Le Pisé en Afrique subsaharienne, une opportunité pour l'habitat contemporain. Elodie Wallers by Elodie Wallers

UNE OPPORTUNITE POUR L'HABITAT CONTEMPORAIN ETUDE DE L'HABITAT D'URGENCE AU NIGER AVEC L'ONG CISP

ELODIE WALLERS

LE PISE, EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

UNE OPPORTUNITE POUR L'HABITAT CONTEMPORAIN ETUDE DE L'HABITAT D'URGENCE AU NIGER AVEC L'ONG CISP

ELODIE WALLERS

LE PISE, EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

PROMOTEUR YVES ROBERT - MÉMOIRE MASTER 2 - 2015/2016 FACULTÉ D'ARCHITECTURE LACAMBRE HORTA ULB - BRUXELLES

c WALLERS ELODIE,2015

REMERCIEMENTS Très chaleureux remerciement à Thomas Martinec, Marta Abbado et Yves Robert. Chaleureux remerciement à Marie-José Begin, Ludovic Mathiaud, Alexandra Maillet et Coralie Van Pottelsberghe. Remerciement à Camilla Mileto , Fernando Vegas, Emmanuelle Vandermeersch, Toute l'équipe de l'ONG CISP Niger : Zenaba Mai-sanda salifou, Souraji Yacouba, Razak Daouda Yahaya, Rakia Saloum Alhamdou Abdoulaye, Moussa Sana, Mamadou Mamadou Moustapha, Lawali Amadou, Iro Abdou, Idrissa Hima oumarou, Ibrahim Abdou Djibo, Hannatou Abdou Micko, François Ido, Djibrilla Bombou, Boukari Zanedou, Ado Gonda, Abdoul-Rahime Hassane Mamadou, Zeinabou Garda, L'Association nigérienne de construction sans bois : Ali Souleymane, Boubacar Assoumane et Sadou, L'Atelier Menuiserie : Isae Awe et son équipe, Assana, Tonton, Guillaume Nanin, Sandra Fernandez, Maria Benitez Velasco, Emilio Sonno, Alexandre Blaimont, Barbara Lludriguez, Cécilia Obouo, Stephano Teker, Anaïs Pereira, Architerre, CRAterre, Les Grands Ateliers de Villefontaine, Asterre, Mamoth, Solterre, Dominique Gauzin-Müller, Christian Casseyas, Filippo de Dominicis, Serge Nkaka, AFRIKarchi, Famille Sahko, Barthosa Nkurumeh, Anna Webster, Richard Rowland, Angeles Hevia, Benoit Quevrin, Simone Abbado, Mahamoudou Wadidier, Marine Buckenham, Victor Brunfaut, Bernard Deprez et Grégoire Paccoud.

Je tiens à remercier en personne l'ONG CISP de m'avoir accueilli chaleureusement au sein de son équipe et de m'avoir permis de vivre une expérience unique humainement et professionnellement. Je remercie également ma famille qui m'a soutenue tout au long de cette aventure. Par ailleurs, je tiens à remercier vivement l'ARES (Académie de Recherche et d'Enseignement Supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles en Belgique) qui a rendu ce voyage possible grâce à leur soutien financier. Enfin, je remercie Benoit Quevrin (Manager de Faast Think Tank) d'avoir réalisé une simulation d'inertie thermique pour ce projet.

INTRODUCTION

Avant Propos Introduction Table des matières

| LE(S) PISE(S)

Cultures constructives du Pisé

| traditionnelles |

L'HABITAT D'URGENCE AU NIGER AVEC L'ONG CISP

| La

Approche linguistique. Une définition évolutive. Art ou Technique. Signification symbolique.

Ebauche historique de 814 av n.è au début du XXème siècle. La conquête du Levant. Le commerce transsaharien. L'invasion européenne. Fin du XX° et début du XXI° siècle : une (re)Renaissance. L'architecture en terre ou le pouvoir de guérir les maux du logement L'Echelle mondiale : un attrait du XXIème. L'architecture de Pisé, après l'indépendance.

||| Bilan

rétrospectif après 100ans de constructions. Inventaire Résultats

genèse Le contexte nigérien. La réalité environnementale du Niger et son lien avec la culture architecturale. La situation Géopolitique.

Approche technique. Le coffrage, le moule du peuple. Ces soeurs : l'adobe, le banco, le torchis, la bauge. Le façonnage d'une culture constructive, la terre.

Pisé en Afrique || Le subsaharienne |

|| |||

Réponse humanitaire actuelle en termes d'abris dans la Région de Diffa. Les ONGs. Le CISP.

L'analyse |

Gestion matérielle et ressources humaines.

Gestion financière.

|||

Gestion du temps.

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Gestion de l'inertie.

|||||

La technique et la société.

||||||

Résultats.

REPONSE(S)

| Vers

une architecture ?

Un habitat évolutif.

Détails constructifs.

|||

Le coffrage.

||||

La terre à pisé.

||||| Résultats.

vers un enjeu || Ou politique et culturel? |

Et «après» ? Sous un oeil humanitaire. Une perspective urbanistique.

Le développement humain est une fin dont l'architecture est le moyen Culture et Résilience Acteurs africains. Acteurs occidentaux. Outils. .

CONCLUSION OUTILS DE LECTURE

Conclusion Annexes Table des illustrations Bibliographie

AVANT PROPOS Cet ouvrage a été réalisé suite à une mission de trois mois en 2015 avec l'ONG CISP au Niger, à Niamey. J'ai été invitée à participer au projet : Appui au développement, à la capacité d'accueil, d'hébergement des communes, à la résilience du développement communal et à l'intégration durable des déplacés vulnérables et autochtones dans les communes de Diffa, N'guigmi, Kabalewa, Goudoumaria et Maine Soroa, dans la Région de Diffa. Les autorités locales, les conseils régionaux et les délégués des familles de ces cinq communes, subissant un afflux massif de personnes déplacées ont commandité un appui de l'UNCHR pour contribuer à l'extension de leur zone urbaine. A la suite des incidents violents, survenus dans les Etats nord-est du Nigéria (Borno, Yobe et Adamawa) plusieurs milliers de familles se sont réfugiées dans la Région de Diffa au sud-est du Niger. Une réponse d'urgence est impérative pour augmenter leurs moyens de subsistance et leur place dans la communauté et pour protéger et assister les familles. UNHCR et son partenaire le CISP, ont coordonné une réponse en mobilisant une équipe d'administrateurs, une architecte et un ingénieur. Le CISP, charnière entre la demande et l'exécution, s'est allié également avec l'ANCSB composée d'architectes et de maçons locaux et du cabinet légal LSSC. L'UNHCR, l'Office du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés est une ONG créée en 1950, pour venir en aide à un million de réfugiés provenant de la seconde guerre mondiale; en 2013, ils sont 11.7 millions. D'après eux, l'agence a pour mandat de diriger et de coordonner l'action internationale visant à protéger les réfugiés et à résoudre les problèmes de réfugiés dans le monde entier. UNHCR a réparti leurs sièges dans le monde dont le Niger, à Niamey. Le CISP, Comité International pour le Développement des Peuples, est une ONG italienne créée en 1983. D'après elle, l'ONG défend le respect des droits de l'homme, le développement des peuples marginalisés intégrant la lutte contre la pauvreté, l'exclusion sociale, le racisme et prônant la dignité de la personne. Implantée également dans le monde, elle siège à Niamey, capitale nigérienne.

L'ANCSB, l'Association Nigérienne de Construction Sans Bois est la plus spécialisée dans l'architecture en terre au Niger depuis 25 ans. Portée par des architectes et des maçons nigériens, ils ont introduit la voûte nubienne au Niger, dans le but d'offrir des toits au Sahel. Crée en 2013, le cabinet LSSC, Law and Security Services Consulting, est un bureau nigérien de conseil en matière juridique, fiscale, administrative, comptable et sécuritaire. Il se compose d'une variété de professionnels tels que des magistrats, des officiers, etc. Ils assistent les personnes voulant investir au Niger et dans la sous-région ouest africaine. Le contrat entre l'UNCHR et le CISP stipulait la construction de deux cents maisons post-urgences en matériaux locaux construites sur neuf mois. Afin de ne pas opposer continuellement le court terme au long terme et d'obtenir une réponse adéquate, c'està-dire une planification durable offrant des habitats dignes dans un environnement fragile, le CISP et moimême avons traîté ce sujet à travers deux dimensions : la première, propre au contexte de l'urgence de la Région de Diffa, soulève les questions du court terme, de la quantité, de la qualité et de la rapidité de l'exécution de l'habitat et la deuxième généralisée à l'échelle d'une Afrique contemporaine, questionne sur la planification urbaine, le long terme et l'opportunité que détient l'habitat au moyen d'une technique architecturale. Connaissant les mutations climatiques que subit le Niger, la carence en eau, élément clé des briques de banco et l'engouement récent de l'utilisation du Pisé en Afrique subsaharienne comme pertinence au logement contemporain, cet ouvrage cherche à comprendre pourquoi et, pour la première fois la technique du Pisé est examinée à travers le prisme de l'Histoire de l'Afrique subsaharienne. Importée par les colons européens, le Pisé en Afrique subsaharienne, jusqu'à présent, a été fondu à l'Histoire européenne et réduit à la conclusion de l'absence d'établissement d'une culture constructive. Cet ouvrage opte pour une approche différente : il identifie les facteurs qui font obstacle à la vulgarisation de la technique, pour ensuite aborder les atouts qu'elle détient pour le logement d'aujourd'hui dans le but de déployer des moyens pour une propagation libératrice. Cette approche est essentielle dans la mesure où l'Afrique est sujette de plus en plus à des pressions étrangères et notamment dans la construction depuis 6

