »]
A la lecture de ce texte de Laurent Beaudouin, nous comprenons que ce repère est un marqueur universel. Comme une ligne de flottaison, nous construisons et habitons le dessus, parfois le dessous. Nous avons créé ce monde parallèle mais comme toute ligne dans les films de Jacques Tati, il est possible de la franchir. L’espace se positionne par rapport à cet axe : dessus, dessous ou au milieu.
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// LE CORPS ET L’ESPACE en décalage
“Le poisson rejette l’élément que son existence même exige.” [Michel Chion]
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II Les mouvements de l’espace
////// Inversion « Un poisson, c’est ce qui passe, c’est là, sous l’eau, ça jaillit, ça disparaît, vif comme l’inconscient. » [Michel Chion]
Comme chaque élément de la maison, contrôlé par Mme Arpel, l’eau doit rester à sa place. Tout est dépoussiéré, aseptisé et l’eau, élément pourtant naturel, apparaît plus bleue que bleu. Elle ne jaillit de la tête du poisson que lorsqu’un invité de prestige vient visiter la villa. Finalement, Tati renverse les éléments : ce qui devrait être une fontaine d’eau fraîche devient une sculpture de métal, froide, où l’eau colorée semble plus artificielle que les fleurs en plastique. Tati inverse le contenant et le contenu. « Se sentir comme un poisson dans l’eau » est une expression qui exprime un bien-être et une harmonie particulière entre un individu et son environnement. Au contraire, le poisson chez les Arpel est à l’air libre, crachant de l’eau. Il rejette l’élément que son existence même exige. On retrouve aussi l’image du poisson dans la scène de Mon Oncle au marché, où le chien grogne contre le poisson dans le cabas de M. Hulot. Dans Playtime, au Royal Garden, seuls les plus fortunés peuvent s’offrir le turbot à la royale. Finalement le poisson perd son naturel pour devenir un témoin et outil de la sélection sociale. [E.D.]
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// LE CORPS ET L’ESPACE en décalage
HOTE H OTE L A R PE L VILLA
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II Les mouvements de l’espace
////// La Villa Arpel La villa Arpel a été notre sujet d’étude dans les premières phases du projet. Il nous était proposé de transfigurer la villa : transformer la villa-décor en villa architecture. Tout en conservant les caractéristiques de la villa de départ, nous avions une liberté d’interprétation possible dans les parties non décrites par les façades ou absentes des plans (la salle de bain, l’étage ...). Cet exercice nous a poussées à étudier la villa dans tous les sens. Nous avons découvert ses formes et plus particulièrement sa façade vivante possédant deux yeux qui correspondent aux oeils-de-boeufs de la chambre parentale, ainsi que son rythme diurne et sa personnalité. De jour, c’est l’usine de Madame Arpel, toujours prête à faire visiter son salon (d’exposition). La nuit, la Villa surveille. Lorsque Hulot vient réparer l’espalier, il la réveille ainsi que ses habitants dont les têtes forment alors les pupilles. C’est une maison-hulotte dont on peut trouver des similitudes avec celle des parents de Peter dans Trafic. C’est la villa icône de l’œuvre de Tati. Il nous paraît indispensable qu’elle prenne place dans le projet et qu’elle joue son rôle de hulotte dans la réalité. Observatrice, de jour comme de nuit, elle sert de point de repère pour les visiteurs comme un signal d’identification de l’Hôtel. Elle pourrait même être la chapelle de l’Oscar. [E.D.]
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// LE CORPS ET L’ESPACE en décalage
down --Juan Upside down -Upside Juan Solanas 2012Solanas - 2012
- Louis Leterrier - 2013 Insaisissables -Insaisissables Louis Leterrier - 2013
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II Les mouvements de l’espace
////// Espace qui bascule « tension entre l’animé et l’inanimé, l’humain et les objets » [Jérôme Deschamps] Tati porte sa «réflexion sur un monde en construction, il vit ce moment de bascule, du passage du formica à l’avènement de la voiture. [...] Il ressent le mouvement de l’histoire et même la technologie il ne va pas la rater.”
