UN URBANISME QUI (DÉ)GENRE. Politiques urbaines genrées et impact sur aménagement espace public

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URBANISME QUI (DÉ)GENRE MULLENS Elise

Les politiques urbaines genrées et leur impact sur l’aménagement de l’espace public. 1

Réflexions autour de la prise en compte du genre dans un projet : Le Cas de Namur


Photo de couverture : ŠRuth Orkin Photo Archive




UNIVERSITÉ DE LIÈGE – FACULTÉ D’ARCHITECTURE

URBANISME QUI (DÉ)GENRE. LES POLITIQUES URBAINES GENRÉES ET LEUR IMPACT SUR L’AMÉNAGEMENT DE L’ESPACE PUBLIC. Réflexions autour de la prise en compte du genre dans un projet : Le Cas de Namur.

Travail de fin d’études présenté par Elise MULLENS en vue de l’obtention du grade de Master en Architecture

Sous la direction de : David TIELEMAN Année académique 2019-2020 Axe(s) de recherche : Haute Qualité Constructive

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REMERCIEMENTS Je souhaite profiter de ces quelques lignes pour adresser mes remerciements à tous ceux qui de près ou de loin, ont contribué à la réalisation de ce mémoire. Je tiens tout d’abord, à témoigner ma reconnaissance à mon promoteur, Monsieur David Tieleman, pour avoir accepté de diriger ce mémoire de fin d’études, pour sa disponibilité, son soutien et ses conseils avisé. Mais également à ma co-promotrice, Justine Gloesener pour ses conseils judicieux et ses nombreuses relectures. Je remercie également les lecteurs Madame Claudine Lienard, Madame Sophie Dawance et Monsieur Sébastien Ochej pour l’attention qu’ils voudront bien porter à ce travail et pour l’indulgence dont ils voudront bien faire preuve envers le caractère quelque peu militant du propos. Plus largement, je tiens à remercier tous les Professeurs – d’ici ou d’ailleurs – qui, par leurs paroles, leurs écrits et leurs critiques, ont pu nourrir mes réflexions et éclaircir mes doutes. Que soit aussi remerciées Anne-Marie Sauvat pour sa disponibilité et son enthousiasme et à Hortence De Brouwer de m’avoir transmis ses préciseuses interviews avec Sophie Marischal et Laura Chaumont. Il va sans dire que mes remerciements vont également à tous les membres de ma famille, ma maman qui, où qu’elle soit, veille sur moi, mon papa Michel, et Nathan pour leur affection, leur écoute, leur soutien inconditionnel et leur éternelle confiance. Je remercie vivement mes relectrice qui ont donné de leur temps et de leur énergie pour la relecture du présent mémoire. Plus particulièrement, merci à ma soeur Justine pour ses précieux conseils, son soutien moral et ses nombreuses relectures. 5


TABLE DES MATIÈRES 5 REMERCIEMENTS 11 INTRODUCTION 16 MÉTHODOLOGIE 22 PARTIE 1 : CADRE THÉORIQUE – ÉTAT DE L’ART 22 1.

CADRAGE

23 2.

LE GENRE : DU CONCEPT AUX RÉALITÉS DU TERRAIN 2.1. 2.2. 2.3.

2.4. 2.5.

46 3.

3.2. 4.

33 39

LES POLITIQUES GENRÉES 3.1.

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23 26 28

Le genre Genre et Espace Genre et Ville – La ville à travers le genre : Quelle place du tous.tes ? 2.3.1. La ville, territoire des masculinités 2.3.2. La ville inclusive Espaces publics – Aménagement urbain 2.4.1. Genre et espaces publics 2.5.2 L’aménagement urbain inclusif Le genre dans la mobilité 2.5.1. Les marches exploratoires 2.5.2. Le sentiment d’insécurité

Le genre dans les politiques publiques 3.1.1. Gender Mainstreaming L’urbanisme qui (dé)genre – Impacts sur l’architecture de l’espace

47 53

SYNTHÈSE DE L’APPROCHE THÉORIQUE 6


PARTIE 2 : CADRE PRATIQUE

60

1.

INTRODUCTION

62

2.

CAS DE NAMUR 2.1.

Contexte et choix du sujet

62

2.2.

Le genre dans les politiques de la ville de Namur 2.2.1. L’Europe 2.2.2. La Belgique 2.2.3. La Wallonie 2.2.4. Namur

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2.3.

Mise en situation 2.3.1. Les acteurs du projet • L’implication de la Ville de Namur • L’ASBL Garance • Les initiateurs du projet Cœur de Ville 2.3.2. Descripiton du projet • Contexte • Les marches exploratoires et leur application à Namur • Les besoins et les recommandations

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2.4.

2.5.

7

63 65 68 72

82

87

Analyse genrée du projet Cœur de Ville – Rétrospective 2.4.1. Le parc et son aménagement genré

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Critiques et limites du projet

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CONCLUSION GÉNÉRALE

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BIBLIOGRAPHIE

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TABLES DES FIGURES ET ILLUSTRATIONS

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ANNEXES

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L’espace n’est pas simplement un arrière-plan, un cadre sur lequel les actions humaines ont lieu, mais il est aussi un producteur de significations et un reproducteur des mécanismes et des dynamiques sociales. Rachel Borghi, 2012, p.109.

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10


INTRODUCTION « Le question du genre au cœur de la crise sanitaire.», « Coronavirus en Belgique : le confinement renforce les inégalités entre hommes et femmes. », « Violences conjugales : le confinement de tous les dangers.», Voici ce que relayaient les articles des journaux Libération, la RTBF et la DH au lendemain de la mise en confinement du mois d’avril dernier suite à la crise sanitaire que nous traversons. En effet, le 4 avril dernier, douze membres de Conseils consultatifs à l’égalité des genres invitaient les Etats membres du G71 à « mener des actions conjointes pour empêcher la dégradation de l’égalité et le recul des droits des femmes dans le monde. » (Libération, 2020, para.1). Dans un même temps, le Parlement roumain a adopté mijuin une loi interdisant les études de genre à l’université et s’est aligné sur les positions promues par la Hongrie et la Pologne (TV5MONDE & RTBF, 2020). Toutefois, la question du genre, notamment dans la ville, est présente depuis bien plus longtemps. En effet, depuis toujours la ville reflète des « normes sociales de genre » perpétuant une « ségrégation sexuée » des espaces. Les hommes et les femmes se voient donc attribuer des rôles et des places hiérarchisées qui produisent des rapports de force et des « inégalités de genre au sein des espaces urbains » (Baumann, 2019, p.3). Ces dernières années, des mouvements tels que #metoo et #balancetonporc sont apparus pour dénoncer les violences que subissent les femmes dans la sphère privée, professionnelle ou encore dans l’espace public. Nous retiendrons également le court-métrage d’une étudiante en cinéma à Bruxelles qui, en 2012, se filmait caméra cachée à travers la ville afin de dévoiler au grand Le G7 (à l’origine G8) est une enceinte informelle réunissant les dirigeants des pays les plus industrialisés au monde. Créée en 1975 elle élabore des réponses politiques aux enjeux mondiaux en collaboration avec les dirigeants de l’Union Européennes et les pays suivants: Canada, France, Allemagne, Italie, Japon, Royaume-Uni et les Etats-Unis d’Amérique. (Commission Européenne, s.d.) en ligne https://ec.europa.eu/info/food-farming-fisheries/farming/international-cooperation/international-organisations/g7_fr 1

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jour les remarques, insultes et propositions à connotation sexuelle faites par la gente masculine. Pourtant, depuis les années 70, des études s’attachent à dénoncer une ville où l’espace est rythmé par des différentiations sexuées et des discriminations genrées. Considérées comme directement associées aux luttes féministes et composées d’un vocabulaire peu unifié, les études de genre sont à peine prises en compte et mettent du temps à être réellement reconnues. Or, La question du genre est « un thème transversal et qui ne se résume absolument pas à « la place des femmes » […]. Loin de constituer une entreprise marginale et minoritaire, elle s’inscrit dans nombre de débats plus larges sur les inégalités, et elle est reconnue comme une des déclinaisons à donner à la recherche pour traiter pleinement d’une question », souligne Claire Hancock, géographe. (2002, p.258) À l’heure où l’émancipation de la femme est en expansion et où les revendications féministes se bousculent dans tous les sens, il convient de s’interroger sur l’inscription du genre dans notre société et plus particulièrement dans l’architecture et l’urbanisme de nos espaces publics. Dans une société qui prétend être égalitaire, les disparités entre l’homme et la femme sont pourtant nombreuses tant au niveau professionnel, politique, sociétal ou encore environnemental. En effet, la hiérarchie des sexes a eu des impacts considérables sur l’aménagement du territoire tel que nous le connaissons aujourd’hui. Des espaces ont parfois été davantage assignés au dominant masculin plutôt qu’à une population féminine. Ainsi, pendant des années, les femmes ont été affectées au résidentiel où elles s’attelaient à des tâches domestiques alors que les hommes travaillaient en explorant le monde urbain. Aujourd’hui, les femmes assument toujours deux tiers des tâches ménagères (RTL, 2017). Suite à l’avènement du droit de vote et du droit à l’éducation pour tous au XIXème siècle, les femmes ont progressivement bénéficié d’une « presque » égalité dans bien des domaines et la ville a été perçue comme un espace émancipateur pour ces dernières. Néanmoins, dans une ville dirigée par une forte image patriarcale, les femmes font face à « une domination masculine » (Bourdieu, 1997) les contraignant à un usage différencié des pratiques qu’elles y exercent. Toutefois, le « droit à la ville » énoncé par Henri Lefebvre en 1968 doit s’étendre à toutes et tous. L’émancipation progressive des femmes et le développement croissant de nos villes et métropoles sont deux phénomènes sociaux permettant une lecture de l’urbanité sous le prisme du 12


genre. C’est également lors des années 1980 qu’ont vu le jour des programmes d’urbanisme, s’interrogeant et se penchant sur l’émancipation des femmes. Ceux-ci ont pour but de mieux inclure les femmes dans les espaces urbains et dans leur conception tant au niveau politique, professionnel ou encore citoyen (Biarrotte, 2017). Malgré tout, ils sont peu connus du grand public et seuls des réseaux particuliers peuvent en faire un inventaire sans quoi, ils « demeureront du domaine de l’anecdotique et du cas particulier » (Piché, 1989, p.115). Aujourd’hui, certaines municipalités œuvrent timidement pour faire du genre un des nouveaux enjeux dans la fabrique de l’urbain. Face à ces constats, nous tentons de raisonner sur la conception des espaces urbains d’aujourd’hui et du dessin d’une ville dite « durable et égalitaire » : la ville pour toutes et tous, où l’égalité entre les femmes et les hommes doit prédominer. C’est dans ce cadre plus qu’actuel que ce mémoire vise à soulever l’apparition et l’évaluation d’une architecture genrée en vue de créer des espaces égalitaires. Nous fixerons comme lieu de recherche l’espace public et par extension son appropriation genrée. En effet, dans l’espace public, on remarque que les hommes s’installent et flânent généralement sur les bancs alors que les femmes traversent ce lieu et n’y restent que quelques instants dans un but purement fonctionnel (Blache, 2018). Qu’est ce que le genre dans la ville du XXIème siècle ? L’intègre-t-elle au sein de ses politiques ? Le traduit-elle dans l’aménagement urbain de ses espaces publics ? Ce travail tentera de répondre à ce questionnement en approfondissant plus particulièrement la place que les femmes occupent dans l’espace public. D’autant plus, que lorsqu’il est question de « faire la ville », une multitude de sujets et de questions se bousculent. Le choix de revêtir les « lunettes du genre » afin de l’analyser via « les lunettes d’une future architecte » semble le plus adéquat pour étudier notre question de recherche. Il y a certes tant d’autres moyens disponibles mais dans un soucis de faisabilité, nous nous limiterons à celui-ci. Ce travail tentera d’analyser l’introduction de la préoccupation du genre au début et tout au long de l’élaboration du processus d’un projet. Il requestionnera les modèles de planification et d’organisation actuels des territoires afin de les faire évoluer. Cette étude cherchera à inspirer une nouvelle manière de penser les espaces publics plus inclusifs en matière d’architecture dans un refus que ceux-ci catégorisent les populations par le 13


biais de certains types d’aménagement non égalitaires. Elle s’emploiera également à tenter de contribuer à la recherche de moyens architecturaux qui aideraient la femme à se sentir légitime pour rester dans l’espace public et à lui donner toute sa place dans la ville de demain. La ville étant une affaire d’élu·e·s, il conviendra également de lier le genre et les politiques publiques. La ville de Namur offre un terrain d’étude spécifique puisqu’elle propose une approche innovante et intéressante en tant que première ville belge à avoir inscrit des critères de genre dans le cahier de charge d’un projet. Via l’analyse de ce cas, nous tenterons de comprendre plus particulièrement comment une politique de genre est mise en place dans la ville et comment elle se traduit au travers de l’aménagement urbain des projets. En définitive, ce mémoire traite donc de la question du genre et de la ville à travers la politique urbaine et la pratique des professionnel·le·s de l’aménagement.

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15


MÉTHODOLOGIE La première partie de ce mémoire s’attèlera à poser un cadre théorique. Dans un premier temps, par le biais de la littérature scientifique, il s’agira d’expliquer certains concepts qui cherchent à comprendre les représentations de la ville liées à la construction sociale et les pratiques socio-spatiales qui font de la femme une usagère particulière et à part entière de la ville. Il est nécessaire de comprendre en quoi l’usage de la ville n’apparaît pas comme neutre. À travers un état des lieux des recherches sur le genre constituées dans différents domaines (sociologique, géographique, anthropologique et urbanistique) , cette première partie, posant le cadre théorique du mémoire, permettra de comprendre comment se sont fabriqués les fondements du genre dans notre société et la relation qu’il entretient avec l’espace urbain. Ils seront mis en parallèle avec l’architecture, discipline prioritaire à notre recherche. La ville, l’espace public, l’aménagement urbain et la mobilité y seront discutés sous le prisme du genre. De même, cette première entrée en matière étudiera l’introduction du genre dans les politiques publiques à travers des nouveaux modes de planification des villes. Du militant au politique, quelles solutions sont apportées pour aboutir l’idéal de la ville partagée ? Dans un second temps, la notion théorique de gender mainstreaming, approche préventive et transversale visant à intégrer la dimension de genre dans les politiques publiques (IGVM, 2020), sera quant à elle développée et mise en parallèle avec son application pratique en Europe et Belgique. En effet, les États-Unis et le Canada sont des pays précurseurs en termes d’études de genre. De nombreuses initiatives et mesures en faveur de l’égalité de genre y ont été mises en place et ont suscité un important débat. Mais qu’en est-il de l’Europe, bien que Vienne tend à s’afficher comme une référence en matière de ville inclusive, qu’en est-il d’un point de vue politique et législatif ? Plus particulièrement, où la Belgique se situe-t-elle face à l’intégration du genre dans ses politiques urbaines ? 16


Suite à l’émergence, au niveau fédéral, de la loi belge de gender mainstreaming en 2007, la région bruxelloise a décidé d’inclure la dimension de genre dans les politiques de la région de Bruxelles-Capitale. Elle l’a notamment intégré dans les instruments de planification stratégique des services publics d’urbanisme et de mobilité. De telles opérations se répercutent-elles au niveau communal ? Diverses actions ont eu lieu sur le terrain bruxellois telles que l’intervention d’associations féministes dont l’ASBL Garance 1 fait partie. Cependant, la Wallonie se fait plus discrète sur le sujet. Seule une ville se démarque largement et n’est autre que sa capitale : Namur. Pour terminer, ce mémoire s’attachera à explorer le cas pratique de la recherche : la ville de Namur. Depuis peu, elle manifeste son interêt d’évolution vers une agglomération durable et égalitaire. C’est au travers de son projet de réaménagement du quartier des Casernes que nous tenterons de déterminer comment une politique de genre s’est introduite dans la ville et sous quelle forme elle se traduit dans l’aménagement urbain du projet. C’est notamment grâce au rapport des marches exploratoires réalisées par Garance et à la réalisation de trois interviews dont deux sont le fruit du travaille de Hortense De Brouwer, étudiante en management territorial et développement urbain, que nous étudierons ce cas. Néanmoins, la recherche se limitera à une analyse purement descriptive et critique puisque, le projet n’étant pas encore abouti, il ne sera pas possible de comparer la finalité du projet avec la réalité du terrain. En revanche, des hypothèses pourront être soulevées en vue de tenter d’évaluer la fiabilité de la démarche entreprise par la ville de Namur.

ASBL Garance est une association sans but lucratif qui lutte depuis sa création en 2000 contre les violences basées sur le genre. http://www.garance.be/spip.php?rubrique3 1

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1

SUJET FÉMINISME

3

INÉGALITÉS DE GENRE GENDER STUDIES

Be

GENRE ET ESPACE ? Abordés par : - sociologues

QUI?

GENRE ET VILLES OÙ?

- Canada - Autriche - France - Belgique

- géographes - anthropologues - mandataires communaux - urbanistes - architectes Espaces non construits

QUOI?

espaces public + urbanisme

Flandre Région de Bruxelles Capitale Wallonie

pays en retard au sujet du genre

P R O B L E M A T I Q U E

N OÙ?

Prem

R QUOI?

201

signatu «l’égalité

person

201

genre pris en compte dans les instruments de planification stratégique des services publics (urbanisme + mobilité)

IMPO

Pavillon

POLITIQUES GENRÉES

2007 LOI GENDER MAINSTREAMING = intégration structurelle de la dimension de genre dans l’ensemble des politiques définies, menées au niveau fédéral belge

+ gender budgeting niveau

communal PLAN D’ACTIONS

2

La prise analyse prémices potentiell construct égalitaire

QUESTION/HYPOTHESE

Comment une politique de genre est-elle mise en place dans une ville et quelle est sa traduction à travers l’aménagement urbain de ses projets ?

Comment rapport expérienc

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ETAT DE L’ART Mémoire

3

Donatienne PORTUGALES

NAMUR CONTEXTE

mière ville belge à intégrer le genre dans le

REAMENAGEMENT D’UN QUARTIER

+

nne référence

= ENGAGEMENT

16 plan Gender Mainstreaming adopté

- Sacco, M., Paternotte, D.(). Partager la ville. Genre et espace public en Belgique Francophone (pp. 200). Ottignies, Louvain-la-Neuve : Editions Academia.

Pavillon Aménagement urbain - aux rythmes de Namur : le projet du quartier des casernes. https://www.pavillon-namur.be/les-projets/un-nouveau-quar tier-aux-caser nes

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METHODOLOGIE APPROCHE INDUCTIVE

CAS D’ETUDE COMMENT?

ECRITURE INCLUSIVE

Recherches dans la presse : sélection d’articles cohérents et d’avis différents

QUARTIER DES CASERNES Projet « Coeur de Ville»

13

ure charte de é des chances»

«Etude de développement d’un plan d’implantation du Gender Mainstreaming au sein de la commune de Namur.»

- Luxembourg, C., Faure, E., & Hernandez-Gonzàlez, E. (2017). La ville quel genre ? L’espace public à l’épreuve du genre (pp. 302). Montreuil : Le Temps des Cerises.

TERRAIN elgique francophone

4

Identifier PERSONNES

et

QUI? SCHEMA DES ACTEURS

2009

Réalisation du PRU sur quartier

OSE le critère «genre» dans tous les appels d’offres n de l’aménagement urbain demande ANALYSE GENREE

QUOI?

Dit

ARGUMENTATION

CHRONOLOGIE DU LIGNE DU TEMPS

2016

M a r c h e s exploratoires - rapport ASBL G a r a n c e

interroger RESSOURCES

2017

Remise des offres

PROJET

2018

du

Début des travaux

Rédaction du cahier des charges

par l’ASBL Garance

2019

Dépôt

Désigna- p e r m i s + tion lauréat + Révision Octroi permis du projet

INTEGRATION DE LA ? DU GENRE

e en compte d’une genrée lors des s d’un projet peut-elle lement répondre à la ction d’espaces es?

ANALYSE GENRÉE DU PROJET Comparaison des recommandations des marches avec l’idéologie du projet

6 SYNTHESE et CONCLUSION

Le genre : révélateur des inégalités hommes/femmes et de leur rapport social à la ville Questionner l’architecture et l’urbanisme à travers les «lunettes du genre»

nt la ville agit-elle par à ces dispositifs, des ces d’un projet genré?

Résultats

Analyse et démarche du processus de genre au sein des politiques publiques à l’échelle d’une ville, d’un pays

Donner formule universelle pour la création d’espaces publics égalitaires ?

Appréhender et comprendre la planification sensible au genre et ses implications

19 Fig. 1 : Schéma de méthodologie d’analyse ©Mullens Elise inspiré du schéma de Justine Gloesener


ÉCRITURE INCLUSIVE Afin de renoncer au masculin générique et à la règle stipulant que « le masculin l’emporte toujours sur le féminin », la rédaction de ce mémoire emploie une typographie incluante qui permet d’assurer une égalité de représentation entre les femmes et les hommes dans la langue française. Ainsi, les différentes normes du Manuel d’Écriture Inclusive (Haddad, 2019) 1 ont été appliquées au présent texte. Dès lors, les mots seront accordés grâce au « point médian » comme par exemple « chacun⋅e⋅s », les « professionnel⋅le⋅s », « habitant⋅e », etc. De même, les suffixes seront énumérés en nommant toujours le suffixe féminin en premier lieu pour contrer cette tendance générale à citer le suffixe masculin d’abord (Femmes Prévoyantes Socialistes, 2017).

COMMENT PARLER DU GENRE SANS PARLER DE SOI-MÊME ? Il est difficile de parler de genre sans parler de questions d’ordre intime telles que l’identité et la sexualité qui y sont directement liées. De même que lorsque les chercheur⋅e⋅s sont individuellement engagé⋅e⋅s dans des luttes personnelles faisant écho à leurs travaux, nos configurations personnelles peuvent amener à des problématiques de légitimité. Pourtant ne sommes nous pas tous en quelques sortes spécialistes du genre puisque nous en avons tous un ? Il est alors admis d’adopter une posture réflexive au sein de la recherche afin d’avoir conscience que son propos est influencé par sa propre condition sociale et ses expériences vécues. Ainsi, à condition d’adopter une attitude réflexive, parler de son genre est une manière de comprendre les normes de genre qui nous entourent.

Disponible en ligne : https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/initiative/manuel-decriture-inclusive/#:~:text=Initiative%20%3A%20MANUEL%20D’ÉCRITURE%20INCLUSIVE&text=L’écriture%20inclusive%20désigne%20l,de%20représentations%20des%20 deux%20sexes 1

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1


PARTIE 1: CADRE THÉORIQUE - ÉTAT DE L’ART 1 -

CADRAGE

La premier temps de la question est exposé par le biais de cette partie théorique. Elle se développe autour de diverses recherches dans des domaines tels que la sociologie, la géographie, l’anthropologie, le féminisme, l’urbanisme et l’architecture. Afin de mieux comprendre la notion de genre et son implication dans l’espace urbain, de multiple lectures ont été nécéssaires et ont ainsi enrichi notre réflexion. Elles sont de nature variée et regroupent divers éléments. Cependant, dans un soucis de faisabilité, elles ont été limitées à leur lecture francophone et se situe plus ou moins entre 1990 et 2020. Un constat important en ressort : très peu de documents sont écrits par des architectes, et quand c’est le cas, ce sont pratiquement toujours des urbanistes. En abordant les concepts généraux sur le genre, cet état de l’art permettra ainsi de rendre compte et de situer la construction du genre au sein de notre société et sa répercution sur l’organisation de l’espace urbain. Bien qu’il en existe beaucoup d’autres, seuls certains concepts ont été choisis afin d’être en lien direct avec la question de recherche, l’urbanisme et l’architecture. Parmis ceux-ci on retrouvera celui de genre, de la ville inclusive, de l’espace public, de l’aménagement urbain, du sentiments d’insécurité, des marches exploratoires et du gender mainstreaming. De même, les mots « femmes » et « hommes » apparaitront de manière récurrente. Le mot femme ne s’apparente pas uniquement au sexe biologique, il s’étendra à l’identité et l’expression de genre en englobant toute personne se définissant comme telle. Nous considérons ici par « femme », toute personne qui s’y identifie en fonction de son appartenance apparente et socialement admise de sexe, considérées d’ordinaire comme des victimes de discriminations diverses et subissant les effets d’une domination de genre (surtout masculine). De plus, le mot « femme » englobe toutes les personnes se définissant comme telle et qui dans leur diversité, ont des vécus de la ville différents dans une conscience ou non des rapports de domination qui bercent l’espace public. 22


2 -

LE GENRE : DU CONCEPT AUX RÉALITÉS DU TERRAIN

2.1.

Le genre

Afin de questionner les pratiques de la ville à travers les femmes, il semble nécessaire de définir le principe du genre à travers ses différents variations. C’est en 1986 qu’une des premières définitions du genre apparaît dans l’article « Le genre, une catégorie d’analyse historique utile » de Joan Scott, historienne américaine spécialisée dans l’histoire des femmes. Elle définit le genre comme « un élément constitutif des rapports sociaux fondés sur les différences peçues […] une façon première de signifier les rapports de pouvoir » (Scott, 1988, p.141). De fait, le genre est présent depuis toujours dans les mœurs puisque ces normes nous sont transmises dès le plus jeune âge au travers d’une éducation genrée transmettant (parfois imposant) aux individu·e·s leur rôle de genre. Par exemple, les petites filles, symbolisées par le rose, se voient offrir des poupées, des cuisinières et des coiffeuses alors que les petits garçons, synonymes de virilité, ont droit aux voitures, camions et armes. Ces rôles de genre sont construits et ne cessent d’être alimentés par des stéréotypes qui sont le reflet d’une généralité ne tenant compte que des attributs dominants qui banalisent les femmes et les hommes sans prendre en compte les particularités de chacun·e. Contrairement à des catégories biologiques telles que mâle et femelle, le genre renvoie directement à des catégories sociales telles que le féminin et le masculin. Le genre se différencie donc du sexe homme/femme pour construire un masculin et un féminin. Puisqu’il relève de l’organisation sociale des relations entre les sexes, il est un produit de la société et de ses perceptions des êtres humains. Il s’inscrit dans le temps et dans l’espace en tant que produit culturel et y fait naitre un système essentiellement binaire, reliant toutes les différences, ne pouvant être expliquées par leur biologie, relevées entre les hommes et les femmes, tant au niveau social, économique, politique ou encore culturel (Bisilliat & Verschuur, 2000). Au cours des vingt dernières années, le terme genre s’est vu attribuer de nombreuses tentatives de définitions. Par exemple, les sciences sociales le définissent comme une construction sociale, un processus relationnel qui se définit par des rapports de pouvoir, un système de hiérarchie qui n’est pas déterminé par les caractéristiques biologiques. Par ailleurs, la sociologue et anthropologue Béatrice Borghino en donne une définition se rapprochant mieux de notre propos : « le genre n’est pas défini par les caractéristiques biologiques que sont le sexe féminin ou masculin, il relève de la construction sociale, qui est historique, sociologique et culturelle de ce qu’est (ou devrait être) une femme ou un homme, le féminin ou le masculin. 23 (…) Le genre est en quelque sorte le « sexe social » d’une personne » (Borghino, 2009, p.3).


En effet, pour le géographe Guy Di Méo, « le genre n’explique pas tout. Sans les structures sociales qui le fabriquent, il n’est rien » (Di Méo, 2012, p.111). D’autant plus qu’il est interactif et transversal puisqu’il s’opère dans toutes les sphères de la société. Il n’existe pas de symétrie dans la relation entre les femmes et les hommes. D’ailleurs, le terme « genre » s’est imposé dans les sciences sociales anglophones en vue de contrer le déterminisme biologique caractérisé par les expressions de « sexe » et de « différence sexuelle » (Scott, 1998). Malheureusement, le genre reste intrinsèquement lié au sexe et a du mal à dépasser complètement la logique binaire des sexes et la hiérarchie qui leur est attribuée. Toutes ces théories peuvent être nuancées par d’autres théories contradictoires. Certain.e.s auteur.e.s féministes remettent en question le genre en refusant les principes d’hétéronormativité qui l’accompagnent. Judith Butler, par exemple, lui préfère un discours de queer et « met en cause le binôme sexe anatomique contre genre social » (Bulter, 2006). Cependant, il ne convient pas ici de faire référence à ces théories mais simplement d’être conscient·e que d’autres théories ne cessent d’apparaître et de réinventer le genre. Guy Di Méo le confirme : le genre est « avant tout une réalité extrêmement variable et en constante mutation » (2011). Certes, l’identité de genre est définie par de nombreux autres critères qui diffèrent de celui de notre sexe. Elle s’acquière avec le temps. Être une femme ou un homme ne veut pas forcément dire se sentir comme tel. C’est le genre qui nous rend socialement à l’aise (Biarrote, 2017). Pourtant, dans une grosse majorité des cas, on ne se réfère généralement au genre que pour parler des femmes. Il ne convient pas ici de traiter les femmes comme des êtres exceptionnels, vulnérables, qu’il faut protéger à tout prix mais au contraire d’utiliser l’analyse de genre en urbanisme afin de promouvoir l’égalité au sein de la société. En effet, le concept de genre permet d’interroger la hiérarchie établie et la répartition du pouvoir entre les femmes et les hommes. Il permet d’analyser les redistributions dites inégales des ressources, des responsabilités et du pouvoir entre ces deux groupes (Grarance, 2017). En questionnant le lien qui unit le genre et l’espace urbain et en explorant la ville sous le prisme du genre, il est possible d’analyser les processus de domination sociaux et spatiaux. Les villes ont un rôle essentiel dans la production, la consommation et la reproduction de normes et d’identités de genre (Blidon, 2016). Les hommes et les femmes ne sont pas radicalement opposés dans l’usage des espaces. D’ailleurs, toute femme (et tout homme) ne pratique pas l’espace de manière identique. Parler des femmes dans la ville impose de ne pas les généraliser dans un profil type mais de prendre en compte les populations dites « dominées » (Di Méo, 2011). Le concept de « genre » sera donc utilisé comme une production sociale et territoriale des identités liées au sexe en gardant à l’esprit qu’elles instaurent un rapport d’inégalité et de domination qui s’exerce dans la société au dépens du féminin ; la ville qui cantonne les femmes à l’intérieur de « murs invisibles » (Di Méo, 2012) limitant leurs pratiques du monde urbain. 24


LE GENRE C’EST QUOI ?

CATÉGORIES BIOLOGIQUES Attiran ce s

SEXE BIOLOGIQUE

Féminin

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Masculin

elle onn oti

le/ physique/ é uel m ex

ce

Se

gné à la naiss assi an e x

ATTIRANCE

Bisexuel·le Asexuel·le Pansexuel·le ...

Homosexuel·le

Hétérosexuel·le

CATÉGORIES SOCIALES

Non binaire ender uid Agenre ...

Homme

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25 Femme

IDENTITÉ DE GENRE

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LE GENRE

nce des sexe ére s iff

t sociale de la e e d qu

EXPRESSION DE GENRE

FÉMININ

«Androgyne»

MASCULIN ©Marianne Le Berre


2.2.

Genre et Espace

Le concept « d’espace » conçu, selon Giolitto, comme « une des catégories fondamentales de la pensée » (as cited in Rey, 2002, pp.347-359), se construit progressivement lors du développement de l’individu. Ainsi, les premières notions d’espace apparaissent dès l’enfance et correspondent à une représentation différente liée à l’expérimentation de son cadre de vie immédiat et de son environnement proche. À l’adolescence, il s’ancre dans des représentations d’espaces plus vastes : du quartier à la ville, de la ville au vaste monde (Rey, 2002). L’espace se distingue alors entre privé et public, construit et non construit. En effet, l’espace serait le fruit d’une division en deux entités séparées : la sphère du public et la sphère du privé. Cette division, qui repose sur un modèle économique et social patriarcal du XVIIIèeme siècle, est « la transposition de la division économique entre production et reproduction. » (Blidon, 2016, p.243).

Di Méo et l’espace construit. Bien qu’il y ait eu de nombreux changements dans l’utilisation que font les femmes de l’espace, à travers leurs comportements spatiaux, en raison de la généralisation du travail pour tou·te·s et du développement de la mobilité, les recherches féministes présentent encore trop souvent les femmes comme les victimes d’une organisation urbaine qui les cloître à la maison et à la proximité résidentielle. Globalement, les femmes rencontrent des obstacles qui leur interdisent habituellement de bénéficier d’une légitime équité sociale et spatiale (Di Méo, 2012). Entre autres, l’architecture des maisons bourgeoises traditionnelles traduisait déjà l’influence et le contrôle du genre sur la hiérarchie de la disposition des pièces. Ainsi, plus une pièce était proche de la rue, plus elle était publique et masculine. Par exemple, le bureau et le salon se trouvaient généralement à l’avant de la maison, contrairement à la cuisine qui, elle, parce qu’associée directement à la femme, se trouvait à l’arrière du jardin. Déjà à travers l’habitat, les femmes ne pouvaient participer à la vie et l’activité de l’espace de la rue. De même, les catégories politiques du public et du privé renvoient de manière presque équivalente à celles des sexes. L’hypothèse de l’espace géographique sexué caractérise l’intérieur comme plutôt féminin et l’extérieur comme plutôt masculin. En effet, les charges ménagères et familiales concernent toujours prioritairement les femmes et leur participation au partage du travail rémunéré avec les hommes, qui s’étend au-delà de l’habitat, est inférieure. En moyenne, elles y consacrent 1h21 de plus par jour que les hommes (Insee, enquête Emploi du temps 2009-2010). Ainsi, en Belgique, en 2015, seuls 32,5% d’hommes contre 81% de femmes réalisent des tâches domestiques au sein de leur foyer (Le Soir, 2018). De ce constat nait une dichotomie distinguant, d’une part, le masculin, public et extérieur et, d’autre part, 26


le féminin, privé et intérieur (Di Méo,2012). De même, Blidon dans son article Espace Urbain mentionne que « l’espace public étant dévolu aux hommes et l’espace privé, confondu avec le foyer ou la sphère domestiques, aux femmes. » (2016, p.243) En définitive, l’espace privé où régnait la domination patriarcale et masculine, a longtemps abrité les femmes et l’exploitation de leur force de travail sous une certaine forme d’emprise. C’est d’ailleurs cet espace de l’intérieur et de l’intime qui a renforcé leur infériorisation sociale (Di Méo, 2012).

Louargant, Blidon et l’espace public. « Les espaces se veulent [a priori] des espaces mixtes, de mobilités, de rencontre, d’échanges entre individus. De par leur caractère public, ils remplissent des fonctions essentielles de la vie collective » (Louargant, 2015, p.50). Cependant, l’accès à l’espace public ne se fait pas de la même façon ni dans les mêmes conditions pour tout individu (Fraser, 2011 as cited in Perreault, 2011). À la suite d’une constante croissance de l’urbanisation, les espaces sont dit être pensés neutres et imaginés mixtes. Pourtant, une fois questionnés sous le prisme du genre, la sexuation de l’espace et les inégalités qui en découlent apparaissent. En effet, l’idéal de la domesticité et de la séparation des sphères s’est aussi traduit dans des projets urbanistiques et architecturaux. Néanmoins, cette séparation a été mise à mal dans les années 1960 avec l’ouverture du marché du travail salarié aux femmes (Blidon, 2016). Suite à leur émancipation, en partie due à leur accès au travail, leur indépendance économique et la revendication de leurs droits, les femmes se sont vues conquérir les villes et les métropoles. L’héritage de la ville moderne nous montre qu’il y a une division et un cloisonnement de l’espace urbain. Enfin, un paradoxe émerge entre la reconnaissance d’une égalité des sexes qui devient socialement acceptable et tend à s’inscrire dans les actions publiques tandis que les réelles initiatives à l’égard de l’égalité entre les femmes et les hommes restent discrètes et souvent camouflées derrière d’autres enjeux désignés comme majeurs. C’est dans ce contexte qu’émerge, en Europe, « une politique publique qui prône le changement social, environnemental, mais qui utilise des modes de pensée et des outils d’une redoutable fixité, rivés à des normes masculines, pour les territoires en quête de transformations urbaines » (Louargant, 2015, p.51). Les usages de l’espace urbain se retrouvent alors questionné au travers du prisme du genre par les féministes, remettant en cause la « supposée » vulnérabilité des femmes (Blidon, 2016). 27


2.3.

Genre et Ville

Lire la ville à travers le genre : quelle est la place du tou·te·s ? La ville, dans sa conception moderne, est l’espace de liberté et d’émancipation. Ainsi, « civilité et urbanité, liberté et émancipation seraient le propre des villes, en particulier des métropoles qui conjuguent densité, aménités et anonymat » (Blidon, 2016, p.242). L’urbanisme et, par extension la ville, naissent lorsque les hommes cessent d’être des nomades chasseurs-cueilleurs pour se fixer en un lieu. Virginie Despentes dans son ouvrage King Kong théorie (2006) démontre que « l’espace urbain est le produit de représentations et d’usages sociaux qui le façonnent » (as cited in Blidon, 2016, p.242). Cependant, au fil du temps, la ville s’est empreinte de stéréotypes et de normes réductrices. En effet, les femmes et les hommes, articulés dans un système de domination des un·e·s sur les autres, ont été enfermé·e·s dans des rôles. Menant au déséquilibre, cette évolution a réduit le champ des possibles en termes d’organisation et d’aménagement du territoire. La ville et la rue, devenues le domaine du masculin, sont menées par des politiques basées sur un modèle implicitement masculin d’organisation de la vie quotidienne. Les femmes s’adaptent alors difficilement à la vie urbaine et la ville n’essaie pas non plus de s’adapter aux rythmes des femmes. Si bien que les pratiques, en fonction des lieux et de la manière dont chacun·e les perçoit, sont en permanance adaptées (Blidon, 2016). Pendant longtemps, les géographes ont étudié les inégalités au sein des villes par le biais des classes sociales matérialisées par des quartiers, des déplacements et des logements. Toutefois, l’écart entre la présence des femmes et celle des hommes dans la ville ne peut être réduit à la place des inégalités économiques de ces classes dans l’espace urbain. Cependant, lorsque l’on revêt les « lunettes du genre » pour étudier la ville, celle-ci apparaît inégalitaire (Raibaud, 2015). Ainsi, l’interêt du genre, lorsqu’il est considéré comme une catégorie relationnelle, est de montrer que l’espace urbain est le produit de la relation entre masculinité et féminité (et pas seulement entre hommes et femmes), ce qui suppose l’examen des espaces physiques mais aussi symboliques et politiques que les femmes occupent dans la ville (Mosconi, Paoletti, Raibaud, 2015, p.24). De ce fait, l’emprise spatiale des femmes sur la ville est moindre et leurs déplacements se trouvent rationnalisés en fonction des obligatoires qui s’imposent à elles. Le genre est un facteur explicatif important de leur rapport spatial à la ville (Di Méo, 2012).

