À celui qui ne cesse de me soutenir et croire en moi, mon père. À celle qui ne cesse d'éclairer ma vie et ma voie, ma mère.
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Remerciements Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à ma famille, mes parents et mes soeurs pour leur amour inconditionnel, leur sacrifice et leur patience tout au long de mon cursus. À mes amis, toujours à mes côtés, illuminant mes journées et m'apportant du soutien. À tous ceux qui ont participé de près ou de loin à l'élaboration de ce travail. Et je ne pourrais oublier d'adresser mes sincères remerciements à mon encadrant Mr Mounir Dhouib, et à Mme Sonia Rafrafi Dhouib, pour leur encouragement constant, les suivis qu'ils m'ont prodigués et leurs précieux conseils qui ont contribué à alimenter ma réflexion.
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SOMMAIRE Remerciements - Introduction - Problématique - Méthodologie
Chapitre 1 : Ruine, trace du passé I. L’esprit des ruines : à la recherche d’une substantialité II. La poétique des ruines III.Le devenir de la ruine
Chapitre 2 : La friche : une ruine moderne Partie 1 : Un lieu entre mémoire et espoir I. La friche : vers une expérience mentale II.La dynamique d’évolution d’une friche Partie 2 : La STD... Entre lecture et réécriture I. Un regard “sur” la STD d’aujourd’hui : les reliques du passé II. Un regard “dans” la STD d’autrefois : retour aux sources III.Un regard “vers” la STD du futur : à l’aube d’une renaissance
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Chapitre 3 : Éloge de l’im-matière : lumière, matière révélatrices Partie 1 : Interdépendance Lumière/Matière I. Lumière II.Matière Partie 2 : Quand la lumière jaillit du noir - Pierre Soulages I. À l'aube d'une carrière d'un peintre II. L'Outrenoir : A la quête de la lumière III.Les vitraux de l'abbatiale de Conques
Chapitre 4 : Vers une renaissance I. Vers une conceptualisation II. Expérimentation : Brèche lumineuse III.À la quête d'une résonance lumineuse
Conclusion générale - Bibliographie - Table des figures - Tables des matières
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Introduction
Introduction Depuis toute petite, les bâtiments en ruine et délaissés m’ont toujours intrigué et ont manifesté chez moi la curiosité de les découvrir davantage. J’ai toujours eu cette envie de savoir la raison pour laquelle un bâtiment qui autrefois avait une vie, une sonorité, est aujourd’hui plongé dans un silence ténébreux et dépossédé de son sens et de sa fonction. Dans mon mémoire de fin d’études, je me suis intéressée à l’ancien siège de la Société Tunisienne de Diffusion STD situé à Bab Saadoun. Au sein de la vie dynamique et foisonnante de cette ville, la STD est aujourd’hui délabrée, délaissée, dépourvue de toute existence, un bâtiment dont la matière évoque une histoire, un vécu engrammé et qui est témoin de l’ignorance de sa ville. Cette ville, toujours à la conquête du progès, de quelque chose de plus efficient et nouveau, crée de l’obsolescence et par conséquent des espaces en friche, en ruine. Ces espaces se positionnent quelque part.entre vie et mort,. entre être et non-être,.entre croissance.et dépérissement. Ils n’ont pas pu s’imposer et faire perpétuer leur activité. Pourtant, leur architecture est toujours présente, elle continue d’exister malgré les outrages du temps et de la société.
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Introduction Cette architecture est une matière qui nous fait voyager dans un monde de clair-obscur, qui nous pousse à imaginer, à rêver, à sentir l’âme du lieu et à dépasser le réel figé tangible pour atteindre le réel poétique. La recherche de la lumière engrammée dans la matière nous plonge dans un univers qui s’alterne entre l’imaginaire et le réel qui est à la fois apparent et nébuleux. A travers le clair et l’obscur, la matière se transforme en une pièce de théâtre qui ne cesse de changer au fil du temps. Cette dualité « sensibilise » la matière et la démunit de sa massivité, sa légèreté ou sa solidité pour la transcender dans l’immatériel. Il y a donc un entremêlement entre la lumière et la matière, un entrecroisement de rapports dialectiques opposant éphémère à éternel, vide à plein, légèreté à matière. La matière veut retrouver la lumière qui était incarnée en elle, son antécédent lumineux. Celui-ci ne peut être ré-acquis que lorsque la matière est “creusée” et soustraite pour faire ressortir sa lumière et la faire revivre. Il serait ainsi primordial, dans ce cas, de dépasser le matériel et le visible pour faire jaillir l’invisible, l’essence du lieu révélée par son immatérialité. Mon objectif dans ce mémoire est donc de faire régénérer ce bâtiment en puisant dans les traces de son passé, de rattacher son antécédent à un présent poétique, de ressortir son vécu et sa matière engrammée afin de pouvoir lui redonner sa vie et sa lumière.
Figure 1 : La STD, délaissée...
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Problématique
Problématique De tout temps, les ruines ont fasciné l’Homme. Personnellement, elles ont toujours suscité en moi un vif intérêt et une certaine perplexité. Attirée et rêveuse, je me demande souvent “comment puis-je être attiré par un bâtiment délaissé ? Peut-être ma curiosité pour s’enfoncer dans les profondeurs de son temps passé? Ou bien mon imaginaire qui voit surgir une vie qui n’était plus ?” C’est une aventure personelle, propre à chacun, et quelque soit le sentiment qu’elle nous provoque, on n’est jamais dans l’indifférence. Cet espace en friche nous parle, nous séduit, il se fane, il s’écoule, nous agite, nous fascine, il se manifeste et nous révèle un caché, un invisible. Le temps réel figé visible devient sensible et éphémère suscitant la reviviscence des souvenirs et de la mémoire collective ainsi que la réminiscence d’un antécédent. Ces espaces sont les traces d’une vie passée qui tente de persister dans le présent et de se projeter dans l’avenir. Cette confrontation paradoxale entre le passé suggéré et le présent concret incite l’Homme à revoir sa propre présence et sa trace dans le passé ainsi qu’à ses intentions pour l’avenir dans les actes du présent. Témoins d’un passé industriel et d’une époque révolue, ces friches deviennent une des composantes de la ville contemporaine qui les a laissées de côté à cause de leur utilité qui n’est plus assurée. Que faire donc de ces édifices du passé, révélateurs d’une époque prospère mais endurant l’ignorance du présent ? Quelle intervention avoir sur des bâtiments ayant un potentiel exubérant, aussi riche que l’histoire qui les a sillonné? Entre périssable et éternelle oeuvre d’art, ces friches chargées de potentiels et de valeurs insoupçonnées laissent place à l’imaginaire et attendent d’être ressuscitées et transformées. De ce fait, craignant la mort, les bâtiments délaissés s’efforcent d’éviter les outrages du temps et trouvent dans leur transformations une issue d’outrepasser la dégradation et la disparition. Cette transformation tant espérée se présente comme un art, un acte de création qui met en exergue que la ville saturée d’aujourd’hui devrait être en constante renaissance plutôt qu’en croissance et que son évolution devrait passer par la régénération de son existant obsolète. Peut-être que “c’est à partir des ruines que le geste architectural peut se (re) définir, se (re)composer et se (re)constituer.” 1
1. Colloque International. La ruine et le geste architectural
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Problématique Comment pourrait-on imaginer l’oeuvre architecturale tout en associant la dimension passée au futur et tout en gardant l’esprit du lieu et sa transformation espérée ? Comment faire renaître ce bâtiment et ressortir son vécu et son histoire accumulés et lui apporter une dimension poétique ? Comment l’architecture prend-t-elle possession de cet existant obsolète pour créer de l’imaginaire et le transformer en un rêve ? L’invisible peut-il prendre le dessus sur le visible et hiérarchiser l’espace et le matériel peut-il avouer son immatérialité ?
Figure 2 : Schématisation des mots-clés
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Méthodologie
Méthodologie Dans le premier chapitre, notre attention est portée sur la notion de ruine, son âme et sa symbolique. Notre recherche est fondée sur un regard “depuis l’extérieur”. A travers une approche sensible et philosophique, nous allons étudier leur perception, leur organisation mentale et physique et mettre en lumière le monde imaginaire, rêvé que nous inventons face à leur contemplation. Ensuite dans le deuxième chapitre, toujours avides et assouvis, nous allons essayer de découvrir de près le monde de la STD, étant une ruine moderne, de révéler ses secrets, de puiser dans son passé afin de dévoiler son mystère et de le perpétuer. Nous allons donc aborder la notion de friche comme étant une ruine moderne. Cette friche, telle qu’elle existe à l’état actuel, nous amène à puiser dans son passé pour dégager sa lumière antécédente qui va nous offrir la possibilité de nous projeter vers un avenir meilleur. Nous passons alors par une transition temporelle bien déterminé : d’un présent à un passé, vers un futur c’est-à-dire d’une friche à une avant-friche, vers une après friche. On va donc procéder dans une oremière partie à définir chaque phase d’une façon générale puis, dans une deuxième partie, d’une façon plus particulière à travers la lecture de la STD et son évolution au cours du temps.
Guide de lecture
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Méthodologie Dans le troisième chapitre, nous traiterons une phase plus réjouissante, celle de la renaissance, de la réincarnation, de la vie. Cette renaissance aurait besoin d’une racine par laquelle commencer pour pouvoir la reconquérir et l’élever vers la lumière. Pour ce faire, nous allons essayer dans une première partie de révéler la lumière de par son absence et faire avouer à la matière son immatérialité et ce en abordant la notion de l’interdépendance entre la matière et la lumière liées à l’expérience architecturale et ainsi au lieu. Ensuite, dans une seconde partie, nous allons nous intéresser à la lumière comme étant une matière de l’œuvre, une lumière qui se sert de l’obscurité pour se manifester et se dévoiler. On va se reférer tout au long de notre recherche à une méthode de travail d’un artiste peintre, Pierre Soulages, qui fait jaillir la lumière à partir d’une matière noire obscure et ce en creusant dans l’épaisseur de la matière pour dévoiler la lumière engrammée en elle. Dans le quatrième chapitre, nous allons proposer une réponse architecturale qui mettra en lumière les éléments révélés lors de notre rencontre avec la STD. Nous allons commencer par exposer notre démarche conceptuelle et indiquer les concepts retenus lors de toute notre réflexion. Ensuite, nous allons essayer d'expérimenter la matière et la lumière par différentes manipulations afin de nous initier à la phase de trans'formation. Pour conclure, nous allons établir un processus de trans'formation et proposer un programme fonctionnel pour aboutir à la concrétisation d'une réponse architecturale. Figure 3 : Un guide de lecture
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CH 01 RUINE, TRACE DU PASSÉ
“ Au commencement, il y a la ruine”. - Jacques DERRIDA -
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Ruine, trace du passé
Introduction A partir du XVIIIème siècle, le siècle des Lumières, les intellectuels ont commencé à s’intéresser à la notion des ruines et leur importance. Ces ruines, qu’elles soient partiellement détruites ou seulement abandonnées, dégagent une histoire engrammée à travers des années ou même des siècles. Il est à noter que le terme “ruine” peut être défini par le code de l’urbanisme comme étant “un effondrement partiel ou total d’une construction ou d’un ensemble d’édifices à la suite d’une dégradation naturelle, d’une destruction volontaire ou accidentelle.”
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Or la ruine n’est pas seulement
synonyme d’un monument dégradé physiquement mais aussi un lieu qui n’est plus habité, qui a perdu sa valeur d’usage et que sa situation, aujourd’hui inutile, prend de l’ampleur. La ruine se présente donc dans un entre-deux temporel : entre une présence matérielle concrète et une présence immatérielle où l’esprit détrône la matière.
Figure 4 : À l’aube d’une fin
2. Cnrtl : Centre national de ressources textuelles et lexicales
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Ruine, trace du passé
C’est ainsi que la ruine par son obsolescence et la perte de sa valeur d’usage, se rattache encore plus à l’esthétique qui mène à la rêverie et l’imagination. “[...] une fois bâti, un bâtiment est assouvi à son usage. Son esprit doit alors provoquer et rappeler à son utilisateur sa volonté d’avoir été. N’est-il pas vrai qu’un bâtiment en construction est parfois plus intéressant qu’un bâtiment terminé ? Un bâtiment en ruines est de nouveau libéré de son asservissement à l’usage” 3. Ceci nous véhicule l’idée que la ruine ne se restreint pas sur une fin et une mort. Bien au contraire, cette fin ne serait que l’aurore d’une nouvelle vie, d’un nouvel espoir. Ces ruines ont la capacité d’orienter notre regard en même temps dans le passé et le projeter vers l’avenir à travers leur caractère intentionnel, irrégulier, inachevé et évanescent.
3. Louis KAHN, “Réflexions” publié dans Perspecta 9/10 : The Yale Architectura Journal, 1965, p 304-333
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Ruine, trace du passé
I.L’esprit des ruines : à la recherche d’une substantialité Face à une ruine, on éprouve un sentiment d’admiration ou de tristesse. On ne peut qu’être sensible devant leur fragile présence et le manque qui les habite. Elle nous renvoie à “un sentiment de nostalgie et d’échec : l’échec d’une utopie sociale et de la modernité”. 4 Son caratère unique d’aujourd’hui nous fait rêver mais aussi nous fait preuve de la cruauté du temps et de l’action humaine. Elle exerce sur notre esprit une forte impression et nous transporte dans un voyage mental guidé par la fascination et l’imagination. Ce moment de contemplation fait preuve que la ruine nous parle et nous communique ses valeurs à travers son âme.
I.1.Un hors-lieu : une valeur esthétique La ruine apparaît comme un lieu inerte, où la lumière du passé s’est éteinte et s’est esquintée. Pourrait-on raviver cette lumière et rallumer la flemme qui est certainement engrammée quelque part en elle ? Il suffirait seulement de l’imaginer autrement plutôt que de la figer tout en liant la dimension passée au futur. Dans ce contexte, Lapicque a écrit “... j’attends de ma peinture qu’elle m’apporte autant d’imprévu quoique d’un autre genre, que celui que m’apporta la véritable course que j’ai vue. Il ne peut être un instant question de refaire exactement un spectacle qui est déjà du passé. Mais il me faut le revivre entièrement d’une manière nouvelle et picturale cette fois, et ce faisant me donner la possibilité d’un nouveau choc” 5. La précarité et la décrépitude du bâtiment nous génère un sentiment de perte et de mélancolie mais aussi de paix et de nostalgie devant les traces du passé. Des émotions se déclenchent et stimulent notre plongée introspective, notre individuation. On se laisse emporter par notre imagination, notre rêverie, notre méditation individuelle solitaire. Le passé inventé transfrome l’espace réel en un monde imaginaire où tous nos sens sont exaltés. “Des lieux autrefois vivants de sons et de mouvements, désormais silencieux et immobiles, mais pas moins sensoriels” 6. En effet, ce qui nous parle, nous interpelle et nous fait ressentir tant d’émotions est absolument en vie.
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4. HALDIK Murielle (2008), Habiter le temps ou la poétique des ruines, p8 5. Cité par LESCURE p 130 cité par Gaston Bachelard (1957) p15 6. Mathew Emmet, “Forgotten Heritage”
Ruine, trace du passé
Figure 5 : Usine abandonnée
On voit dans son imaginaire surgir une vie qui n’était plus. Ces bâtiments délaissés, délabrés font preuve encore “d’une vie qui ne s’éteint pas” 7. A ce moment, l’édifice conquiert en énergie émotive ce qu’il périt en perfection formelle et fonctionnelle. “Alors qu’au départ, les bâtiments à l’abandon évoquent la décrépitude, le déclin et la dégradation à la fois sociale et symbolique, la figure de la ruine prend une valeur esthétique et renvoie à la méditation sur le passage du temps.» 8 C’est ce temps qui, par la force de la nature, prend le dessus sur l’oeuvre de l’homme en la considérant comme sa propre matière et la munit d’un caractère non intentionnel, non prévu voire même évanescent. L’architecture ainsi s’anéantit, se consume pour devenir une trace du passé. Elle devient un hors lieu spontané qui n’est point imaginé. Cependant, sa décrépitude n’est point la fin de son existence mais plutôt le début d’une nouvelle vie autre que celle d’auparavant. D’ailleurs, le poète latin Ovide a écrit dans ses Métamorphoses (p 387) : “Croyez-moi, rien ne périt dans ce vaste univers; mais tout varie et change de figure. Ce qu’on appelle naître, c’est commencer d’être autre chose que ce qu’on était auparavant; et ce qu’on appelle mourir n’est que cesser d’être ce qu’on était; et, quoiqu’il y ait changement perpétuel de forme et de lieu, la matière existe toujours.”
7. LACROIX S. (2007) Ce que nous disent les ruines, p 64 8. Hladik Murielle, Traces et fragments dans l’esthétique japonaise, 2008.-
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Ruine, trace du passé
Cette matière en crise et en attente est encore résistante. Elle force une prise en comptre et une immersion dans le déjà-là, le figé pour voir émerger un renouveau.
Figure 6 : D’une matière figée à un rêve
I.2.Un hors-temps : une valeur temporelle La ruine est révélatrice des rapports que l’homme établit avec le temps, qu’ils soient destructeurs ou créateurs. Elle permet d’identifier la trace de son action sur la matière à un temps donné et dans un contexte déterminé. Cette ruine est indéniablement liée au temps, celui écoulé et celui qui va s’écouler, elle interroge sur ce qui subsiste et ce qui peut subsister, sur le présent et sur l’avenir. Avec le temps, la matière est certes abimée, mais reste présente et durable. Telle que nous la voyons, elle représente le présent, le réel figé visible mais dès qu’on se laisse emporter par notre imagination, on l’élève à un état plus subtil, on lui fait avouer son immatérialité et sa spiritualité. C’est une manière de voyager dans le temps, pour finalement atterir dans un passé éloigné ou un futur imaginé. “Libérant le spectateur des contingences spatiotemporelles, elle permet à l’imagination de plonger sans entraves dans la coulée du temps, de se rêver hors du présent, dans un passé sacralisé ou dans un avenir mystérieusement déchiffré.” 9 La ruine se situe ainsi dans une transversalité temporelle où elle nous renvoie aussi bien à une représentation du futur qu’une représentation du passé, à l’avenir comme à l’histoire. Le spectateur effectue un va-et-vient temporel. Il imagine le bâtiment par un travail mental de reconstitution et parachève de le ruiner à travers son anticipation imaginaire. Le temps semble ainsi s’apparenter à une illusion.
9. Roland Mortier ( 1974 ) La poétique des ruines en France, p 10
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Ruine, trace du passé
Figure 7 : Eglise abandonnée au Canada
Figure 8 : Peinture digitale Yuri Shwedoff
Le temps n’est donc plus le même, il n’est plus celui qui s’écoule d’une façon ordinaire et linéaire. Pour Foucault, la ruine est tout comme les bibliothèques et les musées : le temps y est gelé, accumulé, sédimenté. On construit une sorte de pont temporel où le passé et le futur se rejoignent et se complètent dans une temporalité qui n’est pas fléchée. Le dialogue entre ces deux mondes aboutit à un lieu intermédiaire où la réalité acquière à nouveau son droit de se manifester, de révèler son imaginaire, de restituer sa mémoire et de la transmuer. Entre ces deux frontières du temps, tout est fluctuant et réversible, tout peut s’inverser.
Figure 9 : La ruine entre passé et avenir
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Ruine, trace du passé
II.La poétique des ruines II.1.Un entre-deux : Matière et fragment, un lieu à imaginer La ruine perdure entre deux mondes : le réel et l’imaginaire. Le réel est celui du présent et du vivant alors que l’imaginaire est celui de la fiction, de la rêverie qui nous fait transporter dans une symbolique de l’abstrait et de l’insaisissable. Le premier expose son état fragmenté, inachevé du présent et le deuxième révèle son état complet du passé. Comme l’a déclaré le philosophe Michel Foucault, les ruines sont des lieux hors de tous les lieux, des “hors lieux” où les images sont inventées par une imagination créatrice. On les voit toutes jeunes, immaculées, débordantes de vie. Notre imaginaire tend à restituer le lieu et à reconnaître son état originel. La ruine est imaginée par la fragmentation, la discontinuité et donc la mise en lumière de son côté invisible. “La discontinuité du fragment renvoie au virtuel qui, pour l’observateur, renvoie à l’imaginaire”. 10
Figure 10 : Entre fragmentation et imagination
10. Chol, I. (2000). Article “Ruinification dans quelques textes de Danièle Sallenave”
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Ruine, trace du passé Son état fragmenté révèle d’une part le temps passé et d’autre part, suggère la matière manquante, la partie restante d’un tout disparu. Une corrélation est donc établie entre le visible et l’invisible, la matière et la non-matière, le présent et l’absent, l’incomplet et l’achevé... Une autre image se reconstitue dans l’imaginaire du contemplateur et son esprit invente ce que ses yeux ne sont pas capabes de voir. Il entrevoit la ruine autrement. Il se retrouve à la recherche d’une “ “immatérialisation” du réel, du visible et “matérialisation” de la transparence, de l’invisible” . 11
Figure 11 : La ruine entre présence et absence
La ruine représente un entre-deux entre la vie et la mort, l’espoir et la menace, la force et la fragilité, la lumière et les ténèbres. Un lieu de passage, de transition où viennent s’exprimer les peurs face aux mutations rapides de la société. Le temps y est certes suspendu mais le moment de recueillement devant un monde qui n’est plus et où la vie s’est retirée, nous rend nostalgique. La nostalgie du temps, du vécu et de l’histoire de nos antécédents nous fait passer de l’esthétique à l’imaginaire. Cette ruine nous offre un champ des possibles et devient un lieu fertile de potentiels imaginatifs. Elle stimule notre esprit et notre mémoire pour pouvoir compléter ses fragments. Elles nous transportent dans un temps intermédiaire entre le passé et le futur, entre l’échec d’une société et la rêverie d’un outre-lieu irréel, conçu.
