EDITORIAL
Le prix du succès Editorial
Par Daouda Emile Ouedraogo La Belgique vient de vibrer au rythme de la récompense du meilleur joueur africain évoluant dans ce pays. Le Soulier d’Ebène, depuis près de vingt ans, récompense le meilleur joueur africain. Cette année, l’événement revêtait une connotation particulière au moment où se pays vit l’une de ses crises politiques. Mais là n’est pas l’objet du présent écrit. Le sport on le sait, déchaîne passion et engouement aux quatre coins de la planète. La coupe du monde est à quelques pas et, prendre la décision de récompenser le meilleur africain évoluant dans un championnat belge, dont la notoriété n’est pas à comparer avec celle du Calcio, en Italie ou de la Bundesliga, en Allemagne ou encore de la League One en Angleterre, peut s’avérer être un coup d’épée dans l’eau. Et, pourtant! Le Soulier d’Ebène, dans sa conception et son action, vise à promouvoir une Afrique qui gagne à travers sa jeunesse. Une jeunesse dont l’imagination et le courage de triompher de l’adversité liée à toute sorte d’action peut emmener le sport à être un facteur de paix et de développement en Afrique. A travers le continent, les footballeurs professionnels africains ont montré combien ils espèrent en la jeunesse africaine. Au Sénégal, ce sont des professionnels africains, aidés par leurs amis, footballeurs aussi, qui ont monté une école de footétude qui crée et façonne des champions (voir l’article sur Diambars à la page 32.). Au Burkina Faso, ce sont des jeunes joueurs professionnels burkinabé qui ont repris en main une école de formation de jeunes talents. C’est de cette école que sont sorties les crèmes du football burkinabé. En Côte d’Ivoire, au Togo, pour ne citer que ces pays, ce sont des professionnels africains évoluant partout dans le monde, qui stimulent et créent la passion de devenir meilleurs à leurs jeunes frères évoluant dans le domaine.
Le sport c’est la passion, le foot est une religion, suivez le regard et faites un tour au Brésil. Au vu de cette donne, récompenser le meilleur joueur africain évoluant dans le championnat belge, c’est susciter partout en Europe, un exemple pour créer des champions chaque année. C’est l’Afrique qui gagne. Car, ne dit pas que l’intelligence c’est la capacité pour une personne d’aller chercher chez l’autre ce qu’il ne connaît pas et de partager avec lui ce qu’il sait? Les professionnels africains apprennent des autres mais aussi, font apprendre les autres. On se rappelle les phases de dribles hors du commun du Nigérien Jay-Jay Okocha qui a été une révolution dans le football africain. Ce sont ces merveilles que le Soulier d’Ebène veut saluer en octroyant chaque année un prix au meilleur joueur africain ou d’origine africaine évoluant dans le championnat belge. C’est une constance et un défi lancé aux joueurs africains de se donner les moyens de remporter cette distinction. Car, c’est de là que la jeunesse, restée en Afrique, se dira qu’elle a des exemples à suivre, des modèles à incarner. C’est le prix du succès.
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SOMMAIRE FRIENDLY FOOT
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Boussoufa Le premier triple Soulier d’Ebène Par Kenza Garba
ACTUALITE
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Rapport du Crans Montana Forum L’Afrique après les G20 de Londres et Pittsburgh Propos recueillis par Kenza Garba
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Le Soleil Levant Action anti-discrimination à Charleroi Par Persyde Doowo
ECONOMIE
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Blanchiment d’argent La difficile lutte africaine Par Daouda Emile Ouedraogo
DIASPORA
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ZAZ aide les enfants africains Par Kenza Garba
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Moussem Club 2007 Les jeunes montrent l’art contemporain au Maroc Propos recueillis par Moussem et Kenza Garba
MAGHREB
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Hamida Ouassini Un dépassement heureux Propos recueillis par Kenza Garba
Directeur de publication:
Mensuel d’informations
Un regard positif sur l’Afrique
Cyrille Momote Kabange Rédacteur en chef: Daouda Emile Ouedraogo
MISSION STATEMENT
Editorialiste:
La direction du magazine Le Nouvel Afrique porte l’Afrique dans son cœur et est
Cyrille Momote Kabange
désireuse de rassembler dans ce mensuel d’informations des nouvelles positives
Comité rédactionnel:
sur l’Afrique. Le Nouvel Afrique se veut une porte d’entrée vers l’Afrique en offrant
Daouda Emile Ouédraogo, Kenza Garba, Persyde Doowo, Benjamin Tollet,
une information responsable et objective sur ce continent. Les sujets (politiques,
Alexandre Korbéogo, Jérôme Bigirimana, Youssef Maouchi
sociaux, économiques, sportifs et culturels) abordent des thèmes sensibles, tout
Photographie:
en conservant néanmoins, une perspective positive. Le sous-titre du Nouvel Afri-
Lola, Crans Montana Forum, Hamida Ouassini, Friendly Foot, Ronald et Maxime
que est ‘Un regard positif sur l’Afrique’.
Devaux (couverture et article Soulier d’Ebène), Leriette Desir Van Bergen, Jeff Attaway, Daouda Emile Ouédraogo, Diambars, Marc Hoogsteyns, Jean-Jacques
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Notre collaboration avec Monsieur Victor Olembo Lomami se termine à partir du 8
Mampaka, d_proffer, ADLP, Xavi Barcelona, Barbara Bervoets
mai 2010 et la direction le remercie pour l’aide fournie au lancement du mensuel
Photo couverture: Maxime Devaux
‘Le Nouvel Afrique’.
Layout: graphicalway@gmail.com
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SOCIETE
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Ces inventeurs venus d’Afrique Par Youcef Maouchi /www.unmondelibre.org
OPINION
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Dakar Sur les traces de la libération de l’Afrique Par Daouda Emile Ouedraogo
ENVIRONNEMENT
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Burundi Transformer les déchets en charbon pour préserver les forêts Par Jérôme Bigirimana
SPORT
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Coupe du monde 2010 Dans un mois, la fête commence Par Alexandre Korbéogo
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Ecole de foot du Sénégal Un vivier de champions au cœur de l’Afrique Par Daouda Emile Ouédraogo
CULTURE
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Terrakota les united colors de Lisbonne
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Par Benjamin Tollet
LIVRES / RD Congo LIVRES / Voyage à travers le fin fond du Congo Par Kenza Garba
ADMINISTRATION & PUBLICITE Direction Générale: Le LNA est une publication de l’asbl Friendly Foot www.friendlyfoot.be Directeur adjoint: Christel Kompany Président: Augustin Izeidi
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[crédits Roland et Maxime Devaux]
FRIENDLY FOOT Boussoufa, triple Soulier d’ébène © Maxime Devaux
Boussoufa Le premier triple Soulier d’Ebène Par Kenza Garba
Ce 3 mai dernier, le Marocain Mbark Boussoufa, déjà sacré en 2006 et 2009 lors du Soulier d’Ebène, est devenu le premier triple Soulier d’Ebène à l’issue du dix-neuvième référendum organisé par l’asbl African Culture Promotion (ACPRO), fondatrice des African Awards. Le trophée du Soulier d’Ebène était remis au vainqueur au cours d’une soirée gala dans l’hôtel bruxellois Conrad.
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Le trophée ‘Le Soulier d’Ebène’ récompense le meilleur joueur africain (ou d’origine africaine) évoluant en Belgique, au sein des trois divisions nationales. Le jury qui attribue le Soulier d’Ebène est composé du sélectionneur national, de l’ensemble des entraîneurs des trois divisions nationales, de membres des rédactions sportives du pays (écrites et audio-visuelles) et les membres d’un jury d’honneur présidé par Georges Heylens.
Le premier triple C’est la troisième fois en trois ans que le milieu offensif Mbark Boussoufa est désigné meilleur joueur de la saison en Jupiler Pro League. La star du jour a reçu le trophée des mains de Monsieur Léon Mukuna « Trouet », ancien footballeur congolais. Le lauréat 2010 n’a pas caché sa satisfaction. «C’est un grand honneur. C’est vraiment une belle récompense. C’est toujours positif de savoir que son travail est reconnu. L’année passée j’avais déjà le sentiment d’avoir franchi un cap, mais gagner une troisième fois ne faisait pas partie de mes préoccupations. Si je suis nominé une quatrième fois l’année prochaine, ce sera plutôt pour me placer dans le jury du Soulier d’Ebène que pour être vainqueur à nouveau», dit-t-il en rigolant. Une nouvelles fois gagnant, il devance aussi la révélation de l’année Lukaku et le buteur brugeois Dorge Kouemaha. Ibrahima Sidibé de Saint-Trond et Cheikhou Kouyaté d’Anderlecht se retrouvaient à la quatrième et la cinquième place.
Le stratège marocain Le 19ème soulier d’Ebène revient donc au stratège marocain d’Anderlecht, qui a devancé d’un point seulement son coéquipier et révélation de l’année Romelu Lukaku (185 voix contre 184). Boussoufa est le 5ème anderlechtois à avoir inscrit son nom au palmarès du soulier d’Ebène après Celestine Babayaro (1996), Aruna Dindane (2003), Vincent Kompany (2004 et 2005) et enfin Mémé Tchité (2007). Ce fût quand même la surprise du petit chef d’orchestre anderlechtois, qui avait désigné son coéquipier Romelu Lukaku comme favori, en pénétrant dans la grande salle des fêtes. «Les cinq nominés ont tous livré une très belle saison, mais Romelu a été au-dessus du lot selon moi», a-t-il en effet déclaré à cette occasion.
Lukaku, la révélation de l’année © Ronald Devaux
Lukaku étonné Lukaku, de sa part, n’y croyait pas dès le départ. «Si on m’avait dit en début de saison que je figurerais parmi les cinq nominés du Soulier d’Ebène 2010, je ne l’aurais jamais cru. Mbark est comme un grand frère pour moi, il l’a absolument mérité.» Mais son jeune âge, 17 ans le 13 mai, joue certes un rôle dans la distribution des votes. Boussoufa, auteur fier de 13 buts et de 20 assists cette saison en championnat, trouvait que Romelu avait pourtant livré une belle saison. «Lukaku a été au-dessus du lot, c’est indiscutable», poursuit-il. «Mais je félicite de grand cœur tous les nominés. C’était une année avec un niveau très élevé et nous avons tous les cinq montré notre talent pendant la saison. Il faut aussi dire qu’il y a beaucoup de sportifs africains qui jouaient bien et qui ne sont même
pas nominés. Et n’oublions pas qu’il y a maintenant dans tous les grands clubs des Marocains présents. Je vois que les joueurs du Maghreb ont évolué dans le football, même les tout petits joueurs. J’espère que cela va continuer et j’aimerais croire que j’ai ouvert la porte pour eux.»
Un vrai leader Mahamat Haroun, co-organisateur du Soulier d’Ebène, a conclu la soirée en qualifiant le lauréat anderlechtois «de vrai leader avec beaucoup de maturité». Nous avons observé des révélations autour de lui ce qui laisse bien augurer pour les années à venir. Boussoufa a réellement marqué l’histoire du Soulier d’Ebène avec son premier triple. C’est une première!»
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Le Soulier d’Ebène 2010
Les 5 nominés
Depuis 2007, les asbl Friendly Foot et ACPRO (African Culture Promotion) se sont unies dans l’incontournable rendez-vous annuel de la diaspora africaine belge. La soirée de gala Le Soulier d’Ebène récompense depuis 1990 le plus méritant et talentueux joueur d’origine africaine du championnat belge de football. La soirée mondaine prend place annuellement dans un hôtel bruxellois.
La remise de l’award s’inscrit dans les African Awards, une initiative des associations ACPRO et Friendly Foot. Les objectifs de ces dernières sont de promouvoir la culture africaine et ses talents sportifs, d’être une vitrine à la diaspora africaine, et, enfin, de faire écho aux valeurs d’égalité, de tolérance et de partage. Bien de grands noms de ce sport roi furent couronnés. Nous retrouvons des Ikpeba, Dagano, Dindane, Kompany, Tchité, Fellaini, Boussoufa et bien d’autres, qui nous ont fait vibrer tous les week-ends dans les grands stades de football en Belgique et ailleurs.
African Awards Cette soirée de gala compte également d’autres prix des African Awards. Parmi les trophées, nous trouvons les Dunia. Ceux-ci mettent à l’honneur des personnalités qui, par leurs activités, véhiculent une image positive et dynamique de la communauté africaine. Le prix du mérite à son tour récompense le joueur de football qui au cours de l’année se
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sera distingué par ses actions sociales et humanitaires.
Une association des deux associations C’est dans ce cadre que rentre l’asbl Friendly Foot. L’association veut joindre l’utile à l’agréable car pour elle le social a toute son importance. «C’est même notre leitmotif», nous dit Mahamat Haroun, vice-président de Friendly Foot. «Notre rencontre avec ACPRO fut enrichissante pour les deux asbl, tant sur le plan du travail, que du côté humain.» «Des liens se sont formés et au fil des années nos deux associations grandissent ensemble dans une même vision pour l’avenir», nous dit Augustin Izeidi, Président de Friendly Foot.
Historique «Notre premier pas dans cette collaboration fut la remise du prix du mérite 2007, qui
a sacré Mbo Mpenza et Yves Vanderhaeghe, qui tous les deux avaient répondu présents. Pour leur remettre leur prix, nous avions choisi aussi deux personnalités, et pas des moindres, notamment Pierre Kompany, échevin à Ganshoren, et Michel Verschueren, ex-manager du Sporting d’Anderlecht, qui eux aussi avaient répondu par l’affirmative. Pour nous, c‘était une réussite et une bouffée de motivation. Notre collaboration est née en 2008. Nous avons sacré Ahmed Hassan, dont le trophée fut remis par Robert Waseige. Suite à notre évolution, Moro Mukota, Président de l’ACPRO nous invita à prendre part à l’élaboration et au développement des African Awards, avec l’accord de Carine Shiku, Vice-Présidente d’ACPRO», nous raconte Augustin Izeidi. «L’association Friendly Foot et ACRPO fut une réussite car le gala 2009 restera dans la mémoire de beaucoup de personnes, grâce au nombre de vedettes sur place, et pas des moindres, et de diverses disciplines: Kim Gevaert, Elodie Ouedraogo, Ruud Gullit, Paul Van Himst, Vincent Kompany, Faris Haroun, Eric
Matoukou, Mbark Boussoufa, Habib Habibou et Didier Drogba. Cette année-là, nous avons passé en direct sur RTBF en soirée au ‘studio 1’. Un tel gala demande beaucoup d’énergie mais heureusement, les asbl ont des personnes de bonne volonté et d’efficacité pour assumer les nombreuses tâches», poursuit Mahamat Haroun.