l'idée de tout mondialiser. L'avantage des échanges entre deux sociétés sont nombreuses, mais les inconvénients sont également percéptibles. Seule les acteurs locaux seront transformer un emprunt étranger en un élément libérateur pour leur société. Cette recherche identifie les facteurs techniques, historiques, géographiques et géologiques qui composent une culture constructive traditionnelle du Pisé. Ils sont ensuite contextualisés à l'Afrique subsaharienne, en examinant l'évolution de cette persistance d'absence de culture constructive. Spécifiée au contexte nigérien combiné à l'urgence, la recherche inscrite dans le cadre du contrat signé avec le HCR, permet de révèler les atouts matériels de la technique du Pisé en Afrique subsaharienne. Complétée par un contexte tel que la planifiaction urbanistique nigérienne, cette technique s'est également montrée vecteur de développement humain. Afin de croncrétiser ses atouts conceptuels en des atouts réels, des moyens devront être déployés notamment dans le domaine de l'architecture du Pisé, de la technique et des détails constructif qui impliquent incontestablement deux éléments : la mobilisation de deux types d'acteurs; les politiques africains et les professionnels étrangers, et la mise à disposition de «bons outils» destinés au peuple.

nique du Pisé sur le territoire, il est évident que dans l'avenir, ce thème réclame un plus grand intérêt scientifique. Plus que captivant, il a été également très riche humainement. Tisser un lien entre différents types de cultures et d'acteurs a été surement l'énergie la plus puissante du projet. Un tendre remerciement à toute l'équipe du CISP.

Cet ouvrage s'est enrichi en confrontant la théorie à la pratique et en spécifiant un contexte nigérien à une technique et à une période de l'Histoire; le XXIe siècle. Cette recherche est le fruit d'une expérience scientifique et humaine. Prendre le Pisé comme technique architecturale en Afrique subsaharienne a été à la fois laborieux, captivant et passionnant. Laborieux du fait que, malgré l'augmentation des projets en Pisé au XXIe siècle, aucun ouvrage ne détaille son Histoire, les informations sont rares sur le sujet, et du peu que j'ai pu en obtenir, elles étaient soit éparpillées, soit erronées. La réalité du terrain (condition climatique, financement, etc.) m'a également mise à rude épreuve quant au bon déroulement du projet. Ces embûches ont surement fait naître un sujet des plus passionnants en me donnant un «challenge». Combinant les apports théoriques et pratiques, le sujet a fait émerger une quantité d'informations insoupçonnables. Connaissant le développement incontrôlable de la tech7

INTRODUCTION 1% du financement total du budget humanitaire pour les camps de la Région de Diffa au Niger, est décaissé pour des bâches plastifiés; l'inévitable « plasting sheeting » auxquelles on donne abusivement le nom d'abri. Et par bonheur, même si dans les 1%, il était amené à prévoir un financement pour des éventuels abris en «dur», la qualité semble tellement optionnelle qu'ils ne renforceraient que cette sensation illusoire pour les familles, d'obtenir un progrès et qui, dans les faits, est une toute autre réalité. Dûes à la précipitation de la demande en logement, la conception des maisons faite par UNHCR inclue ni la population, ni un architecte et ni une étude au préalable ce qui laisse sous-entendre que l'habitat est réduit à son sens premier «abriter», et amputé de son deuxième sens «offre des conditions propices au développement».

La température intérieure de l'habitat avoisine les 60°C et la température de la tôle peut s'élever à 70°C durant la saison chaude. «Un mois plus tôt, au plus fort des pluies, le toit puis les murs de terre d'une maison s'étaient effondrées, alors qu'un enfant dormait à l'intérieur.» 1 (AGIER, 2008) «Personne ne choisit d'être réfugié. Et plus encore que l'exil, les gens du Nord redoutent la promiscuité et l'humiliation du cantonnement dans les camps.» 2 (LAMAZOU, 2015)

Au Niger, les besoins en logement sont estimés à 40 000. Pourtant seulement 46 ont été construits par an par l'Etat entre 1974 et 1999. Le peu de logements réalisés n'est accessible qu'à une partie de la population et non à la majorité. Le manque de financement engendre une qualité moindre du logement et perpétue la précarité, la promiscuité et l'insécurité. Et fatalement, depuis quarante-deux ans, aucun projet concret n'a été entrepris

1 AGIER, Michel. 2008. Gérer les indésirables : des camps de réfugiés au gouvernement humanitaire. Paris : Edition Flammarion. p226. 2 L AMAZOU, Titouan. 2015. Retour à Tombouctou. Paris : Edition Gallimard. p124. Fig 26 page de gauche : Réfugiés nigérians à Gagamari (Région Diffa). Source : European Commission DG ECHO. Fig 27,28, 29 et 30 : Camps de réfugiés dans la Région de Diffa. Source: Moustapha Mamadou.

quant à l'amélioration de l'habitat. 3 Cette problématique plus qu'actuelle est valable au Niger, mais également dans n'importe quel pays qu'il soit développé ou non. Augmentation de la démographie, attraction des villes, totalitarisme et crise économique sont les facteurs clés de la carence grave et accumulée en logement.

«Le logement est l'un des besoins les plus basiques de tout individu pour qu'il puisse organiser sa vie, préparer son avenir, stabiliser ses idées. Contrairement à ce que l'on pense, le logement n'est pas, pour les plus pauvres d'entre nous un article de consommation comme un autre : c'est un investissement vital pour la santé permettant une augmentation de leur capacité productive et du bien-être de leur famille.» (DIPAL) Ajouté au manque «matériel», le Niger subit ces dernières années un bouleversement environnemental. Il faut savoir que le territoire sahélo-saharien, où l'environnement au sens large y est fragile est frappé récemment par une insécurité climatique. Les sécheresses extrêmes, les inondations à répétition, les tempêtes violentes et la surexploitation des ressources affectent dangereusement la qualité du sol et amplifient donc, la désertification et la déforestation du territoire où le manque est exponentiel 4. Ce facteur que la terre ne soit plus nourricière et productrice, implique explicitement une famine grave, une pénurie de matériaux pour la construction et une répercussion sur la santé. Par exemple, les nigériens construisent traditionnellement en banco 5, et malgré sa qualité architecturale et ses carrières de terre illimitées, sa forte consommation d'eau lui confère un avenir incertain.

«Nous assistons objectivement à l'agonie de d'un 3 ATTAMA DISSIRAMA Sabine, Rapport provisoire sur les caractéristiques de l'habitat et de cadre de vie des populations à partir des données du RGP/H 2001. Institut national des statistiques de Niamey. Fig 1 page précédente : Rammed earth house de Mick Pearce, 1997, Zimbabwe. source Rammed Earth Consulting. 4 ALFARY, Aïssa Abdoulaye, «Gestion des inondations : les actions louables du PGRC-DU en renfort aux efforts de l'Etat », dans : Le Sahel Dimanche, n°8977, 13 aout 2015, p11. Carte 1 page de droite: Situation géographique du Niger, par Wallers Elodie, source the National Geographic World Atlas for Young Explorers,1998. 5 Le banco est une technique de construction en terre crue mélangé à de la fibre. Elle se différencie par son absence de moule car elle se façonne directement à la main, semblable à une poterie pétrie pour confectionner des boules de terres empilables.

biotope naguère stabilisé entraînant des effets collatéraux prévisible et imprévisible. Cette tragédie écologique et humaine provoque des migrations de population vers des agglomérations auxquelles on donne abusivement le nom de ville.» 6 (RAHBI, 2008) La situation actuelle nigérienne ponctuée par une pénurie de logements conséquente et un environnement dangereusement fragile, est alourdie par l'absence de l'Etat et la faiblesse des Institutions publiques.

«Difficilement contrôlable, l'arc sahélien développe une conflictualité endémique sur laquelle les différents acteurs ont peu de prise. (...) Longtemps resté sous le contrôle des Touaregs et des trafiquants de tout bord, cet espace fait aujourd'hui figure de zone grise rebelle à l'autorité de l'Etat. (...) Le Sahara couvre 8.000.000 Km2 auxquels il convient d'ajouter les 3.000.000 Km2 du sahel. Cette zone immense comme une mer et s'élançant comme un océan se montre difficilement maîtrisable. » 7 (NANA NGASSAM, 2013) Ce défaut politique entraîne fatalement des tensions internes et des conflits culturels venant de deux groupes : l'Occident et les Djihads salafistes.