11. NASR, Joseph, Le rien en architecture, l’architecture du rien, L’Harmattan, 2011, 4ème de couverture
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Ruine, trace du passé “L’effet de ces compositions, bonnes ou mauvaises, c’est de vous laisser dans une douce mélancolie. Nous attachons nos regards sur les débris d’un arc de triomphe, d’un portique, d’une pyramide, d’un temple, d’un palais, et nous revenons sur nous-mêmes. Nous anticipons sur les ravages du temps, et notre imagination disperse sur la terre les édifices mêmes que nous habitons. A l’instant, la solitude et le silence règnent autour de nous. Nous restons seuls de toute une génération qui n’est plus; et voilà la première ligne de la poétique des ruines.” 12 Cet aspect poétique de la ruine se manifeste par son pouvoir de nous faire ressentir l’existence passée de quelque chose d’inexistant, d’absent. Et c’est cette absence qui nous interpelle et nous trouble par ses forces qui sont disparues mais qui persistent dans ce qui reste. Dans ce croquis, nous avons essayé de retranscrire le sentiment du trouble face à une absence. Le lieu est déserté, la présence de l’homme a disparu dans un endroit où l’on entend l’agitation de la ville. Les lignes troublées et vibrées traduisent une vision onirique et des brides de rêve que l’on attache au lieu.
Figure 12 : D’une réalité à un rêve
12. DIDEROT (1995), Ruines et Paysages, Salons de 1767, Paris, Hermann, p.335
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Ruine, trace du passé
II.2.Une expérience du sublime La ruine est considérée comme un héritage du passé, transformée par la puissance de la nature et l’intervention humaine en une matière esthétique. Sophie Lacroix nous transmet dans son ouvrage “Ruine”, que l’expérience des ruines est une expérience du sublime plus qu’une expérience de l’esthétique et du beau : “Les ruines sont moins un spectacle qu’une expérience, car celui qui contemple est touché et transformé”. L’aspect de la ruine génère chez le contemplateur des émotions insoupçonnées : un état d’admiration et de stupéfaction s’entremêlent. Il est fasciné par la beauté imparfaite de la ruine, son aspect fragmenté, ses lignes discontinues, sa matière figée et ses fissures dominantes. Comme l’a évoqué Edmund Burke dans son ouvrage "Recherche philosophique sur l’origine de nos idées du sublime et du beau" : “Ce qui prédomine dans le Sublime, c’est le non-fini, la difficulté, l’aspiration à quelque chose de toujours plus grand.” Loin d’être une expression du beau, le sublime s’appuie plutôt sur les sensations intenses qu’il suscite et la dimension spirituelle qu’il éveille.
II.3.La ruine : espoir d’une vie Entre ses fissures, ses blessures gravées sur ses murs lépreux, jaillit un espoir d’une vie.La ruine est résistante, luttante, combattante. Elle insiste pour perdurer et s’attache à la vie. La végétation et les moisissures sont une sorte de matérialisation de cette vie ; elles s’infiltrent dans la matière harassée, l’alimentent, l’aident à survivre et soulagent ses peines et ses cicatrices. “Jamais, on n’a pu concevoir la ruine isolée de son cadre. L’une fait corps avec l’autre. Si la ruine confère une noblesse au paysage, celui-ci en la baignant de sa lumière, en la mêlant aux jeux de ses verdures, lui prête une vie et une âme. Elle n’est plus un accessoire, une chose morte, elle est un centre vivant et signifiant de tout morceau de nature.”13
Figure 13 : Une vie à la STD
13. BERTRAND Louis. (1897), La fin du classicisme et le retour à l’antique dans la seconde moitié du XVIIIème siècle et les premières années du XIXème siècle en France
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Ruine, trace du passé
III.Le devenir de la ruine III.1.La ruine, une expérience de potentiels L’attirance que génère ces lieux mérite d’être questionnée plus largement : comment démystifier cet envoûtement, cet engouement pour des lieux désertés et guettés par l’oubli ? Ces vides urbains constituent en effet un espace d’expérience, une alternative, un lieu de projection que ce soit de fantasmes, de potentiels ou de possibles pour les artistes. Ces manques de la ville d’aujourd’hui renferment les surprises de demain. La ville, étant un processus infini, l’Homme a besoin de s’approprier des espaces en suspens et leur injecter une nouvelle âme. “Il existe toute une subculture et un désir de visiter, regarder ou photographier ces ruines, fragiles et éphémères, léguées par la modernité”. 14 D’où vient donc ce pouvoir poétique des ruines qui invite à la création architecturale ?
III.2.L’existant comme source d’inspiration : investir dans les ruines Le bâtiment est là, entrain d’attendre la saisie de ses restes et ses fragments, leur réinterprétation et leur réincarnation. Ces
Invisible Caché Immatériel
fragments présentent une ébauche, une Inversion
inspiration pour une nouvelle vie. Ils suggèrent l’absence et l’évanescence mais aussi la présence et l’espoir. Ils aiguisent notre regard à voir l’invisible à travers ce qui est visible, ce qui est caché à travers ce qui est dévoilé et ce qui est immatériel à travers le matériel. Le touchable devient alors intouchable. Cette trace nous incite à déceler l’inaperçu et “prépare le regard “à voir” dans la ruine ce qu’elle ne donne pas à voir”15. Par sa présence, elle révèle l’existence et suggère l’inexistence.
Visible Apparent Matériel Figure 14 : Du visible à l’invisible
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14. HALDIK Murielle (2008), Habiter le temps ou la poétique des ruines, p7 15. LACROIX S. (2007) ce que nous disent les ruines, p 31
Ruine, trace du passé Une dualité s’établit entre le présent et le passé, la réalité et l’illusion pour stimuler notre imagination à réinterpréter le bâtiment et lui redonner un nouveau souffle. “Il s’agit de passer [...] à des images invécues, à des images que la vie ne prépare pas et que le poète [ou architecte] crée. Il s’agit de vivre l’invécu et de s’ouvrir à une ouverture de langage.” 16 Dans ce contexte, l’artiste coréen Seon Ghi Bahk a créé des installations intitulées “Fonction of the fabricated image” composées avec du charbon de bois. Ce sont des formes architecturales qui ressemblent à des colonnes fragmentées et décomposées qui nous rappellent l’éphémérité et le retour vers la nature de la création humaine. Ces installations nous renvoient à l’image des ruines en état d’esquisse qui nous incitent à imaginer ses parties manquantes et à réinventer le projet.
Figure 15 : Installation de Seon Ghi Bahk
Figure 16 : Installation de Seon Ghi Bahk
16. Gaston Bachelard ( 1957 ) La poétique de l’espace, p 13
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Ruine, trace du passé Ces lieux en ruine pourraient renaître de leurs cendres et être réinvestis et reconvertis. Une nouvelle fonction pourrait leur être injectée ou peut être la fonction primaire réincarnée d’une manière plus innovante. La réflexion se porte sur le travail de l’héritage du passé pour construire le futur, du dégagement du brouillard du passé afin de mieux voir l’avenir. D’ailleurs, ces ruines deviennent généralement des supports artistiques pour les photographes, les tagueurs, les peintres... Ses murs lépreux témoingnent de leur passage et de leur empreinte: “les “vides” sont les endroits de l’art, où la création est possible, là où l’imagination en acte, l’imaginaire et la fantastique, voire la fantasmagorie, peut se déployer pour dire la ville”. 17
Figure 17 : Tag à la STD
Figure 18 : Tag dans une ruine à Berlin
17. BOUDEREAULT p.w.Parazelli M, “l’imaginaire urbain et les jeunes” p 14
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Ruine, trace du passé
Conclusion Les ruines peuvent être issues d’un évènement traumatique ou encore le fruit d’un temps passé. Elles sont donc anciennes ou contemporaines mais se manifestent comme étant des traces du passé encore debout, résistantes, immortelles dans l’espoir de retrouver un nouveau souffle. Elles se manifestent donc selon trois aspects : matériel, temporel et rêvé. En effet, la matérialité est représentée par ce qui est déjà-là, ce qui reste, par les fragments. La temporalité est une sorte de présentation du temps, de l’éphémère, de la fragilité et de l’évanescence. Quant à l’aspect rêvé, c’est celui qui est représenté par notre imagination, notre anticipation. L’architecture demeure certainement la manière la plus révélatrice et expressive pour la matérialisation de ce rêve et la renaissance des traces. A l’aide de l’imagination, d’une âme révérant l’esprit du lieu, on pourra créer une écriture inédite adaptée au langage parlé des ruines.
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CH 02 LA FRICHE : UNE RUINE MODERNE
“Les friches construisent aujourd’hui le rez-de-chaussée de nos villes”. - Constantin PETCOU -
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La friche : une ruine moderne
Introduction De nos jours, surtout au sein des villes touchées par la désinstrualisation, on voit émerger de plus en plus les friches industrielles. Les friches sont des ruines modernes étant donné que nous vivons aujourd’hui dans le monde de l’obsolescence. Les caprices de la vie ainsi que les frictions des édifices avec le temps ont provoqué leur apparition et l’ont dépourvues de leur sens, de leur valeur d’usage. La friche industrielle est donc une ruine moderne qui “possède d’autres sens encore que le potentiel patrimonial et son esthétique. Elle vient d’un autre temps et nous y renvoie. Par elle nous pouvons côtoyer un temps révolu. Elle échappe donc à une appréhension rationnelle, d’où sa capacité à nous émerveiller et nous faire déceler une poétique étrange”.
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Elle n’est pas due seulement
à l’usure du temps sur l’architecture mais surtout à l’action de l’homme au cours du temps. Ces espaces inoccupés, laissés à l’abandon sont généralement perçus comme des lieux à fuir étant donné leur réputation exécrable.
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18. GRENIER Iris. La ruine en chantier ; De la jouissance de la ruine dans la construction de la ville. 2017, p23
La friche : une ruine moderne
Pourtant, ces espaces symbolisaient autrefois une gloire industrielle. Aujourd’hui, ils se présentent dans un état latent sans que personne ne se soucie de leur importance et de leurs potentiels et sans qu’aucune intention pour une intervention ne soit prévue. “Mais alors que la conservation d’une statue romaine ou d’une ruine médiévale semble être une évidence -quand bien même ces sites ou objets n’auraient qu’un intérêt relatif-, le patrimoine industriel pâtit encore d’un certain dédain”. 19 Cependant, depuis les vingt dernières années du XXème siècle, aller au delà de l’obsolescence et redonner une nouvelle impulsion à ces bâtiments, est devenu l'intention majeure des architectes. Ils ont commencé à s’intéresser à la question de réhabilitation de ces espaces obsolètes, trouvant en eux de nouvelles prémices là où d’autres ne voyaient que des fins. C’est en partant du déjà-là et de ce qui subsiste que l'exubérance de ces structures se dévoile et de ce fait, l’ancien devient une préface adéquate pour un nouveau et un futur rêvé. En éliminant la possiblité d’éradiquer toute trace du passé et de faire la table rase pour ces friches et en les érigeant comme une ressource symbolique irremplaçable, ces espaces en suspens ont pris une dimension nouvelle et leur réinvestissement est devenu un enjeu à faire dans les villes.
“Dans l’espace sémantique de la friche urbaine se manifeste avec une vigueur partiulière l’idée selon laquelle la ruine, le délabrement, le ravagé, le déglingué, le dévasté, le démantelé, le désaffecté sont la condition même du rajeunissement, de la reviviscence, du renouveau.” 20
19. FREYDEFONT Dewey. Métamorphose de l’électricité. Paris : Norma, 2004, p 163 20. Jean-Loup Amselle, L’art de la friche, 2005
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PARTIE 1 UN LIEU ENTRE MÉMOIRE ET ESPOIR Introduction Considérées comme symboles d’une fonction tombée en désuétude, les friches provoquent une forme d'admiration et d’attirance qui se rapproche de celle de la ruine. Elle est issue d’un côté, de l’usure naturelle du temps et, de l’autre côté, du déclin économique et les répercussions sociales et humaines qu’il engendre. Lieux chargés de mémoire, les friches peuvent être perçues et vécues à travers des images issues des souvenirs, de la mémoire et de l’histoire ou à travers des images fictives qui flânent dans notre imaginal rêvé.
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“O nostalgie des lieux qui n’étaient point Assez aimés à l’heure passagère Que je voudrais leur rendre de loin Le geste oublié, l’action supplémentaire.” Rainer.Maria.RILKE
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La friche : une ruine moderne
I.La friche : vers une expérience mentale I.1.Une mémoire engrammée Tout
s’engrange
et
s’imprègne
dans
la matière d’une façon impalpable et invisible.
Des
accomplissements,
des
erreurs commises, des rêves achevés, des difficultés, des réussites... s’engramment et s’incorporent dans la matière pour dégager une énergie positive soit-elle ou négative et stimuler la mémoire de celui qui la contemple. Malgré les transformations subies avec le temps, la matière ruinée continue à raconter le temps enfoui en elle. Elle devient un pont entre le passé et le présent, elle incarne le passé mais elle est présente et résistante. Elle établit un équilibre entre l’oubli et la mémoire qui se projette sur le lieu et le marque à perpétuité. Cette dernière veut faire entendre à nouveau la voix de son passé et ressortir la lumière qui était en elle.
Figure 19 : Relation entre ruine et mémoire
“Ces ruines deviennent en même temps la pensée d’une existence et d’une inexistence, d’un être et d’un disparaitre. L’Homme dans le vide de soi-même vivrait dans la contemplation, en méditant sur la beauté et sur la mort. Celli-ci lui rappelle son éphémère, sa propre mémoire et celle de son univers. Je parle de l’esthétique des ruines.” 21 En effet, l’Homme voit dans le dépérissement de la ruine la métaphore de la vie éphémère et du temps qui s’écoule.Il se rend compte de la poétique que génère le temps sur la matière et son processus de transformation.
21. NASR Josef. (2011), Le rien en architecture, l’architecture de rien, p 194
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La friche : une ruine moderne
I.2.Entre mémoire et imagination La contemplation de la friche nous laisse interagir avec le lieu et libérer notre perception. Elle devient un lieu d’expérience où la nature et le temps y ont laissé leurs stigmates. Celui qui contemple se trouve face à sa mémoire, son oubli, son souvenir, son passé, son présent, son silence, ses cris ou encore son imagination... Il puise dans ses connaissances et sa culture pour construire son rapport à l’histoire et imaginer le lieu autrement. “Nous avons le pouvoir inné de nous rappeler et d’imaginer des lieux. Perception, mémoire et imagination sont en interaction constante; le domaine de la présence se fond dans les images de la mémoire et de l’imagination.” 22 En effet, la mémoire nous renvoie à un antécédent, à un vécu réel alors que l’imagination nous ramène plus loin, vers un renouveau plus poétique.
Figure 20 : Ruine entre mémoire et imagination
22. Pallasma J. (2010), Le regard des sens,Editions du Linteau, Paris, 2010, p 77 Walter Benjamin
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La friche : une ruine moderne Selon Walter Benjamin*
23
dans son ouvrage “Histoire, mémoire et oubli”, les ruines
font émerger les cris de la mémoire. Associée à la matière et à la trace, la mémoire s’active et plonge le visiteur dans une expérience sensorielle inédite où il se vide et se laisse emporter par ses sensations et son imagination. Des révélateurs nostalgiques et des souvenirs basculent le contemplateur vers un état d’immersion. A ce moment là, toutes les limites du réel sont brisées et dépassées. La contemplation s’accompagne de subjectivité et d’émotions et le réel est interprété et réécrit d’une autre façon.
Contempla�on
Immersion
Dépassement
Appel à la mémoire
Révéla�on
Réinterpréta�on
Figure 21 : Vers une expérience mentale
II.La dynamique d’évolution d’une friche II.1.Vers une définition d’une friche industrielle : Selon Larousse, la friche est définie comme un “terrain dépourvu de culture et abandonné”. Elle est utilisée en général dans le domaine de l’agriculture “Terre vierge ou (le plus souvent) laissée à l’abandon”. 24 Les friches industrielles sont définies aussi comme étant des “terrains abandonnés par des industries, soit qu’elles se soient relocalisées, soit qu’elles aient cessé leurs activités. Cela concerne aussi les terrains encore occupés par des bâtiments industriels non démolis mais inutilisés.” 25 Le terme “friche industrielle” nous renvoie ainsi à un bâtiment ou un espace bâti ou non qui servait autrefois à une fonction, une activité dans le domaine de l’industrie mais qui aujourd’hui demeure dans un état d’abandon et de désertion. En effet, l’urbanisation actuelle et la désinstrualisation ont éparpillé des délaissés et des espaces en suspens créant une rupture voire même un vide au sein des villes.
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23. (1892-1940) : un philosophe, historien de l’art, critique littéraire, critique d’art 24. Cnrtl : Centre national de ressources textuelles et lexicales 25. Difficultés et premiers enseignements de la reconversion des plateaux ferroviaires en friche de l’Ouest lausannois
La friche : une ruine moderne
II.2.La friche : un point mort, l’impensé de la ville L’image de la ville a toujours été présentée par son côté vivant: une lumière omniprésente, une vitesse de développement éminente et des activités innombrables. Mais derrière l’agitation de cette vie, se cache des zones d’ombres où la vie est arrêtée et le temps est suspendu : des lieux délaissés, négligés et sinistres qui nous paraissent interdits et inaccessibles. Des lieux en marge auxquels nous nous sommes détachés au profit des espaces plus propices à la progression d’une ville qui présente un certain antagonisme. D’une part, elle apparaît dense, concentrée, en perpétuel changement, toujours à la recherche de nouvelles implantations, et d’autre part, elle rejette ces lieux, s’en détourne et refuse de leur redonner une deuxième chance de vie. “Friches industrielles, terrains vagues, dents creuses, logements vacants, interstices... Ces espaces en dérive se forment suite à la perte des fonctions originelles du lieu, aux intervalles d’aménagement urbain ou au désintérêt de son entretien par son propriétaire.” 26 Ces friches deviennent de plus en plus "visibles" et élargies dans la ville à cause de leur inadaptation aux transformations rapides, mais aussi, à la société qui conduit à une obsolescence technologique. En effet, elles restent figées dans leur fonction originelle et on refuse de les intégrer dans le processus continu de transition et de transformation, ce qui engendre le plus souvent une rupture et des répercussions négatives sur la pensée de la ville. On les écarte de l’étalement urbain d’une façon brusque et soudaine, alors qu’elles peuvent présenter des potentiels. Les friches se présentent donc, à la fois témoins de l’époque prospère qui a engendré leur naissance, et aussi de ce même progrès qui a mené à leur perte. Un paradoxe s'est instauré dans ces lieux : entre une émulation productrice d’auparavant et une déchéance d’aujourd'hui, le bâtiment reste inerte. Ainsi, “les vestiges du monde industriel inspirent les sentiments les plus contradictoires".27
Figure 22 : Usine Sulzer Incarpediem, Berlin
26. Matthieu LEMARIE, A l’abordage des délaissés, ENSA Grenoble, 2013-2014. 27. REAL Emmanuelle. Reconversions : l’architecture industrielle réinventée. Rouen : Région Haute-Normandie, 2013, p 9
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La friche : une ruine moderne
II.2.1.Des rides de la ville Dans ce contexte, d’une façon métaphorique, l’artiste français JR a travaillé sur le collage des portraits de personnes âgées sur les murs des villes de plusieurs pays. Ce sont des personnes qui sont nés, qui ont grandi puis vieilli tout en étant témoins des perpétuelles transformations de leurs villes. Il explique : “J’ai arpenté les rues de six villes projetées dans le futur et dont je cherche simplement à comprendre le présent. J’ai rencontré les seules personnes témoins de ces bouleversements survenus au siècle dernier et j’imagine que leurs rides (en anglais, wrinkles), ces sillons creusés par la vie sur leur visage, se confondent avec les empreintes laissées par l’histoire sur la ville ; qu’ils sont les derniers témoignages d’une ville qui change plus vite qu’ils vieillissent, d’une ville dont ils sont aujourd’hui les seules figures historiques, dont ils sont une part de la mémoire encore vivante. Chacune de leurs rides et chacun de leurs jours passés ici sont inscrits sur les bâtiments, dans les rues et sur les visages de chaque habitant de ces cités dont l’architecture et l’urbanisme m’offrent désormais un espace d’exposition singulier.” 28 En effet, les rides de ces personnes ressemblent aux fissures des murs, à l'usure de la matière d’un bâtiment délaissé où le temps y a laissé ses marques.Les fissures de ces friches présentent une histoire façonnée minutieusement à travers le temps.