Défilé inspiré de Julie Stal © Ronald Devaux
La dix-neuvième édition Pour la dix-neuvième édition, ACPRO et Friendly Foot ont invité e.a. Monsieur Bonga Bonga et Monsieur Mayanga, anciennes gloires du football. Il faut bien dire qu’à l’heure actuelle, peu de gens connaissent les anciennes gloires du football. Une belle occasion pour les inviter à nouveau sur le podium. Etant donné que La Coupe du Monde se joue cette année en Afrique du Sud, l’occasion ne pouvait être ratée. La soirée s’est déroulée dans une ambiance chaude. Carine Shiku, en tant qu’excellente organisatrice, avec le concours d’une dizaine de jeunes hôtesses, et le Président Moro Mukato ont fait preuve d’un excellent travail.
Cocktail pour les invités L’événement a commencé à 19h30 par un cocktail gracieusement offert par l’organisation dans le Conrad hôtel à Bruxelles. Cet hôtel possède une des plus grandes salles sans colonnes de notre capitale. Il y avait place pour 350 personnes, participant au banquet, avec les nominés du Soulier d’Ebène et des célébrités belges et internationales. Parmi les invités l’on notait e.a. Madame Fadila Laanan, Ministre de la Culture, de l’Audiovisuel, de la Santé et de l’Egalité des Chances, le Sénateur Franco Seminara, Monsieur Emir Kir, Secrétaire d’Etat en charge de l’Urbanisme et de la Propreté publique pour la Région de Bruxelles-Capitale, Monsieur Bertin Mampaka, Député au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, l’échevin Pierre Kompany et les footballeurs Habib Habibou et Eric Matoukou. Les hôtesses
Défilé inspiré
Madame Marie-Louise Ya Mutwale Mitonga, originaire de RD Congo. Dunia est un mot d’origine arabe et swahili qui signifie ‘terre’. Il récompense les membres de la communauté africaine s’étant distingués dans leur domaine d’activité. Marie-Louise est licenciée en Droit et Magistrate au Conseil du Contentieux des Etrangers en Belgique. Ceci est une juridiction administrative, seule compétente pour connaître des recours introduits à l’encontre de décisions individuelles prises en application des lois sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers. Madame Ya Mutwale a également reçu le trophée de ACCt, remis par Monsieur Benoit Cerexhe, Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale. ACCt est une société active dans la comptabilité et la fiscalité. Elle a reçu ces trophées de la Réussite au Féminin pour ses mérites sur le terrain du droit au niveau national.
A 20h, la cérémonie a débuté par un défilé de mode de Julie Stal, présenté par des très jolis modèles. Styliste-modéliste de formation, Julie se dit artiste avant tout. Son stylisme touche très fort à l’Afrique. Elle a grandi au Sénégal, et comme tout être qui est «tombé dedans quand il était petit», on est autrement ouvert et inspiré et on ne peut plus s’en défaire. On retrouve dans beaucoup de ses créations, une admiration sans bornes pour les parures tribales, qui sont d’ailleurs sa plus grande source d’inspiration et qui la passionnent depuis toujours. Ceci expliquant cela, on comprend mieux pourquoi elle a collaboré au projet de défilé avec un tel enthousiasme. Les bijoux de Tatiana Raway, portés par les gazelles du cakewalk, symbolisent selon la créatrice nos rêves, nos désirs, la concrétisation de nos amours, de nos passions. Tatiana crée ce qui vit en elle. L’Afrique. Le ‘Zaïre’ de sa naissance, le Rwanda de sa mère surnommé le «pays des milles collines», qui contraste étonnamment avec «le plat pays» de son père, la Belgique. Ses bijoux sont autant d’invitations au voyage, à l’évasion.
La réussite au féminin
© Maxime Devaux
Toute suite après, des jeunes footballeurs ont montré leur expertise avec le ballon pendant que Moro Mukato se préparait pour la remise d’une trophée Dunia par Bertin Mampaka à
Madame Ya Mutwale Mitonga et Bertin Mampaka © Ronald Devaux
Soigner les Africains Le deuxième trophée Dunia, remis par Madame Fadila Laanan, Ministre de la Culture, est allé au Docteur Bertin Foading, originaire du Cameroun. Dr Foading est responsable de l’unité coronaire ainsi que de la prise en charge des urgences cardiologiques, telles que le syndrome coronaire aigu, décompensation cardiaque. Son Cabinet Médical Cardice, spécialisé en cardiologie, est situé en plein coeur
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de Bruxelles. Cette institution sanitaire privée a ouvert ses portes au grand public il y a peu. La structure dispose d’un matériel à la pointe de la technologie. Un matériel qui permet d’assurer des interventions dans des conditions optimales. «En Afrique sub-saharienne», ditt-il «les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et l’infarctus du myocarde sont principalement la conséquence de l’hypertension artérielle’». Conscient de tous ces dangers, Docteur Bertin Foading offre désormais l’occasion de prévenir et de soigner ces maux notamment aux personnes d’origine africaine.
Des racines ancestrales
des racines ancestrales sur les rythmes zoulous, pigmentés de zouk et reggae, pour se terminer enfin par le soukous.
La voix africaine de Waku Alexia Waku, d’origine Congolaise, est une chanteuse de soul, jazz, variété, world music et gospel. Elle est coach vocal et consultante musicale. Waku était déjà choriste pour Michael Buble, Mylène Farmer, Maurane et Adamo. Elle a séduit l’audience par sa voix africaine avec des chansons de variété, connues partout dans le monde.
Le Prix du Mérite
L’ambiance musicale de la soirée était assurée par Zico Man et Alexia Waku. Zico Man est considéré comme le Dalaï-lama de la musique congolaise moderne. Zico Man, originaire de RD Congo, s’est installé en Belgique en 1987. Il a travaillé avec de nombreuses stars de la musique congolaise, dont Papa Wemba et a déjà cinq albums à son actif. Zico Man a débuté son spectacle par des chants a capella, rappelant
Le Prix du Mérite, offert par l’asbl Friendly Foot, a finalement été remis par Benoit Cerexhe, Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, à Reginald Goreux. Réginald, footballeur du Standard de Liège, n’était pas présent mais le trophée a été remis à Jean-François de Sart, ancien footballeur belge et entraîneur de l’équipe nationale belge
espoirs. «Réginald, d’origine haïtienne a été adopté par des parents belges. Il est arrivé en Belgique dès son jeune âge. Aujourd’hui, il fait partie du noyau professionnel du Standard de Liège. Touché par la détresse des Haïtiens suite au récent tremblement de terre, Réginald Goreux a décidé de venir en aide aux sinistrés, en créant une association qui devrait permettre de créer une école. Il a vendu des bracelets bleus au profit de cette association. Je suis très content qu’il soit récompensé ce soir», a déclaré Jean-François de Sart.
Monter des paliers Si en 2010 les organisateurs du Soulier d’Ebène ont franchi un palier, le rendez-vous de 2011 est pour eux incontournable car il marquera la 20ème édition. De plus en 2011 Friendly Foot célèbrera ses cinq années d’existence. Dès lors, tous les ingrédients sont réunis pour une soirée inoubliable, à ne pas manquer. Rendezvous en 2011 pour la 20ème édition!
Quelques citations des invités de la soirée de gala du Soulier d’Ebène dans l’hôtel Conrad à Bruxelles le 3 mai 2010
Marleen Boonen, la maman de François Sterchele «Comme l’année dernière, j’étais impatiente de venir, tellement cela me réjouit d’être parmi vous. L’année passée j’étais aussi présente et j’en ai gardé une bonne impression. J’apprécie beaucoup l’objet du Soulier d’Ebène: les sportifs africains qui prennent de plus en plus d’ampleur, méritent autant que les autres, d’être mis à l’avant-plan. Ce fut une soirée très conviviale et sympathique, à laquelle je me réjouis déjà de participer l’an prochain.»
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Abdellatif Khale «Le Soulier d’Ebène est un très bon événement multiculturel. La Soirée rassemble des belges de tous les horizons et j’espère que nous passerons une soirée chaude comme cela se passe en Afrique, en dépit du temps toujours mauvais (clin d’œil).»
Jean-François de Sart ancien footballeur belge et entraîneur de l’équipe nationale belge espoirs «C’est très important que je sois là aujourd’hui pour rendre hommage aux joueurs d’origine africaine de plus en plus nombreux dans notre équipe nationale. C’est une culture qui fait partie intégrante de notre football et donc il est tout à fait logique de s’y intéresser et d’y apporter son soutien. »
Shlomo Ovadia CEO de Next Travel «Je crois que c’est assez sympa. Le fait de se réunir, c’est déjà une fête en soi, mais une fraternité entre les peuples africains et belges, est très importante autant que le besoin de soutien en Afrique.»
Informations de l’Ambassade de Tchad Le nouvel Ambassadeur de la République du Tchad auprès du Royaume de Belgique, Représentant Permanent auprès de l’UE et du Groupe des Etats ACP, Son Excellence Monsieur Ahmat Awad Sakine, est arrivé à Bruxelles le mercredi 21 avril 2010 où il succède à Son Excellence Monsieur Maitine Djoumbe, rappelé définitivement au pays. Monsieur Ahmat Awad Sakine, né le 28 juin 1966 à Arada, Tchad, est marié et père de huit enfants. Il a occupé plusieurs d’autres fonctions notamment: Conseiller à la Cour Suprême, Ministre de l’Economie et des Finances, puis Directeur Général du Trésor, et Administrateur du Tchad auprès du Conseil d’Administration de la BEAC. Ahmat Awad Sakine a fait ses études primaires et universitaires au Tchad avant de rejoindre l’Ecole nationale des Régies financières ENAREF à Ouagadougou au Burkina Faso.
ACTUALITE Plusieurs Premières Dames étaient conviées à participer à une séance spéciale consacrée à la Dignité de la Femme © Crans Montana Forum
Rapport du Crans Montana Forum L’Afrique après les G20 de Londres et Pittsburgh Propos recueillis par Kenza Garba Le Forum de Crans Montana sur l’Afrique a réuni les dirigeants les plus influents de l’industrie, des gouvernements et de la société civile leur permettant de contribuer à faire de l’Afrique un endroit meilleur pour les investissements étrangers et les entreprises, et également de modeler une Afrique plus humaine. Ce forum était principalement consacré à l’avenir de la coopération Nord-Sud alors que la coopération Sud-Sud est désormais un objectif principal pour l’Afrique.
Le Crans Montana Forum 2010 sur l’Afrique a eu lieu du 7 au 10 Avril 2010 à Bruxelles. Cette année, Patricia Faraut, Présidente de Africa Femmes Performantes, Inc. a participé au forum.
Le Forum de Crans Montana Le Forum de Crans Montana est une organisation internationale établie depuis 1986, dont l’importance et le prestige sont établis. Elle est reconnue par toutes les grandes Organisations Internationales. Son but est de contribuer à la construction d’un monde plus humain: «Committed to a more humane World». Le Forum de Crans Montana travaille à encourager la coopération internationale et la croissance globale tout en maintenant un haut niveau de stabilité, d’équité, et de sécurité. Il s’agit également de favoriser les meilleures pratiques et d’assurer un dialogue global.
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Ce forum est aujourd’hui un événement mondial reconnu et incontournable qui figure sur l’agenda de tout décideur soucieux de ses responsabilités et des opportunités exceptionnelles qu’il y trouve. Chaque Forum représente une occasion unique pour les dirigeants d’entreprises et les officiels de haut niveau de mettre en œuvre leurs stratégies, consolider leurs relations avec leurs partenaires et développer de nouvelles opportunités de coopération. M. Jerry Rawlings, ancien Président de la République du Ghana, a co-présidé les travaux avec Monsieur Jean-Paul Carteron, fondateur du forum. Plus de 450 délégués représentant les Etats de l’Afrique ont participé à cette rencontre avec les délégations d’Amérique du sud, du Moyen-Orient et de l’Asie.
Un must Le forum est un Forum mondial, politique et économique, consacré à la situation de l’Afrique, face à la crise mondiale et ses conséquences discutées lors du G20 de Londres, aux nouvelles relations de l’Afrique avec la nouvelle Commission européenne et le nouveau Parlement européen et à l’avenir de la coopération Sud-Sud. En fait, cette réunion des plus stratégiques est un must pour les décideurs des secteurs publics et privés africains. Plusieurs Premières Dames étaient conviées à participer à une session spéciale consacrée à la promotion de la Dignité de la Femme. Cette session était présidée par Madame Irina Bokova, Directrice Générale de l’UNESCO. On pouvait noter la présence de la Première Dame du Ghana, Ernestina Naadu Mills, la Première Dame d’Albanie Teuta Topi, Chantal Compaoré
La Première Dame du Mozambique, Maria da Luz Dai Guebuza © Crans Montana Forum
du Burkina Faso, la Première Dame du Mozambique Maria da Luz Dai Guebuza, la Première Dame du Nigéria Madame Patience Goodluck Jonathan, Fouzia Raza Gilani du Pakistan et son altesse Royale la Princesse Loulwa Al Faisal, d’Arabie saoudite.