«Les peuples colonisés cherchent à imiter ceux qui les ont dominés, persuadés de la supériorité des cultures de ceux qui les ont vaincus par la supériorité de leurs techniques. Ils finissent par confondre le progrès, la modernisation, avec l'occidentalisation.» 8 (VAN KHE, 1973) Et pourtant «coupé de sa source, le dominé présente un vide culturel car sa vie ne sera qu'une copie de celle de son maître qui jugera pour lui. Ce type d'homme aura une répugnance vis-à-vis de sa culture.» 9 (ZRA DELI, 2005) Aujourd'hui, à échelle réduite, ce conflit culturel s'illustre par la souffrance terrible et incontrôlable chez les jeunes du monde entier. En temps de terrorisme international, où le cannibalisme culturel n'a jamais été aussi fort, les jeunes déracinés 6 RAHBI, Pierre. 2008. Manifeste pour la terre et l'Humanisme. France: Edition Actes Sud. p42. 7 NANA NGASSAM, Rodrigue. 2013. Les défis du terrorisme au Sahel. Aqmi, une menace stratégique ?. Douala : Mémoire de fin d'études en science politique, Université de Douala.p4. 8 VAN KHE, Tran. 1973. Les musiques d'Orient malades du Juke-Box, in Unesco, le courrier, juin 1973, p 6-12. 9 ZRA DELI, Bernard. 2005. L'impérialisme culture occidental et devenir de la culture africaine: Défis et perspectives. Mémoire de Fin de cycle de Philosophie.. Saint Augustin de Maroua.

sont les premiers enrôlés.

Le Niger par ses bouleversements climatiques récents, par sa précarité alarmante en logement et par son altération culturelle, ne nous force-til pas à réinventer l'architecture, une nouvelle manière de construire qui absorberait les mutations inévitables que subit l'espace habité d'une société contemporaine? Quelles seraient les réponses architecturales adéquates qui auraient la volonté de participer au développement d'une société fragile culturellement?

«Encore une fois, la nécessité doit être la mère de l'invention, ou plutôt, de l'invention et de la renaissance.» 10 (STRACHEY, 1919)

L'Architecture de terre crue s'est toujours vue être le sujet d'actualité au lendemain de crises économiques où les matériaux industriels deviennent inaccessibles. C'est de cette manière qu'on voit apparaître successivement après le deuxième choc pétrolier de 1979, la conscience écologique et la création de groupes professionnels occidentaux spécialisés dans l'architecture en terre crue. A la suite d'une diffusion en masse des bienfaits de la construction en terre, nous constatons aujourd'hui une nette augmentation de cette dernière dans le monde entier. D'après les données de CRAterre et de l'UNESCO, l'Afrique dans sa globalité connaît la plupart des techniques de l'architecture en terre crue, tel que l'adobe, le pisé, le torchis, le banco, la bauge, etc. (Carte.3) Ainsi, il est surement le continent proportionnellement à sa taille à détenir la plus grande zone de répartition de construction en terre crue. (Carte.2) Sans jouer la carte du fatalisme, selon WHEAP UNESCO et le CISP Niger ; la terre, économe en énergie restera probablement dans les années à venir l'une des plus importantes ressources disponible et dans laquelle l'Afrique pourrait fièrement exprimer son indépendance. Importée futilement par les colons européens au début du XXè siècle en Afrique du Sud, la technique du Pisé se répand depuis les années 90 (Carte.4 et 5) sur tout le territoire subsaharien par des 10 WILLIAMS-ELLIS, Clough. 1919. Cottage Building in Cob: Pisé, Chalk & Clay. Londres : Edition Offices of «Country life». Introduction

professionnels occidentaux, comme un potentiel à explorer. Le Pisé 11, n'est vraisemblablement pas une technique endogène 12, mais bien une technique exogène pour l'Afrique subsaharienne. (Cette hypothèse ne cherche qu'à être confirmée par des recherches approfondies archéologiques.) Apparue primitivement au Nord de l'Afrique et en Asie, la technique du Pisé, ancêtre du béton, a fait ses preuves quant à la solidité, la longévité et la diversité de ses constructions. L'architecture est un outil égal aux médias et au commerce pour arriver à une forme d'impérialisme. Le danger d'une technique imposée du dehors serait de copier un modèle idéal décrit dans un pays et pourtant inadapté dans un autre, de généraliser et de simplifier cette technique au détriment de la complexité et de l'exporter de manière inappropriée pour les générations futures. L'architecture, fondation de l'identité en Afrique a également le pouvoir de participer au développement de la population et à sa stabilité culturelle. Elle a la faculté de rendre hommage à la gamme remarquable de genre-humain présent sur le continent. 13 (Carte.7) A elle seule, la culture nigerienne est le fruit de neuf grandes ethnies. 14 (Carte.6)

A la fois économe en eau, en temps, en main d'oeuvre et offrant une diversification dans la gamme de choix au niveau de l'architecture en terre crue, la technique du Pisé serait-elle le nouveau béton de terre africain?

11 Le pisé est une technique monolithique de construction en terre crue, consistant à compacter de la terre sèche / humide dans un coffrage et par couches successives à l'aide d'une masse ou d'un pilon. 12 Définition d'endogène (opposition à exogène) : Qui est produit par la structure elle-même en dehors de tout apport extérieur. Source : Dictionnaire Larousse 2015. 13 A vec 2138 langues parlées et 15 grandes ethnies regroupant des centaines et des centaines de petites ethnies (Fig.3), l'Afrique est le deuxième continent après l'Asie avec un brassage culturel si important. Source : Lewis, M. Paul, Gary F. Simons, and Charles D. Fennig. Ethnologue: Languages of the World. http://www.ethnologue.com/world. Page consultée le 05 septembre 2015. 14 Les Haoussas, les Djermas, les Sonrhaïs incluant les Wogos et les Kourteïs, les Touaregs, les Toubous, les Arabes, les Kanouris, les Boudoumas et les Peulhs. 15 PNUD, Programme des Nations Unies pour le développement. 1990, Annuel. Rapport sur le développement humain. Washington DC : Edition Communications Development Incorporated.

Cet ouvrage est composé de trois chapitres qui, successivement répondent à trois questions: Pourquoi la technique du Pisé, jusqu'à aujourd'hui ne s'est pas vulgarisée auprès des sub-africains? En quoi cette technique a un intérêt à être diffusée en masse? Et enfin, quels sont les moyens pour qu'elle se propage de manière libératrice pour le peuple africain? Avant de spécialiser la recherche au contexte africain, la première partie du chapitre 1 fera un bref retour sur la signification et l'évolution de la définition du mot «Pisé» et sur les facteurs techniques qui composent une culture constructive traditionnelle du Pisé. Cette partie mettra en avant l'importance de dissocier l'art et la technique et des éléments matériels tels que le coffrage; l'art du bois et la terre; la géologie : fondations de l'implantation d'une culture. Est-ce les raisons pour lesquelles le Pisé ne s'est jamais développé primitivement en Afrique subsaharienne? Le développement récent du Pisé n'est-il possible que par l'ajout de technologie? La deuxième partie du premier chapitre contextualisera le sujet à l'Histoire africaine. Puisant dans trois périodes historiques, la conquête du Levant, le commerce transsaharien, la colonisation européenne et la globalisation du XXIe siècle, nous constaterons que l'Afrique subsaharienne est toujours rentrée en contact avec des pays qui maîtrisaient cette technique et pourtant aujourd'hui, l'absence de culture constructive se maintient. La première bâtisse connue avec la technique du Pisé se trouve en Afrique du Sud, elle date de 1920, témoin du passage des colons européens. Dûe à l'absence de littérature à ce sujet, je constituerai un inventaire méthodique et des statistiques des projets construits en Pisé de 1920 à 2015, afin de tirer des conclusions quant aux acteurs, à la manière dont ces projets sont construits, à leur localisation (ville-campagne), à leur répartition géographique (pays), etc. Pour enrichir ce premier chapitre théorique, il sera confronté à l'expérience de terrain vécue au Niger, à Niamey, dans le cadre du contrat avec HCR et le CISP. Avant de rentrer dans le vif du sujet qui est la recherche sur la construction de 200 maisons 10

post-urgence, il me paraissait nécessaire de faire un retour bref sur le contexte nigérien dans lequel je me suis insérée. J'aborderai ce contexte sous trois catégories : la réalité environnementale et son lien avec la culture architecturale, la situation géopolitique et enfin la réponse humanitaire actuelle en termes d'abris dans la Région de Diffa par les Nations-Unies et le CISP. Cette partie soulèvera un des problèmes principaux du logement : un manque accru de qualité pour avant tout satisfaire la quantité. En s'opposant à cette lecture urgentiste, la deuxième partie sera dédiée à une analyse approfondie sur le potentiel matériel que peut apporter le Pisé au Niger dans le contexte des camps. Aborder à travers le prisme des ressources matérielles, humaines, financières, temporelles, puis à travers sa capacité d'inertie et son rapport à la société, le Pisé sera comparé successivement au banco, technique traditionnelle. Plus qu'un aspect technique, la typologie, la forme et les dimensions de l'habitat seront requestionnées face aux mutations constructives. Cette partie fera émerger les d'avantages quant au développement du Pisé en Afrique. Néanmoins, elle pointera également le doigt sur certains obstacles qui nuiraient à son aboutissement.