[Macha Makeïeff]
Lorsque Hulot renverse le canapé, il s’y installe confortablement pour la nuit. Jacques Tati suggère la scène où il a retourné le canapé vert dans tous les sens pour essayer de le rendre confortable. On peut alors s’interroger : et si finalement la Villa n’était-elle pas utilisée dans le bon sens ? Si le mobilier peut-être basculé, et si les espaces eux-même pouvaient être dans un autre sens ? Les formes cubiques, les lignes droites n’ont pas de sens prédéfini, c’est à nous de leur donner un sens. Existe t-il seulement un bon sens ? Il existe certainement une multitude de sens selon les personnes qui vivent les espaces ou utilisent le mobilier. Jacques Tati nous donne un indice : il n’y a pas de bon sens, seulement celui que l’on souhaite lui donner. Chacun fait à sa façon, qui lui correspond. Ne respectons pas toutes les convenances, elles sont factices et trop rigides. «Philippe Pérès : Il résume ce que nous vivons au quotidien. Nous nous sommes retrouvés à concevoir des objets abstraits, inconfortables, comme ceux que nous voyons dans ses films. Il y a quelques années, nous avons fabriqué un canapé dessiné par Christophe Pillet dans lequel on ne pouvait pas s’asseoir. C’était trop bas, trop dur. Et il fallait une grue pour s’en extraire ! Bruno Domeau : Reproduire les meubles de Mon oncle, c’est notre manière de rendre hommage à Tati, mais aussi de dire que nous ne sommes pas dupes de ce qu’on fait. Tati posait une question très actuelle : “Dans quel monde vivonsnous ?”» [M le magazine du Monde | 23.11.2012 à 12h13 | Propos recueillis par Boris Coridian] [E.B.]
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[Macha Makeïeff]
“ Des aplats, les lignes, les circuits. Le personnage se dessine et puis on apprécie les alentours, stylisés, maîtrisés, on décode la convention détournée. Subtile simplification des formes, jeux graphiques vite familiers. Ce goût du dessin, du chemin, du signal, nous rend complices, navigateurs dans ces images de cinéma, Tati a tout dessiné, sa géographie, ses tracés et tous ses déplacements, l’horizon et toute sa planète. ”
[Michel Chion]
“Plus que par la couleur, le monde des Arpel s’affiche par la rayure qui relie les espaces auxquels ils ont affaire.”
Les lignes droites mènent le facteur au ruisseau et les lignes courbes, telle la flèche de néon du Royal Garden qui s’enroule pour désigner l’entrée, ou les motifs d’embranchements du logo de Trafic, sont les symboles du chemin alternatif. Graphiquement élégantes, ces lignes sont une des marques de fabrique de Jacques Tati, qui nous pousse implicitement à ne pas les respecter. Au sein de l’hôtel, néons, traces de pas et lignes droites ou courbes pourraient devenir le système d’une signalétique proposant une ligne de conduite que chacun aura le choix de dévier. [E.D.]
[Michel Chion]
“Plus que le volume des choses et des êtres, l’important, c’est la ligne.”
// LE CORPS ET L’ESPACE en décalage
« L’usage abusif du détour nécessaire, un parcours absurde de géométrie ridicule, où courbes arbitraires rivalisent de bêtise et compliquent tout trajet » [ Stéphane Goudet - Bonus Mon Oncle - Tout communique ]
« Le désordre apparaît comme une notion incontournable de l’espace »
[ Macha Makeïeff - 10.11.2017 - Ensa Nantes ]
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II Les mouvements de l’espace
////// Les détours Les circulations sont totalement mises en scène dans les films de Jacques Tati. Elles concernent tous les acteurs, les automobiles, sans oublier le chien de la famille Arpel. Dans la maison et le jardin Arpel, la circulation est aberrante, apparemment non rationnelle. Les maîtres des lieux aussi bien que leurs visiteurs doivent suivre des parcours obligatoires qui contraignent les corps à d’étranges contorsions ou imposent des gestes toujours contenus par la géométrie des espaces (allées, dalles, tapis). Sur la route, des tracés et des flèches blanches guident et limitent le cheminement des voitures. C’est l’univers de la vitesse et de l’efficacité, il n’y a pas de place pour l’hésitation ou le parcours buissonnier. Dans l’immeuble de M. Hulot, la circulation semble tout aussi absurde, mais elle est présentée du côté de la fantaisie, de la promenade toujours réinventée, humanisée par le personnage lui-même et les rapports qu’il entretient avec son entourage. Finalement, tous ces cheminements contraints appellent au désordre, qui interviendra lors de la garden party. « Selon Tati, l’histoire de Playtime se résume à ceci : des lignes sont indiquées par terre, implicitement, par la géométrie du décor moderne et les personnages qui d’abord les respectent, apprennent peu à peu à avancer en biais. » [Michel Chion - Jacques Tati - p91]
«Les choses sont figées, il y a un manque d’espace et donc pas de déambulation possible. C’est pourtant ce qui est nécessaire, déambuler, marcher, se déplacer.» [Design des lignes et signes, Stéphane Goudet. Entretiens avec architectes et designers.] [E.B.]