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28. Présentation de l’ouvrage “ Wrinkles of the city” parue aux éditions Alternatives sur le site en ligne. Disponible sur http:// www.editionsalternatives.com/site.php?type=P&id=1420 Figure 23 : Portraits Wrinkles of the City
La friche : une ruine moderne
II.2.2.Le temps (dé)structurant Les ruines modernes, attachées à un passé rapproché, se présentent comme des bâtiments délaissés, mais encore debout et résistants avec ses structures mises à nu. Le temps se lit sur chaque fragment de la matière. Il n’est pas vraiment figé mais plutôt suspendu, décéléré, attendant une nouvelle intervention de l’homme. Ce temps, qu’il soit court ou long, reprend ses droits. Il choisit de préserver certaines composantes du bâtiment et d’en occulter et anéantir d’autres. C’est lui qui décide de ce qui mérite d’être présent et conservé. Avec l’usure du temps, la matière change d’aspect, elle devient plus fragile mais c’est là qu’elle acquiert sa dimension poétique et dévoile son essence et sa richesse. C’est à travers le temps qu’elle se révèle authentique et résistante. Dans ce contexte, Louis Kahn prête une attention particulière aux ruines et leur dimension poétique, aux secrets qu’elles nous dévoilent sur l’histoire d’un bâtiment mais également au vieillissement de la matière au fil du temps. (Louis Kahn, Silence et lumière, 1996). En effet, cette matière à travers le temps, perd de sa matérialité au dépend d'un vécu, d'une histoire, d'un acquis poétique. Elle passe d'une configuration matérielle à une configuration immatérielle engrammant une histoire qui voudrait se déclencher. C’est donc ce qui reste du bâtiment, ce qui
Figure 24 : Claustra dégradé de la STD
subsiste de la matière qui suscite notre intérêt de découvrir son histoire et de retrouver les traces de son passé. Dans quel contexte a-t-il été construit ? Et comment avait été sa vie auparavant ? L’espace se met ainsi à nous raconter son histoire.
Figure 25 : Centrale
électrique désaffectée, Kopernicker Strasse
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La friche : une ruine moderne
II.3.L’avant friche : histoire d’un bâtiment, d’une vie Avant de devenir des friches, les bâtiments délaissés étaient remplis de vie, de travail, de mouvements. Occupant souvent un emplacement stratégique dans la ville, ces lieux ont ouvert leurs portes après la révolution industrielle. Ils sont donc révélateurs d’une époque où ils étaient au summum de leur gloire.
Figure 26 : Panorama sur les usines sidérurgiques Carnegie à Youngstown dans l’Ohio,en 1910.
Cependant, face à la demande incessante et le changement perpétuel de la ville, de nouvelles sociétés viennent assouvir ces besoins et obéir à cette demande. Ainsi, les anciennes furent fermées, inhabitées, vidées de leurs machines et de leus activités, observant d’un regard extérieur la mutation et la transformation continuelle de la ville. Certes, elles ne sont plus habitées, mais elles sont hantées par le regret de leur gloire qui s’est rapidement fanée et aussi par l’espoir de leur revivification par une nouvelle occupation.
II.4.L’après friche : vers une renaissance II.4.1.La réincarnation comme alternative à l’abandon De nos jours, la notion du développement durable incite à la récupération des terrains urbains et des bâtiments anciens et obsolètes et à la reconstruction de la ville sur la ville plutôt qu’à l’extension dans les périphéries. En effet, la ville ne cesse de s’étendre et de s’étaler tout en ignorant le potentiel qu’elle abrite et qui découle de son noyau. Ces lieux délaissés doivent être considérés comme une marge de disponibilité de la ville face à sa condensation et sa saturation. Ils constituent de formidables réserves foncières pour l’urbanisation future. C’est ainsi qu’au cours des vingt dernières années du XXème siècle, la réincarnation architecturale est devenue une alternative face à l’abandon. Elle est une
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La friche : une ruine moderne forme de reconversion qui représente un enjeu majeur pour les villes de demain du fait qu’elle permet à la ville, qui malgré sa mutation perpétuelle, de se reconstruire sur ellemême et d’éviter l’étalement urbain. Elle permet de conserver le bâtiment ancien et de lui redonner l’utilité qu’il a perdu au fil du temps. C’est une seconde chance de vie pour une architecture distinguée par sa propre symbolique et esthétique. D’ailleurs, les villes développent de plus en plus des stratégies d’amélioration de leur image en s’appuyant sur leur patrimoine bâti, témoin de leur passé, pour améliorer leur attractivité culturelle, touristique et économique et assurer une certaine continuité entre les générations. Ainsi, plusieurs bâtiments aux grains désaffectés ou désertés aussitôt revalorisés, continuent d’être témoin de leur vécu et de leur héritage délaissé tout en répondant à une valeur d’usage contemporaine ( culturelle, commerciale, habitation... ). “Ces lieux chargés de mémoire, qui ont souvent forgé l’identité des villes ou l’identité d’un quartier, permettent de créer des ponts entre présent et passé et concourent à maintenir une continuité dans le temps qui séduit les habitants. La mémoire des lieux pourra être mise en avant lors d’une réhabilitation via des outils pédagogiques (musée, parcours retraçant l’historique,manifestation ponctuelle,…).” 29
Figure 27 : LocHal Library, Pays Bas, hall de locomotives transformé en bibliothèque
Cette réincarnation ne se limite pas uniquement à une simple réaffectation du bâtiment ancien. Il s’agit plutôt de créer du nouveau en s’inspirant de l’ancien, d’anéantir la rupture qu’a causé ce vide dans le paysage urbain ainsi que d’assurer son intégration et son interconnectivité avec l’environnement urbain qui l’entoure.
29. https://ceser.regioncentre.fr/files/live/sites/ceser/files/contributed/espace-public/Rapports/2015/ FRICHES%20URBAINES%20en%20CVdL%20150709.pdf
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La friche : une ruine moderne
II.4.2.La réincarnation comme acte de création La régénération d’un bâtiment ancien ne se limite pas uniquement à un intérêt patrimonial mais aussi à un acte de création architecturale. En effet, “La reconversion n’est pas un art mineur, [...] c’est bien de création qu’il s’agit. Car intervenir sur un édifice existant, c’est composer avec lui, c’est jouer avec des contraintes qui s’ajoutent à celles du programme et des règlements. Ces contraintes sont des supports à l’imaginaire, elles permettent de développer des solutions architecturales qui n’auraient pas été inventées ex-nihilo”. 30 Il s’agit de créer un tissage entre la forme existante, le lieu et son histoire engrammée. Ainsi, l’espace pourra acquérir une stabilité temporelle et une double pérennité : d’un côté il est témoin de l’histoire et de l’autre côté, il se présente comme une perspective pour un avenir prospère. L’architecte doit donc se positionner dans l’intermédiaire de la transformation : il devient un consctructeur de l’avenir mais aussi un conservateur du passé. Comme l’a évoqué Aldo Van Eyck dans sa citation : “Les lieux dont on se souvient, et les lieux qu’on anticipe, s’enchevêtrent dans les laps de temps du présent. Mémoire et anticipation constituent en effet la perspective, réelle de l’espace et lui donnent une profondeur”. 31 C’est une corrélation entre le temps et l’espace qui s’établit mettant en lumière la mémoire d’un lieu et le futur d’une fonction. Cette fonction qui, d’après Sullivan, doit créer la forme “La forme suit la fonction”. Mais lorsque la fonction s’anéantit et la forme s’efforce de subsister, que faire de cette forme créée ? C’est là que l’enjeu de la reconversion réside, une inversion du rapport à l’existant se produit ainsi qu’à la démarche de conception établie par l’architecte. Ce dernier devrait bien comprendre le bâti existant et ancien afin de pouvoir révéler ses potentialités occultés et sa lumière engrammée.
Figure 28 : Centre historique minier reconverti en musée
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Figure 29 : Shoreham Street / Project Orange
30. Bernard Reichen et Philippe Robert ex nihilo 31. GIRARD Edith. Architectures Transformées, réhabilitations et reconversions à Paris. Paris : Editions du Pavillon de l’Arsenal, 1997, p 16.
La friche : une ruine moderne Après cette découverte du bâtiment, l’architecte va commencer à remodeler les espaces, les évider, les re-hiérarchiser, à creuser la matière et la manipuler à la manière d’un sculpteur ou d’un peintre. Ceci donnera ainsi naissance à une oeuvre architecturale résultant “de la dialectique entre l’amitié que l’on aura pour le bâtiment support, l’intelligence de ce qu’il suggère et la compréhension de la demande sociale qui le porte”. 32 Le bâtiment réapparaît donc sous une nouvelle forme tout en gardant son émulation productrice originelle.
II.4.3.Interdépendance entre l’ancien et le nouveau Tout le travail est effectué selon une sorte de sculpture entre une forme existante à la fois apparente et engrammée pour déclencher une dynamique d'une fonction rêvée qui va ramener le bâtiment à la vie. L'architecte va se positionner dans une interface entre la forme apparente et la forme engrammée de l'existant pour éclairer le rêve d'une nouvelle fonction. Ainsi “de la rencontre entre une enveloppe ancienne et des besoins et des moyens nouveaux, va naître un objet singulier, qui n’est pas simple juxtaposition mais synthèse, à la fois constructive et architecturale”.33 Le bâtiment existant est donc considéré comme un héritage du passé qui doit cotôyer les progrès du monde de l’architecture afin de s’intégrer dans la ville et d’éviter de rester comme.un paysage voué.à la mort . Cette intervention qu’elle soit discrète, agressive ou contrastante, “c’est le respect de l’architecture existante
Figure 30 : Rapport forme et fonction
qui domine, respect de l’histoire et respect des logiques consctructives”. 34 En effet, une partie de la création est déjà là, subsistante et c’est à l’architecte de dégager ses potentialités et de la régénérer. Ceci formera une fusion entre l’ancien et le nouveau créant ainsi un compromis pour redonner âme au bâtiment et le sortir de l’obscurité vers la lumière.
Conclusion La ruine moderne industrielle est donc à la fois le témoin d’un antécédent, la marque d’un temps présent indéterminé et confus, mais surtout la perspective d’un avenir rêvé, transformé. Ainsi, lorsqu’on la considère.comme étant.un.objet du.futur, et non plus. seulement comme une.empreinte du passé, se présente une multitude de.possibilités de transformation permettant de pérenniser la mémoire incarnée du lieu. 32. Claude Soucy, In ROBERT, P. (1989), Reconversions= adaptations, New uses for old buildings, Ed. du Moniteur, 119p 33. Bernard, 2015 cité par Audrerie, 1997 34. Philippe Robert, 1989, Reconversions adaptations, New uses for old buildings
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PARTIE 2 LA STD : ENTRE LECTURE ET RÉÉCRITURE
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Introduction : Il était une fois... la STD Debout, là, devant ce grand portail, que personne ne saurait dire, excepté le temps, à quelle époque a-t-il été construit. Une épaisse couche de poussière oubliée au cours des années s’y reposait et de lourdes traces de vieillesse se dessinaient. Depuis toute petite, j’ai toujours admiré ce bâtiment qui s’élevait majestueusement. Aujourd’hui, il me paraît moins dominant qu’il ne me le semblait être jadis. Un bâtiment se dressant, faisant face à l’usure d’un temps cruel. Un temps qui le démunit aujourd’hui de toute vie. Son sol crevassé, ses murs lépreux, rèches et craquelés, ses barreaux rouillés et fissurés protégeant des fenêtres qu’à travers leurs yeux brisés, témoignaient qu’elles ont été fabriquées pour ne jamais se laisser ouvrir. Ces mêmes fenêtres paraissaient alignées dans une régularité harmonieuse ou peutêtre monotone. Les voix qui me provenaient de l’intérieur dans ma tendre enfance se sont tues, leurs âmes ont été emportées par les ténèbres des lieux. J’avance, je trébuche, je recule. Mon esprit est empreint de curiosité face à la découverte de ce lieu. En inspectant curieusement les lieux, j’ai pu entrevoir, à travers ses multiples fissures, le vaste espace qu’il enfermait jalousement depuis d’incomptables années. Un espace qui me semblait avoir une histoire à me raconter. Une fois le portail franchi, une obscurité renversante envahissait l’espace à l’intérieur mais qui me semblait cacher une lumière intérieure, antécédente. Je plonge alors dans des souvenirs qui m’emportent dans le temps, un temps du passé, un passé aux senteurs énivrantes d’encre et de papier et aux bruits gais et cadencés de machines. Ces bruits et cette vie ont été laissés de côté, un édifice aussi distingué a été livré à l’abandon et tranformé en ruines où, hélas, règne de nos jours un silence mortel. Mais, ce silence me paraît étrangement soutenu par une lumière, une lumière engrammée, celle de l’espoir.
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La friche : une ruine moderne
I.Un regard “sur” la STD d’aujourd’hui : les reliques du passé Pour commencer, nous allons aborder dans cette partie l’aspect matériel, concret, physique de la STD. On se retrouve dans la matière, dans l’épaisseur de son mur en béton. Nous allons parler de sa “mort” qui nous renvoie à son état actuel délabré, en friche. Il s’agit donc tout d’abord de contextualiser le bâtiment à l’échelle de la ville d’aujourd’hui. Puis dans un second lieu, nous allons nous enfoncer dans sa matière encore perceptible, afin de révéler sa lumière antécédente.
I.1.Lecture “macro” du cadre urbain I.1.1.Localisation : Bab Saadoun, un point nodal
Figure 40 : Localisation de Bab Saadoun
Situé au coeur de Tunis, Bab Saadoun représente un noeud principal de la ville. Son rond point permet l’intersection de plusieurs voies parmi lesquelles : le boulevard 20 Mars menant au Bardo, le boulevard 9 Avril menant à la Kasbah, avenue Ouled Haffouz menant au centre ville et avenue Mefteh Saadallah menant à El Manar.
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La friche : une ruine moderne
I.1.2.Circulation et voiries La zone de Bab Saadoun est facilement accessible.
Elle
est
desservie
par
plusieurs moyens de transport dont le métro, le bus et le louage. Figure 41 : Gare routière Nord
Figure 42 : Station de bus
I.1.3.Repères
Figure 43 : Circulation et voiries
La porte de Bab Saadoun représente le repère le plus important de la ville. Cependant, il existe aussi d’autres repères tels que la gare routière Nord, le Ministère de la Santé, les hôpitaux, la bibliothèque nationale et plusieus universités ( ISBAT, faculté 9 Avril ... ).
Figure 44 : Bab Saadoun
Figure 46 : ministère de la santé
Figure 45 : Bibliothèque nationale
Figure 47 : les hôpitaux
Figure 48 : Points de repères
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La friche : une ruine moderne
I.1.4.Densité urbaine Bab Saadoun est caractérisé par une forte densité urbaine. Les activités principales recensées sont les activités éducatives, hospitalières,
administratives
outre
l’habitat. Au sein de toute cette diversité, on remarque une dominance des équipements
hospitalo-universitaires
et un manque d’équipements culturels (la bibliothèque nationale n’est pas facilement accessible) dans une zone assez dense et concentrée. Cette densité urbaine permet ainsi à une multitude d’usagers de fréquenter Figure 49 : Les équipements
la zone : des étudiants, des lycéens, des voyageurs, des habitants, des malades, des passants...
Figure 50 : Multitude d'usagers
I.1.5.Flux et sonorité On remarque un flux véhiculaire et piétonnier très important dans la zone du fait de sa proximité d’un noeud principal. La ville Bab Saadoun se caractérise ainsi par un aspect dynamique et en perpétuel mouvement.
Figure 51 : Flux et sonorité
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La friche : une ruine moderne
I.1.6.Synthèse Bab Saadoun représente donc un point nodal dans la ville de Tunis. Englobant des équipements divers et répondant aux différents besoins des usagers, Bab Saadoun paraît comme une ville où la vie éclate de partout.
Densité urbaine Concentration du flux Facilité de l’accessibilité Multitude d’usagers
Figure 52 : Une dynamique à Bab Saadoun
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La friche : une ruine moderne
I.2.Lecture “micro” du bâti I.2.1.Implantation La société tunisienne de diffusion STD, est implantée dans un terrain d’une superficie de 8000 m². Le terrain est accessible de deux côtés : côté Nord par une voie principale très fréquentée “Boulevard 20 Mars” et côté Sud par une voie secondaire à sens unique “Rue Ibn Moataz” où le flux est très faible.
Figure 53 : Implantation de la STD
Le terrain comporte un parking du côté Ouest et un espace vert en pente du côté Sud accessible à partir de la rue secondaire Ibn Moataz. Quant à la surface bâtie de la STD, elle occupe 3000 m² divisée sur deux niveaux. Le bâtiment se présente sous une forme rectangulaire de dimension 74m sur 41m. Il comporte 4 accès : un accès principal donnant sur le Boulevard 20 Mars, un accès secondaire accessible
Figure 54 : Accès de la STD
à partir du jardin en pente donnant sur la Rue Ibn Moataz, et deux autres accès de service côté Est et Ouest. Malheureusement, pour des raisons de sécurité, quelques accès ont été obstruées par des citoyens. D’autres ont récemment été obstruées par l’état. En effet, la STD attend sa démolition...
Figure 55 : Photos des accès de la STD
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La friche : une ruine moderne
I.2.2.Composition de l’enveloppe Avec son volume massif et imposant, et son style architectural remarquable, la STD se distingue par rapport aux édifices à proximité. Sa forme brute et son caractère puissant nous renvoient à une époque bien déterminée de notre histoire. En effet, le bâtiment présente plusieurs détails architecturaux qui, hélas, sont aujourd’hui dans un état latent.
Figure 56 : Photos des différentes façades
Façade Nord
Figure 57 : Façade Nord
La façade Nord donne sur le Boulevard 20 Mars. C’est une double peau qui comporte des percements occultés par un claustra. Au rez de chaussée, tous ces percements sont obstrués. L’utilisation du claustra remonte à une époque où les architectes se sont inspirés du moucharabieh de l’architecture vernaculaire tunisienne. Assurant un confort thermique et acoustique, le claustra est aussi un générateur d’ambiance à travers ses jeux d’ombre et de lumière qui animent l’intérieur du bâtiment.
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La friche : une ruine moderne Le traitement de la façade Nord change du RDC à l’étage ; elle est divisée en deux parties horizontales ce qui permet de différencier les deux niveaux. La façade se caractérise par son ordre architectural. Sa trame horizontale et verticale, sa symétrie ainsi que son rythme répétitif et régulier l’inscrivent dans un style architectural moderne qui la discerne des bâtiments avoisinants.
Figure 58 : Elément modulaire composant la façade Nord
Figure 59 : Photo du marquage de l’entrée
Le rythme de la façade est assuré
Le marquage de l’entrée est
par la répétition d’un même
assuré
module.
auvent et par le retrait de la paroi.
par
l’utilisation
d’un
Façade Sud
Figure 60 : Façade Sud
La façade Sud est caractérisée par un aspect sobre malgré la diversité de la taille de ses percements. Elle présente une certaine dissymétrie bien qu’elle comporte des éléments modulaires qui se répètent. Des brises soleils ont été ajoutées au niveau du premier étage uniquement puisque le RDC est protégé du soleil par un mur de soutènement. Les deux accès de cette façade sont actuellement obstrués pour des raisons de sécurité.
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La friche : une ruine moderne
Figure 62 : vue 3D montrant les brises soleil
Figure 61 : Photos montrant le détail des brises soleil
Figure 63 : Coupe détail mur de soutènement Figure 64 : Photo mur de soutènement
Façade Ouest
Figure 65 : Façade Ouest
La façade Ouest est assez sobre et comporte peu d’ouvertures. Sa richesse réside dans l’utilisation de plusieurs types de claustra et dans le puit de lumière à l’étage ce qui crée des ambiances intérieures particulières. Figure 66 : Détails claustra
Figure 67 : puit de lumière
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La friche : une ruine moderne
I.2.3.Composition du plan
Figure 68 : Analyse du plan RDC
Dès qu’on franchit la porte, l’espace devient sombre, obscur. Le manque d’ouverture rend l’intérieur presque sinistre. Le RDC est caractérisé par deux axes de circulation perpendiculaires qui desservent aux différents espaces rythmés par le système constructif.
Figure 69 : Analyse du plan de l’étage
Le plan du premier étage est semblable à celui du RDC mais sa circulation suit seulement un axe longitudinal. Contrairement au RDC, l’étage est beaucoup plus lumineux et éclairé comme si les deux niveaux étaient en rupture.