2012 par le président nigérien Issoufou Mahamadou pour la ville de Niamey; Niamey Nyala. Mettant un point d'équilibre quant à la responsabilité des acteurs africains et des acteurs étrangers, l'accès aux logements africains ne demande qu'à se populariser par la mise à disposition de «bons» outils. La technique du Pisé ne peut être jugée «Bons» outils seulement si elle a la prétention de dépasser son statut d'instrument matériel pour impacter de manière immatérielle et participer au développement humain, notamment à la pérennité culturelle nigérienne sous le prisme de la résilience.

Afin de concrétiser ces atouts en une finalité humaine, des moyens architecturaux devront être déployés. La première partie du chapitre 3 exposera l'importance que l'ONG et moi-même avons accordé à l'évolution de l'espace habité des camps afin de métaboliser le temps qui passe. Le deuxième élément s'axera sur l'extrême intérêt porté aux détails constructifs. Une construction propre et minutieuse est la clé de la pérennité et de la diffusion d'une image positive de la terre crue. Les détails constructifs ne peuvent être dissociés dans le cas du Pisé, du coffrage et de la terre. Nous constituerons donc une première esquisse d'un prototype de coffrage efficace pour un contexte urgent, puis un repérage des carrières de terre potentiellement intéressante. Dans le but de balayer la problématique du logement au Niger et d'approfondir l'entièreté du sujet à un contexte où les africains sont acteurs, je me suis intéressée à la planification urbaine initiée en 11

Carte 5: Répartition des constructions en Pisé après 1990, par Wallers Elodie.

Carte 4: Répartition des constructions en Pisé avant 1990, par Wallers

c WALLERS ELODIE,2015

Chapitre 1. Le(s) Pisé(s) 1.1. Cultures constructives traditionnelles du Pisé 1.1.1. Approche linguistique 1.1.2. Approche technique

0.55m 1.6m 0.5-1.2m

1-1.5m 2-3m 0.4-1.2m

1-1.5m 2-4m 0.3-1.2m

EXTRAIT DE L'ŒUVRE Le Pisé est une manière de bâtir connue dans les quatre coins du monde depuis des temps immémoriaux. Pour être plus juste, elle se retrouve dans six grandes régions du monde ; le Maghreb, l'Europe méditerranéenne, l'Asie centrale, l'Australie de l'ouest, le nord de la Cordillère des Andes, et enfin l'Amérique du nord-est. Indissociable des échanges culturels effectués au cours du temps entre les peuples, chacun d'eux appartient à un réseau mondial. Selon différents critères propres à chaque société ; l'évolution civilisationnelle, la mobilité (la navigation, le chameau, etc.), la proximité et les conditions géographiques (climat, géologie, etc.), la migration des peuples s'est étalée à travers l'Histoire emportant avec elle tout un bagage culturel. L'architecture est un excellent témoin matériel de ces zones de contacts, elle crée quasi systématiquement une synthèse originale entre une société A et une société B. C'est ainsi qu'on retrouve une hiérarchie historique et géographique des foyers de constructions en Pisé : l'Asie, le Maghreb et l'Europe méditerranéenne paraissent être à la fois les noyaux fondateurs de cette technique et les futurs pays émetteurs pour l'Europe du Nord, l'Amérique du nordest, la Cordillère des Andes et l'Australie. Ces derniers, après s'être appropriés la technique, l'importeront également au sein-même de leur région ou au-delà des contrées. Prenons l'exemple de l'Europe (géographie actuelle) : La France(B) aurait assimilé la technique du Pisé(0) par l'intermédiaire des romains(A). Nous avons une première synthèse(1) entre deux cultures différentes (A+B). Elle(B) l'aurait elle-même, exporté(1) au-delà de la mer du nord, chez les anglais(C). Nous avons une deuxième synthèse entre B et C. Et enfin, récemment, l'Angleterre(C) aurait fini par transférer le Pisé(2) en Afrique du Sud(D). Nous comptabilisons donc une troisième synthèse entre C et D. Cette donnée est valable autant pour des territoires éloignés mais également au sein d'une même région. Prenons l'exemple du Maroc, d'après D.Jacques-Meunié16 en 1962, la vallée du Drâa serait une aire construite en Pisé beaucoup plus ancienne que sa voisine la vallée du Dadès, éloignée seulement d'une centaine de kilomètres à vol d'oiseau.

c WALLERS ELODIE,2015

Ces synthèses civilisationnelles offrent un échantillon 16 MEUNIE, D.Jacques. 1962. Architectures et habitats du Dadès. Maroc Présaharien. Paris : Edition Librairie Klincksiek.

Carte 10. Dimensions des coffrages et typologies architecturales du PisĂŠ dans le monde, par Wallers Elodie.

0.5m 1.7-2m 0.5-1.2m

0.7-1m 2-2.5m 0.4-1.2m

0.8-1m 2-3m 0.6-1.2m

1-1.5m 1-1.8m 0.8-1.2m

0.9-1.4m 2-3.2m 0.5m

1.5-1.7m 4-4.2m 0.5m

0.3-0.5m 1-3m 0.3-0.5m

0.3m 2m 0.3-0.6m

0.4m 2m 0.4-1.2m

quasi illimité de la technique de Pisé et pourtant à l'époque contemporaine les scientifiques ont su s'accorder pour définir -Un Pisé-. Ceci nous amène, à travers l'Espace-Temps, à aborder la construction en Pisé de manière globale dans un premier temps, puis régionale dans un second temps. L'approche globale permet de traiter le Pisé comme un élément commun et partagé par tous, de délimiter un cadre linguistique et technique, de repérer ses similitudes comme ses différences et ainsi définir un contexte pour l'échelle régionale. Etudier le Pisé comme un tout, c'est distinguer le génie du lieu des contacts extérieurs, identifier les divergences à grande échelle, c'est affirmer l'identité à petite échelle.

TERRE CRUE

PISE

BAUGE

GE BAU COB

ADOBE

TORCHIS

Fig 5 Ramification de l'architecture en terre crue, par Wallers Elodie.

c WALLERS ELODIE,2015

PIJA

PIJE

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TAPIA CON ELEMENTOS DE SILL

TAPIA

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BANC O TO UB AB OU -F TU ER BA EY LI

Chapitre 1. Le(s) Pisé(s) 1.2. Le Pisé en Afrique subsaharienne 1.2.1. Ebauche historique de 814 av n.è au début du XXème siècle 1.2.2. Fin du XXème siècle et début du XXIème siècle 1.2.3. Bilan rétrospectif après 100 ans de construction. EXTRAIT DE L'ŒUVRE Comment puis-je prétendre écrire un chapitre sur l'histoire de la technique du Pisé en Afrique subsaharienne, alors que la littérature est si peu abondante, et que le peu que nous avons, est soit imprécise, (utilisation du mot pisé, pour signifier d'autres techniques) soit hypothétique? Plus que le manque de littérature, le manque de spécification de l'histoire du Pisé est dominant. Le Pisé est systématiquement abordé sous un angle général, ce qui nous a permis de constater l'absence quasi-totale d'informations sur le Pisé en Afrique subsaharienne, ou même pire l'ignorance qu'elle en possède. Mais en réalité, si nous n'avons toujours pas de littérature en 2015 sur le Pisé en Afrique subsaharienne, c'est bien parce que ce sujet est constamment fondu dans l'Histoire européenne. Pourtant, il est utile dans le cadre de cette étude de se positionner dans un contexte clair. Que signifie bâtir à l'aide du Pisé en Afrique subsaharienne au début du XXIe siècle ? C'est la combinaison de ces trois variables, technique, géographique et historique qui offre un sujet d'étude original. Le mot Pisé a été défini clairement dans la partie précédente. Dans le cadre de notre étude, nous nous situons au Niger, pays au sud du Sahara, appartenant à l'Afrique de l'Ouest. Par manque d'informations en lien avec la technique, nous avons élargi le contexte géographique à l'Afrique subsaharienne, ce qui est en somme l'addition de quatre sous-régions : l'Afrique de l'Ouest, l'Afrique de l'Est, l'Afrique centrale et l'Afrique australe. Cette partie aura donc pour but de spécifier le Pisé à l'Afrique subsaharienne dans différentes périodes de l'Histoire, à travers la littérature existante et un inventaire méthodique des projets récents. Le premier édifice en date connu, en Afrique subsaha-

rienne, avec la technique du Pisé, remonte aux années 1920. Son introduction fut donc des plus récentes par rapport aux autres continents, où le Pisé y est présent depuis des millénaires. Cependant, nous n'excluons pas que le Pisé fut introduit bien avant. Le continent africain a toujours entretenu des contacts étroits avec des pays où le Pisé était la culture constructive ancestrale. Disparue, détruite, enfouie, ou abandonnée, l'architecture de terre a ce pouvoir de retourner à son état initial sans laisser de traces conséquentes. Ecrire l'histoire de cette technique en Afrique subsaharienne revient donc à s'intéresser à l'archéologie. Dans le but de se référer à une source originelle et de balayer l'ensemble des données littéraires qui gravitent autour de ce sujet, nous avons inclus ponctuellement le Maghreb. D'après les grands événements marquant l'Histoire de l'Afrique, nous avons pu définir trois périodes clés importantes pour la diffusion de la culture du Pisé. La première est née d'une conquête politico-religieuse du Levant vers le Maghreb (à partir de 814 av n.è). La deuxième est la conséquence d'une chasse aux ressources. Avide de richesse, le Maghreb rentre en contact avec l'Afrique subsaharienne par le commerce transsaharien (du XIIIe au XVIe siècle). Enfin la dernière est le résultat d'une expansion territoriale des colons européens vers l'Afrique (du XIXe au XXe siècle). J'ai greffé également une quatrième période ; la mondialisation, mais elle semble être trop récente pour en juger de son impact historique.