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// LE CORPS ET L’ESPACE en décalage
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II Les mouvements de l’espace
////// Le Jardin «Du côté des formes, on est presque toujours exclusivement installé dans une géométrisation stricte et contrainte, où les cercles, les pavements carrés ou rectangulaires ne laissent aucune place aux « débordements » végétaux, animaux ou humains.» [D.Champigny, C. Desfray, A. Fabre, C. Mottet - Académie de Créteil - «Faire de l’histoire des Arts avec le film Mon Oncle de Jacques Tati»]
Le jardin de la Villa Arpel fait écho au jardin cubiste de la Villa Noailles de Hyères. En rupture totale avec la nature sauvage et libre, le petit jardin conçu par Gabriel Guévrékian est très architecturé. Jacques Lagrange a imaginé un jardin dessiné, rigide et très coloré. Dans l’usage, le couple Arpel habite ce jardin presque davantage que l’intérieur de leur villa. On assiste à plusieurs scènes où les meubles sont sortis à l’extérieur, sur la terrasse, pour effectuer des usages tel que regarder la télévision, déjeuner. Le jardin est composé de différents petits espaces, clos par des haies basses ou des murets. On ressent une inversion entre le dedans et le dehors. Les cloisons, inexistantes dans l’intérieur de la villa, se retrouvent au dehors pour former différents espaces. Le jardin Arpel devient un tapis coloré, ludique, sonore. Il est parfois source de trébuchements et de maladresses, tant ses lignes sont strictement inflexibles. Nous imaginons que notre projet puisse être une version plus étendue de ces jardins, en reprenant leurs dessins, les couleurs et la matérialité. En déclinant ce modèle, en accord avec le climat du désert de Palm Springs et sa végétation, nous fabriquerions en même temps une trame d’organisation de nos espaces extérieurs. [E.B.]
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/// ATMOSPHÈRE Esthétique, ambiances et couleurs
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ATMOSPHÈRE Esthétisme, ambiances et couleurs
« La beauté peut sauver notre monde mais la beauté, jamais sans l’humour. L’humour, c’est la suspension » [Macha Makeïeff]
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////////Des plans tels des tableaux Les plans de Jacques Tati sont très étudiés. Il manie la couleur comme un peintre ou un photographe. Il y a une réelle composition de l’image avec une symétrie dans les formes et les couleurs, un travail sur les contrastes. Lorsque Jour de fête ne peut pas être développé en couleurs, c’est un drame pour le cinéaste. Une anecdote racontée par Philippe Guerand dans Jacques Tati, nous montre à quel point il était minutieux. On se rappelle facilement du plan où François le facteur distribue le courrier à bicyclette et est «attaqué» par un bourdon. Au premier plan, se situe un champs. Le film est projeté en noir et blanc, on ne distingue pas bien les éléments. Pourtant ce plan a bel et bien été tourné en couleurs : Jacques Tati trouvant l’herbe trop verte, il y avait planté des milliers de pâquerettes blanches qui nuançait le premier plan à la caméra. On remarque aussi dans les plans de la villa Arpel dans Mon Oncle que les objets colorés ont été choisis et placés avec grande attention pour qu’il y ait à l’écran des rappels de couleurs, des contrastes, des éléments mis en valeur ou au contraire, volontairement au second plan. La chambre de Gérard est ainsi construite avec des éléments très colorés pour contraster avec la pièce très blanche. La cuisine, chirurgicale, est laquée blanche avec des bruits de moteurs et des reflets froids. C’est une cuisine où le contact n’existe pas, un peu à l’image de la famille Arpel. Playtime est en couleurs et pourtant, chacun peut observer que tout est gris, réfléchissant, froid et mécanique. Toutes les couleurs des films de Jacques Tati sont consciencieusement choisies et font sens dans chaque plan. [E.B.]