Les conclusions du Forum Ambassadeur Jean-Paul Carteron, fondateur du Forum: Le but de cette réunion était de mettre en place des mécanismes qui permettront à l’Afrique de devenir une puissance mondiale. Honorable Dr. Hage. Geingob, Ministre du Commerce et de l’Industrie, République de Namibie: Le futur de l’Afrique repose sur une coopération Sud/Sud, il a insisté sur le problème sérieux de la redistribution que connaît l’Afrique et fait remarquer qu’on ne peut pas permettre que l’Afrique soit riche avec une population pauvre. M. Donald Kaberuka, Président de la Banque Africaine de Développement: La question de changement de paradigme en Afrique est essentielle, il est important de parler de la manière dont on peut refaçonner l’Afrique, le respect ne peut apparaitre que s’il repose sur l’autonomie des Etats. Chaque pays doit pouvoir redéfinir le
chemin qui l’emmène dans la prospérité. Nous sommes 1 milliard d’hommes et de femmes. L’Afrique doit être un pôle de croissance et non une destination d’aide. Pendant la crise, le G20 nous a demandé de redéployer nos ressources. M. Terence Brown, Directeur Général de la Banque Européenne d’Investissement: Nous sommes dans une nouvelle ère pour la coopération entre l’Afrique et l’Europe; partenaires égaux, nous devons redéfinir ce qui nous rassemble, les femmes doivent être intégrées dans les systèmes économiques de nos pays. Il doit y avoir plus de transparence dans les rapports et plus de cohérence, en faisant preuve de rationalisation des institutions européennes pour travailler main dans la main, en impliquant le secteur privé. Madame Diarra Mariam Flantié Diallo, Ministre de la Communication et des Nouvelles Technologies au Mali, a pour sa part souligné que les nouvelles technologies deviennent incontournables pour l’Afrique, elle a rappelé les recommandations d’octobre 2007 de Kigali qui étaient de connecter les pays africains avec leurs frontières et d’ici 2015, connecter les villes d’Afrique. L’intelligence et le cerveau humain sont les choses les plus partagées; et l’Africain détient
également cette intelligence pour appliquer les nouvelles technologies qui sont une des voies de salut pour l’Afrique. M. Youssouf Ouedraogo, Conseiller Spécial du Président de la Banque Africaine de Développement. Après avoir fait un état des lieux des modèles de développement qui ne marchent pas en Afrique: pourquoi l’Afrique n’a pu obtenir que 2% sur le marché mondial? Pourquoi avec des systèmes comme l’Agoa, les accords de Cotonou, les accords de Lomé, rien ne marche? Est-ce que l’ordre du jour est bien posé en Afrique? Si l’ordre du jour n’est pas bien posé, on ne peut apporter la bonne réponse. Il y a un certain nombre de pré requis qu’on doit respecter: dettes, défis de crise. Pourquoi ne pas poser le problème autrement pour trouver l’équité? Le commerce est une bonne chose, mais on ne peut pas vendre si on n’a pas les produits. Comment peut-on produire des matières premières et racheter très cher les produits finis de l’extérieur? Pourquoi ne sommes-nous pas capables d’impulser notre propre développement? L’Afrique doit se prendre en main et poser ses propres problèmes. La Banque Africaine de Développement a décidé de se concentrer sur des programmes régionaux d’intégration pour avoir les économies d’échelle: infrastructure, barrages
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ACTUALITE
hydrauliques, agriculture. Nous devons trouver des combinaisons et ouvrir notre monde à un monde de coopération et de respect mutuel. M. Turki Faisman, al Al Rasheed, Chairman Golden Grass, Arabie saoudite: La nourriture et l’agriculture sont importantes, dans ce secteur, on ne peut se permettre d’être en crise, le rôle de l’agriculture est là pour assurer la sécurité alimentaire, le phénomène de mal nutrition a touché un milliard de personnes cette année. La croissance économique ne peut aller à l’encontre du secteur agricole. Un des principaux acteurs de croissance est de reconstruire des petites infrastructures rurales. L’agriculture permet d’améliorer le niveau de vie des populations. Le blé est la nouvelle arme du monde. Madame Flavia Palanza, Directrice associée à la Banque Européenne d’Investissement, Luxembourg: Nous disposons de 5 milliards d’euros pour les investissements de 2007 à 2013. 400 millions pour les subventions et les bourses, pour un accès au trust fund pour les infrastructures entre l’Union Européenne et l’Afrique. L’objectif de la Banque Européenne d’investissement est de nouer des partenariats entre le secteur public et prive; car s’il n’y a pas d’infrastructures, il n’y a pas d’industrie ni d’intégration économique. Les secteurs qui sont financés sont les secteurs générateurs de revenus, tels que les autoroutes à péage. Les projets doivent être sains car c’est aussi une banque de développement qui respecte les règles de l’environnement. 150 millions d’euros sont disponibles pour les infrastructures en Afrique, l’intégration régionale est prioritaire. Il y a des subventions pour financer les études de faisabilité des projets liés à la construction. M. Sergey V. Kurilin, CEO, Afrique Alliance, Russie: Les buts essentiels de cette organisation russe est de relancer ses rapports de partenariat avec l’Afrique, de favoriser l’extension et le développement de la coopération internationale multilatérale entre la Russie et les pays africains afin de consolider les relations d’affaires et de production, ainsi que les liens culturels et économiques.
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Les Premières Dames d’Afrique et du monde ont participé à une session spéciale consacrée à la promotion de la Dignité de la Femme. Cette session était présidée par Madame Irina Bokova, Directrice Générale de l’UNESCO, le 10 Avril 2010. Première Dame du Nigéria, Madame Patience Goodluck Jonathan: Les conférences et les discours ne suffisent pas, nous devons passer à l’action et s’assurer que les droits à l’éducation des petites filles sont effectifs. Les femmes doivent s’unir, se tenir les coudes pour assurer un impact sur l’éducation de la société. Les femmes sont les blocs de construction de la société, former les femmes, c’est former l’ensemble d’une nation. Son Altesse Royale Princesse Loulwa al Faisal, Arabie saoudite: Il faut dégager les opportunités pour permettre de passer de la charité à la mise en œuvre des programmes d’éducation. Il y a une urgence des mesures proactives en Afrique en tenant compte des traditions. Il existe de nombreuses manières pour faire avancer la dignité des femmes. La bureaucratie est un obstacle. Première Dame du Mozambique, Madame Maria da Luz Dai Guebuza: Les femmes peuvent influencer dans tous les domaines, à condition qu’elles soient formées. De nombreuses femmes adultes sont analphabètes. Sans formations, la femme ne peut apporter sa contribution pour l’avancement de la société. Ce sont les femmes qui travaillent dans l’agriculture, dans le commerce, il est essentiel de créer un institut de form ation pour la dignité de la femme pour quitter ce statut. Première Dame du Burkina Faso, Chantal Compaore: Avec 83% des femmes non alphabétisées au Burkina Faso en 2007, la problématique de la généralisation des apprentissages utilitaires se pose davantage avec acuité, car il est impossible d’envisager le développement durable sans des actions multiformes d’éducation des femmes qui représentent environ 52% de la population.
Conclusions d’Africa Femmes Performantes Patricia Faraut, Présidente de ‘Africa Femmes Performantes’: L’Afrique est désormais au centre de nouveaux grands enjeux mondiaux. Bref, elle était «mal partie»; la voilà de «retour» à grande vitesse. Passons aux actes, les actes parlent plus que les mots. A Africa Femmes Performantes, nous pensons que la création d’un institut de formation pour la dignité des femmes ne peut pas apporter des changements significatifs; nous croyons qu’il est plus urgent d’augmenter la participation des femmes dans les instances de prises de décision, dans les organes législatifs (municipalité, députation, sénat). Rendez-vous au 4eme Congrès International de la Femme Noire, en Zambie, Novembre 2010, sous le Haut Patronage de la Première Dame, Madame Thandiwe Banda. http://www.femmesperformantes.com
La Première Dame de Ghana, Ernestina Naadu Mills Š Crans Montana Forum
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ACTUALITE
Flash mob avec Aurore et Jonass de Hoza Dance School © Lola
Le Soleil Levant Action anti-discrimination à Charleroi Par Persyde Doowo
Caleb Djamany, jeune de Charleroi et Président de l’asbl ‘Soleil Levant’ a voulu emboîter le pas à la campagne ‘La discrimination s’arrête ici’, initiée par Mme Eliane Tillieux, Ministre de la Santé, de l’Action sociale et de l’Égalité des Chances au Gouvernement wallon par une action dans le cadre de la Journée internationale contre le racisme, la discrimination et la xénophobie.
Caleb Djamany a voulu rassembler les Carolos le 21 mars dernier à Charleroi lors de la Journée internationale contre le racisme, la discrimination et la xénophobie. L’asbl ‘Soleil Levant’ a pris date avec ce rendez-vous et a mobilisé, quelques jours avant, la jeunesse de Charleroi pour dénoncer la persistance de ce phénomène. L’événement s’est déroulé sur la rue de la Montagne. Le but de l’association est d’étendre ses actions dans d’autres villes du royaume et au-delà de nos frontières.
Flash mob Pour être plus efficace, l’organisation avait choisi le flash mob comme mode de communication. Venu des Etats-Unis, ce concept consiste à rassembler des personnes qui ne se connaissent pas forcément pour faire passer un message. Les jeunes du Patro de Courcelles sont venus aider pour distribuer des flyers au public. Selon l’organisateur, la vulgarisation de cette problématique ne s’est forte médiatisée que le 21 mars. Les actions menées après cette journée restent souvent inaperçues,
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quoique de nombreux d’étrangers en terre belge subissent encore et tous les jours des actes de racisme et toutes autres sortes de discrimination.
La musique comme stratégie Au cours de cette rencontre, deux chansons symboliques ont été sélectionnées. ‘Black or White’ de Michael Jackson, qui traite de la différence de races et ‘Right now’ d’Akon, arabisée par un musicien marocain. Selon Caleb Djamany, le choix de ces titres a été stratégique. Il a fallu marquer les mémoires par un événement comme le flash mob, qui ne s’est pas encore produit à Charleroi. Les prestations des danseurs ont été préparées par Aurore, Jonas et Sarah Versieux, respectivement directeurs de Hoza Dance School, et de Saly Dance. Les participants ont été recrutés via Facebook et l’Ecole communale du Boubier de Châtelet qui, via les enseignants, avait mis à contribution les élèves.
Un tableau contre le racisme Les jeunes carolos ont ainsi réalisé un tableau contre le racisme, remis à Bernard Dallons, échevin de la Santé, de l’Action sociale, de l’Intégration et de l’Egalité. Ce dernier leur a promis d’exposer l’œuvre dans les couloirs du Centre public d’action sociale (CPAS) de Charleroi. M Dallons a pour sa part soutenu et encouragé le travail de cette association sans but lucratif qui a pour mission de favoriser l’interculturel et intergénérationnel. Il a également rappelé qu’il comptait sur ce genre d’initiatives pour interpeller la population sur les méfaits de la discrimination.
De l’aide venue de partout L’association ‘La Main dans la Main’, le Centre pour l’Egalité des Chances, l’UNESCO, le Patro de Courcelles et le restaurant ‘Quick’ de Charleroi avaient mis la main à la pâte pour réussir la journée. Le ‘Soleil Levant’, qui salue le geste de ses partenaires, compte étendre ses actions dans d’autres villes du Royaume et au-delà de nos frontières.
ECONOMIE
Blanchiment d’argent
La difficile lutte africaine Par Daouda Emile Ouedraogo
Le phénomène du blanchiment d’argent semble être peu ou prou une gangrène dans nos sociétés. Inconsciemment ou sciemment, les médias n’en font pas beaucoup de cas. Et, pourtant, le phénomène est réel et l’Afrique s’en va en guerre contre ce mal aussi pernicieux qu’un serpent de mer.
Apparu aux environs des années 1990 en Afrique, le blanchiment d’argent gangrène les économies des pays. Phénomène difficile à maîtriser tant ses contours sont complexes, le blanchiment d’argent tue à petit feu les économies des Etats fragiles. Mais en fait, qu’est-ce que le blanchiment d’argent? Les spécialistes de la lutte le définissent comme la dissimulation de l’origine criminelle de l’argent provenant d’une infraction à la loi pénale. L’argent provenant d’un crime ou d’un délit. C’est-à-dire le fait de cacher l’origine de l’argent ‘sale’ que l’on a, constitue le blanchiment d’argent. A titre illustratif, le trafic de drogue est interdit. Or, le trafiquant de drogue fait son affaire et gagne de l’argent. Lorsqu’il le réinvestit dans un autre domaine licite, il fait du blanchiment d’argent. Puisqu’il est en train de cacher l’origine frauduleuse (délictuelle ou criminelle) de l’argent qu’il a eu à travers le trafic. Différents procédés sont utilisés par les inconditionnels de cette pratique en Afrique mais, on en distingue trois grandes opérations. D’abord, le placement qui est l’étape au cours de laquelle les fonds illicites (l’argent) issus de l’opération de drogue par exemple, sont éloignés de leurs sources illégales. Eloigner, c’est-à-dire que le blanchisseur peut déposer l’argent liquide dans une banque, une institution financière, tout comme il peut également se procurer des produits de luxe… Bref, il introduit la somme quelque part. On l’éloigne donc de son origine frauduleuse, délictuelle. Ensuite, la deuxième phase c’est l’empilement. Une fois les fonds illicites injectés dans le système financier, leur blanchiment requiert des grandes actions pour les éloigner davantage de leur source illégale. Cette étape se fait par exemple par l’achat ou la vente de valeurs mobilières. Ou encore expédier ces fonds dans n’importe quel coin du monde par le biais de divers comptes habituellement détenus par des sociétés fictives. Tout cela pour brouiller les pistes des sources frauduleuses des fonds. La dernière phase est celle qu’on appelle l’intégration. L’argent du blanchisseur est en ce moment
considéré comme des fonds ayant une origine propre. Le blanchisseur se met en confiance dans l’utilisation de ces fonds, car l’origine illicite étant loin, il peut injecter l’argent dans une entreprise, une activité pour récupérer derrière, de l’argent qui sort de cette entreprise.
Des conséquences fâcheuses Le blanchiment d’argent a des conséquences fâcheuses sur les économies des pays. Et, le problème majeur dans la lutte contre ce fléau est que les blanchisseurs sont difficilement identifiables malgré les multiples actions de lutte et la pléiade de textes qui existent en la matière. De facto, l’impact du blanchiment d’argent est semblable à un cancer. D’abord, au plan moral, il y a l’influence des organisations criminelles sur le tissu social qu’il affaiblit. Il mine les valeurs individuelles et collectives. Ensuite, au plan politique, les détenteurs de capitaux d’origine illicite sont capables d’infiltrer le système démocratique par le biais de la corruption. Ils obtiennent en ce moment une progression de leur activité délictueuse. Ils constituent de ce fait une menace pour l’ordre public et les valeurs républicaines. Sur le plan économique, les importantes ressources financières dont disposent les blanchisseurs d’argent peuvent conduire à un déséquilibre du marché financier parce que cela crée une concurrence déloyale. Sur le plan financier, l’utilisation des établissements financiers pour des fins de blanchissement peut entamer la réputation et la crédibilité de ceux-ci et provoquer, par voie de conséquence, leur déstabilisation et partant également des crises.
La difficile lutte africaine La lutte africaine contre le blanchiment d’argent fait son bonhomme de chemin. Cependant, il faut le reconnaître, elle semble avoir l’aile plombée. Sur
le continent, c’est le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme en Afrique de l’Ouest (GIABA) qui essaie tant bien que mal de barrer la route aux blanchisseurs. Le GIABA est une institution spécialisée de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui a été créée par la volonté des chefs d’Etat de ladite communauté en décembre 1999 à Lomé, au Togo. Ses statuts ont été adoptés en 2000 par la conférence des chefs d’Etat au Mali (Bamako) et ses statuts ont été récemment révisés à Niamey (Niger). Ayant pris conscience du danger que représente le blanchiment d’argent sur les efforts du développement, les hautes autorités de la CEDEAO ont décidé la création du GIABA pour combattre vigoureusement l’utilisation de ce système financier à des fins de blanchiment. En termes d’actions sur le terrain, les textes prennent le pas sur les actions. Les instruments juridiques existent. Ces instruments sont de trois ordres à savoir, les instruments juridiques nationaux, ceux régionaux et les textes internationaux. Au compte de la dernière catégorie, existent les conventions, les déclarations et surtout les quarante recommandations du GAFI (Groupe d’action financière) sur les capitaux et les neuf recommandations spéciales du GAFI sur le financement du terrorisme. Il y a également la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme de 1999. Malgré tous ces instruments, les capitaux sont blanchis au quotidien et l’Afrique semble être impuissante face au phénomène. Mais, l’espoir est permis dans la mesure où le plus long chemin à parcourir commence par le premier pas. L’Afrique a fait le premier pas, reste à la mayonnaise de prendre. Et, cette mayonnaise ne peut prendre que lorsque les banques et les institutions financières ne dénonceront pas les clients ayant des revenus colossaux ou des revenus à provenance douteuse.