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Certes la femme est bel et bien présente dans la ville du XXIème siècle car elle y vit, travaille, fait ses courses,… Elle fait partie de l’espace urbain. Cependant, s’octroient-elles les mêmes libertés de circulation dans les villes que les hommes ? Bien qu’elles se déplacent aujourd’hui légitimement dans la sphère publique et ce, presque autant que les hommes, elles ne pratiquent pas la ville de la même manière. Dans cette optique, les travaux de Jacqueline Courtras (1996) et Marylène Lieber (2008) démontrent que leur accès aux villes est inégalitaire. En effet, la « ville durable » montre des formes de production masculine de l’urbanité contemporaine revendiquée comme égalitaire (Raibaud, 2015). D’ailleurs, lorsque les femmes s’y déplacent, elles sont souvent mises en garde contre une potentielle possibilité d’insécurité :

© Lauren Elkin, 2017

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« Lorsque vous sortez : évitez les lieux déserts, les voies mal éclairées, les endroits sombres où un éventuel agresseur peut se dissimuler. Dans la rue, si vous êtes isolée, marchez toujours d’un pas énergique et assuré. Ne donnez pas l’impression d’avoir peur », telle était la recommandation faite aux femmes sur le site du ministère de l’Intérieur (supprimé depuis 2012), (Raibaud, 2015, p.31).

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Entre récit et essai, Flâneuse raconte ces femmes qui sont sorties dans les rues pour se réapproprier l’espace public. « Et si l’espace urbain était une métaphore de l’espace public, tous deux longtemps interdits aux femmes ? Et si, pour se réapproprier l’espace public, les femmes devaient s’approprier les rues de leurs villes, les sillonner, les apprendre, pouvoir s’y perdre sans peur ? Flâneuse, le livre de Lauren Elkin, est justement sous-titré reconquérir la ville pas à pas.» © les inrockuptible - Nelly Kaprièlian.


2.3.1.

La ville, territoire des masculinités

Montrer que 75 % des budgets publics destinés aux loisirs des jeunes sont consommés par des garçons ou que 100 % des équipements de loisirs sportifs d’accès libre sont occupés par eux, revient à interroger la ville sous une autre focale : une ville faite par et pour les hommes (Raibaud, 2015, p.38). Pendant longtemps, la ville et par extension sa géographie, ses politiques, son urbanisme et ses espaces publics, ont été produits presque exclusivement par des hommes ; entre autres, des géographes, urbanistes, architectes. De même, les hommes politiques s’appropriant ces fonctions comme spécifiquement masculines. Ainsi, ces façonneurs aveugles aux inégalités sexuées, conçoivent d’une manière ou d’une autre la ville où les femmes se rendent invisibles sans se questionner sur leur position marginale et dominée (Di Méo, 2012 ; Raibaud, 2015). Ces constructions de la ville nous sont imposées dès l’enfance et l’adolescence. L’utilisation inégale qui se reflète à travers les installations présentes dans les espaces extérieurs des écoles en est un parfait exemple. Qui n’a pas connu les fameux goals et panneaux de baskets, leadeurs des cours de récréation ? La cour d’école peut être appréhendée comme le miroir de l’espace public, préparant les enfants aux rapports sociaux, à la liberté et à l’autogestion qui perdureront, une fois adulte, dans la ville. Ainsi, lorsque l’on observe les cours de récréation, on remarque que les filles s’approprient un espace limité et utilisent souvent les marges ou les recoins de la cour pour jouer ou en se repliant sur le banc pour discuter. Elles occupent le plus souvent la périphérie de l’espace tandis que les garçons s’approprient le centre de la cour (Ruel, 2006). Partant du constat que l’aménagement de l’espace de la cour d’école n’est pas neutre, il est nécessaire que ce lieu soit pensé mixte et égalitaire afin que chacun·e puisse se sentir légitime jusqu’au delà de ses murs. L’adolescence est une période de construction et de recherche où la mixité a une position centrale dans les besoins de confrontations et d’échanges avec l’autre sexe. La ville par ses espaces de loisir, de sport et de culture joue un rôle important dans l’émancipation des jeunes et la construction de leur identité. Pourtant, cette première, à travers les équipements de loisirs qu’elle propose, contraint les filles et les garçons à ne pas se mélanger au sein des lieux publics. Ce renforcement des stéréotypes sexués et de la non-mixité dans l’espace public esquisse l’invisibilité des femmes dans le paysage urbain. 30


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©Hatim Kahgat


2.3.2.

La ville inclusive

Le genre qui produit la ville et la ville qui produit le genre. Lorsque l’on cherche à mettre en œuvre un « urbanisme inclusif », on a tendance à définir des « groupes vulnérables » (« les femmes immigrées », « les parents isolés », par exemple) et à planifier pour eux au lieu de planifier avec eux. En d’autres termes, les femmes se retrouvent à faire partie du décor, au lieu de faire partie des acteurs (Fainstein et Servon, 2005 as cited in Tummers, 2015, p.67). La ville d’aujourd’hui est empreinte de nombreux enjeux dont un enjeu social majeur auquel les collectivités territoriales et les professionnel·e·s de l’aménagement doivent répondre: celui de concevoir des espaces praticables et accessibles par tou·te·s., c’est-à-dire concevoir une ville égalitaire, mixte, démocratique et accessible : la ville inclusive (Clément & Valegeas, 2017). Celle-ci doit être abordée au sens large, de façon plus globale et selon un partage de l’espace public plutôt qu’une séparation. En 2016, Anne Hidalgo déclarait : « La ville inclusive, c’est la réponse aux défis sociaux, environnementaux et économiques du XXIème siècle ». En effet, toutes ces nouvelles préoccupations sociales intégrées au sein des villes tentent de répondre au concept de la ville inclusive ; ville durable, désirable, créative, intelligente, qui renvoie à la richesse et surtout à la mixité (Genestier, 2010). Plus encore, elle est un moyen d’inclure les personnes vulnérables dans nos villes (Gardou, 2012). De plus, en essayant d’intégrer la question de genre à travers l’urbanisme et les politiques locales, on peut aspirer à une ville plus inclusive. Cependant, la notion d’inclusion doit s’étendre également à l’accès aux ressources offertes par la ville. Une recommandation de la Commission européenne de 2008 y fait écho : L’inclusion active consiste à permettre à chaque citoyen, y compris aux plus défavorisés, de participer pleinement à la société, (…) [de plus elle] vise à traiter différents problèmes : la pauvreté, l’exclusion sociale, la pauvreté des travailleurs, la segmentation des marchés du travail, le chômage de longue durée, les inégalités hommes-femmes. Néanmoins, la ville reste la production de ses usager·e·s. L’architecture des espaces ne peut résoudre les inégalités que si le discours et les valeurs qu’elle propage sont adoptés par ses utilisateur·e·s. En outre, la ville égalitaire nécessite une prise de conscience collective. Dans sa timide application, le terme « ville inclusive » se voit souvent caché derrière la ville « accessible » et la question du genre y reste minoritairement évoquée. 32


La ville inclusive ne doit pas être une image de la ville où tout est adapté pour les personnes qui ne sont habituellement pas évoquées mais un moyen de donner la parole à ceux qui ne l’ont pas. En outre, la ville inclusive est peut être une utopie. « L’utopie permet de rêver des renversements sociaux, des modes de fonctionnement, des relations humaines, et ce faisant, elle contribue à les construire. […] Comme l’utopie sert à dessiner un ordre social idéal, l’architecture sert à inscrire dans l’espace un ensemble de valeurs, d’idéaux, de relations entre les humains » (Drapeaud, 2016). Dans un monde où l’aménagement des villes est dicté par un désir de rentabilité, la ville inclusive ne parait qu’illusions. Mais ces dernières ne serviraient-elles pas justement à ouvrir le regard et le champ du possible vers d’autres manières de construire la ville ?

2.4.

Espaces publics - Aménagement urbain 2.4.1.

Genre et espaces publics

« L’espace public, dont la ville est une forme, souligne avec éclat la différence des sexes. » Michelle Perrot, 1997, p.149. L’ensemble des espaces publics désigne « des endroits accessibles au(x) publics(s), apparentés par les habitant·e·s, qu’il·elle·s résident ou non à proximité. Le réseau viaire et ses à-côtés qui permettent le libre mouvement de chacun dans le double respect de l’accessibilité et de la gratuité (…) des espaces physiques, localisés et délimités géographiquement » (Paquot, 2009, pp.3-9). Les espaces publics ne sont pas à confondre avec l’espace public, qui n’est ni géographique ni territorial, et relève du lieu du débat politique, de la confrontation des opinions privées. Le Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés complète la définition de Thierry Paquot : « au sens strict, [il désigne] un des espaces possibles de la pratique sociale des individus caractérisé par son statut public » (2013).

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L’espace public est une notion intrinsèque de la ville qui est utile pour étudier les enjeux urbains. C’est à la fois un espace symbolique et matériel, sphère des débats publics où se concentrent les politiques, les syndicats et les associations sans oublier la gestion urbanistique et architecturale. Cependant, constitué d’espaces géographiques organisés de façon urbanistique, il est l’espace matériel où les interactions sociales ont lieu. L’espace public est tout simplement l’ensemble des lieux de rassemblements, de passages et de circulation qui sont à l’usage légal de tou·te·s. Non seulement, à travers


ses différentes pratiques, il est une notion construite et modulée par les acteur·e·s qui le traversent. Mais encore, par ses espaces de rencontres, de loisirs et d’expériences, l’espace public tend à se superposer à l’espace social (Di Méo, 2005). Ainsi, il est le cadre nécessaire à la mise en œuvre du droit à la ville (Lefebvre, 1968), « impliquant certes le droit d’y être présent·es mais également d’être instigateur·trices de sa transformation. (…) donc une égalité fondamentale de son occupation » (Luxembourg, 2018, pp.23-61). Pour Hannah Arendt, la notion « d’espace public » est « une sphère idéale pour une supposée cohabitation de l’hétérogénéité de la société ; comme terrain pour la liberté de mouvement des êtres autonomes et émancipés, libres et égaux ; un lieu de rassemblements et de débats » (Arendt, 1958). En effet, dans l’idéal démocratique, le partage de l’espace public est équitable et tout individu·e peut alors profiter des espaces communs en toute liberté d’accès et d’appropriation. Mais tout le monde possède-t-il la capacité de s’approprier un espace ? Les espaces sont-ils accessibles pour une large diversité d’activités et de publics ? L’espace public est-il le reflet d’une ville dans laquelle tou·te·s se sentent à l’aise et peuvent circuler sans danger ? L’espace public et les espaces publics en général sont dits neutres en termes de genre, ils sont accessibles par et, pour tou·te·s. Néanmoins, pendant longtemps, ceux-ci ont été exclusivement réservés aux hommes. Malgré l’ère d’émancipation dans laquelle nous nous trouvons, le modèle d’organisation de l’espace public reste toujours majoritairement masculin. Contrairement au modèle neutre et équitable revendiqué durant des siècles, il ne laisse que peu voire pas de place pour les expériences et les besoins spécifiques des femmes. Selon Antoine Fleury, l’idéalisation de l’espace public, œuvre des politiques urbaines, « dissimule à la fois la diversité des usages et la complexité des systèmes d’acteurs, ces derniers étant notamment pris dans des logiques de pouvoir » (Fleury, 2009). Effectivement, l’espace public est rythmé par des rapports de domination entre individu·e·s contraignant l’accès égal et équitable à la sphère publique. Vu au travers des « lunettes du genre », l’appropriation des espaces extérieurs se manifeste comme différente selon notre identité de genre. En effet, Chris Blache, cofondatrice de la plateforme Genre et Ville, est formelle : Ce qui est manifeste, c’est que les femmes et les hommes n’occupent pas de la même manière l’espace public. On peut dire que les hommes occupent et les femmes s’occupent. Les hommes peuvent flâner, s’asseoir sans rien faire sur un banc, alors que les femmes ne restent pas inactives et seules dans la rue. Elles vont d’un point à un autre, pour répondre à une fonction précise. (as cited in La Nouvelle République, 2016, para.2) 34


Les représentations et les pratiques de l’espace urbain que privilégient les femmes sont dictées par une idéologie commune que Guy Di Méo explique comme « des binômes langagiers de représentations, contrastés voire antagoniques, qui s’érigent en système de distinction d’espaces, tantôt appréciés et attractifs, tantôt refusés et répulsifs. C’est entre ces deux catégories spatiales que se dressent les murs invisibles » (Di Méo, 2012, p.124). Dès lors, les femmes sélectionnent et emmurent les espaces de leur ville pratiquée et vécue en dressant des « murs invisibles » entre lieux positifs et lieux négatifs. Par ailleurs, les espaces publics sont nombreux et divers. Parmi ceux-ci, on retrouve les espaces de nature tels que les parcs publics. Ces espaces naturels, partagés par les femmes et les hommes, constituent des espaces de loisirs, de détente et de pratiques sportives au sein de la ville. Ils ont pour caractéristique commune d’être des espaces publics ouverts à tou·te·s « sans contrainte normée de fréquentation et d’usages pour les hommes et les femmes » (Louargant, 2015, p.58). Or, souvent, des nuances d’usage selon les sexes, les tranches d’âges et les moments de la journée apparaissent. Ainsi, « 54% des femmes pratiquent les espaces de nature accompagnées contre 36% d’hommes. À l’inverse, les hommes indiquent fréquenter les espaces naturels plutôt seuls (42%) plus souvent que les femmes (21%) » (ibid, p.59). Faisant ainsi écho au propos que Chris Blach avait amorcé plus haut : les hommes occupent et les femmes s’occupent. Il transparait que les possibilités d’activités offertes au sein des parcs ainsi que la manière dont sont configurés leurs équipements, influencent l’usage des citoyen·ne·s. De même, certains espaces publics possèdent des équipements qui ne profitent qu’à un certain type de public et, plutôt que de s’offrir à chacun·e, organisent et supportent une lecture d’usages genrés de l’espace. La notion d’aménagement urbain, décrite ci-après, joue notamment un rôle majeur dans l’espace public et plus particulièrement dans les espaces de nature puisqu’elle « conditionne les appropriations » (Louargant, 2015, p.62).

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La question de la présence des femmes dans les espaces publics n’est pas neuve. Elle renvoie à de nombreuses interrogations d’ordre social, moral, culturel, religieux, historique, économique, etc. « Les études de genre sur la manière dont nous occupons le territoire pour y loger, travailler, nous divertir ou nous déplacer ne sont pas encore nombreuses mais des recherches ont mis en évidence, par exemple, la perception différente des espaces publics urbains par les femmes et par les hommes » (Lienard, 2009, p. 7). Penser les espaces inclusifs et conviviaux ne veut donc pas dire séparer les hommes des femmes mais plutôt créer des ambiances bienveillantes et rendre le mobilier urbain plus inclusif en changeant les manières d’appropriation (Albert, LeMoniteur, 2018). À cet effet, la Ville de Montréal a mis en place en 2012, à travers son


Guide d’aménagement pour un environnement urbain sécuritaire 1, les six grands principes à prendre en compte lors de la conception de l’aménagement urbanistique afin de construire des espaces urbains inclusifs : - Savoir où l’on est et où l’on va. - Voir et être vue - Entendre et être entendue - Pouvoir s’échapper et obtenir du secours - Vivre dans un environnement propre et accueillant - Agir ensemble en favorisant les démarches participatives 2.4.2.

Aménagement urbain inclusif

« L’aménagement de l’espace conditionne les appropriations des espaces de nature et de loisirs pour les jeunes, les femmes, les retraités, les enfants, et se construit sur une catégorisation normative des pratiques (blancs, hétéro- sexuels, hommes), des temps (en journée), des motifs de fréquentation. » Louargant, 2015, p.62. Ainsi, comme Louargant l’explique, l’aménagement urbanistique influence considérablement les fonctions et les usages de l’espace. De plus, sa configuration peut parfois contribuer au sentiment d’(in)sécurité des femmes. Cependant, bien qu’il ait un impact important sur la sociabilisation, il reste néanmoins, avant tout, un marché (Zeilinger, 2018). De fait, la privatisation et commercialisation de l’espace public exacerbent les inégalités sociales (Tieleman & Dawans, 2015), et impactent directement les femmes. En effet, la tarification de services publics telle que les toilettes et la commercialisation de certains espaces publics, excluent des groupes avec moins de ressources économiques (constitués pour la majorité de femmes et de leurs enfants). Ainsi, la conception et la répartition des aménagements de l’espace public peuvent, en générant la reproduction de normes de genres dans la ville, être source d’inégalités. En effet, s’affichant comme neutres, les politiques d’aménagement urbain réservent cependant des pans entiers de la ville aux hommes (Raibaud, 2015). En Europe, par exemple, de nombreux équipements sportifs d’accès libre tels que les skateparks ou les citystades prouvent que les garçons sont les usagers majoritaires de la ville (Louargant, 2015). En France, 75% des budgets publics destinés aux loisirs des jeunes profitent aux garçons (Navarre & Ubbiali, 2018). Au contraire, existe-t-il ce même type Guide publié dans le cadre des activités du programme Femmes et ville de la Ville de Montréal. Il vise à « consolider les principes d’aménagement sécuritaire par une synthèse des principales réflexions en la matière et à présenter divers paramètres d’application dans les principaux types de lieux urbains » (Paquin, 2002, p. 8). en ligne : http://ville. montreal.qc.ca/pls/portal/docs/page/femmes_ville_fr/media/documents/Guide_amenageme nt_environnement_urbain_securitaire.pdf 1

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d’aménagement et d’équipement (avec les mêmes budgets financiers) pour un public exclusivement féminin ? Afin de contrer ces inégalités, le projet français intitulé Réinventons nos places (Mairie de Paris, 2015) a vu le jour en 2015 dans la région parisienne. À partir d’observations réalisées durant quelques mois afin de relever les usages les plus fréquents de sept grandes places parisiennes, l’association Genre et Ville 1, en compagnie du Collectif Etc2, ont imaginé des espaces inclusifs. Ils ont notamment envisagé différentes structures pouvant être utilisées de différentes façons. Dans cette optique, le mobilier employé n’a pas d’usage directement défini et imposé, il est appropriable par tou·te·s. Mais qu’est-ce qu’un mobilier urbain ? En quoi est-il inclusif ?

Le mobilier urbain Les citoyen·ne·s interagissent dans l’espace public par le biais du mobilier urbain. En tant que première interface entre l’individu·e et la ville, il participe à la construction de l’espace qui définit nos villes. Bancs, abris de bus, poubelles, éclairage, rangements à vélos, trottoirs, toilettes publiques et bien d’autres encore, ont des fonctions diverses qui rythment l’urbain. « Comme satisfaire les exigences de tout le monde dans l’espace public est impossible, il ne faut pas surdéterminer les lieux et proposer, au contraire, des formes abstraites [de mobilier urbain] », explique la paysagiste Emma Blanc (LeMoniteur, 2018). De même, il ne s’agit pas de créer des espaces spécifiques aux femmes mais des espaces adaptés aux besoins de tous·te·s car les femmes ne sont ni un groupe homogène ni un groupe faible pour lequel il faudrait développer des aménagements spécifiques (Zeilinger, 2018). En outre, penser l’aménagement des rues dans une perspective égalitaire ne profite pas qu’aux femmes mais contribue à l’inclusion de tou·te·s les usager·e·s des espaces publics (Badré & Daulny, 2018). Plusieurs exemples d’aménagements récents apparaissent dans nos villes en tentant de répondre à une « Think Tank et Do Tank, plateforme de recherche et d’action, Genre et Ville est composée d’urbanistes, de sociologues, d’architectes, d’artistes, dont l’objet est de rendre les territoires égalitaires et inclusifs. Nos actions interrogent et transforment les territoires par le prisme du genre de manière intersectionnelle. » (Genre et Ville, 2020) en ligne : http://www. genre-et-ville.org/page-d-exemple/ 2 le Collectif Etc a pour volonté de rassembler des énergies autour d’une dynamique commune de questionnement de l’espace urbain. Par le biais de différents médiums et de différentes compétences, le Collectif se veut être un support à l’expérimentation. Nos projets s’expriment au travers de la réalisation de structures construites, de mobilier urbain, de scénographies, de dispositifs légers, de l’organisation de rencontres ou de conférences, d’ateliers d’apprentissage. (Collectif Etc, 2020) en ligne : http://www.collectifetc.com/qui-sommes-nous/ 1

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forme d’inclusion auquel les aménagements « urbains classiques » ne satisfont pas toujours. Tel qu’il est actuellement imaginé, le banc public en donne un bon exemple. Puisque perçu comme nécessaire pour toutes personnes voulant/devant se reposer dans leur parcours, la présence de bancs publics est indispensable mais pas moins « problématique en ceci qu’ils sont majoritairement utilisés par de jeunes hommes qui tentent de s’y regrouper, ce qui, la nuit, peut susciter un sentiment de peur pour les femmes circulant à proximité » (Luxembourg, 2017). Ainsi, ces nouveaux aménagements permettraient de repenser les anciens de manière à favoriser des espaces de convivialité et de mixité. Si cette théorie est à nouveau appliquée aux bancs par exemple, la plupart d’entre eux, étant aujourd’hui orientés vers la rue, pourraient être réfléchis selon d’autres dispositions de sorte à se regrouper et favoriser les échanges (Badré et Daulny, 2018). Nous verrons plus spécifiquement à travers l’analyse de notre cas pratique que la question du mobilier urbain et notamment des bancs publics a été soulevée lors de la conception du nouveau parc urbain des casernes à Namur. Finalement, malgré l’apparition de ces nouveaux dispositifs (bien qu’il y en ait tant d’autres encore qui pourraient être développés) et la nouvelle manière de penser l’aménagement urbain de nos villes, ces initiatives restent souvent coordonnées par des collectifs de chercheur·e·s-urbanistes. Malheureusement, rares sont les programmes d’urbanisme actuellement mis en place qui remettent réellement en question les valeurs fondamentales de la pratique de l’aménagement urbain (Biarrotte, 2017). En effet, le nombre conséquent de ces productions urbanistiques est de plus en plus présent parce qu’elles sont le fruit d’initiatives associatives. Elles permettent de mettre en évidence que : « la prise en compte des inégalités de genre nécessite un travail de sensibilisation des professionnel·le·s, chercheur·e·s et étudiant·e·s en urbanisme, à penser collectivement et dans la conscience des nombreuses réalisations déjà existantes » (Biarrotte, 2017, p.34).

© Agnès Thurnaurer

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«Matrice» est une sculpture qui propose le language comme espace de déambulation. Elle est constituée des moules des 26 lettres de l’alphabet. Ainsi, la lettre n’apparaît pas en volume mais en creux, formée par les bords plus ou moins disjoints des éléments qui la composent. Le langage n’est plus un outil ou une définition mais un espace ouvert au sein duquel on se promène et se retrouve. Source : http://fernandleger.ivry94.fr/15686/agnes-thurnauer.htm

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2.5.

Le genre dans la mobilité

De même que la présence des femmes dans les espaces publics dépend des aménagements urbains qui les façonnent, elle est aussi intrinsèquement liée à leur mobilité. Marcher dans la rue, flâner dans un jardin, attendre aux abords d’une place sont autant d’actes anodins qui semblent donnés à tous et à toutes sans induire ni difficultés ni significations particulières. Or les manières d’appréhender et d’habiter l’espace, la manière d’y circuler, les lieux fréquentés comme ceux qui sont évités dépendent de chacun·e de nous, mais aussi des lieux eux-mêmes et du contexte de fréquentation. (Blidon, 2016, p. 245) En effet, les relations entretenues entre l’espace public et les personnes le pratiquant influencent les distances parcourues de chacun·e·s en les contraignant à adapter en permanence leurs pratiques en fonction des lieux et de la perception qu’ils en ont (Coutras 1997 ; Blidon 2016). La rue qui semble alors ouverte à toutes et tous montre que « tout le monde n’y circule pas et surtout pas de la même manière » (Blidon, 2016, p.245). Bien que les femmes se déplacent dans la sphère publique, leur mobilité reste traditionnellement liée au logement et donc par extension, à la sphère privée. D’où leur présence dans un périmètre rendu accessible à pied depuis leur habitation. C’est ce que l’enquête globale transport, réalisée entre 2009 et 2011 et pilotée par le STIF sur le territoire français, confirme : la portée moyenne du déplacement des femmes, tous modes de transport confondus est de 4km contre 6km pour les hommes. Pareillement, l’enquête expose que les motifs de déplacement diffèrent d’une femme à un homme puisque ces premières se déplacent davantage pour des raisons liées au fonctionnement du foyer telles que les achats et l’accompagnement d’enfants ou de personnes dépendantes (Badré & Daulny, 2018). Ces lieux de proximité résidentielle deviennent par extension la prolongation de la réalisation des tâches domestiques. D’autre part, le parcours des femmes, amenées à fréquenter des espaces urbains théoriquement plus diversifiés que ceux des hommes, ne s’accomplit pas dans une sérénité totale. « En effet, elles ne se déplacent pas partout en totale liberté de corps et d’esprit » (Di Méo, 2012,p.109). Ainsi combinés dans l’espace public, les effets de distance, de proximité et de centralité, interfèrent dans la pratique des espaces urbains par les femmes. De même, les recherches de Jacqueline Coutras (1996) ont démontré l’existence d’itinéraires urbains sexués différenciés. Bien souvent, les femmes anticipent leurs déplacements et intériorisent des cartes mentales leur permettant d’éviter les zones qu’elles considèrent comme anxiogènes (Raibaud, 2015). En somme, nous ne pouvons pas parler de mobilité sans évoquer la notion de temps. En effet, 39 les usages diurnes et noctures des espaces publics varient en fonction de la temporalité et du


genre assigné de la personne. Pour les femmes, « en tant que population éprouvant un plus grand sentiment d’insécurité » (Baumann, 2019, p.9), la voiture est ainsi devenue un moyen pour affronter la nuit. Cependant, lorsqu’elle n’est pas acquise, nombreuses sont celles qui se retrouvent discriminées face à une offre de mobilité réduite et une mauvaise sécurisation des espaces publics. Toutefois, « l’insécurité est-elle réelle ou apprise dès l’enfance, lorsqu’on inculque aux jeunes filles qu’il faut être sur ses gardes dans l’espace public ? » (Raibaud, 2015, p. 36). Afin de mieux comprendre l’impact du temps et de l’espace sur leur mobilité, le sentiment d’insécurité des femmes et sa traduction dans l’espace public sera abordé plus loin dans notre recherche. 2.5.1.

Les marches exploratoires

Comme nous venons de le voir, les femmes n’investissent pas l’espace public de la même manière que les hommes. Afin de permettre aux femmes de reconquérir la ville à travers leur mobilité, divers initiatives citoyennes permettant de se réapproprier les espaces publics émergent. Les villes ont longtemps souffert de l’absence d’une perspective de genre dans leur planification et leur gestion. Ainsi, le développement urbain s’en est trouvé limité par une gestion déficiente qui a empêché de prendre en considération les idées, les rêves, les propositions et les contributions de tou·te·s, dont notamment les femmes dans la planification urbaine (Hainard & Verschuur, 2003). Dans cette optique, sont apparues à la fin du XXème siècle différentes initiatives en vue d’intégrer une perspective de genre dans la planification urbaine. En effet, durant les années 1990, des chercheuses et urbanistes féministes européennes ont élaboré « un certain nombre de méthode pour pallier les défauts de la planification urbaine » (Tummers, 2015, p.72). [Cellesci seront abordées plus spécifiquement dans le chapitre 3 explicitant les politiques urbaines genrées.] Ainsi, la planification sensible au genre, qui renforce le sentiment de sécurité pour tou·te·s, vise à améliorer l’égalité des accès et usages de l’espace public (Zeilinger, 2018). Celle-ci réside dans la recherche participative et la consultation afin de manifester les ressentis et besoins des populations qui sont les moins souvent entendus (Booth, 1996). En parallèle, et sous l’influence du mouvement des femmes, se développent divers dispositifs participatifs qui prônent les expressions des femmes. Ceux-ci favorisent les formes de mobilités et les démarches dites focus group que Sophie Louargant définit comme : « de petits groupes qui réunissent des femmes représentatives des différentes catégories d’habitants, qui sont invitées à échanger sur leurs usages de la ville et la manière dont elles représentent les différents lieux qui la composent » (2015, p.52). Cette planification comprend divers outils dont l’un nous intéresse plus particulièrement : la marche exploratoire (Whitzman, Shaw, Andrew, 40 Travers, 2009).


« Le but des marches exploratoires est de réduire les inégalités entre les hommes et les femmes dans la manière d’occuper l’espace et dans la manière d’avoir accès à la ville. » (Poggi, 2004, p.6)

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Jane Jacobs, New York, 1964

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Les marches exploratoires ont été développées dans les années 1980 au Canada (Michaud,1997) où elles ont d’abord été expérimentées à Toronto et Montréal. Ce type de méthodologie participative constitue un outil d’analyse genrée de l’espace public. Ces marches se pratiquent selon une promenade guidée par un petit groupe de femmes dans des quartiers qu’elles fréquentent pour vivre, travailler ou pour diverses autres raisons. Bien plus qu’une simple promenade, elles sont un outil de diagnostic territorial participatif (Chaumont & Zeilinger, 2012). La réflexion et les échanges des participantes sont soumis à une certaine méthodologie leur permettant de percevoir leur quartier selon un autre angle et d’investir le rôle « d’expertes du quotidien », au même titre que les expert·e·s professionnel·e·s de la sécurité et de l’espace public (notamment les urbanistes). Souvent cette méthodologie fait intervenir des animateur·e·s pour guider les discussions, une grille de lecture avec des questions, l’inclusion des groupes marginalisés en favorisant les interactions, etc. « Au fil des expériences, il est ressorti que les marches exploratoires incitaient les marcheuses à questionner la fabrique genrée de l’espace public et à formuler des pistes pour un changement social » (Zeilinger, 2018, p.142).

Jane Jacobs (1916-2006) était une urbaniste et une activiste dont les écrits plaidaient en faveur d’une démarche originale et communautaire pour comprendre, organiser, concevoir et construire les villes. Elle plaçait la marche au cœur des déplacements en ville. Sa vision valorise l’expertise citoyenne, l’histoire et la symbolique des lieux, de même que le réseautage communautaire. © promenadesdejane.com

D’autre part, ce type de pratique émerge à d’autres endroits de la planète dans les années 1990. C’est le cas notamment en Argentine et en Autriche. Elles apparaissent un peu plus tard en France, dans les années 2000. Ces marches exploratoires se sont vues appropriées de différentes façons par de nombreuses équipes afin d’être adaptées à leurs besoins. Par exemple, la plateforme parisienne Genre et Ville les utilise sous forme de « marches sensibles » pour bousculer les habitudes et changer les points de vue. Le but est d’abord, qu’à travers un parcours défini, les participantes gagnent de la confiance en elles et qu’elles « osent l’espace public » ensuite. D’autant plus qu’elles leur permettent de « relire leur quartier vécu, de se projeter et de participer à sa redéfinition » (Genre et Ville, 2018, p.65). Néanmoins, la spécificité de l’approche de Genre et Ville nécessite un changement d’identité. Les marcheuses choisissent une autre identité que celle leur appartenant afin de s’extraire de leur vécu personnel. En outre,


cet exercice engage « un regard plus nuancé, plus complexe des rôles sociaux » (ibid). De même, en Belgique, diverses villes et associations se sont appropriées ce concept. C’est le cas notamment du service d’urbanisme de la ville de Liège et des associations féministes Vie féminine et ASBL Garance. Cette dernière s’est largement démarquée sur le territoire belge et en particulier à Bruxelles, région majeure de ses actions. Sa méthode ne se limite pas au seul inventaire des services existants mais « explore les ressentis d’(in)sécurité des participantes » (Zeilinger, 2018, pp. 139-153). De plus, contrairement au parcours de Genre et Ville, celui de Garance n’est pas prédéfini, ce sont les marcheuses qui guident la marche et définissent leur itinéraire. Elle sera davantage développée dans la deuxième partie de ce mémoire. En Fédération Wallonie-Bruxelles, l’ASBL Femmes Prévoyantes Socialistes (FPS) s’est aussi emparée de l’outil, qu’elle qualifie « d’émancipateur et de revendicateur », pour y réaliser cinq marches exploratoires où la parole est donnée aux citoyennes. Dans la lignée de l’idée de Garance, l’association mentionne que c’est « cette mobilisation citoyenne [qui] fait la grande force du concept de marche exploratoire. Les citoyennes sont dès lors actrices concrètes de la politique locale, en faisant de leurs observations, ressentis et expériences personnelles des outils de revendications pour améliorer leur environnement local. Les marches exploratoires font donc appel à une forme de démocratie participative » (Colard, 2018, p.7). Plus récemment, en 2015, l’ASBL Garance a mené un nouveau projet de marches exploratoires mais cette fois-ci, en Wallonie. En effet, leur méthode a été exploitée à Namur en vue de grands projets de réaménagements au sein de différents quartiers. Les marches exploratoires namuroises ont ainsi contribué à une prise en compte de la démarche de la part des politiques puisque les recommandations qui en ont émané, ont été intégrées au cahier des charges qui comportait une clause « une vision genrée de la ville ». Cette initiative est celle qui fera l’objet de notre analyse pratique afin de comprendre comment la ville de Namur s’est intéressée au genre dans ses politiques et dans l’urbanisme de ses espaces. Comme nous pouvons le constater, la mise en œuvre concrète de ce dispositif est souvent assurée par des associations qui mettent leur expertise et leur expérience à disposition, en proposant des méthodes participatives (Busquet et al., 2010). Généralement, les remarques soulevées lors de ces marches sont retranscrites et aboutissent en une liste de recommandations destinées aux profesionnel·le·s de la politique, de l’urbanisme et de l’aménagement. Cette pratique a prouvé que les pistes formulées n’avaient rien d’insurmontable et n’exigeaient pas des efforts difficiles de la part des dirigeants et urbanistes. Cependant, force est de constater qu’elles restent souvent sans application et inentendues des politiques qui ne les incluent pas forcément dans 42


les prises de décisions. En effet, nous verrons plus loin que cette participation est largement déconnectée du milieu décisionnel. 2.5.2.

Le sentiment d’insécurité

Ainsi, les marches exploratoires sont un moyen de soulever les anomalies présentes dans l’espace public et de mettre en lumière la perception que les femmes ont de leur ville et des endroits qui la traversent. De cette manière, une rue mal éclairée, un chemin mal renseigné, un trottoir dégradé ou encore une propreté négligée influencent considérablement l’appréhension que tou·te·s se font de l’espace public et pour certain·e, il peut se dégager un sentiment spécifique face à la ville : le sentiment d’insécurité. La mobilité et le sentiment d’insécurité sont donc deux concepts fortement associés dans l’espace urbain. Puisque, comme le démontrent des travaux anglo-saxons, « les peurs personnelles exprimées par les femmes semblent constituer une entrave à leur mobilité » (Hanmer, 1977 ; Stanko, 1990). Il conviendra d’analyser le sentiment d’insécurité dans sa dimension sociologique et des rapports sociaux de sexe qu’il entretient avec le groupe social des femmes. Il est souvent démontré que les rapports sociaux de sexe sont rarement intégrés dans les recherches sur le sentiment d’insécurité (Condon et al., 2005). Pourtant, le sexe, de même que l’âge, est un critère de vulnérabilité allant de soi (Robert, 2002 ; Roché, 1993). Ainsi, dans bien des cas « le sentiment de peur déclaré chez les femmes y est considéré comme une évidence, un effet de leur nature » (Condon, Lieber, Maillochon, 2005, p.266).

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Différents facteurs peuvent entraver ce droit fondamental qu’est l’accès à l’espace public et par extension le droit à la ville (Lefebvre, 1968). Le sentiment subjectif d’insécurité en fait partie. L’ASBL Garance le décrit comme « une crainte souvent vague qu’un événement soudain et négatif (accident, agression) puisse avoir lieu dans l’espace public » (2017, p.4). De plus, ce sentiment est lié à une multitude de facteurs sur le plan individuel, collectif et environnemental. Il est inconsciemment assujetti à des phénomènes de violence qui se manifestent, de plus en plus fréquemment, dans l’espace public. En 2015, 50% des femmes disent avoir rencontré de la violence dans la rue (Ined- Enquête, 2017) ainsi que du harcèlement sexiste ou des agressions sexuelles pour 100% des utilisatrices des transports en commun (Enquête Haut Conseil à L’Égalité, 2015). Sans compter que l’éducation à la peur de la ville chez les femmes et les filles, faisant ainsi face à ce sentiment d’insécurité dans la ville et les espaces publics, y est étroitement lié. Elles appréhendent ce sentiment encore plus une fois la nuit tombée. C’est pourquoi 40% des femmes intégrrogées déclarent renoncer à certains lieux publics pour éviter des comportements et propos sexistes (Navarre & Ubbiali, 2018).