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ATMOSPHÈRE Esthétisme, ambiances et couleurs
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//////// Architecture de couleurs Pour Luis Barragán (1905-1988), la couleur est utilisée comme un peintre coloriste. Les formes architecturales sont conçues nues, sobres, et la peinture est ajoutée une fois l’espace construit. Il réalise alors de nombreux tests sur le site à l’aide de toiles tendues et fait des essais en fonction des différentes lumières du lieu. La couleur et la lumière mettent en avant la dualité entre l’extérieur et l’intérieur, la vie intime et la vie publique. Il travaille beaucoup les transitions entre les espaces de vie privée et les espaces de loisirs grâce à des éléments architecturaux comme le seuil, le porche, le vestibule, la cour. Les formes, chez l’architecte mexicain Barragan, sont le résultat d’une imbrication de volumes qui répondent chacune à des usages différents. Il travaille les contrastes des différents espaces par leur taille et leur proportion. Les pièces de vie sont majestueuses, les chambres presque monacales, les terrasses et les patios apportent beaucoup de lumière naturelle. Les espaces construits et colorés sont accueillants, chaleureux et invitent à la contemplation. « Généralement, je définis la couleur lorsque l’espace est construit. La mise en couleur vient conclure le projet. » « Elle permet d’élargir ou de délimiter un espace. Elle est nécessaire pour ajouter une touche de magie à un lieu... »
[Luis Barragán] [E.B.]
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ATMOSPHÈRE Esthétisme, ambiances et couleurs
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//////// La douceur et le rose Les couleurs acidulées des années 50-60, aujourd’hui rendues pastels par les heures passées au soleil nous conduisent vers le choix d’un projet hautement coloré. Du rose pastel qui imprègne nos premières images, doux et apaisant «créant une abstraction géométrique expressive». [Le rose en Architecture, Marina Hemonet, ad magazine, 27 juin 2017], nous optons pour une palette de couleurs audacieuses qui vivifie le projet et rappelle le bleu piscine, le vert court de tennis ou le jaune vif camion Altra. Les images de l’artiste Alexis Christodoulou nous inspirent fortement et nous séduisent par leur aspect surréaliste. Espaces rigides, symétriques mais toujours assouplis par un drapé de rideau ou par une serviette de bain qui témoigne de la présence humaine. [E.D.]
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ATMOSPHÈRE Esthétisme, ambiances et couleurs
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////////La lumière du désert Lors de notre rencontre avec Martin Marquet [11.09.2017], il nous raconte que «la lumière de Palm Springs est très spectaculaire et spéciale, c’est la lumière du désert». Il est difficile d’imaginer une lumière que l’on n’a jamais rencontrée. Les couleurs des images de notre projet, c’est une manière de raconter cette lumière. C’est notre interprétation de la lumière du désert californien à différents moments de la journée. Une lumière parfois douce, pastel mais aussi vive, puissante et électrique. [E.B.]
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//////// Le jour - la nuit «Il n’y a, chez Tati, peut-être pas d’histoire [...] mais en tout cas, il y a un soir et un matin. Il y a, au minimum, cette conscience obscure que ce n’est pas le même moment, que ce n’est pas le même air sur la peau.»
[Michel Chion]
Lorsque la nuit tombe sur Palm Springs, les températures redescendent, l’air est plus frais. Il n’est plus nécessaire de chercher de l’ombre, l’heure est à la fête ou au coucher, sous un ciel étoilé. Les fêtes aquatiques branchées où l’on peut siroter un cocktail à la belle étoile, musique jusqu’au petit matin, gardent la ville éveillée. Les rues sont éclairées par les lampadaires et les néons des enseignes colorées. Elle est plongée dans une ambiance nocturne tamisée. Mais que fait Tati la nuit ? Tati dort-il ? On ne le voit jamais dormir, il n’y a aucune scène d’intimité, dans une chambre ou une salle de bain. Dans Les Vacances, on l’aperçoit à la fenêtre de sa chambre d’hôtel sous les toits. La nuit, il déclenche le feu d’artifice et réveille tout l’hôtel. Dans Playtime, il dîne, danse, suit un ami au drugstore et puis le jour se lève. Dans Trafic, il sort de la cuisine du garagiste dans laquelle il est entré la veille au soir, vêtu des même habits. C’est seulement dans Mon Oncle, qu’on le voit pour la première fois s’assoupir et pour une nuit la villa Arpel devient l’Hotel de Mon Oncle. [E.D.]