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DIASPORA Nadjim Haroun, organisateur du tournoi, et Abdel Borak de la société ZAZ
ZAZ aide les enfants africains Par Kenza Garba
ZAZ, une société active dans la vente de chaussures et accessoires pour femmes, s’est dirigée cette année vers de nouveaux horizons: le sport et les enfants africains. Le ZAZ Charity tournament était leur premier tournoi de football en salle annuel. Les bénéfices de cet événement sportif sont offerts à des enfants défavorisés en Afrique.
«Un tournoi en salle est amusant et le jeu technique est mis en valeur. Si nous pouvons de cette façon aider également des jeunes enfants défavorisés, ce serait merveilleux», a pensé Abdel Borak, le fondateur de ZAZ, en visant le projet ZAZ Charity à Bruxelles. Il a fait appel à Nadjim Haroun, qui a, dans le cadre de son stage scolaire, organisé l’événement sportif. «Dans l’avenir nous voulons organiser de grands tournois nationaux en salle», dit le fondateur de ZAZ. «L’objectif est de réunir le futsal, le football et toutes personnes aimant le football en salle. Les joueurs peuvent s’inscrire par le nom d’un joueur connu ou un joueur pro peut inscrire sa propre équipe. Nous visons un public entre 16 et 22 ans. L’équipe gagnante recevra une coupe et une médaille, et bien d’autres prix intéressants. Le but est de combiner l’action sociale et le sport. Ainsi, nous pouvons récolter des fonds pour aider des associations comme Friendly Foot.»
Le ZAZ Charity tournament Le ZAZ Charity tournament a été remporté par le FC Brussels et Dieleghem Jette. L’événement
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a accueilli huit équipes de 8 ans et douze de 11 ans. La présence d’équipes telle Germinal Beerschot, RSC Anderlecht, FC Brussels, White Star et autres, ont fait de ce tournoi un tournoi important. Promouvoir la technique chez les jeunes joueurs est une chose importante pour leur formation. La venue de joueurs de football professionnel comme Faris Haroun, Mouhssine Iajour, Jerôme Vanderzijl, Nadjim Haroun et Abdellatif Fellaini, père de Marouane, a motivé les jeunes joueurs.
Le sport pour l’action sociale Le tournoi était une action ‘Sport-for-life’. Les bénéfices du tournoi on été reversés à l’asbl Friendly Foot, qui est une association de bienfaisance. Friendly Foot a été constituée pour venir en aide aux enfants défavorisés dans le monde entier en leur donnant les moyens d’apprendre, parfois en construisant l’école, mais plus souvent en leur fournissant du matériel scolaire. L’association essaie d’être concrète sur le terrain. «Nous voulons apprendre aux enfants que la solidarité dans le sport, comme dans la société, existe et qu’ils ne sont plus
seuls face à leur destin», dit Augustin Izeidi, le président de l’asbl. «Friendly Foot est actuellement déjà opérationnel en Belgique, au Tchad et en République Démocratique du Congo. L’asbl apporte son soutien à des jeunes défavorisés via un lien tout particulier, qui est celui du sport et principalement du football. De nombreux joueurs professionnels actifs en Belgique donnent déjà gracieusement de leur temps pour animer par leur présence les stages que nous organisons. L’image positive que donnent ces joueurs vedettes est porteuse de l’esprit de solidarité qui anime notre équipe. Nous sommes bien sûr très heureux que ZAZ veuille nous supporter sur le terrain. J’espère pouvoir montrer prochainement les résultats de ce don.»
Germinal Beerschot, finaliste
FC Brussels, ĂŠquipe gagnante en U11
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DIASPORA
Moussem Club 2007
Les jeunes montrent l’art contemporain au Maroc Propos recueillis par Moussem et Kenza Garba
L’exposition RENCONTRE présente une sélection d’œuvres d’art de la prestigieuse collection du M HKA, le Musée d’Art contemporain de Anvers. La sélection des œuvres a été réalisée par un groupe de jeunes bénévoles du Moussem, qui a réfléchi pendant un an à ce que l’art contemporain représentait pour eux.
Le projet s’inscrivait dans le cadre du festival SANS TITRE du Moussem, au printemps 2007, mis en oeuvre en collaboration par le M HKA et Moussem Centre Nomade des Arts. Ce fut un projet éclectique (expositions, projections, concerts) qui donna lieu à deux mois de manifestations.
La parole aux jeunes Pendant la durée du Moussem festival 2007, le Moussem et le M HKA ont aussi voulu donner la parole au public. D’où l’idée de créer un Moussem club constitué de jeunes bénévoles issus d’une deuxième génération de l’immigration, en majorité marocains, et missionnés pour concevoir leur propre présentation de la collection du musée afin de la montrer pendant le festival. Pendant une année, ces jeunes, encadrés par des collaborateurs du M HKA, s’engagèrent à réfléchir sur la manière dont ils voulaient constituer ‘leur’ collection et sur ce que cela représentait pour eux. Le résultat peut être admiré, dans une version adaptée aux deux sites d’exposition à Rabat. Une série de petits films, dans lesquels les bénévoles
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racontent leur expérience et leurs choix, sont projetés dans les différents espaces d’exposition.
Leur exposition au Maroc L’idée de délocaliser cette exposition au Maroc est née de différentes rencontres avec La Source du Lion. Depuis quelques années, La Source du Lion avait tissé des liens d’échanges avec le M HKA et le Moussem. Le projet mené par La Source du Lion autour du parc de l’Hermitage à Casablanca avait été présenté au M HKA en 2007, lors du Festival Moussem printemps 2007. Ainsi, depuis trois années, le projet de déplacer cette sélection d’œuvre était en gestation, restait à trouver le contexte opportun. L’ouverture du Festival Mawazine sur les arts plastiques contemporains en constituait la plate-forme idéale.
volonté d’échange des différents partenaires de ce projet. Cette belle histoire a aujourd’hui pris une envergure internationale dont la portée est essentielle pour la diffusion de l’art contemporain, elle permet en outre aux jeunes bénévoles de Moussem, qui ont toujours voulu montrer cette exposition au Maroc, de vivre la concrétisation de leur rêve. Par ailleurs, cette exposition est la plus importante exposition internationale d’art contemporain que le Maroc ait jamais présentée. C’est grâce à cette enrichissante collaboration internationale et à la mise à l’honneur des arts plastiques contemporains que les artistes et le public ont aujourd’hui cette opportunité inédite de se rencontrer et d’apprendre à se connaître.
Une belle histoire Présenter l’exposition durant le Festival Mawazine à Rabat, permet de donner une forme concrète à l’engagement culturel et à la
www.moussem.be www.muhka.be
Moussem club © Leriette Desir van Bergen
L’exposition se termine le 22 juin 2010 à Rabat, Maroc. Galerie Bab Rouah 1, Avenue de la Victoire 10000 Rabat Galerie Bab El Kebir Les Oudayas 10000 Rabat
Festival Mawazine Rythmes du Monde 2010, une édition haute en couleurs Cette année encore, le Festival Mawazine réunira les cultures du monde au coeur d’une même fête. Rabat, fière d’accueillir cet événement, vivra aux rythmes du monde du 21 au 29 mai 2010, tout au long d’une programmation réunissant des artistes exceptionnels. La musique couvrira toute la ville grâce aux huit scènes et aux rues qui seront en fête: concerts, spectacles, fanfares, danses, processions et exposition. Toute la capitale sera envoûtée par les vibrations de Mawazine. Les
artistes des cinq continents et plus de cinquante pays envahiront la ville de leurs couleurs et tempos pour célébrer la diversité des rythmes et des cultures, notion fondatrice du festival. La scène internationale sera cette année encore très bien représentée, puisque le festival accueillera d’immenses stars. Pour la première fois se produiront Elton John, B.B. King, Julio Iglesias, mais aussi Carlos Santana, Mika et Sting, qui donnera le concert de clôture très attendu. La scène orientale enchantera les amateurs avertis de la musique arabe grâce aux sonorités du Liban avec Majda Roumy, Elissa, Rami Ayach, Myriam Faris, Wael Jasser, de l’Irak avec Majid Al Mohandiss et de l’Égypte avec Amal Maher et Tamer Hosni. D’autres formes de l’expression artistique ne seront pas en reste. Les épices des accords latins du Portugal (Deolinda) côtoieront ceux de la Géorgie, de la Grèce, du Bangladesh ou de la Mongolie. Les percussions de l’Afrique retentiront tout au long du festival en companie des artistes ambassadeurs des pays tels que: l’Éthiopie, le Mali, le Bénin, le Sénégal et d’autres. C’est ainsi que Alpha Blondy, Ismaël Lô et Angélique Kidjo feront vibrer Mawazine de leurs rythmes endiablés. Les artistes marocains de la chanson nationale popu-
laire ou lyrique feront de cette 9ème édition une fête dont la mélodie résonnera à travers tout le royaume et au-delà de ses frontières. Abdelhadi Belkhayat, Tahour, Aïcha Tachinwit ou Mazagan feront le bonheur du large public de Mawazine. Sans oublier Jil Jilala, Bachir Abdou, Fatima-Zahra Lahlou, Mohamed El Ghaoui, Hamid El Kasri, Nouri, Saïd Mouskir et Abderrahim Souiri qui se produiront entre le 21 et le 29 mai sur les scènes du festival. Le festival Mawazine - Rythmes du Monde favorise également l’expression des musiques urbaines qui seront très bien représentées à travers la participation de Don Bigg, Oum, Nabyla Maan, Dirty Faces, Chemical Bliss et Setta Fusion. D’autres artistes connus et reconnus seront également de la partie, tels que Harry Connick Junior, Maghreb United, Faudel ou Maurane. Leur participation restera sans nul doute dans les annales du festival. Ces stars qui chantent le partage, la paix et la tolérance, valeurs prônées par Mawazine, illumineront les soirées de cet événement devenu incontournable pour les mélomanes. Bons spectacles à tous! www.festivalmawazine.ma
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MAGHREB
Hamida Ouassini Un dépassement heureux Propos recueillis par Kenza Garba
Écartelée entre deux passions d’intensité égale,la photographie et la peinture, Hamida Ouassini entreprend l’association des deux modes d’expression, que rien, à priori, ne prédisposait à s’assembler, au lieu d’avoir à choisir entre eux.
Hamida Ouassini a fait ses études supérieures en graphisme, publicité, photographie et sérigraphie à l’Académie Royale des Beaux-arts de Bruxelles. En 1991, elle a passé son baccalauréat en Arts Plastiques, Math et Technique’ au Maroc. Actuellement, elle est graphiste et Responsable de projets à la Commune de SaintGilles. Mais Hamida n’a pas de temps à perdre. Cette année, elle est déjà à sa deuxième exposition. Du 7 au 23 mai elle expose au Lounge Bar de l’espace ‘Les Salons’ à Saint-Gilles lors du Parcours d’Artistes 2010.
Un dépassement heureux de son dilemme initial Les poils de la brosse taillent dans le vif de la photo, accentuant les angles, brouillant les contours trop définitifs pour laisser surgir l’illusion d’un inachèvement flou qui donne plus d’espace à la liberté du regard. Sa peinture semble par moments se coaguler en un magma qui jaillit au cœur de l’image transformée; le procédé du collage est aussi mis à contribution et achève la mue. Ces compositions ont donné naissance à une zone médiane, où figuratif et abstrait se conjuguent dans un maelström d’images saisissantes, réalisant un dépassement heureux de son dilemme initial.
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Transcender le monde visible
LNA: Supportez-vous bien les critiques?
«Si la photographie est une représentation du réel, alors que la peinture est plutôt une interprétation de celle-ci, l’union des deux dépasse d’emblée leurs modes d’expressions respectives, jusqu’au point où la distinction n’est plus nécessaire, et l’appellation n’a plus beaucoup d’importance», nous explique Hamida. «Tant que mon travail arrive à transcender le monde visible pour créer un univers personnel, où le sublime côtoie souvent le commun, car c’est sur la ruine d’un monde qui s’en va trop vite, que je me propose d’édifier une nouvelle beauté inquiète et anxieuse, se penchant au-dessus du passage inexorable du temps.»
HO: Si elles sont fondées, oui. Et surtout si elles ouvrent d’autres portes.
Nous avons rencontré Hamida Ouassini et posé quelques questions sur la nature de ses ambitions et de ses projets. LNA: Où vous situez-vous par rapport à l’art contemporain? Hamida Ouassini: C’est difficile de se situer par rapport à tout un éventail d’œuvres disparates. Mes goûts sont très variés. Ce dont je suis certaine, c’est que je travaille à l’instinct. La théorie occupe une toute petite partie dans mon travail. J’aime m’acharner sur un tableau, c’est mon côté viscéral qui demande à s’exprimer.
LNA: Que pensez-vous des artistes marocains? HO: J’en connais très peu. Il faut dire que le piège du folklore nous guette tous. C’est difficile d’échapper aux caractéristiques qui rattachent nos œuvres à notre culture spécifique: scènes de rues, clichés historiques ou traditions picturales. Kacimi, par exemple, était un peintre qui a réussi à échapper à cette contrainte. Certains de ses tableaux sont fascinants car ils offrent plusieurs niveaux de lectures. LNA: Arrivez-vous à concilier vie privée et travail artistique? HO: Je ne peux sacrifier ni l’un ni l’autre, je fais en sorte de trouver le juste milieu. C’est uniquement en travaillant à mi-temps que je peux me consacrer à ma passion qui exige beaucoup de temps et d’implication. LNA: Avez-vous l’impression d’un cheminement, d’une évolution dans votre travail artistique? HO: Je suis à un stade de réconciliation. Après de
Hamida Ouassini Etudes et autres
longues années de déchirement entre la photo et la peinture, qui a débouché sur une impasse, j’ai finalement trouvé un moyen qui me permet de m’exprimer. LNA: Estimez-vous qu’il y a des sujets tabous qu’on ne peut pas peindre? HO: l’Art ne doit pas être limité par des règles créées par l’homme, car il interroge ces mêmes règles.