Afin de mieux comprendre en quoi le sentiment d’insécurité et l’espace urbain sont associés, nous mettons ce premier en parallèle avec la théorie The broken window qui atteste que l’urbanisme des espaces publics et l’architecture de ses bâtiments renforcent le sentiment d’(in)sécurité de chacun·e sur la ville (Wilson & Kelling, 1982). Elle décrit la probabilité qu’un crime se produit en fonction du contexte urbain et démontre l’importance de l’apparence d’un bâtiment à la rue. Ainsi, les quartiers qui présentent un sentiment d’abandon et un manque de soins seront plus vite vandalisés impactant la perception de sécurité des utilisateur·e·s (Sugihto as cited in Médium, 2016). De plus, nous l’assimilons à la théorie Eyes on street de Jane Jacobs (1961) énonçant la surveillance passive, à travers des fenêtres donnant sur la rue, comme réductrice de la criminalité et révélatrice du sentiment de sécurité. Sentiment qui favorise l’appropriation et la citoyenneté et qui renforce le sentiment d’appartenance à une communauté (Ibid). Cette théorie constitue un élément important en lien avec notre recherche puisqu’elle permet de mettre en lien l’état général de salubrité avec l’espace public, le sentiment qui s’y apparente et la mobilité des femmes. En effet, l’ASBL Garance l’a démontré au travers de ses marches exploratoires, l’état des quartiers est un indicateur majeur pour les femmes lorsqu’elles se déplacent dans l’espace public. Ainsi, l’image qu’il renvoie peut-être un prétexte les contraignant à adapter leur parcours (Garance, 2012). Cependant, « le sentiment de sécurité dans l’espace public dépasse les seules questions urbanistiques : le sentiment de bien-être dans l’espace public ressort tant de son aménagement que de son animation, de la qualité et de la quantité des relations humaines qui s’y nouent » (Lienard, 2013, p. 3).

Les femmes et le sentiment d’insécurité Jacqueline Coutras est formelle : les femmes n’ont pas accédé à la ville socialisatrice (as cited in Brais, 1996). En effet, la ville de l’intersubjectivité est celle des rencontres, des hasards, de l’aventure, celle du flânage. Cela suppose un sentiment de sécurité dans « l’autre », une certaine forme d’anonymat. C’est dans la conjonction de ces deux éléments, sécurité et anonymat, qu’on peut expliquer que les flâneurs ne sont pas des flâneuses. (Brais, 1996, p. 178) Dans l’espace public, les femmes n’éprouvent pas la sécurité nécessaire pour être disponibles et disposées aux rencontres ou à l’insolite. La peur des femmes de subir une agression résulte d’une part d’une sociabilisation genrée continue qui présente l’espace public comme zone de non-droit pour les femmes (Coutras 2003, Stanko 1990) et d’autre part, de la violence réelle que les femmes y vivent (Lieber, 2008).C’est ainsi 44


que, pour tenter d’éviter les agressions dans les espaces publics, les femmes élaborent des stratégies dites « d’évitement » ou « d’auto-exclusion » face à ces espaces (Lieber, 2002). Elles se sentent également plus « autorisées » à pratiquer certains espaces alors que d’autres semblent plus interdits, et leur présence moins « légitime ». Ceci forme des limites spatiales qui, si elles sont franchies, les exposent potentiellement au risque de violence (Condon et al. 2005). Bien que ces stratégies d’évitement diminuent le sentiment d’insécurité et donnent l’impression de pouvoir gérer le risque, elles ont comme effet néfaste de limiter la mobilité, la liberté et finalement, le bien être et la participation citoyenne des personnes. Par conséquent, les femmes n’investissent pas l’espace public au même degré ni de la même manière que les hommes. (Chaumont & Zeilinger, 2017, p.4) Or, l’un des facteurs protecteurs contre ce sentiment d’insécurité étant la diversité des populations dans l’espace public, une spirale négative sans fin s’installe et augmente le sentiment d’insécurité ainsi que l’exclusion des femmes dans celui-ci (ibid). La géographe finlandaise Hille Koskella (1999) a notamment étudié le sentiment d’insécurité des femmes dans la ville d’Helsinki. Dans ce pays où les nuits d’été sont claires et les journées d’hiver sombres et courtes, les Finlandaises n’associent pas le danger de la nuit à la saison. Le manque de lumière, généralement considéré comme source d’angoisse, n’est pas ce qui pousse les femmes à rester sur leurs gardes mais plutôt la dimension sociale de la nuit (Condon et al., 2005). Les peurs des femmes sont nombreuses vis-à-vis des types d’agressions qui peuvent être d’ordre physique, sexuel ou psychologique. Ainsi, le taux élevé de peurs déclarées par les femmes, reflet des relations asymétriques entre les sexes, ont des incidences sur leurs pratiques dans les espaces publics. Le sentiment d’insécurité impacte leur mobilité. « La mobilité des femmes semble donc surtout affectée par des peurs qui dépassent un seuil critique en se manifestant jour et nuit, et témoignent ainsi une appréhension des espaces publics plus que des contextes de leur usage » (ibid). D’après Rachel Pain (1997) et selon les résultats de son étude à Edimbourg, la peur de la violence incite les femmes à ne pas sortir seules plutôt que de les empêcher d’aller dehors. Mais cette nécessité de devoir être accompagnées symbolise une certaine entrave à leur liberté de circulation qui renforce le sentiment de peur plutôt que de le compenser (Condon et al., 2005). En réalité il n’y a pas d’interdiction pure et dure des lieux publics pour les femmes mais plutôt une délimitation et une réduction qui rendent certains espaces impossibles. 45


3 -

LES POLITIQUES GENRÉES

L’expression politique urbaine genrée recouvre l’ensemble des actions publiques réalisées dans des espaces urbains selon une approche de genre, ce qui ne la réduit ni à des pratiques urbanistiques, ni aux actions dédiées aux femmes. Qu’il s’agisse de contextes locaux où des femmes réclament des mesures urbanistiques pour leur autonomisation ou bien que celles-ci soutiennent les propositions faites par les pouvoirs locaux, la résonance entre les différentes sphères semble nécessaire pour l’émergence de mesures efficaces. Cela passe généralement par des programmes appliquant des mesures participatives, dans lesquels les besoins et les expériences réels des groupes sous-représentés et discriminés sont écoutés et pris en compte par les professionnel·le·s et les politicien·ne·s. C’est ce que Larsson (2006) définit comme une approche bottom-up sensible au genre et considère comme la meilleure manière de réaliser de l’urbanisme féministe. (Biarrotte, 2017, pp.27-31)

Comme tous ces précédents concepts l’ont démontré, les femmes et les hommes ont des rapports aux territoires différents (Blidon, 2016 ; Di Méo, 2012 ; Louargant 2015). Ces rapports façonnent la construction des espaces urbains et donc, par extension, des villes. La ville apparaît alors comme un territoire « propice à des recherches qui proposent de mettre les lunettes du genre » (Louargant, 2015, p.49). Cependant, cette approche est souvent négligée dans sa production pour des raisons politiques mais aussi culturelles « liées au faible rôle des femmes dans le champ de l’action publique et de la recherche » (ibid). De même, l’espace public est l’espace qui relève de règles garanties par l’État. « À ce titre, parce qu’il est organisé par la puissance publique, il relève du choix démocratique. Il a vocation à être habité par tout un·e chacun·e, plus ou moins approprié par toutes et tous » (Luxembourg, 2018, p.29). Cependant, il est soumis à « une politique publique qui prône le changement social, environnemental, mais qui utilise des modes de pensées et des outils d’une redoutable fixité, rivés à des normes masculines, pour les territoires en quête de transformations urbaines » (Louargant, 2015, p.51).

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Face à ce constat, il nous paraît important de mentionner les deux questionnements majeurs que Christine Verschuur et François Hainard soulèvent dans leur écrit Relations de genre et Mouvements urbains de base (2003, p.529) : Peut-on puiser dans l’analyse des situations actuelles, l’inspiration et les idées pour redonner aux villes le rôle qui devrait être le leur, celui de catalyseur du progrès et d’épanouissement ? Quelle contribution l’analyse des mouvements urbains de base, où la participation des femmes est majoritaire, peut-elle fournir à ceux qui définissent les politiques urbaines ?

Dès lors, il convient de questionner les politiques publiques et leurs modes de gestion mis en place dans les villes. La dimension de genre est-elle présente au sein des décisions politiques? Dans quelles institutions politiques ? Quel est l’état de la conscience du genre aux différents niveaux de l’action publique ? Quel type de politique en ressort-il ?

3.1.

Le genre dans les politiques publiques

Tout d’abord, les inégalités de genre que l’on retrouve dans la ville et l’espace public se manifestent également dans le mode de gestion de la ville. Elles se traduisent par des inégalités d’accès au pouvoir et aux décisions (Hainard & Verschuur, 2003). C’est ainsi qu’au XIXème siècle, la politique se définit comme une activité spécifiquement masculine. En effet, la respectabilité de la politique populaire passait pas l’exclusion des femmes. En France, « Guizot et les organisateurs de la démocratie en marche refusaient que la politique soit l’affaire des salons, chose trop sérieuse pour être laissée à la frivolité féminine » (Perrot,1997, p.153). Tandis que les femmes se voient retirées physiquement de l’espace public (comme nous l’avons démontré dans le chapitre 2), elles en sont également écartées politiquement.

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C’est pourquoi la présence des femmes à des postes clés de gestion des politiques publiques est faible. Et, « l’absence de considération de l’économie reproductive dans la planification urbaine était, et reste, souvent liée au fait que les membres des institutions en charge de l’urbanisme sont en majorité des hommes » (Tummers, 2015, p.70). Afin d’y remédier, François Hainard et Christine Verschuur (2003) introduisent « la perspective de genre » dans le développement urbain, qui permet d’inclure un accès plus équitable des femmes au pouvoir. « Il est généralement admis que le développement urbain est limité par une gestion déficiente


plutôt que par manque de ressources financières et d’expertise technique » (UNCHS-UNEP, 2000, p.1). 1 En effet, « les villes souffrent de l’absence d’une perspective de genre dans leur planification et gestion » (Hainard et Verschuur 2003, p.535). Comme le remarque Lidewij Tummers, « l’absence des femmes dans les métiers de l’urbanisme a des répercussions sur les décisions prises en matière d’aménagement urbain, car la perception de la ville s’en trouve biaisée » (2015, p.79). Néanmoins, il ne s’agit pas de décréter la mixité dans le champ professionnel de l’aménagement, mais de la promouvoir, notamment en favorisant des équipes pluridisciplinaires. Conscientes de cette absence et voulant rétablir l’égalité, des mobilisations de femmes se sont opérées. Par exemple, l’empowerment des femmes. Le concept d’empowerment interroge fondamentalement la nature du pouvoir, couplé à une approche d’éducation populaire. Il contribue à accompagner les femmes dans la défense de leur point de vue (Guétat-Bernard &Lapeyre, 2017). Au travers de l’inclusion de la perspective du genre dans le développement urbain, il promeut un accès plus équitable des femmes au pouvoir et potentiellement un équilibre dans les relations sociales entre les hommes et les femmes. Même si cette mobilisation est accomplie en grande partie via le militantisme et le milieu associatif, elle commence à émerger dans le monde politique du XXIème siècle via leur présence dans les institutions politiques (Louargant, 2015). En effet, des directives européennes et onusiennes ont progressivement émergées afin d’intégrer le genre dans les études urbaines et les politiques publiques (Blidon , 2017). Ainsi, divers programmes d’urbanisme se penchant sur l’émancipation des femmes ont vu le jour dans le monde entier depuis 1980, avec l’objectif de « mieux inclure les femmes dans les espaces urbains et leur conception, aux niveaux politique, professionnel et citoyen » (Biarrotte, 2017, p.27). Cependant elles ne sont pas reconnues de manière systématique et il est actuellement difficile d’inclure comme enjeu déterminant pour la gestion des villes, une politique de genre (Louargant, 2015). S’il existe diverses solutions, deux de ces programmes sont plus particulièrement développés. La première approche est la réalisation d’études ou d’actions ciblées sur, ou, pour les femmes. Elle comprend les marches exploratoires réservées aux femmes, les conseils locaux de femmes ou encore les formes de transports ségrégués,… Tandis que la seconde approche consiste à faire du gender mainstreaming ou « approche intégrée de l’égalité » en français. Elle permet d’« incorporer les inégalités femmes-hommes dans l’étude ou l’action de manière transversale. On s’appuie alors sur des statistiques ventilées selon le sexe sans nécessairement adopter des mesures explicitement dédiées aux femmes » (Biarrotte, 2017, p.29). Rapport du programme conjoint « cités durables » de l’Agence des Nations Unies pour les Etablissement Humains et l’Agence des Nations Unies pour l’Environnement. 1

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Ces deux programmes qui font référence à la prise en compte des femmes dans la pratique urbanistique sont utilisés de manière complémentaire. 3.1.1.

Gender Mainstreaming

Apparu pour la première fois lors de la 3ème Conférence mondiale des Nations unies sur les femmes (Nairobi, 1985), le gender mainstreaming ou « approche intégrée de l’égalité » en français, est une approche transversale et complémentaire aux mesures spécifiques qui « a pour ambition de faire prendre en compte la perspective de l’égalité des sexes dans l’ensemble des politiques et dispositifs publics » (Dauphin & Sénac-Slawinski, 2008, p.5). Lors de la 4ème Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes (Pékin, 1995), l’approche est promue par les Organisations Non Gouvernementales (ONG) et devient un engagement des États membres. Son utilisation sera ensuite encouragée et fera l’objet d’une recommandation par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe en 1998 qui l’illustre comme « la (ré)organisation, l’amélioration, l’évolution et l’évaluation des processus de prise de décision, aux fins d’incorporer la perspective de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines et à tous les niveaux, par les acteurs généralement impliqués dans la mise en place des politiques » (IGVM, 2019). Ce « concept-méthode » (Fraisse, 2001) tend à faire le lien entre théorie et pratique selon des enjeux et des applications. En effet, le gender mainstreaming est d’une part un concept car il induit une nouvelle approche de l’égalité des sexes et, d’autre part, une méthode car il nécessite un outillage technique s’inscrivant dans les pratiques des différents acteurs des politiques publiques (Dauphin & Sénac-Slawinski, 2008). De plus, l’intérêt et la complexité de ce concept-méthode se lit à travers sa malléabilité que Sophie Jacquot décrit comme : Le gender mainstreaming est un instrument bâti sur l’ambiguïté et la polysémie, capable de recevoir et de porter des conceptions et des intérêts différents. C’est bien cette malléabilité qui lui a permis d’être introduit en tant que nouvel instrument transectoriel (2006, p. 43).

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Gender mainstreaming est une expression anglaise qui combine 2 mots : mainstreaming qui signifie « intégration » et gender qui signifie « sexe ». L’idée n’est donc pas de nier les différences sexuelles mais de garantir l’égalité entre les personnes indépendamment de leur sexe : égalité des droits, égalité dans l’accès à des métiers ou fonctions, égalité dans l’accès à des ressources (Portugales, 2014, p.2). Visant à inscrire la préoccupation de l’égalité des sexes dans les pratiques, il est un instrument pour incorporer la perspective de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les


domaines et à tous les niveaux dans les secteurs publics et privés. Cependant, il ne bouleverse pourtant pas les structures masculines existantes. D’ailleurs, différents textes communautaires témoignent du souci de définir l’approche intégrée en lien avec les politiques traditionnelles en matière d’égalité entre les femmes et les hommes (Dauphin & Sénac-Slawinski, 2008). C’est surement pourquoi, en 2008, dix ans après la recommandation du Comité des ministres du Conseil, peu de travaux comparatifs sur le sujet étaient relevés. Mais certainement aussi parce qu’il n’a pas été mis en œuvre de manière uniforme par les États membres de l’Union Européenne. Ainsi, à travers le gender mainstreaming, il est question de résoudre la tension entre le particulier et le général, d’alternative entre politiques générales qui masquent l’inégalité entre les sexes et politiques ciblées visant des catégories restreintes (Fraisse, 2008). C’est une stratégie transversale qui concerne tous les domaines de compétence et qui prévoit de diminuer les inégalités, autant pour les hommes que pour les femmes. Le champ d’action ne se retreint pas au rééquilibrage d’une situation où les femmes sont discriminées (Portugales, 2014). En visant notamment à agir en amont des processus discriminatoires et inégalitaires plutôt qu’après leur constat, il est fondé sur l’égalité des chances. Ainsi, avec le gender mainstreaming, l’égalité des chances introduit la question de la différence de situation, qui devient le pivot autour duquel s’établit le discours sur l’égalité et sur l’inégalité (Koubi, Guglielmi 2000, p. 9 as cited in Dauphin & Sénac-Slawinski, 2008). Nous l’avons démontré, l’analyse des budgets publics permet de montrer leur répartition au sein de la ville n’est pas égalitaire. Ainsi, 75 % des budgets publics destinés aux loisirs des jeunes sont consommés par des garçons (Raibaud, 2015). C’est pourquoi, le gender mainstreaming inclut également la mise en œuvre du gender budgetting. Ce dernier fait intervenir la prise en compte du genre dans la préparation des budgets et l’obligation d’effectuer un « test de genre », c’est-à-dire un rapport évaluant l’impact de chaque projet législatif et réglementation sur la situation respective des femmes et des hommes. Il implique une restructuration des revenus et des dépenses afin de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes (Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2010). En somme, la transposition du gender mainstreaming au sein des politiques et des projets d’aménagement du territoire imposerait une prise en compte des besoins de la femme afin d’éviter les effets d’un urbanisme andronormé. Néanmoins, cette approche globale est directement influencée par les réalités locales et le contexte socio-politique de territoire auquel elle est soumise. D’où sa mise en œuvre non uniforme à travers l’Union Européenne. Ainsi, si la Suède, pays de longue tradition socio-démocratique, 50 pionnière en matière de politiques urbaines sensibles au genre,


a intégré le genre dans ses politiques depuis 1994, la Belgique, elle, n’imposera la démarche que tardivement, en 2007. Le concept de gender mainstreaming est introduit dans l’institution européenne suite au Traité d’Amsterdam en 1999 qui contraint les pays ressortissant de l’Union Européenne à adopter des politiques d’égalité des droits et d’égalité des chances. Le Conseil de l’Europe a ensuite mis sur pied un institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) et une Commission pour l’égalité de genre (GEC). Suite à ces événements, en 2006, et à l’initiative du Conseil des Communes et Régions d’Europe (CCRE), une Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale est créée. Si l’EIGE, considérant le gender mainstreaming et son application dans différents domaines politiques, ne fait pas mention de l’espace public ou de la planification urbaine comme enjeu majeur repris dans ses textes législatifs, la Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale, elle, comprend des engagements en faveur d’une plus grande mixité de l’espace public (Mosconi et al., 2015). Ainsi, c’est LE document, à la fois politique et instrument pratique, proposant des mesures inclusives dans le domaine de la planification territoriale en suggérant des méthodes concrètes (CCRE, 2006, pp.26-27). Entre autres, trois articles qui abordent ces engagements nous intéressent plus particulièrement : •

Au point 2 de l’article 24 – Développement durable : « 2. Le signataire s’engage donc à prendre en compte le principe d’égalité des femmes et des hommes en tant que dimension fondamentale de l’ensemble de sa planification, ou du développement de ses stratégies, pour ce qui a trait au développement durable de son territoire. » • baine et locale :

Au point 2 de l’article 25 du 3ème paragraphe – Planification ur-

« 2. Le signataire s’engage à assurer que dans la conception, l’élaboration, l’adoption et la mise en œuvre de ces politiques et de ces plans: o Des aménagements de grande qualité sont adoptés qui prennent en compte les besoins des femmes et des hommes. » •

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Au point 2 et 3 de l’article 26 – Mobilité et transport : « 2. Le signataire reconnaît en outre que les femmes et les hommes ont souvent, dans la pratique, des besoins et des habitudes différents pour ce qui est des déplacements et des transports, fondés sur des facteurs tels que le revenu, les responsabilités concernant les enfants et autres personnes à charge, ou les horaires de travail, et que par conséquent, les femmes sont, en nombre, davantage utilisatrices des transports en commun que les hommes.


3. Le signataire s’engage donc : (a) À prendre en compte les besoins de déplacement et les modalités d’utilisation des transports respectifs des femmes et des hommes, y compris ceux des communes urbaines et rurales; (b) À faire en sorte que les services de transport offerts aux citoyens sur son territoire aident à répondre aux besoins spécifiques ainsi qu’aux besoins communs des femmes et des hommes, et à la réalisation d’une véritable égalité des femmes et des hommes dans la vie locale. »

[Cependant], une certaine tension se joue entre le caractère prétendument invasif du gender mainstraming, dont le but est de concerner tous les acteurs de la prise de décision, tous les domaines des politiques publiques. On peut dire, en effet, que « si le genre est de la responsabilité de tous en général, il n’est la responsabilité de personne en particulier (Pollack, Hafner-Burton, 2000, p.452). De même, si le gender mainstreaming relève de toutes les politiques, il devient inutile de fixer des priorités (Sainsbury & Bergqvist, 2008, p. 119). En définitive, ce chapitre introductif sur le cadre théorique du gender mainstreaming nous permettra de le mettre en parallèle avec son application pratique au sein des politiques européennes, belges, wallonnes et plus précisément namuroises. En effet, Namur, capitale de la Wallonie ayant pour ambition de devenir une ville égalitaire en terme de genre, a adopté, en 2016, un plan de gender mainstreaming.

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3.2.

L’urbanisme qui (dé)genre - Impacts sur l’architecture de l’espace

Les notions de ville, d’espaces publics, d’aménagement urbain et de mobilité se rencontrent en un point commun : l’urbanisme. Lorsque l’on cherche à mettre en œuvre un « urbanisme inclusif », on a tendance à définir des « groupes vulnérables » (« les femmes immigrées », « les parents isolés », par exemple) et à planifier pour eux au lieu de planifier avec eux. En d’autres termes, « les femmes se retrouvent à faire partie du décor, au lieu de faire partie des acteurs. [Fainstein et Servon, 2005] « Dans les années 1980, des activistes féministes ont commencé à questionner les architectes, urbanistes et spécialistes de l’aménagement urbain sur les pratiques stéréotypées de la planification urbaine qui confortaient les rôles de genre » (Tummers, 2015 p.70). Ensuite, durant les années 1990, une prise de conscience de l’absence des femmes dans la conception du projet urbain éclos chez les chercheuses et les urbanistes féministes d’Europe (ibid). Depuis, les prises de décisions de l’Union Européenne ont rendu les problématiques concernant le genre en matière de planification urbaine mieux connues. Cependant, le potentiel d’un urbanisme qui prendrait en compte la dimension du genre demeure, encore très largement, sous- estimé. Un urbanisme féministe se définit plus par les intentions qui le portent que par la nature de la production spatiale en elle-même, parce que « la qualité du processus affecte la qualité du résultat » (Tummers, 2015, p.79). Cette qualité résulte également des effets et de leurs évaluations sur les pratiques des femmes. Toutefois, à l’heure actuelle, l’émergence de la prise en compte des idées féministes en aménagement est encore loin d’avoir bouleversé les théories urbanistiques et leur application. L’intégration du genre en aménagement du territoire fait écho au gender sensitive planning, ou « planification sensible au genre » en français. Son but est de promouvoir l’égalité en termes d’accès et usages de l’espace public, de même qu’en termes de renforcement du sentiment de sécurité et de la sécurité réelle des femmes (Zeilinger, 2018). De plus, il propose des méthodes de planification innovantes et modulables en se reposant sur un diagnostic du territoire qui, comme nous l’avons analysé précédemment, passe par l’utilisation d’un outil majeur : la marche exploratoire. En outre, l’analyse de genre n’altère pas fondamentalement les projets d’urbanisme mais apporte des modifications subtiles qui améliorent l’usage quotidien et l’utilité du projet. Même si, le sujet de la planification sensible au genre prend actuellement de l’ampleur, une impression qu’il s’agit seulement de pouvoir cocher la case « 53 genre » et de se donner bonne conscience sans réellement se préoccuper de ce que les


femmes veulent vraiment, prédomine. En effet, bien que la division sociale selon le genre s’exprime dans tous les secteurs d’activités, « il reste difficile d’amener les décideur·e·s politiques à prendre en compte la perspective du genre pour considérer la ville comme un miroir très éclairant de toutes les inégalités, et penser les projets urbains » (Chaumont & Zeilinger, 2012, p.6). Or, afin d’assurer sa réussite, il est justement fondamental que la planification sensible au genre soit portée par les politiques. Ainsi, dans son Guide Espace public, genre et sentiment d’insécurité 1, l’ASBL Garance (2012, p.6) référence 4 nécessités pour que l’analyse de genre soit bien intégrée dans la planification urbanistique : une qualification technique des professionnel·e·s, initiale aussi bien que continue ; des objectifs et des évaluations régulières ; une intégration de critères genrés dans les processus de planification et les cahiers de charges ; la parité dans les organes de prise de décisions (communaux, régionaux, jurys lors de concours). Ces nécessités peuvent semblablement être mises en lien avec les 5 apprentissages nécessaires dans une démarche genre et ville proposés par Louargant (2015, pp.62-63) : un apprentissage pédagogique du genre dans la formation auprès des agent·e·s de la collectivité, des professionnel·e·s et des élu·e·s ; un apprentissage cognitif, « apprendre à observer de manière transversale et systématique les inégalités entre femmes et hommes et la production genrée de l’espace » ; un apprentissage politique, « la mise en acte concrète des principes de la Charte européenne de l’égalité des femmes et des hommes par des textes législatifs et programmes politiques ; un apprentissage culturel, la démultiplication des initiatives plus locales ; un apprentissage de l’espace, la démultiplication de marches urbaines et marches exploratoires à destination des femmes. Cependant, l’ASBL Garance n’est pas la seule à réaliser ce type d’initiative. En effet, d’autres associations de même que des grandes villes promeuvent des outils pour soutenir les gestionnaires des villes à travers leur initiative de prise en compte du genre dans leur politique urbaine. De plus, ils tentent de sensibiliser les décideur·e·s et les professionnel·le·s en matière d’urbanisme aux besoins spécifiques des femmes dans l’espace public. Ceux-ci se traduisent le plus souvent sous la forme de guides qui sont des outils d’orientation et de référence recueillant des textes à valeur indicative et non règlementaire. Ainsi, la ville de Montréal était l’une des premières à publier son Guide d’aménagement pour un environnement urbain sécuritaire en 2002, qui introduisait les 6 grands principes de l’aménagement urbain sécuritaire (cf page 34). Ce guide constitue encore aujourd’hui une source de référence majeure. De même, la ville de Vienne a également mis en place un programme d’approche du genre « Fair Shared City ». Ou encore, le collectif français Genre et Ville qui a publié un recueil de MéPour aller plus loin voir : Garance ASBL (2012). Espace public, genre et sentiment d’insécurité : Développer des pistes pour les politiques bruxelloises d’urbanisme, rapport final du 30 octobre 2012, [PDF], en ligne: http://www.garance.be/ docs/12rapport%20genreespacepublic.pdf 1

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thode et outils pour Garantir l’égalité dans l’aménagement des espaces publics 1. La Belgique possède également ses guides puisqu’en 2017, la Région de Bruxelles-Capitale en collaboration avec le centre bruxellois de formation et de connaissances en urbanisme ]pyblik[ a publié un Guide des espaces publics bruxellois 2. Il décrit notamment 6 ambitions, sous forme de feuille de route, pour qu’un projet d’espace public soit qualitatif. En revanche en Région Wallonne, on retrouve un vade-mecum intitulé Aménager les espaces publics wallons 3. Il a été élaboré par la Conférence Permanente de Développement Territorial (CPDT) en 2018 et vise à « contribuer à une culture commune de l’espace public. » Cependant, malgré leur grand nombre, ces dispositifs proposés se limitent à des très minces effets et leurs recommandations restent très peu prises en compte. En Belgique, il faudra attendre mai 2018 avant que ces recommandations et analyses ne soient prises en compte dans le projet de réaménagement d’un quartier namurois. En effet, c’est le premier projet belge dans lequel les recommandations des marcheuses, suite aux marches exploratoires de Garance, ont été prises en compte dans le cahier des charges des travaux (Baumann 2019 ; Garance 2017).

Manifestation contre les violences sexistes et sexuelles à Paris le 24 novembre 2018. (©AFP/-)

Pour aller plus loin voir : Genre et Ville. (2019). Garantir l’égalité dans l’aménagement des espaces publics - Méthode et Outils. [PDF], en ligne: http://www.genre-et-ville.org/wp-content/uploads/2019/06/Egalite-espaces-publics-septembre2018.pdf 2 ]pyblik[ + artgineering. (2017). Guide des espaces publics bruxellois. [PDF], en ligne: http://www.publicspace.brussels/wp-content/uploads/2017/03/20170321-guide-espaces-publics-bruxellois.pdf 3 CPDT- Conférence Permanente du Développement Territotial (2018). Aménager les espaces publics wallons, Eléments constitutifs d’un vade-mecum. [PDF], en ligne : https://cpdt.wallonie.be/sites/default/files/pdf/amenager-les-espaces-publics- wallon.pdf 1

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4 -

SYNTHÈSE DE L’APPROCHE THÉORIQUE

À travers cette première approche théorique, nous avons démontré que l’espace urbain est la projection au sol des rapports sociaux. La construction sociale de chacun·e est donc étroitement liée à la construction de l’espace public. De plus, l’usage de cet espace n’est pas neutre puisque les hommes occupent tandis que les femmes s’occupent (Blache, 2016). Ainsi, nous avons pu décortiquer l’espace sous le prisme du genre. Cependant, bien qu’il fasse tout doucement sa place, le genre peine toujours à être inclus dans les politiques d’aménagement du territoire. Souvent, les constats ont du mal à alimenter l’action publique et soulève une distance problématique entre les intentions voulues en termes d’égalité des sexes dans la ville et les usages différenciés entre femmes et hommes réellement pris en compte par l’action publique locale (Blidon, 2017 ; Louargant, 2015). Il est ainsi nécessaire qu’un travail de sensibilisation de la part des professionnel.le.s, chercheur.e.s et étudiant.e.s en architecture et urbanisme émerge pour que la prise en compte des inégalités de genre soit pensée collectivement et dans la conscience des nombreuses réalisations qui existent déjà.

Dans une ville où les murs invisibles du genre demeurent mobiles et déplaçables (...) je remarquerai pour finir que la volonté politique détient, notamment par le truchement de l’urbanisme et de la gouvernance urbaine, le pouvoir de repousser ces murs, sinon de les abattre. (Di Méo, 2012, p.126)

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Jinx with cop, Florence, 1951 ŠRuth Orkin Photo Archive


PARTIE 2: CADRE PRATIQUE 1 -

INTRODUCTION

Cette seconde partie vise à illustrer les précédents propos théoriques au travers de l’analyse d’un cas pratique : le projet Cœur de Ville destiné à métamorphoser le site des anciennes casernes namuroises, en Belgique francophone. Dans un premier temps, nous explorerons les contextes européen, belge et wallon ayant conduit la Ville de Namur à intégrer le genre au sein de sa politique urbaine. Puis, le travail entrepris par l’ASBL Garance au sein de la Ville de Namur sera analysé, notamment grâce à un entretien avec Laura Chaumont, collaboratrice des projets Espaces Publics et Enfants CAPable au sein de l’ASBL. Nous examinerons ensuite le projet Cœur de Ville, projet lauréat du concours pour la réhabilitation du quartier des anciennes casernes namuroises, et son intégration de la dimension du genre. Le parc public qui le compose fera l’objet d’une attention particulière. Et un entretien téléphonique avec Anne-Marie Sauvat, architecte paysagiste de l’Atelier Eole, nous permettra d’approfondir notre recherche. Pour finir, nous tenterons d’adopter un regard critique sur le projet en mettant en parallèle les recommandations faites par l’ASBL Garance en amont du projet et le résultat obtenu. Notre réflexion se trouvant limitée par la réalité du terrain, le projet n’ayant pas encore été réalisé, nous ne pourrons pas faire état de sa transposition réelle sur le quartier. Aussi, seule une critique du « résultat projeté » sera relatée. Nous développerons également quelques pistes de réflexion potentielles pour le futur dans notre conclusion. Finalement, cette partie pratique se veut questionner le rôle des urbanistes et des architectes dans la prise en compte du genre pour penser l’espace. 60


S’il tire des leçons de son manque de proactivité passée et admet sa complicité dans le renforcement des inégalités, l’urbanisme peut, nous en sommes convaincus, se racheter. Il peut même constituer un levier pour améliorer la condition des femmes dans notre société. Ses praticiens doivent pour cela intégrer des principes nouveaux dans leur travail de conception, ainsi qu’on les a vus tenter de le faire ces dernières années vis-à-vis de l’environnement et des personnes à mobilité réduite. (Assouad & Ancion, 2012, p.7).

Depuis quelques années de nombreux articles scientifiques font état de l’avènement du gender mainstreaming en tant que nouvel outil pertinent pour concevoir les politiques urbaines de demain. Rappelons-le, l’enjeu principal du gender mainstreaming tend à ce que l’égalité des sexes et des genres soit considérée pour aborder chaque dossier et chaque thème politique dans le but d’aboutir à une proposition acceptable, à mi-chemin entre les politiques générales qui masquent l’inégalité entre les sexes et les politiques ciblées visant des catégories restreintes (Fraisse, 2008). Il est cependant légitime de questionner la prise en compte réelle du genre au sein des politiques publiques car il est actuellement à craindre que le gender mainstreaming ne soit en réalité que du gender washing ou marketing urbain pour les villes. Aussi, nous nous attarderons sur l’analyse des effets du gender mainstreaming sur les politiques d’une ville et sur ses projets d’aménagement du territoire.

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2 -

LE CAS DE NAMUR

2.1.

Contexte et choix du sujet

Quelques pays, dont l’Islande, la Norvège, l’Espagne, l’Allemagne ou encore la Finlande, pour ne citer que quelques exemples, font beaucoup parler d’eux sur le plan de l’égalité de genre (Global Gender Gap Index Ranking1, 2020). C’est d’ailleurs au terme d’un Erasmus d’un an en Finlande, pays véritablement à l’avant-garde de la lutte politique pour l’égalité des genres (The Guardian, 2020), que s’est développé cet intérêt pour la question du genre. Notons que le parlement finlandais, pionnier dans le combat pour l’égalité des sexes, est notamment le premier parlement au monde à accorder aux femmes, en 1906, le droit de se présenter à des élections (Korpela, 2006). Plus tard, en 1986, le pays est à nouveau l’un des premiers à signer et à adopter la convention CEDAW qui vise à éliminer toutes formes de discrimination à l’égard des femmes (Raevaara, 2009). Cette culture relativement opposée à notre quotidien centre européen m’a amené à m’interroger sur la situation en Belgique. C’est finalement assez naturellement que notre formation d’architecte s’est mêlée à cet intérêt pour la question du genre et m’a conduit à étudier l’intégration du genre dans la conception des espaces privés et publics, et plus largement dans les politiques urbaines belges. Si les initiatives se comptent par dizaine en région bruxelloise, la Wallonie, elle, tarde à se manifester. La Ville de Namur nous a donc semblé constituer un objet d’analyse pertinent, car, pour la première fois en Wallonie, un projet urbanistique y intègre la dimension de genre à son cahier des charges et prend en compte les recommandations obtenues à la suite de marches exploratoires (Ville de Namur, 2017). The Global Gender Gap Index ou l’indice mondial de l’écart entre les sexes a été introduit pour la première fois en 2006 comme une structure permettant de saisir l’ampleur des disparités fondées sur le sexe et de suivre leur progrès au film du temps. L’indice compare les écarts nationaux entre les sexes sur les critères économiques, éducatifs, sanitaires et politiques et fournit des classements par pays. 1

62


2.2.

Le genre dans les politiques de la Ville de Namur

Afin de mieux comprendre comment la Ville de Namur tente d’intégrer le genre au sein de ses politiques urbaines, il est important de comprendre le contexte ayant permis l’émergence d’une politique de genre et de revenir sur quelques événements majeurs ayant certainement influencé les actions entreprises par la ville. En effet, « l’égalité des hommes et des femmes est un objectif politique clairement affirmé tant au niveau européen qu’au niveau belge » (Cornet et al., 2009, pp.28-29). Nous analyserons donc dans un premier temps les démarches entamées au niveau européen. Ensuite, nous explorerons le contexte belge d’un point de vue fédéral, régional (centré sur la Wallonie) et communal. Pour finir, nous nous attarderons sur le processus d’intégration du genre propre à la ville de Namur.

2.2.1.

L’Europe

Dès 1990, le Traité d’Amsterdam ratifie pour l’Europe une série d’initiatives destinées à promouvoir la protection des femmes contre la violence. En 1999, ce même traité introduit le concept de gender mainstreaming au Conseil de l’Europe. Par la suite, la création, en 2006, d’une Commission pour l’égalité de genre (Gender Equality Commission, GEC) et, en 2007, d’un Institut Européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (European Institute for Gender Equality, EIGE) ont pour ambition de contribuer à l’intégration de l’égalité entre les femmes et les hommes dans toutes les politiques du Conseil de l’Europe et contraignent les pays ressortissants de l’Union européenne à adopter des politiques d’égalité des droits et d’égalité des chances (Conseil de l’Europe, 2020). Les États membres ont ainsi à leur disposition différents outils leur permettant d’aborder les questions de genre. En mars 2019, une nouvelle boîte à outil est créée et contient des informations pratiques sur la manière de réaliser des évaluations sur l’impact selon les genres, d’assurer de bons indicateurs / une bonne communication, des fiches d’information thématiques ainsi qu’une section questions-réponses quant à la compréhension de l’égalité des sexes (Conseil de l’Europe, 2019).

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D’autre part, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe approuve, le 7 avril 2011, la Convention d’Istanbul qui porte sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Elle entrera en vigueur dans quatorze des pays ressortissants (dont l’Autriche, l’Espagne, la Suède et la France) en 2014 et


dans quatre pays supplémentaires (dont la Finlande) en 2015. Ce n’est qu’en mars 2016 qu’elle sera ratifiée et entrera en vigueur en Belgique. Malgré ces dispositions, force est de constater que la planification territoriale ne constitue pas un enjeu majeur repris dans les textes législatifs. L’EIGE, bien que abordant le gender mainstreaming et son application dans différents domaines politiques (culture, éducation, emploi, agriculture, changement climatique, etc), ne fait pas clairement mention de celui-ci dans l’espace public ou la planification urbaine. En effet, bien qu’une charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale ait été rédigée en 2006 à l’initiative du Conseil des Communes et Régions d’Europe (CCRE), celle-ci ne constitue pas une charte de gender mainstreaming au sens strict (Portugaels, 2014). Elle matérialise cependant un engagement public choisi et revendiqué pour les collectivités locales, et constitue un outil et instrument pratique qui guide ces collectivités dans l’élaboration de leur politique d’égalité de genre (Gender.brussels, 2020). De plus, elle propose les mesures inclusives les plus proches du domaine de la planification territoriale en évoquant des méthodes concrètes dans le domaine de la participation politique et de l’urbanisme (cf partie1).