Pour comprendre l'ampleur du changement, j'ai réalisé un inventaire méthodique des projets récents construits en Pisé en Afrique subsaharienne. Ce répertoire est encore à l'échelle de l'esquisse, mais il m'a avant tout permis d'établir un bilan rétrospectif et de tirer des conclusions pour la suite du projet. Nous pouvons d'ores et déjà se poser la question: les constructions en Pisé ont-elles suivis la dynamique des Keable ? Auprès de qui cette technique s'est popularisée ? Finalement, les sub-africains, se l'approprieront-ils ? Et a-t-elle conquit l'ensemble du continent ? J'ai constitué le tableau chronologiquement, en rassemblant un échantillon de projet s'étalant sur quasiment un siècle (XXème au XXIème siècle). Ces projets sont 18

Nombre de projets dans le temps

Nombre d'étage Plain pied

Projets

Nombre de coffrage utilisé selon la taille

5 4

1 étage

3 2 1

17%

Années

Ev de

2000

1999

1998

1997

1985

Origines européennes

Ghana Ethiopie Burkina Botswana Uganda Kenya Tanzanie Malawi Mozambique Nigeria Niger Rwanda Sénégal Sierra Leone Soudan Swaziland Tchad Zambie Zimbabwe Afrique du sud

Pays

Graphique 2 : Nombre de projets en Pisé, par pays africains de 1985 à 2015, par Wallers Elodie.

classés à travers trois critères : l'identité du bâtiment, l'identité des acteurs, et les détails de mise en œuvre. Consciente que la lecture peut être difficile pour faire émerger certaines informations, j'ai complété cet inventaire par une étude statistique des résultats obtenus. Les informations rassemblées dans ce tableau, sont le fruit d'entretiens avec les constructeurs, de lectures et de quelques sites internet. Les sources pour chaque projet sont indiquées précisément. En ayant un regard objectif, cet inventaire demanderait à être complété par un relevé minutieux de tous les auto-constructeurs qui ne diffusent aucunes informations. 19

2006

Nombre de coffrage utilisé Graphique 1 : Nombre de projets en Pisé, en Afrique subsaharienne, de 1985 à 2015, par Wallers Elodie.. selon les matériaux 9 Nombre de WALLERS ELODIE,2015 8 de projets par pays projets Français Nombre Anglais Italien Espagnol Portuguais Allemand Noncindiqué 7 6 20 5 Projets 18 4 3 16 2 27% 14 1 12 0 2% 51% 10 2% 8

c WALLERS ELODIE,2015

2006

2000

1999

1998

1997

83%

6 4 2 0

1985

Nombre de projets 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0

Tchad, Komé Mark David Heath First Project 2006 Ghana, Accra Hive Properties Maison privée 2014 Sénégal Autoconstructeur Maison personnelle 2013

Burkina Faso, Ouagadougou Francis Keré Secondary School 2012

Niger, Niamey ONG CISP, Maryam Sy, Equipe B au carré Pavillon de l'architecture en terre 2014

Tchad, Mark D Second 2009-2

Tchad David Cooks 2013

Nigéria, Galadimawa Isona Shibata Eco-Home 2014

Sénégal, N’Gaparou Atelier KOE Kear Leah 2008

Sierra Leone, Freetown Keable-Secrétariat du Commonwealth Pilot House 1985 Côte d'Ivoire Autoconstructeur Maison personnelle Avant 1978 Ghana, Abetenim -Karolina and Wayne Switzer 10X10 Shelter Challenge 2012 -James Palmer-Michele Ape Kindergaten 2014 -Anna Webster Mud House 2015 -MAMOTH Sankofa house 2015 -Solterre Library 2015 -Handmade house 2015 -Kente house 2015 -RAUMGESCHICHTEN Nkosoo House 2015 Afrique S, Johannesburg -Mine de Johannesburg 1920 -Ferme de Daggafontein 1922 -Mine de Gauteng 1940 -DRF-Rammteck Mablomong school 2010 -Paul Marais-InSynch Sustainable Technologies Flemming House 2010 -InSynch Sustainable Technologies Reception Desk 2011 -InSynch Sustainable Technologies Dalrymple Pavillion 2011 -InSynch Sustainable Technologies Monaghan Farm 2011

Uganda, Mbarara Dai Rees Kyera Farm 2000 Rwanda Autoconstructeur Maison personnelle 2010 Ghana, Asiafo Amanfro Hive Properties-The Akaa project Library and School 2015 Zambie Autoconstructeur Maison personnelle Non daté Zambie, Katuba BuildIT Rammed earth house 2015 Botswana, Maun Michael Thompson-Terry Hill Botswana Project 2010 Afrique du sud, Kathu InSynch Sustainable Technologies New Head Office 2011 Afrique S, Drakenstein Herbert Baker Simondium station 1920

Afrique S, Magaliesburg Paul Marais Maison privée 2014

Zambie Keable Shipun 2012

Afriqu Ecode Care T 2013

Afriqu Rammt Commu 2012

Doba David Heath d & Third Project 2010

d d DeArmey de Envodev-East Africa Trust stove

Soudan Khalid Karrar Maison & Villa privée 2012-2013

e, Chipungu e-BuildIT ngu school

ue S, Benoni esign-Odessy Takers house

Ethiopie, Simien Mountains Rowland Keable Limalimo Lodge 2014

Ethiopie, Dilla GoDesign-Impact Ethiopia School 2011

Uganda, Entebbe Renzo Piano-ONG Emergency Children’s Surgery Center 2013 Kenya, Nairobi Campamento de Olengoti Sandra Martín-Ratpanat 2014 Kenya, Kajiado GoDesign-Impact Ethiopia School 2011 Tanzanie, Arusha Sandra Martín-Fundación Carpio-Perez Eretore 2013 Malawi, Njewa The Landirani Trust Njewa office 2015 Zimbabwe, Chimhanda ISREC-ONG Zimbabweenne Chimhanda House 1998 Swaziland, Malkerns GUBA-Eco Design Building Permaculture centre 2011 Afrique S, Magaga DRF-AVENG-Rammteck Mamphuga school 2012 Afrique S, Memel Bryan Bowen Co-housing 2013

Afrique S, Buffelshoek ue S, Tswinga teck-AVENG-Naccw Rammteck Buffelshoek unity center 2013

Afrique S, Acornhoek Rammteck Hoyo Hoyo 2014

Malawi, Chigonti George Phiri-The Landirani Trust Sam's vilage 2012 à aujourd'hui Zimbabwe, Mutoko Keable-SIRDC Rukanda school 1998 Mozambique, Marracuene Miguel Mocho-Patricia BrunoTeresa Beirão-ONG APOIAR Mumemo 2006 Afrique S, Buhlebamangwe DRF-AVENG-Rammteck Buhlebamangwe school 2011 Afrique S, Cebelihle DRF-AVENG-Rammteck Cebelihle school 2011

Malawi, Kasungu Autoconstructeur Maison privée Non daté Zimbabwe, Bonda ISREC-Mick Pearce Rammed earth house 1997 Zimbabwe, Harare -Maisons coloniales 1940-1950 -Keable-SIRDC The DfID School block 1997 -Keable Fambidzanai House 1997 Afrique S, Ntalantala DRF-AVENG-Rammteck Ntalantala school 2011

c WALLERS ELODIE,2015

Carte 18: Répartition des projets en Pisé en Afrique subsaharienne, par Wallers Elodie.

Chapitre2. L'habitat d'urgence au Niger avec l'ONG CISP 2.1. La genèse 2.1.1. Le contexte nigérien 2.1.2. Réponse humanitaire actuelle en termes d'abris dans la Région de Diffa EXTRAIT DE L'ŒUVRE Ce deuxième chapitre se structure en deux grandes parties, la première définit le contexte nigérien dans lequel je m'insère et la deuxième est l'analyse à proprement parlé du projet des 3 000 constructions en Pisé, de l'ONG CISP : Appui au développement, à la capacité d'accueil, d'hébergement des Communes et à l'ntégration durable des déplacés et vulnérables dans les Communes de la Région de Diffa. Il faut savoir que la Région de Diffa dans laquelle nous intervenons fait partie de la zone sahélo-saharienne, elle se situe au sud-est du Niger. Le climat est aride et sec (la température peut s'élever à 45°C), la pluviométrie est faible (entre 100 et 800mm), mais durant la saison des pluies (de juillet à septembre), les pluies peuvent être dévastatrices.