1997 - 1998 - Recherches en photo - Séjour de 1 an à Paris à la Cité internationale des Arts sous le parrainage de la Fondation Hassan II, Paris, France 1992 - 1995 - Académie Royale des Beaux-arts. Etudes supérieures en Publicité, Graphisme/Publicité, Photographie et Sérigraphie, Bruxelles 1989 - 1991 - Baccalauréat Arts Plastiques, Math et Technique, Maroc
http://web.me.com/ouassini1/Site_2/Hamida_Ouassini.html
Expositions
www.lessalons.be
Vous êtes conviés lors du Parcours d’Artistes 2010 à découvrir aux ‘Les Salons’ les œuvres de Hamida Ouassini. Le vernissage prend place au Lounge Bar des ‘Les Salons’ le 7 mai 2010, chaussée de Charleroi 89, 1060 Saint-Gilles. L’exposition sera ouverte de 14h à 19h le 8,9 - le 15,16 et le 22,23 mai 2010. ‘Les Salons’ sont ouverts du mardi au vendredi à partir de 11h30 et le samedi à partir de 19h. Venez danser dans le Bar et la grande salle des ‘Salons’ les vendredis et samedis à partir de 22h.
2010 - Exposition à l’Hémisphère - Bruxelles 2010 - Exposition à l’Agence de Développement belge, Bruxelles
1998 - Participation au Parcours d’Artistes à Saint-Gilles, Bruxelles Thème: «Challa» 1998 - Participation au Contact 98 au Pyramide de Rogier, Bruxelles 1997 - Exposition - Théâtre Varia Thème: «Corps» 1996 - Exposition de photographies - Cité Internationale des Arts, Paris Thème: «Paris Ville en mouvements»
Expériences 2001 - 2009 - Graphiste & Responsable de Projets à la Commune de Saint-Gilles, Bruxelles
1999 - Exposition de photographies - Welkenraedt Thème: «Cité Fatma»
2000 - 2001 - Scénographe de spectacle et personne de référence pour complexe touristique en Sardaigne, Italie
1998 - Exposition de photographies - Magie du Maroc, Namur Thème: «Cité Fatma»
1998 - 1999 Graphiste à BRIO productions, Bruxelles, Belgique
1998 - Exposition de photographies - Encuentros III, Bruxelles Thème: «Le Toit»
1996 - 1997 - Concepteur infographiste - Quadrichromie, Rabat, Maroc
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SOCIETE
Ces inventeurs venus d’Afrique Par Youcef Maouchi /www.unmondelibre.org
Quel est le point commun entre la lampe électrique, la capsule pour bouteilles et bocaux, l’ascenseur, la machine à dactylographier, le stylo à encre, le batteur à œufs, la tondeuse à gazon et l’appareil de respiration? Que ces inventions, qui aujourd’hui font partie de notre quotidien et qui l’ont révolutionné, ont toutes été inventées ou coinventées par des noirs aux Etats-Unis.
L’un des arguments qui tend à revenir dans les débats autour du sous-développement de l’Afrique est celui qui réduit le sous-développement à un phénomène culturel, voire génétique. L’Afrique serait ainsi vouée à rester sous-développée et dépendre des pays développés. Selon cet argument, si les Africains n’arrivent pas à se développer, c’est qu’ils n’ont ni la culture, ni le gène de l’esprit d’entreprise, de l’initiative ou de la créativité. Cette dévalorisation est même parfois rabâchée dans des cercles universitaires africains, justifiant nombre de politiques paternalistes.
La vérité semble ailleurs Pourtant la vérité semble, heureusement, ailleurs. Il y a déjà plus d’un siècle, entre 1890 et 1900, ont été aussi brevetés par des noirs américains, entre autres, le commutateur pour voie ferrée, le moteur rotatif, la table à vapeur, le taille-crayon, l’attelage de voitures, le piano mécanique, le tampon à main, le bain d’impression photographique, le moule à glace, les feux de signalisation, la table à repasser, l’arrosoir de pelouse, la moissonneuse et le dirigeable. Là encore ces inventeurs ont changé la vie de millions de gens depuis plus d’un siècle. Les noirs n’ont pas l’esprit créatif? Ils ne peuvent pas faire preuve d’initiative? Certes, ces hommes et ces femmes à la source des inventions précédentes étaient Américains, mais avec du sang africain dans les veines. Il devient alors difficile de croire que les noirs n’ont, presque ‘par définition’, pas l’esprit d’initiative. C’est d’ailleurs tout le contraire qui se dégage de cette liste. Le président de la première puissance du monde a lui aussi du sang africain dans les veines.
Le terreau institutionnel
Promouvoir l’initiative personnelle
Pour mieux comprendre ce phénomène, avant de chercher dans les variables culturelles ou génétiques, nous devons nous tourner vers le terreau institutionnel qui est à la base du développement d’une société. Des hommes et des femmes seront d’autant plus incités à exprimer leurs talents et donner vie à leur créativité s’ils évoluent dans une société libre, et non pas dans une société opprimée. Loin de n’être que culturels ou génétiques, les comportements des individus sont très largement dépendants des institutions formelles. C’est-à-dire les règles économiques et juridiques claires, en vigueur dans un pays, qui posent le cadre des incitations à la production, à l’échange, au partage. On a beau avoir l’esprit d’entreprise ou un sens de l’inventivité, si l’environnement institutionnel dans lequel on évolue n’est pas favorable. Notre projet, notre intuition, ne verra jamais le jour. Les inventions citées plus haut n’auraient peut-être jamais vu le jour, si leurs auteurs étaient restés en Afrique. On comprend vite que des environnements institutionnels différents produiront des résultats différents.
Certes, tout le monde n’a pas l’esprit d’initiative, n’est pas inventeur dans l’âme. Ceci est une réalité, même dans les pays dits ‘développés’. Mais dans ces derniers règne un environnement institutionnel favorable à l’épanouissement de l’esprit d’entreprise, à la concrétisation des opportunités entrepreneuriales. Ceux qui ont l’esprit d’initiative plus que les autres ‘tirent’ leurs concitoyens moins entreprenants vers le haut. Voilà donc un environnement qui place l’initiative et l’épanouissement de l’individu et de sa communauté au centre de la dynamique du progrès. Pour que l’Afrique aspire à un développement pérenne au service des hommes et des femmes du continent, et d’ailleurs, il est urgent de libérer l’initiative individuelle, de promouvoir, en accord avec les traditions locales, des règles juridiques et économiques claires en faveur de l’initiative personnelle.
«Quand vous êtes prêt à partir pour le travail, sachez que la moitié de toutes les choses et de tous les appareils dont vous vous êtes servis avant de quitter votre domicile a été inventé par des noirs.»
La paix Le développement vient d’en bas et non d’en haut. Mais pour que le ‘bas’, la société civile, puisse être actif et générer des richesses, il faut qu’il puisse compter sur des institutions qui le protègent, qui protègent sa propriété et qui le stimulent. C’est là que le rôle du ‘haut’ (états, gouvernements) devient important. Il doit garantir un état de droit, protéger la propriété des individus, offrir sécurité et stabilité aux citoyens qu’il représente. La créativité humaine est universelle et est source de progrès. Mais pour s’exprimer et se diffuser, elle requiert les conditions de liberté, c’est-àdire le respect des droits individuels, de la liberté économique et de la paix.
Pour vous informer sur les inventions, consultez: http://www.kamaniok.fr/memoire/inventions.htm
Martin Luther King Jr
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OPINION Monument de la renaissance africaine, Dakar © Jeff Attaway
Dakar Sur les traces de la libération de l’Afrique Par Daouda Emile Ouédraogo
Plus haut que la statue de la liberté à New York, le monument de la renaissance africaine avec ses 52m de hauteur surplombe la ville de Dakar avec cette inspiration qui allie le charme à la méditation; l’espoir en un lendemain meilleur après «la traversée du désert» par les Africains; entendez par là, la lutte pour l’émancipation de l’Afrique. L’Afrique doit renaître.
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Sur les marches, des drapeaux africains flottent au vent © Daouda Emile Ouédraogo
Le monument de la renaissance est construit sur la côte la plus élevée de l’Afrique de l’ouest au bord de l’océan Atlantique. Avec ses 52m de hauteur, ses 15 étages ‘intérieurs’ et sa vingtaine de chambres internes, le monument de la renaissance africaine est constitué d’un homme avec sur son bras gauche un enfant, indiquant l’horizon et ayant cerné une femme à sa taille. L’enfant, tout haut perché indique l’Afrique symbolisée par sa carte posée à un jet de pierre du monument. Tout autour des marches menant au monument, soufflent au vent plus d’une dizaine de drapeaux de pays africains. C’est la marque que tous les pays africains ont un même et unique combat à mener: lutter contre l’ignorance et l’obscurantisme en cherchant à tendre vers l’horizon. Cet horizon fait de paix, d’amour et de développement.
La conscience de chaque africain En voyant de près cette masse de bronze et de cuivre, malgré les critiques acerbes formulées contre ses géniteurs, on reconnaît la grandeur et la noblesse de l’idée qui sous entend l’érection de ce monument. D’un coût de plus de quatorze milliards de francs CFA (environs vingt-deux millions d’euros), financé par un homme d’affaire sénégalais qui, en retour, a acquis des terrains à l’Etat sénégalais, le monument de la renaissance africaine est un phare qui éclaire les générations présentes et futures sur le passé, le présent pour tendre vers le futur de l’Afrique. Le langage véhiculé par ce monument interpelle la conscience de chaque africain, pris individuellement, sur le sens de la lutte pour l’émancipation de l’Afri-
que, sur le fait que maintenant, l’Afrique doit enclencher une autre bataille: celle de l’espérance en une Afrique meilleure qu’aujourd’hui.
S’appuyer sur le passé Au pied du monument de la renaissance africaine, le Président sénégalais, Me Abdoulaye Wade, appelle par un écriteau la jeunesse africaine à ne pas oublier tous les sacrifices consentis par nos ancêtres pour lutter contre l’ignorance et l’obscurantisme. Au-delà de tout subjectivisme, cet appel à méditer sur le passé de l’Afrique appelle aussi à se projeter dans le futur du continent. C’est au prix du sang et de la sueur que l’Afrique a arraché sa liberté. C’est aussi au prix du sang et de la sueur que l’Afrique arrachera ses enfants de l’obscurantisme et de l’ignorance. Il n’est pas permis de quitter cette œuvre de reconstruction et de renaissance. Tous les monuments au monde ont été l’objet de vives critiques au moment de leurs réalisations. Mais, aujourd’hui, ils sont la fierté des pays dans lesquels ils se trouvent. Ils sont la fierté des messages qu’ils véhiculent. Un jour ou l’autre, le monument de la renaissance africaine en sera ainsi pour l’Afrique en général et, pour le Sénégal. Et, cela a déjà commencé avec le flux de touristes qui font le déplacement pour voir et méditer sur le message de la renaissance africaine. D’aucuns diront qu’il n’est pas possible de construire un tel monument dans un pays pauvre (sic).
Forger la mentalité des peuples Lorsque le premier président de la république de Côte d’Ivoire, feu Félix Houphouët-Boigny a voulu construire la basilique de Yamoussoukro, des tollés se sont levés contre ce projet. Aujourd’hui, les Ivoiriens se retrouvent au pied de la basilique pour chercher et prier pour la paix en Eburnie. En Afrique, comme partout ailleurs, il est clair que lorsqu’on forge la mentalité des peuples, on forge leur destin. Il n’y a pas meilleure manière de forger des mentalités que d’instruire sur l’histoire, d’instruire les peuples sur leur responsabilité quant au devenir du continent. C’est la plus grande des richesses, l’une des valeurs que tend à sauvegarder le monument de la renaissance africaine. On le sait, celui qui renaît entame une nouvelle vie.
Léopold Sédar Senghor Cette vie n’est pas antinomique à celle qu’il a déjà vécue. Elle est une continuité mais entamée sur de nouvelles bases avec des visions nouvelles. Il n’y a pas de peuple qui ne veuille écrire son histoire que comme il le souhaite et le veut. C’est à cela qu’appelle le monument de la renaissance africaine bâti sur la tombe de Léopold Sédar Senghor, le premier africain à siéger à l’Académie française. Il écrit ceci dans ‘Noirs dans les camps nazis’, parlant des Africains tombés sur les champs de bataille: «Vous n’êtes pas morts gratuits, vous êtes les témoins de l’Afrique immortelle, vous êtes les témoins du monde nouveau qui sera demain.»
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ENVIRONNEMENT Paysage du Burundi © d_proffer
Burundi
Transformer les déchets en charbon pour préserver les forêts Par Jérôme Bigirimana
Certains ménages et camps militaires de Bujumbura, Burundi, utilisent depuis 2006 pour leur cuisine du charbon fabriqué à partir de déchets ménagers. C’est grâce à une nouvelle technique apportée par une jeune association, dénommée Association pour le développement et la lutte contre la pauvreté (ADLP).
Face à l’incapacité technique et financière des Services techniques municipaux (SETEMU) et à une insalubrité grandissante dans la ville de Bujumbura, la capitale burundaise, les pouvoirs publics ont décidé d’ouvrir le secteur de la collecte et de la gestion des ordures ménagères aux structures privées qui veulent s’y investir. C’est ainsi que l’ADLP est devenue la première organisation privée à s’impliquer dans la gestion des déchets urbains.
La technique ‘valorisation’ «La question des déchets nous préoccupe, surtout à Bujumbura. Nous avons estimé que les SETEMU seuls ne sont plus à la hauteur de cette action. C’est pourquoi nous encourageons toute initiative privée,» nous a confié Bernadette Hakizimana, l’ancienne directrice de l’Environnement au ministère de l’Aménagement du territoire, du Tourisme et de l’Environnement.
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Grâce à une technique dénommée ‘valorisation’, les déchets ménagers sont transformés en charbon. Ils sont d’abord collectés, essentiellement les épluchures et les plastiques, ensuite étalés pour le séchage, et enfin, passés dans un moulin pour sortir sous forme de briquettes, compactées de couleur grise. Les premiers morceaux de charbon ont été produits en août 2006. Aussi, les femmes qui ont essayé le nouveau charbon témoignent de sa qualité. Josée Ndayisenga, une ménagère de Bujumbura, assure que le nouveau charbon est «facile à allumer et ne s’éteint pas en cours de cuisson. C’est un charbon à recommander aux pauvres car il n’est pas cher», assure-t-elle.
se nationale, grand coupeur d’arbres pour ses besoins énormes de chauffage dans les casernes», estime Benjamin Bikorimana, président de l’ADLP. Selon des expériences réalisées par l’ADLP, un ménage de trente-deux personnes, qui dépensait quatre dollars par jour en charbon de bois, ne dépensera désormais que deux dollars s’il adoptait le nouveau charbon. Bien entendu, cette production est encore dérisoire pour suppléer à la consommation en bois du pays, selon Pierre Barampanze, directeur de l’Energie au Ministère burundais de l’Energie et des Mines. Barampanze révèle que pour avoir un seul petit kilogramme de charbon, il faudra brûler environ 10 kilogrammes de bois parce que les techniques de carbonisation sont encore peu perfectionnées.