Les bonnes pratiques européennes Les quelques exemples ci-après sont cités en vue d’illustrer les politiques urbanistiques liées à l’égalité des femmes et des hommes au niveau européen. Cellesci constituent les « pré-cursives » du gender mainstreaming. Bien qu’elles présentent des différences avec ce dernier, les deux politiques sont parfois fortement imbriquées et toujours liées (Portugales, 2014). Dès 1994, la Suède développe une stratégie de gender mainstreaming aux niveaux national, régional et local (Verloo, 1999). De multiples instruments novateurs sont alors élaborés, des projets pilotes sont mis sur pied et de nouvelles procédures sont introduites dans le même temps. La Norvège, l’un des premiers pays au monde à s’être approprié l’objectif de l’approche intégrée de l’égalité, s’est appliquée à intégrer la perspective de l’égalité hommes/femmes dans « un style déjà consensuel d’élaboration des politiques » (Verloo, 1999, p.9). Au Pays-Bas, dès 1970, la stratégie poursuivie s’inscrit dans le prolongement de la politique dite « de la facette » précisant que « l’égalité des sexes devait être considérée comme une facette parmi d’autres de toutes les politiques envisagées » (Verloo, 1999, p.9). Depuis les années 1990, l’approche néerlandaise s’est dotée, au niveau national, d’un instrument spécifique pour favoriser la mise en place du gender mainstreaming. Contrairement aux autres, le pays a été le 64 seul à réellement s’en servir (Verloo & Roggeband, 1996).


2.2.2.

La Belgique

Contrairement à ses homologues européens, la Belgique tarde à faire émerger le genre au sein de sa politique urbaine. En effet, si des pays comme la Suède (1994), les Pays-Bas (1980), ou encore la Norvège (1977) se revendiquent égalitaires, la Belgique, elle, est longtemps restée discrète sur le sujet. Pourtant,

Fig. 2 : Carte de l’Europe, situation belge. ©E.M

il y a corrélation entre les performances économiques d’un pays et son niveau d’égalité entre les femmes et les hommes. Il est en effet frappant de constater que parmi les pays européens, presque tous les États dont le PIB est supérieur à celui de la Belgique (Islande, Norvège, Suède, Danemark, Irlande, Pays-Bas, Suisse, Grande-Bretagne) ont des meilleurs résultats en matière d’égalité femmes/hommes (Milquet & Bogaert, 2012 , p.2).

C’est tardivement, le 12 janvier 2007, qu’une loi de gender mainstreaming visant l’intégration structurelle de la dimension de genre à l’ensemble des politiques définies et menées au niveau fédéral belge (Institut pour l’Egalité, 2008) y est votée. La loi est alors appliquée sur base d’un plan d’action très structuré, organisé et réfléchi incluant la notion de gender budgeting à son activité. Consécutivement à la mise en application de cette loi de gender mainstreaming, des villes telles que Gand, Liège et Louvain se sont, par exemple, vu attribuer les premiers Labels « Égalité et Diversité » en 2007 par le ministre de l’Egalité des chances1 et le ministre de l’Emploi. À travers celui-ci, elles s’engagent dans la mise en œuvre d’une politique de non-discrimination et de diversité au sein de leur organisation (Direction générale Emploi et marché du travail, 2007). D’après le site Et toi, t’es casé-e ? (2020) , référencé par la Direction de l’égalité des Chances Fédération Wallonie-Bruxelles, l’égalité des chances est une « vision de l’égalité qui cherche à faire en sorte que les individus disposent des «mêmes chances», des mêmes opportunités de développement social, indépendamment de leur origine sociale ou ethnique, de leur sexe, des moyens financiers de leurs parents, de leur lieu de naissance, de leur conviction religieuse, d’un éventuel handicap… Allant plus loin que la simple égalité des droits, l’égalité des chances consiste principalement à favoriser des populations qui font l’objet de discrimination afin de leur garantir une équité de traitement. Elle implique que les écarts liés au milieu d’origine soient neutralisés. » (Lexique, para. 1). 1

65


Seules dix-sept communes et une province (la province de Liège, signataire en 2010) belges adhèrent à la charte charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale mentionnée au point 2.2.1. Les communes signataires sont majoritairement situées en région bruxelloise, seules quelques-unes se trouvent en Wallonie, parmi elles : Ath dans la province du Hainaut (signataire en 2013), Gesves dans la province de Namur (signataire en 2009), Hannut et Huy dans la province de Liège (signataires en 2013 et 2015 respectivement). Bien que la ville de Gand emploie un fonctionnaire de l’égalité des chances à temps plein depuis 1996 (Portugaels, 2014), la Flandre ne compte aucune commune signataire à son actif. Namur, pourtant progressiste sur le sujet, n’en est pas non plus signataire (Conseil des Communes et Régions d’Europe ,s.d.). Ainsi, Portugales relève que « de manière assez générale les communes ne semblent pas du tout être conscientes de leur responsabilité sociétale dans ce domaine, ni avoir compris le rôle d’acteur qu’elles ont à jouer, et que chaque agent et chaque membre du collège doit remplir » (2014, p.21). L’auteure signale également qu’il semble y avoir confusion, pour les responsables communaux, entre la démarche de gender mainstreaming qu’elle qualifie de nature « essentiellement préventive » et la démarche de l’égalité des femmes et des hommes qui elle est « de nature curative ». Le premier rapport sur la politique de gender mainstreaming du gouvernement belge (Milquet, 2014) fait notamment mention des avancées ayant eu lieu en matière d’intégration de genre dans les marchés publics et les subsides. En effet, l’implantation, d’un point de vue fédéral, s’étend aux niveaux les plus bas où elle doit être appliquée, prend en compte la réalité de la situation et y apporte des réponses très concrètes (Portugaels, 2014). En Belgique, l’égalité de genre est une matière politique transversale traitée à tous les niveaux de pouvoir c’est-à-dire au niveau fédéral, entités fédérées et communes. À chaque niveau, un·e membre du gouvernement (ministre, secrétaire d’Etat, ou encore échevin·e pour le niveau local) est chargé·e de mettre en oeuvre une politique pour l’égalité de genre et de veiller à ce que la dimension de genre soit intégrée dans chaque politique publique (Gender.brussels, 2020). Notons qu’en Belgique, plus globalement, l’égalité de genre fait couramment partie de l’ « égalité des chances », notion incluant des thématiques telles que la diversité, le handicap et les droits des personnes LGBTQI+. Au niveau régional, notons que Bruxelles-Capitale décide, le 29 mars 2012, de prendre en compte le genre dans l’élaboration des instruments de planification straté66 gique des services publics dont l’urbanisme et la mobilité.


La même année, le documentaire d’une jeune bruxelloise1 dénonçant le harcèlement dans les rues de Bruxelles propulse le sujet au cœur de l’actualité, à la suite de quoi une loi contre le sexisme2 dans l’espace public entrera en vigueur le 3 août 2014. Cette loi stipule que le sexisme s’étend à « tout geste ou comportement qui a manifestement pour objet d’exprimer un mépris à l’égard d’une personne, en raison de son appartenance sexuelle, ou de la considérer, pour la même raison, comme inférieure ou comme réduite essentiellement à sa dimension sexuelle et qui entraîne une atteinte grave à sa dignité, peut être puni ». Par ailleurs, le 11 novembre 2019, la Ville de Bruxelles s’engage publiquement à féminiser le nom de ses rues, celui-ci traduisant bien souvent l’expression des relations de pouvoir basées sur le genre au sein même de l’espace public. En effet, seulement 6% des rues bruxelloises portent le nom d’une femmes (BX1, 2020). Une carte visualisant les noms de ces rues par genre, réalisée par l’association Open Knowledge Belgium et le collectif féministe Nom Peut-être a été mise en ligne en mars 2020 afin de montrer ce déséquilibre au sein des 19 communes bruxelloises (EqualStreetNames.Brussels, s.d.).

Fig. 3 : Carte EqualStreetNames.Brussels ©OpenStreetMap

De nombreuses associations, s’emparant des inégalités de genre, ont ainsi émergé dans la capitale. Parmi celles-ci, Vie Féminine, mouvement féministe qui défend une société solidaire et égalitaire et qui se bat notamment pour que les politiques et les institutions prennent en compte les besoins et les intérêts des femmes (Vie Féminine, 2010) et l’ASBL Garance que nous évoquerons plus loin. Mais si la région bruxelloise fait parler d’elle de par ses associations engagées pour l’égalité de genre et ses projets, qu’en est-il de la Wallonie ? Femme de la rue réalisé par Sofie Peeters en 2012. Loi du 22 mai 2014 tendant à lutter contre le sexisme dans l’espace public et modifiant la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes afin de pénaliser l’acte de discrimination (Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes, 2014). 1 2

67


2.2.3.

La Wallonie Bruxelles

Wavre Mons

Liège

NAMUR

Arlon

Fig.4 : Carte Belgique, situation Wallonie. ©E.M.

En 2011, une étude réalisée pour le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme constate que les conseils consultatifs et groupes de travail chargés de réfléchir sur la question des discriminations restent relativement rares au sein des communes wallonnes (Sonecom et al., 2011). À la suite de ce constat, le Parlement Wallon adopte, le 3 mars 2016, un décret visant à mettre en œuvre les résolutions de la Conférence des Nations Unies de 1995 sur les femmes à Pékin et intégrant la dimension du genre dans l’ensemble des politiques régionales (Wallex, 2016). Le Gouvernement Wallon s’engage donc au point 3 de l’article 4 à intégrer la dimension de genre dans toutes ses politiques, mesures et actions : « il veille, dans le cadre des procédures de passation des marchés publics et d’octroi de subsides, à la prise en compte de l’égalité des femmes et des hommes et à l’intégration de la dimension de genre. » Le décret ne fait cependant pas mention de la prise en compte du genre dans l’urbanisme et la planification urbaine ni de la réduction des inégalités au sein de l’espace public. Actuellement, la Wallonie mène plusieurs projets dans des domaines variés tels que le développement durable, la lutte contre la pauvreté,… Entre 2016 et 2020, elle a mis sur pieds une Stratégie Wallonne de Développement Durable qui vise à construire une société plus respectueuse de l’homme et de l’environnement et reprend les 17 objectifs de développement durable (ODD) adoptés lors du Sommet des Nations Unies en septembre 2015. Ces objectifs traduisent des priorités dont « la réduction des inégalités au sein et entre les pays » (Région wallonne, 2016, p.29). Cette stratégie mentionne clairement la prise en compte des besoins des femmes par rapport à la ville 68 à plusieurs points :


Au point 5 de la catégorie 1 – Humanité : « ODD 5 : Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles : - Cible 5.1. Discriminations : Mettre fin, partout dans le monde, à toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes et des filles. - Cible 5.5. Participation des femmes : Veiller à ce que les femmes participent pleinement et effectivement aux fonctions de direction à tous les niveaux de décision, dans la vie politique, économique et publique, et y accèdent sur un pied d’égalité. »

Au point 11 de la catégorie 3 – Prospérité : « ODD 11 : Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables : - Cible 11.2. Transport : D’ici à 2030, assurer l’accès de tous à des systèmes de transport sûrs, accessibles et viables, à un coût abordable, en améliorant la sécurité routière, notamment en développant les transports publics, une attention particulière devant être accordée aux besoins des personnes en situation vulnérable, des femmes, des enfants, des personnes handicapées et des personnes âgées. - Cible 11.7. Espaces publics : D’ici à 2030, assurer l’accès de tous, en particulier des femmes et des enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées, à des espaces verts et des espaces publics sûrs.

En construisant une société plus ouverte et égalitaire, par la prise en compte des préoccupations et expériences des femmes et des hommes, cette stratégie s’efforce de réduire les inégalités que vivent les citoyen∙ne∙s au quotidien. Cette approche intégrée du genre est-elle d’application dans la planification et la construction de nos villes ? En quoi cette stratégie assure-t-elle une accessibilité, une utilisation et une appropriation égalitaire de tou∙te∙s ?

69

Baumann (2019), Louargant (2015) et Blindon (2017) l’ont démontré, lorsqu’il s’agit d’intégrer le gender mainstreaming dans les politiques d’aménagement du territoire, les intentions affichées par les politiques diffèrent souvent de leur application à travers des actions publiques. Bien que les décideur∙euse∙s aient inscrit à leur agenda politique la prise en compte des inégalités entre les femmes et les hommes dans l’occupation de l’espace public, notamment via l’étude de l’usage des parcs qui révèle clairement des différences entre les sexes, le constat a toujours du mal à entretenir durablement l’action publique (Mosconi, Paoletti et Raibaud, 2015).


NAMUR La Meuse

70


LIĂˆGE

71 Fig. 5 : Carte de situation de la ville de Namur. Fond de carte Šmaps.stamen.com


2.2.4.

Namur

Quartier des casernes

Fig. 6 : Carte centre ville Namur. Fond de carte ©maps.stamen.com

Tandis que Liège, avec sa commission communale consultative femmesville (2005), et Charleroi, avec l’installation d’un conseil consultatif égalité femmeshommes (2008), progressent vers l’égalité de genre, Namur, capitale de la Wallonie, reste la première ville belge wallonne à intégrer, en 2016, la dimension de genre pour le réaménagement de l’un de ses quartiers. En 2013, la Ville de Namur se dote d’un Plan Stratégique Transversal (PST) (Ville de Namur, 2012) et devient la première commune wallonne à approuver ce type de plan. Contrairement au PST de la Ville de Charleroi (2019) qui compte parmi ses objectifs le fait d’encourager une démarche transversale sur l’égalité des genres en désignant une personne destinée à assurer l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines de l’action communale et d’adopter une charte de « ville non sexiste » en sensibilisant les agents au problème du sexisme (Ville de Charleroi, 2020), le PST namurois ne fait pas mention d’une telle démarche. Il mentionne par contre la volonté de devenir une ville favorisant le vivre ensemble et luttant contre les discriminations, notamment en améliorant les infrastructures publiques et l’inclusion dans la société. De plus, le conseil communal entend favoriser l’émancipation et la participation de toutes et tous en luttant contre le racisme et les discriminations (Ville de Namur, 2018), les discriminations envers les femmes dans l’espace public n’étant cependant pas clairement référencées.

72


Rappelons que, selon Portugaels (2014), pour engager une personne spécialisée dans le domaine du genre, les communes de petite et moyenne taille ont beaucoup moins de moyens que les métropoles. Cependant, Namur ambitionne de devenir un modèle pour les autres communes wallonnes en tant que ville pilote pour l’intégration du genre (Portugales, 2014). Pour comprendre le contexte ayant permis l’émergence d’une politique de genre au sein de la Ville de Namur, il convient de revenir sur les événements majeurs ayant influencé les actions entreprises par la ville. Suite à la création d’une cellule pour l’égalité des chances en 2011, l’année 2013, avec sa charte de « l’égalité des chances » et l’élection d’une personne de référence au sein de sa commune, marque l’engagement de la Ville de Namur vis-à-vis de la lutte contre les inégalités de genre. La signature de cette charte entraine quatre événements majeurs :

73

En mars 2014, une après-midi d’étude « Namur, ville du genre ? » est organisée et regroupe des personnalités politiques telles que Dorothée Klein (conseillère communale à Namur) et Stéphanie Scailquin (échevine de l’Urbanisme à Namur), toutes deux ayant respectivement dirigé les conférences suivantes : « Qu’est ce qu’un plan de gender mainstreaming ? L’expérience fédérale » et « Quelles perspectives pour Namur ? ».

En 2015, la ville de Namur, qui souhaite alors exprimer son soutien aux associations se mobilisant pour les droits des femmes, créé, à l’issue d’une réunion « femmes », la plateforme Namur’Elles. Celle-ci réunit une quinzaine d’associations namuroises sensibles aux droits des femmes et s’organise autour de trois objectifs : « échanger au sujet de leurs publics féminins respectifs, leurs attentes, leurs besoins ; organiser la semaine Namur’Elles, autour du 8 mars, journée internationale des droits des femmes ; poser un regard attentif aux droits des femmes sur les politiques communales » (Ville de Namur, 2020, para. 2).

De mai à juin 2015, l’exposition « La ville une affaire d’hommes ? » illustrée par la bande dessinée « Les crocodiles » de Thomas Mathieu est dévoilée au grand public. Cette bande dessinée met en avant des témoignages de femmes ayant vécu du harcèlement de rue, du machisme ou encore du sexisme ordinaire. L’exposition traite quant à elle des usages et comportements à travers la ville, du sentiment d’insécurité dans l’espace public et de l’aménagement urbain comme facteur déterminant du bien-être et de l’égalité dans l’accès à la ville (Pavillon de l’Aménagement urbain, 2020).


C’est finalement en juin 2015, conjointement à sa création, que le Pavillon de l’Aménagement Urbain de la Ville de Namur 1 et l’ASBL Garance mettent en avant les namuroises en leur proposant de partager leurs expériences et ressentis vis-à-vis de leur quartier. Cette initiative s’inscrit dans la lignée des travaux de réaménagement prévus dans 4 quartiers de la Ville de Namur à savoir : Bomel, le quartier de la gare, le quartier des anciennes casernes et le quartier de l’université (Garance, 2017). « Cette démarche est novatrice en Belgique et constitue une étape importante vers la prise en compte des questions de genre dans la manière dont nous concevons nos espaces urbains » (Pavillon de l’Aménagement urbain, 2018). Trois ans après la signature de sa charte d’égalité des chances, et notamment grâce au travail de Donatienne Portugales, agente du Service public de Wallonie depuis 25 ans et diplômée d’un master complémentaire en management public, la Ville de Namur adopte un plan de gender mainstreaming imposant la prise en compte du critère de genre dans tous les appels d’offre de la ville. •

Le 24 mars 2017, le Pavillon de l’Aménagement urbain aux rythmes de Namur organise conjointement avec le Centre culturel du Brabant Wallon (CCBW) le midi de l’urbanisme – « Nos villes ont-elles un sexe ? » à l’Université Catholique de Louvain. Différents intervenants y prennent la parole, notamment Sophie Marischal, géographe et employée au Département de l’Aménagement urbain de la Ville de Namur et Laura Chaumont, chargée du projet « Genre et espace public » au sein de l’ASBL Garance.

Créé en 2015, le Pavillon de l’Aménagement urbain est un centre d’information, de documentation et d’exposition lié à l’aménagement et aux réalisations urbanistiques de la Ville de Namur. C’est un lieu unique où l’aménagement de la ville et ses réalisations urbanistiques sont mis à la portée de tou·te·s. 1

74


75


LIGNE DU TEMPS : Processus d’intégration du genre à Namur

2011 Création de la cellule de l’Égalité

2012

MANDATURE

2013

Stéphanie SCAILQUIN en charge de l’Égalité des Chances et Arnaud GAVROY en charge de l’Urbanisme

Signature de la charte de l’Égalité des

2014 Demi-journée d’étude «Namur, ville du genre ?»

m

2015 Exposition « les Crocodiles »

Lancement du projet de marches exploratoires

PLAN DE GENDER MAINSTREAMING ADOPTÉ

Création du Pavillon de l’Aménagement urbain et rédaction de la programmation annuelle

Inauguration de la plateforme Namur’Elles

2016 Rédaction du cahier des charges des Casernes 76

ires

hes explorato arc Sophie Marischal contacte l’ASBL Garance


Déroulement des marches exploratoires

2017

RAPPORT des marches exploratoires - Garance

Publication du cahier des charges du site des Casernes

2018

Rencontre entre Laura Chaumont et deux sociétés candidates

Remise des offres concours des casernes

Concours : Désignation du lauréat Coeur de Ville SA

Lancement du concours

Révision du projet Coeur de Ville

remporte le concours

2019

FIN DE LA MANDATURE

Dépôt du permis

Octroi du permis

2020

77 Fig. 7 : Ligne du temps : Processus d’intégration du genre à Namur ©Elise Mullens


2.3.

Mise en situation

Comme évoqué ci-dessus, en 2015, quatre grands projets de réaménagement voient le jour au sein de quatre quartiers situé au coeur du centre-ville de Namur. Il convient de présenter brièvement ces quatre projets car ils s’inscrivent plus globalement dans un vaste projet de revitalisation du nord de la corbeille namuroise. L’un de ses quartiers intègre la dimension de genre et fera plus particulièrement l’objet de notre recherche. Il sera donc développé plus en détail dans la suite de notre travail. •

Le quartier de la Gare

L’aménagement d’une nouvelle gare des bus, devenue une nécessité, la Ville de Namur souhaite transformer le site de sa gare actuelle jugé trop dangereux et inconfortable pour ses utilisateurs. Ce projet a pour objectif la revalorisation des terrains proches de la gare mais aussi, plus globalement, l’organisation du développement urbanistique dans le périmètre d’influence de la gare, dont le quartier des abattoirs et le quartier des casernes décrits ci-après font tous deux partie. En effet, dans une publication intitulée : « le quartier de la gare, un atout à valoriser », la CPDT1 mentionne que « (…) certaines parties du quartier des gares peuvent faire l’objet d’un périmètre de site à réaménager voire même être repris par le Gouvernement comme site de réhabilitation paysagère et environnementale… » (CPDT, 2008). •

Les abattoirs de Bomel

La ville de Namur et le Gouvernement wallon se sont conjointement associés, grâce au financement de la régie foncière et des sites à réaménager (SAR), pour sauvegarder et rénover les bâtiments industriels abandonnés localisés sur le site des abattoirs de Namur. Le projet regroupe un bâtiment central polyvalent, accueillant des fonctions publiques, quatre blocs de logements construits via un partenariat public-privé desservis par une coursive arrière, des extérieurs réaménagés (parc en pleine terre, espaces publics accueillants, éclairage et mobilier, plaine de jeu, potager pédagogique,…), etc. •

Le quartier de l’université

Ce projet englobe l’aménagement de la Place du Palais de Justice, ainsi que la conception, la réalisation, la gestion et l’exploitation d’un parking souterrain. En rendant la place piétonne, en privilégiant la mobilité douce et en créant un espace de repos, 1

Conférence Permanente de Développement Territorial de la Région Wallonne

78


d’échange et de convivialité, celui-ci « s’inscrit dans une stratégie communale globale visant à améliorer l’accessibilité et la convivialité de l’ensemble du centre-ville de Namur par la création/réaménagement de plusieurs parkings/places […]. Il permettra de soutenir les commerces avoisinants et offrira des solutions concrètes pour les riverains, le personnel et les étudiants de l’université » (Pavillon de l’Aménagement urbain, 2019). •

Le quartier des casernes

L’actuel site des casernes, anciennement les casernes de Lanciers, étendu sur 1,3 hectares, possède tous les atouts permettant une reconversion urbaine exemplaire. « L’objectif du projet est de recréer un nouvel îlot à taille de quartier, composé de logements, de services, d’un commerce alimentaire, d’une bibliothèque communale, d’une brasserie, d’un parc et d’un parking en sous-sol, le tout encadrant l’ancien corps de garde » (Pavillon de l’Aménagement urbain, 2018). Situé en plein centre-ville, à la croisée de quatre quartiers, le site réhabilité s’inscrit, comme déjà évoqué, dans une stratégie de redynamisation de l’ensemble du pôle nord de la ville. Les lieux actuels étant vides et inexploités, le nouveau programme tend à recoudre le tissu urbain en diversifiant les lieux dans un endroit où il fait bon vivre, travailler et habiter tout en tentant de répondre aux besoins spécifiques du quartier. C’est précisément ce dernier quartier qui fait l’objet de notre recherche et qui, de ce fait, fera l’objet d’une analyse spécifique. En effet, l’initiative constitue une réelle opportunité de mener un projet pilote intégrant dès le départ la dimension du genre. Comme nous le verrons, des marches exploratoires ont été menées et le genre a été pris en compte lors de la réflexion, l’élaboration et la rédaction du cahier des charges du projet (Ville de Namur, 2016).

79


1

La nouvelle gare multimodale de Namur - nouveau site TEC Quartier de Bomel

2

Nouvelle Gare

Les nouveaux abattoirs de Bomel Centre Culturel de Namur

Place Palais de Justice

3

Quartier de l’UniversitÊ

3

Place du Palais de Justice - parking souterrain et espace public

80


2 es a attoirs de o el

Quartier de la are

Quartier des asernes

1 Nouveau Palais de Justice s ace o ier

81

Cartographie 1 : Plan masse-guide de Namur ŠElise Mullens


2.3.1.

Les acteurs du projet de réhabilitation du quartier des casernes

L’implication de la Ville de Namur Par le biais d’une approche participative et de processus participatifs innovants et adaptés aux réalités du territoire namurois, la Ville de Namur souhaite doter ses politiques publiques d’une plus grande transparence et d’une meilleure appropriation par ses habitant·e·s. Elle désire aller plus loin en tentant d’impliquer les namurois·e·s dans les projets de leur commune (Ville de Namur, 2020). D’une part, le PST namurois 2019 à 2023 fait mention de l’ambition de la commune d’ « être une ville qui implique ses citoyens et ses citoyennes en associants les Namurois·e·s aux projets menés via plus de transparence administrative en facilitant l’accès aux documents et via des réunions de concertation et ateliers urbains » (Ville de Namur, 2019, p.2). Dès lors, projet de réhabilitation du quartier des anciennes casernes constitue l’un des enjeux tentant de répondre à ce nouveau défi. D’autre part, « souhaitant re tisser une toile urbaine conforme à la typologie du cadre bâti extérieur et à venir, la Ville de Namur a, en 2017, lancé un marché de conception, réalisation et promotion en vue de réaliser un ensemble immobilier qui puisse revitaliser le quartier dans son ensemble » (Pavillon de l’Aménagement urbain, 2019). Le Pavillon de l’urbanisme de Namur, l’un des acteurs phare du projet, souhaite impliquer activement sa population dans les questions d’urbanisme. En faisant appel à une association compétente en termes d’égalité de genre, celui-ci redonne la parole aux namurois·e·s. De cet engouement et d’une volonté politique de faire suivre la réflexion sur le genre par la mise en place d’actions concrètes (Garance, 2020) est née la collaboration entre la Ville de Namur et l’ASBL Garance visant à tenir compte des besoins des femmes en amont de travaux prévus dans les différents quartiers de la ville. En réalité, c’est plus précisément à la suite d’une présentation réalisée par l’ASBL à Namur que Sophie Marischal 1, responsable du Pavillon de l’Aménagement urbain de la Ville de Namur, s’est intéressée aux recherches de celle-ci et à la possibilité de les transposer au sein de sa commune. Grâce à sa motivation sans failles et à un partenariat entre l’échevinat de Namur, l’échevinat de l’égalité des chances et l’échevinat de l’urbanisme, l’initiative a finalement pu aboutir. Aussi, nous pouvons nous interroger sur la raison de cet aboutissement et du lien avec le fait qu’une femme en soit à son initiative. Annexe II: rentranscription de Hortense De Brouwer, étudiante en management territorial et développement urbain, de son entretien avec Laura Chaumont, Collaboratrice des projets Espaces publics et Enfants CAPables à Garance. 1

82


La Norvège et la Suède en témoignent : « la représentation des femmes constitue un préalable à la mise en œuvre de l’approche intégrée de l’égalité, du moins un facteur important de sa réussite » (Verloo, 1999, p.6). Dans ces deux pays, la place de l’égalité des sexes sur l’agenda politique et le soutien de différentes tentatives de mise en œuvre de l’approche intégrée ont été influencés par une forte participation des femmes à la vie politique (ibid). De plus, le rapport national suédois de 1999 mentionne que les parlementaires de sexe féminin ont plus de contacts que les hommes avec les ONG féminines et soulèvent davantage, lors des débats politiques, la question de l’égalité. Par ailleurs, à Namur, un guide d’urbanisme sur l’inclusion du genre est en cours d’élaboration. Il a pour objectif de transformer la liste de recommandations en un outil d’urbanisme invitant à intégrer des critères de genre dans le cadre de projets de taille moyenne. Ce document sera monospécifique et bien qu’il n’aura qu’une valeur indicative, dans un système concurrentiel, les opérateur∙rice∙s urbain∙e∙s ont fortement tendance à intégrer ces bonnes pratiques pour remporter un concours (De Brouwer, 2020, p.31). En France, la plateforme d’innovation urbaine Genre et Ville a publié deux guides d’urbanisme. Le premier, en 2018, a été commandé par la Ville de Villiers-le-Bel et s’intitule « Garantir l’égalité dans l’aménagement des espaces publics – Méthode et outils ». Le second, en 2019, s’adresse à la Ville de Lyon, qui souhaite créer un guide d’urbanisme inclusif. En octobre 2016, la mairie de Paris avait également publié un « Guide référentiel genre & espace public » faisant état des questions à se poser et des indicateurs pertinents à construire pour un environnement urbain égalitaire (Paris, 2016).

83

La ville de Montréal avait entre autres été précurseur en la matière puisqu’elle communique son premier « Guide d’aménagement pour un environnement urbain sécuritaire » en 2002 (Paquin, 2002). Notons que ce guide constitue un outil à vocation pluridisciplinaire qui s’avère utile afin de penser la ville de manière égalitaire et accessible à toutes et tous. Il interroge des compétences variées en s’adressant aux urbanistes, aux personnes en charge de l’aménagement, de la planification, de l’organisation, de l’animation et de la régulation de l’espace public (Paris, 2016). Telle une boîte à outil, il fixe le cadre et propose des pistes de réflexion sur base d’exemples concrets de réalisations égalitaires (Genre et Ville, 2018). Il tente également de poser les premières bases d’un référentiel dans la perspective d’intégration du genre dans l’aménagement, la planification et l’organisation de la ville. Cependant, c’est un document à valeur indicative dont l’utilisation n’est pas (encore) imposée par les villes.


L’ASBL Garance Garance est une Association Sans But Lucratif, fondée en 2000 et active en Belgique francophone. Elle s’intéresse aux violences et au harcèlement en luttant contre les violences basées sur le genre et en développant des activités visant à les prévenir. À travers l’organisation de stages et d’ateliers, Garance prodigue des formations en autodéfense féministe qui s’appuient souvent sur le constat que les femmes qui y participent citent comme première motivation à cette démarche le fait de vouloir se sentir plus à l’aise dans l’espace public (Zeilinger, 2018). Les projets de Garance ont une dimension internationale. En février 2001, avec son projet « Thelma et Louise », l’ASBL est finaliste du concours mondial Stop Rape Contest et participe au V-Day au Madison Square Garden à New York. Deux projets européens sont ensuite co-opérés par l’ASBL entre 2001 et 2003. D’une part un projet sur les violences faites aux lesbiennes et, d’autre part, un projet portant sur l’offre en autodéfense pour les femmes et les filles en Union Européenne qui lui permet de rencontrer les formatrices d’autodéfense de toute l’Europe (Garance, 2009). Préoccupée par le sentiment d’insécurité dans l’espace public, l’association développe le principe des marches exploratoires, concept inventé dans les années 80 au Québec, et s’inspire du travail de plusieurs associations pour créer son propre module selon une méthodologie bien particulière. Cette méthodologie a notamment été utilisée pour la première fois par l’ASBL à Bruxelles en 2012 dans le cadre du projet « Genre et espaces publics » qui visait « à analyser l’espace public bruxellois de manière participative afin de formuler des recommandations à l’attention des décideur·e·s politiques et professionnel·e·s de l’aménagement pour rendre l’espace public plus accessibles accueillant et rassurant pour les femmes » (Zeilinger, 2018, pp.139-153). Ce principe nous intéresse particulièrement dans le cadre de la présente recherche puisque des marches exploratoires ont également été menées à Namur. Entre 2012 et 2015, les actions de Garance se trouvent amoindries en raison d’un manque de subventions de l’Etat (Chaumont, 2020) , ce qui ne lui permet pas de poursuivre ses recherches de façon aussi dynamique. Les marches exploratoires reprendront seulement en 2015 avec le projet de la Ville de Namur. Les nombreux projets entrepris par l’ASBL Garance ont permis de mettre en lumière les limites de la recherche associative, participative et militante dans le domaine. Tout comme Blidon (2017) et Louargant (2015) l’ont démontré, les associations féministes ont joué un rôle clé dans la réflexion sur l’aménagement du territoire.

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Les initiateurs du projet Cœur de Ville La S.A. Cœur de Ville est une société regroupant plusieurs bureaux d’architecture, d’urbanisme, de construction et de paysage. Elle réunit cinq acteurs principaux : Thomas & Piron, l’Atelier de l’Arbre d’Or, DDS+, Qbrick ainsi que l’Atelier Eole. Le bureau d’architecte leader du projet est DDS+ en association avec deux autres bureaux : l’Atelier de l’Arbre d’Or et Qbrick, tandis que les aménagements paysagers et urbains sont pris en charge par les architectes paysagistes du bureau de l’Atelier Eole. Thomas & Piron coordonnent quant à eux la maîtrise d’ouvrage. Avant de remettre son dossier au concours, la société avait pris soin de contacter l’ASBL Garance afin de s’assurer de la cohérence de leur proposition vis-à-vis des recommandations émise dans le rapport des marches exploratoires. La démarche a plus particulièrement été entreprise par l’Atelier Eole qui s’est assuré que les espaces publics, dont le parc et ses aménagements, s’inscrivent dans une démarche genrée.1 L’initiative s’est avérée être un réel atout pour le projet puisque la Ville de Namur, après analyse des différents projets du concours, a finalement décidé de leur octroyer le marché (Ville de Namur, 2018). Il y a donc eu un réel travail en amont des projets et une collaboration entre les acteurs et différentes parties prenantes. À la suite de l’attribution du marché, l’équipe urbanistique a également formulé son envie de continuer à travailler avec l’ASBL et de bénéficier de son expertise pour que les recommandations des marcheuses puissent être réellement prise en compte (Garance, 2020).

L’Atelier Eole L’Atelier Eole est un atelier de paysagistes installé à Bruxelles depuis une trentaine d’années. Il compte trois architectes à son effectif dont une femme, Anne-Marie Sauvat, qui est la fondatrice et gérante du bureau, et deux hommes, Thomas Van Eeckhout et Mathieu Allain. Au sein du bureau, « l’approche genrée fait intuitivement partie de la façon dont les projets sont développés »2. Celle-ci est plutôt utilisée par soucis personnel de la part de la gérante que par soucis médiatique car l’architecte paysagiste préconise une lecture genrée des cahiers des charges afin d’éviter d’appliquer les stéréotypes qu’ils véhiculent et de reproduire des aménagement publics qui génèrent des usages dichotomiques : « il faut que nous, en ayant des cahiers des charges orientés, on puisse les désorienter pour ramener un équilibre d’usage potentiel ». 2 Annexe II: rentranscription de Hortense De Brouwer, étudiante en management territorial et développement urbain, de son entretien avec Laura Chaumont, Collaboratrice des projets Espaces publics et Enfants CAPables à Garance. 2 Annexe I : rentranscription de l’entretien avec Anne-Marie Sauvat, architecte paysagiste, fondatrice et gérante de l’Aetlier Eole. 1

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C’est donc tout naturellement qu’après la réalisation de l’avant-projet pour le concours des casernes, Anne-Marie Sauvat a contacté Laura Chaumont afin de décortiquer avec elle le dossier et ainsi s’assurer qu’il réponde aux recommandations des marches exploratoires.2 L’ASBL Garance a ensuite pu établir un rapport de synthèse qu’elle a remis à l’Atelier Eole et quelques changements ont pu être intégrés. L’expérience et l’intérêt pour le genre d’Anne-Marie Sauvat ont certainement avantagé le projet Cœur de Ville. Cependant, Laura Chaumont regrette que la dimension de genre soit un effet de mode, surtout dans l’espace public. En effet, celle-ci est souvent associée à une plus-value induisant une certaine reconnaissance plutôt qu’à « un réel intérêt et une réelle prise en compte de ses manquements dans l’espace public »1. Cette réflexion se confirme souvent dans le cadre des appels d’offre publics où les promoteurs se contentent de répondre à une demande de la ville quant au critère de genre (Chaumont, 2020). Anne-Marie Sauvat le confirme : « quand on développe un projet urbain, il y a énormément de contraintes à respecter : budgétaires, urbaines, sanitaires, sécuritaires, l’approche genrée, etc. L’approche genrée n’est qu’un critère parmi tant d’autres. »2

Annexe II: rentranscription de Hortense De Brouwer, étudiante en management territorial et développement urbain, de son entretien avec Laura Chaumont, Collaboratrice des projets Espaces publics et Enfants CAPables à Garance. 2 Annexe I : rentranscription de l’entretien avec Anne-Marie Sauvat, architecte paysagiste, fondatrice et gérante de l’Aetlier Eole. 1

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2.3.2.

Description du projet de réhabilitation du quartier des casernes et recommandations

Le projet développé au sein du quartier des casernes s’inscrit dans une démarche de requalification d’un quartier marqué par son passé militaire, en témoignent son îlot des casernes et son ancien Grand Manège de l’ilôt Rogier. Il tente ainsi de répondre aux besoins du quartier et de recréer le tissu urbain grâce à un programme diversifié. Il ne fait pas mention explicite d’une prise en compte des besoins spécifiques des femmes. Cependant, inconsciemment, il les adresse directement. Une analyse genrée du projet a été imposée par la Ville de Namur. Ainsi, dans la catégorie « Autres enjeux du projets », le conseil communal fait référence à « une vision genrée de la ville » qui permettra de « garantir un projet qui rencontre les aspirations des femmes » (Conseil Communal de la Ville de Namur, 2017, p.5). De plus, « le cahier des charges prévoit l’obligation pour les promoteurs de consulter une ASBL compétente dans l’aménagement genré des espaces publics pour garantir un projet qui rencontre les aspiration des femmes » (Ville de Namur, 2017). Dans son rapport Namur au fil des marches exploratoires - Analyse genrée de l’aménagement de l’espace public dans trois quartiers (Garance, 2017), l’ASBL Garance avait rédigé des recommandations spécifiques portant sur le quartier des casernes1. Ce rapport a notamment été annexé au marché public afin que les opérateur·rice·s puissent s’en informer s’il·elle·s le désirent. Après avoir situé le contexte historique et actuel du quartier, et abordé le principe des marches exploratoires ainsi que leur application au sein de la Ville de Namur, cette partie présentera les différents besoins relevés par la Ville de Namur pour le conseil communal du 27 mars 2017 qui ont été imposés dans le cahier des charges du projet. Les explications contenues dans ce cahier des charges seront reformulées à travers une lecture genrée de ce qu’elles amènent et mises en lien avec le rapport des marches exploratoires de l’ASBL Garance. Nous nous efforcerons ainsi de mettre en parallèle les recommandations qui s’y trouvent avec les besoins du quartier.