«En 2012 des inondations avaient tué des dizaines de personnes et fait quelque 500. 000 sinistrés, et causé des dégâts estimés à environ 148 millions d'euros, selon le bilan officiel.» 17 (AGP, 2014) Ajoutées à ça, le pays souffre de fortes catastrophes écologiques telles que la déforestation et la désertification. En diminuant les ressources naturelles et en augmentant la démographie, de nombreuses familles sont privées d'alimentation. Ce qui entraîne finalement l'accroissement de l'exode rural, et la précarité des villes. Le climat, la disponibilité des ressources naturelles et la culture constructive sont indissociables. On comprend donc l'abondance de la culture constructive du banco. Aujourd'hui, subissant une véritable mutation climatique, la technique du banco et la typologie traditionnelle sont-ils toujours la Réponse adaptée quant aux logements contemporains ?

tières accessibles à tous et à faible prix ; le bois et les matières végétales, la population a trouvé un substitut qu'est la tôle ; matériau de la société moderne, facile à mettre en œuvre, et abordable financièrement. On constate que ce dernier est excessivement abondant dans les grandes villes dû aux importations. Or, la typologie architecturale typique des villes est la maison orthogonale en banco à toiture plate. Donc, les deux éléments se sont alliés pour pallier à l'indisponibilité du bois. Comme le dit Mester de Parajd : «un matériau de construction, autrefois courant, peut devenir rare. On le remplace par un autre, mais par souci des traditions, on n'adapte pas la forme avec le nouveau matériau.» (MESTER DE PARAJD, 1988) C'est de cette manière qu'on voit apparaître une discordance dans l'habitat nigérien actuel. La couverture faite en structure de bois et de branchage se voit remplacée par une structure métallique couverte de tôle, mais la forme et les dimensions de l'habitat sont restées intactes. Les maisons mesurent toujours plus ou moins 3 mètre de haut, mais la tôle ne joue pas le même rôle que la terre ! Le Niger est un des pays les plus ensoleillé du monde, avec une chaleur radiante très élevée. Or, la tôle a une très faible inertie thermique et sa température peut monter à plus de 70°C. Elle est, donc, très mal adaptée à un pays chaud comme le Niger. Ainsi, sans un apport de ventilation ou de hauteur à l'habitat, les maisons sont inconfortables à l'extrême. Mais la réalité du terrain fait que la population l'utilise malgré tout. Dans un souci de continuité architecturale et de culture constructive, l'architecture contemporaine nigérienne deviendrait erronée. Prenant en compte ce facteur, l'objectif ne serait pas d'exclure la tôle, mais bien de l'adapter en minimisant ses inconvénients par la forme, la dimension et le revêtement de l'habitat.

En conséquence de la disparition progressive des ma17 Agence France Presse, «Inondations au Niger: 12 morts et plus de 27.000 sinistrés», dans : Jeune Afrique, 12 août 2014.

Autres Peaux Paille Banco Tôle Béton

NIAMEY

ENSEMBLE

Autres Peaux Paille Banco Tôle Béton

DOSSO

MARADI

Autres Peaux Paille Banco Tôle Béton

ZINDER DIFFA

TAHOUA TILLABERY AGADEZ

Graphique 25 : Matériaux utilisés pour les toitures dans les logements nigériens selon la région, par Wallers Elodie., source : Id.

Chapitre2. L'habitat d'urgence au Niger avec l'ONG CISP 2.2. L'analyse 2.2.1. Gestion matérielle et ressources humaines 2.2.2. Gestion financière 2.2.3. Gestion du temps 2.2.4. Gestion de l'inertie 2.2.5. La technique et la société 2.2.6. Résultats EXTRAIT DE L'ŒUVRE Rappelons-nous succinctement les termes du contrat avec UNHCR : Appui au développement, à la capacité d'accueil, d'hébergement des communes, à la résilience du développement communal et à l'intégration durable des déplacés vulnérables et autochtones dans les communes de Diffa, N'guigmi, Kabalewa, Goudoumaria et Maine Soroa, dans la Région de Diffa. Les autorités locales, les conseils régionaux et les délégués des familles déplacées de ces cinq communes, subissant un afflux massif de personnes déplacées ont commandité un appui de l'UNCHR pour contribuer à l'extension de leur zone urbaine. Le contrat entre l'UNCHR et le CISP stipulait la construction de deux cents maisons post-urgences en matériaux locaux sur neuf mois. Avant cela, l'ONG et moi-même avons entamé une recherche approfondie sur l'architecture en terre crue au Niger. A l'aide de comparaisons successives entre le Pisé et la technique traditionnelle nigérienne, le banco, dans le domaine des ressources matérielles, humaines et financières, puis dans celui de la rapidité d'exécution, du confort et de la société, nous avons obtenu des résultats utiles pour la suite du projet. A partir de ces deux techniques de terre crue, la recherche s'est structurée autour de cinq typologies d'habitat : les trois premières font appel à la technique de l'adobe et les deux dernières au Pisé. Nous avons une case en adobe d'épaisseur de mur de 40 cm avec une coupole en briquettes de terre crue selon la construction sans bois18 , une case en adobe d'épaisseur de 25 cm avec une toiture plate en tôle selon le HCR, et la troisième ; la typologie améliorée de la deuxième, une case en adobe de 40 cm avec une toiture plate en tôle recouverte d'un enduit terre selon l'ingénieur du CISP Moustapha Mamadou. Les deux dernières typologies proposées et dessinées 18 Référence à l'ANCSB : Association nigérienne de construction sans bois.

par moi-même sont encore absentes au Niger. Nous proposons une case en Pisé d'épaisseur de mur de 50 cm avec une toiture métallique haute à deux pans et une case en Pisé d'épaisseur de 50 cm avec une coupole en briquette de terre crue. Le choix de ces cinq typologies avait pour but de les comparer et de tirer meilleur profit des résultats obtenus. Il a également dépendu de cinq domaines fondamentaux pour l'élaboration d'un projet de construction. Citons en premier, la quantité et la qualité des ressources naturelles et humaines, par exemple, le Pisé consomme beaucoup moins d'eau que l'adobe, par contre il utilise plus de terre. Nous avons également l'investissement financier intrinsèquement lié aux autres domaines. Disons que la consommation de tôle ou d'eau, fera fluctuer différemment le budget. Le temps de mise en œuvre est un critère tout aussi important, surtout dans «le monde de l'urgence». Mais ce dernier n'aurait pas la prétention de négliger d'autres domaines tels que le confort et la qualité de l'inertie thermique d'un espace habité. La forme, les matériaux et les épaisseurs, sont tout autant déterminants. Par exemple, un mur de 40cm ou de 25cm jouera un rôle différent face aux conditions climatiques extrêmes. Enfin, cette étude clôture par un domaine non quantifiable: la société et son rapport avec les différentes techniques de terre crue; une dimension sociale, affective et politique. Méthodologiquement, ces cinq domaines, classés selon leur importance (propre au contexte), semblent être divisés par la suite en sous-parties, mais la lecture s'est faite en parallèle. Toutes les informations indiquées prochainement sont basées sur une demande humanitaire de 3 000 habitats contractés en neuf mois. Nous avons choisis le nombre 3000 au lieu de 200 pour élargir les résultats scientifiques. Les cinq typologies sont basées sur une dimension standard de 16m²/ménage, et sont relatives aux normes culturelles et économiques du pays. Faisons un point quant aux normes relatives à respecter dans l'élaboration d'un camp. Le Projet Sphère en a repris l'intégralité dans: la Charte humanitaire et normes minimales pour les Inter24

ventions lors de catastrophes. Ainsi selon eux, dans le domaine des abris et des espaces couverts « La superficie couverte initiale au sol par personne est d'au moins 3,5 m² », c'est-à-dire 16 m² pour 4 à 6 personnes. 192 Néanmoins, il faut savoir que ces normes sont indicatives et standards ce qui veut dire que selon chaque contexte l'assistance humanitaire pourra se révéler différente et s'écarter des recommandations. Les prix présentés dépendent directement des salaires et des prix du marché local. Aucune machine ni technologie n'intervient dans le projet. Par ailleurs, un prototype test devra être réalisé à échelle 1:1 au préalable de la construction, pour affirmer ou infirmer les documents estimatifs préparés à cet effet. Les calculs ont été réalisés autant pour un habitat que pour 3000.

demande une bonne maîtrise de la construction : plans précis, bonne coordination de l'équipe, précision dans l'installation des banches, etc.» 203 (CRATERRE, 1979) La connaissance serait-elle le troisième obstacle? La deuxième partie, traitant les domaines de la politique et de la culture, a soulevé à son tour des difficultés : image négative de la terre crue, concurrence au béton, manque de soutien et de financement par les politiciens et évolution technique non adaptée aux peuples traditionnels. Donc, l'établissement de la technique du Pisé au Niger et en Afrique subsaharienne est à la fois matériel, culturel et politique. Ces trois critères structureront le troisième chapitre. La première partie illustre la réponse architecturale donnée aux camps de réfugiés et les moyens matériels pour la mettre en œuvre (détails constructifs, coffrage et terre). La deuxième partie dénonce le «après» de cette recherche scientifique et l'enjeu politique et culturel d'un projet architectural en Pisé en Afrique subsaharienne au XXIe siècle.

