EDITORIAL
RD Congo
50 ans de lutte pour son émancipation Editorial
Par Daouda Emile Ouedraogo A l’instar de plusieurs pays africains, la République démocratique du Congo célèbre ses cinquante ans de vie. Scandale géologique où se côtoient la richesse de la nature et un territoire de plus de 2 345 885 km2 pour plus de soixante millions d’habitants, le pays de JosephDésiré Kabila(1) force l’admiration et le respect. Lorsqu’on parle de ce pays, c’est toute l’Afrique qui s’incline devant les merveilleuses richesses de son sous-sol. La République démocratique du Congo, après cinquante ans d’indépendance, écrit indéniablement son histoire. En un demisiècle, beaucoup de choses ont été faites et, beaucoup reste encore à faire. Parmi les acquis de cinquante ans, il y a d’abord la liberté pour les dirigeants d’adopter leur propre politique économique en phase avec les besoins de leurs populations. La liberté de choisir ce que l’on veut, donne à toute action politique la plénitude de son sens. Le président de l’Assemblée nationale de la RD Congo, Evariste Boshab s’exprimant sur les indépendances, face aux députés Burkinabé, en mars dernier, parlait d’une «coûteuse marche révolutionnaire engagée par l’Afrique depuis la décennie 1960 dès ses glorieuses indépendances -en passant par les pénibles transitions des années 1990- marche qui a permis de remettre le peuple au centre de la praxis et de l’action politique». C’est l’une des plus belles victoires des indépendances en ce sens qu’après les âpres luttes pour l’acquisition de cette liberté, les Africains ont refusé de jeter le bébé avec l’eau du bain. «En effet, devenus indépendants, la plupart des pays de notre continent ont basculé vers le giron de l’obscurantisme du monopartisme qui a tenu le peuple sous le joug d’interminables transitions qui le privaient ainsi de son scrutin. Il y a eu l’époque des chefs charismatiques, omniscients, qui n’acceptaient aucune contradiction.
Ils étaient l’Etat et le peuple. La RD Congo a su tourner le dos à cette pratique avec l’avènement de la démocratie en 1990. Elle a vécu les périodes de Mobutu Sésé Séko, avec le Zaïre en son temps. Aujourd’hui, elle amorce un nouveau virage avec Joseph-Désiré Kabila. Les réformes politiques et économiques entamées pour donner un souffle nouveau à ce ‘pays continent’, commencent à donner des fruits. En témoigne en 2009, la remise à plat des contrats miniers qui avaient été signés avec des compagnies minières sous l’ère Mobutu. C’était une révolution. Une révolution qui fait penser à cet autre révolutionnaire qui a combattu, au prix de son sang, pour l’avènement de l’indépendance: Patrice Lumumba. La RD Congo lui doit une fière chandelle. Le 30 juin 1960 Joseph Kasavubu devient le premier Président et Lumumba sont Premier Ministre. C’est de là que part cette histoire qui s’écrit depuis les années soixante. Les Congolais l’écrivent souvent au prix du sang et de la déchirure. La fausse note vient des conflits alimentés par des groupuscules armés et soutenus par «des mains extérieures». La RD Congo, cinquante ans après, doit désarmer les esprits avant de désarmer les cœurs, pour bâtir une nation digne de la grandeur et de la dignité de ce peuple. Lumumba l’a dit: «un jour, l’histoire aura son mot à dire, mais ce ne sera pas l’histoire qu’on enseigne à l’ONU(2), à Washington, Paris ou Bruxelles, mais l’histoire qu’on enseignera dans les pays libérés du colonialisme et de ses marionnettes. L’Afrique écrira sa propre histoire. Une histoire faite de gloire et de dignité». (1)Joseph-Désiré Kabila: le Président de la République démocratique du Congo (2)ONU: Organisation des Nations unies
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SOMMAIRE POLITIQUE
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République démocratique du Congo Un géant en devenir Par Daouda Emile Ouédraogo
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RD Congo Un peuple, une nation, une histoire Par Alexandre Korbéogo
ACTUALITE
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Kinshasa Une ville qui avance à cent à l’heure Par Kenza Garba
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CONGO 50 Huit bédéistes sur l’indépendance Propos recueillis par Wim Oscé
ECONOMIE
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Oser monter sa propre boîte Par Kenza Garba
DIASPORA
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L’AJSAD Pour une alliance de journalistes scientifiques africains Par Kenza Garba
MAGHREB
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Jamal Belahrach Envie de Maroc Propos recueillis par Jamal Garando
Directeur de publication: Cyrille Momote Kabange
Mensuel d’informations
Un regard positif sur l’Afrique
Rédacteur en chef: Daouda Emile Ouedraogo Editorialiste:
MISSION STATEMENT
Cyrille Momote Kabange
La direction du magazine Le Nouvel Afrique porte l’Afrique dans son cœur et est
Comité rédactionnel:
désireuse de rassembler dans ce mensuel d’informations des nouvelles positives
Alexandre Korbéogo, Alexander Overmeire, Antoine Tshitungu Kongolo, Blacklabel,
sur l’Afrique. Le Nouvel Afrique se veut une porte d’entrée vers l’Afrique en offrant
Bozar Magazine, Daouda Emile Ouédraogo, Kenza Garba, Isabelle Raemdonck
une information responsable et objective sur ce continent. Les sujets (politiques,
(traduction), Jamal Garando, Mirko Popovitch, Noël Obotela Rashidi, Syfia Grands
sociaux, économiques, sportifs et culturels) abordent des thèmes sensibles, tout
Lacs, Wim Oscé, Xavier Flament, Congo2010.info
en conservant néanmoins, une perspective positive. Le sous-titre du Nouvel
Photographie:
Afrique est ‘Un regard positif sur l’Afrique’.