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1

Annexe Rapport des marches exploratoires. Garance ASBL 2017.


ILOT DES CASERNES

Cartographie 2 : Orthophoto Ville de Namur - Ilot des casernes, 2020 ©Sources de données SPW

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BOULEVARD CAUCHY RUE GENERAL MICHEL

FUTUR PALAIS DE JUSTICE CORPS DE GARDE

TOURS FINANCE

PARKING DES CASERNES

RUE DU PREMIER LANCIERS

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RUE DES BOURGEOIS


Contexte •

Historique

L’îlot des casernes se divise en deux secteurs historiques ; un secteur nord qui accueille des remparts au XIVème siècle et un secteur sud comprenant la zone intra-muros, située entre la Quatrième Enceinte et le Houyoux, dénommée « Herbatte ». Tout au long du Moyen Âge, la zone sud reste vierge d’habitat et de construction, elle était réservée à l’emplacement de la grande foire annuelle de Namur. C’est au XVIIe siècle que les premières casernes de Namur sont construites sur le site. Afin de moderniser les installations militaires belges que Léopold II caractérise d’insalubres, la Caserne « Léopold » est construite en 1885 (Ville de Namur, 2017). Au cours du XIXe siècle, après la création de cette ancienne caserne d’artillerie, le quartier a commencé à s’urbaniser. L’îlot est alors occupé par l’ensemble de la caserne, la boulangerie militaire et du Grand manège, délimité par les rues Bourgeois, Premier Lanciers et Général Michel. Il est également marqué par un élément fort de ce passé militaire, le corps de garde. La caserne, encerclée de murs, est organisée en pavillons distincts répartis autour d’une cour centrale appelée « cour d’honneur ». Le secteur nord, lui, héberge le rempart (portes, tours et murs de courtine) construit entre le XIV et le XVe siècle et démoli au XIXe siècle pour y accueillir une partie de l’ancienne caserne des Lanciers (Pavillon de l’Aménagement urbain, 2018). Les migrations du XIXème siècle ont résulté en une certaine confusion des espaces et des sexes ayant contraint un ordonnancement de la ville par circulation des flux et spécialisation des espaces (Perrot, 1997). La ville s’en retrouve divisée sur base de différents quartiers abritant des fonctions distinctes parfois davantage assignées à des hommes comme, par exemple, la militarisation d’un quartier. En effet, jusqu’au XXème siècle, « le domaine militaire est resté pour l’essentiel une chasse gardée masculine » (Dandeker, 2003, p.735). Ce contexte militaire soumet, par conséquent, l’ensemble du quartier des casernes à une utilisation exclusivement masculine ou presque puisque : « Les espaces militaires et sportifs sont les plus masculins de tous. Toute femme qui s’approche d’une caserne est suspecte ; seules les dernières des prostituées (...) rôdent à ses abords » (Perrot,1997, p.156). Il s’inscrit plus largement dans l’image de la « domination masculine » de la ville contraignant les femmes à un usage différencié des pratiques qu’elles y 90 exercent (Bourdieu, 1997).


Au XXème siècle, suite à la démilitarisation du site, le terrain est scindé entre la Ville et la Régie des Bâtiments en vue de la construction d’une cité administrative. L’ensemble du quartier des casernes, alors très peu occupé, est ensuite quelque peu malmené par la construction de trois tours des finances au sud-est de sa périphérie. Les pavillons des casernes ont été rasés dès 1980. Le site est ensuite resté un moment en suspens puisque l’ensemble des bâtiments de la cité administrative envisagé ne sera jamais construit. Dans les années 1990, un plan communal (PCA) est élaboré afin d’y implanter des bureaux, logements et commerces. Toutefois, le projet a été abandonné (Pavillon de l’Aménagement urbain, 2018).

Actuel

C’est vingt ans plus tard, en 2009, que le quartier est soumis à la réalisation d’un PRU (Périmètre de Remembrement Urbain) dans le cadre de l’implantation sur le site du futur Palais de Justice. L’îlot étant divisé en différentes parcelles qui appartiennent chacunes à un organisme différent, la Régie foncière de la Ville de Namur est contrainte, en 2012, de racheter le terrain du parking des casernes à la Régie des bâtiments. Cette transaction a été réalisée dans le but d’entreprendre une opération de revitalisation urbaine à l’échelle du quartier et d’apporter un nouveau souffle à cette zone oubliée du centre-ville. De nos jours, le site n’est en effet pas très dynamique. Seule l’entrée du parking est régulièrement utilisée par des jeunes qui viennent y manger le midi (Garance, 2017). De plus, le bâti est faible et ne regroupe que les trois tours des bureaux d’AG real estate, un espace constructible en face de celles-ci et le corps de garde abritant l’ASBL Musée africain. La rue Bourgeois, qui borde le sud du site, semble être abandonnée par les pouvoirs publics. En effet, en plus de la route dégradée, il y a beaucoup d’espaces perdus. La population namuroise n’est pas fortement active sur le site qui ne présente que peu d’intérêt, étant occupé par un parking et un service administratif. Celle-ci a partagé son envie d’y voir fleurir de nouvelles dynamiques afin d’y insuffler de la vie et de l’animation.

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Les anciennes casernes nécessitent donc des espaces destinés à redynamiser le quartier et à faire revenir la population (Garance, 2017). C’est pourquoi la Régie foncière souhaite y « re tisser une toile urbaine conforme à la typologie du cadre bâti existant et à venir » (Conseil Communal de la Ville de Namur, 2017).


Projet de Mobilité Nord de la Corbeille - entre quartier Gare et

Ca uc h

y

1

le v Bou

ard

2

Réhabilitation du Grand Manège Espace Rogier

3

Le Nouveau Palais de Justice

92


1

PROJET MOBILITÉ Gare-Casernes

2

Ancien Corps de Garde

Nouveau Palais de Justice

3

Espace Rogier Nouvel ILOT DES CASERNES

Tours de bureaux

93 ©Elise Mullens

Cartographie 3 : Plan Masse Namur- Ilot des casernes


Aujourd’hui peu attrayant, la rénovation du site permettra d’y implanter des fonctions culturelles intéressantes, de nouveaux services et commerces, des logements,… à proximité immédiate des transports en communs, de l’axe commerçant Fer-Ange et des écoles. L’aspect patrimonial sera conservé à travers la préservation du Grand Manège et de l’ancien corps de garde de la Caserne Léopold (Architectura, 2017, para. 6). Situé à la croisée de quatre quartiers ; Herbatte, Saint-Nicolas, Célestines / Pépin et l’axe Rogier / Dewez / Delvaux, le périmètre du projet présente de nombreux atouts. Il est notamment localisé en centre-ville et proche des gares des bus et des trains sur un axe TEC structurant et desservant plusieurs grands pôles de la ville. Force est de constater que l’offre de transports en commun à proximité immédiate des logements, services et équipements publics est une réelle aubaine pour les femmes dans une perspective de ville égalitaire. Les femmes se déplacent davantage pour des raisons liées au fonctionnement du foyer que pour des motifs professionnels (Badré & Daulny, 2018). De même, leurs déplacements concernent une plus grande variés de lieux fréquentés (Stif, 2013).

Les marches exploratoires et leur application à Namur Nous l’avons vu précédemment, la planification sensible au genre repose sur la recherche participative et la consultation pour faire émerger les besoins des groupes de population qui sont le moins souvent entendus (Booth, 1996). La marche exploratoire ou « the women’s safety audit » (Whitzman et al., 2009), une promenade animée et encadrée par un petit groupe de femmes, constitue l’un des outils de cette planification sensible au genre. L’ASBL Garance utilise d’abord les marches exploratoires dans le cadre de groupes de réflexion sur la sécurité qui visent à explorer avec les femmes leurs ressentis et leurs idées au sujet du sentiment d’(in)sécurité et de l’espace public (Zeilinger, 2009). Ces marches permettent, dans un premier temps, de s’approprier l’espace public de manière collective et d’examiner les ressentis et les appréhensions des participantes. Plus encore, elles incitent les marcheuses « à questionner la fabrique genrée de l’espace public et à formuler des pistes pour un changement social » (Sacco & Paternotte, 2018, p.142). L’approche de l’ASBL se veut spécifique car la méthodologie des marches exploratoires s’appuie sur les facteurs de sécurité urbanistique identifiés par la littérature. 94 Contrairement aux audits de sécurité canadiens, la liste des facteurs de sécurité des


marches exploratoires de l’ASBL est élargie à dix1 et elles tentent de faire appel aux corps (Garance, 2012). En effet, les marches exploratoires doivent solliciter tous les sens et ce, dans le but de comprendre l’impact de l’aménagement urbain sur les expériences spatiales des femmes (Degen & Rose, 2012). Pour cette raison, les participantes sont invitées à décrire la qualité de leurs sensations et perceptions à travers un guide de questions. Ces marches ont la particularité d’être non-mixtes. Afin de mettre en lumière la domination masculine au sein de l’espace et de permettre aux femmes de se réapproprier l’espace, la non-mixité semble être un outil précieux. Il s’agit bien d’un outil, et non d’un objectif, nécessaire pour éviter que les rapports de domination entre participant·e·s ne biaisent les témoignages (Zeilinger, 2018).

Une méthodologie bien spécifique Les marches exploratoires conçues par l’ASBL se fondent sur une méthodologie spécifique. En amont, l’équipe de l’ASBL contacte des associations de terrain qui travaillent directement avec des publics particuliers et tente de regrouper un certain nombre de femmes. Cette collaboration est nécessaire afin d’assurer une diversité des profils féminins. Laura Chaumont insiste d’ailleurs sur l’utilité de travailler avec un réseau associatif dans chaque ville car Garance n’a pas la même visibilité partout. Pour Namur, elle avait notamment contacté la Maison des Jeunes et de la Culture des Balances qui accompagne des jeunes dans la construction de leur avenir. Cette rencontre lui a permis de réaliser une marche exploratoire avec des jeunes filles, la seule ciblée sur un public jeune parmi les dix autres marches réalisées à Namur.2 Au départ de ces groupes constitués, une présentation de projet est nécessaire pour que les femmes décident ensemble de l’itinéraire à emprunter. L’itinéraire n’est jamais imposé, ce sont les marcheuses qui l’établissent. Seul le point de départ leur est imposé. La réflexion et les échanges des participantes sont encadrés afin qu’elles perçoivent leur quartier avec un regard nouveau et identifient ce qui leur semble être sécurisant ou non (Garance, 2017). Selon la méthodologie développée, l’équipe Les dix facteurs de sécurité sont : l’orientation (savoir où on est et où on va) ; la transparence (voir et être vue) ; l’ éclairage ; entendre et être entendue ; obtenir de l’aide ; l’accessibilité ; les présences et usages ; la propreté ; l’éfficacité collective ; l’évitement de conflits spatiaux (Garance 2012). 2 Annexe II: rentranscription de Hortense De Brouwer, étudiante en management territorial et développement urbain, de son entretien avec Laura Chaumont, Collaboratrice des projets Espaces publics et Enfants CAPables à Garance 1

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d’encadrement rencontre les marcheuses à trois reprises : en amont, afin de poser le cadre du projet et le fonctionnement de la marche ; ensuite, au cours de la marche en elle-même ; et finalement, en aval afin d’exposer la synthèse des données récoltées. Cette dernière étape permet d’impliquer les marcheuses jusqu’au bout de la démarche et de s’assurer que les données retranscrites concordent avec les recommandations faites lors de l’exploration (Chaumont & Zeilinger, 2013). La même marche est ensuite réorganisée avec les mêmes marcheuses sur base de paramètres temporel et saisonnier différents. Cependant, cette dernière étape est bien souvent irréalisable par manque de temps et en raison de la contrainte que cela représente pour les participantes.1

Les marches exploratoires de Namur « Pour la première fois en Belgique francophone, les recommandations tirées des marches ont été intégrées à titre indicatif au cahier des charges des travaux d’aménagement du territoire de la ville de Namur » (Garance, 2018). Avant de pouvoir analyser l’application de la méthodologie de l’ASBL Garance au sein de la ville de Namur, une mise en contexte est nécessaire afin de comprendre dans quelles conditions et à quelle fin celles-ci ont été menées. En 2015, après trois années d’absence médiatique de l’outil, suite à la demande du Pavillon de l’Aménagement Urbain et en collaboration avec la Ville de Namur, l’ASBL entame de nouvelles marches exploratoires. Sophie Marischal, qui est alors responsable du Pavillon de l’Aménagement Urbain, doit proposer une programmation annuelle à Arnaud Gavroy, à l’époque échevin de l’Aménagement du territoire et de la région foncière de Namur. Géographe de formation, et féministe intéressée par la question du genre, elle propose, entre autres, cette thématique aux responsables politiques de son département.2 L’approche, ayant suscité de l’étonnement de par son caractère peu connu, a finalement été approuvée.3 C’est tout naturellement que Sophie Marischal décide de faire appel à l’ASBL Garance, organisme belge le plus expérimenté en la matière. Annexe II: rentranscription de Hortense De Brouwer, étudiante en management territorial et développement urbain, de son entretien avec Laura Chaumont, Collaboratrice des projets Espaces publics et Enfants CAPables à Garance. 2 Il faut savoir que la ville de Namur fonctionne par départements. Sophie Marischal et Arnaud Gavroy font tous deux parties du département urbain de la ville à l ‘époque. 3 Annexe III : rentranscription de Hortense De Brouwer, étudiante en management territorial et développement urbain, de son entretien avec Sophie Marischal, responsable du Pavillon de l’Aménagement urbain de la Ville de Namur. 1

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Au départ du projet, l’organisation de vingt-trois marches exploratoires était envisagée : cinq dans le quartier de Bomel, quatre dans le quartier des casernes, huit dans le quartier de la gare et six dans le quartier de l’université. Cependant, comme le tableau ci-dessous l’illustre, ce sont finalement dix marches qui seront menées dans seulement trois des quartiers précédemment cités. Le quartier de l’Université n’a pas été exploré en raison d’une mauvaise accessibilité au public cible : les universitaires. Laura Chaumont souligne avoir manqué « des bons canaux pour entrer en contact avec les étudiantes. » Toutefois, les marches ont tout de même pu rassembler plus de soixante femmes âgées d’environ 44 ans. La raison de la présence d’un public majoritairement « âgé » réside dans la structure de la population namuroise : l’âge moyen des femmes namurois est de 43,8 ans (Ville de Namur, 2019). Quant à eux, les profils rassemblés, sont variables : célibataires, mariées, divorcées, retraitées, chercheuses d’emploi, en formation, employées,… Cependant, les participantes sont en majorité belges, à l’exception d’une sénégalaise et d’une italienne. Garance n’étant pas inscrite dans le tissu associatif local, les partenaires et leurs publics ont été plus difficile à mobiliser et la diversité des femmes participant aux marches n’en a pas été favorisée. Le manque de partenariat avec des associations travaillant avec des femmes migrantes n’est sans doute pas anodin (Garance, 2017).

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QUARTIER BOMEL

QUARTIER GARE

QUARTIER CASERNES

QUARTIER UNIVERSITÉ

©Source de données SPW

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ILOT DES CASERNES

ITINÉRAIRE DES MARCHES EXPLORATOIRES Quartier Célestine Quartier Namur-Centre Quartier Cathédrale Quartier Bomel-Heuvy

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Cartographie 4 : Itinéraire marches exploratoires et quartiers ©Elise Mullens - Fond de plan ©Sources de données SPW


C’est finalement après un an et demi de diagnostic et lors de la semaine de sensibilisation organisée par Namur’Elles que le projet s’est clôturé avec la présentation conjointe du rapport et de la liste de recommandations (Pavillon de l’Aménagement urbain, 2020). L’objectif étant que la ville intègre, à titre indicatif et à l’aide de ce rapport, de nouveaux critères liés au genre aux cahiers des charges des travaux prévus dans ses différents quartiers. Il semble important de préciser que le projet a été mené entièrement gratuitement par l’ASBL, la Ville de Namur n’y a donc pas participé financièrement.1 Le projet des marches exploratoires aurait-il été mené si la ville avait dû y investir de l’argent ? L’approche se veut innovante puisque, contrairement aux démarches précédentes, les marches exploratoires ont été utilisées afin d’adresser et de questionner les changements prévus en vue de gros travaux. En effet, afin d’aboutir sur des actions concrètes, les marches exploratoires doivent poursuivre un but précis. Ainsi, à la suite à de ces marches à Namur, l’un des quartiers est massivement médiatisé et divers articles font l’apologie d’un quartier dit « women friendly » en raison des critères de genre intégrés par l’ASBL et la Ville de Namur dans le cahier des charges du projet urbain. Il est question du projet Cœur de Ville situé dans le quartier des anciennes casernes et que nous analyserons plus spécifiquement dans la suite de notre travail. Les autres quartiers ne font pas mention d’une intégration particulière de la dimension de genre bien qu’ils aient été soigneusement sélectionnés par l’ASBL Garance et le Pavillon de l’Aménagement Urbain en considération des futurs projets d’aménagements. Dès lors une question subsiste : Pour quelle(s) raison(s) le projet des anciennes casernes est-il le seul, parmi trois autres quartiers, à prendre en compte les recommandations des marches exploratoires en imposant l’intégration du genre à son cahier des charges ? Cette question mériterait d’être explorée plus en détail. Cependant, le manque de temps et la crise sanitaire que le monde a traversé (et traverse toujours) durant de la rédaction de ce mémoire ne nous permettent de développer une seule hypothèse, décrite ci-après, faisant écho à un entretien de Sophie Marischal réalisé par une étudiante en management territorial et développement urbain, Hortense De Brouwer. La régie foncière de la Ville de Namur appartient à la même tutelle politique et au même département que Sophie Marischal. Celle-ci est en charge de la réaffectation du site des casernes. C’est donc à la suite de discussions entre le département et Annexe II: rentranscription de Hortense De Brouwer, étudiante en management territorial et développement urbain, de son entretien avec Laura Chaumont, Collaboratrice des projets Espaces publics et Enfants CAPables à Garance 1

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Sophie Marischal, tous deux dépendant du même échevin, que la volonté d’imposer dans la démarche du concours des casernes la prise en compte du genre est née. Sophie Marischal précise : « De base, c’était dans le cadre du projet de réhabilitation de l’espace public qu’on a voulu faire les marches et puis naturellement, le projet des casernes est arrivé et ça paraissait naturel de l’inclure en fait. » Il a finalement été possible d’agir à grande échelle puisque le projet portait sur un quartier tout entier. Ainsi, il a été plus facile d’y imposer une approche genrée. Contrairement aux projets de plus petite échelle où il est difficile d’imposer un certain nombre de chose à un promoteur (Marischal, 2020). Le concours repose sur un partenariat public-privé entre la Régie foncière de la Ville de Namur et le lauréat du concours (l’Echo, 2018). Comme les chercheuses Louargant (2015) et Blidon (2017) l’ont démontré, bien souvent, les intentions affichées par les politiques s’éloignent des actions publiques réellement mises sur pied. Dès lors, les marches exploratoires ont-elles eu un véritable impact sur la conception de l’aménagement urbain du quartier ? Les recommandations ont-elles réellement été prise en compte lors de la conception du projet Cœur de Ville ? Comparaison avec les marches exploratoires de Bruxelles En 2011, en réponse à la demande du ministre Emir Kir alors en charge de l’urbanisme pour la Région de Bruxelles-Capitale, les marches exploratoires féministes émergent pour la première fois en Belgique. L’ASBL Garance organise, entre 2011 et 2012, 18 marches exploratoires encadrées par deux comités d’accompagnement, dont un scientifique composé des chercheur·se·s de l’Université des Femmes, sur 10 communes de la Région de bruxelloise. Les marches exploratoires bruxelloises ont ainsi permis de développer une lecture sexuée de l’espace public, de faire participer activement les femmes et de sensibiliser les décideur·se·s politiques et administratifs. Dans la foulée, elles ont rendu possible la publication et la diffusion d’une brochure intitulée « Espace public, genre et sentiment d’insécurité » auprès de 150 professionnel·le·s de l’urbanisme afin de les sensibiliser à l’analyse du genre et de mieux les outiller pour tenir compte des besoins des femmes dans les aménagements urbains (Zeilinger, 2018). 101

Bien que ces marches exploratoires, et les recommandations en ayant résulté, n’aient pas donné suite à une réelle intégration de la dimension de genre


dans le domaine du développement territorial, elles ont joué un rôle primordial pour les projets suivants, à Namur en 2015 et au sein du quartier des Marolles à Bruxelles en 2018 notamment. En effet, les marches exploratoires organisées par la suite ne se contentent plus d’explorer uniquement le sentiment général d’insécurité, elles ciblent une évaluation précise en prévision de changements urbains. Soutenu par la cellule Egalité des chances de la Ville de Bruxelles, l’expérience sur le quartier des Marolles a par exemple permis de prendre en compte la dimension de genre lors de l’élaboration du contrat durable du quartier (Chaumont & Chinikar, 2018). Les premières marches ont également contribué à visibiliser l’outil à destination des femmes sur le territoire belge et ont aidé l’ASBL à l’expérimenter tout en approfondissant sa compréhension de la thématique (Garance, 2012). Si nous comparons les différentes marches exploratoires menées par Garance, nous constatons que lorsqu’elles ont été entreprises par l’ASBL seule (comme celles de Bruxelles en 2012), les recommandations ne mènent pas à une réelle intégration de la dimension de genre dans le domaine du développement territorial. En effet, lorsque la ville n’a pas initié une volonté de transformation dans les quartiers explorés, les recommandations mènent difficilement à des changements visibles dans l’espace public. Laura Chaumont illustre d’ailleurs ce propos avec l’exemple du projet « Femmes au parc » réalisé en 2017 avec Garance : « On a travaillé sur 9 parcs, mais aucun n’était destiné à subir des changements ou des modifications donc, oui on a avancé des choses mais à partir du moment où il n’y a pas de travaux qui sont prévus , c’est de l’information qui reste, a priori, quand même fort dans le vide. » L’avis de Sophie Marischal y fait écho : 1 c’est intéressant de faire des marches quand on peut changer quelque chose et toute cette partie là de la ville [de Namur] étant en projet, on s’est dit : c’est le moment ou jamais, tout est en train d’être repensé au niveau de l’espace public. (…) Si on va dans un quartier lambda dans lequel la commune n’a pas décidé d’investir, on peut faire des démarches, faire des propositions mais c’est plus difficile d’avoir un budget. Annexe III: rentranscription de Hortense De Brouwer, étudiante en management territorial et développement urbain, de son entretien avec Sophie Marischal, responsable du Pavillon de l’Aménagement urbain de la Ville de Namur 1

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Bien qu’un rapport soit remis aux autorités locales, il relève uniquement de l’initiative de ces dernières d’intégrer les recommandations aux cahiers des charges puisque le rapport à une valeur indicative et non obligatoire (Garance, 2017). La collaboration entre une ASBL et les autorités publiques est certainement ce qui a permis de rendre réelle l’intégration du genre dans le cahier des charges du projet d’un quartier. Notons pour finir que d’autres associations, telles que le mouvement belge Femmes Prévoyantes Socialistes (FPS), ont également organisé des marches exploratoires à Bruxelles et en Wallonie. Cependant, l’ASBL Garance a été à l’origine de la première conception d’une méthodologie pour le territoire belge. Plus récemment, début 2020, s’est clôturée une série de marches exploratoires à Louvain-la-Neuve que Garance a coordonné en s’associant à d’autres ASBL telles que Corps Écrits et Maison Arc-en-ciel BW.

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Logements Brasserie Bibliothèque Musée africain Halle maraichère Parking souterrain Parking vélo Porche Agriculture urbaine Bureaux Terrasses collectives et potagers Espace communautaire Parc urbain Jardins collectifs Bancs publics Terrasse extérieure Palais de Justice Corps de garde militaire

105 Fig. 8 : Axonométrie des fonctions ©Elise Mullens Rendu perspective ©Miysis 3D


Les besoins du quartier et les recommandations Le futur site des casernes : Le premier objectif du projet de réhabilitation du quartier des casernes est « d’offrir un nombre significatif de logements de qualité » (Ville de Namur, 2017). Il s’agit de créer un ensemble mixte d’appartements comprenant des studios, des appartements une chambre, deux chambres et trois chambres, pour que le complexe puisse répondre à toutes les situations de vie en proposant des logements d’un niveau de prix et de finitions variés afin de favoriser l’accessibilité acquisitive. Bien que l’écart salarial tende à diminuer au cours des années, il reste important puisque les femmes belges gagnent en moyenne 9,6% de moins que les hommes (Le Soir, 2019). Ces inégalités salariales ont un impact sur les possibilités de logement offertes à ces dernières qui sont plus exposées à la précarité que leurs « congénères masculins » (Colar, 2017). Afin de réduire les inégalités, il est indispensable de proposer des logements diversifiés qui répondent aux besoins de différents types de ménages et qui sont accessibles à tou·te·s. Surtout si nous considérons qu’en 2009, la Belgique comptait plus d’un million de personnes isolées dont un peu plus de la moitié étaient des femmes (Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2011). De même, les femmes sont généralement à la tête des ménages monoparentaux (ibid). Le second objectif porte sur la réalisation, en centre-ville, de logements performants en terme de qualité environnementale en encourageant l’utilisation de divers dispositifs éco-responsables. Au cours des marches exploratoires, la majorité des participantes a soulevé le manque d’espaces verts en ville. De ce fait, elles souhaitent voir apparaître « des petites touches de verdures qui rendent la ville plus agréable telles que des parterres transformés en potagers collectifs, des bandes de trottoirs aménagés en parterre fleuri,… » (Garance, 2017). Le 20 juin 2017, lors d’une audition publique, Chris Blache, coordinatrice de Genre et Ville expliquait que « la fertilisation des espaces publics est un atout écologique mais aussi une opportunité de reconquête de l’espace public, cogéré, avec l’agriculture urbaine ». La fertilisation sociale, par le biais du jardin partagé, permet la reconquête de l’espace public. Il favorise le développement de réelles zones de mixité et peut faire l’objet d’animations attirant à la fois les femmes et les hommes (Badré & Daulny, 2018).

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Deux points du cahier des charges répondent directement à ce manque (Ville de Namur, 2017) : • « Un jardin au cœur des logements » L’intérieur de l’îlot de logements comportera un jardin exclusivement réservé aux occupants des nouveaux immeubles. • « Le quartier a besoin d’un grand espace public sous la forme d’un parc » Pour pallier au manque d’un espace public rassembleur, de jardins et de nature en ville, le site devra comporter un parc remplissant également la fonction de liaison piétonne entre les divers équipements et services. Le parc assurera un contrôle social grâce à la proximité des logements et à un agencement spécifique garantissant l’absence d’espaces cachés à la vue de tous. D’autant plus que, le contrôle social constitue l’un des principes permettant la création d’un environnement urbain sécuritaire. Nous pouvons ici faire un parallèle avec les six grands principes d’aménagement urbain sécuritaire développés par la Ville de Montréal au début des années 2000 (cf page 34). En effet, le principe numéro deux fait directement référence à ce qui a été mis en place sur le site des casernes : « la visibilité, voir et être vu en limitant les zones pouvant servir de « cachettes » et en choisissant des éléments de mobilier urbain et d’aménagement paysager permettant une bonne visibilité » (Paquin, 2002, p.28-52). Le projet prévoit donc le développement d’un parc en pleine terre d’environ 3.500m2. L’aménagement de celui-ci a fait l’objet d’une attention particulière afin de garantir l’inclusivité car, bien qu’ils jouent un rôle important dans le paysage urbain en permettant l’accès à la santé, à la nature, aux sports et aux loisirs, leur utilisation est hautement genrée notamment parce que les activités qui y sont proposées visent davantage des préférences attribuées aux hommes plutôt qu’aux femmes (Zeilinger, 2018). Lorsque les programmations pour des appels d’offre publics sont traduites en projet, « on se rend compte qu’on arrive à des projets de parcs urbains, de parcs publics avec des équipements qui sont à 99% phagocités par les garçons » (Sauvat, 2020, Annexe 1, p. 3). L’espace urbain participe donc à la production et à la transformation des rapports de genre (Blidon, 2016).

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Par ailleurs, le quartier des casernes constitue un espace en transition et les marcheuses souhaitent, par le biais de nouvelles dynamiques, y retrouver de la vie et de l’animation (Garance, 2017). Cette volonté de mixité est traduite par l’implantation de nouvelles fonctions au sein du site mentionnées dans le cahier des charges (Ville de Namur, 2017) :


• « Une bibliothèque comme élément rayonnant du quartier » Faisant fonction de liant urbain disposant de sa propre identité et signe du dynamisme nouveau du quartier, la bibliothèque sera, au-delà d’un conservatoire de livres, un lieu de savoir, de culture, de connaissance, d’éducation mais aussi un endroit de communication et d’échange. Un soin particulier sera apporté à l’architecture de même qu’à la relation avec le parc de cet espace générateur de liens sociaux. • « Une brasserie, lieu de rencontre » En complément à la création d’une bibliothèque, un lieu de convivialité et de rencontre englobera une brasserie côté parc ainsi qu’une salle polyvalente pouvant fonctionner de pair avec la bibliothèque, en collaboration avec le musée, ou encore de manière indépendante pour de petites conférences, formations et ateliers divers. Les toilettes publiques y seront accessibles pour tous les usagers du parc. • « Un musée au cœur du site » L’ancien corps de garde de la caserne est actuellement occupé par le musée africain qui y demeurera sur le site à la suite des grands travaux puisque la Régie foncière deviendra le propriétaire du bâtiment. Le MAN (Musée Africain de Namur) obtiendra une convention d’occupation du lieu afin qu’il ait un droit réel sur le bâtiment et puisse solliciter des subsides en vue de sa transformation. Afin d’agrandir la surface du musée, le porche d’entrée du corps de garde sera fermé et son enveloppe extérieure rénovée. • « Un commerce de proximité » « Le développement d’un commerce de proximité (une halle ou un magasin de produits frais en circuit court) de +- 800m2 porteur de valeurs sociétales fortes, notamment humaines et environnementales devra être intégré au projet le long de la rue du Premier Lanciers » (Ville de Namur, 2017). En favorisant les circuits courts et en donnant l’accès aux produits de producteurs agricoles et artisans transformateurs de la région, le projet s’inscrit dans le concept global de développement durable. La halle favorise également les échanges sociaux du quartier et se transformant au besoin en lieu alternatif (ateliers, conférences, débats, etc.). En plus d’être des éléments porteurs de liens sociaux, ces nouvelles fonctions permettent de répondre à la demande de contrôle sociale des participantes (Garance, 2017). En effet, une présence permanente sera assurée d’une part, par les fonctions publiques et collectives en journée et d’autre part, par la présence de logements au sein même de l’îlot. 108


Deux fonctions supplémentaires sont ajoutées au programme : • « Un parking » Comme le site comporte actuellement un grand parking, les marcheuses s’inquiètent de savoir si le site sera toujours accessible et si les places de parking perdues seront compensées ailleurs (Garance, 2017). La voiture constituant le mode de transport le plus utilisé, l’offre en parking est souvent une contrainte majeure en centre-ville. D’autant plus qu’à Namur, « le problème de parking est récurrent et pose de réels problèmes pour certaines femmes » (Garance, 2017, p.22). Il est donc nécessaire de fournir un minimum de places pour les nouveaux logements et services créés. Aussi, un parking souterrain de deux niveaux offrant 430 places devra être construit en dessous du parc tout en permettant la plantation en pleine terre de grands sujets. Durant les heures d’ouvertures du parking, des toilettes publiques seront mises à disposition des usagers et accessibles à tout citoyen de passage. • « Des espaces pour les métiers connexes au Palais de Justice » Le rez-de-chaussée du nouvel îlot à construire accueillera les espaces nécessaires et dédiés aux services liés à l’activité du nouveau Palais de Justice (bureaux d’avocats, locaux administratifs, etc.).

Le nouveau palais de justice :

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Le Gouvernement fédéral a trouvé nécessaire de construire un nouveau palais de justice pour héberger les juridictions namuroises qui manquent actuellement de place. Situé dans la partie nord du quartier des casernes, à l’angle de la rue Général Michel et du boulevard Cauchy, le futur complexe sera établi sur l’espace constructible appartenant à la Régie des bâtiments. Prenant la forme d’un îlot, le nouveau palais de justice offrira une perspective principalement dirigée vers le nouveau parc urbain du site des casernes. Implanté dans son axe, il garantira une connexion piétonne vers le centreville de Namur. Il y a fort à espérer que l’axe le reliant, créé depuis le bout du parc de casernes, améliore la mobilité de tou·te·s au sein du quartier. Le projet proposé pour le site des casernes devra donc être réfléchi en intégrant le projet de palais de justice dessiné par le bureau d’architecture Genval en association avec le CERAU et Aupa.


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©Miysis 3D

LE PROJET COEUR DE VILLE


2.4.

Analyse genrée du projet Coeur de Ville - Rétrospective Le projet se veut pilote dans la mesure où une analyse genrée a été effectuée en collaboration avec l’ASBL Garance. Des marches exploratoires se sont en effet tenues dans le quartier en 2015 et un cahier de recommandations a été remis aux autorités. Ces recommandations comprenant l’éclairage, le revêtement de sol, le mobilier confortable, les toilettes publiques accessibles, la fontaine à eau potable, ont été prises en compte par le consortium gagnant dans le cadre de l’élaboration de leur projet. Cette démarche est novatrice en Belgique et constitue une étape importante vers la prise en compte des questions de genre dans la manière dont nous concevons nos espaces urbains (Pavillon de l’Aménagement urbain, 2018).

Le projet Cœur de Ville s’est distingué de ses concurrents grâce à son intégration optimale dans le tissu urbain. En effet, il s’inscrit dans les profils et gabarits existants tout en respectant la skyline de la ville. En s’appuyant sur différentes structures urbaines existantes, il parvient à structurer le nouvel îlot dans son ensemble (Pavillon de l’Aménagement urbain, 2018). Le projet en quelques chiffres… Ayant suivi le cahier des charges imposé par la ville, les concepteurs·trices de Cœur de Ville ont divisé le terrain en trois pôles différents. Le premier pôle englobe 134 logements dont 11 studios, 42 appartements une chambre, 71 appartements deux chambres et 10 appartements trois chambres, 266 places de parking voitures rotatif, 134 places de parking privatif, 80 places de parking vélo ainsi que 32 autres dans le parc sous forme de 16 arceaux et, enfin, un espace communautaire ainsi que des jardins urbains privés et des potagers collectifs. Le deuxième pôle regroupe, quant à lui, 800m2 d’espace commercial en priorité dédié aux circuits courts (halle maraîchère et commerce alimentaire bio et local ), 800m2 destinés au Musée avec une possibilité d’extension de 250m2 et, enfin, 416m2 pour le Corps de garde réhabilité. Le troisième et dernier pôle rassemble 2.200m2 de bibliothèque sur trois étages avec une possibilité d’extension de 170m2 intégrés dans le projet mais non aménagés, un parc public en plein terre de 3.500m2, 450m2 d’espace horeca en bordure de celui-ci et une brasserie. En vue d’étudier comment le projet rencontre les aspirations des femmes en répondant notamment à leurs préoccupations, une étude des documents présentant celui-ci à été nécessaire. Les entretiens avec Sophie Marischal, Laura Chaumont et Anne-Marie Sauvat nous ont apporté des renseignements supplémentaires. De ces analyses, il ressort différents constats. 112


Fig.9 : Plan de toiture - Réalisation personnelle sur base du plan DDS+. ©E.Mullens

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Fig.10 : Axonométrie projet Coeur de ville - Réalisation personnelle sur base de la perspective Miysis 3D. ©E.Mullens


Premièrement, les premier et troisième pôles sont tous deux reliés par une passerelle faisant office de lien d’une part, entre la bibliothèque et la brasserie (pôle deux) et d’autre part, entre les logements et les bureaux (pôle un). Cette passerelle intègre plusieurs fonctions. À la fois lieu événementiel, terrasse, belvédère, auvent protecteur et mobilier urbain, c’est un élément spécifique de la composition. En effet, pensée de manière entièrement transparente et perméable, elle donne une perspective d’un bout à l’autre de l’îlot grâce à une percée dans l’alignement des bâtiments. En proposant une vision d’ensemble sur ce qui se passe à l’intérieur de l’îlot formé par les bâtiments, elle favorise l’un des critères primordiaux pour l’accès à un environnement urbain sécuritaire : « voir et être vu » (Paquin, 2002). Servant également de porche d’entrée, elle permet une transition entre le parc public et l’intérieur de l’îlot semi-public. Le bâtiment, abritant les logements, les bureaux et la brasserie, formé à l’angle en vis-à-vis du palais de Justice et en bordure du parc, se veut atypique dans son dialogue avec les autres éléments du quartier. Son implantation oblique, de même que celle de la bibliothèque et de la passerelle, cadre de nouvelles perspectives. Ainsi, depuis l’entrée du parc urbain à l’angle de l’îlot, les utilisateur·trices peuvent avoir une vision d’ensemble sur ce qu’il s’y passe. Cet axe renforce également les flux piétons traversant le quartier, le boulevard Cauchy et la rue des Bourgeois, vers le centre ville et inversement (Pavillon de l’Aménagement urbain, 2018). Deuxièmement, la multifonctionnalité du projet permet d’apporter une mixité sociale importante et d’ainsi rendre le quartier agréable pour la majorité de ses utilisateur·e·s (Garance, s.d.). En effet, contrairement au zonage des fonctions, la mixité des lieux tend à inclure un plus grand nombre de personne au sein de la ville. La Commission européenne emploie notamment la notion d’« inclusion active, qui consiste à permettre à chaque citoyen·ne·s, y compris aux plus défavorisé·e·s, de participer pleinement à la société » (Commission Européenne, 2008 , pp. L 307/11-14). D’autant plus qu’elle « vise à traiter différents problèmes : la pauvreté, l’exclusion sociale, la pauvreté des travailleurs, la segmentation des marchés du travail, le chômage de longue durée et les inégalités hommes-femmes » (ibid). Les différentes fonctions telles que la bibliothèque, la brasserie et la passerelle endosseront un rôle de contrôle social sur le parc. Par conséquent, la bibliothèque, conçue en transparence de manière à laisser passer les regards, permettra à ses occupant·e·s de garder un œil sur l’activité du parc en journée. De même, la brasserie et les logements le surplombant, ainsi que ceux situés au dessus de la bibliothèque, amèneront une présence et une surveillance en soirée. Ceci concorde avec la volonté des marcheuses qui, en prenant l’exemple d’une cafétéria, préconisaient une présence permanente sur le site afin de pouvoir se sentir en sécurité peu 114 importe l’heure (Garance, 2017).