Toute la première partie de l'étude s'est basée sur des domaines quantifiables. Il s'est avéré que le Pisé aurait un intérêt matériel pour être développé au Niger. Il est économiquement viable, il est rapide, efficace et performant pour 3000 habitats. Néanmoins de nombreuses interrogations «matérielles» m'nterpellent quant à la suite du projet. Le Niger est pauvre en bois, donc le Pisé semble être dépendant de son coffrage métallique qui est rentable seulement sur un grand nombre. Pour augmenter la flexibilité, le Pisé demande à être adapter tant pour une que pour 3000 maisons. Ensuite, étant donné que le Pisé réclame trois fois plus de terre que sa sœur l'adobe, les carrières sont-elles en quantité et en qualité suffisante?

«Le Pisé apparaît ainsi comme le procédé le plus rapide, mais il faut lui mettre en balance le dernier point du tableau : difficulté et savoir-faire. Le Pisé, en effet, 19 Le Projet Sphère. 2004. Chartre humanitaire et norme minimale pour les interventions lors de catastrophes. Genève : Edition Projet Sphère. p259.

20 CRATerre, 1979. Construire en terre. Paris : Éditions Alternative et Parallèles

c WALLERS ELODIE,2015

Fig 39 TYPOLOGIE 1 et 3 : PISE (50cm) ou ADOBE (40cm) + COUPOLE PLAN, ELEVATION, COUPE 1/100 Dessiné par Wallers Elodie, Mamadou Moustapha avec l'aide de l'ANCSB

Fig 40 TYPOLOGIE 2 : PISE (50cm) + TOITURE METALLIQUE HAUTE PLAN, ELEVATION, COUPE 1/100 Dessiné par Wallers Elodie avec l'aide de l'ANCSB

Fig 41 TYPOLOGIE 4 et 5 : ADOBE (40cm) ou ADOBE (25cm) + TOITURE METALLIQUE PLATE PLAN, ELEVATION, COUPE 1/100 Dessiné par Moustapha Mamadou et par UNHCR

c WALLERS ELODIE,2015

Graphique 28 : Consommation d'eau pour 3000 constructions pour les 5 typologies choisies, par Wallers, Elodie.

c WALLERS ELODIE,2015

Tableau 4 : Nombre d'abris construit par mois selon le nombre d'équipe de maçons, pour les 5 typologies choisies, par Wallers Elodie.

c WALLERS ELODIE,2015 Graphique 30 : Prix des constructions pour les 5 typologies choisies, par Wallers Elodie.

Dates Graphique 41 : Température intérieure sur une année, Cas 4 : Pisé avec une toiture métallique enduite de 10 cm de terre superposée des trois premiers cas, par Benoit QUEVRIN

Chapitre 3. Réponse(s) 3.1. Vers une architecture ? 3.1.1. Un habitat évolutif 3.1.2. Détails constructifs 3.1.3. Le coffrage 3.1.4. La terre à pisé 3.1.5. Résultats EXTRAIT DE L'ŒUVRE La construction en terre peut paraître simple au premier abord. Nos ancêtres l'ont toujours édifiée sans avoir recours à un manuel. Ils faisaient tout simplement appel à leur tradition constructive, héritée de génération en génération. Leur objectif était naturellement d'offrir un toit à leur famille. L'architecture révèle également des informations sur le mode de vie (urbain, rural), sur sa classe sociale et son appartenance à un groupe. Déjà importante à l'époque, cette relation spatio-sociale s'est fortement intensifiée avec la mondialisation. La comparaison n'est plus à l'échelle d'un groupe, mais à l'échelle du monde ! Vivre dans une maison traditionnelle en terre ne satisfait plus les attentes contemporaines. Et s'avouer qu'elle tend à être abandonnée est inconcevable culturellement. Nous revenons à dire que la terre souffre de son image. Pour pallier à cela, l'architecture traditionnelle demande à se sophistiquer pour éviter son abandon. Mais pour qu'une sophistication devienne libératrice, elle doit venir -du dedans-et non -du dehors-. C'est dans cette dynamique que l'ANCSB organise de nombreux workshop, chantier-école, manuel pour «actualiser» les pratiques ancestrales. Tout cela pour dire que la construction en terre crue n'est plus aussi simple si elle veut concurrencer le paysage bétonné. Les améliorations sont localisées essentiellement dans les détails constructifs et dans les soins apportés aux finitions. Une maison réalisée dans les règles de l'art, et offrant des variantes de techniques, de couleurs, de formes peut réellement faire éloge à l'architecture en terre sous un angle contemporain. Soyons clairs, les détails constructifs proposés

ci-dessous ont essayé d'associer tant la tradition que la nouveauté, ils n'ont aucune prétention à exclure des coutumes locales qui sont efficaces. Nous avons tenu compte de cinq références primordiales quant au choix entrepris pour la réalisation. J'ai choisi autant des références «contemporaines» que des références traditionnelles pour la mise en œuvre de la terre : le livre de CRATerre (Traité de construction en terre )121, le livre de KEABLE (Rammed earth structures, A Code of Practice )22, le premier petit projet en Pisé au Niger réalisé par le CISP en partenariat avec Maryam Sy, l'expérience d'ANSCB (Association nigérienne de construction sans bois) et enfin les projets millénaires et récents réalisés en Pisé en Afrique. Par ailleurs, il faut savoir que nous avons cinq villes potentielles pour installer les camps : N'Guigmi, Kablewa, Goudoumaria, Mainé Soroa et Diffa. L'architecte d'ANSCB (Ali Souleymane) et l'ingénieur du CISP (Moustapha Mamadou), se sont chargés d'aller inspecter la qualité des terres à construire. Les villes entre elles peuvent être éloignées jusqu'à 200 km à vol d'oiseau. Ce qui revient à dire que tous les terrains à construire n'auront pas la même nature de sol, les mêmes ressources disponibles, etc. Par exemple, N'Guigmi et Kablewa sont à proximité du lac Tchad et les trois autres sont beaucoup plus territoriales. Sur cinq villes, deux ont de mauvaises carrières de banco, une est trop sableuse, et les deux dernières sont satisfaisantes. Une marge de flexibilité est obligatoire quant à la bonne exécution du projet. Les prochains dessins architecturaux ne sont dans aucun cas figés, ils ne demandent qu'à évoluer sur chantier si nécessaire. Nous avons pris cinq critères fondamentaux pour un résultat architectural satisfaisant: le site (l'orientation, pente, nature du sol, etc.), l'implantation, les fondations, le soubassement, les murs , la toiture et les finitions (gouttières, enduit, etc.)

21 GUILLAUD, Hubert. HOUBEN, Hugo. 2006. Traité de construction en terre. Marseille : Edition Parenthèses. 22KEABLE, Julian and Rowland. 2012. Rammed Earth Structures: A Code of Practice. Rugby : Edition Practical Action.

Fig 56 : Habitat évolutif. Détails constructifs, par Wallers Elodie

c WALLERS ELODIE,2015

Fig 57 : Habitat en Pisé à toiture métallique. Perspective, par Walers Elodie.

Chapitre 3. Réponse(s) 3.2. Ou vers un enjeu politique et culturel ? 3.2.1. Et « après » ? 3.2.2. Le développement humain est une fin dont l'architecture est un moyen EXTRAIT DE L'ŒUVRE Contextualisés à l'Afrique subsaharienne, les chapitres précédents ont identifié le Pisé à travers son prisme linguistique, technique, historique et géographique. Ils ont révélés ses nombreux atouts matériels, néanmoins le Pisé ne peut être jugée «Bons» outils seulement si il a la prétention de dépasser son statut d'instrument matériel pour impacter de manière immatérielle et participer au développement humain, notamment à la pérennité culturelle nigérienne sous le prisme de la résilience. J'ai choisi consciemment trois pistes de réflexion qui me paraissaient fondamentales pour les stratégies de logement africain de demain : les acteurs, l'outil et la finalité ; la culture et la résilience. Ces éléments font intervenir quatre strates d'acteurs : le gouvernement, les administrateurs, les professionnels et la population. Rappelons que les trois premiers acteurs cités sont censés exister dans le seul but de satisfaire la dernière strate, la population. Dans une dynamique de synergie nationale, le gouvernement a pour but d'identifier le fil rouge et de décrire les objectifs à atteindre. En d'autres termes de prendre position dans une sphère où nous faisons converger et diverger une sommes de mouvement qui déracinent peu à peu la culture africaine. Définir à juste titre ce « tout » permettrait d'atteindre des objectifs clairs et cohérents pour l'ensemble des sphères qui définissent un pays, comme l'architecture, le commerce, l'économie, la santé, le droit, etc. Les administrateurs, eux, ont comme objectif d'offrir des instruments aux professionnels et aux bénéficiaires, ils sont la jonction entre la politique et l'architecture. Ceci découle sur des notions, comme l'enseignement, le financement, le lobbying, l'accès au logement, les règles urbanistiques dont les normes hygiéniques et sécuritaire (incendie, structure), etc. Les professionnels ont pour mission de construire en respectant la vision culturelle nationale et la population de jouir en échange d'une participation.

Ajouté à ces derniers, nous sommes dans une ère valorisant l'échelle mondiale, donc, les acteurs étrangers ont également leurs responsabilités et spécifiquement dans l'aliénation culturelle. J'insiste hautement sur l'équilibre et la responsabilité mutuelle de ces deux sociétés.