Adjaye Associates, Africalia,Cédric Gerbehaye, Dietert Bernaers, Ed Reeve, Elisa Garcia-Mingo 2009 AP Fellow, MRAC, Walterito, Friendly Foot, Julien Harneis, Endre Vestvik Couverture: assemblage de la couverture de ‘Congo 50’, déssinée par Asimba Bathy. Layout: graphicalway@gmail.com
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FRIENDLY FOOT
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La Journée mondiale du réfugié Une manifestation en faveur des réfugiés Par Alexander Overmeire
SOCIETE
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RD Congo La promotion des candidatures féminines Par Kenza Garba
ENVIRONNEMENT
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La biodiversité en RDC Deux pistes prometteuses Par Noël Obotela Rashidi
SPORT
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Coupe du monde 2010 Par Alexandre Korbéogo
SANTE
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La santé en RDC Plaidoyer pour des solutions alternatives Par Noël Obotela Rashidi
CULTURE
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GEO-graphics Les joyaux ethnographiques d’Afrique
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Propos recueillis par Xavier Flament
LIVRES / RDC Indépendance, mon amour
CUISINE
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Mes histoires de cuisine Par Antoine Tshitungu Kongolo
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POLITIQUE Gradué en métallurgie école Don Bosco à Goma © Julien Harneis
République démocratique du Congo Un géant en devenir Par Daouda Emile Ouédraogo
La République démocratique du Congo fête ses cinquante ans. Durant un demi siècle, ce pays qualifié de «scandale géologique» tant par les richesses de son sous-sol, que par ses richesses forestières, tente de sortir de l’ornière du sous-développement.
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La République démocratique du Congo est un fleuron de richesse dans le monde. Le pays de Joseph-Désiré Kabila dispose des plus importantes réserves minières du monde, notamment de cuivre, d’uranium, d’or, de diamant, de coltan et de minerais rares, comme le germanium. Depuis cinquante ans, au prix de mille et un sacrifices, le pays tente de se faire une place au soleil, non pas sans difficultés. Les immenses ressources précitées aiguisent les appétits des multinationales. La britannique Anglo American, absente du pays depuis les années quatrevingt-dix, a officiellement ouvert un bureau à Kinshasa. Tout comme le géant angloaustralien Rio Tinto, qui a «repris contact» après cinquante années d’absence. BHP Billiton (autre anglo-australien), De Beers (sud-africain) et Phelps Dodge (groupe appartenant à l’Américain FreePort McMoRan) sont déjà présents.
Audit des accords Afin de rassurer ces opérateurs, un code des investissements et un code minier ont été adoptés respectivement en 2002 et en 2003. Mais ces dispositions se sont pour l’instant avérées insuffisantes. En 2005, un rapport du député Christophe Lutundula épinglait certains joint-ventures constitués, ces dix dernières années, entre les entreprises d’État et plusieurs groupes miniers, qui auraient profité du chaos pour négocier et obtenir des contrats «léonins». En mai 2009, le gouvernement a annoncé qu’une soixantaine de ces accords seraient audités. Cette revue a commencé le 11 juin 2009. L’examen se fera «au cas par cas» et des propositions seront faites «en vue de corriger les déséquilibres constatés», précise Martin Kabwelulu, le ministre des Mines. Grâce à une politique basée sur la transparence et la rigueur, le Président de la République, depuis son accession au pouvoir, tente de mettre de l’ordre dans ce secteur. Cette situation a permis de séparer «le bon grain de l’ivraie» et de remettre sur les rails une économie minière déjà moribonde.
La bataille d’eau et d’électricité
La course vers le développement
Grâce à son pragmatisme, le gouvernement a enclenché une autre bataille: celle de l’eau et de l’électricité. La riche hydrographie de la RD Congo lui confère un potentiel hydroélectrique estimé à 100 000 Mégawatts, soit 13% du potentiel hydroélectrique mondial. C’est une mine d’or pour produire l’électricité. La puissance installée totale est évaluée actuellement à 2 516 Mégawatts (MW), soit 5% du potentiel total pour une production moyenne possible de 14 500 Gigawatt (GW)/heure. La production effective n’est actuellement que de 6 000 à 7 000 GW/ heure. L’hydroélectricité représente 96% de la production d’électricité, les 4% restants étant fournis par des centrales thermiques de faible puissance, situées pour la plupart dans des zones isolées.