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Figure 70 : Photos intérieures de la STD
La friche : une ruine moderne
I.2.4.Système structurel
Figure 71 : Axonométrie éclatée de la STD
Figure 72 : Détail de la double peau
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La friche : une ruine moderne
I.2.5.Silence et lumière Certes, la matière a gardé son gabarit mais une esthétique imparfaite prend forme: des murs lépreux, des rouilles et des débris dominants, des toitures délabrées. La nature a pris le dessus sur le béton au fur et à mesure que le temps passe. Malgrè leurs imperfections, les murs me paraissent comme des surfaces poétiques. Ils racontent.le déclin de ce lieu et.la trace laissée par le temps. A première vue, les blessures du temps infligées à ce bâtiment nous font croire que toute vie s’en est retirée. En effet, le temps creuse la matière : elle se consume et se décompose, elle s’immatérialise et produit
Figure 73 : Photo à l'étage de la STD
de la lumière. Une lumière du dedans, qui est enfouie au plus profond d’elle et qui veut s’incorporer pour être visible. Une architecture décomposée dramaturgique fascinante prend forme. Cette lumière, qu’elle émane de la matière ou qu’elle s’infiltre discrètement par l’extérieur, nous paraît comme une lueur d’espoir, une génératcie de rêves et de fantaisies. La matière devient ainsi un rêve, plongé dans un silence mystérieux, surprenant, intriguant, profond... On le sent, on l’entend, on le vit dès notre rencontre avec la STD. Ce silence paraît paradoxal. Il se manifeste à la fois d’une façon sereine et criarde. D’une part, le délaissement, la désertion, l’aridité ont suscité la génèse d’un lieu placide,
58
Figure 74 : Photo au RDC de la STD
La friche : une ruine moderne silencieux, réticent. D’autre part, ce silence s’avère parlant et entendu. Il nous parle et nous communique la mémoire du lieu et l’histoire du bâtiment, son identité, son passé. Il nous transmet la mémoire du bâtiment, engrammée dans sa matière. Le bruit du silence est ainsi une résonance d’un vécu engrammé. “Son silence est un espace silencieux qui révèle l’ombre de la mémoire, le repli, le dialogue de l’âme, le destin de l’homme. Ce silence est conjointement un silence criard à l’opposé du silence serein.” 35 Ce silence est ainsi une manière de mettre en valeur la mort, l’absence, l’oubli, le temps de veille mais aussi l’identité, l’histoire et la mémoire. Un silence étrange qui nous laisse nous interroger sur le passé ainsi que le futur de ce lieu délaissé.
Figure 75 : Le silence de la STD, entre cri et sérénité
35. NASR Josef. (2011), Le rien en architecture, l’architecture du rien, p137
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La friche : une ruine moderne
I.3.Synthèse de la lecture de la STD Entre rupture et latence
Figure 76 : Photos montrant la luminosité de l’étage
Figure 77 : Coupe montrant la rupture
Figure 78 : Photos montrant l’obscurité du RDC
On remarque une rupture et un décalage entre les deux quartiers ( 20 Mars et rue Ibn Moataz ), entre le bâtiment et le quartier ainsi qu’au sein du bâtiment lui-même étant donné le contraste entre le RDC et l’étage.
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La friche : une ruine moderne
Entre inertie et dynamisme
Figure 79 : Une inertie face à une dynamique
Figure 80 : Le mouvement de la ville par rapport à la STD
Un bâtiment hermétique, inerte, obscure, taciturne face à une ambiance dynamique où la lumière et la vie éclatent de partout. Il est plongé dans un silence qui nous parle, qui veut nous communiquer une histoire emprisonnée dans les tréfonds de sa masse.
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La friche : une ruine moderne
II.Un regard “dans” la STD d’autrefois : retour aux sources Dans cette partie, nous allons creuser dans le passé de la STD, dans son âme, dans son coeur.Avant de s’éteindre et de devenir une friche, la STD était un espace de travail et de labeur rempli de vie. Ce bâtiment aujourd’hui mystérieux était jadis un coeur battant de la ville. Son emplacement central à Bab Saadoun, un noeud principal de la ville de Tunis, est certainement révélateur d’une époque prospère. On va donc essayer de révéler son mystère en faisant un retour aux souces.
II.1.La période post-indépendance : une époque prospère 1956-1970 En 1956, la Tunisie est déclarée comme un pays indépendant après avoir connu le protectorat français de 1881 à 1956. Habib Bourguiba est désigné président. Durant son gouvernement, la modernisation de la société était son but ultime. Sa politique s’articulait autour de plusieurs axes : le politique, le social, le culturel et l’éducatif.
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Bourguiba a donné une importance remarquable à la culture et à l’éducation, il s’est orienté vers la construction d’un nouvel état marqué par une progression et une révolution culturelle, “Un état moderne, démocratique, orienté vers le progrès”. 36 La Tunisie va suivre donc une nouvelle stratégie et “va se lancer dans une série de mesures, de créations d’institutions, et de réformes radicales (enseignement, santé, scolarisation, création d’universités...).”
37
Dans le but de (re)construire le pays, l’Etat a adopté une politique
d’édification des bâtiments touchant différents domaines tels que l’artisanat, le tourisme,
62
36. (Bourguiba 1974) , Charlotte Jelidi , des protectorats aux états nation « De la colonie à l’état nation :construction identitaire au Maghreb » Maghreb et science sociale 2012 37. Leila Ammar, “Histoire de l’architecture en Tunisie, de l’Antiquité à nos jours” Centre de Publication Universitaire, 2ème édition, 2010, p 230.
La friche : une ruine moderne
l’industrie, la communication, la santé et l’enseignement. On remarque une attention particulière à l’enseignement et à l’éducation et ce afin de combattre l’analphabétisme, dont le taux était très élevé à l’époque. Pour ce faire, la loi du 4 Novembre (1958) a été promulguée afin de permettre l’avènement d’une “école nouvelle, moderne, unifiée, gratuite et universelle”. 38
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Le gouvernement a donc fait appel à des architectes “modernes” qui vont eux même s’inspirer des bâtiments construits par les architectes du “perchoir”: c’est un groupe d’architectes qui ont contribué à une grande opération de reconstruction du pays ( entre 1943 et 1956 ) suite à la 2ème guerre mondiale. Dirigé par l’architecte Bernard Zehrfuss, avec la participation de Jacques Marmey, Jason Kyriacoupolos..., cette équipe s’est inspirée de l’architecture traditionnelle dans les travaux de reconstruction surtout dans la période d’adaptation (1943-1947). Puis dans la période de rupture (1947-1956), avec l’arrivée des matériaux d’importation, l’architecture a pris un aspect plus méditerranéen et moderne. Dans ce contexte, Charles Bilas a mentionné qu’ “il est bien évident que ces nouvelles audaces qui émaillent le vocabulaire constructif des années 1950 sont implicitement dues à l’héritage du “Perchoir”. Malgré la brévité de son existence, l’atelier dirigé par Zehrfuss semble bien avoir été à l’origine de ce renouveau de l’art de bâtir sur le sol tunisois”. 39 Une architecture rationnelle, fonctionnelle et alliant tradition et modernité prend forme. Le recours au ciment, au béton et au fer devient de plus en plus adopté. Les claustras, les brises soleil, les baies horizontales ainsi que le système constructif poteaupoutre sont devenus les principales spécificités architecturales. 38. L'école publique facteur de mobilité sociale, http://tpeegalitedeschancesalecoleentunisie.blogspot.com/2016/01/partie-1. html 39. Charles Bilas, Tunis,l’orient de la modernité , Editions de l’éclat ,2010 ,page 283
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La friche : une ruine moderne moderne
Figure 86 : Evolution de l’architecture de la reconstruction à la post-indépendance
L’architecture de la période de post-indépendance va influencer remarquablement le paysage architectural et urbain de la Tunisie par la construction de bâtiments ayant une esthétique moderniste et marquant des prouesses techniques modernes. Cette période de post-indépendance constitue “ un moment de la réflexion particulièrement intéressant, qui s’est poursuivi dans les décennies suivantes à travers remises en question, mais aussi à travers continuités et permanences dans la recherche d’une modernité alliée à la tradition et capable de synthèse architecturale. Une modernité vecteur de l’universalité mais aussi attentive au lieu, à la géométrie, au climat, aux gestes artisanaux et aux spécifités culturelles. Une modernité de synthèse que l’expérience architecturale contemporaine en Tunisie cherche à maintenir et à renouveler.” 40 Nous allons ainsi essayer de repérer quelques projets publics réalisés durant cette période et énumérer leurs principales caractéristiques.
64
40. Leila Ammar, “L’architecture tunisienne des premières années de l’indépendance, modernité et défis (1956-1970)”, Archibat 30, 12-2013, p 26.
La friche : une ruine moderne
La société tunisienne d’assurances et de réassurances -1966 - Trame régulière - Rythme - Module répétitif - Différenciation du RDC Figure 87 : Immeuble des assurances STAR
Faculté des lettres 9 Avril -1967 - Trame régulière - Rythme - Module répétitif - Utilisation des brises soleil - Horizontalité Figure 88 : Faculté des lettres 9 Avril - Tunis
Maison du parti du Néo-Destour -1968 - Différenciation du RDC par rapport aux autres niveaux - Rythme - Module répétitif Figure 89 : La maison du Parti Socialiste Destourien
La société tunisienne de diffusion -1964 - Utilisation des claustras - Rythme - Module répétitif - Différenciation des niveaux -Utilisation des brises soleil Figure 90 : La société Tunisienne de diffusion
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La friche : une ruine moderne
II.2.La société tunisienne de diffusion ‘STD’ : la naissance d’un bâtiment L’enseignement étant une priorité pour Habib Bourguiba, une réforme a vu le jour en 1958 afin d’assurer la nationalisation.de l’enseignement, son.unification, sa.démocratisation et.sa modernité. Un nouveau programme scolaire s’est donc instauré et l’enseignement a nécessité des manuels tunisiens ainsi que de nouveaux manuels importés de la France et du moyen Orient. Pour ce faire, une société sous le nom de Société nationale d’édition et de diffusion (SNED) est née en 1961. Suite à sa faillite, cette société a été divisée en deux composantes:
la
Maison
tunisienne de l’édition (MTE) et la Société tunisienne de diffusion (STD). Figure 91 : La STD, aujourd’hui...
C’est donc en 1964 que la STD s’est allumé et a ouvert ses portes pour la diffusion du savoir et la décolonisation de la culture. En effet, c’est une « Société d’économie mixte, dont l’état est le principal actionnaire, la STD a pour but “ l’importation de tous les ouvrages, revues, journaux et tous les articles de librairie, la mise en vente directement ou indirectement sur l’ensemble du territoire et à l’étranger de tous ouvrages, revues, journaux, disques, films cinématographiques et tous articles de librairie édifiés en Tunisie et à l’étranger ” » 41 Cependant, l’importation massive et incessante des manuels étrangers par le marché national a freiné l’activité de la STD. En effet, ce ralentissement a entrainé l’avènement d’un secteur privé qui a su s’imposer dans le marché. La compétitivité de la STD a donc décliné petit à petit quantitativement et qualitativement ce qui a entériné sa fermeture en 1976. Cette fin peu glorieuse de la STD a engendré l’émergence d’une friche où il ne reste plus que ses ombres dans la ville et ses rayons de lumière dans sa mémoire et dans sa matière toujours à l’espoir de sa résurrection et sa renaissance.
66
41. Salem Mansouri, Bilan analytique de l’édition non scolaire à la société Tunisienne de Diffusion, 1964-1976 “ Modèles culturels Tunisiens ” Muhammed Mandur, IBLA, 1979, page 109
La friche : une ruine moderne
III.Un regard “vers” la STD du futur : à l’aube d’une renaissance Le bâtiment subsiste et continue de persister grâce à ses racines. C’est justement en s’enracinant, en s’imprégnant dans les profondeurs du passé et en extractant l’essence du lieu que la matière s’élève à un état plus subtil, celui de la lumière. Cette dernière vient frôler la matière afin de révéler ses potentiels engrangés et sa mémoire engrammée.
Ainsi,
les
racines
qui
étaient
désséchées et consumées, vont revivre et se nourrir de nouveau de la lumière enfouie dans les profondeurs. Cette lumière nous offre la possibilité de nous projeter dans l’avenir et de créer un survenant à partir d’un antécédant comme si c’était un lever du soleil qui nous propose une renaissance, un nouveau monde à révéler. C’est donc à partir de ce qui a pu subsister de la STD, sa matière, sa mémoire et sa lumière engrammée, que la reconquête peut se refaire et qu’un nouveau geste architectural peut se redéfinir et se recomposer. Figure 92 : Enracinement et élèvation vers la lumière
Après un premier épisode de mort, l'âme du bâtiment s’incarne de nouveau dans un autre corps analogue avec sa forme précédente mais doté d’une âme encore plus forte et lumineuse.
67
La friche : une ruine moderne
Conclusion La STD, tout comme plusieurs espaces en friche, représente aujourd’hui un espace d’expérience et d’opportunité qu’on peut considérer comme second lieu de vie. Ils intéressent de plus en plus les artistes, les architectes, les peintres... et éveillent en eux une curiosité et un intérêt particulier, ne serait-ce que parce qu’ils sont à l’image de la lumière d’une culture qui s'est peu à peu obscurcie et éteinte. Ce sont donc des hors lieux qui changent la manière de penser la ville : ils sont en attente de leur renaissance, de la régénération de leur mémoire ainsi qu’à la reconquête de leur vraie valeur pour être enfin ramenés et élevés de nouveau à la lumière. Et cette élévation vers la lumière ne peut être établie qu’en passant par la contemplation de la chute et le puisage dans les profondeurs du passé pour reconquérir la lumière. En effet, plus.on “creuse”, plus la.matière se détache et.s’élève, et plus le bâtiment va renaître et rejaillir de l’obscurité.
68
La friche : une ruine moderne
SYNTHÈSE
Figure 93 : Révèlation de la lumière, engrammée
69
CH 03
ÉLOGE DE L’IM-MATIÈRE: LUMIÈRE, MATIÈRE RÉVÉLATRICES
70
71
PARTIE 1 INTERDÉPENDANCE LUMIÈRE / MATIÈRE Introduction La lumière et la matière sont indéniablement les matériaux essentiels de toute conception architecturale.
Associées
à
l’ombre,
elles
représentent la raison d’être de l’espace, sans elles l’architecture ne peut pas être vécue. “La lumière éveille l’architecture à la vie”. 42 Et cette lumière ne peut exister que par son interdépendance avec la matière. Se présentant comme une ligne immatérielle au sein de l’espace, la lumière transperce la matière, la marque, révèle son essence et même son absence. Elle nous offre une nouvelle vision de la matière qu’elle a rencontré.
42. 42. cité dans “Tadao Ando - du vide à l’infini”. par Monica Hass, htpp://terredecompassion.com/2015/07/13/tadao-
72
ando-du-vide-a-l’infini/
73
Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices
I.La lumière Depuis la nuit des temps, la fonction première de l’architecture est d’abriter l’Homme. Pour pouvoir assurer son confort et son bien-être, l’histoire de l’architecture témoigne d’une quête perpétuelle de lumière. Celle-ci est indissociable à la vie, elle représente la clarté, la lucidité, le savoir, le spirituel... La lumière, aussi évidente paraît-t-elle, reflète plusieurs sens. Elle n’est pas seulement synonyme d’éclairage mais aussi un symbôle de la représentation du divin dans de nombreuses cultures : elle évoque la perfection, la vérité absolue, la résurrection. Les cathédrales baignées de lumière, les pyramides dédiées au soleil sont des exemples qui représentent la force de Dieu jaillissant les rayons de soleil et défiant la force des ténèbres. La lumière est aussi synonyme de connaissance et allie le visible et l’intelligible, contrairement à l’obscurité, liée à l’ignorance et à l’absence de vision et de savoir. Entre l’immatérialité de la lumière et la matérialité de l’architecture, un dialogue s’instaure tout en mêlant des rapports dialectiques opposant éphémère à perpétuité, vide à plein, légèreté à matière.
Figure 94 : Une lumière jaillissante
74
Figure 95 : Saisir l'insaisissable
Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices
I.1.Définitions De prime abord, le terme “lumière” semble évident. Cependant, lorsque nous essayons de le limiter et le définir, toute sa complexité et sa richesse apparaissent. La lumière est un terme polysémique, on y retrouve donc plusieurs définitions dont nous avons essayé de retenir quelques unes en particulier qui nous ont attiré l’attention. Pour commencer, il est nécessaire d’aborder la lumière au sens physique et de la définir d’une façon purement physique pour pouvoir comprendre ses qualités par la suite. “Selon Maxwell, la lumière n’est autre qu’une onde électromagnétique.”, “[...] on peut aussi la considérer comme un flux de particules énergétiques dénuées de masse, les photons.” 43. “Rayonnement émis par des corps portés à haute température (incandescence) ou par des substances excitées (luminescence), et qui est perçu par les yeux.”44 Par ces définitions, on retrouve le sens physique et matériel de la lumière qui rend les choses visibles et perceptibles. Au sens figuré, la lumière n’est pas celle qui nous illumine physiquement mais plutôt moralement. “Ce qui éclaire l’esprit; élément qui fait comprendre.”45 C’est la lumière intérieure de l’âme et de l’esprit “L’âme [...] possède une lumière intérieure, celle qu’une « vision intérieure » connaît et traduit dans le monde des couleurs éclatantes, dans le monde de lumière du soleil”. 46 La matérialité de la lumière peut aussi être interprétée d’une autre manière “Clarté du soleil; du jour”.
47
Elle est la source de notre vie
quotidienne, l’illuminatrice du jour et sans elle, nous serons dans une obscurité absolue, inscrutable. En se basant sur les définitions précédentes, la lumière prend plusieurs aspects; elle est source d’énergie physique et intellectuelle, elle illumine notre corps, notre âme, notre esprit et donc notre vie.
43. Richard Feynman, Lumière et matière Une étrange histoire p17, Paris, InterEditions, “Sciences”, 1987, 197p. 44. Petit Larousse illustré (2011), Paris, Larousse 45. Idem 46. Idem 47. Idem
75
Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices
I.2.La lumière: matière scientifique Qu’elle soit naturelle ou artificielle, la lumière désigne les radiations électromagnétiques visibles par l’oeil humain. Ces radiations sont composées de particules minuscules appelées photons. Chaque source de lumière est caractérisée par son spectre d’émission qui s’incarne généralement dans le spectre de la lumière blanche qui peut ensuite se composer en d’autres spectres et d’autres radiations colorées ayant chacune une longueur d’onde spécifique. Sans la lumière, rien n’est perceptible, mais la lumière en elle-même n’est pas visible. Elle ne peut se manifester qu’à travers les surfaces qui la réfléchissent. La lumière du jour, celle qui constitue notre lumière de référence, nous permet de se repérer dans le temps et dans l’espace. En effet, grâce au mouvement permanent du soleil, la lumière naturelle du jour est invincible, balançant de l’aube au crépuscule avec tout ce qui existe donnant ainsi des jeux de clair-obscur assez captivants.Toute la richesse de la lumière réside dans la difficulté de prédire le comportement des particules de lumière sur la matière “Malgré tous nos efforts pour imaginer une théorie “raisonnable” expliquant comment le photon “décide” de traverser la surface ou d’être réfléchi, il s’avère impossible de prédire ce qui va arriver au photon.” 48 La lumière naturelle détient donc un caractère à la fois sauvage et pur, mystérieux et indomptable.
Figure 96 : Une lumière naturelle indomptable
48. Richard Feynman, Lumière et matière Une étrange histoire p36, Paris, InterEditions, “Sciences”, 1987, 197p
76
Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices
I.3.La lumière: matière immatérielle La lumière symbolise la vie, l’espoir, l’imagination... Sa dimension immatérielle, son caractère en perpétuel changement et son imperceptibilité éveille en nous le rêve, la méditation et l’imagination ouverte et évasive. La lumière revêt un caractère symbolique et spirituel. Elle revêt aussi un caractère savant puisqu’elle représente
l’intelligible,
le
savoir
alors
que l’obscurité est liée à l’ignorance et l’obscurantisme.