Economique et bon marché
Sauver les fôrets
«Très économique et bon marché par rapport au charbon de bois, le charbon issu des déchets ménagers a déjà attiré le Ministère de la Défen-
Astère Bararwandika, Directeur des Forêts, révèle que 2 160 hectares de forêts sont détruits chaque année à la recherche du charbon
La technique ‘valorisation’ © ADLP
de bois. C’est dire que si le projet de l’ADLP arrive à produire suffisamment de charbon pour couvrir les besoins de tous les citoyens du Burundi, c’est au moins 2 160 hectares de forêts qui seront sauvés chaque année de la destruction. Si l’action de l’ADLP est soutenue et devient pérenne, nul doute que la pression exercée aujourd’hui sur les forêts burundaises à la recherche du charbon de bois diminuera, estime Onésime Niyungeko, journaliste environnementaliste à Radio Burundi. «Et ce serait vraiment salutaire dans ce pays qui connaît des problèmes de sécheresse due en partie à une déforestation à grande échelle», termine-t-il.
commune de Nyakabiga, au centre de Bujumbura, estime que «la salubrité s’est nettement améliorée depuis que l’organisation s’occupe des déchets» dans leur commune.
les mettons de côté. Tous les déchets seront transformés. C’est une question de moyens, sinon la technique, nous la maîtrisons.»
Selon Richard Nimubona, Administrateur de la commune de Nyakabiga, où l’ADLP s’est le plus implantée, «l’ADLP est venue au moment où les SETEMU connaissaient d’énormes problèmes d’intervention. Aujourd’hui, nous collaborons étroitement avec cette association et tout va bien sauf qu’ils ont encore besoin d’espace suffisant pour dégager les déchets non encore traités».
Un gain énorme
Scepticisme La santé des hommes L’initiative de l’ADLP a évidemment un impact positif sur la santé des hommes, l’environnement et la protection des arbres. Dans le même temps, elle génère des emplois pour les plus démunis de la communauté comme les veuves, les anciens combattants et les jeunes. Environ quatre-vingts personnes gagnent désormais leur vie à Bujumbura grâce à la collecte, au transport et à la transformation des déchets. Sur le terrain, l’initiative de l’ADLP ne laisse pas indifférent. Alidi Hakizimana, un habitant de la
Les SETEMU paraissent les plus sceptiques par rapport à l’initiative de l’ADLP. Célestin Musavyi, l’ancien Directeur technique des SETEMU estime que les éloges faits à l’endroit de l’ADLP doivent être mesurés. Selon lui, «l’ADLP n’a fait que déplacer le problème puisqu’elle collecte tous les déchets mais ne les traite pas tous. Alors, où va le reste? Cela va constituer de nouvelles décharges non contrôlées». Mais le président de l’ADLP, Bikorimana, a la réplique adéquate. «Des machines qui vont nous permettre de transformer le reste des déchets en fumure organique vont bientôt nous arriver. En attendant, nous les trions et
Qu’ils la maîtrisent vraiment, cette technique, c’est certain, puisqu’ils sont parvenus à se fabriquer eux-mêmes deux nouvelles machines leur permettant ainsi de produire encore plus de briquettes. Ce qui les rend capable de satisfaire une commande de 80 tonnes de briquettes par mois au compte du Ministère de la Défense nationale et des anciens combattants. Trois camps militaires (Ngagara, Muzinda, Marines) et l’Hôpital militaire sont ainsi approvisionnés en charbon pour la cuisson par ADLP. Ce qui constitue un gain énorme sur les forêts et les boisements du Burundi. Il est certain aussi que l’ADLP éprouve encore des difficultés d’espace pour le triage et le séchage des ordures, qu’elle manque de matériels roulants et de machines adéquates, mais elle reçoit un soutien effectif, de l’administration au plus haut niveau. Et les SETEMU ont récemment reconnu leur incapacité à résoudre le problème de collecte et de traitement des déchets ménagers, et ont orienté ses clients vers des associations comme ADLP.
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SPORT
Coupe du monde 2010 Dans un mois, la fête commence Par Alexandre Korbéogo
Dans un mois, exactement le 10 juin, débute en Afrique du Sud, la plus prestigieuse des compétitions de football, la première qui se tient en Afrique. «Il était temps», comme l’a dit Nelson Mandela, le jour du lancement du tirage au sort des trente-deux équipes en lice. Découvrons les six équipes africaines en lice.
La coupe du monde, au bas mot, fait trentedeux équipes, reparties en huit poules de quatre équipes. Pour la première édition du sport roi qui se tient en Afrique, le continent aura six représentants. Cinq ont passé les éliminatoires avec brio et l’Afrique du Sud, pays organisateur, est qualifié d’office selon le règlement de la Fédération Internationale de Football Association (la FIFA). Les six mousquetaires africains sont donc la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Ghana, le Nigéria, l’Algérie et l’Afrique du Sud. Si tous les pays qualifiés ont pu montrer ce dont ils sont capables lors de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2010, jouée en Angola, ce ne fût pas le cas pour le pays de Nelson Mandela. Cette équipe n’a pas pu se qualifier pour cette CAN. Cette défaite a suscité de vives réactions de la part de ceux qui ne voulaient pas que ce pays accueille une aussi prestigieuse compétition qu’est la Coupe du Monde.
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Mission difficile
Batailler dur
A scruter de près la composition des poules des équipes africaines, la mission semble difficile. Il faut tout de suite insister sur le fait que les favoris parmi les pays africains, pour parler en interne, ont donné des résultats mitigés lors de la dernière CAN. Que ce soit la Côte d’Ivoire, le Cameroun ou le Nigéria, tous ont été éliminés de la compétition avant la finale. La surprise est venue du Ghana et de l’Algérie. Le premier s’est retrouvé en finale, malgré une équipe rajeunie à 100%. Le deuxième, malgré sa qualification pour le Mondial 2010, arrachée de haute lutte face à l’Egypte, championne d’Afrique 2010, l’Algérie n’a pu se retrouver en finale, car barrée sur la route par la même équipe de l’Egypte qu’elle a éliminé de la course au mondial.
Pour ce qui est des poules, les équipes africaines doivent batailler dur pour se frayer un chemin vers la demi-finale. C’est l’objectif premier pour un continent qui accueille pour la première fois cette compétition. Ce ne sera pas une mince affaire. L’Afrique du Sud, pays organisateur, est logé dans la poule A, en compagnie du Mexique, de l’Uruguay et de la France. C’est un casse-tête chinois pour le pays organisateur de se défaire de ses acabits du football mondial. Mais l’espoir est permis. Le Nigéria se retrouve en poule B avec l’Argentine, la République de Corée et la Grèce. Avec un sursaut d’orgueil et pas de faux pas, les huitièmes de finales sont assurés pour les ‘Super Eagles’ (le nom de l’équipe nigérienne). L’Algérie, l’un des derniers qualifiés pour la compétition, doit en découdre avec les Etats-Unis d’Amérique, l’Angleterre et la Slovénie. Avec un peu de chance, les fennecs peuvent faire quelque chose.
Mission pas impossible La mission semble difficile mais pas impossible. Le Ghana, finaliste malheureux de la dernière CAN plante le décor à la poule D avec l’Espagne, la Serbie et l’Australie. La vivacité des jeunes ghanéens doit faire la différence, même s’il ne faut pas sousestimer un adversaire. Les lions indomptables tenteront de dompter leurs adversaires du groupe E à savoir le Japon, les Pays-bas et le Danemark. C’est du pain sur la planche. Les Ivoiriens ne sont pas aussi à l’abri des foudres du Brésil, du Portugal et de la République Démocratique et Populaire de Corée dans la poule G. Si les éléphants retrouvent la totalité de leurs joueurs au top de leur forme, Didier Drogba et ses coéquipiers peuvent faire mal. Mais au delà des réalités des pronostics, seuls les résultats acquis sur le tapis vert peuvent faire force de loi. Car, en football, un match n’est jamais gagné d’avance. Ce qui est sûr et certain, c’est que l’Afrique compte sur ses représentants pour ne «pas verser notre figure par terre» comme cela se dit ici en Afrique. Et, cela est possible car «il est temps», comme le dit Mandela, que l’Afrique aille loin dans cette compétition qu’elle organise pour la première fois sur son sol.
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SPORT
L’équipe professionnelle de Diambars © Diambars
Ecole de foot du Sénégal Un vivier de champions au cœur de l’Afrique Par Daouda Emile Ouédraogo
A soixante-dix kilomètres de Dakar, dans les encablures de M’Bour, à un jet de pierre de la commune de Sally, existe une école de football-étude. Avec un budget de 4 milliards de F CFA, Diambars a bâti une source de talents, un vivier de professionnels africains. Les auteurs de ce centre de formation qui allie le foot à l’étude, veulent former des hommes complets pour le sport et la vie.
A Diambars, le foot étude est une réalité. Située à Sally, l’école de Diambars accueille une centaine de pensionnaires. Là, le foot côtoie l’éducation; le sport, la connaissance. Sous une température clémente (25° selon la météo), l’espace de Diambars offre une vue agréable. Bâti sur une superficie de 15 hectares, Diambars veut «faire du foot passion un moteur de développement». C’est une passion qui anime les neuf encadreurs (éducateurs) des enfants, sans compter les professeurs et les médecins. Diambars est en tri dimension dans sa structure: le sport, les études, l’administration. Lorsque Amadou Tambérou, le préfet des études, explique les contours du centre, il parle avec engagement et fierté de diriger un centre à l’allure mondiale. Chemise blanche, élancé, avec une taille de 1m85, il vit en Diambars et Diambars vit en lui. «Diambars
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est la résultante d’une étude pour l’obtention d’un diplôme. Seck, l’un des quatre pionniers (avec Bernard Lama, Patrick Vieira et Jimmy Adjovi-Boco; tous des sportifs professionnels), a réalisé ses travaux de recherche sur l’accouplement du football et des études. Et, c’est la mise en oeuvre de cette étude qui a donné vie à Diambars, grâce aux soutiens des sportifs précités», a expliqué Amadou. Les premières pierres ont été posée en 2001, c’est en 2003 que les premiers pensionnaires posent leurs baluchons dans ce centre. En huit ans d’existence, le centre a réalisé des progrès significatifs dans la formation et le placement des joueurs dans des clubs internationaux. Mais le processus de recrutement obéit à une stratégie particulière.
Comment y entre-t-on? La formation à Diambars est «purement gratuite», selon le directeur des études. Cependant, n’y rentre pas qui veut, mais qui peut. Les gestionnaires ont mis en place un système décentralisé de recrutement: du petit hameau jusqu’au niveau national. D’abord, Diambars dispose de recruteurs dans chaque préfecture. Ensuite, dans chaque département et enfin, dans chaque région. Chacun, à son niveau, déniche les perles rares à travers une compétition locale. Ces ‘crèmes’ du football au niveau local participent à la sélection spéciale ‘Diambars’ au niveau national. Les meilleurs sont choisis pour avoir ‘voix au chapitre’ de prendre part à la formation au sein du centre. Ils sont ‘les best of the best’ et doivent avoir treize ans pour accéder au centre. Par promotion, une vingtaine a le droit de prendre part «à la table du Seigneur» pour suivre la formation.
Patrick Viera parle aux jeunes © Diambars
Le cursus
Comment en sort-t-on?
La sélection se déroule d’avril à octobre. Le cursus scolaire se déroule du primaire au secondaire avec une ouverture sur la formation professionnelle. Au primaire, le pensionnaire, du fait de son âge, fait deux classes en une. Le Cours élémentaire (CP) 1 et 2 la première année, le Cours élémentaire (CE) 1 et 2, la deuxième année, et le Cours moyen (CM) 1 et 2, la troisième année. Durant ce cursus, il pratique l’apprentissage du football. En plus de cela, trois langues (le français, l’espagnol et l’anglais) sont enseignées à tous les élèves de Diambars. Selon le jeune Ndiaye, en classe de 1ère, le programme leur permet d’étudier et de pratiquer le sport de façon rationnelle. La matinée est réservée aux études et l’après-midi au sport. Pour permettre à ceux qui n’ont pas la chance de réussir dans les études, Diambars a créé une section formation professionnelle. Des pensionnaires se forment au maniement des outils multimédias avec un formateur professionnel. Ceux-ci, après trois années de formation, vont en Europe pour y passer un baccalauréat en multimédia. Si l’on peut rentrer à Diambars avec des conditions précises, l’on peut aussi en sortir. Mais, différemment.
De deux manières. Soit le pensionnaire décroche un contrat professionnel, soit il entre dans la vie active professionnelle après sa formation. «Tous les contrats signés avec les clubs européens obéissent aux règles de la FIFA (Fédération Internationale de Football Association). Diambars gère le contrat du joueur durant cinq ans. Passé ce délai, il est libre de choisir le manager qu’il veut pour gérer sa carrière», a précisé le préfet des études, Monsieur Tambérou. A défaut de réussir sur le plan du football, le pensionnaire, après sa formation, peut être employé dans un domaine qui lui convient. Autre aspect de Diambars: la discipline. Comme toute organisation humaine disciplinée, Diambars a ses règles. «Nous devons imposer aux enfants une certaine discipline afin de leur donner une formation humaine complète qui leur soit profitable dans l’avenir. Nous avons pour cela un régime plus ou moins militaire», a précisé le Directeur technique, Cheikh Moussa Camara. Il est le responsable des entraineurs et est lui-même un entraîneur. Selon lui, la stratégie de formation au football est répartie en deux phases. Durant la première phase qui est la préformation, le pensionnaire doit jouer tous les postes lors des entrainements ou des matchs. Et c’est durant la deuxième phase qu’il se spécialise à un poste ou on lui attribue un poste dans lequel il évolue bien, selon le Directeur technique.
Aujourd’hui, Diambars est en train d’étendre son réseau de centre de formation à travers le monde, où il existe déjà en Afrique du Sud et en Angleterre, pour ne citer que ces pays. A travers ce centre où l’on façonne des hommes et des talents de demain, ils ont fait de cette citation d’Emmanuel Kant(1), leur credo: «La discipline que l’homme s’impose à lui-même ne doit pas être subie comme une corvée mais s’accompagner de vaillance et de joie». Les entraîneurs de Diambars le savent, eux pour qui, John Kessel(2) a dit vrai lorsqu’il affirme: «L’entraîneur médiocre parle, le bon explique, le super démontre, et le meilleur inspire.» www.diambars.org (1) Emmanuel Kant : philosophe allemand, son nom en allemand est Immanuel Kant (2) John Kessel : auteur américain de fantaisie
Que signifie Diambars?
Selon le préfet des études, Amadou Tambérou: «Diambars signifie la force, le courage et la sagesse. La force n’est pas synonyme de brutalité, mais de finesse et d’intelligence». C’est peut-être la raison pour laquelle Diambars a une équipe qui joue en deuxième division sénégalaise, après seulement huit ans d’existence.