Quant à l’accessibilité sur le site, l’ancien corps de garde retrouve une fonction de passage. Il est conservé dans son état historique et entouré de nouveaux bâtiments qui viennent se greffer légèrement en retrait de part et d’autre des deux tours situées à ses extrémités. Il est également réinterprété afin d’y ancrer les fonctions publiques existantes et futures. En tant que porte d’entrée de l’îlot, tous les accès ont été centralisés en ce même point (celui de la bibliothèque, du parking et de l’intérieur d’îlot) de sorte qu’il y ait un flux constant et que les entrées disparates, créant des recoins insécures pour accéder au parking, soient évitées (Marischal, 2018). Le porche, partagé d’un côté par le musée et la bibliothèque de l’autre, est rendu lieu de passage pour l’accès au parking public souterrain qui s’y trouve et fluidifie le trafic piétonnier du quartier. Il sera revêtu d’un « miroir en inox de manière à garantir une bonne visibilité dans le passage et de ce qu’il s’y passe ainsi qu’à réfléchir la lumière » (Marischal, 2018). L’ancien mur d’enceinte de la caserne est quant à lui évidé et ouvre l’espace commercial de la halle maraîchère sur l’espace public afin de redynamiser la rue du Premier Lanciers. De plus, la halle sera surmontée de plus petits logements et d’une toiture mise à la disposition de l’agriculture urbaine (Pavillon de l’Aménagement urbain, 2018). © Miysis

FICHE TECHNIQUE DU PROJET : ©DDS+ Location Intervention Use

Area Number of units Number of parking places Status Client Contracting authority Architect Associated architect Mission Landscape

Namur, Belgium New construction, conversion Residential, Office, Equipment (library, museum), Hospitality (restaurant), Retail (local bio market) 28.404 m2 134 housing units 410 parking places, 156 parking places for bikes Conception 2017 (Winning competition project) Thomas & Piron - Cœur de Ville Namur municipality DDS+ Atelier de l’Arbre d’Or, Qbrik Full architecture mission Atelier EOLE Paysagiste 5

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Fig.11 : Fiche technique Coeur de Ville. ©DDS+


ILLUSTRATIONS DU PROJET Fig. 12 : Angles de vue - Images : projections d’atmosphères ©Miysis 3D, DDS+.

LA PASSERELLE

LA BIBLIOTHÈQUE

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LE PARC URBAIN

L’INTÉRIEUR D’ILOT HALLE MARAICHÈRE

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2.4.1.

Le parc et son aménagement genré

Son implantation stratégique, au cœur d’un quartier en plein redéploiement, et proposant un large éventail de services, entraîne une diversité d’usages et d’usagers qui varieront au fil des jours et des heures de la journée. C’est pour répondre à ces usages très diversifiés que le parc propose une multitude d’espaces et d’ambiances permettant à chacun de vivre son expérience en bonne cohabitation avec les autres utilisateurs. Les recommandations de l’ASBL Garance, qui pose la question du genre et du sentiment d’insécurité dans l’espace public, ont été prises en compte dans le projet comme notamment l’ouverture au public des toilettes de la bibliothèque, rendues très facilement accessibles depuis le parc (Atelier Eole, 2017).

L’un des enjeux du projet repose sur la création d’un parc urbain qui projette l’obligation pour les promoteurs de consulter une ASBL compétente dans l’aménagement genré des espaces publics afin de garantir le développement d’un projet qui rencontre les aspirations des femmes (Ville de Namur, 2017). Ainsi, la Ville de Namur mentionne : « l’aménagement de l’espace public a fait l’objet d’une attention particulière quand à l’intégration du genre notamment au niveau de l’éclairage, revêtement du sol, mobilier confortable, toilettes publiques accessibles via le parc, fontaine d’eau potable,…) » (Ville de Namur, 2018). Ceci soulève un série de questionnements. Des dispositifs spécifiques ont-ils été mis en place afin de réduire les inégalités d’accès à l’espace public ? Comment les concepteur·rice·s ont-ils·elles traduit cette intégration dans l’aménagement du parc urbain ? Le mobilier urbain a-t-il bénéficier d’une attention particulière ? Lors des marches exploratoires, les participantes ont pu observer une esquisse du futur parc urbain. Elles se sont alors interrogées sur leurs envies, leurs les besoins et sur les éléments qu’elles souhaiteraient y retrouver (Garance, 2017). Puisque le corps de garde était alors encore entouré de ses murs d’enceintes, elles ont formulé la crainte que le parc ne soit trop cloisonné et sans contrôle social des passant·e·s, dans la mesure où ceux-ci seraient conservés (ibid). Cependant, il a été prévu que les murs soient démoli afin que les concepteur·trice·s proposent un parc conçu de manière « triangulaire » et se rétrécit le long de la rue du Premier Lanciers de sorte à mettre en perspective le Palais de Justice et le remaillage du tissu urbain (Pavillon de l’Aménagement urbain, 2017). Le parc est ouvert de manière à élargir un large champ 118 de vision sans angle mort.


Le parc a été pensé de manière multifonctionnelle. En effet, les participantes « souhaitent pouvoir faire des activités au même titre que les hommes ou les garçons, et que la répartition de l’espace soit égalitaire » (Garance, 2017, p. 21). Or ceci implique qu’« il faut limiter les espaces assignés à une activité sportive unique en pratique libre et privilégier des espaces non spécifiés où seront proposées des animations multiples et inclusives » (Badré & Daulny, 2018, p.80). Anne-Marie Sauvat confirme que le parc a été dessiné de telle sorte à « éviter les usages très stéréotypés des espaces et l’utilisation d’aménagements normés afin de sortir de réponses complètement archétypées » (Annexe I, p.5). Dans une démarche intergénérationnelle et genrée, les usages ont été aplatis de manière à s’ouvrir à toutes et tous. Force est de constater que « dans les villes, 80 à 90% des subsides servent par exemples pour des clubs de sports, (…) des skateparks, des agorespaces, etc. Et finalement, là on trouve en usager 2 à 3% de filles » (Annexe I, p.9). Alors, pour parvenir à des usages égalitaires, et éviter les discriminations de genre, l’espace de jeu représenté au centre du parc n’impose aucune pratique particulière. En effet, il ne présente qu’un seul mobilier : une sorte de dôme en aluminium, dispositif qui n’impose pas d’usage particulier et qui est facilement appropriable par tout·e·s. Cette philosophie, l’Atelier Eole tente de l’appliquer à chacun de ses projets, en témoigne leur projet du Cristal Park à Seraing. La passerelle constitue un élément essentiel du parc : « elle est, d’une part, la séparation discrète entre le parc et l’espace plus intimiste à l’intérieur de l’îlot de logement, et, d’autre part, son prolongement, agrandissant de la sorte les espaces verts respectifs. A l’inverse d’un front bâti, son positionnement permet un meilleur ensoleillement du parc » (Pavillon de l’Aménagement urbain, 2018). En collaboration avec les architectes du projet Cœur de Ville, les paysagistes de l’Atelier Eole ont imaginé ce haut-vent comme une grande terrasse à usage collectif pouvant accueillir les activités de la bibliothèque telles que des classes pédagogiques, un espace de lecture extérieur,… Mais aussi comme une terrasse pour la brasserie commerciale qui lui fait face. Surplombant le parc public, elle semble veiller au bon déroulement de la vie urbaine.

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Quant à la présence de toilettes publiques sur le site et de leur légitimité au sein des villes, Anne-Marie Sauvat et Laura Chaumont sont formelles : non seulement « les toilettes, c’est l’éternelle question qui fait que les femmes sont aussi moins présentes dans l’espace public » (Sauvat, 2020) mais en plus, « si il n’y a pas de toilettes publiques dans un parc, on exclut les femmes, c’est automatique » (Chaumont, 2020). Greed (2015) l’a démontré, les toilettes publiques constituent un facteur d’égalité entre les sexes. En effet, la chercheuse prouve qu’en plus d’être celles qui en ont le plus besoin, les femmes sont aussi celles qui y ont le moins accès dans l’espace public. De plus, « le manque de toilettes publiques, gratuites et entretenues pénalise (…) notamment


les femmes dans l’utilisation des espaces puisqu’elles ne peuvent l’investir durant une longue période » (Baumann, 2019, p.5). Aussi, pour que les femmes puissent profiter plus longtemps des espaces verts, ceux-ci doivent toujours être équipés d’une toilette gratuite et propre ainsi que d’un point d’eau potable (Chaumont & Chinikar, 2018). Bien qu’il n’y ait pas eu de budget pour installer des toilettes publiques au sein du nouveau parc urbain, le projet Cœur de Ville met à disposition des usager·e·s des toilettes gratuites au sein de la bibliothèque. Afin d’éviter de créer un sentiment d’insécurité chez les usager·e·s, les toilettes qui devaient initialement être placées dans le parking souterrain ont été localisées en surface. Bien qu’elles ne soient pas mixtes comme préconisé par Anne-Marie Sauvat, elles disposent d’un local neutre afin qu’autant les hommes que les femmes puissent l’utiliser en présence d’un enfant.1 Malheureusement, celles-ci ne seront accessibles que durant les heures d’ouverture de la bibliothèque.2 En revanche, il y a fort à espérer que lors de petits événements, le sas puisse rester ouvert et donner accès aux toilettes publiques sans avoir directement accès à l’intérieur de la bibliothèque. Un point d’eau est également prévu à l’aménagement public. Finalement, le mobilier urbain a lui aussi bénéficié d’une attention particulière. Actuellement, les bancs publics sont souvent orientés vers la rue. Or, (...) lesquels [les bancs publics] sont perçus comme nécessaires pour les personnes âgées, principalement des femmes rappelons-le, devant se reposer sur leur parcours, et problématiques en ceci qu’ils sont majoritairement utilisés par de jeunes hommes qui tendent à s’y regrouper, ce qui, la nuit, peut susciter un sentiment de peur pour les femmes circulant à proximité (Luxembourg, 2017). Dès lors, il est intéressant de réfléchir à leur disposition afin de proposer d’autres agencements qui favoriseraient la création d’espaces de convivialité et de mixité. Penser le mobilier urbain dans une perspective plus inclusive revient à réduire le sentiment d’insécurité par l’aménagement urbain (Badré & Daulny, 2018). Ainsi, les points d’entrée du projet Cœur de Ville ont été pensés de manière à éviter la présence de bancs « ventouses » qui, de par leur emplacement, pourrait dissuader certaines personnes d’entrer dans les lieux publics. À la place, des petits « salons », regroupant des assises, ont été disséminés un peu partout dans le parc (Marischal, 2018). Annexe II: rentranscription de Hortense De Brouwer, étudiante en management territorial et développement urbain, de son entretien avec Laura Chaumont, Collaboratrice des projets Espaces publics et Enfants CAPables à Garance 2 Annexe I : rentranscription de l’entretien avec Anne-Marie Sauvat, architecte paysagiste, fondatrice et gérante de l’Aetlier Eole 1

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VUES DU PARC URBAIN

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2.4.

Critiques et limites du projet

Le projet n’étant actuellement toujours pas entré en phase de construction, notre recherche n’a pas pu aboutir à une comparaison entre le projet proposé et sa traduction réelle dans l’espace. Néanmoins, nous pouvons mettre en parallèle les recommandations des marches exploratoires et le projet Cœur de Ville et ainsi relever quelques limites. L’ASBL Garance a également fait part de quelques inquiétudes concernant le projet que nous considérerons dans cette partie. Pour commencer, notons que la Ville de Namur restera propriétaire de seulement 10 logements sur les 134 construits. Cela implique qu’un nombre restreint de logements demeureront publics et permettront d’assurer un loyer accessible, ce qui est plutôt faible au vu de l’envergure du projet. Comme nous l’avons déjà mentionné, ce sont les femmes qui sont à la tête de la plupart des familles monoparentales, le manque de logements sociaux les impacte donc directement. Ce point avait notamment été abordé lors des marches exploratoires, les participantes avaient évoqué la crainte de ne plus se retrouver dans un quartier complètement transformé. D’autant plus que « Garance partage leur préoccupation de voir les politiques d’aménagements urbains mener vers des procès de gentrification1 qui excluent des pans entiers de la population des espaces publics au nom d’une meilleure rentabilité des commerces et des biens immobiliers » (Garance, 2018). En effet, les programmes de rénovations urbaines sont menés en priorité dans des quartiers à forte concentration de minorités ethniques, situés à proximité du centre et présentant de ce fait un intérêt stratégique ou économique pour la ville. Ces quartiers, alors soumis à une forte pression immobilière sont victimes de gentrification. Ils attirent les promoteurs privés qui y voient des perspectives de rendements importants via l’acquisition de terrains à moindre prix. Tant aux yeux des autorités publiques que des promoteurs privés, ces quartiers doivent devenir vitrine afin de rendre la ville attractive (Kirszbaum, 2010 , para. 20).

Or, la gentrification n’est pas compatible avec des lieux réellement accessibles pour toutes et tous comme le préconise la Charte Européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale (Conseil des Communes et Régions d’Europe, 2006, pp.26-27). Phénomène défini dans les années 1950 comme l’arrivée progressive, dans un quartier populaire, d’une classe sociale supérieure transformant radicalement ces habitants qu’elle finit par s’approprier entièrement (Van Criekinger, 201314) 1

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Deuxièmement, nous craignons que les diverses fonctions injectées dans la programmation ne rendent l’espace public de plus en plus payant. En effet, partager l’ensemble dans la ville est souvent lié à la consommation et donc indirectement à un certain niveau de vie. 1 Ainsi, la fréquentation d’un magasin bio, d’une brasserie n’est possible que pour les personnes capables de consommer ce type d’installation. De plus, la privatisation et la commercialisation de l’espace public exacerbent les inégalités sociales (Tieleman & Dawans, 2015), excluent des groupes avec moins de ressources économiques et impactent directement les femmes puisqu’en moyenne elles disposent de moins de ressources financières que les hommes (Conseil des Communes et Régions d’Europe, 2006). L’immobilier étant assez élevé à Namur, qui vont être les nouveaux habitants de ce quartier ? La rénovation du quartier des nouveaux abattoirs à Bomel avait eu pour conséquence l’augmentation des loyers. En sera-t-il de même pour le nouveau quartier de casernes ? D’autre part, la fiabilité des recommandations faites par les marcheuses namuroises pourrait être remise en cause puisque les marches exploratoires de Namur n’ont pas été assez diversifiées. En effet, Garance n’a pas réussi à avoir une assez grande diversification des profils des participantes. Laura Chaumont précise d’ailleurs que « toutes celles qui ont répondu avaient les moyens de penser une ville plus agréable et le quartier des casernes ».2 Garance s’aligne sur ce propos en soulignant que « c’est un réel problème parce que les participantes à ce projet ne sont pas assez représentatives de la diversité des femmes » (Garance, 2017). Seules trois marches ont été organisées dans le quartier des casernes (cf. Tableau p. 87) et se sont déroulées sur la même tranche horaire, entre 13h30 et 15h30 et entre 14h et 16h. Les marcheuses n’ont donc pas pu explorer le quartier de nuit et ainsi analyser l’éclairage public, l’ambiance générale et la fréquentation du quartier en soirée. Elles n’ont pas non plus fait l’expérience du quartier en matinée, lorsque, par exemple, les habitant·e·s se rendent au travail ou déposent leurs enfants à l’école. En conséquence, lorsque nous observons la vue projetée sur l’ensemble de l’îlot, nous notons qu’il n’y a pas de dispositif d’éclairage spécifique dans les rues qui longent le projet. Les marcheuses avaient pourtant recommandé un éclairage suffisant afin de mieux se repérer dans le quartier (Garance, 2017). Plus précisément, elles avaient relevé la nécessité de placer un éclairage aux abords du passage pour piétons au coin avec la rue du Premier Lanciers afin de veiller à ce que la nuit, les personnes qui traversent soient bien visibles.

Annexe II : rentranscription de Hortense De Brouwer, étudiante en management territorial et développement urbain, lors de son entretien avec Laura Chaumont, Collaboratrice des projets Espaces publics et Enfants CAPables à Garance. 2 Annexe II: rentranscription de Hortense De Brouwer, étudiante en management territorial et développement urbain, lors de son entretien avec Laura Chaumont, Collaboratrice des projets Espaces publics et Enfants CAPables à Garance. 1

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La question de l’éclairage public est pourtant très importante car elle met en avant les problèmes récurrents de visibilité et permet de diminuer le sentiment d’insécurité. En effet, l’un des 6 principes pour un aménagement urbain sécuritaire stipule que « l’éclairage public doit permettre de voir et d’être vu sans discontinuité, sans zone d’ombre, en garantissant un champ de vision distant (à ce titre les éclairages publics ne s’activant que lors du passage d’un individu ne sont pas idéal) » (Paquin, 2002, p.32). Néanmoins, le parc, bénéficie quant à lui d’un éclairage spécifique qui a été dissimulé un peu partout sous forme de grandes tiges métalliques illuminées à l’extrémité supérieure. Toutefois, Anne-Marie Sauvat mentionne que la plage d’éclairage du parc sera déterminée par la ville puisqu’il s’agit d’un éclairage public et ne peut donc pas affirmer qu’il sera éclairé en permanence1. En définitive, « l’orientation joue un rôle clé dans le sentiment d’insécurité. Pouvoir s’orienter et savoir où on est, est important » (Garance, 2017). Ainsi, la signalisation doit permettre aux usager·e·s de se repérer facilement et de ne pas se sentir perdu·e·s (Paquin, 2002). De manière générale, le quartier manque de signalisation à destination des piéton·ne·s. Les marcheuses ont fait part de la nécessité de pouvoir se situer à tout moment, que ce soit via des plans de quartier ou des panneaux d’indication. Actuellement, un plan de quartier est présent dans la rue du Premier Lanciers mais le support n’est pas qualitatif puisque étant noir, il ne facilite pas la lecture et ne bénéficie pas d’un éclairage spécifique qui le rend lisible une fois la nuit tombée (Garance, 2017). Les documents du projet Cœur de Ville ne présentent pas de signe particulier indiquant un dispositif pour aider les passant·e·s à se repérer. Cependant, nous ne disposons pas de suffisamment d’informations que pour pouvoir dire si cette démarche a été envisagée ou non.

Annexe I : correspondance entre Anne-Marie Sauvat, architecte paysagiste chez l’Atelier Eole et Hortense De Brouwer, étudiante en management territorial et développement urbain. 1

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Comic book readers, NYC, 1947 ©Ruth Orkin Photo Archive


CONCLUSION Le genre, les femmes et c’est tout ? En entamant ce mémoire, nous désirions rendre compte de la relation unissant, pour le meilleur et pour le pire, le genre et les femmes dans l’espace public. Guidé·e·s par notre question de recherche et le cadre fixé de notre problématique, nous poursuivions un double objectif : d’un part, démontrer que le genre est révélateur des inégalités entre les hommes et les femmes et qu’il est un facteur explicatif important de leur rapport spatial à la ville actuelle (Di Méo, 2012) ; d’autre part, étudier l’impact de sa prise en compte dans les politiques publiques et urbaines d’une ville et sa traduction dans l’aménagement urbain de ses projets. En exploitant différentes études et en mettant en lien le genre avec des concepts tels que la mobilité, la ville, l’espace public, l’aménagement urbain, le sentiment d’insécurité et ou encore les marches exploratoires, nous avons tenté de traduire la construction du genre au sein de notre société et ses répercussions sur l’organisation de l’espace urbain. D’autre part, ce travail nous a permis de questionner l’architecture et l’urbanisme à travers les « lunettes du genre ». En effet, en tant qu’acteur·e·s et futures acteur·e·s de cette discipline, il nous semble impératif d’être conscient que l’aménagement urbain tel que nous le construisons façonne le quotidien de celles et ceux qui le traversent et qu’il est encore bien trop souvent vecteur d’inégalités. Nous l’avons démontré, lorsqu’il est question de genre dans les espaces publics, l’analyse genrée révèle non seulement les rapports sociaux de sexe existants dans notre société mais également les rapports de domination liés à l’orientation ou l’identité sexuelle, l’âge ou le handicap (Raibaud, 2016). Cependant, pour construire notre société de manière égalitaire, 128


la fréquentation de l’espace public en libre accès par l’ensemble des citoyen·ne·s est capitale. Ainsi, les politiques genrées d’aménagement de la ville permettent non seulement de rendre les espaces plus accessibles aux femmes mais d’autant plus ouverts et égalitaires pour tou·te·s. Or, pour que les politiques urbaines soient efficaces, il faut également que les politiques gouvernementales y participent en appliquant des mesures (Baumann, 2019) et « même si la réflexion sur l’aménagement sensible au genre a beaucoup progressé ces cinq dernières années, l’analyse de genre est loin d’être intégrée de manière systématique dans les processus politiques et de planification » (Zeilinger, 2018, pp.139-153). En effet, même si l’idée de faire participer les femmes à l’analyse de l’espace provoque de l’enthousiasme, les professionnel·le·s sont vite découragé·e·s par les résultats qui bien souvent nécessitent des changements au niveau du projet ou du processus de planification en lui-même. Mais, certains outils revendiqués par les mouvements féministes ont pu mettre en lumière les limites de l’urbanisme actuel quand à l’émancipation des femmes. C’est notamment le cas des marches exploratoires. L’étude de cas de la ville de Namur nous a permis d’analyser le processus de genre au sein des politiques publiques à l’échelle d’une ville mais aussi à l’échelle d’un pays. Et malgré les nombreuses mesures prises par la Belgique, l’intégration du genre de façon transversale dans les aménagements du territoire n’est malheureusement pas encore systématique (Chaumont, 2020). Certes, « le rattrapage est en bonne voie, mais beaucoup le considèrent trop lent, d’autres considèrent même qu’il relève plutôt de l’apparence et que ce qui est donné ici est repris là » (Courtas, 2016, p.105). L’exemple namurois a également mis en lumière le processus d’intégration du genre en amont et aux prémices d’un projet urbanistique et architectural. Ainsi, « la prise en compte du genre, très en amont dans l’élaboration et tout au long d’un projet, permet de questionner en profondeur nos modes de construction et d’organisation de la vie commune dans les espaces et de les faire évoluer » (Blache & Lapalud, 2018). Mais il n’a finalement pas permis d’étudier les répercussions de cette prise en compte dans les pratiques des citoyen·ne·s à travers le nouveau parc public, en aval de la construction du projet Cœur de Ville. En revanche, notre travail, par son originalité, fournit un cadre inédit en Belgique à travers lequel nous pouvons appréhender et comprendre la planification sensible au genre et ses implications. 129


Néanmoins, « n’oublions pas que si l’urbanisme peut influencer le système de disparité, les mœurs et les bases sexistes de notre société se doivent, elles aussi, d’évoluer dans le même sens » (Assouad & Ancion, 2012, p. 7). Ainsi, « nous sommes bien conscientes que l’aménagement du territoire ne sera pas la seule façon de rendre nos espaces publics plus accessibles pour les femmes. Les expériences négatives qu’elles vivent découlent des rapports de dominations persistants dans notre société, et pour avancer vers la déconstruction de ces rapports de dominations et des violences qui en découlent, nous aurons besoin de soutiens politiques durables et engagés» (Garance, 2018). En effet, afin de transformer durablement les rapports de domination entre les femmes et les hommes dans tous les domaines de la vie privée et publique, il est nécessaire de prôner une éducation au savoir-vivre, au respect de tou·te·s, à l’égalité et à la sexualité (Baumann, 2019).

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Comme l’écrivait Simone de Beauvoir en 1949 dans Le deuxième sexe :

« Peut- être suffit-il d’une crise politique, économique, religieuse [ou sanitaire] pour que les droits de la femme soient remis [encore et toujours] en question ? »

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LIMITES DE LA RECHERCHE

Il est évident que la présente recherche comporte certaines limites, nécessitant un recul critique. Premièrement, la méthode employée pour recueillir nos données n’a pas été optimale. En effet, afin d’enrichir notre recherche, un plus grand nombre d’entretiens aurait été essentiel. Afin d’appréhender le projet dans toutes ses spécificités, une rencontre avec tou·te·s les acteur·rice·s ayant été impliqué·e·s de près ou de loin aurait été nécessaire. Cependant, la crise sanitaire a considérablement limité les démarches et notre recherche s’en est trouvée quelque peu désavantagée. Ainsi, notre travail a été opéré dans une certaine limite vis-à-vis de l’accès aux informations et de la disponibilité des acteur·e·s. Soulignons également que le projet est novateur en Belgique et qu’il n’y a pas vraiment d’autres exemples auquel nous aurions pu le confronter puisque c’est la première fois, sur le territoire belge, que le genre est pris en compte dans le cahier des charges d’un projet de réaménagement d’un quartier.

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PISTES FUTURES

Actuellement, le projet Cœur de Ville étant toujours en cours de développement, les acteu·e·s travaillent sur les dossiers de permis d’urbanisme et d’exécution et donc le chantier n’est pas encore en cours. De plus, à l’exception du travail d’une étudiante bruxelloise en management territorial et développement urbain (De Brouwer, 2020), aucun texte n’a encore analysé le projet Cœur de Ville sous sa dimension genrée. Par conséquent, la présente recherche pourrait servir de base à des analyses approfondies lorsque le projet aura été construit. Ainsi, d’autres chercheur·e·s pourraient mettre en parallèle les différents dispositifs prévus et leur transposition dans la réalité. De même, il·elle·s pourraient, à l’aide de relevés, d’enquêtes de terrain, ou de recueils d’observations, étudier l’impact que l’aménagement du site a sur la population qui y est réellement active. Parallèlement, d’autres questionnements pourront être soulevés tels que: l’aménagement favorise-t-il réellement la présence des femmes ? Investissent-elles les lieux comme le projet ambitionne ? Le projet répond-t-il à une plus grande mixité sociale? En définitive, le projet Cœur de Ville a principalement été examiné du point de vue des femmes. À long terme, il pourrait être intéressant de le confronter avec les nouvelles théories émergentes telle que la théorie Queer qui invite à déconstruire ce qu’il reste encore de lecture binaire, polarisée par le masculin et le féminin, dans notre représentation ordinaire du genre (Di Méo, 2012). Elle fait notamment référence à ce qui n’est pas hétéronormé et inclut plus largement les gay, lesbienne, transgenre, altersexuel, pansexuel,…

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134 Zurich, 2019 - Frauenstreikfotografinnen ŠCaroline Minjolle


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MESDAMES Grand Corps Malade https://www.youtube.com/ watch?v=TC7aA1WIkyQ

Veuillez accepter Mesdames ces quelques mots comme un hommage À votre gente que j’admire qui crée en chaque homme un orage Au cinéma ou dans la vie vous êtes les plus beaux personnages Et sans le vouloir vous tenez nos cœurs et nos pensées en otage Veuillez accepter mesdames, cette déclaration Comme une tentative honnête de réparation Face au profond machisme de nos coutumes, de nos cultures Dans le grand livre des humains place au chapitre de la rupture Vous êtes infiniment plus subtiles, plus élégantes et plus classes Que la gente masculine qui parle fort, prend toute la place Et si j’apprécie des deux yeux quand tu balances ton corps J’applaudis aussi des deux mains quand tu balances ton porc Derrière chaque homme important se cache une femme qui l’inspire Derrière chaque grand être humain précède une mère qui respire «La femme est l’avenir de l’homme» écrivait le poète Eh ben, l’avenir s’est installé et depuis belle lurette Vous êtes nos muses, nos influences, notre motivation et nos vices Vous êtes Simone Veil, Marie Curie, Rosa Parks, Angela Davis Vous êtes nos mères, vous êtes nos sœurs Vous êtes caissières, vous êtes docteurs Vous êtes nos filles et puis nos femmes Nous, on vacille pour votre flamme Comment ne pas être en admiration et sans commune mesure Pour celles qui portent et fabriquent pendant neuf mois notre futur Pour celles qui cumulent plusieurs emplois et ce sans sorcier Celui qu’elles jouent dans la journée et le plus grand, mère au foyer Veuillez accepter Mesdames cette réelle admiration De votre force, votre courage et votre détermination Veuillez accepter Mesdames mon aimable faiblesse Face à votre fragilité, votre empathie et votre tendresse Veuillez accepter Mesdames cette petite intro Car l’avenir appartient à celles qu’on aime trop Et pour ne pas être taxé de premier degré d’anthologie Veuillez accepter Mesdames, cette délicate démagogie You are the only one, you are the only You are the only one, the only You are the only one, you are the only one You are, yes you are

Parolier : Fabien Marsaud Sources : LyricFind Paroles de Mesdames ©Sony/ATV 137 Music Publishing LLC

Vous êtes nos muses, nos influences, notre motivation et nos vices Vous êtes Simone Veil, Marie Curie, Rosa Parks, Angela Davis Vous êtes nos mères, vous êtes nos sœurs Vous êtes caissières, vous êtes docteurs Vous êtes nos filles et puis nos femmes Nous, on vacille pour votre flamme


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From Above, Hot Dog Stand, NYC ©Ruth Orkin Photo Archive


TABLES DES ILLUSTRATIONS • Image de couverture p.1 : American Girl, Florence, 1951 https://www. orkinphoto.com/photographs/american-girl/ ©Ruth Orkin Photo Archive • Fig. 1 : Schéma de méthodologie d’analye. Réalisation personnelle inspiré du schéma de Justine Gloesener. p.18-19 • Illustration 1 : Le genre c’est quoi ? Réalisation personnelle inspirée de Marianne Le Berre. p. 25 • Illustration 3 : Flâneuse de Lauren Elkin. https://www.amazon.fr/ Flaneuse-Women-Paris-Venice-London/dp/0701189029 p.29 • Illustration 4 : Photo Hatim Kaghat p.31 • Illustration 5 : Matrice d’Agnès Thumauer, http://fernandleger.ivry94. fr/15686/agnes-thurnauer.htm p.38

• Illustration 6 : Jane Jacobs, New York, 1964. https://www.curbed. com/2016/5/4/11580294/jane-jacobs-legacy-architecture-design-urban-planning p. 41 • Illustration 7 : Manifestation contre les violences sexistes et sexuelles à Paris le 24 novembre 2018. ©AFP/- https://actu.fr/societe/ras-viol-feministes-nombre-dans-rue-contre-violences-sexistes_19753533.html p. 55

• Illustration 8 : Jinx with cop, Florence, 1951 https://www.orkinphoto. com/photographs/american-girl/ ©Ruth Orkin Photo Archive p.59 •

Fig. 2 : Carte de l’Europe, situation belge. Réalisation personnelle©EM p.65

Fig. 3 : Carte EqualStreetNamesBrussels. ©OpenStreetMap https:// 160 equalstreetnames.brussels/fr/index.html p. 67


Fig. 4 : Carte Belgique, situation Wallonie. Réalisation personnelle©EM p. 68

Fig. 5 : Carte de situation de la ville de Namur. Réalisation personnelle - Fond de Carte ©maps.stamen p.70-71

Fig. 6 : Carte centre ville Namur. Réalisation personnelle - Fond de Carte ©maps.stamen p.72

Fig. 7 : Ligne du temps : Processus d’intégration du genre à Namur. Réalisation personnelle inspirée de ©Hortense De Brouwer p.76-77

Carthographie 1 : Plan masse-guide de Namur centre. Réalisation personnelle ©Elise Mullens p.80-81

Carthographie 2 : Orthophoto Ville de Namur - Ilot des casernes, 2020 ©Source de données SPW p.88

Carthographie 3 : Plan Masse Namur - Ilot des Caserne. Réalisation personnelle ©Elise Mullens p. 93

Tableau : Namur - 10 marches exploratoires dans trois quartiers © Garance ASBL : Tableau Rapport - Namur au fil des marches exploratoires : Analyse genrée de l’aménagement de l’espace public dans trois quartiers. Garance 2017, page 97

Carthographie 4 : Itinéraire marches exploratoires et quartiers, 2020 Réalisation personnelle - Fond de plan ©Source de données SPW. p. 98-99

Fig. 8 : Axonométrie des fonctions. Réalisation personnelle sur base du rendu perspective ©Miysis 3D p.104-105

Illustrations 9 : Vue aérienne du projet Coeur de Ville. https://www. dds.plus/fr/projets/premier-lanciers p.110-111

Fig. 9 : Plan de toiture. Réalisation personnelle sur base du plan ©DDS+ p.113

Fig. 10 : Axonométrie projet Coeur de ville . Réalisation personnelle sur base de la perspective ©Miysis3D p.113

• Fig. 11 : Fiche technique du projet Coeur de Ville, DDS+, 2020. https:// 161 www.dds.plus/fr/projets/premier-lanciers p. 115


Fig. 12 : Angles de vue - Images : projections d’atmosphères. Réalisation personnelle sur base de ©Miysis3D, DDS+. p.116-117

Illustration 10 : Comic book readers, NYC, 1947. https://www.orkinphoto.com/photographs/fashion/ ©Ruth Orkin Photo Archive p. 126-127

Illustration 11 : Zurich, 2019 -Frauenstreikfotografinnen . https:// www.tdg.ch/que-sont-devenus-les-slogans-de-la-greve-desfemmes-997039212974 ©Caroline Minjolle p. 132-133

Illustration 12 : From Above, Hot Dog Stand, NYC https://www.orkinphoto.com/photographs/fashion/ ©Ruth Orkin Photo Archive p.159

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ANNEXES


Annexe I : Retranscription de l’entretien avec Anne-Marie Sauvat, architecte paysagiste chez l’Atelier Eole. Elise Mullens Comme je vous l’avais dit dans mon mail, je vous contacte par rapport à mon mémoire parce que je travaille sur le genre dans l’architecture et plus précisément dans l’espace public, avec notamment la question de la place des femmes. En faite, j’ai plutôt axé ma question de recherche sur les politiques urbaines genrées et comment est ce qu’elles étaient mises en place par une ville et aussi comment cela était traduit par rapport à l’architecture des projets que la Ville proposait. En faisant mes recherches j’ai vu pas mal de choses en Belgique qui ont été faites, à Bruxelles et je me suis demandé « et en Wallonie, qu’est ce qu’il se passe ? ». C’est comme cela que je suis tombée sur le projet de Namur notamment puisqu’il y a eu beaucoup de pub et ça a été très fort médiatisé comme une des premières fois que l’on prenait le genre en compte, en Wallonie dans un projet. Je vous ai donc ciblé ma recherche. Je pourrais commencer par une première question pour vous demander « Qui êtesvous, pourriez vous vous présenter et expliquer votre fonction au sein de l’Atelier Eole ? » Anne Marie Sauvat Ok, donc Anne-Marie Sauvat, je suis architecte-paysagiste. Je suis fondatrice gérante de l’Atelier Eole qui est un atelier de paysagiste installé à Bruxelles depuis une trentaine d’années. Elise Mullens Est-ce que dans vos anciens projets ou dans votre bureau, vous avez déjà eu affaire au genre, qu’est ce qu’il signifie pour vous ? Est-ce quelque chose d’important par rapport à votre bureau ou alors était-ce la toute première fois que vous avez affaire avec ce genre de proposition ?