Depuis l’antiquité, dans
l’allégorie de la caverne de Platon, l’Homme vivant dans une grotte souterraine n’ayant jamais vu la lumière du jour, est parti à la découverte de la force de cette lumière et du monde réel. Un monde à la fois, sensible stimulant les sens mais aussi intelligible saisi par la raison, un monde matériel et immatériel. Cette lumière évoquée par Platon, correspond à la lumière spirituelle qui éclaire l’esprit sur le monde réel et qui nous
Figure 97 : Concept de l’allégorie de la caverne de platon
renvoie à l’imagination, au rêve, à un monde immatériel. Et ce n’est qu’en transcendant la matérialité qu’on peut s’élever et accéder à l’immatériel. Le XVIIIème siècle, siècle des Lumières, était une époque illuminée par la raison, la science et le respect de l’humanité. La lumière ici ne prend pas un aspect matériel ou une symbolique divine mais plutôt une illumination de l’esprit, une ouverture de la pensée, une clarification. La lumière se présente donc comme un symbole de connaissance et de savoir, contrairement à l’obscurité, assimilée à l’absence de vision et à l’ignorance. Mais pour Gaston Bachelard, ces deux paradoxes sont indissociables “Pour le savant, la connaissance sort de l’ignorance comme la lumière sort des ténèbres”. 49 Figure 98 : Le siècle des Lumières, siècle de contestations
49. Gaston Bachelard , La Philosophie du non: Essai d’une philosophie du nouvel esprit scientifique (1940)
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Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices
I.4.La lumière: matière architecturale “Les éléments architecturaux sont la lumière et l’ombre, le mur et l’espace”. 50 La lumière comme matière, est l’un des élèments fondamentaux dans toute conception. Le bien être de l’Homme dans l’espace, la relation entre l’intérieur et l’extérieur sont assurés par les ouvertures et l’apport de la lumière naturelle. La lumière permet donc de créer une symbiose entre la nature et l’architecture, elle fait naître une architecture sensorielle ayant une âme. “J’aime en effet penser qu’il y a quelque chose d’incontrôlable dans la lumière, comme si elle avait une âme, une intelligence propre qui en fonction de notre capacité et aptitude à l’observer se révèle et décide de se poser sur une architecture et pas sur une autre, de magnifier un objet, d’en cacher un autre.” 51
Figure 99 : Une lumière révélatrice
78
50. Le Corbusier, Vers une architecture, nouvelle édition revue et augmentée,Paris, Arthaud, 1977 51. A.Dubet (2013) Qu’est-ce que la lumière pour les architectes ? Archibook
Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices La matière et la lumière sont indissociables. Sans la lumière, la matière ne peut pas exister. Elle ne peut avoir sens, être perceptible et comprise que par le biais de la lumière, qui à son tour, ne peut s’exprimer que par la matière. La lumière transcende la matière, révèle son aspérité et fait manifester des espaces. Elle s’amuse avec nos sens et sollicite notre perception en accordant, d’une part, une existence matérielle aux oeuvres qu’elle transperce et d’autre part, une dimension immatérielle par ses jeux d’illusion. Cette dualité s’est manifesté depuis l’Antiquité avec Vitruve, l’auteur du traité “De Architectura” et l’un des pionniers de l’architecture de l’Antiquité. En effet, il a transformé la lumière en matière dans les temples en s’appuyant sur les jeux d’illusions optiques que crée la lumière sur les statues et les divinités. La lumière donne sens à l’espace, anime et dynamise les statues pour produire un effet réel et vivant. C’est grâce aux jeux de clair-obscur que la perspective gagne sa profondeur et rend l’architecture, les oeuvres et les peintures vivantes. D’ailleurs, Michelangelo Merisi da Caravaggio dit Le Caravage, peintre de la Renaissance, a toujours travaillé sur cette notion de lumière dans ses peintures “La lumière joue un rôle primordial. L’artiste s’arrête à tous les jeux de la lumière qui détermine, à ses yeux, la forme et par conséquent le dessin, le volume et la couleur même de l’objet pris pour modèle. La lumière telle qu’elle est utilisée par Caravage fige, dans l’éclair d’un instantané, les gestes, les attitudes en les chargeant parfois d’une signification intemporelle. Mais la lumière qui plonge la scène dans un clair-obscur silencieux et dramatique est dotée de qualités surnaturelles et immatérielles qui produisent un effet psychologique ou dramatique [...]”. 52
Figure 100 : Basilique Saint Denis, Suger, Paris, XIè siècle
52. Services éditoriaux et techniques d’Encyclopedia Universalis, Dictionnaire de la Renaissance, Editions Les Dictionnaire, ENCYCLOPAEDIA UNIVERSALIS France, 2016
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Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices Tadao Ando reste aussi le meilleur exemple des architectes qui sculptent avec la lumière naturelle. Il est en quête perpétuelle entre la lumière et la matière. Dans son projet l’église de la lumière, il a su allier des ambiances lumineuses sensibles à une dimension symbolique. Il matérialise la lumière et la fait manifester avec son ombre. Son architecture nous sublime et génère une chorégraphie poétique de l’ombre et de la lumière. “La lumière est à l’origine de tout être. La lumière donne à chaque instant une nouvelle forme à l’être et de nouvelles interrelations aux choses, et l’architecture condense la lumière en son être le plus concis. La création d’espace en architecture est simplement la condensation et la purification du pouvoir de la lumière”. 53
Figure 101 : Le temple de la Lumière, Tadao Ando
53. Tadao Ando
80
Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices
II.La matière La matière est un élèment, “une chose” palpable qui existe, qu’on peut toucher et manipuler. “Substance, réalité constitutive des corps, douée de propriétés physiques. [...] Corps, réalité matérielle [...] Substance particulière dont est faite une chose et connaissable par ses propriétés.” 54
II.1.Comportement de la lumière sur la matière En architecture, la matière est généralement liée aux matériaux de consctruction d’un édifice. Elle est un.langage architectural qui nous.renseigne sur la structure du bâtiment, sa.texture, sa fonction mais également un élèment qui dégage des.dimensions sensorielles et émotionnelles. La
matière,
tout
la
lumière,
possède
valeur
comme
symbolique
une
capable
de déclencher un sentiment ou une émotion à travers l’ouvrage
architectural.
Les
effets produits par la matière stimulent nos sens et nous rendent
plus
présents
et
plus interactifs avec le lieu. La perception de la matière est
intimement
liée
aux
mécanismes de la perception visuelle s’appuyant sur la transmission
d’un
rayon
lumineux. “L’espace devient lisible
Figure 102 : Interaction lumière / matière
et la matière tangible avec la lumière. Sans elle, ils resteraient de simples valeurs immédiates. La lumière est le vecteur par lequel ils prennent vie et se transforment.”
55
En effet, ce que
nous voyons c’est l’interaction entre la lumière et la matière donnant naissance à une texture tangible et lumineuse. 54. Petit Larousse illustré (1997), Paris, Larousse 55. Beckmann/ N° Thépé Architectes, dans Alice Dubet, Qu’est ce que la lumière pour les architectes, Paris, Archibooks + Sautearau
81
La lumière est donc fondamentale pour la perception de la matière. Bien qu’elle soit immatérielle, la lumière éclaire la matière, révèle sa beauté, dévoile ses secrets et son mystère. Lorsqu’elle traverse la matière, celle-ci change, l’espace qu’elle enveloppe se transforme, la perception change, une émotion se transmet. Cette émotion dépend de la nature de la matière que rencontre la lumière et sur laquelle elle décide d’irradier. Qu’elle soit opaque, transparente, translucide, rugueuse ou encore réfléchissante, la matière crée une ambiance, une atmosphère, une expérience sensorielle différente d’une matière à une autre et qui ne peut se matérialiser qu’à travers les jeux d’ombre et de lumière. Louis Kahn avait bien saisit cette interdépendance lorsqu’il affirme qu’ “on peut dire que la lumière, donatrice de toutes les présences, est créatrice d’un matériau, et le matériau a été créé pour projeter une ombre, et l’ombre appartient à la lumière.” 56. Dans ce contexte, dans son livre “Eloge de l’ombre”, Tanizaki Junichirô nous expose la matière en dévoilant son aspect poétique, voire même mystérieux tout en prônant l’esthétique de l’ombre, qui pour lui, magnifie la lumière. L’ombre révèle la matière, la sculpte et lui donne une profondeur. En effet, c’est de l’ombre et de l’obscurité que jaillit la lumière. Avec ce jeu d’ombre et de lumière, d’opacité, de transprence et de reflet, la matière est mise en valeur et est perçue d’une manière différente ce qui suscite l’apparition de plusieurs sensations lors de la contemplation. Figure 103 : La matière entre ombre et lumière, Expérimentation personelle
56. 56. Louis KAHN, Silence et lumière, Editions du Linteau, 1996, Paris, p 164
82
Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices
II.2.La lumière et les matières opaques II.2.1.La matière opaque comme vecteur d’intensité La matière “opaque”, dans son état brut, exprime une force intérieure. Par sa présence physique imposante, elle nous transmet un sentiment d’intensité. Tadao Ando est l’un des architectes qui représentent souvent cette sensation dans leurs projets. Il accorde une attention particulère aux matériaux purs, puissants, imposants, voire taciturnes. L’architecture de Tadao Ando tire son intensité de la nudité de ses matériaux, qui sont fortement liés à ses souvenirs d’enfance. Pour lui, le béton, la pierre et le bois sont des matériaux qui nous permettent d’appréhender le bâtiment par notre corps. Avec l’usure et le vieillissement, ils deviennent des reliques du passé, de souvenirs. Ces souvenirs résident et vivent dans la matière et sont dramatisés par la lumière.
Dans la Maison Koshino, Tadao Ando s’intéresse à la dramatisation de la texture de la matière par la lumière. Celle-ci se faufile entre le mur et le toit à travers une verrière et embellit un mur incurvé. Un contraste surprenant d’ombre et de lumière surgit. En effet, la surface du béton interagit avec la lumière et l’obscurité et forme des ombres profondes qui provoquent un sentiment d’intensité, de tension chez le contemplateur. On remarque son génie de manier le béton pour lui insuffler une intensité qui stimule et surprend l’esprit humain.
Figure 104 : Koshino House, Tadao Ando, Le mur incurvé
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Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices La lumière changeante dans ce couloir modifie complètement la perception et crée un contraste. Le couloir se transforme selon les variations naturelles du soleil : le contraste est tantôt atténué tantôt accentué ce qui modifie l’ambiance de l’espace au fil des heures.
Figure 105 : Couloir Koshino House, Tadao Ando
Figure 106 : Couloir Koshino House, Tadao Ando
On peut aussi prendre comme exemple Le Musée de Berlin de Mies van der Rohe. Il expose la notion de massivité et de densité d’une autre manière. L’opposition entre la toiture noire massive et les piliers fins sur lesquels elle repose, génère une forte tension. Les piliers noirs en croix prennent l’aspect d’une masse pleine à travers leur ombre propre. Ils disparaissent et s’estompent dans les réflexions des parois vitrées. En revanche, la toiture obscure et imposante apparait comme une masse suspendue et flottante. Il s’établit alors un fort contraste entre luminosité et obscurité, densité et légèreté, poids et flottaison.
Figure 107 : Musée de Berlin, Mies Van Der Rohe
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Figure 108 : Tadao Ando, la matière à l’état brut comme vecteur d’intensité
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Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices
II.3.La lumière et les matières translucides et transparentes II.3.1.La transmission comme vecteur de légèreté Pour une matière transparente, la lumière peut la traverser et se répandre au-delà de celle-ci ; il s’agit de la transmission de la lumière. Simultanément, une partie de la lumière est réfléchie. Le contraste entre l’intérieur et l’extérieur par rapport à la matière transparente fait exhumer davantage la réflexion que la transmission. La matière translucide, quant à elle, laisse traverser la lumière tout en dissimulant la vue. Cette matière est assez fascinante en architecture; elle attire le regard, éclaire, occulte et dérobe la vue. Il est possible de distinguer l’environnement, les silhouettes se trouvant derrière la paroi à travers la présence de leurs ombres. Cet effet voilé-dévoilé incarne en nous une certaine curiosité pour découvrir davantage l’espace. Dans ce contexte, on prend comme exemple la Maison Hermès à Tokyo. Renzo Piano a eu recours à ce procédé pour filtrer la lumière. Il a travaillé sur la sensation de sérénité, de légèreté et de tranquillité au sein du bâtiment en se réfèrant à la culture japonaise. A partir de l’extérieur, le passant ne perçoit que la silhouette des objets, que des formes floues qui le poussent à deviner ce qui se passe à l’intérieur du bâtiment. Tandis qu’au sein de l’édifice, à travers l’enveloppe à la fois transparente et opaque, l’usager se trouve en déconnexion avec l’environnement extérieur. L’épaisseur de l’enveloppe ne permet de laisser passer qu’une lumière diffuse douce qui crée une atmosphère légère.
Figure 109 : Maison Hermès, Tokyo, Renzo Piano
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Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices Il en est de même pour Le Centre d’Art Kunsthaus de Peter Zumthor en Autriche. Le bâtiment prend l’aspect d’un diffuseur de lumière. Son enveloppe formée de panneaux de verre dépoli fixés par des pinces discrets, paraît enveloppée par de fines écailles. Sa translucidité ne permet pas de refléter l’environnement extérieur mais son aspect irisé laisse révéler de légèrs changements de teinte en fonction des déplacements des passants et de la lumière tout au long de la journée. Quant aux espaces intérieurs, ils sont dotés d’un aspect sobre par la présence du béton qui, une fois la lumière est reflétée sur ses surfaces, procure un sentiment d’apaisement, de légèreté et de flottement atmosphérique.
Figure 110 : Centre d’Art Kunsthaus, Autriche, Peter Zumthor
II.3.2.La réflexion comme vecteur d’illusion Contrairement à la diffusion, la réflexion décline et dévie la lumière dans une seule direction sous le même angle d’incidence. Les métaux, le verre, les miroirs ou même l’eau sont les matières les plus réfléchissantes. En architecture, elles permettent de créer un effet illusoire, dépassant la réalité, allant jusqu’à l’exacerber. La surface peut s'éclairer, refléter, s'infléchir puis s’opacifier. Les limites peuvent s’estomper et la surface tend à se dématérialiser. La perception et le ressenti de l’espace sont ainsi transmués et une émotion d’ambiguïté est suscitée.
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Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices Avec le Pavillon de Barcelone, Mies Van Der Rohe a voulu remettre en question le principe d’un espace clos et hermétique, briser les limites de la boîte, créer l’illusion dedans-dehors tout en intégrant le spectateur dans l’espace. L’architecte a eu recours à plusieurs matériaux tels que le verre, l’acier et le marbre. L’illusion infinie dans les espaces est obtenue par le reflet de l’environnement et des multiples parois les unes sur les autres. Celles-ci se multiplient, se succèdent, se confondent dans l’espace et reflètent la lumière. Toutes ces réflexions brouillent notre perception de l’espace et estompent la limite entre l’intérieur du pavillon et son extérieur. Notre appréhension de l’espace change et devient ainsi ambiguê.
Figure 111 : Pavillon de Barcelone, Mies Van Der Rohe
Dans l’Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne, Florence de Méredieu mentionne les différentes propriétés du verre : “le verre tend à l’effacement, revêt des propriétés fantomales de l’ordre de la disparition ou apparaît comme un bloc lourd, un mur, sur lequel se heurte le regard.”. L’usager peut donc sentir une ambivalence : l’espace est fermé par les parois qui l’entourent, mais leur matérialité est illusoire, utopique.
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Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices
Conclusion " La lumière est une matière de l'architecture. C'est la matière des matières. Celle qui révèle les autres, leur donne sens, corps ; celle qui filtre, accepte le temps. La lumière fixe les textures, leur offre des variations, définit les limites : elle exprime la matérialité." 57
Figure 112 : Interdépendance lumière et matière
57. Marc Mimran, Penser la ville par la lumière, Paris, Editions La Villette, 2003, p 50
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PARTIE 2 QUAND LA LUMIÈRE JAILLIT DU NOIR Introduction La lumière utilisée en tant que matériau, n’est pas seulement la prérogative des architectes mais aussi de certains artistes. Pour les architectes, la lumière est primordiale pour la conception d’un projet architectural. Elle permet de manifester l’espace, de le rendre tangible et perceptible, et de stimuler les sens. Il en est de même pour certains artistes du XXème siècle, qui considèrent et utilisent la lumière comme réelle matière. Prenons comme exemple, l’un des plus grands maîtres de la peinture moderne, Pierre Soulages. Il est considéré comme une figure majeure de l’abstraction. Réalisant plus de 1500 tableaux, passant du brou de noix aux « Outrenoirs », mêlant subtilement les papiers, les toiles, les vitraux, les estampes, Soulages a su se faire remarquer et s’imposer par ses œuvres alliant à la fois la sculpture d’ombre et la poétique de lumière. Sa passion de la lumière qui jaillit du noir a toujours guidé sa main et son œil.
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Figure 113 : Peinture 1200x900 cm, Pierre Soulages
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I.À l’aube d’une carrière d’un peintre I.1.Enfance... Un talent qui émerge Né en décembre 1919 à Rodez dans l’Aveyron juste après la Grande Guerre, Soulages s’est toujours montré attentif à la nature qui l’entoure, attiré par l’archéologie et ses mystères ainsi qu’à l’art pariétal. Il commence à dessiner et à construire son rapport originaire à la peinture depuis son jeune âge. À 15 ans, il commence à peindre à un rythme quotidien, des paysages, des portraits et des arbres dont les branches sont dépouillées et dénudées de leurs feuilles. Il était à la recherche des formes où la silhouette n’est pas visible mais seule l’énergie structurelle est présente pour occuper la surface. Le jeu de verticalité et d’horizontalité entre le tronc et les branches et leurs entrecroisements ont beaucoup inspiré Soulages dans ses dessins. On sent que l’arbre , avec son caractère organique, est toujours à la recherche de la lumière pour pouvoir tenir debout, malgrès tout. Ses branches s’étalent et s’allongent dans l’espace en quête de la lumière nourricière.
Quant à ses troncs, la structure s’élèvent
porteuse, et
s’élancent
en toute élasticité vers le haut, vers la lumière. " Les arbres ont toujours – je ne savais pas que cela s’appelait ainsi – un tropisme vers la lumière. Les branches se dirigent là où il faut pour avoir de la lumière." 58
Figure 114 : Les arbres de Soulages, un tropisme vers la lumière
58. Soulages le réfractaire dans La Clause freudienne 2010/2 (N° 75), Entretien avec Nathalie Georges-Lambrichs
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Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices
I.2.Le brou de noix... vers une ascendance de la matière En 1946, Pierre Soulages a commencé à utiliser le brou de noix, un liquide qui permet des transparences et des opacités obtenu par le broyage de la coquille du fruit à coque, pour réaliser des œuvres abstraites et sobres mais qui révèlent une énergie forte que le peintre veut dégager " Le brou m’a permis d’aller vers ce que j’étais ". 59 Soulages ramène la matière vers un état liquide, plus subtil. La matière perd de sa matérialité et s’élève vers la lumière. C’est l’axe de l’acquisition de la lumière pour dépasser les ténèbres.Plus on s’élève à un niveau supérieur, plus on s’approche de la lumière.
Figure 115 : Peinture Brou de Noix sur papier 1200x916, 1948
Figure 116 : Peinture Brou de noix 109 x 74 cm, 1977
Figure 117 : Peinture Brou de noix sur papier (1948)
Figure 118 : Schéma d’ascendance spirituelle de la matière
59. Pierre Soulages, entretien avec Jean Marie Galvada, publié le 24/12/2018
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II.L’Outrenoir : à la quête de la lumière
En
Janvier
1979,
Soulages
travaillait sur un tableau basé sur l’addition et la soustraction du noir. En ayant du recul sur son œuvre qu’il croit ratée, il a remarqué que sa toile était saturée du noir « Le noir avait tout envahi, à tel point que c’était comme s’il n’existait plus » 60.
Figure 119 : Peinture 202x452 cm, 29 juin 1979, Diptyque, Huile sur toile
60. 60. Pierre Soulages, Entretien avec Christophe Donner, Op. cit., 2007, p. 52
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Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices
Cette expérience, une scansion majeure qui a marqué son travail, a rendu ses peintures fondées essentiellement sur la réflexion de la lumière sur les états de surface du noir, appelé aussi " outre-noir " donnant ainsi des effets de clair-obscur assez remarquables, y compris en transparence. Soulages a pu révéler les potentialités lumineuses de la couleur noire, qui dans notre culture, présente souvent une valeur négative comme absence de lumière ou de couleurs. En effet, c’est la seule couleur qui est sensée ne pas laisser passer et réfléchir la lumière. Mais les toiles de Soulages se présentent comme des champs de terre noire où l’on cultive la lumière. Derrière leurs apparences austères, se cachent une richesse de variations lumineuses qui jaillissent d’un noir satiné. " Au départ la toile est entièrement noire, et non pas blanche ou rouge comme c’est le cas traditionnellement; les peintres traditionnellement recouvraient leur toile de rouge, Nicolas Poussin, ou de gris, Goya par exemple, dans mon cas, je la recouvre de noir ; mais lorsque je travaille avec une pâte noire, je ne travaille plus avec du noir, je travaille avec la lumière que réfléchit l’état de surface de la couleur que j’apporte. " 61
Soulages travaillait essentiellement sur la lumière comme étant la matière de l’œuvre et non pas sur le noir " Personnellement, la lumière qui m’intéresse est d’une autre nature que sensorielle ou concrète. C’est une lumière du dedans qui est peut-être de l’ordre de ce que l’on ignore en soi. C’est pourquoi j’ai inventé le mot Outrenoir (…). Outrenoir est un autre pays que celui du noir, un pays au-delà du noir. Un autre champ mental. " 62 d’où l’attribution de l’appellation " mono-pigmentaire " au lieu de " monochrome " pour qualifier les œuvres de Soulages. " Les Outrenoirs sont le contraire du monochrome. Ce n’est pas le pigment noir qui y est mis en évidence, c’est la lumière reflétée, transformée, transmutée par le noir ou par les états de surface du noir… " 63 A partir de 1979, Soulages n’a pas cessé de procéder à la recherche empirique sur les effets de la lumière, il s’est concentré sur l’aboutissement ultime de son cheminement artistique. Il a commencé à introduire de nouvelles techniques telles que les stries, les reliefs, les entailles, les sillons dans la matière noire créant ainsi des jeux d’ombre et de lumière qui donnent un effet tridimensionnel à son œuvre, semblable à une stèle, une sculpture.