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CULTURE / MUSIQUE © Xavi Barcelona
Terrakota les united colors de Lisbonne Par Benjamin Tollet
Portrait de Terrakota, la musique métissée de Lisbonne. Portrait également de Romi Anauel qui en est la chanteuse. Elle est arrivée quand elle avait trois ans en tant que réfugiée de guerre au Portugal, à Lisbonne. Romi a grandi au Portugal et par la musique de son groupe Terrakota, elle a senti la nécessité de rechercher ses racines angolaises. «Aujourd’hui je comprends que nos racines ne viennent pas seulement d’où on vient, mais aussi de la rencontre avec notre intérieur. Je suis citoyenne du monde et non pas d’un pays déterminé.»
Si l’on dit Lisbonne, on pense au fado. Pourtant, la capitale portugaise est bien plus que ça, et Terrakota est là pour le prouver. Le groupe mélange sonorités africaines avec du reggae, un zeste de salsa et de soukouss, des rhytmes afro-cubains, une pointe de hiphop et de musique indienne pour créer une musique métissée particulièrement réussie. À l’instar de la ville métisse que Lisbonne est devenue.
tique que l’on veut absolument garder comme tradition. Mais cette tradition néglige le métissage qui caractérise la ville de nos jours. Le Portugal d’aujourd’hui est le résultat de son passé: c’est un mélange de personnes et de peuples», raconte Romi Anauel, la ravissante chanteuse et danseuse de Terrakota, elle-même d’origine angolaise. LNA: Cela se reflète dans la musique?
« Même si elle ne le parait pas, Lisbonne est une ville cosmopolite. Il y a une grande présence de gens des anciennes colonies, Angola, Cap Vert, Mozambique, Guinée-Bissau et Brésil. Mais pas seulement des colonies, il y a des communautés de presque toute l’Afrique ainsi que pas mal d’Indiens. C’est dans cette grande diversité que nous puisons notre musique. Lisbonne n’est pas que le fado. Cette image de ville du fado et de musique portugaise triste est une chose du passé. C’est une image an-
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Romi Anauel: Oui, surtout dans la musique des jeunes, qui ont des idées plus contemporaines. Quand nous avons commencé le groupe il y a dix ans, on était pionniers dans le genre de musique métissée qui incorpore plusieurs styles des communautés immigrées. Depuis lors, plusieurs groupes ont suivi notre exemple.
LNA: On peut considérer Terrakota comme ambassadeur de cette multiculturalité portugaise? RA: Oui, quand on a commencé, il n’y avait pas de groupes qui faisaient notre style de musique. Les groupes portugais étaient plus ‘mainstream’ et recherchaient toujours une connexion avec la culture américaine ou européenne, surtout le rock et la pop. LNA: Quelles sont vos influences musicales? RA: Terrakota s’inspire surtout de l’Afrique de l’ouest (Sénégal, Mali, Burkina Faso) et aussi l’Afrique du Nord (Maroc, gnawa). Et après ça, le parcours de Terrakota est aussi le parcours que l’Afrique elle-même a fait, c’est-à-dire le chemin des esclaves vers le Nouveau Monde. Le Cuba par exemple, avec sa musique afro-religieuse et la salsa, ainsi que la musique afro-brésilienne et un
peu de samba. Et puis il y a d’autres ingrédients, comme les racines musicales d’Inde et la musique orientale. Notre objectif est de mélanger tout ça avec nos personnalités, avec les influences que les sept membres du groupe portent en eux. Mais ce n’est pas n’importe quel mélange, on cherche un sens dans le métissage musical que l’on fait. Ce n’est pas facile de faire une bonne fusion. Il faut avoir une certaine connaissance et sentir la culture d’où ces musiques viennent. On s’est plongé dans ces cultures et traditions pendant d’innombrables voyages. LNA: Vous ne faites pas de musique angolaise? RA: Terrakota n’a pas tellement d’influences angolaises, sauf évidemment le fait que je suis angolaise, mes racines se trouvent là-bas. On est en train de rechercher dans la musique traditionnelle d’Angola. Mais pas de kuduro (1) car on recherche vraiment les racines de la musique alors que le kuduro est contemporain. Ce qui ne veut pas dire que le kuduro ne soit pas intéressant, c’est une musique qui vient des quartiers sociaux, comme le hiphop. Les danseurs et chanteurs expriment ce qu’ils vivent à travers le kuduro. Surtout la danse est spectaculaire, il y a une créativité brutale. Nous, on recherche plutôt dans les musiques de racine angolaise comme le semba et le merengue. Il y aura deux morceaux avec le grand auteur-compositeur angolais Paulo Flores sur notre nouvel album qui sort ce mois-ci. LNA: Contrairement à la musique portugaise, votre musique est loin d’être de la musique triste. RA: Notre musique est en effet joyeuse, mais c’est une musique avec une certaine conscience de notre société en général et de notre planète. Notre musique est un reflet de notre temps mais aussi une révolte ironiquement transformée en fête. On ne part pas en guerre mais on va faire la fête pour essayer de changer ce monde. Pour se battre contre les injustices que l’on aperçoit dans l’histoire de l’humanité. Il y a beaucoup d’injustices mais la plupart des gens paraissent endormis, ils ne voient même pas ces injustices. Certains veulent aborder ce thème via l’art d’une manière subtile, nous non, tous nos thèmes sont des révoltes. Pacifiques bien entendu, nous ne voulons pas de guerre. Ce n’est pas via la guerre que l’on fait la révolution, mais c’est une révolution spirituelle au niveau énergétique. On veut semer une semence consciente de la situation dans laquelle notre planète et notre société se trouvent.
LNA: Ce qui frappe pendant vos concerts, c’est le positive feeling. Les gens restent bouche bée de l’énergie positive que vous véhiculez. RA: C’est quelque chose que je recherche consciemment. Je veux donner aux gens et recevoir des gens. Nous voulons que les gens sortent du concert en ayant une espérance de changement. Tout le monde sait ou ressent que notre histoire humaine va mal. Nous parlons de cela. On parle de notre énorme pouvoir en temps qu’être humain de guider nos propres vies et de conduire notre énergie en direction de l’amour, de la paix et de l’union. Le résultat, c’est que les gens sortent de nos concerts avec une espérance et ils sont inspirés. La positivité est centrale dans nos spectacles. On travaille avec la lumière, cela se note dans le regard du public et dans l’état de paix dans lequel ils se retrouvent. Les gens ne sont pas fatigués après nos concerts, au contraire, ils en veulent plus. C’est quelque chose que je recherche consciemment car dans les expériences que j’ai eues dans le passé, j’ai appris que nous pouvons conduire l’énergie de forme positive et négative. Je veux la conduire de manière positive. LNA: Vous êtes angolaise, comment êtes-vous arrivée au Portugal? RA: Je suis arrivée quand j’avais trois ans comme réfugiée de guerre. Mes parents et beaucoup d’autres personnes ont dû laisser leur vie derrière eux pour construire une nouvelle vie au Portugal. L’Angola était un pays bien, grâce à ses richesses ce pays pourrait être un des pays les plus prospères du monde. Mais toutes ces années de guerre ont ruiné le pays. Aujourd’hui, la guerre est finie et le taux de croissance économique y est le plus élevé du monde. Du coup, le Portugal est de nouveau intéressé par son ancienne colonie, mais c’est surtout la Chine qui développe les liens économiques avec Angola. J’ai grandi au Portugal et j’ai senti la nécessité de rechercher mes racines. Maintenant je suis plus calme parce que je les ai rencontrées et je comprends que nos racines ne viennent pas seulement d’où on vient, mais aussi de la rencontre avec notre intérieur. Pour cela, je dis que je suis citoyenne du monde et pas d’un pays déterminé.
Terrakota a joué à travers l’Europe: Couleur Café (Belgique), Festes de la Mercè/BAM (Espagne), Amsterdam Roots (Pays-Bas), Etnosur (Espagne), Sfinks (Belgique), Rototom Sunsplash (Italie), Festival Sudoeste (Portugal), Weltnacht (Allemagne), Exit festival (Servie), Mercat da Vic (Espagne), Esperanzah (Belgique et Espagne), Polé Polé (Belgique). En août 2009, Terrakota était invité en Inde au Ladakh Confluence à Leh en plein cœur de l’Himalaya. C’était un concert inoubliable à 3500 mètres d’altitude. Terrakota a également joué en France: Babel Med (Marseille), Rencontres et Racines (Audincourt), Porto Latino (Corse), Nuits Métisses (Vénissieux), Fiest’a Sète (Sète), Musiques d’ici et d’ailleurs (Chalons en Champagne), Les Nuits Blanches du Vieux (Le Cannet), Festival Convivencia (Toulouse). 2010 sera une année spéciale pour Terrakota: le groupe fêtera ses 10 ans et sortira son quatrième album sur lequel le groupe affirme ses racines africaines et jamaïcaines tout en continuant à s’ouvrir vers de nouveaux horizons. Le nouveau album de Terrakota s’appelle ‘World Massala’ (sous label Galileo MC).
Discographie World Massala (2010) Oba Train (2007) Humus Sapiens (2004) Terrakota (2002)
Concerts 03/07 24/07 31/07 06/08 07/08 08/08
MeYouZik festival (LUX) Polé Polé festival, Gent Sfinks festival, Anvers Dranouter festival, Dranouter Polé Polé Beach festival, Zeebrugge Festival du Bout du Monde, Crozon (FR)
www.myspace.com/terrakota vidéo concert Inde: www.youtube.com/user/aleczi (1) kuduro: un style d’afro-techno venu des ghettos de Luanda, Angola
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CULTURE / LIVRES
RDC
A travers une culture riche et magnifique Voici quelques-unes des contributions intéressantes au monde du livre. Profitons-en pour explorer ces œuvres parlant des richesses humaines, culturelles et naturelles et montrant des photos magnifiques du RDC.
Huart, Alain et Tombu, Chantal
Chibalabala, Mutshipayi
216p, 2009, cartonnée avec jaquette, illustré,
Les romanciers congolais et la satire
Weyrich Edition, 35 €
279p, 2009, relié, Editions L’Harmattan, 26 €
Ce livre dresse le portrait d’un pays étonnant et d’une nation face à d’immenses défis. Ses richesses, humaines et naturelles, sont aussi vastes que l’étendue de son territoire. Ce pays, à la taille d’un sous-continent, est l’objet de toutes les convoitises. Son patrimoine exceptionnel aiguise les intérêts croissants. Poumon d’une planète menacée par l’évolution de son climat, le Congo possède des ressources multiples dont les potentiels sont énormes. L’agriculture, moteur de la relance économique, est au centre de la vie des Congolais. Rempart contre la pauvreté, elle est aussi le meilleur moyen de se libérer de sa dépendance alimentaire extérieure. Pourvoyeuse d’emplois, l’activité agricole permet d’être créatrice de valeur ajouté, ce dont les Congolais ont le plus besoin. En quelque deux cents pages, les auteurs sont parvenus à présenter un pays plein d’espoir, doté d’un potentiel extraordinaire et de ressources abondantes. Richement illustré, cet ouvrage révèle un Congo comme on ne l’a jamais vu.
Le projet majeur de ce livre est de montrer que les oeuvres littéraires de contestation et de critique sociale contre les régimes postcoloniaux ont besoin de structures politiques souples, qui permettent leur expression, en vue d’aider les gouvernants à faire une autocritique permanente. Les écrivains de la RDC peu connus des congolais ou en dehors du pays, sensibilisent à cette prise de conscience.
Congo, pays magnifique
Zebila, Lucky
Le soleil et la pluie/Moyi M’bula 16p, 1998, Quadrichromie, Editions L’Harmattan, 7,50 €
Un jour, dans un petit village où les habitants vivaient de la pêche et de la récolte, il n’y avait pas de fleuve, seulement des petits ruisseaux. Il pleuvait souvent et les ruisseaux gonflaient, remplis de poissons. La terre était fertile et la végétation luxuriante. Malgré cela, les habitants du petit village se plaignaient du temps humide et des pluies fréquentes.
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Nimy Nzonga, François
Dictionnaire des immortels de la musique congolaise moderne 443p, 2007, relié, photos noirs et blancs, Academia Bruylant, 49 €
Cet ouvrage représente un travail de synthèse considérable. La base de données réalisée par l’auteur est alimentée par son expérience directe du milieu et par un travail de documentation rigoureux. Ce dictionnaire présente un intérêt historique, sociologique et pédagogique important, d’autant plus qu’il explique l’immense engouement que connaît la musique congolaise, principalement en Afrique noire, en Europe, aux Caraïbes et au Japon. Cet ouvrage de référence fourmille de renseignements utiles et détaillés. Ecrit dans un style imagé qui en rend la lecture agréable, il brosse le portrait de ces hommes et de ces femmes, fleuron de la musique congolaise moderne.
www.blacklabel.be est une librairie par correspondance et la maison de culture du livre africain. Chez Blacklabel, vous trouverez des livres en néerlandais, en français et en anglais à propos de l’Afrique. Vous pourrez même en commander certains en langue africaine. La plupart des livres que nous offrons sur ce site est difficile à trouver en librairie. www.blacklabel.be offre 10% de réduction aux lecteurs de Le Nouvel Afrique (adresse postale en Belgique). Contactez info@blacklabel.be pour toute information.
Manfroy Boale, Stéphanie
Georges, Emile-Alexandre
Le testament d’une mère 120p, 2008, roman, livre de poche, Edition Le
Les Lega et leur art. Sur les traces d’un rêveur égaré au Congoland
Phare Quotidian, 10 €
317p, 2005, cartes, photos n/b et couleurs, Musée Royal de l’Afrique Centrale, 47,70 €
Ce roman raconte la vie d’une dame dénommée Belina et de son fils Loïc. Rongée par un cancer et se trouvant sur le point de rendre l’âme, Belina remet à une de ses amies une enveloppe pour son fils. L’enveloppe contenait l’expression de ses dernières volontés, un testament pour un fils avec qui elle s’est brouillée depuis quelques années car l’enfant fréquentait une bande de jeunes délinquants opérant dans la rue. L’intérêt de ce roman est dans l’accueil que va réserver le fils au testament de sa mère, qui, de son vivant, pour l’éducation de son fils, avait jeté l’éponge. On peut le constater dans cet extrait de ce roman: «Belina reste immobile, le regard figé vers la porte par laquelle Loïc a disparu! Elle jette l’éponge. Elle n’a plus la force de lutter pour remettre son fils sur le droit chemin. Elle a perdu le combat. Et c’est triste pour une mère d’accepter la défaite». Ecrit dans un style aéré avec des mots de tous les jours, «Le testament d’une mère» traite plusieurs thèmes tels ceux de l’amour maternel, de l’éducation d’un enfant, de l’hospitalité africaine et de la capacité à s’adapter aux circonstances de la vie. C’est un roman qu’il faut absolument lire, surtout pour les cœurs sensibles.