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« The work of Hannes is often the other way around – with the familiar becoming absurd, in the sense that it loses it’s function and turns irrational. A staircase laid on its side goes nowhere and a closet run through the circular saw loses its balance. The everyday is turned on its head and apparent function negated. » [Jonathan Barrie]
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//////// Matières et formes intérieures Formes simples, géométriques, cubiques, l’architecture moderne nous a semblé être une source d’inspiration idéale pour jouer sur les symétries, les reflets et les renversements. Les formes s’adoucissent et deviennent plus souples à plus petite échelle et notamment dans le mobilier réversible. Nous nous sommes inspirées de designers et artistes tels que HannesVan Severen - Fien Muller et Yalta Foyer qui travaillent le mobilier contemporain de manière presque surréaliste. Les formes sont colorées, tubulaires, amusantes. Le caractère intemporel du design des années 50-60 nous a aussi beaucoup influencé. Jindrich Halabala et ses paravents, Isamu Noguchi pour son mobilier de jardin et Jens Risom, tous trois concepteurs du mouvement moderne nous ont séduites. Bien entendu, les lignes, les tuyaux et rayures des films de Tati nous restent en mémoire. Le tuyau rouge qui se gonfle et se tord dans l’usine Plastac est un fil conducteur dans l’Hôtel de Mon Oncle. On le retrouve dans le jardin mais aussi dans les intérieurs et plus précisément sous forme de luminaires. La verticalité est travaillée à travers les matières textiles. Un drapé peut refléter, capter, réfléchir la lumière ou au contraire l’occulter. Il permet des jeux de transparence, amène du mouvement par sa fluidité. [E.B.]
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///////// Lumière orientée naturelle La verrière de la villa Noailles de Hyères filtre la lumière du soleil. La pièce est baignée d’une lumière diffuse qui crée une ambiance feutrée. Cet apport lumineux nous signifie que nous sommes sous le soleil et nous permet inconsciemment d’avoir les pieds sur terre. A l’Hôtel de Mon Oncle, la lumière plongeante, zénithale, cadre le ciel du désert. [E.B.]
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[Photogramme de Gravity de Alfonso Cuarรณn, 2013]
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//////// Lumière orientée artificielle Dans le film Gravity d’Alfonso Cuaron, éclairé par le chef opérateur Emmanuel Lubeski, le challenge était de taille car les personnages devaient être à la dérive dans l’espace. «Afin de recréer une lumière naturaliste, les techniciens ont dû mettre en place un système unique de « boîte à lumière ». Ils ont construit une salle en forme de cube dont toutes les parois étaient composées d’écran à LED. Ces LED, miniatures mais dotées d’une luminosité supérieure à la normale, formaient des images de Soleil, de Lune, de Terre et d’étoiles. Ainsi, les acteurs suspendus dans ce cube de lumière pouvaient tournoyer pour imiter la gravité 0 : les reflets de terre, lune ou soleil apparaissaient naturellement sur leur scaphandre, donnant un sentiment de réalisme très poussé. La caméra était également introduite dans cette « boîte à lumière » sur un bras articulé contrôlé à distance pouvant tourner à 360° dans toutes les positions possibles. Les seuls repères qui restent sont finalement les reflets du Soleil, de la Terre ou de la Lune sur la vitre de leur scaphandre, et parfois leur apparition en arrière-plan.» [Zoé Delomosne. Lumière naturelle et artifices de lumière. L’approche de la lumière naturaliste au cinéma. Sciences de l’ingénieur (physics). 2016.]
Peindre la lumière. Dans le décor de Mon oncle, les bandes bleues de la villa Arpel sont peintes afin qu’elles possèdent, sans éclairage artificiel, un effet d’ombre et de lumière qui permet de donner plus de contrastes et de révéler les volumes. Nous aimerions jouer et dévier la lumière afin de créer l’effet d’espaces basculés ou renversés. Tâches de lumières, ombres peintes sur les murs, lumières artificielles et filtration de lumière naturelle sont des outils qui nous permettront de procurer de nouvelles expériences surprenantes. [E.D.]