61. Pierre Soulages, Interview, auteur(s) : Vauday, Patrick / Editeur : in.Parution : 15/08/2002 62. Pierre Soulages, Outrenoirs, Entretiens avec Françoise Jaunin, La Bibliothèque des Arts, 2012 63. Pierre Soulages, Outrenoirs, Entretiens avec Françoise Jaunin, La Bibliothèque des Arts, 2012
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Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices
II.1.Une méthode de travail insolite La toile posée sur le sol, Pierre Soulages déverse le pot de peinture noire et étale la matière épaisse de part et d’autre de la surface immaculée sur laquelle se reflète la lumière. Il y inscrit des stries et des rayures, certaines larges et profondes, d’autres fines et si subtiles qu’elles sont à peine visibles, des juxstapositions de formes simples sérielles ou encore des directions verticales perpétuellement brisées par des horizontales. Cette toile présente une manipulation de plusieurs champs d’action du noir : le noir sur fond, cette couche épaisse qui recouvre toute la surface de la toile est tantôt creusée, soustraite et tantôt mise en relief pour générer le noir de texture ; une matière matrice où le reflet se fait et se défait et change sans cesse d’une manière dynamique et où des nuances plus claires tels que le gris et le blanc surgissent sous l’action de la lumière. Cette toile représente une limite, une frontière entre deux aspects contrastés. En effer, le noir lisse sur fond, qui recouvre la surface, retrouve son opposé de l’autre côté, aussitôt des stries sont appliquées sur la matière. La lumière franchit la matière, réfléchit le blanc de la toile et rejaillit à travers elle.
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Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices Cette dualité lisse-strié génère, dans la plupart des cas, des surfaces composées de stries parallèles d’épaisseur variable qui déclenchent une dynamique, un rythme, une vibration lumineuse titanesque. En effet, la lumière s’inscrit et jaillit des profondes rainures creusées dans l’aplat noir épais. Cette soustraction de la matière est, en effet, en faveur de la quête de la lumière. Quand le noir est strié, la lumière est dynamisée et la toile devient vibrante, et quand il est lisse c’est le calme et le silence qui règnent. " Formes lisses, continues, peu propices aux contrastes, les aplats paraissent plus atones, moins saillants que les formes striées sombres et lumineuses qui traversent les peintures. Fortement gravées dans la masse, disposées parallèlement les unes aux autres, les stries semblent dotées d’une certaine force énonciative; elles paraissent en effet pouvoir orienter le regard du spectateur, en retenir et dynamiser le trajet le long des axes rectilignes qu’elles dessinent. Isolées, les lignes semblent perdre de cette force directrice malgré un tracé parfois doublé, appuyé comme pour lui donner plus d’intensité ". 64 Le contraste entre l’aplat lisse et le strié engendre un rythme perceptif irrégulier partagé entre le silence, l’atonie de la forme unie proliférée dans la toile et le perpétuel mouvement engendré par les lignes horizontales ou obliques suivies du regard.
Figure 120 : Peinture 300x235 cm, 9 juillet 2000 - Huile sur toile
64. «Des stries et du noir» Aux rythmes et aux lumières-Une description de sept peintures de Pierres Soulages-Marie Renoue(Protée, vol. 27, n° 3, 1999, page 114)
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Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices
II.2.Inversement des valeurs : Quand la lumière devient matière Dans la tradition philosophique classique, tel est l’exemple de Platon, la lumière et la matière sont en opposition remarquable. La lumière c’est l’immatériel, l’insaisissable, l’intouchable et la matière c’est le tangible, le palpable… Pour Soulages, la lumière est considérée comme matière du moment que la lumière sort et émane du noir c’est-àdire qu’elle provient de la matière. C’est la lumière qui crée la différence entre les couleurs et qui engendre l’effet de clair-obscur. En effet, si l’on prend la couleur noire à côté d’une autre couleur qui paraît sombre et obscure, celle-ci va paraître éclairée et plus lumineuse. C’est donc la lumière qui se manifeste et qui met en jeu ce contraste.
Figure 121 : Le noir illuminateur du clair
Ces deux carrés gris identiques au niveau des dimensions, illustrent le contraste entre le clair et l’obscur, le noir et le blanc. En effet, le carré sur fond blanc paraît plus sombre et plus petit que celui placé sur un fond noir. Pour les peintures de Soulages, le noir de la toile se munit de plusieurs apparences : saturé, intense, satiné, changeant ou lumineux. Une relation paradoxale entre le noir et le lumineux s’établit, généralement dissociée dans la culture ambiante puisque le noir est synonyme d’obscurité. Mais pour Soulages, le noir s’exprime comme un second générateur potentiel de luminosité.
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Figure 122 : Peinture 181x244 cm, 2 mai 2011, Pierre Soulages
« Ça m’intéresse parce que le noir c’est, d’un côté, l’extrême, le sombre, il n’y a pas plus sombre que le noir et, à côté de ça, c’est aussi une couleur lumineuse ; c’est le rapport de ces deux possibilités que j’ai avec le noir qui fait que je me suis orienté vers cette manière de peindre. » Pierre Soulages
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Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices A première vue, la texture de la toile apparaît régulière et statique s’articulant autour d’une opposition entre la surface lisse d’aplats de noir et l’ensemble des stries et des rainures qui traversent horizontalement ou en obliques les toiles. Des rainures qui creusent la matière sombre avec différentes variations de profondeur ce qui génère des variations de luminosité accentuées et opposées. Une opposition si subtile que le regard et l’attention du spectateur ne peuvent être interrompus ou interceptés. Une fois son attention est focalisée entièrement sur la toile et sous un point de vue plus rapproché, cette régularité de la toile se dégénére de plus en plus à travers l’irrégularité des rainures et des rayures donnant naissance à des variations de luminosité. On peut donc dire que la régularité relative perçue est liée à la forme générale de la toile, alors que l’irrégularité, plus invisible, s’attache à la matière travaillée et à son expression. «Entre régularité et irrégularité, la texture apparaîtrait ainsi comme la cristallisation d’états de la matière, une matière travaillée et plus ou moins réactive à la tension que lui impose la forme»65 Lumière et matière se montrent alors en concurrence rude ; la présence statique, massive et intense de la matière s’affronte au dynamisme, à la mobilité et les vibrations en perpétuel changement de la lumière.
Figure 123 : Pierre Soulages, Peinture 293 x 324, 26 octobre 1994
Figure 124 : Pierre Soulages, Peinture 202 x 202 cm, 13 septembre 2013
65. «DES STRIES ET DU NOIR» AUX RYTHMES ET AUX LUMIÈRES-UNE DESCRIPTION DE SEPT PEINTURES DE PIERRE SOULAGES-MARIE RENOUE (Protée, vol. 27, n° 3, 1999, p. 110-118.) page 112
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Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices La lumière pourrait même inverser deux états dans une même toile ; à partir d’un angle de vue, les parties sombres peuvent apparaître brillantes dans un autre angle et inversement. En effet, le contraste peut émaner à travers les stries elles-mêmes puisqu’elles engendrent une opposition entre un intérieur sombre doté d’un noir profond des rainures et une luminosité intense des bordures extérieures. Une opposition brutale entre un noir profond, ombreux, exacerbé et un noir lumineux, radieux semble trouver son équilibre dans les peintures de Soulages qui apparaîtraient donc comme “un modus vivendi” 66 . Un jeu de paradoxes et de contrastes qui ont su s’accomoder et trouver un compromis. Le visible perçu se présente alors comme un état intermédiaire, un tiers entre deux opposés qui jouent à s’exclure et à s’appeler en s’inversant. En effet, Soulages travaille sur différents paradoxes visuels : la lumière qui jaillit et ressort du noir, la matière qui est soustraite devient encore plus visible et mise en avant, le vide qui naît à travers le plein. Tous ces contrastes ainsi réunis, font la singularité de l’œuvre de Soulages. Une œuvre énigmatique qui paraît comme un silence harmonieux dans le bourdonnement du monde ou encore même une évidence dans le mystère des choses.
Figure 125 : Pierre Soulages, Peinture 130 x 130, 6 mars 2012
Figure 126 : Pierre Soulages, Peinture 324 x 362, 1985
66. Modus vivendi est une expression latine qui signifie littéralement « manière de vivre ». On peut le définir comme un accord permettant à deux parties en litige de s'accommoder d'une situation, c'est-à-dire de trouver un compromis. ( Wiképedia )
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Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices
II.3.Rapport œuvre – peintre / œuvre – spectateur Pour Soulages, le sens de l’œuvre réside dans la trinité de la relation artiste-œuvrespectateur. L’artiste n’impose rien à l’œuvre, mais son dialogue et son empathie avec les matériaux, permet de concevoir une œuvre qui à son tour ne peut avoir sens qu’avec le dialogue avec le spectateur. Et au delà, ce rapport est réciproque entre cette trinité car même si l’artiste et le spectateur vont permettre à l’œuvre de se construire, celle-ci les construit en retour.
Figure 127 : Trinité artiste-oeuvre-spectateur
II.3.1.Suivre son instinct Les œuvres sont le résultat d’une méthode de travail intuitive, d’un phénomène imaginatif s’appuyant sur une recherche intérieure et une investigation spirituelle. «Quand je commence un tableau, je ne sais pas ce que je vais faire, c’est en peignant que je découvre ce que je veux exprimer». 67 Soulages n’impose rien à la matière, bien au contraire, il s’enracine au plus obscur, au plus profond d’elle, lui obéit et ne contraint jamais ses désirs et ses propriétés plastiques. Cette empathie avec la matière et les matériaux utilisés lui permet d’exprimer tout ce qui est enfoui et caché en elle. Il cède la place au ressenti et se laisse guider par une certaine liberté où l’on peut peindre sans avoir une projection préétablie. L’élaboration de ses œuvres n’est donc pas basée sur des choix prédéfinis mais plutôt sur des interactions entre le peintre et son ouvrage lors du processus de création, sur les relations entre les formes, les proportions… Le peintre se laisse guider par son intuition, son impératif intérieur, son insu pour aboutir à une qualité méditative dans son œuvre. 67. Pierre Soulages, Interview 28 minutes- ARTE, 2019
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Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices « Quand quelque chose apparaît que je n’avais pas prévu, c’est probablement là que se trouve ce qui m’intéresse le plus ; voilà pourquoi je peins. » 68 Il s’établit alors un dialogue silencieux et productif, un échange secret et fécond, une intimité et un lien de proximité entre l’oeuvre et Soulages.
II.3.2.Rapport oeuvre - spectateur Soulages n’envisage pas de produire seulement un effet optique dans ses œuvres mais surtout un champ mental immense et infini qui s’ouvre pour celui qui contemple. Un champ qui nous invite à la méditation, à l’introspection et qui nous amène à remettre en question notre positionnement personnel. Il souhaite «Ouvrir l’imagination du spectateur à ce qu’il ne voit pas à travers ce qu’il voit.» 69 Le spectateur observe la lumière qui vient du tableau vers lui, et c’est cet espace qui est entre la toile et l’observateur qui devient l’espace de la toile où s’établit une relation entre eux. «Vous voyez de la lumière qui vient du tableau, du mur sur lequel se trouve le tableau, vers vous. Par conséquent l’espace de la toile n’est plus sur la toile, il est devant la toile, et vous qui regardez, vous êtes pris dans cet espace-là, vous êtes dans l’espace de la toile. » 70
Figure 128 : La lumière du noir
68. France-culture, Pierre Soulages, entretien exceptionnel par Arnaud Laporte, 15/11/2019 69. Pierre soulages, mai 1981 70. Pierre Soulages, La lumière comme matière,Interview, auteur(s) : Vauday, Patrick / Editeur : in.Parution : 15/08/2002
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Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices Le spectateur crée sa propre vision, sa propre interprétation, s’engage en entier avec l’oeuvre et s’enfouit dans une expérience tracée à l’instant même. Il s’abandonne à son ressenti, à la sensation, à l’impalpable, à l’immatériel. Il est saisi non seulement par les rayonnements de la toile qui tendent à l’absorber, mais aussi par l’envahissement de la matière noire où le peintre a créé des reliefs, des glissements, des stries, des passages mats ou brillants pour que la lumière puisse jouer et se manifester aisément. D’où l’effet de cette peinture, qu’on découvre et expérimente autant qu’on la contemple, une peinture possédant un pouvoir d’émotion, un caractère que l’imagination du spectateur interprète. L’œuvre de Soulages ne peut donc avoir sens qu’avec la présence du spectateur, elle seule compte. En effet, l’enjeu réside essentiellement dans leur interaction, dans le face à face qui plonge le spectateur à vivre une expérience face à l’oeuvre et dans sa confrontation avec la matière. Il doit focaliser son attention sur la matière et ses caractéristiques. C’est lui qui prend le contrôle de l’éclairage et longe la surface de la toile pour saisir les variations lumineuses. S’il se déplace, les reflets ne sont pas les mêmes, si la lumière change ce n’est plus la même peinture qu’on regarde, une peinture qui apparaît ainsi mobile et changeante.
Figure 129 : Le rapport entre l’oeuvre et le spectateurnimation
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Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices " Ses toiles géantes, souvent déclinées en polyptyques, ne montrent rien qui leur soit extérieur ni ne renvoient à rien d’autre qu’elles-mêmes. Devant elles, le spectateur est assigné frontalement, englobé dans l’espace qu’elles sécrètent, saisi par l’intensité de leur présence. Une présence physique, tactile, sensuelle et dégageant une formidable énergie contenue. Mais métaphysique aussi, qui force à l’intériorité et à la méditation. Une peinture de matérialité sourde et violente, et, tout à la fois, d’« immatière » changeante et vibrante qui ne cesse de se transformer selon l’angle par lequel on l’aborde." 71
Figure 130 : Une lumière changeante, vibrante de Pierre Soulages
La lumière qui semble jaillir de l’œuvre se présente comme une troisième dimension. La présence de la toile est liée donc à l’instant même : un rapport au temps et à l’espace différent par rapport à une peinture traditionnelle est mis en évidence. Cet espace est en perpétuel changement avec chaque déplacement. Il est dynamique et nécessite un mouvement ce qui génère une nouvelle composante qui est la dimension du temps. "Certaines surfaces glissent du sombre au clair, d’autres basculent du clair au sombre. C’est depuis l’endroit où l’on se trouve et dans l’instant du regard que la peinture apparaît ainsi. Sa présence se fait au moment même du regard, ce qui est un rapport au temps propre à ce type de peinture." 72 Cette composante temporelle se traduit aussi dans un autre travail de Soulages : sa conception de verre de Conques pour l’abbatiale Sainte-Foy.
71. Françoise Jaunin, Critique d’art et journaliste 72. Pierre Soulages et Jean-Michel Le Lannou, « Entretien avec Pierre Soulages », Philosophique [En ligne], 2 | 1999, mis en ligne le 06 avril 2012 ( http://journals.openedition.org/philosophique/247 )
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Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices
III.Les vitraux de l’abbatiale de Conques Entre 1987 et 1994, Pierre Soulages a réalisé avec Jean-Dominique Fleury, maître verrier, les 104 vitraux de l’abbatiale Sainte-Foy de Conques à Aveyron. Soulages a voulu que les vitraux soient non teintés et translucides. Après une recherche acharnée de plusieurs années et plusieurs essais, il a réalisé un verre sur lequel plusieurs fragments de verre ont été soudés par cuisson à haute température. Ce verre permet la diffusion de la lumière d’une manière modulée et changeante de manière à avoir des effets lumineux qui changent d’une heure à une autre, et ceci marque bien évidemment l’écoulement du temps, dans un espace de recueillement. Ce verre permet de diffuser toute la lumière sans que l’environnement et le paysage extérieur ne soient perceptibles et le fait de cacher et de peu montrer ce paysage permet à Soulages de dévoiler encore plus la richesse de ce qui est à voir, la richesse infinie du réel. “Les verres translucides effacent le spectacle extérieur, font de l’édifice un lieu clos, (...) Les fenêtres doivent, à mon sens, accompagner les murs, faire surface et non pas les trouer comme ce serait le cas avec la transparence. (...) J’ai souhaité une translucidité (...) provenant de la masse même du verre. J’ai recherché une lumière ne traversant pas directement, mais prise dans la matière du verre, celle-ci devenant alors émettrice de clarté. (...) Cette lumière en quelque sorte transmutée a une qualité émotionnelle, une intériorité, une qualité métaphysique. (...) Je pense qu’elle est en accord avec la fonction de ce lieu, lieu de contemplation, de méditation et, pour les croyants, lieu de prière.”
Figure 131 : Les vitraux de l’abbatiale de Conques
73. Pierre Soulages, In Traverses n°46, revue du centre de création industrielle CGP, 1989, p. 42-85.
106
73
Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices La lumière n’est donc pas un simple rayon lumineux mais plutôt une matière qui joue avec le temps et les textures de l’église pour aboutir à des ambiances lumineuses différentes selon les heures et pour produire un effet de tension ascensionnel. " C’est donc aussi une sorte d’horloge naturelle qui permet de voir passer le temps et qui demande en même temps du temps pour être vue ; la caractéristique de ces vitraux c’est qu’on ne peut pas se contenter de les regarder en passant… " 74
Figure 132 : Les vitraux de l’abbatiale de Conques
74. Pierre Soulages, la lumière comme matière, dans Rue Descartes 2002/4 n°38
107
Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices
Conclusion Figure majeure de la peinture abstraite, inventeur de l’Outrenoir et dompteur de lumière, Pierre Soulages est un artiste en quête permanente de la lumière. Par sa technique de soustraction et d’addition de la matière, il a mis en évidence les effets de la lumière transmutée, reflétée, engrammée dans l'épaisseur de la matière et qui renvoie le spectateur vers un univers qui s’alterne entre le réel et l’imaginaire.
“Je pense que si les peintres peuvent modifier une toile complète, les architectes doivent pouvoir le faire dans leur travail, l’oeuvre en soi est un processus créatif ”. 75
Pour Barragan, l’architecte doit se mettre dans la peau d’un peintre, d’un metteur en scène, d’un scénographe. Il métamorphose l’espace en une oeuvre d’art habité. Il le magnifie, le sublime, le théâtralise et lui apporte une dimension poétique et symbolique et ce par le biais des jeux d’ombre et de lumière, du clair-obscur tout comme la manière de Pierre Soulages.
75. Louis Barragan lors de la remise du prix Pritzker d’architecture, 1980
108
Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices
«Un noir qui réfléchit et un noir qui absorbe : la lumière et son absence».76
Figure 133 : Exposition des tableaux de Pierre Soulages
76. Pierre Soulages, Soulages le réfractaire, dans La Cause freudienne 2010/2 (N° 75), entretien avec Encrevé
109
CH 04
VERS UNE RENAISSANCE “Rien n’est plus beau qu’un bâtiment en renaissance. Lorsqu’il se relève après une chute, un déclin, il retourne plus fort et plus rutilant qu’avant.” - Auteur -
110
111
Vers une renaissance Ce chapitre va être réparti en trois sections : Vers une conceptualisation : Nous allons commencer par exposer notre démarche conceptuelle et indiquer les concepts retenus lors de toute notre réflexion dans le mémoire. Expérimentation - Brèche lumineuse : Nous allons ensuite essayer d'expérimenter la matière et la lumière par différentes manipulations afin de nous initier à la phase de trans'formation. À la quête d'une résonance lumineuse : Pour conclure, nous allons établir un processus de trans'formation et proposer un programme fonctionnel pour aboutir à la concrétisation d'une réponse architecturale.
112
Vers une renaissance
I.Vers une conceptualisation I.1.Démarche conceptuelle
Notre quête de l'élèvation vers la lumière nous mène à se positionner dans une interface entre le visible et l'invisible, entre la réalité et le rêve. Etant donné que la perception de la vie possible se situe toujours dans un entre-deux, nous allons essayer de nous enraciner dans les ténèbres de la matière lourde, de ressortir la lumière engrammée de l'antécédent afin de pouvoir l'alléger et l'élever encore plus vers la lumière.
Figure 134 : Schématisation de la démarche conceptuelle
113
Vers une renaissance
I.2.Concepts retenus Mots clés
Concepts et intentions
Chapitre 1 : Ruine, trace du passé • voyage mental - imagination
• immersion dans le déjà-là, le figé
• révèler son imaginaire
pour voir émerger un renouveau.