Durant son séjour chez les Lega de la région de Shabunda, de 1955 à 1958, ce territorial noircit un monceau de pages, témoignages de ses expériences et de ses vues ‘inhabituelles’ sur l’univers qu’il découvre. Sa rencontre avec ces hommes de la forêt, leur vision du monde qui les entoure, son admission au sein du Bwamè, l’institution centrale des Lega, sont autant de moments qu’il vivra intensément. Le Bwamè n’avait-il pas été mis hors la loi par le pouvoir colonial? N’étaitil pas lui-même le représentant de ce pouvoir? Dès l’an 2000, il se met à rassembler ses lettres, ses photos, ses films, ses notes et les objets que les Lega lui ont offerts, dont il est devenu en quelque sorte le dépositaire. Il rédige alors ce livre où il mêle histoire, anecdotes et autres récits tantôt didactiques, tantôt sarcastiques, parfois tout à fait désopilants. Bref, le film d’un rêveur égaré durant trois années au Congoland, qui surprend par sa vision particulière de l’univers artistique africain.
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CULTURE / LIVRES
Voyage à travers le fin fond du Congo Par Kenza Garba
La zone de la rivière Lukenie, le Kasaï Oriental, du Bandundu et la province équatoriale du Congo demeure l’une des régions les moins développées de la République Démocratique du Congo. Jean-Jacques Mampaka, de nationalité congolaise, journaliste-chasseur d’images, et Marc Hoogsteyns, reporter photographe belge, ont entrepris la traversée du fleuve à bord d’un kayak. Marc Hoogsteyns parle avec enthousiasme de son voyage à travers le fin fond du Congo, de la population, de leurs espoirs et de leur existence.
«Jean-Jacques et moi avons travaillé pendant des années dans la région des Grands Lacs africains, couvrant les nouvelles et les événements en cours», dit Marc Hoogsteyns. «Nous avons été témoins du génocide rwandais, plus de 30 ans de régime de Mobutu au Congo, les guerres de l’AFDL et la guerre actuelle dans l’est du pays. Mais cette partie de l’Afrique, la zone de la rivière Lukenie, le Kasaï Oriental, du Bandundu et la province équatoriale, demeure encore un point noir pour la plupart des médias internationaux et les organismes d’aide internationaux. Ces dernières ont tendance à concentrer l’attention sur l’est du Congo et les problèmes politiques à Kinshasa. Cela laisse le reste de la région, où la plupart des Congolais vivent, à découvert.»
Donner de l’attention Marc et son collègue Jean-Jacques trouvaient que les personnes vivant dans ces zones inconnues avaient également besoin d’attention ou d’aide. Parce que la zone de la rivière Lukenie,
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Kasaï Oriental, du Bandundu et la province équatoriale du Congo demeure l’une des régions les moins développées de la République Démocratique du Congo. «Depuis plusieurs années déjà, la vie publique et économique est à l’arrêt dans cette partie du pays qui a été complètement coupée du reste du pays à cause du mauvais état des infrastructures routières et des rivières. Leurs seuls moyens de communication encore existants ne sont plus dragués depuis plusieurs années», poursuit Marc Hoogsteyns. En utilisant un kayak comme outil de transport, Marc et Jean-Jacques étaient prêts à passer plusieurs mois avec la population de la région concernée. Ils ont enregistré tout ce qu’ils ont vu et ont publié leurs conclusions pendant leur voyage, par moyen d’un blog sur internet. «Les personnes dans cette partie du Congo ont besoin de notre aide et nos résultats peuvent contribuer à une meilleure compréhension de leurs problèmes», estime Marc.
Le blog pour informer le monde entier Marc et Jean-Jacques ont rédigé pendant leur voyage un blog, nommé ‘bobongo’. Un ‘bobongo’ est une danse de la mythique tribu congolaise ‘Ekonda’, une tribu vivant dans les forêts Congolaises ‘cœur des ténèbres’. Une partie de la tribu ‘Ekonda’ est constituée de pygmées Batwa et l’autre partie de Bantous. Ces gens ont été capables de survivre aux pires parmi les pires dans le passé par eux-mêmes en se concentrant sur le milieu dans lequel ils vivent: la forêt tropicale. «Au cours de la danse ‘bobongo’ des Ekonda, ces derniers appellent les esprits des ancêtres pour demander conseils sur la façon d’affronter l’avenir et de faire face aux problèmes. Ce rituel peut être facilement utilisé comme symbole pour la quête à la survie des Congolais face aux difficultés et au maintien de la joie de vivre. C’est pour cela que nous n’avons pas hésité à appeler notre carnet de jour ‘bobongo’. Jour par jour nous avons noté nos observations en anglais, français et néerlandais sur ordinateur ou sur pa-
Femme Ekonda © Marc Hoogsteyns
pier. Quand les conditions le permettaient, nous avons envoyé les récits par téléphone satellite à notre webmaster en Belgique. Nous avons travaillé dans des circonstances très primitive et souvent sans électricité. Il n’y avait pas de routes dans la région et pas non plus de moyens de transport, de liaisons téléphoniques, de l’eau potable et d’électricité. C’est ce qui a rendu le projet très coûteux aussi. Heureusement nous avons eu un soutien financier de certains partenaires, comme Air Kasaï et le groupe presse ‘Le Potentiel’.» Un peuple extrêmement hospitalier et ouvert Quand Marc et Jean-Jacques arrivaient dans un village, après avoir pagayé en kayak toute la journée, ils rencontraient des gens extrêmement hospitaliers. Marc raconte qu’il a pagayé 1800 kilomètres, 50 à 60 kilomètres par jour, c’est-à-dire 8 à 10 heures par jour. «J’essayais de trouver ou bien un bivouac de pêcheurs où l’on pouvait dormir, ou bien d’accoster dans un petit village. Les gens étaient très hospitaliers et très ouverts. J’étais surpris de leur gentillesse, pourtant ils ne me connaissaient pas. Ils étaient bien sûr très surpris de me voir arriver parce que, dans ces villages-là, ils n’ont plus vu de Blancs depuis 20 ou 30 ans. Cela m’est arrivé que tout le village a fui parce qu’ils étaient tellement surpris de voir un Blanc.»
Ils se sont donc embarqués au départ de Lodja, dans le Sankuru, à bord d’un kayak rouge, parcourant 1800 km sur la rivière Lukenie, à travers le parc de la Salonga, qui s’étend sur 36.000 km2 de forêt tropicale. C’est là que le World Wildlife Fund (WWF) s’attache à recenser les animaux (91 poissons appartenant à 21 espèces différentes, une population de 5 à 7000 Bonobos, ces singes que l’on ne retrouve qu’au Congo), à former les gardiens du parc, à rendre les populations locales plus sensibles à la nécessité de protéger l’une des dernières forêts vierges du monde.
Lisez avec nous dans leur carnet de jour. «Comme prévu, nous nous embarquons au port de la cotonnière, à Lodja. Ayant plus de poids que moi, Marc embarque le premier dans le kayak et plus léger, je prends place le dernier. Plus expérimenté, Marc prend les commandes de l’embarcation, c’est à dire pagayer et pédaler en même temps pour donner une bonne direction à l’embarcation. Selon les cartes hydrographiques, la sinuosité de la rivière n’est pas très expliquée. Il faut évidement naviguer pour s’en rendre compte.» «Les premiers moments sont bons. C’est notre première navigation sur cette rivière et nous pagayons sans guide. Il faudra s’habituer
à l’appellation ‘bifure’ dans notre texte. Cela signifie simplement virage ou courbe. Après quatre bifures, nous croisons les premiers arbres qui tombent dans la rivière. Nous échappons à ce premier obstacle. Comme la rivière est encore étroite par endroit, le courant est assez fort et il faut de la maîtrise et du courage pour affronter ce dernier. Maîtrise et courage sont les vertus qu’il faut pour naviguer sur la Lukenie, quand on est novice et pour un habitué, le courage suffit. » «Lodja. C’est une ville, disons bourgade, traversée par la route nationale numéro 3 dans un piteux état. Le fait de diviser la bourgade en deux parties a donné naissance à deux quartiers: le quartier catholique et le quartier protestant. Appelé à devenir probablement la capitale du Sankuru, Lodja n’est désservi qu’une seule fois par semaine, le vendredi, par deux vols. Un cargo et un passager. Ce qui explique l’ambiance folle que nous avons vécue lors de notre arrivée. Bourgade complètement enclavée.» «Après la pluie à Lodja, vaut mieux rester chez soi que tenter de sortir. L’artère principale devient une rivière et pour circuler mieux vaut avoir des palmes aux pieds ou alors devenir grenouille.»
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CULTURE / LIVRES
«Heureusement, certains cherchent à travers des micros projets à sortir le Sankuru, en général, et Lodja, en particulier, des ornières. Nous pouvons parler de ce citoyen Belge d’origine congolaise et fils du terroir, qui se bat pour la réhabilitation de la concession de la cotonnière, afin d’y installer des structures pouvant amener la population à se remettre au travail de la terre, à la scolarisation des enfants des anciens travailleurs qui s’étaient détournés du droit chemin et de s’occuper des filles et femmes victimes de viol lors de la rébellion. Le pont sur la rivière Lukenie, sur la nationale numero 3, doit sa remise à neuf grâce au courage de Pierre Albert, originaire du coin. Un autre qui tient à sauver l’image de Lodja, c’est l’honorable Adolphe Onosumba avec son ONG dénomée Etoile du Sankuru. Cette année sa rizière a produit 1 500 kilos de riz. A son actif il faut ajouter une palmeraie et des surfaces servant à la production de semences améliorées pour les agriculteurs locaux. La vie s’arrête à Lodja avec la tombée de la nuit. Plus d’activité après 19 heures. C’est comme si Lodja diurne est différente de Lodja nocture. Et pourtant nous sommes dans ce qui fut naguère le coeur de l’économie du Sankuru et par extension le centre de la RDC.»
«Me voilà seul au village. C’est à cet instant je vais vivre l’hospitalité tant vantée du congolais. Que dis-je? Hospitalité dans le Congo profond et oublié. Non contents de nous offrir leur toit, voilà que ces femmes et hommes de Okelenge vont se plier en quatre pour me demander qu’est-ce-que je dois manger. Ne pouvant abuser de leur bonté, aucune demande spéciale, tout est bon puisqu’euxmêmes mangent ce qu’ils ont à portée de main.»
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«Maintenant nous savons que la rivière aussi calme et sans problème d’apparence, n’est pas facile. Nous pagayons pendant 45 minutes lorsqu’apparaît un premier port, ce qui est considéré comme tel par les riverains. Nous sommes à Dibongo Okelenge. Un village qui n’est pas loin de la rivière, situé à au moins 15 km de la bourgade de Lodja. Selon les habitants du coin, pour atteindre la cité, entendons Lodja, ils marchent pendant 2 heures. Marc vivra le calvaire avant d’atteindre la cité (Lodja). Un village qui a une population estimée à 600 âmes. Il a une école primaire qui est fréquentée par 170 élèves mais située au village Bohema à 2 km de marche. Une forte affluence dans la classe de première (63 élèves) et faible en classe de sixième (13 élèves). Une fois l’école primaire terminée, il faut aller s’inscrire à la cité. Ce qui pousse certains parents à demander à des membres de famille qui habitent la cité, d’héberger les leurs. Un village à vocation agricole, qui s’est tourné vers la pêche à cause des difficultés d’écoulement des produits agricoles. Le moyen de transport est la marche à pied. Les vélos et motos ont difficile d’atteindre le village à cause du manque d’une voie tracée et de petit pont pouvant joindre les villages. Le centre de santé est à 1 km du village. »
Jean-Jacques dans une pirogue © Marc Hoogsteyns
«Les autochtones, qui sont des Ekolo, appellent leur port Dibongo Ndjonga. Le chef du village quant à lui s’appelle Todi Aseke François. Quand nous avons accosté, nous avons suivi un sentier, ancienne route à l’époque coloniale, Bora et moi, question de demander assistance au village. Marc ne pouvait que rester à côté du kayak parce qu’il faisait fuir toute personne qui voyait pour la toute première fois cette pirogue rouge avec à son bord un gros blanc et un maigre noir. A l’entrée du village, le ciel grondait déjà, trois jeunes hommes. L’un se faisait coiffer les cheveux et le troisième, assistait les deux premiers. Bora demande s’ils peuvent nous amener ou du moins nous indiquer où trouver le chef. Gentillement ils nous demandent d’aller vers la grande paillote cinq cases plus loin. Tous les trois étaient derrière nous. Une fois à la paillote, nous demandons à rencontrer le chef et celui qui se faisait coiffer les cheveux nous dit que c’est lui le chef que nous cherchons. Nous étions étonnés. Vu son âge et sa prestance, on ne saurait le placer dans ce décor. Et pourtant il s’y trouve et très fier d’y être. Il s’appelle Todi Aseke François comme son père, qui est parti rendre visite aux frères habitant dans d’autres contrées. Ici l’école est située sur l’autre rive, la gauche de la rivière. Pour y aller, l’on se sert d’une corde en liane pour traverser.»
Jean-Jacques Mampaka: journaliste congolais, reporter d’images. Il a travaillé dans plusieurs pays tels que le Tchad, le Congo-Brazzaville et la République centrafricaine, couvrant les différents récits. En tant que indépendant, il a travaillé pour plusieurs médias congolais et internationaux, tels que RFO, ITN, plusieurs stations de télévision japonaises et congolaises et des journaux tels que ‘Le Potentiel’. Jean-Jacques est aussi un expert de football et il sait comment utiliser une caméra vidéo. Il travaille actuellement comme journaliste pour le groupe de presse ‘Le Potentiel’ au Congo. Aujourd’hui, Jean-Jacques, réalise des reportages portant principalement sur les thèmes environnementaux du groupe de presse ‘Le Potentiel’.
et de reportages télévisés sur la déforestation du bassin du fleuve Congo. www.bobongo.be AFDL: L’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo
Heart of Darkness Revisited, Marc Hoogsteyns, 2010, p 208, Editions Lannoo, ISBN: 9789020987393, 19,95 €
Marc Hoogsteyns: ce journaliste belge a couvert la plupart des récents conflits en cours dans la région des Grands Lacs au Congo. Il a été témoin du génocide rwandais et il a tourné plusieurs ‘exclusivités’ pour les grandes agences, telles que Reuters et WTN, pendant les guerres au Congo. Son documentaire ‘Kongomani’ a été montré sur les écrans de télévision du monde entier. En tant que journaliste, Marc a travaillé dans le monde entier, mais après le génocide rwandais, il a surtout porté son attention sur l’Afrique des Grands Lacs. Aujourd’hui, il travaille sur une série d’articles
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