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EPILOGUE
L’Hotel de Mon Oncle 2743 N. Indian Canyon Drive Palm Springs- California
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/ PROMESSE Notre projet de fin d’études est un lieu vivant chargé de références et de citations de Jacques Tati. Nous avons imaginé un nouveau terrain de jeux d’expérimentation pour le corps et l’espace, en équilibre. L’Hôtel de Mon Oncle est un lieu d’accueil chaleureux et familial. Résolument immergées dans l’univers de Tati, nous avons voulu inventer des espaces sereins et apaisants. La lumière, les percements, les jardins, les espaces publics et ceux plus intimes, les couleurs ont été imaginés dans une architecture épurée et douce. Nous avons transposé le geste de renversement à l’ensemble de l’hôtel. Cela crée alors une double villa, renversée, qui devient le cœur du projet. La villa icône et point central de l’hôtel est la réunion du dessus et du dessous. Son jardin est une surface suspendue, étendue à l’ensemble de la parcelle. A la surface tout est à l’endroit, au milieu les espaces sont renversés et dessous tout est à l’envers. Les espaces sont renversés pour décaler le regard, bousculer les usages des clients de l’hôtel et de ses visiteurs. Jouant sur l’illusion d’une réalité apaisante, amusez-vous à chercher le contact pour créer l’effervescence. A l’Hôtel de Mon Oncle, préparez-vous à vivre un séjour renversant.
“I like to turn things upside down, to watch pictures and situations from another perspective.” [Ursus Wehrli]
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Explorez le monde sous un autre angle, choisissez le vôtre ! Prenez part à l’expérience Tati, à l’envers du bon sens.
0°
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90°
180°
// EXPÉRIENCES Lors de la réservation, vous pouvez choisir votre CHAMBRE À 0°, 90°, 180° selon si vous êtes courageux, audacieux ou téméraire. Arrivé à Palm Springs, la Villa Arpel vous observe déjà et vous guide jusqu’à l’Hôtel de Mon Oncle. A l’entrée un voiturier se charge de votre véhicule et de vos bagages. D’ici, vous apercevez l’entrée du RESTAURANT. Vous allez apprécier votre repas dans cet espace traversant qui vous permet d’assister à la fois aux représentations des artistes dans la place centrale et profiter de la terrasse ensoleillée. Puis, vous longez la villa et son jardin recouvert d’un miroir d’eau créant, par le reflet, l’illusion de la villa renversée. Vous arrivez au desk, on vous remet les clés. Une boutique de LOCATION DE VÉLOS, tandems et monocycles se trouve au sein de l’hôtel, tout proche du lobby. Les clients de l’hôtel pourront découvrir et se déplacer dans le parc hôtelier à bicyclette. Vous serez ensuite accompagné à travers le jardin pour vous guider jusqu’à votre chambre. L’expérience commence maintenant, le temps de s’installer, d’adapter son corps à l’espace, de chercher, expérimenter les différents objets... Les chambres disposent toutes d’un jardin privé. Certaines sont regroupées autour d’un patio qui abrite un CINÉMA PRIVATIF. L’expérience continue en traversant les espaces ludiques du JARDIN, les objets décalés et jouant sur l’équilibre : hamacs, trampolines, balançoires, espaces et temps de pauses. Des escaliers belvédères permettent d’observer le patchwork de surfaces transparentes, herborisées, liquides et sonores. Vous rejoignez ensuite la villa et découvrez par surprise son reflet physique, une villa en sous-sol qui semble défier la gravité. Elle est habité par des artistes de l’équilibre, des circassiens, accueillis en résidence. Ils investissent LA PLACE CENTRALE, éclairée par le jardin qui filtre la lumière naturelle. Ce vaste espace est modulable selon les événements : performances d’artistes, projections, expositions, soirées et autres festivités. Autour de la villa se répartissent les autres éléments du programme : PISCINE, BAR, CAFÉ DES CIMES, CONCEPT-STORE, CINÉMA EXTÉRIEUR et TERRAINS DE SPORTS (tennis, badminton, ping-pong, volley). 127
MÉDIAGRAPHIE
Livres BERTOZZI Delphine et NIKOLOPOULOU Demetra. Jacques Tati Le funambule du cinéma. Editions à dos d’âne. CHION Michel. Jacques Tati. Editeur Cahiers du cinéma, collection Petite Bibliothèque, 2009. DOISNEAU Robert. Palm Springs. Flammarion, 1960. FAVARDIN Patrick. Les décorateurs des années 50. Norma, Paris, 2016. GUERAND Jean-Philippe. Jacques Tati. Editions Gallimard, collection Folio Biographies, 2007. QUINN Bradley. Designers Textiles à l’avant garde de la création. Thames & Hudson, Paris, 2009. PAJOT Stéphane. Les jours de fête de Jacques Tati. Editions D’orbestier, 2006. PEDRONO Yves. Jacques Tati et les trente glorieuses. Editions Kimé, 2017
Revues Dada, Numéro 147. Editions Mango. 2009.