• restituer sa mémoire
• travail mental de reconstitution
• le visible et l'invisible, la matière et la
• anticipation imaginaire
non-matière, le présent et l'absent,
• mise en lumière du côté invisible
l'incomplet et l'achevé
Chapitre 2 : La friche : une ruine moderne • rupture et latence
• processus de transformation
• inertie face à un dynamisme
• tissage entre la forme existante, le
• enracinement et élèvation vers la lumière
lieu et son histoire engrammée • interface rêvée entre la forme
• forme existante ( apparente et engrammée )
apparente et la forme engrammée • réel interprété et réécrit autrement
• fonction rêvée
• réincarnation architecturale
Chapitre 3 : Eloge de l'im-matière : Lumière, matière révélatrices • Matérialité - immatérialité
• soustraction et addition de la matière
• chorégraphie poétique de l’ombre et de la lumière • effets
de
reflétée,
• la matière perd de sa matérialité et lumière
transmutée,
engrammée
dans
l'épaisseur de la matière • présence massive, de la matière / dynamisme, vibration de la lumière
114
à la quête de la lumière s’élève vers la lumière. • estomper les limites, dématérialiser les surfaces, effet de voilé - dévoilé • interaction avec le lieu • la lumière rejaillit de l'obscurité
Vers une renaissance
Figure 135 : D’une matière figée à un rêve
Figure 136 : Entre fragmentation et imagination
Figure 138 : Rapport forme et fonction
Figure 137 : La ruine entre passé et avenir
Figure 139 : Interaction lumière / matière
Figure 140 : Pierre Soulages, Peinture 202 x 202 cm, 2013
115
II.Brèche lumineuse
“Même une pièce qui doit être obscure a besoin au moins d’une petite fente pour qu’on se rende compte de son obscurité.” -Louis KAHN, silence et lumière, 1970-
Ce cube noir, cet aspect massif de la matière prend soudainement sens, une lueur lorsque la lumière le traverse à travers la brèche. La matière ainsi se met à nous parler. La lumière laisse une trace, une réverbération linéaire. Elle nous dévoile la matière ou peut-être qu’elle devient ellemême une matière, immatérielle. La lumière qui engloutit cet espace sombre est diffractée. On a l’impression que la lumière se faufile dans l’espace. Une lumière libératrice, révélatrice. Elle embrase et embrasse la matière pour lui donner sens.
116
Figure 141 : Brèche lumineuse, Expérimentation personnelle
La lumière diffuse, à travers une entaille, et traverse plusieurs parois. Son reflet , sa nuance, sa carnation changent d’un matériau à un autre. La lumière prend ainsi l'aspect d'une texture lumineuse à la fois matérielle et immatérielle. Les parois prennent des aspects variés. Elles peuvent être diaphanes, transparentes, opaques, réfractaires ou réfléchissantes, et selon cet aspect, la lumière luit, se filtre, se fait absorber et se réfléchit. Elle se disperse, se fragmente et transperce. Elle transforme la surface des parois en un jeu de contraste, elles deviennent à la fois clair et obscur. La matière se transforme et prend sens. Elle passe d’une matière inanimée à une matière dynamique et changeante. Le jeu d’ombre et de lumière transforme l’espace en une pièce de théâtre ou même une oeuvre littéraire. Ce jeu de clair-obscur émerveille la matière et la détache de sa massivité, sa solidité ou même sa légèreté. La matière est ainsi transcendée vers l'immatériel.
117
Vers une renaissance
III.À la quête d'une résonance lumineuse III.1.Concepts formels L'enveloppe
est
le
premier
élément
signalétique dans un projet architectural. Elle se présente comme le premier vis à vis de la forme architecturale visible. C’est ce que l’on perçoit en premier dans un bâtiment. C’est une enveloppe entre l’intérieur et l’extérieur, entre le privé et le public. Elle est une “matière” protectrice tantôt couvrante tantôt dévoilante de ce qui se situe à l’intérieur de l’édifice. C’est une interface qui cache un secret invisible. A travers cette matière, on peut ressentir la poétique du lieu qu’elle abrite, surtout quand celle-ci est caractérisée par une certaine perméabilité entre les deux milieux. L'enveloppe principale de la STD, bien qu'elle soit perforée, se présente comme une simple surface qui emprisonne une histoire et une lumière dans son épaisseur. Nous la percevons comme une matière lourde, imposante, obscure, figée et en rupture avec les perpétuels changements de la ville. Nous allons donc essayer de "creuser", de lui redonner sens et de lui attribuer un aspect poétique propre à sa matière afin de ressortir sa lumière du dedans et la faire rejaillir de l'obscurité.
118
Vers une renaissance
III.1.1.D’une surface à une profondeur perçue
Qu’elles soient identiques ou non, la succession des parois espacées les unes des autres permet de ressentir une sensation d’épaisseur
et
de
profondeur
dans
l'enveloppe. Elle passe d’une simple surface plane à une sculpture tridimentionnelle. L’idée de cette stratification des parois conduit à s’interroger sur la relation entre elles et le contexte du bâtiment. Une lecture de l’espace s’établit à travers l'enveloppe,
Figure 142 : Epaisseur de l'enveloppe en maquette
et le contemplateur se trouve face à son imagination devant cette profondeur qui l’amène à deviner les différents élèments qui composent l’espace. Dans notre cas, on va opter pour le principe de la boîte dans la boîte. La superposition de plans symbolisera la séparation des strates historiques. La paroi ancienne est épaissie par l'addition de textures nouvelles
Figure 143 : Stratification des parois
et va se métamorphoser. En effet, une enveloppe contemporaine va se présenter comme étant l’extérieur d’un espace ancien qui lui aussi devient l’extérieur d’un espace intérieur contemporain. Et donc le fait “d’entrer dans un espace pour se retrouver à l’extérieur du suivant, donne la possibilité d’une perception consciente de l’espace”. 77
Figure 144 : Principe de la boîte dans la boîte
77. Osxald Mathias Ungers
119
Vers une renaissance a- Tissage entre passé et présent
A l’encontre de l’aspect massif du béton, la partie extérieure de notre intervention marquera notre époque, en ayant recours à des écrans perforés. Une double peau va être constiuée pour former un espace intermédiaire, interstitiel, un entre-deux temporel entre le nouveau et l’ancien, le présent et le passé. Une enveloppe épaisse
Figure 145 : L'enveloppe entre l'ancien et le nouveau
qui permet d’admirer simultanément les traces d’un temps passé (façade conservée) et l’intervention d’un temps présent (façade créée) qui s’appuie sur la structure du déjàlà, de l’existant. Cette paroi nous laisse tantôt entrevoir l’écran du temps passé tantôt le cacher et le mystifier. Cette stratification de parois offre une dimension temporelle au projet architectural qui met en relation deux vies visibles du bâtiment. Quand l’une se dévoile, l’autre se cache, et l’ensemble se distingue. Le contraste entre les matériaux et la différenciation du nouveau et de l’ancien distingueront les deux époques de la vie du bâtiment, créant ainsi des strates historiques, un palimpseste.
Figure 146 : Tissage entre le nouveau et l'ancien
120
Vers une renaissance b- Introduire de la légèreté dans la
massivité Tandis que l'enveloppe existante garde un aspect massif et solide à travers le béton, les interfaces en saillie sont dotées d’un caractère léger, imprécis, évanescent, tantôt transparent tantôt opalescent. Il s’établit alors une confrontation subtile entre la massivité intrinsèque du béton et la légèreté recherchée des nouvelles enveloppes.
Figure 147 : Une enveloppe dynamique
Le bâtiment dégage ainsi une présence matérielle grâce à ses murs en béton, mais aussi une présence immatérielle, éphémère. En effet, la lourdeur du monde matériel s’atténue et s’élève vers la légèreté du monde immatériel. Cette stratification des couches procure une vibration et une dynamique à la lumière singulière, à l’image des oeuvres de Soulages. En effet, comme l’artiste révèle les effets de matière de ses monochromes par
Figure 148 : Interfaces en saillie
une lumière rasante, les brèches lumineuses effectuées dans les parois et le toit viennent créer une certaine fluidité dans le bâtiment. Lorsque la matière est transpercée par la lumière, elle apparaît sous un aspect transcendantal. La lourdeur acquiert plus de légèreté ce qui offre à l’espace une magie et une évocation au silence dans la dialectique des différentes matières avec la lumière.
Figure 149 : Vibration lumineuse
121
Vers une renaissance
Exemple : Sarphatistraat - Steven Holl Dans ce contexte, Steven Holl a travaillé sur la succession de plusieurs couches de matériaux perforés ( bois et tôles d’acier ) dans le projet de bureaux Sarphatistraat à Amsterdam en 2000. Les parois superposées donnent de la profondeur à la façade. Elles apparaissent comme une éponge absorbante des composantes techniques nécessaires pour le fonctionnement et l’animation du bâtiment, à savoir l’éclairage et la ventilation. De ce fait, la porosité et son effet de profondeur permettent de garantir une certaine lisibilité du bâtiment tout en lui octroyant un aspect poétique propre à sa matière.
Figure 150 : Sarphatistraat, Steven Holl
122
Vers une renaissance
III.1.2.Matière poreuse soustraire la matière
:
Percer,
Les percements et les interstices semblent donner une porosité à la matière et laissent lire la double épaisseur des parois. Cet interstice est une fente dans la matière, où la lumière s’en empare et s’approprie sa force pour exister. La lumière ainsi guettée, l’ambiance intérieure change d’un instant à un autre. La matière devient donc un espace de transition atmosphérique, sa
Figure 151 : Matière poreuse
perception varie selon les déplacements de l’observateur, la lumière et le temps. La matière est superposée ou soustraite et le noir prend vie par la lumière et ses reflets. Un travail de soustraction et d’addition de la matière est effectué pour faire renaître le bâtiment, le sortir de son obscurité et l’élever vers la lumière. Grâce à cette soustraction de la matière, un jeu entre la densité et la légèreté et un
Figure 152 : Alternation entre l'addition et la soustraction
tissage entre le plein et le vide s'établit. Le bâtiment poreux devient un photophore la nuit et un lieu illuminé par les constellations étincelantes pendant la journée.
Figure 153 : Entre légèreté et densité
123
Vers une renaissance
a- Epaisseur de la lumière
La lumière contribue à la découverte et l’appréhension de l’architecture. Elle permet de définir les espaces, de délimiter les volumes à travers l’ombre qu’elle génère. En contact avec la lumière, la surface devient tangible : un jeu de confrontations, une épaisseur est créée... La lumière détient ainsi le rôle de révélatrice de l’épaisseur.
Figure 154 : Epaisseur de la lumière en maquette
Exemple : Mucem - Rudy Ricciotti Dans son projet MUCEM, Rudy Ricciotti a conçu une œuvre plastique. La trame ajourée dans la façade laisse passer la lumière et génère un espace transitionnel, un entre deux où le visiteur peut se promener. La façade, une peau visuelle basée sur les jeux de plein et de vide, établit une relation étroite avec la lumière. Cette dernière lui confère une épaisseur et une dimension matérielle à travers l’alternance d’ombres et de lumières. L’espace devient
Figure 155 : L'entre-deux du Mucem - Rudy Ricciotti
ainsi en perpétuel mouvement et nous emporte dans le temps.
Figure 156 : Intérieur Mucem de Rudy Ricciotti
124
Vers une renaissance
b- De la matérialité à l’évanescence
La matérialité de la façade est perçue grâce à la répétition d’un même élément. La lumière réfléchie vient la dématérialiser tout en lui offrant une nouvelle perception. Le regard est attiré sur une perspective infinie qui s’estompe et s’évanouit avec les reflets de la lumière. La lecture du bâtiment solide devient ainsi superflue où l'illusion et la virtualité s'attaquent à la réalité pour allléger le caractère imposant du bâtiment. Figure 157 : Une lumière qui dématérialise la matière
Exemple : Fondation Cartier - Jean Nouvel Cette lumière qui rejaillit de l’architecture est un prélude de la renaissance, le reflet produit par la lumière permet d’appréhender autrement l’architecture. Il devient la matière propre à l’architecture qui nous renvoie au négatif de ce que nous apercevons. Un sentiment d’irréalité
Figure 158 : Fondation Cartier - Jean Nouvel
affleure et s’attaque à la réalité pour la déformer. En effet, la matérialité apparente de la façade s’amenuise pour laisser place à une immatérialité, une évanescence qui estompent les limites tangibles du bâtiment.
Figure 159 : Façade Fondation Cartier - Jean Nouvel
125
Vers une renaissance
III.2.Concepts fonctionnels III.2.1.La génèse du programme Notre intervention vise à redynamiser le site, le réincarner et le reconnecter avec le quartier pour en faire un lieu d’émulsion culturelle et sociale. Le nouveau programme prévu pour la STD doit lui assurer une certaine perpétualité et établir un équilibre entre son caractère à la fois authentique et innovant. Une brèche culturelle est un usage qui n'est pas statique et figé, en perpétuelle évolution, toujours à la quête de l’innovation. La nouvelle vie à venir s’apparente à celle de l’ancienne, où la STD était un lieu de diffusion du savoir. En accueillant à nouveau une activité qui se rapporte à sa fonction première, cette ancienne ruine industrielle retrouvera sa puissance, son âme et sa mémoire oubliée avec le temps seront réincarnées. Ainsi, la STD passera d'un bâtiment clos et hermétique à un bâtiment dynamique à la fois contenu et contenant.
III.2.2.Etude référentielle ( contextuelle et fonctionnelle ) : Bibliothèque LocHal à Tilburg • Introduction Le LocHal est un ancien hall de locomotives conçu en 1932. Ce bâtiment a été délaissé pendant plusieurs années puis transformé en une bibliothèque en 2019 par le groupe d'architectes CIVIC. Cette bibliothèque est devenue le coeur battant de la ville ; elle
Figure 160 : Hall de locomotive
renferme un lieu de rencontre public, un espace d'apprentissage et de culture ainsi que des espaces d'exposition.
Figure 161 : Bibliothèque LocHal
126
Vers une renaissance
• Organisation fonctionnelle
Figure 162 : LocHal Library
Une rue intérieure Un axe qui traverse l'intérieur du bâtiment où les livres sont exposés et archivés.
Figure 163 : LocHal Library
Un escalier paysage Un
escalier
polyvalent
:
circulation, lecture, travail, et également espace de spectacle.
Figure 164 : LocHal Library
Des séparations en textile Le textile étant l'identité de la ville de Tilburg, les architectes ont conçu des parois en textile mobiles pour la séparation de
Figure 165 : Organigramme fonctionnel
quelques espaces.
127
Vers une renaissance
III.2.3.Organisation fonctionnelle Les espaces sont hiérarchisés selon les ambiances lumineuses. En effet, la fonction est résultante de la lumière ce qui va créer une stratification lumineuse même à l'intérieur du bâtiment. Les fonctions vont être réparties en deux entités principales : durable ( tels que la bibliothèque, la médiathèque... ) et éphémère ( expostion, projection ... ). Ainsi, un dynamisme intérieur est suscité et le bâtiment devient à la fois exposé et exposant du
Espace d'exposition
permanente
savoir.
Café culturel
temporaire Librairie Espace de travail collectif
Bibliothèque Espace de lecture
Médiathèque
Espace de projection
Figure 166 : Organisation fonctionnelle
128
Espace de travail individuel
Vers une renaissance
III.2.4.Intentions • L'axe central est une rue intérieure traversante : ancrer encore plus le bâtiment dans son site et réconcilier entre les deux quartiers ainsi que faire appel à la mémoire collective d’un temps passé.
Intégrer le bâtiment dans la dynamique de la ville
• Diversité dans l'unité : hiérarchie des espaces selon les ambiances lumineuses: espace transitoire avec une lumière zénithale filtrée situé entre deux rives. • Des percements ont été réalisés au niveau du plancher afin d’apporter plus
Hiérarchie des espaces en fonction de la lumière
de lumière dans le rez de chaussée. En effet, grâce à la lumière, la matière gagne en légèreté. La relation entre le rez de chaussée et l'étage est assurée par une continuité et une liaison visuelle entre les espaces par le biais de parois amovibles avec différentes textures créant ainsi un certain dynamisme qui en contact avec les jeux d’ombre et de lumière de l’enveloppe perforée amèneront à des ambiances différentes : la lumière est tantôt pénétrée, tantôt filtrée ou même
Relation : intérieur / extérieur Relation RDC / étage Vu / chaché Dévoilé / voilé
retenue selon les fonctions. • Dispositifs
légers,
"flottants"
et
Séparations
éphémères mettant en valeur le caractère
légères, mobiles
évanescent et non éternel des choses qui
pour
est le caractère de la ruine.
la fluidité des
assurer
espaces.
129
III.3.Schématisation de la génèse du projet Etat actuel - Surface obscure - Matière lourde
D'une surface à une épaisseur - Accentuer les "textures", "interfaces" en ajoutant des strates (matérielles,
Créer une interface "immatérielle"
immatérielles) - Stimuler l'imagination et accéder au monde imaginaire
Stratification (matérielle et immatérielle)
Tissage des interfaces - Jouer sur la stratification extérieure et intérieure. - L'ancienne enveloppe de la STD est "épaissie". Ouverture / Porosité Inversion : Soustraction / Addition Sombre / Lumineux
Figure 167 : Schématisation de la génèse du projet
130
Percer, soustraire la matière - Alléger la matière - Epaisseur de la lumière - Créer une "chorégraphie" lumineuse - Créer un dynamisme intérieur et extérieur. La matière renaît et revit.
Conclusion
Une nouvelle histoire s’écrit et tisse des relations et des porosités entre intérieur et extérieur. Un tissage urbain, un tissage historique, un tissage entre l’ancien et le nouveau, le passé et le futur, un tissage entre lumière et matière, un tissage avec les usagers et les nouvelles activités mais également tissage entre les différentes interfaces des enveloppes. Un tissage à la fois matériel et immatériel qui serait mis en évidence par des interfaces visibles et invisibles. Des interfaces faites de lumière et de matière qui permettent l’hiérarchisation des espaces aussitôt à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Figure 168 : Schématisation du tissage
131
Vers une renaissance
IV.Le projet IV.1.Les éléments graphiques Boulevard 20 Mars
e Ru
Ibn
z ata o M
• PLAN MASSE
• VUE EN PERSPECTIVE
132
• PLAN REZ DE CHAUSSEE
• PLAN NIVEAU 5.4
• PLAN NIVEAU 6.63
133
Vers une renaissance
• FACADE NORD
• SECTION - FACADE SUD
• COUPE LONGITUDINALE A-A
• COUPE TRANSVERSALE B-B
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Vers une renaissance
IV.2.Les ambiances intérieures
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Vers une renaissance
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Vers une renaissance
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Vers une renaissance
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Conclusion générale La ruine, considérée comme le paroxysme de la poésie architecturale, appartient à un temps passé et achevé où toute vie s'en est retirée. Cependant, lorsque nous l'attachons à un objet appartenant au futur, elle se dévoile provenir d’une temporalité immensurable. Elle se prolonge dans une éternité lente. La puissance et la richesse de la ruine réside dans sa capacité à interpeller l’homme sur l’importance des objets urbains qui l’entourent et surtout leur durabilité. Appartiennentil au temps présent figé ? Ou à l’éternité ? Lorsque le sujet de transformation se pose, les ruines semblent appartenir aux deux. Elles se positionnent dans un entre-deux ; celui de ce qui a pu subsister jusqu’à l’instant présent et celui de ce qui sera dans l’avenir. La notion de réincarnation émerge donc pour retrouver l’âme du lieu, sa lumière enfouie et le réinsérer dans son environnement. Ainsi, d’ombre.et de lumière, de culture et de savoir, la flamme se rallume, la STD s’anime à nouveau et son âme se réincarne.
Au.commencement, était.la.ruine.