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Anne-Marie Sauvat À Namur, oui c’est la première fois où l’approche a été nommée et caractérisée telle quelle. Si ce n’est que dans la démarche des projets qui sont développés au bureau, l’approche genrée fait intuitivement partie de la façon dont les projets sont développés. Elise Mullens D’accord donc c’est quand même un sujet que vous connaissez et que vous utilisez beaucoup ? Anne- Marie Sauvat Oui, tout à fait. Qui est utilisé mais qui est utilisé je dirais par soucis personnel avant que l’on commence à voir apparaître de la littérature, des actions concrètes en ville, un certain soutien je dirais médiatique, d’articles dans la presse, etc. Elise Mullens Est ce que pour vous, il y a une certaine importance maintenant qu’on en voit, comme vous le dites, de plus en plus dans les articles, qu’on en entend parler. Est-ce qu’il y a vraiment une réelle importance à prendre la dimension de genre en compte dans les villes et dans les politiques urbaines actuelles? Anne-Marie Sauvat Oui certainement, parce que je pense qu’il y a une grosse dichotomie dans les prises de décisions et les prises de décisions qui concernent la ville ne dépendent pas toujours du service de l’urbanisme, ils dépendent parfois du service financier, du service des sports, de la culture puisque finalement en ville, on récupère des programmations qui sont faites, souvent, sans aucune réflexion genrée sur les usages, les destinataires, les usages définitifs sur les terrains et que dans la mesure où il n’y a pas cette politique qui est mise en place au niveau du décideur qui est le collège global de la ville, il faut que nous, en ayant des cahiers des charges orientés,

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on puisse les désorienter pour ramener un équilibre d’usage potentiel. Et là je fais référence aux programmations qu’il y a très souvent dans les cahiers des charges auxquels nous architectes-paysagistes, ont répond pour des appels d’offre publics, ou il y a des usages qui sont listés, des fonctions qui sont listées, des équipements potentiels qui sont orientés ou sous-entendus. Et quand on traduit ceci, disons que dans 95% des cas si ce n’est même 99% des cas, quand on traduit les programmations en projet, on se rend compte qu’on arrive à des projets de parcs urbains, de parcs publics avec des équipements qui sont à 99% phagocytés par les garçons. Et donc, si on n’a pas une lecture genrée des cahiers des charges, on répond point par point au cahier des charges dans tous les stéréotypes qu’ils véhiculent et on reproduit des aménagements publics qui vont générer des usages dichotomiques. Elise Mullens Dans cette démarche, comment la Ville de Namur, pour une fois, on va dire, a décidé de prendre en compte cette dimension du genre et comment est ce que le projet a été présenté ? Et comment est ce que ça a été motivé par les participants dans cette dimension d’avoir un regard genré face au cahier de charge et aux propositions que la ville voulait pour le projet ? Anne-Marie Sauvat Alors que la ville ait eu une démarche et une réflexion portées sur un regard genré sur la ville, ça je ne peux pas vous répondre. Si ce n’est que dans le cahier des charges du concours il y avait effectivement le souhait qu’une analyse genrée soit portée sur le programme et la réponse qui y seront donnés. Après il faut voir, il faut remontrer à la ville de Namur, au niveau de la cellule urbaine pour voir qui est à l’initiative, depuis quand. Je sais que ça s’est traduit par le financement de marches exploratoires et puis après il y avait plus de budget donc ils ont arrêté. Mais nous en voyant le cahier des charges tel qu’il était rédigé, j’ai pris contact avec l’ASBL Garance et on a, l’équipe de l’ASBL, épluché et décortiqué notre avant-projet. Mais on avait, nous déjà développé un avant projet. Parce que en fait, quand on développe un projet urbain, il y a énormément de contraintes à respecter : budgétaires, urbaines, sanitaires, sécuritaires, d’approche genrée, etc. L’approche genrée n’est qu’un critère

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parmi tant d’autres. Et donc nous il faut qu’on arrive à décortiquer tout ça et à proposer une première esquisse et sur base de l’avant-projet, on a fait une relecture avec l’ASBL Garance qui nous a permis d’affiner certaines réponses. Elise Mullens Par rapport à l ‘élaboration du projet vous avez été mis en charge de la partie parc public exclusivement… Anne Marie Sauvat Tous les aménagements extérieurs, comme paysagistes, on intervient du pied de la façade jusqu’à la limite de l’espace « voirie » disons. Elise Mullens Plus particulièrement par rapport au projet et l’architecture des espaces publics en général, ce qui m’intéressait c’était le mobilier urbain et je me demandais si dans la réflexion de tous vos aménagements, vous aviez une réflexion particulière sur un type de mobilier ou comment vous auriez réfléchi à une stratégie à mettre en place afin d’améliorer l’égalité ou autre ? Anne-Marie Sauvat Ça s’est disons une philosophie que j’applique à tous mes projets sans attendre d’avoir potentiellement un cahier des charges genré ou pas. Ce qu’il faut c’est dans des aménagements publics que l’on développe et vous avez un exemple, bien qu’il soit aujourd’hui dans un état assez effroyable, un parc qu’on a développé à Seraing, qui s’appelle le parc Seraing maintenant. Il est dans un état lamentable ; la ville ne l’a jamais entretenu, ils ont modifié des choses mais globalement vous verrez là-bas la traduction de ce que je vais vous dire. Donc moi, ce à quoi je suis très attachée, c’est justement pour éviter des usages très stéréotypés des espaces, par un genre plutôt qu’un autre etc. J’évite au maximum d’utiliser des aménagements normés c’est-à-dire que l’on trouve un peu préfabriqués dans un catalogue. Souvent, dans les cahiers des charges il faut des

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jeux, des équipements sportifs, etc. Je n’équipe jamais les projets que l’on fait pour répondre au trois et à lettre ?? pour y mettre un « agora space », un espace skate, etc. car ça c’est d’office des espaces qui vont être pris en possession par les équipes de garçons et les filles ou les garçons qui veulent jouer avec les filles, vont être exclus de ces lieux-là, ou les phénomènes de bandes en ville, etc. Donc je réponds toujours à ces demandes non pas en disant que là on va installer ce type d’équipement mais on développe un aménagement urbain qui va permettre de faire du skate où j’ai envie quand j’ai envie mais en même temps je peux faire du vélo en me faisant peur, je peux courir en me mettant en danger, je peux jouer avec la poussette, je peux faire plein de choses en plus du skate et je suis obligé de me mélanger avec les autres. Pareil, des aménagements sportifs, à Seraing, on a développé un micro-espace d’escalade, de glissade, etc. où je peux me mettre en danger, que je sois garçon, fille, adulte, enfant, ado, sans que ce soit un mini terrain de foot où d’office il va y avoir pratiquement que des garçons et idem pour un panier de basket. Donc c’est répondre au cahier des charges mais c’est sortir de réponses complètements archétypées en fait. Et en faisant en sorte, parce que, la démarche qui est recherchée par l’atelier c’est d’aplatir les usages et de les ouvrir à tous par rapport à une démarche genrée mais c’est aussi beaucoup par rapport à une démarche intergénérationnelle. Ce qui faut c’est que à un moment donné, tout le monde puisse prendre possession de tout et croiser l’autre, tel qu’il soit donc c’est pas simplement une approche genrée, c’est aussi plus que ça, intergénérationnel, valide, pas valide, dans la norme, hors de la norme, etc. Elise Mullens Ça s’étend à beaucoup plus large ? Anne-Marie Sauvat Bien sûr, l’approche genrée, ce n’est qu’une approche parmi d’autres. Elise Mullens Par rapport au projet, y avait aussi la question des toilettes par exemple dans l’espace public, pour le projet de Namur quelque chose a été développé ?

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Anne-Marie Sauvat Oui bien sûr. Les toilettes c’est l’éternelle question effectivement qui fait que les femmes sont aussi moins présentes dans l’espace public parce que c’est quand même beaucoup elles qui s’occupent des enfants. Alors évidemment il n’y avait pas de budget pour installer des toilettes publiques. Il n’y a jamais de budget. Donc ce qu’on a fait, c’est qu’on a fait un peu de forcing au niveau des architectes puisque dans le programme de Namur, on avait une chance c’est qu’il y avait un équipement collectif, une bibliothèque qui est attenante aux espaces extérieurs que nous développons. Et donc par exemple au premier étage il y a un grand haut-vent qui permet de passer du parc à l’intérieur d’ilot c’est en fait une grande terrasse que l’on a esquissé comme usage collectif lié à la bibliothèque : classes pédagogiques, bouquiner dehors, et comme terrasse potentielle de la brasserie commerciale de l’autre côté. Et au rez-de-chaussée, travailler avec les architectes pour faire en sorte d’adapter leurs projets d’archi pour qu’ils placent à l’entrée de la bibliothèque les toilettes des usagers de la bibliothèque en travaillant sur la distribution des toilettes et d’avoir des toilettes idéalement mixtes mais ce n’est pas encore vraiment dans les mœurs. Quand en on va en Scandinavie, il n’y a pas 36 toilettes, y a des toilettes point barre. Bref on n’y est pas encore complètement mais surtout de faire en sorte qu’il y ait encore potentiellement des toilettes différenciées mais un local central qui permet aussi bien à un homme ou une femme qui s’occupe d’un enfant de venir s’occuper de lui et que cet espace ne soit pas scotché dans les wc dames. Ensuite, on a discuté avec la ville de Namur pour faire en sorte que cet équipement public, celui de la bibliothèque, surveillé par des agents de la bibliothèque, placé à l’entrée de la bibliothèque, puisse aussi aux heures d’ouverture être accessibles aux publics extérieurs. Ce qui veut dire aussi, ce qu’on espère c’est que un jour il y aura des micro-concerts, un petit marché ou je ne sais quoi Y aura du monde et il faut qu’à ce moment-là, le sas de la bibliothèque reste ouvert pour donner accès aux toilettes publiques sans avoir accès à l’intérieur de la bibliothèque. Elise Mullens Là pour le coup il y a eu toute une réflexion entre vous et les autres acteurs du projet pour vraiment orienté...

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Anne-Marie Sauvat Et les architectes et validé par la ville de Namur parce que forcément on leur a fait une réflexion et une réponse à un des points auquel il nous avait demandé de répondre donc ils auraient pu difficilement refuser. Enfin ils auraient pu hein ils auraient pu... Elise Mullens C’est vrai que l’argent c’est toujours un problème. Anne-Marie Sauvat Oui mais ce n’est pas que ça, c’est aussi une question de surveillance, la bibliothécaire ou le bibliothécaire qui sera au desk à l’entrée de la bibliothèque pour gérer la bibliothèque, quelque part, il va être le représentant de la ville et si un jour, il se passe je ne sais pas quoi dans les toilettes et donc il faut que la ville accepte et impose à son personnel cette polyvalence ce qui n’est pas aussi simple que ça. Elise Mullens Parce que c’est peu courant aussi de... Anne-Marie Sauvat Parce que ça ne se fait pas et puis souvent quand on a un emploi, on a un emploi pour ce type d’emploi et pour faire ce qui est listé dans mon contrat et pas le reste. Donc après c’est des discussions avec des catégories des secteurs d’emploi, la protection de l’employer, les syndicats, etc. c’est pas forcément très simple. Elise Mullens Aussi, comme vous m’avez dit tout à l’heure par rapport à l’ASBL Garance et au rapport qu’ils avaient fait des marches exploratoires donc du coup vous avez eu une réunion avec eux, vous en avez eu plusieurs, vous vous êtes réappropriés le rapport qu’ils avaient fait ou comment vous l’avez utilisé ?

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Anne-Marie Sauvat Oui bien sûr, en fait par rapport à ... Donc on a rencontré l’équipe Garance, on leur a expliqué le projet, on leur a laissé les documents, on leur a montré l’analyse et puis après Garance nous a fait un petit rapport de synthèse en disant voilà ceci ok, ceci si vous pouvez l’adapter dans ce sens-là etc. donc on a un petit peu modifié les points à l’entrée du parc pour éviter d’avoir des bancs ventouses pour éviter que l’on screen les personnes qui rentrent dans les parcs et qui font que certaines personnes n’osent plus rentrer dans les lieux publics. Elise Mullens Voilà je pense qu’on a fait le tour de mes questions plus ou moins, un grand merci en tout cas. Anne-Marie Sauvat Peut être pour la fin des points le dossier est en développement, donc on est en train de développer le dossier d’exécution. Le chantier je ne peux pas te dire du tout quand ca va commencer puisque en ce moment (avec le covid) c’est un peu compliqué. Elise Mullens Oui il y a avait eu une ligne du temps mise en ligne sur le site du Pavillon de la ville de Namur où ils mentionnaient que normalement le chantier serait déjà actuellement démarré et que le projet serait remis vers 2021 mais j’imagine que ça n’a pas été actualisé donc je ne savais pas exactement l’état de la situation… Anne-Marie Sauvat Non effectivement ce n’est plus d’actualité. Tu vois nous on est en train de sortir les dossiers de permis d’urbanisme et puis développer les dossiers d’exécution et maintenant avec la crise sanitaire on développe jusqu’à un certain stade et le reste on le met en stand by et on verra comment les choses évoluent. Ce n’est malheureusement pas nous qui décidons.

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… Et ce qui est important en faite tu vois c’est que pour interagir sur l’espace public il faut pas seulement aller secouer les services urbanistes il faut aller secouer l’échevin des sports, l’échevin ou l’échevinne de l’égalité des chances etc et faut leur dire de donner des subsides à des activités qui sont parfois minoritaires mais qui intéressent plutôt les filles ou d’autres garçons alors qu’on voit très bien que dans les villes 80 à 90% des subsides par exemple pour les clubs de sport vont vers le foot, les sports de combat et les choses comme ça, les skateparcs, les agoraspaces et finalement là on trouve en usager 2 à 3% de filles. Donc ça ne va pas ! On paye des impots ils doivent donc être distribués pour tout le monde. Parce que en réinjectant de l’argent public dans des fonctions qui vont générer de nouveau une discrimination d’usage, on reproduit de l’exclusion et on lui donne du champ. Mais le politique n’a pas ce regard la… c’est nous, auteurs de projet, c’est nous électeur, associations etc qui devons un petit peu faire bouger les lignes. Elise Mullens En effet, j’ai lu beaucoup d’articles tant sociologiques que urbanistiques ou anthropologiques et ce qui en ressort est parfois un peu frustrant en tant qu’architecte ou que paysagiste ou urbaniste de lire cela. Il faut conscientiser un maximum les gens à travers l’éducation de base pour aller plus loin par exemple dans les cours d’école on aperçoit que dès l’enfance on nous apprend que les garçons ils jouent au foot et les filles… Anne-Marie Sauvat Elles sont au bord et elles regardent. Et quand tu regardes ce qu’il se passe par exemple sur les skateparcs, les garçons sont actifs au milieu et les filles sont au bord et les regardent. Alors que probablement s’il y avait un usage un peu plus équilibré y’a des chances qu’il y ait des jeunes filles qui crèvent d’envie d’aller y jouer mais elles ne font pas partie du clan qui peut jouer. Pareil pour les terrains de basket, il y a les garçons qui jouent et les groupes de groupie au bord qui minaudent. Mais c’est vrai, ça il faut arrêter quoi c’est énervant. Effectivement, il y a plein de strates et ça quand on est urbaniste, quand on est architecte et quand on est paysagiste on est

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aussi pédagogue quand on a des réunions publiques quand on voit les idylles politiques c’est à nous aussi d’enfoncer le clou chaque fois. Mais maintenant on en parle c’est déjà un grand pas en avant. Même s’il reste beaucoup à faire… On en parle, y’a de la littérature, y’a des exemples et petit à petit c’est quand y’a des jeunes comme toi qui au niveau de leur formation commence à s’intéresser à ces sujets là, vous ferez de bons professionnels et un jour certain auront des agences, certain seront dans la maitrise d’ouvrage dans les villes et ce sont vous qui allez changer les cahiers des charges, qui allez changer les choses. Mais il y a urgence parce que les villes se détériorent beaucoup, la géographie urbaine est en train de se crisper suite aux niveaux de vie, aux conditions qui deviennent précaires,… Donc il y a des lieux qui sont d’office, par les affectations, les équipements, excluant et il y a des quartiers entiers qui deviennent maintenant excluant. Je ne sais pas si c’est le bon terme mais il y a des géographies urbaines qui font qu’il y a maintenant des secteurs de villes où la femme a disparu de l’espace public. Et à Bruxelles en premier lieu, il y avait des secteurs de la ville où n’importe qui allait et parce que l’usage commercial et l’usage de la population a changé, il n’y a plus de présence féminine dans l’espace public. Ca c’est gravissime. Elise Mullens En effet il est intéressant de constater que ca ne s’arrête pas a l’aménagement urbain mais que ça s’étend au delà de l’espace public, à des quartiers, des endroits beaucoup plus vastes. Anne Marie Sauvat Bien sûr et c’est là qu’il faut aller sonner et frapper à la porte de plein d’échevinats différents, d’échevinat de l’égalité des chances, du travail,.. Parce qu’il y a aussi des usages qui sont culturels de l’espace public, il y a des cultures où la femme n’est pas dans l’espace public, elle est dans la maison et c’est pas une raison. Le problème c’est quand il n’y a plus d’équilibre parce que n’importe qui doit pouvoir se déplacer en ville sans avoir à faire un calcul de son itinéraire.

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Elise Mullens Oui, c’est un droit après tout. Anne-Marie Sauvat Mais bon, parfois les droits, même si on les a, ce n’est pas pour autant qu’ils sont réels. Elise Mullens Merci beaucoup pour votre aide précieuse.

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Annexe II : Retranscription de Hortense De Brouwer, étudiante en management territorial et développement urbain, de son entretien avec Laura Chaumont, Collaboratrice des projets Espaces publics et Enfants CAPables à Garance. Hortense De Brouwer : Quel est votre rôle dans l’ASBL ? Laura Chaumont : Namur, il y a déjà longtemps ... Namur c’était en 2015-2016, donc moi, je suis Laura, je travaille à Garance depuis 8 ans... 8 ans et j’ai été engagée à l’époque pour travailler sur le sujet de l’espace public parce qu’à l’époque on avait envie d’analyser les sentiments d’insécurité vécus par les femmes à Bruxelles et donc on avait développé le concept de marches exploratoires, que nous on n’a pas du tout inventé, qui est un concept qui existe depuis les années 80 au Québec notamment et que Garance avait déjà fait un petit peu, mais il y a plusieurs assoc’ qui avaient creusé le sujet et nous on a pris tout ce qui existait et on a fait un petit peu notre module, notre façon de faire, notre méthodo qui nous arrangeait, qui nous parlait et grâce à cette méthodo qui était quand même assez poussée, on a pu réaliser 19 marches en 3 mois à l’époque pour analyser plusieurs quartiers de Bruxelles. On a couvert 11 des 19 communes je pense, et il y a un guide qui est sorti à ce sujet-là, qu’on peut toujours trouver en ligne sur notre site internet, il n’est plus en papier, il est épuisé mais voilà c’était une première ébauche, alors évidemment on n’a pas pu creuser certains quartiers comme Namur par exemple parce qu’à l’époque c’était vraiment sur le sentiment général d’insécurité, ce qui n’est pas du tout le cas de Namur, mais c’était quand même un bon moyen de commencer à travailler là-dessus, et puis on n’a plus eu de subventions pendant quelques années, 2-3 ans, moi j’ai travaillé ailleurs et en 2015, suite à une présentation de Garance à Namur, il y a une des travailleuse de la Ville qui a été intéressée par notre projet et qui est venue nous voir pour nous demander si cela pouvait se faire à Namur. C’est moi qui ai porté le projet de A à Z, toute seule, avec ce partenariat assez intéressant de l’échevinat de Namur, égalité des chances et urbanisme, de par sa différence et surtout Sophie Marichal qui est une géographe, oui elle est géographe je pense et qui travaille au pavillon urbain

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à Namur. Alors cela s’est étalée sur un certain nombre de mois et en fait au final 1 an et demi parce que c’est un projet qu’on a mené entièrement gratuitement, dans le sens où nous on a fait passer cela comme heures d’éducation permanentes pour notre reconnaissance en éducation permanente et que donc la Ville n’a pas participé financièrement, voilà. Et du coup moi j’ai pris le temps car n’habitant pas à Namur, je ne suis pas bruxelloise, mais voilà je n’habite pas du tout dans la région, donc on a pris le temps, et on a rencontré des difficultés pour faire des marches aussi régulièrement qu’à Bruxelles. Je pense que c’est parce que Garance n’a pas un point d’attache à Namur et c’est plus compliqué de démarcher, d’aller chercher des associations qui ont envie de participer avec nous quand on n’habite pas sur place. Donc cela a quand même mené à 10 marches en tout, et ce qui était intéressant à Namur c’était qu’on nous avait demandé de faire cela sur des quartiers où il y avait des travaux qui étaient prévus. Et en fait, cela c’est la première fois que cela se passe en Belgique dans le sens large, en général, cela se passe dans des endroits où oui on peut analyser l’espace public mais il n’y a pas de changements prévus. Ce qui est assez intéressant à Namur c’est qu’ils s’y sont pris assez en avance pour que les changements que l’on propose puissent aller vraiment quelque part. Hortense De Brouwer : Ok, du coup pour rebondir, parce que cela c’était justement une de mes questions, c’était qu’effectivement dans votre rapport j’avais cru lire que, ben voilà, il y avait des travaux et des projets et que du coup les marches étaient faites en fonction de ces travaux et ces projets d’aménagement et c’est pour cela en fait que vous avez ciblé donc 4 quartiers précis à Namur Laura Chaumont : Oui Hortense : Ok Laura Chaumont :

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Donc en fait Namur ils ont prévu du gros chantier, mais ce sont des chantiers qui s’étalent sur 10 ou 15 ans, c’est vraiment des gros trucs. Il y avait le quartier de la gare, le quartier des casernes, l’Université et l’ancien quartier des abattoirs, enfin les nouveaux abattoirs on pourrait dire. Et donc la volonté de la ville c’était d’avoir l’avis des habitants sur ces quartiers-là, qui allaient de toute façon être aménagés et du coup d’intégrer à ce moment-là les recommandations au cahier des charges. Et cela c’est vraiment quelque chose de nouveau, ça n’a jamais été fait en Belgique avant, qu’un espace public soit pensé vraiment dans l’ordre. Voilà on ne nous a pas contacté pour la chaussée d’Ixelles ici à Bruxelles 2 semaines avant que le permis devait être rendu, vite ... rendre un avis sur le genre, ça ne marche pas comme ça. Cela c’était vraiment le point positif de Namur avec le fait que, ça a été vraiment fait. Ils auraient pu en tant que politiciens, politiciennes se dire ben voilà on prend mais voilà et en fait ils et elles ont vraiment intégré au cahier des charges, pas avec une mesure obligatoire, mais avec une mesure plutôt de conseil et tous les cabinets d’architectes qui ont rendu un dossier pour les concours qui étaient mis en œuvre, qui étaient lancés pour les aménagements, nous ont contacté pour voir si leur projet rentrait dans notre petit guide de bonnes pratiques et donc on a pu travailler en amont de ces projets-là et le cabinet d’architecte qui a gagné le projet, notamment aux casernes, a travaillé avec nous en amont. Donc c’est un projet qui est en train de se faire et qui a effectivement tenu compte de l’avis des participantes. C’est la première fois en Belgique que ça va si loin. Hortense De Brouwer : Et du coup, en fait, si je comprends bien à Namur les marches exploratoires, elles ont été organisées en ayant un objectif clair, donc qui était l’inscription de critères au cahier des charges. Laura Chaumont : Oui Hortense De Brouwer : Et ça, si je comprends bien c’est la première fois qu’il y a un objectif si clair qui a été

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énoncé pour l’organisation des marches exploratoires. Avant à Bruxelles, ça n’a pas été le cas ? Laura Chaumont : Ben c’était toujours voulu en tant qu’intérêt et information. On a aussi fait un projet magnifique qui s’appelle « Femmes au parc » pour ramener, visibiliser le fait qu’il y a moins de femmes présentes dans les parcs, pareil que dans les rues mais que ça se joue à d’autres endroits et que les sensations sont un petit peu différentes. On a travaillé sur 9 parcs, mais aucun parc n’était destiné à avoir des changements et des modifications donc oui on a avancé des choses mais à partir du moment où il n’y a pas de travaux qui sont prévus, c’est de l’information mais voilà, qui reste, à priori, quand même fort dans le vide. Et donc à Namur, après c’est seulement, à la gare, je ne sais pas s’ils ont tenu compte de ce que l’on a dit. Hortense De Brouwer : Et à la gare c’est par rapport à la galerie qu’ils rénovent ou c’est un autre projet d’aménagement ? Laura Chaumont : Alors la gare c’est toute la place qui est devant la gare. La place de la Station, je ne sais plus. La place qui est vraiment juste devant la gare, qui maintenant depuis 1 an est fermée à la circulation des voitures parce qu’ils vont réaménager toute cette place. Il y avait plein de choses à dire mais là, on n’a pas été, je n’ai pas été contactée par des architectes pour des projets. Je sais qu’ils avaient le projet de monter la gare des bus en haut, au-dessus de la gare, ça c’est en train de se faire. Il y a eu pas mal de résistance parce que ça va assombrir vachement la gare. Le problème d’être isolé sous le pont là où c’est maintenant, sous l’espèce de préau, ben ça sera la même chose en haut. Donc voilà, il y avait des résistances, ça s’était déjà avancé, je pense que c’était trop tard. Mais il y a avait aussi tout le problème du parking du centre commercial devant ce petit square où on avait passé que les arbres étaient malades pour pouvoir les abattre et on a vendu que le nouveau parc des casernes serait un vrai parc, ce qui n’est pas vraiment le cas parce qu’en fait sur les casernes il y a le

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palais de Justice qui n’est pas le projet mais devant, sur toute la longueur, là où il y a le parking maintenant, moi je croyais que tout cela allait être un parc mais ce n’est pas le cas parce que sur cet endroit-là doit avoir aussi la bibliothèque, un café, je crois qu’il y a 60 logements, dont seulement 3 logements sociaux. Donc voilà il y a des problèmes qui persistent je trouve dans ce projet et nous à Garance on a réfléchi depuis et on met un petit peu des limites sur certaines pratiques. On ne fait plus les choses tout à fait pareil, en 5 ans, on a quand même vachement évolué, notamment par rapport à la gentrification. Mais donc voilà, ce qui était chouette avec Namur, c’était que c’est un truc qui a vraiment vu le jour jusqu’au bout, et quand le projet, comment il s’appelle ce projet, qui a gagné le concours ? Hortense De Brouwer : Cœur de Ville Laura Chaumont : Cœur de Ville. Quand le projet a gagné, ils nous ont appelé et on a pu parler de ce que l’on avait fait et donc ils nous ont vraiment mises dans l’histoire jusqu’au bout. Donc ça c’était assez intéressant. Après, il y a plein de problèmes et on ne ferait plus pareil aujourd’hui, mais voilà, Namur c’est quand même le premier cas en Belgique qui va jusqu’au bout. Hortense De Brouwer : Oui et par rapport au projet « Cœur de Ville », en fait ils ont d’abord gagné le concours et après ils sont venus solliciter votre aide ? Laura Chaumont : Avant Hortense De Brouwer : Avant, ok

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Laura Chaumont : Ils nous ont montré leurs plans, nous demander si on était d’accord, si on pensait qu’ils allaient rencontrer les critères de notre rapport. J’ai fait des changements, qu’ils et elles ont été intégrés et après ils ont rempli, postulé et ils ont gagné. Et je travaille, en fait il y a énormément de personnes, c’est pas le seul projet, je pense qu’il y a 50 entreprises différentes donc c’est vraiment colossal. Moi j’ai été particulièrement en contact avec une dame architecte, paysagiste. Hortense De Brouwer : De chez Eole c’est ça ? Laura Chaumont : De chez Eole ouais, Anne-Marie. Et en fait elle, elle était très intéressée par le projet, elle a vraiment entendu tout ce que je voulais lui dire, et elle était vraiment très chouette, à tel point qu’il y a un autre projet en face, au coin en face des casernes, il y a un bâtiment où il y a le conservatoire de musique et derrière ce conservatoire, il y a aussi un parking Ville pour l’instant qui être aménagé aussi et ça s’est un projet de la Ville et pareil, j’ai rencontré les deux, enfin le nouveau, enfin le nouveau agglomérat d’entreprises qui va postuler dans lequel se retrouvait Eole, mais là ce n’était plus Thomas et Piron, c’était un autre et je ne sais pas s’ils l’ont gagné celui-là. En tout cas je les ai aussi rencontré pour ça. Hortense De Brouwer : Ok et donc grâce à cette personne de chez Eole en fait, si je comprends bien. Laura Chaumont : Ouais Hortense De Brouwer : Ok, parce que du coup l’intégration de critères de genre dans le projet

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d’aménagement en fait c’est indicatif et qu’est-ce que tu penses qui aurait poussé Thomas et Piron et les autres à les inscrire justement dans leur projet ? C’est pour avoir une plus-value ou est-ce que c’est parce que vraiment ils se posent des questions par rapport à la dimension de genre ? Laura Chaumont : Alors de ce que je me rappelle, ça fait loin ... le gars de Thomas et Piron qui était à la conférence de la présentation du projet « Cœur de Ville » n’a pas du tout cassé notre démarche et était plutôt soutenant. Je ne pense pas qu’il soit vraiment intéressé parce que ben voilà, c’est un homme blanc, d’une quarantaine d’année, universitaire donc je veux dire en termes de privilèges, il les cumule. Je ne pense pas qu’il ait vraiment pris le temps de se mettre dans l’intérêt de la démarche. Je pense qu’il y a un truc un peu de ... c’est à la mode le genre, surtout dans l’espace public, parce que c’est le plus facile, parce qu’en fait c’est le sommet de l’iceberg, et donc je pense que eux se dire que Garance est venue et mettre le logo Garance, c’était une plus-value, mais voilà ... je ne suis pas sûre que de leur côté ça a été vraiment plus loin que ça. Je sais que la dame de chez Eole oui, vraiment ça lui tenait à cœur que le projet soit respectueux et surtout rendre l’accès agréable pour tout le monde, mais bon voilà après sur cet espace- là, il y a le projet qui a gagné, là il y aura le nouveau palais de Justice et là il y a les contributions, il y a les 3 bâtiments des contributions, je ne sais pas si tu vois, et ils vont les abattre ces bâtiments-là, mais cette zone-là, donc entre le palais de justice et le projet « Cœur de Ville », ils vont créer une route entre les deux, qui existe déjà plus ou moins, mais ils vont la rendre vraiment une vraie route. Et le petit coin des contributions, c’est une parcelle qui est privée en fait et j’ai aussi rencontré les gens qui veulent faire les travaux là-dessus, donc ils vont abattre les 3 bâtiments des contributions et ils souhaitent faire des logements et une crèche privés et là c’est un agglomérat d’entreprises et le leader c’est une banque, je pense que c’est ING. Et donc nous on s’est posé la question, est-ce que l’on rencontre ces gens qui ne sont pas du tout du tout en accord avec notre façon de réfléchir et notre façon de penser la société. Eux, je les ai vu deux fois, ils étaient intéressés d’entendre, je pense qu’ils ont vraiment entendu, on devait creuser et je n’ai pas de nouvelles et ça doit faire 1 an donc je ne sais pas du tout ce qui est prévu là-bas.

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Hortense De Brouwer : Mais donc au final, si je synthétise d’une certaine manière, on peut dire que du coup il y a ce côté de, on peut avoir de la chance et tomber sur une personne qui est ouverte à la question, comme par exemple chez Eole apparemment la dame était très ouverte et en même temps, on fait face à une réalité locale. J’imagine que si Thomas et Piron avait entrepris un tel projet mais dans une autre ville qui n’avait pas organisée de marches exploratoires, qui n’avait pas inscrits des critères au cahier des charges, ils n’auraient pas sollicité votre aide ? Laura Chaumont : C’est certain. Non non non, c’est uniquement parce que la Ville a tenu parole d’intégrer un chapitre de genre dans le cahier des charges et dans l’offre, dans l’appel d’offre pour les projets qu’ils sont venus chez nous. Anne-Marie Sauvat de chez Eole. Maintenant madame Sauvat je ne suis même pas certaine que elle non plus elle l’aurait fait. Je pense qu’on est beaucoup trop loin de ça pour l’instant en Belgique aujourd’hui. Ce n’est pas du tout du tout du tout un automatisme d’intégrer le genre de façon transversale dans les aménagements du territoire, pas du tout. Hortense De Brouwer : Oui c’est encore très loin. Laura Chaumont : Il y a plein de communes et de cellules d’urbanisme qui ne voient même pas l’intérêt. Hortense De Brouwer : Mais justement je me demandais si à Namur, j’ai remarqué que pendant la période pendant laquelle elles ont été organisées, c’était donc une échevine qui avait la compétence de l’urbanisme et qui avait en même temps la compétence de l’égalité des chances. Et je me demandais si ça, ça n’avait pas créé une réelle opportunité

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justement pour cette problématique alors qu’habituellement les échevins ou les échevines, de ce que moi j’ai remarqué, c’est qu’ils n’ont pas tout le temps ces 2 compétences ensemble, même rarement. Laura Chaumont : Non à l’époque de Namur, c’était 2 différents. Hortense De Brouwer : C’est 2 différents ? Laura Chaumont : Mais ça a changé depuis, on a voté. Hortense De Brouwer : Oui oui oui, mais justement je ... Laura Chaumont : C’était Stéphanie Squailquin à l’égalité des chances et c’était Arnaud... A l’urbanisme c’était ... attends je regarde dans mes mails. Hortense De Brouwer : Mais donc Squailquin n’avait pas du tout la compétence de l’urbanisme et c’est elle qui est venue vers vous pour ... Laura Chaumont : Non c’était Sophie Marichal. Sophie Marichal qui travaille au pavillon urbain et qui était attaché à ce gars, dont je vais te trouver le nom. Je ne suis même pas sûre que c’est Arnaud. Arnaud Gavroy. Hortense De Brouwer :

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Ah oui, ça me dit clairement quelque chose. Laura Chaumont : Arnaud Gavroy, mais je ne sais absolument plus de quel parti il était, je ne me rappelle plus. Mais donc moi j’ai été contactée par Sophie Marichal qui est géographe chargée de mission à la cellule transversale de l’aménagement urbain, donc le pavillon urbain, pavillon de l’aménagement urbain comme ils appellent ça à Namur. Et les 2 échevins qui portaient le truc c’était Gavroy et Squailquin mais j’ai eu beaucoup plus contacts avec lui. Hortense De Brouwer : Ah ok. Laura Chaumont : Oui. Squailquin, elle était plus ... elle nous suivait de loin. C’est lui qui a présenté le projet à la fin, c’est lui qui a présenté le « Cœur de Ville ». Non c’est vraiment lui. Après voilà lui ... il était très motivé, vraiment ! Je ne peux pas lui enlever qu’il était motivé. Mais bon après en terme de féminisme, il y avait encore du travail. Mais il était motivé. Ca il faut bien le dire. Je l’ai relancé beaucoup, alors je le redis, ce projet a été fait gratuitement. Je pense que si on avait dû facturer, on ne l’aurait pas fait. Ça je suis absolument certaine que la ville de Namur n’aurait pas dépensé un franc pour faire ça. J’en suis absolument certaine. Personne ne le fait. Mais voilà, là c’était une aubaine pour eux, pour nous ça a été aussi intéressant et on le refera s’il faut, mais quand je l’ai relancé, il était là et maintenant je reçois encore de temps en temps des nouvelles. Je sais qu’il a donné mon nom, mais c’était gratuit. Hortense De Brouwer : Ouais, donc il y a un intérêt mais par contre mettre de l’argent dedans. Mais j’ai l’impression que c’était un peu pareil à Charleroi, quand j’en parlais avec la secrétaire de la cellule de l’égalité des chances, qui était super motivée à en organiser, elle me disait : « mais on va faire ça avec l’association Vie Féminine » et je ressentais clairement que ces marches auraient dû être possible si il n’y avait pas eu

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le confinement, mais qu’à partir du moment où effectivement tout était organisé gratuitement. Laura Chaumont : Ben oui. Alors à Charleroi, ce qui est génial c’est que j’ai fait une ... il y a pas mal d’assos qui ont voulu une formation marche explo, donc moi j’ai donné une journée de formation de marches exploratoires. Donc la Ville de Charleroi est autonome pour organiser les marches. Toutes les assos, maintenant ça commence à faire loin aussi mais ... il y avait Vie Féminine, y avait d’autres assos qui ont été formées et donc je sais qu’il y en a eues. Y en a eues, mais voilà ... Nous, on n’a pas inventé le concept, donc tout le monde se l’approprie, absolument comme il ou elle le souhaite. Nous on avait une méthodo qui était assez chouette et qu’on défend et que plusieurs assos trouvaient intéressante au point de vouloir que ça soit nous qui les donnions ou de recevoir notre formation. Je sais qu’à Charleroi ils l’ont eue. Hortense De Brouwer : Ouais, c’est bizarre, c’est marrant puisque je les ai rencontrées et elles ne m’en ont pas du tout parlées. Alors peut-être que la personne n’a pas suivi la formation. Laura Chaumont : Peut-être que Vie Féminine n’était pas dedans, je ne me rappelle plus. Mais elles font des marches depuis longtemps VF, à Bruxelles en tout cas. Après à VF, elles vont avoir la même méthodo que nous, parce qu’elles sont fort sur la même longueur d’onde que Garance. C’est la seule association où on est vraiment en accord avec Garance en Belgique donc elles, elles vont vraiment faire, à mon avis, plus ou moins comme nous. Hortense De Brouwer : Et qu’est-ce qu’elle a de particulier justement votre méthodo ? Laura Chaumont : Ben elle est non-mixte déjà. Avec vraiment une réflexion sur les sens, sur les

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sensations et avec une attention particulière aux réflexions qui peuvent ... parce que voilà quand on parle d’espace public, il y a beaucoup de dérapages racistes ou vaïdistes ou voilà ... qui peuvent arriver. Donc on a vraiment développé une attention à relancer les discussions tout en essayant de ne pas juger ce qu’ont vécu les habitants. Et alors nous maintenant on essaye de réfléchir à comment intégrer, ou en tout cas réfléchir mieux à la gentrification. A Namur, les marches exploratoires, les profils des femmes n’étaient pas du tout assez diversifiés. Je n’ai pas réussi ... voilà malgré tous mes efforts, on n’a pas réussi à avoir une diversification des profils des participantes et voilà ... toutes celles qui ont répondues avaient les moyens de penser une ville plus agréable et le quartier des Casernes, dans le quartier populaire, il y a plusieurs participantes quand même, y en avait deux, trois, qui ont exprimées une inquiétude par rapport à ce changement et par rapport à l’adaptation et aux travaux de ce quartier qui va du coup, oui ... voir des magasins arrivés, du bio, peutêtre la bibliothèque reste gratuite d’accord, mais voilà ... ça fait que les espaces publics vont de plus en plus être payants et nous ça en questionne beaucoup à Garance, parce que le fait de partager de l’ensemble dans la ville soit souvent lié à la consommation. Et donc à un niveau de vie, et ça pour nous, c’est problématique. Donc dans les listes, quand je demande aux participantes : « Ah ben voilà, les casernes, c’est tout vide, qu’est-ce que vous voudriez dans votre ville à vous, qu’est-ce que vous voulez, pas comme commerces, mais comme services ? » Voilà, une crèche bien sûr, mais pas une crèche privée, une maison communautaire ou intergénérationnelle. Y a plein d’endroits où on peut être et se rencontrer mais sans autant automatiquement consommer. Ca, pour moi, à Namur on a raté, parce que, ben voilà, en huit ans le projet a évolué, il y a cinq ans aussi mais la halle aux fruits bio qui va avoir lieu, qui va être construite, la halle aux légumes frais, ben voilà, ça sera certaine ... oui sûrement local et locaux mais bon ... quel prix, les logements sont pas tous des logements sociaux, y en a que quelques-uns et encore, ce n’est pas tout à fait des logements sociaux, ce sont des logements qui sont donnés pas la Ville . Donc ça pose question quand même de qui va venir habiter là, je sais que à Namur est une ville très chère et que les loyers autour des abattoirs, là où ils ont refait les nouveaux abattoirs, les loyers ont augmenté très fort à Bomel. Donc, pour moi on a raté cette option- là. On aurait plus dû, j’aurais dû plus insister sur tout ce qui peut se faire sans pour autant ramener de la consommation. Et ça maintenant, on fait