Articles ANGER Cédric, DOUCHET Jean, PETAT Jacques. Mon Oncle de Jacques Tati, dossier édité pour le compte du Centre National de la Cinématographie par les films de l’Estran, 2001. ATAGI Colin et DESCANT Skip. Historic Racquet Club Hotel destroyed in fire, The Desert Sun. 2014 CENTRE MÉRIDIONAL DE L’ARCHITECTURE ET DE LA VILLE DE TOULOUSE. Luis Barragan, L’architecture émotionnelle, CMAV, dossier de l’exposition organisée par les écoles d’Architecture de Nancy, Paris Val-de-Seine et Strasbourg, 2013 CHABROL Marguerite. L’imaginaire découpé de Mon oncle de Jacques Tati, Cahier LouisLumière n°5, 2008, p25-31. COLIN. Jacques Tati et le burlesque social, Profondeurdechamps. Juin 2014. DHAINAUT Alexandrine. Trafic, Il était une fois le cinéma, HEMONET Marina, Le rose en architecture. AD architecture. 2017 LES GRIGNOUX. Mon Oncle de Jacques Tati, DOSSIER PÉDAGOGIQUE édité par, 1993. MARY Philippe. Le cinéma de Jacques Tati et la «politiques des auteurs», actes de la recherches en sciences sociales, Editions Le Seuil, 2006.
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Site http://www.ina.fr/personnalites/jacques-tati/
Podcasts ADÈLE VAN REETH, Les Chemins de la philosophie. « Philosopher avec Jacques Tati, Playtime, le burlesque grandeur nature ». [en ligne] France culture. ADÈLE VAN REETH, Les Chemins de la philosophie. « Mon Oncle, un homme perdu ». [en ligne] France culture. ADÈLE VAN REETH, Les Chemins de la philosophie. « Trafic ou le comique atmosphérique ? ». [en ligne] France culture. ADÈLE VAN REETH, Les Chemins de la philosophie. « L’univers sonore des Vacances de monsieur Hulot ». [en ligne] France culture.
Films et vidéos BOMPUIS Frédérique et Jérôme DE MISSOLZ. Raymond Loewy, le designer du rêve américain. Arte. 2017 [en ligne] GOUDET Stéphane. Mon Oncle de Jacques Tati. Forum des images. 2011 Palm Springs, le rêve américain de Robert Doisneau - Invitation au voyage. Arte. 2017 [en ligne] Stupéfiant ! Palm Springs, l’oasis du design. France 2. 2017 [en ligne] En Californie, la sècheresse est devenue le problème n°1, France 2. 2015
Sans oublier les sources LES FILMS DE MON ONCLE généreusement partagées avec nous.w
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ICONOGRAPHIE 28 - Rey residence par Albert Frey. Palm Springs. Photographie de Julius Shulman. 1956 - Twin Palm Estates tract, Palm Springs, designed by Palmer & Krisel. Photographie de Julius Shulman.