148
149
Table des matières Remerciements ��������������������������������������������������������������������������������������� 5 Sommaire ������������������������������������������������������������������������������������������������ 6 Introduction ��������������������������������������������������������������������������������������������� 8 Problématique �������������������������������������������������������������������������������������� 10 Méthodologie �������������������������������������������������������������������������������������� 12 CHAPITRE 1 : RUINE, TRACE DU PASSE �������������������� 14 Introduction ������������������������������������������������������������������������������������������� 16 I.L’esprit des ruines : à la recherche d’une substantialité �������������������� 18 I.1.Un hors-lieu : une valeur esthétique ������������������������������������������������������������������18 I.2.Un hors-temps : une valeur temporelle ������������������������������������������������������������20 II.La poétique des ruines ���������������������������������������������������������������������� 22 II.1.Un entre-deux : Matière et fragment, un lieu à imaginer ���������������������22 II.2.Une expérience du sublime ����������������������������������������������������������������������25 II.3.La ruine : espoir d’une vie �������������������������������������������������������������������������25 III.Le devenir de la ruine ����������������������������������������������������������������������� 26 III.1.La ruine, une expérience de potentiels ���������������������������������������������������26 III.2.L’existant comme source d’inspiration : investir dans les ruines ����������26 Conclusion �������������������������������������������������������������������������������������������� 29 CHAPITRE 2 : LA FRICHE, UNE RUINE MODERNE ���������� 30 Introduction ������������������������������������������������������������������������������������������� 32 PARTIE 1 : UN LIEU ENTRE MEMOIRE ET ESPOIR ����������������������������� 34 Introduction ������������������������������������������������������������������������������������������� 34 I.La friche : vers une expérience mentale �������������������������������������������� 36 I.1.Une mémoire engrammée �������������������������������������������������������������������������36 I.2.Entre mémoire et imagination �������������������������������������������������������������������37 II.La dynamique d’évolution d’une friche ���������������������������������������������� 38 II.1.Vers une définition d’une friche industrielle : ������������������������������������������38 II.2.La friche : un point mort, l’impensé de la ville ����������������������������������������39
150
II.2.1.Des rides de la ville ��������������������������������������������������������������������������������������������������40 II.2.2.Le temps (dé)structurant �����������������������������������������������������������������������������������������41
II.3.L’avant friche : histoire d’un bâtiment, d’une vie ������������������������������������42 II.4.L’après friche : vers une renaissance ���������������������������������������������������������42 II.4.1.La réincarnation comme alternative à l’abandon ������������������������������������������������42 II.4.2.La réincarnation comme acte de création ������������������������������������������������������������44 II.4.3.Interdépendance entre l’ancien et le nouveau �����������������������������������������������������45
PARTIE 2 : LA STD : ENTRE LECTURE ET REECRITURE ���������������������� 46 Introduction : Il était une fois... la STD ������������������������������������������������� 47 I.Un regard “sur” la STD d’aujourd’hui : les reliques du passé ������������� 48 I.1.Lecture “macro” du cadre urbain �������������������������������������������������������������48 I.1.1.Localisation : Bab Saadoun, un point nodal �����������������������������������������������������������48 I.1.2.Circulation et voiries ��������������������������������������������������������������������������������������������������49 I.1.3.Repères �����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������49 I.1.4.Densité urbaine ��������������������������������������������������������������������������������������������������������50 I.1.5.Flux et sonorité ���������������������������������������������������������������������������������������������������������50 I.1.6.Synthèse ��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������51
I.2.Lecture “micro” du bâti ������������������������������������������������������������������������������52 I.2.1.Implantation ��������������������������������������������������������������������������������������������������������������52 I.2.2.Composition de l’enveloppe ������������������������������������������������������������������������������������53 Façade Nord �����������������������������������������������������������������������������������������������������������������������53 Façade Sud ��������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������54 Façade Ouest ���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������55 I.2.3.Composition du plan ������������������������������������������������������������������������������������������������56 I.2.4.Système structurel �����������������������������������������������������������������������������������������������������57 I.2.5.Silence et lumière �����������������������������������������������������������������������������������������������������58
I.3.Synthèse de la lecture de la STD ����������������������������������������������������������������60 Entre rupture et latence ���������������������������������������������������������������������������������������������������60 Entre inertie et dynamisme ���������������������������������������������������������������������������������������������61
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II.Un regard “dans” la STD d’autrefois : retour aux sources ���������������� 62 II.1.La période post-indépendance : une époque prospère 1956-1970 ������62 II.2.La société tunisienne de diffusion ‘STD’ : la naissance d’un bâtiment 66 III.Un regard “vers” la STD du futur : à l’aube d’une renaissance ������� 67 Conclusion �������������������������������������������������������������������������������������������� 68 SYNTHESE �������������������������������������������������������������������������������������������� 69 CHAPITRE 3 : ELOGE DE L’IM-MATIERE : LUMIERE, MATIERE REVELATRICES ����������������������� 70 PARTIE 1 : INTERDEPENDANCE LUMIERE / MATIERE ����������������������� 72 Introduction ������������������������������������������������������������������������������������������� 72 I.La lumière ������������������������������������������������������������������������������������������� 74 I.1.Définitions ���������������������������������������������������������������������������������������������������75 I.2.La lumière: matière scientifique ����������������������������������������������������������������76 I.3.La lumière: matière immatérielle ���������������������������������������������������������������77 I.4.La lumière: matière architecturale ������������������������������������������������������������78 II.La matière ������������������������������������������������������������������������������������������� 81 II.1.Comportement de la lumière sur la matière �������������������������������������������81 II.2.La lumière et les matières opaques ���������������������������������������������������������83 II.2.1.La matière opaque comme vecteur d’intensité ���������������������������������������������������83
II.3.La lumière et les matières translucides et transparentes ����������������������86 II.3.1.La transmission comme vecteur de légèreté ��������������������������������������������������������86 II.3.2.La réflexion comme vecteur d’illusion ������������������������������������������������������������������87
Conclusion �������������������������������������������������������������������������������������������� 89 PARTIE 2 : QUAND LA LUMIERE JAILLIT DU NOIR ���������������������������� 90 Introduction ������������������������������������������������������������������������������������������� 90 I.A l’aube d’une carrière d’un peintre �������������������������������������������������� 92 I.1.Enfance... Un talent qui émerge ����������������������������������������������������������������92 I.2.Le brou de noix... vers une ascendance de la matière ����������������������������93 II.L’Outrenoir : à la quête de la lumière ����������������������������������������������� 94 II.1.Une méthode de travail insolite ���������������������������������������������������������������96 II.2.Inversement des valeurs : Quand la lumière devient matière ���������������98
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II.3.Rapport œuvre – peintre / œuvre – spectateur ���������������������������������� 102 II.3.1.Suivre son instinct �������������������������������������������������������������������������������������������������102 II.3.2.Rapport oeuvre - spectateur ���������������������������������������������������������������������������������103
III.Les vitraux de l’abbatiale de Conques ������������������������������������������ 106 Conclusion ������������������������������������������������������������������������������������������ 108 CHAPITRE 4 : VERS UNE RENAISSANCE ����������������� 110 I.Vers une conceptualisation �������������������������������������������������������������� 113 I.1.Démarche conceptuelle ��������������������������������������������������������������������������� 113 I.2.Concepts retenus ������������������������������������������������������������������������������������� 114 II.Brèche lumineuse ����������������������������������������������������������������������������� 116 III.A la quête d'une résonance lumineuse ������������������������������������������ 118 III.1.Concepts formels ������������������������������������������������������������������������������������ 118 III.1.1.D’une surface à une profondeur perçue ������������������������������������������������������������119 a- Tissage entre passé et présent ������������������������������������������������������������������������������120 b- Introduire de la légèreté dans la massivité ���������������������������������������������������������121 III.1.2.Matière poreuse : Percer, soustraire la matière ������������������������������������������������123 a- Epaisseur de la lumière �������������������������������������������������������������� 124 a- De la matérialité à l'évanescence �������������������������������������������������� 125
III.2.Concepts fonctionnels ��������������������������������������������������������������������������� 126 III.2.1.La génèse du programme ������������������������������������������������������������������������������������126 III.2.2.Etude référentielle ( contextuelle et fonctionnelle ) : Bibliothèque LocHal à Tilburg ������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������126 III.2.3.Organisation fonctionnelle ����������������������������������������������������������������������������������128 III.2.4.Intentions �������������������������������������������������������������������������������������������������������������129
III.3.Schématisation de la démarche conceptuelle ������������������������������������ 130 Conclusion ������������������������������������������������������������������������������������������ 131 IV.Le projet ������������������������������������������������������������������������������������������ 132 Conclusion générale ��������������������������������������������������������������������������� 148
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Table des figures Figure 1 : La STD, délaissée... , Photo personnelle 9 Figure 2 : Schématisation des mots-clés , Schéma personnel 11 Figure 3 : Un guide de lecture , Schéma personnel 13 Figure 4 : A l’aube d’une fin , Schéma personnel 16 Figure 5 : Usine abandonnée , Source : pixabay.com 19 Figure 6 : D’une matière figée à un rêve , Schéma personnel 20 Figure 7 : Eglise abandonnée au Canada , Source : Google images 21 Figure 8 : Peinture digitale Yuri Shwedoff , Source : bewaremag.com 21 Figure 9 : La ruine entre passé et avenir , Schéma personnel 21 Figure 10 : Entre fragmentation et imagination , Modification personnelle 22 Figure 11 : La ruine entre présence et absence , Schéma personnel 23 Figure 12 : D’une réalité à un rêve , Schéma personnel 24 Figure 13 : Une vie à la STD , Photo personnelle 25 Figure 14 : Du visible à l’invisible , Schéma personnel 26 Figure 15 : Installation de Seon Ghi Bahk , Source : pinterest.com 27 Figure 16 : Installation de Seon Ghi Bahk , Source : pinterest.com 27 Figure 17 : Tag à la STD , Photo personnelle 28 Figure 18 : Tag dans une ruine à Berlin , Source : benjaminbloyet.blogspot.com 28 Figure 19 : Relation entre ruine et mémoire , Schéma personnel 36 Figure 20 : Ruine entre mémoire et imagination , Schéma personnel 37 Figure 21 : Vers une expérience mentale , Schéma personnel 38 Figure 22 : Usine Sulzer Incarpediem, Berlin , Source : google images 39 Figure 23 : Portraits Wrinkles of the City , Source : .editionsalternatives.com 40 Figure 24 : Claustra dégradé de la STD , Photo personnelle 41 Figure 25 : Centrale électrique désaffectée, Kopernicker Strasse , Source : Google images 41 Figure 26 : Panorama sur les usines sidérurgiques Carnegie à Youngstown dans l’Ohio,en 1910. Source : pinterest.com 42 Figure 27 : LocHal Library, Pays Bas, hall de locomotives transformé en bibliothèque , Source : dezeen.com 43 Figure 28 : Centre historique minier reconverti en musée , Source : alamy.com 44 Figure 29 : Shoreham Street / Project Orange , Source : archdaily.com 44 Figure 30 : Rapport forme et fonction , Schéma personnel 45 Figure 40 : Localisation de Bab Saadoun , Schéma personnel 48 Figure 41 : Gare routière Nord , Source : google images 49 Figure 42 : Station de bus , Source : google images 49 Figure 43 : Circulation et voiries , Schéma personnel 49 Figure 44 : Bab Saadoun , Source : google images 49 Figure 46 : Ministère de santé , Source : google images 49 Figure 45 : Bibliothèque nationale , Source : google images 49 Figure 47 : Les hôpitaux , Source : google images 49 Figure 48 : Points de repères , Schéma personnel 49
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Figure 49 : Les équipements , Schéma personnel 50 Figure 50 : Multitude d'usagers , Schéma personnel 50 Figure 51 : Flux et sonorité , Schéma personnel 50 Figure 52 : Une dynamique à Bab Saadoun , Schéma personnel 51 Figure 53 : Implantation de la STD , Schéma personnel 52 Figure 54 : Accès de la STD , Schéma personnel 52 Figure 55 : Photos des accès de la STD , Photos personnelles 52 Figure 56 : Photos des différentes façades , Photos personnelles 53 Figure 57 : Façade Nord , Schéma personnel 53 Figure 58 : Elément modulaire composant la façade Nord , Schéma personnel 54 Figure 59 : Photo du marquage de l’entrée , Schéma personnel 54 Figure 60 : Façade Sud , Schéma personnel 54 Figure 61 : Photos montrant le détail des brises soleils , Photos personnelles 55 Figure 62 : vue 3D montrant les brises soleils , Schéma personnel 55 Figure 63 : Coupe détail mur de soutènement , Schéma personnel 55 Figure 64 : Photo mur de soutènement , Photo personnelle 55 Figure 65 : Façade Ouest , Schéma personnel 55 Figure 66 : Détails claustra , Photo personnelle 55 Figure 67 : puit de lumière , Photo personnelle 55 Figure 68 : Analyse du plan RDC , Schéma personnel 56 Figure 69 : Analyse du plan de l’étage , Schéma personnel 56 Figure 70 : Photos intérieures de la STD , Photos personnelles 56 Figure 71 : Axonométrie éclatée de la STD , Schéma personnel 57 Figure 72 : Détail de la double peau , Schéma personnel 57 Figure 73 : Photo à l'étage de la STD , Photo personnelle 58 Figure 74 : Photo au RDC de la STD , Photo personnelle 58 Figure 75 : Le silence de la STD, entre cri et sérénité , Schéma personnel 59 Figure 76 : Photos montrant la luminosité de l’étage , Photos personnelles 60 Figure 77 : Coupe montrant la rupture , Schéma personnel 60 Figure 78 : Photos montrant l’obscurité du RDC , Photos personnelles 60 Figure 79 : Une inertie face à une dynamique , Schéma personnel 61 Figure 80 : Le mouvement de la ville par rapport à la STD , Photos personnelles 61 Figure 81 : Photo de Bourguiba lors de l'indépendance , Source : alnas.fr 62 Figure 82 : Proclamation de la république tunisienne , Source : babnet.net 62 Figure 83 : Une visite de Bourguiba à l'école Sayada , Source : .wikipedia.org 63 Figure 84 : Photo de Bourguiba dans une salle de classe , Source : tunivisions.net 63 Figure 85 : Photo de Bourguiba donnant un cours , Source : webdo.tn 63 Figure 86 : Evolution de l’architecture de la reconstruction à la postindépendance , Schéma personnel 64 Figure 87 : Immeuble des assurances STAR , Source : leaders.com 65 Figure 88 : Faculté des lettres 9 Avril - Tunis , Source : www.webdo.tn 65
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Figure 89 : La maison du Parti Socialiste Destourien , Source : ideomagazine.com 65 Figure 90 : La société Tunisienne de diffusion , Photo personnelle 65 Figure 91 : La STD, aujourd’hui... , Photo personnelle 66 Figure 92 : Enracinement et élèvation vers la lumière , Schéma personnel 67 Figure 93 : Révèlation de la lumière, engrammée , Schéma personnel 69 Figure 94 : Une lumière jaillissante , Source : home-and-garden.livejournal.com 74 Figure 95 : Saisir l'insaisissable , Source : pinterest.com 74 Figure 96 : Une lumière naturelle indomptable , Source : manegehitland.nl 76 Figure 97 : Concept de l’allégorie de la caverne de platon , Schéma personnel 77 Figure 98 : Le siècle des Lumières, siècle de contestations , Source : maxicours.com 77 Figure 99 : Une lumière révélatrice , Source : tumblr.com 78 Figure 100 : Basilique Saint Denis, Suger, Paris, XIè siècle , Source : patrimoine-histoire.fr 79 Figure 101 : Le temple de la Lumière, Tadao Ando , Source : archdaily.com 80 Figure 102 : Interaction lumière / matière , Schéma personnel 81 Figure 103 : La matière entre ombre et lumière , Expérimentation personelle 82 Figure 104 : Koshino House, Tadao Ando, Le mur incurvé , Source : Pinterest.fr 83 Figure 105 : Couloir Koshino House, Tadao Ando , Source : mine.artstation.com 84 Figure 106 : Couloir Koshino House, Tadao Ando , Source: fashion-landscape.com 84 Figure 107 : Musée de Berlin, Mies Van Der Rohe , Source : atlasofplaces.com 84 Figure 108 : Tadao Ando, la matière à l’état brut comme vecteur d’intensité Source : vwartclub.com 85 Figure 109 : Maison Hermès, Tokyo, Renzo Piano , Source : www.archiscene.net 86 Figure 110 : Centre d’Art Kunsthaus, Autriche, Peter Zumthor , Source : www.inexhibit.coma 87 Figure 111 : Pavillon de Barcelone, Mies Van Der Rohe , Source : miesbcn.com 88 Figure 112 : Interdépendance lumière et matière , Source : nicholascope.com 89 Figure 113 : Peinture 1200x900 cm, Pierre Soulages , Source : kazoart.com 90 Figure 114 : Les arbres de Soulages, un tropisme vers la lumière , Source : Google images 92 Figure 115 : Peinture Brou de Noix sur papier 1200x916, 1948 , Source : Pinterest.fr 93 Figure 116 : Peinture Brou de noix 109 x 74 cm, 1977 , Source : Pinterest.fr 93 Figure 117 : Peinture Brou de noix sur papier (1948) , Source : Pinterest.fr 93 Figure 118 : Schéma d’ascendance spirituelle de la matière , Schéma personnel 93 Figure 119 : Peinture 202x452 cm, 29 juin 1979, Diptyque, Huile sur toile , Source : pinterest.fr 94 Figure 120 : Peinture 300x235 cm, 9 juillet 2000 - Huile sur toile , Source : pinterest.com 97 Figure 121 : Le noir illuminateur du clair , Schéma personnel 98 Figure 122 : Peinture 181x244 cm, 2 mai 2011, Pierre Soulages , Source : pierre-soulages.com 99 Figure 123 : Pierre Soulages, Peinture 293 x 324, 26 octobre 1994 , Source : pierre-soulages.com 100 Figure 124 : Pierre Soulages, Peinture 202 x 202 cm, 13 septembre 2013 Source : pierre-soulages.com 100 Figure 125 : Pierre Soulages, Peinture 130 x 130, 6 mars 2012 Source : pierre-soulages.com 101 Figure 126 : Pierre Soulages, Peinture 324 x 362, 1985 , Source : pierre-soulages.com 101 Figure 127 : Trinité artiste-oeuvre-spectateur , Schéma personnel 102 Figure 128 : La lumière du noir , Source : swimminginthespace.wordpress.com 103
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Figure 129 : Le rapport entre l’oeuvre et le spectateur , Schéma personnel 1042 Figure 130 : Une lumière changeante, vibrante de Pierre Soulages , Source : pinterest.fr 105 Figure 131 : Les vitraux de l’abbatiale de Conques , Source : france.tv 106 Figure 132 : Les vitraux de l’abbatiale de Conques , Source : tumblr.com 107 Figure 133 : Exposition des tableaux de Pierre Soulages , Source : pinterest.fr 109 Figure 134 : Schématisation de la démarche conceptuelle , Schéma personnel 113 Figure 135 : D’une matière figée à un rêve , Schéma personnel 115 Figure 136 : Entre fragmentation et imagination , Modification personnelle 115 Figure 137 : La ruine entre passé et avenir , Schéma personnel 115 Figure 138 : Rapport forme et fonction , Schéma personnel 115 Figure 139 : Interaction lumière / matière , Schéma personnel 115 Figure 140 : Pierre Soulages, Peinture 202 x 202 cm, 2013 , Source : pierre-soulages.com 115 Figure 141 : Brèche lumineuse, Expérimentation personnelle 116 Figure 142 : Epaisseur de l'enveloppe en maquette , Expérimentation personnelle 119 Figure 143 : Stratification des parois , Schéma personnel 119 Figure 144 : Principe de la boîte dans la boîte , Schéma personnel 119 Figure 145 : L'enveloppe entre l'ancien et le nouveau , Expérimentation personnelle 120 Figure 146 : Tissage entre le nouveau et l'ancien , Schéma personnel 120 Figure 147 : Une enveloppe dynamique , Expérimentation personnelle 121 Figure 148 : Interfaces en saillie , Expérimentation personnelle 121 Figure 149 : Vibration lumineuse , Schéma personnel 121 Figure 150 : Sarphatistraat, Steven Holl , Source : archdaily.com 122 Figure 151 : Matière poreuse , Expérimentation personnelle 123 Figure 152 : Alternation entre l'addition et la soustraction , Schéma personnel 123 Figure 153 : Entre légèreté et densité , Expérimentation personnelle 123 Figure 154 : Epaisseur de la lumière en maquette , Expérimentation personnelle 124 Figure 155 : L'entre-deux du Mucem - Rudy Ricciotti , Soure : pinterest.fr 124 Figure 156 : Intérieur Mucem de Rudy Ricciotti , Source : muuuz.com 124 Figure 157 : Une lumière qui dématérialise la matière , Expérimentation personnelle 125 Figure 158 : Fondation Cartier - Jean Nouvel , Source : jeannouvel.com 125 Figure 159 : Façade Fondation Cartier - Jean Nouvel , Source : jeannouvel.com 125 Figure 160 : Hall de locomotive , Source : twitter.com 126 Figure 161 : Bibliothèque LocHal , Source : twitter.com 126 Figure 162 : LocHal Library , Source : archdaily.com 127 Figure 163 : LocHal Library , Source : archdaily.com 127 Figure 164 : LocHal Library , Source : archdaily.com 127 Figure 165 : Organigramme fonctionnel , Source : designboom.com modifié par l'auteur 127 Figure 166 : Organisation fonctionnelle , Schéma personnel 128 Figure 167 : Schématisation de la génèse du projet , Schéma personnel 130 Figure 168 : Schématisation du tissage , Schéma personnel 131
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Bibliographie et références OUVRAGES
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VIDEOS ET DOCUMENTAIRES - Friches industrielles : l'avenir de nos villes ? https://www.youtube.com/ watch?v=VGMyvAtRQVA - Conférence : Un bâtiment, combien de vies ? Rencontres architecturales https://www. youtube.com/watch?v=Z-z8nI2cLh0 -Soulages, le noir et la lumiere, de Jean-Noël Cristiani https://www.youtube.com/ watch?v=UE3AFZXjuek&t=1125s - Radio palettes – Pierre Soulages https://www.youtube.com/watch?v=WZSlB4WETXY -“Pierre Soulages: Outrenoir” by Barbara Anastacio : https://www.youtube.com/ watch?v=azb6K-R_q8M - Soulages, le noir est une couleur https://www.youtube.com/watch?v=q5TIFjlc5sI
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