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vraiment très attention. Et je pense que VF est hyper aussi fort là-dedans donc, à mon avis, elles sont attentives à ça aussi. Et Charleroi, Namur est une ville très aisée, mais Charleroi est une ville où les habitants ont en moyenne moins de revenus donc il faut faire attention, c’est primordial. Hortense De Brouwer : Mais du coup, par rapport au problème de la gentrification, je comprends le problème qu’il engendre, par contre, ce que je comprends moins c’est quel impact il aurait sur les femmes en particulier. Laura Chaumont : Ben c’est que les femmes qui habitent là depuis toujours vont se voir contraintes de partir et que du coup elles sont dépossédées d’un quartier qui est le leur et l’intérêt qu’il y avait de leur poser la question : « Ben qu’est-ce que vous voulez pour ce quartier ? », et que certaines ont dit : « Ben moi je suis angoissée de voir arriver des personnes qui habitent pas ici, qui ont des moyens plus élevés et que tout augmente. C’est une inquiétude réelle donc pour les femmes, qui sont en général moins bien rémunérées, qui font partie des personnes les plus précaires en Belgique, les problèmes de consommation et leur revenu les touchent directement. Si c’est une crèche c’est super, mais si c’est une crèche privée et qu’il n’y a pas d’autres crèches du coup qui est installée parce qu’on considère qu’il y en a une, où est-ce qu’elles vont mettre leurs enfants en crèche. Hortense De Brouwer : Ok oui oui je comprends beaucoup mieux. Laura Chaumont : C’est vraiment le comment est-ce que l’impact ... voilà on sait que l’espace public c’est aussi un espace où les femmes travaillent, elles se font invisibles, mais elles travaillent quand même, dans le soin aux personnes ou aux enfants. Si cet espace n’est pas pensé pour ce profil-là, on les défavorise. Les toilettes publiques, qui est le premier point d’attention, quand on parle de genre et d’urbanisme, qui est

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absolument aberrant en Belgique qu’on n’ait toujours pas de toilettes gratuites, propres et accessibles pour tout le monde. Parce qu’en général, quand on est une femme, on a beaucoup plus de complications à faire pipi dans les espaces publics et souvent qu’on s’occupe des enfants, soit on va leur apprend à faire pipi dans l’espace public, ce que souvent les petits garçons intègrent et gardent jusqu’à l’âge adulte, pour les petites filles c’est plus compliqué à partir d’un certain moment. Donc si on ne veut pas de toilettes publiques dans un parc, on exclut les femmes, c’est automatique. Voilà, et on créé des espaces où les hommes vont se sentir à l’aise d’uriner et créer des espaces où les odeurs sont insoutenables et du coup exclus aussi les femmes. On ne va pas dans un endroit qui sent l’urine. Et du coup, ici, ce qui était chouette, c’est que les toilettes publiques de ce parc, ce parc-eke, par ce qu’il y aura quatre arbres et deux poules, c’est prévu, il y en aura, mais elles seront intégrées, donc en fait, y aura la bande de parc, vraiment là où ... quand on arrive de la gare, par la rue Rogier, on arrive sur un coin de ce mur avec ce parking et ce mur va être totalement abattu et le parc, il va commencer-là et en ligne directe, tu verras la bibliothèque publique, donc ça s’est chouette, elle sera sur deux niveaux, tout en transparence, etc. avec des chouettes aménagements et dans la bibliothèque, il y aura des toilettes publiques, femme, homme, avec un endroit pour changer les enfants qui ne soit pas dans les toilettes des femmes et aussi un endroit pour allaiter, avec de l’eau courante, etc. Et tout ça gratuit. Maintenant, ça va quand même être lié aux horaires d’ouverture de la bibliothèque, en général, une bibliothèque, c’est ouvert souvent mais bon ce ne sont pas des toilettes publiques accessibles tout le temps. Il y a déjà du mieux, c’est-à-dire que si on va là en journée avec des enfants, on pourra aller aux toilettes, ce qui est rare, rare en Belgique, pour des toilettes où on se sent à l’aise, c’est rare. Donc, voilà ... et elles sont accessibles aussi aux personnes à mobilité réduite, donc voilà ...là c’est un vrai chouette truc. Maintenant, ça a dû être amené quoi, donc si on met des toilettes mais qui sont payantes, ben pareil, pareil, on choisit à qui, pour qui on fait la ville, pour des personnes qui ont un certain niveau de revenu, et en général celles qui sont en-dessous, ce sont majoritairement des femmes. Hortense De Brouwer : C’est super intéressant en tout cas, je vois juste que le temps passe quand même

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assez vite et du coup je vais juste revenir sur certaines questions que j’avais notée. Je voulais savoir si vous aviez eu des critiques par rapport à la méthodologie que vous employée, par rapport à des effets qu’elle pourrait avoir, des biais ou quoi ? Laura Chaumont : Non Hortense De Brouwer : Pas en particulier ? Laura Chaumont : Non, heu non ! Toutes les marches se sont excessivement bien passées. On a même fait une marche avec la maison d’accueil des Trois Tilleuls, Trois Colonnes qui souspend le côté de la ... de l’eau. Heu non, c’était très intéressant ... Non. On n’a pas eu de, je n’ai pas eu de critique. Pas de critique en directe. Des critiques de gens qui ne comprennent pas l’intérêt des marches ça oui j’en ai eu beaucoup. Pour le projet cœur de ville, y a un gars d’une septantaine d’années qui avait dit que c’était complètement ridicule de parler de ça et que ça faisait bien longtemps que la ville était accessible pour tout le monde. Ça c’était à la présentation du projet. Hortense De Brouwer : Et ça s’est un cas particulier ? Laura Chaumont : Euh non c’est hyper fréquent ! nous à Garance on est des féministes assez radicales et on va loin, je nous considère vraiment comme des féministes radicales et on dérange énormément, même dans des rencontres avec des assos féministes on dérange quand même toujours parce que l’on va très loin et c’est ce que j’aime dans cette association. Donc la casquette de l’emmerdeuse je la porte et elle ne me dérange pas trop. Aussi parce que l’on avait reçu plein de retours positifs donc qu’un homme de septante ans pense ça... c’est pas grave. Hortense De Brouwer :

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Vous n’avez pas vraiment de remarques constructives alors ? Laura Chaumont : Ha non, le mec trouvait ça vraiment débile d’emmener les bonnes femmes marcher dans les rues. Hortense De Brouwer : De manière générale, vous avez votre projet de marche exploratoire. Mais est-ce que tu as senti que la Ville, de manière générale était ouverte aux questions de genre ? tu as eu l’occasion de rencontrer d’autres échevin∙ne∙s ? Laura Chaumont : Oui ! Claire Duo, cheffe de cabinet. Stéphanie Scailquin aussi. Et moi j’ai rencontré Claire Duo surtout qui était très chouette. Et moi j’ai participé pendant près de deux ans je crois aux réunions de Namur’Elles. Y avait des projets, parce que voilà les associations qui étaient là étaient souvent intéressées. Et puis ça s’est un peu effiloché, je suis plus trop venue parce que voilà entre Namur et Bruxelles c’est pas toujours évident. Puis moi j’ai été absente pendant 8 mois pour congé maternité. Mais donc je les ai rencontrées toutes et c’était super chouette. Et puis y avait aussi une dame, Isabelle Delalle, elle, elle avait le service de cohésion sociale et s’occupait surtout des ainées, affaire civile et cohésion sociale. Elle était vraiment chouette, y avait une marche qui est tombée à l’eau sur un concours de circonstances malheureux : je suis allée un jour où elles étaient pas là et elles, elles sont allées un jour où j’étais pas là donc bref c’était vraiment dommage. Après je sais pas si ces gens sont toujours là. Hortense De Brouwer : Par rapport aux marches, j’ai vu que y avait un quartier qui avait du être abandonné, c’était dû à quoi ? Laura Chaumont :

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Je n’ai jamais réussi à avoir les étudiantes pour le quartier de l’Université. Ouais, on a pas réussi à faire de marches pourtant moi j’avais vraiment envie qu’on creuse la question du parc Marie Louise et les affaires de viol et puis tout le mythe fin oui les craintes du fait d’être étudiantes à Namur, vivre en soirée, etc. aussi car y a des kots de l’unif qui sont séparés filles – garçons. Je sais que les garçons sont sur le campus et les filles sont à Saint-Servais je pense. Et du coup elles devaient passer un pont le soir et pendant des années y a eu un gars qui a violé des filles sur ce pont et donc fatalement la mémoire collective est vraiment très intense. Donc moi j’avais vraiment très envie qu’on creuse là parce que le parc Marie-Louise c’est vraiment aussi un parc ou elles ne mettent pas les pieds pour différentes raisons. Et en fait je pense qu’à l’époque je n’avais pas aussi les bons canaux pour entrer en contact avec elle. À l’époque j’ai pas pensé à genre aller sur les groupes facebook pour entrer en contact avec elles. Donc je pense que c’est vraiment à cause de ça. Via ça j’aurais réussi. Donc c’est vraiment parce que j’ai pas réussi à toucher le public. Hortense De Brouwer : Et les bons canaux, c’est quoi ? Laura Chaumont : Bah je pense que c’est facebook. Moi je fonctionne plus par mail et je crois que les étudiantes aujourd’hui même de 20 ans, 25 ans, elles fonctionnent par facebook. Hortense De Brouwer : Et du coup le frein à la participation c’était plus la communication que le fait de trouver assez de femmes conscientisées que pour y participer ?

Laura Chaumont : Non je pense que c’était vraiment pas ça. C’est vraiment qu’elles n’ont pas eu l’info. Y a aussi la question des examens tu vois, à chaque fois qu’on arrivait vers décembre ou pâques ou juin.. En fait l’année universitaire une fois que tu n’es plus dedans, il

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faut se remettre dedans et je crois que c’était un concours de circonstances. Au moment où j’étais la plus active, c’était des moments qui ne leur convenaient pas du tout. Et je pense qu’on n’a pas réussi... et pourtant j’ai aussi rencontré des gens de l’unif d’un kot à projet. Oui si y a eu des essais quand même avec une meuf d’un kot à projet. Et je pense que ça a foiré mais vraiment parce qu’on a pas réussi à avoir le public. Parce que une marche on est 6 et c’est bon hein. Et on aurait réussi à avoir 6 étudiantes. Donc entre la période et le manque d’accessibilité du public on n’a pas réussi mais je ne pense pas que ce soit un manque d’intérêt. Hortense De Brouwer : Et est-ce que tu as une idée de ce qu’il faudrait faire pour arriver à faire participer plus de femmes diversifiées ? Laura Chaumont : Alors il faut euh, la seule fois ou j’ai réussi à avoir un public large et étendu c’est quand j’ai fait le projet de Bruxelles, y a 8 ans. Les 106 femmes qui ont participé étaient vraiment bien diversifiées. Après il manquait, j’explique d’ailleurs dans la brochure quelles femmes il manquait. En fait j’avais listé à l’avance les publics qu’il fallait absolument avoir. Et là à Bruxelles j’explique qu’il me manquait les travailleuses du sexe, celles qui font le trajet Bruxelles-ailleurs mais flamandes. J’avais des francophones mais pas des flamandes. Il me manquait des étudiantes de moins de 16 ans. Je suis allée à une marche et elles ne se sont jamais pointées. Et y avait encore deux – trois autres profils. Mais j’explique dans le rapport pourquoi. Et à nouveau c’est parce que je n’avais pas trouvé une assos. Alors les travailleuses du sexe, le temps c’est de l’argent et elles n’ont pas toujours deux heures à donner pour une marche alors que leur avis est incroyablement intéressant car la ville est leur espace de travail. Mais j’avais réussi à faire une marche avec des personnes trans, voilà j’avais vraiment une très grande diversité de public et c’est parce que j’avais été trouvé chaque association qui travaille avec ce public et que j’avais à chaque fois une personne de contact qui était intéressée et qui m’a soutenue pour trouver le groupe. Y avait des maisons médicales, j’ai été avec pro vélo, avec des femmes qui étaient dans des cours de FLE fin voilà j’ai eu plein de chouette public via ça. Et à Namur j’ai

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essayé. Après on m’avait dit que Namur était plus difficile à motiver en termes de motivation vraiment citoyenne, c’est plus inerte comme ville que Bruxelles. Voilà ça je veux bien croire. J’ai rencontré la maison de jeunes de Balance, j’ai fait une marche avec des jeunes filles à Namur, ce sont les seules jeunes qu’on a eues. J’ai eu beaucoup de femmes plus âgées parce que le public à Namur est plus âgé et puis elles avaient le temps. Donc je pense que le moyen c’est de contacter les assoc’ de terrain, qui travaille avec le public et dans cette assoc’ il faut trouver une personne qui est hyper motivée et qui a envie de donner de l’énergie juste simplement à rameuter les femmes et à leur rappeler que la marche va avoir lieu. Juste simplement ça. Hortense De Brouwer : Je pensais que c’était vous qui contactiez les gens, je n’avais pas conscience que vous passiez par tout un réseau associatif. Laura Chaumont : Alors je t’avoue que si on fait une marche demain et que je le mets sur Facebook que Garance fait une marche exploratoire je peux te garantir qu’elle va être remplie mais du même profil : femme entre 25 et 35 ans, blanche, universitaire et travailleuse. Hortense De Brouwer : Donc ça n’aurait pas beaucoup d’intérêt à la fin. Laura Chaumont : Oui voilà. On aurait peut-être une petite diversification, ce serait par que des hétérosexuelles, on aurait des lesbiennes mais voilà. Nous on a un public fatalement de femmes... nous on travaille avec le public même selon ... donc on est hyper sensibilisé à la question des transidentités. Pour nous est femme, toute personne qui se décide à être femme. Donc on aurait peut-être ce profil là mais donc voilà c’est ce profil qui nous suit sur Facebook. Ce n’est pas des femmes qui suivent des cours de FLE. Donc il faut aller les chercher, via les assoc’ de terrain qui font un travail remarquable et faut leur proposer. Alors moi ce que je faisais et qui fonctionnait

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assez bien c’est que je leur disais que j’avais besoin de leur public pour deux petites heures mais que leur charge de travail ne changeait pas. Je viens juste demander quelqu’un∙e qui veut bien les prévenir que ça existe. Et alors ce que j’ai fait à chaque fois c’est que je suis allée présenter le projet au groupe existant et on décidait ensemble d’une marche. Hortense De Brouwer : Ok donc le groupe de femmes était déjà constitué Laura Chaumont : Souvent ouais Hortense De Brouwer : Et tu les rencontrais le jour avant la marche Laura Chaumont : Ouais donc là au planning ici à Molenbeek. En fait souvent y a des activités qui sont organisées et je prends 10 minutes avant le début de l’acti pour présenter leur demander voilà si ça les intéressait et si oui, ok on prend la date. Hortense De Brouwer : Ok. Laura Chaumont : Et en fait à la base, on voulait toujours rencontrer le public de femmes avant. Leur présenter le projet. Décider du trajet qu’on allait faire ensemble, de comment on allait fonctionner. Faire la marche et puis les revoir encore une fois pour que je leur montre la façon dont j’avais traité leurs données. Donc normalement dans notre méthode idéale, on les rencontre 3 fois. Et même normalement, on était censée refaire la même marche avec le même groupe à différents moments de l’année, de la semaine, saison, etc. Et ça on a pas pu le faire simplement par manque de temps.

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Hortense De Brouwer : Et ça, ça ne deviendrait pas trop contraignant non plus pour les femmes ? Laura Chaumont : Si surement, il faudrait trouver des aménagements... on a proposé de faire des garderies mais on a aussi marché avec des enfants parce que c’est très intéressant puisque les poussettes ça avance lentement où elles passent etc. Mais voilà y avait eu vraiment qu’un groupe d’intéressé où on avait refait une marche en hiver. Mais finalement ça ne s’est pas fait. On a toujours fait des marches à la rache dans des temps trop courts et moi je rêve d’une fois où on pourrait vraiment mener des marches dans un quartier qui va être redéfini et ou on pourrait organiser des marches longtemps à l’avance pour pouvoir vraiment faire un truc en profondeur mais pour l’instant ce n’est pas le cas. Hortense De Brouwer : Le fait d’imposer un itinéraire pour la marche, c’est quelque chose que vous ne faites pas alors ? Laura Chaumont : Non, non c’est toujours elles qui le font. Hortense De Brouwer : Et même si justement il s’agit d’observer des endroits précis en fonction de grands projets urbains qui auront lieu ? Laura Chaumont : Alors moi je donne rendez-vous au centre de l’endroit à analyser donc la marche commençait dans le quartier décidé et je leur disais « voilà le quartier va être aménagé, quels sont les endroits que vous voudriez voir ? ». Mais là les quartiers étaient larges donc on restait toujours dans le périmètre. Donc moi je n’impose pas

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le trajet mais je donne le rendez-vous. J’impose le point de départ. Après parfois on fait 200m hein. On fait rarement plus d’un km c’est vraiment tout petit et ça prend deux heures maximums, moi je raccourci toujours un peu. On disait deux km en théorie mais on va jamais jusque- là. Hortense De Brouwer : Ha d’accord car moi dans la méthodo je misais sur 2 km mais si je comprends bien c’est trop long ? Laura Chaumont : Bah tu dois te laisser guider par le groupe quoi. Moi y a un endroit ou une place où on pouvait parler une demi-heure. Et comme à Namur, normalement il faut toujours être deux, une qui note et une qui anime et on fait toujours ça sauf qu’à Namur, on ne pouvait pas être deux sur ce projet donc j’étais seule et je devais animer et prendre note toute seule. Et donc ça me prenait aussi beaucoup de temps. Hortense De Brouwer : Ok super j’ai fait le tour de mes questions, merci.

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Annexe III : Retranscription de Hortense De Brouwer, étudiante en management territorial et développement urbain, de son entretien avec Sophie Marischal, responsable du Pavillon de l’Aménagement urbain de la Ville de Namur. Hortense De Brouwer Est-ce que vous pouvez premièrement vous présenter ? Sophie Marischal Donc Sophie Marischal, responsable du pavillon d’aménagement urbain à la ville de Namur. Hortense De Brouwer Une première question, est-ce que vous avez une idée du pourquoi il n’y aurait rien sur le genre et les femmes en général sur le CoDT ? Sophie Marischal Ha, hahaha, bonne question. C’est une matière, un sujet, une approche qui est assez innovante, ce que l’on rencontre la plupart du temps dans nos métiers, en tout cas moi personnellement, c’est que les personnes qui sont des urbanistes sont principalement des hommes. Donc ça c’est en tout cas une réaction que moi j’ai rencontrée quand on a commencé à travailler sur les marches exploratoires, sur la question du genre à la ville de Namur. C’est que, dans les services techniques, la plupart du temps on a affaire à des hommes, heureusement c’est en train de changer et donc c’est encore une approche qui doit évoluer. Et qui peut leur paraitre parfois même un petit peu étonnant, ils ne comprennent pas pourquoi est-ce que certains aménagements doivent inclure le genre, en en discutant avec eux... c’était « ha bah oui, on n’y aurait pas pensé » parce que effectivement c’est classique, la ville est pensée par des hommes pour des hommes et donc au niveau du CoDT. Je connais certaines personnes qui ont notamment travaillé sur le CoDT, c’est principalement un milieu masculin. Pour moi c’est une piste d’explication et le sujet est en train de se faire connaitre petit à petit donc on peut espérer que ce sera davantage intégré dans

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le futur. Hortense De Brouwer Cette idée de marche exploratoire comment est-ce qu’elle a émergé et pourquoi les marches exploratoires pour intégrer la notion de genre dans la ville ? Sophie Marischal En fait, ça s’est fait personnellement en tout cas moi je suis géographe et aussi féministe. Quand on m’a demandé de créer le pavillon de l’aménagement urbain à l’initiative d’un échevin qui n’est plus là maintenant, j’ai commencé a travaillé sur toute une série de thématiques qui me parlait et celle-là m’est venue assez naturellement on va dire et j’en ai parlé avec les responsables politiques qui étaient d’une part assez étonnés vu que c’était une approche nouvelle dont ils n’avaient pas connaissance. Mais donc c’est parce que moi j’avais des affinités avec ça et j’ai du faire une programmation annuelle. J’ai trouvé intéressant de ... c’est un peu parti d’un « pourquoi pas ? et si on commençait à réfléchir là-dessus » et là-dessus on a fait un théma et donc les marches qui ont abouties au cahier des recommandations donc en me renseignant un petit peu j’ai vu que garance était assez connue dans le domaine donc on s’est rencontré sur Bruxelles. On en a discuté, elles étaient partantes. Donc voilà ça s’est fait dans le cadre d’un des tout premiers thémas au pavillon. Et ça a abouti à des recommandations et ensuite dans le cas du concours pour les casernes. En fait la régie foncière qui s’occupe de la réaffectation du site des casernes était sous la même tutelle politique que moi donc on fait parti du même département et donc ça s’est fait via des discussions qu’on a voulu imposer dans la démarche du concours étant du même département et dépendant du même échevin à l’époque. Voilà donc c’est comme ça que ça a débuté à l’époque, d’abord d’une démarche personnelle et puis ça a assez bien pris, d’une part au niveau du politique et puis des collègues du même service. Hortense De Brouwer Est-ce qu’il y avait un objectif clairement défini au début, avant l’organisation des marches exploratoires ?

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Sophie Marischal On souhaitait que des critères de genre soient intégrés à un cahier des charges mais on ne pensait pas que ça pouvait se faire. En tout cas ce qui a guidé la démarche c’est qu’il y a tout un projet de revitalisation sur tout le nord de la corbeille. Je veux dire c’est intéressant de faire des marches quand on peut changer quelque chose et toute cette partie là de la ville étant en projet, on s’est dit « bah c’est le moment ou jamais, tout est en train d’être repensé au niveau de l’espace public ». C’est quand on a des travaux prévus que l’on peut en profiter pour que ça bouge. Si on va dans un quartier lambda dans lequel la commune n’a pas décidé d’investir, on peut faire des démarches faire des propositions mais c’est plus difficile d’avoir un budget. Ici on s’est intégré en quelque sorte dans le projet qui était déjà en cours depuis plusieurs années de revitalisation du nord de la corbeille. Et du quartier de Bomel notamment, pour pouvoir faire des propositions dans le cadre d’un projet en cours et puis voilà le quartier des Casernes étant dans le quartier nord de la ville, c’était dans la continuité de la démarche. Mais donc de base c’était dans le cadre du projet de réhabilitation de l’espace public qu’on a voulu faire les marches et puis naturellement le projet des casernes est arrivé et ça paraissait naturel de l’inclure en fait.

Hortense De Brouwer D’accord. Pourquoi est-ce que le projet Cœur de ville est fort médiatisé ? Pourquoi on parle de lui comme quartier women friendly ? Est-ce que d’autres projets ont aussi inclus cette approche ? Sophie Marischal Pour le moment, je vais dire que c’était le seul car comme il était global sur le quartier, on a su imposer dans le cadre de ce projet. Mais lorsque c’est un petit projet, c’est plus difficile d’imposer un certain nombre de choses à un promoteur que quand ça touche un quartier là on peut vraiment agir à grande échelle. En tout cas à Namur je n’ai pas connaissance d’autres projets si ce n’est la requalification des espaces public du quartier de la gare. Maintenant, l’idée qui était derrière ça c’était,

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mais ça a été un peu chamboulée avec l’arrivée du CoDT, c’était de transformer cette liste de recommandation en un outil d’urbanisme pour pouvoir systématiquement, aussi dans le cadre de projet de moyenne taille d’imposer des critères de genre. Mais ça je vous avoue que ça a été un petit peu mis en standby pour des raisons d’effectifs au niveau de la ville mais c’est quelque chose qu’on a toujours en projet donc d’étendre cette démarche de manière plus général au domaine de l’urbanisme. Hortense De Brouwer D’accord et pour bien comprendre, vous parlez d’un guide d’urbanisme qui est spécifiquement sur ce sujet-là ? Sophie Marischal Oui tout à fait. Hortense De Brouwer Et ce guide comment est-ce que vous imaginez l’employer ? Est-ce qu’il serait annexé à tous les marchés publics par exemple ? Sophie Marischal Ça s’est quelque chose qu’on doit encore voir en interne mais idéalement ça devrait être pour démarcher pour la ville. En tout cas, nous on fonctionne par département à la ville de Namur, nous on fait partie du département urbain, en tout cas pour ce département là, ça pourrait être une deuxième étape, après les casernes, de commencer dans notre département à l’imposer. Maintenant, le seul autre département qui pourrait aussi se voir l’imposer c’est celui des voies publiques qui s’occupe de tout ce qui est voiries, trottoirs, etc. mais là c’est encore des étapes d’après, faudrait d’abord que ça fasse ses preuves au niveau de l’urbanisme je dirais mais bon on n’en a pas encore discuté avec les collègues des autres départements donc ces des choses sur lesquelles on doit encore travailler mais c’est le but effectivement, que ce soit étendu. Hortense De Brouwer

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Par rapport au projet Cœur de Ville est-ce que vous savez en quoi ce quartier est inclusif et prend en compte les besoins des femmes. Sophie Marischal C’était au niveau du parc car au niveau du logement privatif, ça a moins de sens, c’est principalement dans l’espace public. De mémoire, on a porté notre attention aux accès aux parkings et aux infrastructures. De mémoire, les entrées ont été centralisées à la fois pour le parking et la bibliothèque pour que le hall commun soit assez bien fréquenté et à la base je sais que les toilettes publiques devaient être placées dans le parking mais ça c’est une discussion qu’on a eu avec la régie foncière qui gérait le projet, on leur a dit que ce n’était pas très rassurant de mettre des toilettes publiques dans le parking et qu’il fallait les mettre en surface. Ça c’est le plus gros élément. Il y a aussi l’accès à une fontaine d’eau potable mais ça s’est quelque chose de général et vous le savez que quand on commence à réfléchir sur la question du genre on vise une inclusion finalement qui concerne pas que les femmes mais tous les publics qui sont d’habitude un peu laissés de côté dans les aménagements. Donc là c’est vraiment dans un objectif d’avoir des espaces publics plus qualitatifs. Et alors y a aussi la passerelle et en dessous, il y a un passage mais là il faudra voir à l’usage si c’est vraiment intéressant. Les plafonds en fait sont des miroirs. Je ne sais pas vraiment si c’est efficace, c’est la première fois que je vois ce genre d’aménagement mais... Hortense De Brouwer Et c’est une idée plutôt de Eole ou des femmes de la marche exploratoire ? Sophie Marischal Ça je pense que c’est une idée de Eole enfin oui je suis sûre que c’est une réponse de l’architecte et je pense même que Garance aussi était un petit peu étonné de la proposition et demandait à voir si effectivement c’était intéressant. Hortense De Brouwer Est-ce que vous savez me confirmer le fait que y aura 3 logements sociaux dans ce

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projet ? Sophie Marischal Ouille ça je ne sais pas vous dire, je vous redirigerai vers un collègue si vous voulez. En fait la régie foncière si vous voulez c’est l’immobilière en quelque sorte de la ville et quand ils font des projets comme ça, ils gardent généralement des logements dans leur patrimoine. Ici c’est un concours avec un privé donc c’est un peu particulier et on ne peut pas garder tous les logements. Mais eux fonctionnent un petit peu comme une société de logement social et donc fournissent des logements à bas prix et dans des projets comme ça ils en gardent quelques ’uns pour les louer à tarifs avantageux. Hortense De Brouwer Et vous savez si la gentrification c’est un phénomène auquel la ville porte un peu d’attention ou pas ? Sophie Marischal Oui c’est quelque chose qui est de plus en plus intégré notamment à travers les charges d’urbanisme, notre service de développement territorial a mis en place un système de charge d’urbanisme pour imposer aussi dans des projets purement privé toute une série de choses et notamment une proportion de logement à tarif social, via les charges d’urbanisme, c’est quelque chose qu’on arrive à généraliser quand on a des projets d’une certaine taille étant donné que le promoteur fait quand même de l’argent sur parfois des voiries, des terrains ou dans un quartier existant, bah c’est bien qu’il rende quelque par un service à la collectivité en finançant ou en cédant des logements sociaux ou en réaménageant une portion de voirie voilà tout dépend de l’investissement de départ car les charges d’urbanisme sont proportionnelles à cet investissement. Et donc ça a pour but notamment d’éviter la gentrification. Hortense De Brouwer Du coup vous savez pourquoi est-ce qu’il y a une crèche privée qui est intégrée dans le projet et pourquoi pas une publique ?

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Sophie Marischal Alors là, je vais aussi demander à mon collègue qui connait mieux l’aspect programmation. Hortense De Brouwer Alors j’ai juste une dernière question, la projet cœur de ville est sous forme d’îlot, l’intérieur consiste en quoi ? C’est des jardins communs ? C’est du privé ou de l’espace public ? Sophie Marischal C’est un endroit plus privé justement pour éviter les nuisances en intérieur d’îlot. C’est vraiment pour les habitants donc ce sera ouvert en journée, on laisse les gens passer mais ça a été voulu comme un espace privatif à disposition des gens qui habitent dans les logements. Hortense De Brouwer Ok super, on a fait le tour de mes questions, merci beaucoup.

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Rapport des marches exploratoires « Namur au fil des marches exploratoires – Rapport », Garance 2017, page 24 Recommandations spécifiques au quartier des casernes : Le Futur parc : Le quartier des casernes est un quartier en transition. Les participantes nous ont partagé leur envie d'y voir de nouvelles dynamiques et, surtout, d'y retrouver de la vie et de l'animation. Lors de plusieurs de nos marches, nous avons pris le temps d'observer la photo accrochée au mur du parking qui illustre le futur parc qui se trouvera à l'endroit du parking. Les participantes ont développé toute une série d'envies et de besoins pour cet espace vert qu'elles voudraient inclusif pour tous et toutes. Elles se sont demandé si les murs allaient rester comme ils sont pour le moment, s'inquiétant que le parc soit alors trop « enfermé », sans le contrôle social des passant.e.s à l'extérieur. Si les murs doivent rester, il faudrait alors penser à un moyen de rendre l'espace ouvert pour qu'on n'ait pas l'impression d'être cloisonné.e. À l'intérieur du parc, elles voudraient une présence permanente : une cafétéria avec des toilettes publiques, propres et entretenues et un petit coin pour que celles qui souhaitent allaiter au calme puissent s'y installer. Elles voudraient un accès à de l'eau potable gratuite, ce qui leur permettrait de pouvoir rester avec des enfants, même quand il fait chaud. Elles souhaitent des poubelles en suffsance qui permettent le tri des déchets et des sacs en papier pour ramasser les crottes de chien, pour que les pelouses ne se transforment pas en dépotoir. Dans l'aménagement paysagiste, il est important de préserver une vue dégagée sur un parc ouvert, sans angle mort ni panneau publicitaire pour pouvoir voir loin. Elles veulent un éclairage suffsant et des bancs pas trop hauts avec des dossiers. Elles souhaitent également pouvoir faire des activités au même titre que les hommes ou les garçons et que la répartition de l'espace soit égalitaire. Certaines ont aussi proposé un système d'alerte qu'elles pourraient actionner en cas de problème. Les espaces de jeux pour les enfants ne devraient pas être isolés du reste du parc. Pour d'autres, il est important qu'un poste

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d'infrmerie soit présent pour que les petits incidents soient plus faciles à gérer. La présence de gardien.ne.s de parc rassurerait de nombreuses marcheuses. Bien entendu, il faudrait penser à l'accès pour les personnes à mobilité réduite dans le parc en évitant les marches inutiles ou les bordures et en installant des signalisations pour les personnes malvoyantes. De cette manière, tous et toutes pourront s'y rendre facilement. Les participantes qui utilisent une voiture se sont inquiétées de savoir si les places de parking perdues seraient compensées ailleurs. À Namur, le problème du parking est récurrent pour certaines femmes. Le quartier en général : Dans ce quartier, les pistes cyclables manquent particulièrement et les quelques rares que nous avons trouvées ne sont pas en site propre. En règle générale, à Namur, le vélo n'a pas encore trouvé sa place, les installations faisant défaut. Le manque de signalisation à destination des piéton.ne.s apparaît également dans ce quartier. Les marcheuses voudraient pouvoir se situer à tout moment, tant grâce à un plan du quartier qu'avec des panneaux d'indications. Il y a bien quelques plans du quartier, notamment au coin avec la rue du 1er Lancier, près du parking, mais le support utilisé noir ne facilite pas la lecture pour tous et toutes. De plus, sans éclairage spécifque, il est illisible la nuit. La taille des caractères utilisés est trop petite : des enfants ou des personnes de petite taille ou voyant moins bien ne pourraient pas l'utiliser. Au même coin de rue, les participantes trouvent que le passage pour piéton.ne.s est mal positionné, juste après le coin, sans éclairage spécifque, dans une rue ou les voitures roulent vite. Elles se sentent en danger et insécurisées de traverser ici mais l'utilisent quand même parce que c'est le seul passage. De manière générale, la position des passages devrait toujours avoir été réféchie afn que tous et toutes puissent les emprunter en sécurité, mais également en fonction des trajets empruntés par les utilisateurs.trices. Si l'emplacement n'est pas idéal, les piéton.ne.s préfèreront traverser ailleurs au risque d'être renversé.e. Il faudrait aussi placer un éclairage pour le soir et la nuit afn de veiller à ce que les personnes qui traversent

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soient visibles de partout. Dans la rue Saint-Nicolas, une voiture est sortie de la rue des Tanneries qu'on pensait piétonne, ce qui nous a permis d'observer qu'il n'y avait pas d'indications précises sur l'utilisation de cette rue. Les zones piétonnes devraient toujours être correctement indiquées. La rue Saint-Nicolas montre deux dynamiques différentes, avec une première moitié de la rue plus fréquentée du côté du centre-ville où les commerces sont revenus, et une autre moitié où il y a beaucoup de commerces sont fermés et de rideaux de fer baissés, même en journée. Le sentiment d'insécurité des femmes qui ont marché à cet endroit varie en fonction d'où l'on se trouve dans la rue. Elles aimeraient que la rue soit nettoyée plus régulièrement et que les autorités trouvent un moyen d'encourager les habitant.e.s à respecter les horaires de ramassage des poubelles. Pour les dépôts clandestins, elles conseillent d'éviter de construire des recoins et des entrées profondes. Une des participantes a partagé sa diffculté d'évacuer des encombrants lorsqu'on ne possède pas de voiture. La ville pourrait proposer un passage régulier d'enlèvement des encombrants pour permettre à tous et à toutes de pouvoir s'en débarrasser et, ainsi, diminuer le risque de dépôts clandestins. Sur la place de l'Ecole des cadets, nous avons constaté la multiplication inutile d'obstacles sur les trottoirs. Il faut slalomer entre ceux-ci pour pouvoir passer : les parcmètres, les bornes électriques, les panneaux indicatifs pour les voitures, les poubelles, tout cela complique un passage fuide. Sur cette place, les marcheuses aimeraient pouvoir s'orienter facilement. Un panneau à destination des piéton.ne.s permettrait de savoir ou se trouve mais aussi d'indiquer: le centre ville, l'hôpital le plus proche, l'hôtel de ville, la gare, la police, le théâtre, le cinéma et tout autre service public ou culturel. Plusieurs des participantes ont regretté le manque occasionnel d'abris-bus aux arrêts. En cas de pluie sur cette même place, il faut s'abriter sous le toit du bâtiment pour espérer rester au sec. Pour que les abris-bus ne deviennent pas des obstacles à la vue, il vaut mieux qu'ils soient construits en matériaux transparents, sans panneau publicitaire. Lors d'une de nos marches, des travaux rue Pépin ont rendu les trottoirs

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impraticables. Une des marcheuses a souligné que dans le cas de travaux de longue durée, elle trouverait agréable d'avoir un itinéraire alternatif indiqué pour les piéton.ne.s. De même, il faudrait placer des poubelles sur les chantiers et des indications pour l'accessibilité. Il arrive que certains chantiers offrent des cachettes potentielles avec des matériaux entreposés et/ou des barrières mal positionnées. Nos marcheuses vivent cela comme insécurisant. A l'entrée du parking des anciennes casernes, des jeunes viennent régulièrement pour manger à midi, laissant derrières eux.elles des papiers et des détritus. Les participantes proposent d'équiper ce genre d'endroit de poubelles plus nombreuses afn de prévenir des dégradations. En parallèle, la sensibilisation à la propreté auprès des jeunes des écoles du quartier contribuerait à changer cette problématique. La rue des Bourgeois donne l'impression d'être abandonnée par les pouvoirs publics. La chaussée y est très dégradée, il y a beaucoup d'espaces inutilisés, comme le grand espace vide entre la rue et l'entrée du bâtiment des contributions. On ne sait pas à quoi il sert. Les participantes y verraient une terrasse d'un petit restaurant ou un espace de jeux pour les enfants. Dans les anciennes casernes, il y a des espaces qui devraient servir à redynamiser le quartier et à ramener du passage: un café aux horaires décalés, un night shop, une ludothèque, un centre sportif, un centre bien-être, une crèche, un.e feuriste, des logements, un local communautaire, un lavoir automatique, un.e boucher.ère, un.e marchand.e de glaces et de pâtisseries, un salon de thé...

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L’espace est un producteur de significations et un reproducteur de mécanismes et de dynamiques sociales. La ville est ainsi le reflet d’une norme sociale où les dominations sont omniprésentes : Genre, origine, revenu... Et si l’un des rôles de l’architecte était aussi de bouleverser ces normes ? Et si par le dessin de l’espace, par le trouble de la binarité imposée et dominante, l’architecture permettait enfin des prises pour que chacun·e puisse «prendre place» ?

Marianne Le Berre, 2019, p.114.

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