29 - Photographie Enco Gas Station. Palm Springs California. 1965 30 - Photographie Les Babioles de Zoé. Palm Springs. 2015 32 - Photographie de Slim Aarons - série Women - 1970 36 - Palm Springs Life, California’s Prestige Magazine, David Lansing. Vue aérienne et zoom sur le Racquet Club lors de sa fondation en 1934 44 - Assortiment de verres - Anthropologie - Treillage Stemless Wine Glass 49 - Cécile Dachary - Extrait de Issey Miyake - Ludwig Windtosser. (de haut en bas) 50 - Photographie d’un mirage - anonyme 52 - Photogramme Les Vacances de Monsieur Hulot 54 - David Hockney - A Bigger Splash, 1967 56 - Photogramme de Playtime 58 - Photographie de Sharone Poole. Contrast coktails - Photographie Haya Ibrahim - Photographie de Alisa Aiv Trefoiled
64 - Photographie du tournage de Mon Oncle 66 - Photographie du projet Reversible Destiny Foundation de Shusaku Arakawa 68 - Photogramme du clip Ok Go Apesanteur 72 - (de haut en bas) Photogramme d’une scène coupée de Mon Oncle - Photogramme de Traffic, 1 08’ 38’’ - Photogramme de Traffic, 1 31’ 24’’ - Photogramme de Mon Oncle, 1 39’ 21’’
76 - Photographie du spectacle Cavale, Yoann Bourgeois (en haut) - Yoann Bourgeois Crédits : Cie Yoann Bourgeois, Radio France (en bas) 78 - Photogramme du film Mon Oncle - 03’ 45’’ 80 - Photographie du diplôme de Matilda Norberg, 2015 (en haut à gauche) - Photographie de Irving
Penn, design d’Issey Miyake, 1989 - Robe table encastrable, Hussein Chalayan, Collection « After Words », Automne 2009 (en bas)
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84 - Photographie de Flooded House Illusion oeuvre de Kyung Woo Han 98 - Photo du décor de la maison de Monsieur Hulot dans le film Mon Oncle (en haut) - Cadrages. Dessin de Pierre Etaix assistant réalisateur de TATI sur Mon Oncle (en bas) 100 - Photographie de Christine Rochet-Jacob - jardin de la Villa Noailles de Hyères 104 - Photogramme du film Mon Oncle - 46’ 28’’ 106 - Le ranch Cuadra San Cristóbal de Luis Barragan à Los Clubes, Mexico
108 - Image Alexis Christodoulou (haut) - La Muralla Roja, Ricardo Bofill (en bas à gauche) American Standard. Publicité pour all salle de bain, American Home 1956 (en bas à droite) 110 - Photographie Les Babioles de Zoé. Palm Springs. 2015 112 - Photographie de Dolly Jessy. Une nuit à Palm Springs 114 - Image du projet Post Soviet Resort de Yalta Foyer 116 - Image Anour ( en haut à gauche) - Suspension Alvin Lustig (en haut à droite) - Paravent de Jindrich Halabala (en dessous) - Double assise de Fien Muller et Hannes Van Severen (en bas) 117 - Luminaire Alvin Lustig - 1950 118 - Photographie Des petits hauts. Plafond de la Villa Noailles. Mallet Stevens 120 - Photogramme du film Mon Oncle - 34’ 05’’ - Photogramme du film Gravity par Alfonse Cuaron. 2013.
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TABLE DES MATIÈRES
Sur les pas de Jacques Tati
9
Avant propos Introductions Trajet à travers l’intime Préambule
/TATI À PALM SPRINGS ?
21
I. Le terriroire
23
- Histoire de Palm Springs - Palm Springs aujourd’hui - Villas - Pourquoi Palm Springs ? - Ambiances aquatiques - La symbolique de l’eau - Le Racquet Club - Tati sportif
II. Mirage entre illusion et réalité
- L’illusion - L’eau sans eau - Verreries et workshop - Les effets du mirage - La fiction - Fausse route - Le reflet - Distorsion de la réalité
// LE CORPS ET L’ESPACE, en décalage
25 27 29 31 33 35 37 39
41
43 45 46-49 51 53 55 57 59
61
I. Le corps, en perpétuel retournement
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- Monsieur Hulot en décalage - Le Monde de Tati - La suspension, le point de bascule - Décaler le regard du spectateur - Le corps en équilibre - L’encadrement du regard - En équilibre et suspension - Le corps confus par le costume - Quand le costume détourne le corps
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11 12-13 14-17 18
65 67 69 71 73 75 77 79 81
II. Les mouvements de l’espace
83
- La limite - Inversion contenant contenu - le poisson - La villa Arpel - Espace qui bascule - Lignes et courbes de la Villa - Les détours - Le jardin
85 87 89 91 92-97 99 101
/// ATMOSPHÈRE, esthétisme, ambiances et couleurs
103
- Des plans tels que des tableaux - Architecture de couleurs - La douceur et le rose - La lumière du désert - Le jour - la nuit - Matières et formes intérieures - Mobilier - Lumière orientée naturelle - Lumière orientée artificielle
105 107 109 111 113 115 116-117 119 121
//// EPILOGUE
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Promesse Expériences
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MÉDIAGRAPHIE
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ICONOGRAPHIE
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TABLE DES MATIÈRES
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135
Venez découvrir l’Hôtel de Mon Oncle et préparez-vous à vivre un séjour renversant ! “ I like to turn things upside down, to watch pictures and situations from another perspective. ” [Ursus Wehrli]