«Le développement humain est un processus qui conduit à l'élargissement de la gamme des choix qui s'offrent à chacun. Les plus essentiels sont : vivre longtemps et en bonne santé, acquérir un savoir et avoir accès aux ressources nécessaires pour jouir d'un niveau de vie convenable.» 1 23 (PNUD, 1990) Le développement humain est la finalité dont l'économie, le droit, l'architecture, le commerce, etc., structures définissant une société, sont les moyens. Le développement humain englobe une infinité de domaines qui touchent au bien-être tels que l'accès aux ressources, l'espérance de vie, l'identité, la résilience, la liberté, la protection, la dignité, etc. Une population inscrit ses valeurs dans son cadre bâti. L'architecture est un moyen, et dans le cas du Sahel, l'architecture de terre en est le pilier. Partant de la situation actuelle du Niger, où le viol culturel et les catastrophes naturelles frappent, renforcer le logement par l'introduction de nouvelles techniques en terre est un outil pour le développement humain. Introduire le Pisé dans le cycle de la construction nigérienne renforce d'une part, la culture et d'autre part, la résilience. Au côté du banco, en quoi la technique du Pisé jouerait un rôle dans le renforcement de la culture nigérienne ? Selon E.B Tylor (1871) la culture est un «Ensemble complexe incluant les savoirs, les croyances, l'art, les mœurs, le droit, les coutumes ainsi que toute disposition ou usage acquis par l'homme vivant en société.» (TYLOR, 1871)

«La culture est essentielle à la survie même d'une population. Certains la considèrent d'ailleurs comme le quatrième pillier de la durabilité aux côtés des trois pilliers que sont l'environnement, la société et l'économie.» (BARENSTEIN, 2004) 23 PNUD, Programme des Nations Unies pour le développement. 1990, Annuel. Rapport sur le développement humain. Washington DC : Edition Communications Development Incorporated.

L'Afrique s'est construite au moyen de la terre depuis des temps immémoriaux, par quelle prétention serait-elle jugée et condamnée au XXIe siècle? Un jour un nigérien m'a demandé pourquoi j'avais choisi le Niger alors que c'était un pays sans intérêt. A force d'être rabaissé par les élites, ils y croient fermement. Comment leur dire qu'ils ont de l'or dans les mains, au sens propre comme au figuré. A l'échelle d'un architecte ou d'un maçon c'est d'appuyer la contemporanéité dans la tradition, c'est d'offrir de la nouveauté dans la continuité, c'est leur donner le choix à travers la diversification des instruments matériels et enfin c'est valoriser leur créativité pour atteindre la fierté voulue. La fierté culturelle est l'arme inéluctable pour affirmer une place sur la planète terre.

«Il faut se rendre compte, en effet, qu'une culture n'atteint sa dimension véritable à l'intérieur de ses frontières nationale. Sa valeur et sa pérennité se mesurent à sa capacité d'expansion, c'est-à-dire à l'importance de ses composantes susceptibles d'avoir un impact dans d'autres pays.» (ATANGANA, 1973) «La situation d'autarcie se trouve altérée lorsque les communautés entrent en contact avec d'autres sociétés disposant d'un produit de grande utilité qu'elles ne possèdent pas elle-même.» (LABOURTHE, 1971) Connaissant l'engouement pour l'architecture en terre en Occident, quelle fierté de pouvoir imaginer qu'une équipe de maçons africains puisse construire en terre pour un européen, comparable à un européen qui vienne construire en béton en Afrique. A côté d'autres techniques constructives, le Pisé, souvent nommé «Béton de terre» a l'avantage d'être un point d'équilibre entre le béton et le matériau terre. En empruntant le coffrage du béton et en utilisant la terre pour le remplir, le Pisé peut avoir l'ambition de devenir le béton africain, avec l'avantage de maintenir un confort intérieur. Renforcer la filiale de la construction en terre, l'affirmer comme porteuse d'avenir, la professionnaliser est un combat avant tout des pays du Sud plus que du Nord. Plus que renforcer la fierté, la diversité des outils

offre de l'emploi. L'emploi des jeunes est la deuxième arme pour l'affirmation culturelle. En temps de terrorisme international, où la revendication culturelle n'a jamais été aussi forte, les jeunes déracinés sont les premiers enrôlés.

«Ainsi, le terrorisme a trouvé tous les éléments nécessaires en Afrique subsaharienne pour se développer et interagir avec les différentes organisations criminelles présentes sur place : des conditions socio-économiques favorables lui permettant de séduire les plus désœuvrés parmi les jeunes pour épaissir ses rangs ; des Etats fragiles qui n'ont pas le monopole de la force sur tous leurs territoires et leurs frontières ; ainsi que la disponibilité des sources de financement, comme les trafics illicites.» 2 24 «Si les jeunes trouvaient une raison d'être au sein d'une communauté, un grand nombre d'entre eux ne chercheraient pas à s'identifier à travers l'idéologie islamiste radicale.» 325 D'après Raul Caruso, l'attrait de groupes comme Boko Haram dans le nord du Nigeria tient en grande partie au rapport entre le chômage des jeunes, les opportunités économiques limitées et l'apparition du terrorisme. L'emploi plus qu'un statut pour l'individu, accroît la sphère professionnelle africaine, qui est hautement nécessaire face à l'élite intellectuelle occidentale. Pour la technique du Pisé et sa pérennité sur le territoire, seule la sphère professionnelle locale saura transformer un emprunt en une originalité ancrée dans le génie du lieu.

«Aujourd'hui, la culture est au centre de l'économie. Avant, il y avait le monde industriel dur et impersonnel et d'autre part la culture, le jardin secret. Aujourd'hui, il n'y a plus de jardin secret, tout est consommation. [...] Ce sont encore les vieux réflexes : la culture, ce n'est pas de l'économie. Moi je dis, la culture est tellement importante qu'elle est au centre de l'économie.» (GOLDFINGER) Pérenniser la culture locale nigérienne passe également 24 FENOUCHE, M. TOUATIT, L. BENHADJ, K. 2012. Le terrorisme et ses liens avec le trafic de drogue en Afrique subsaharienne, M. Fenouche Messaoud. Dans Terrorisme et trafic de drogues en l'Afrique sub-saharienne, de l'Institut Espagnol d'Études Stratégiques (IEEE) et Institut Militaire de Documentation de l'Évaluation et Prospective (IMDEP). 25OLUFEMI SODIPO Michael, Atténuer le radicalisme dans le nord du Nigéria, dans Le Bulletin de la sécurité africaine, n°26 aout 2013.

dans le processus de résilience. La technique du Pisé peut être la convoitise de nombreux occidentaux et pourtant les africains ne semblent pas s'y intéresser réellement. C'est vrai finalement, pourquoi insister sur le Pisé alors que le banco est tout aussi performant pour le logement de demain ? Jusqu'à aujourd'hui le peuple nigérien a réussi à se loger dans son intégralité par l'auto-construction et les matériaux locaux (Bois et terre). Si le Niger inscrit un faible pourcentage de sans-abris, c'est bien grâce aux ressources naturelles constructives.

Eviter, c'est anticiper, anticiper, c'est réduire les catastrophes naturelles, sensibiliser la population par l'enseignement et offrir de nouveaux outils. Soyons juste sur un propos, cet ouvrage n'a pas la prétention de vouloir remplacer à court terme le banco, technique traditionnelle, par le Pisé. Il défend plutôt l'idée que le Pisé peut jouer un rôle complémentaire et résilient sur le long terme. Précisé précédemment, l'eau se raréfie, le Pisé consomme nettement moins d'eau que le banco, il pourrait devenir une alternative constructive intéressante pour la pérennité de la population et sa culture.

Du aux mutations climatiques récentes, le bois, élément fondamental pour la charpente et l'eau, liant pour la brique se raréfient. Le logement et les ressources alimentaires sont la colonne vertébrale d'une civilisation. Afin de pérenniser leurs progrès, il est donc urgent de ne pas alourdir la situation du pays et des pays limitrophes en réduisant leur vulnérabilité.

«La vulnérabilité humaine n'est pas nouvelle mais elle augmente en raison de l'instabilité financière et des pressions environnementales croissantes telles que l'évolution climatique, qui a un potentiel grandissant de nuire au progrès du développement humain. En effet, depuis 2008, on observe un ralentissement de la croissance des trois composantes de l'indice de développement humain dans la plupart des régions du monde.»4 26 (PNUD, 2014) La vulnérabilité n'est pas synonyme de pauvreté mais antonyme de résilience. D'après Chambers, une personne vulnérable est dans l'incapacité de se défendre, ce qui l'expose à l'insécurité, aux risques, aux chocs et au stress. Alors que d'après le Département britannique pour le Développement international (DFID), la résilience se définit comme «la capacité des pays, des collectivités et des familles à faire face au changement tout en maintenant ou en modifiant leur niveau de vie à la suite de chocs ou de stress, sans pour autant compromettre leurs perspectives à long terme» Le couple vulnérabilité-résilience est l'illustration de la théorie du poisson de Confucius : l'objectif n'est pas de combler un manque, mais bien de valoriser le processus pour éviter de répéter le manque. 26PNUD, Programme des Nations Unies pour le développement. 2014, Annuel. Rapport sur le développement humain. Washington DC : Edition Communications Development Incorporated.

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