Aucun peuple, aucune nation ne doit s’octroyer le monopole de la violence. Les Congolais ont traversé l’histoire. Mais, après un demi-siècle de vie, c’est un horizon dégagé qui s’offre à eux. Ils ont le devoir de vivre et de vivre heureux; pour y parvenir, un sursaut d’orgueil ne sera pas de trop. Il va falloir du courage politique mais, aussi le désir ardent de bousculer des habitudes, des modes de vie, des comportements qui ne répondent pas aux idéaux d’une nation qui veut se développer. Dans cette course vers le développement, tout ne roulera pas comme sur des roulettes. Albert Einstein disait qu’une personne qui n’a jamais commis d’erreur, n’a jamais tenté d’innover. Alors, l’expérience étant la somme de nos échecs, les Congolais doivent accepter qu’ils fassent des erreurs mais que celles-ci devraient les propulser vers des réussites plus totales et plus globales. Dans ce cas de figure, il sied de s’inspirer des expériences des autres nations, des autres peuples en matière de développement. Les exemples foisonnent dans le monde. Les dragons asiatiques en sont l’illustration parfaite. Ces pays ont fait des avancées considérables en un demisiècle d’existence parce qu’ils ont osé inventer une autre manière de gouverner, une autre manière de bâtir leur nation.
Faire du privé, le fleuron de l’économie Le pays de Patrice Lumumba veut faire du privé, le fleuron de l’économie. Certes, de nombreuses multinationales exploitent qui le diamant, qui le bois ou encore le coltan. Mais, le secteur privé de la RD Congo est en nette expansion avec comme socle la facilitation pour les entreprises de se créer et de faire des affaires. La RD Congo, malgré tous les aléas, se positionne comme le fer de lance du développement en Afrique. Cependant pour y arriver, il faut que les fils et les filles de ce géant se donnent la main et fassent la paix. Les richesses dont regorge le pays ne pourront pas profiter aux populations si celles-ci ne peuvent pas vaquer à leurs occupations sans avoir la peur au ventre. Que ce soit au Darfour, au Katanga ou ailleurs, la paix doit être un viatique. Les considérations et les intérêts personnels des chefs de guerre doivent laisser place aux intérêts de la nation et du peuple. C’est seulement à ce prix que les activités économiques pourront se développer et faire réellement de la RDC un géant en devenir.
L’Afrique a le regard tourné vers ce peuple du Congo car, il n’y a pas de progrès ni de démocratie sans le sacrifice qui fait accéder à la lumière. Le peuple congolais en a les moyens, il suffit de s’y mettre avec rigueur et abnégation.
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POLITIQUE © Walterito
RD Congo
Un peuple, une nation, une histoire Par Alexandre Korbéogo
Il y a cinquante ans naissait une nation au cœur de l’Afrique: le Congo. Successivement, ce pays prendra le nom de Congo Belge, de Zaïre, pour aujourd’hui s’appeler la République démocratique du Congo. Pendant ce temps, que de chemins parcourus pour bâtir son histoire.
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C’est en 1885 que débute l’ascension de ce qui est aujourd’hui la République démocratique du Congo (RD Congo ou RDC). A cette date, la conférence de Berlin, partageant l’Afrique en petits morceaux de ‘gâteau’ pour les pays colonisateurs, reconnut la souveraineté de Léopold II sur le Congo. Le pays prit le nom d’Etat libre du Congo. Boma est la capitale. Kinshasa, la capitale aujourd’hui, portait le nom de Léopoldville. Une omerta de gestion des ressources minières va s’imposer. Les chemins de fer se construisent. Le pays entame le développement des infrastructures. Parallèlement, les ressources forestières, tel le caoutchouc, vont servir à construire des bâtiments administratifs en Belgique, notamment à Anvers. La gestion de l’Etat libre du Congo par le roi Belge connaîtra des écarts d’atteintes à la vie des citoyens. 1908 devient alors une date fatidique. Le roi, sous la pression de ses sujets, cède l’Etat à la Belgique. La Belgique baptise alors cet Etat du nom de Congo Belge. De cette époque naît l’exploitation du cuivre et du diamant. Et, en 1920, Léopoldville, qui deviendra plus tard Kinshasa, devient la capitale en remplacement de Boma. Petit à petit le Congo se dessinait, non sans difficultés.
Eduquer ou périr L’éducation à cette époque était la chasse gardée de l’Eglise. En moins d’une décennie, plus de 500 indigènes ont été formés à la prêtrise. Seulement 15 universitaires sortirent des rangs des indigènes. Dans ce cas de figure, il était difficile de bâtir une administration locale solide après les indépendances, les intellectuels autochtones faisant défaut. A l’approche de 1960, le Congo belge s’est trouvé dépourvu de personnel politiquement formé pour prendre la relève. Au vu de cette donne, il fallait coûte que coûte réagir. Le Gouvernement belge s’engagea alors à former des élites tout en planifiant l’organisation de l’indépendance, fixée pour le 30 juin 1960. Il ne faut pas passer sous silence les luttes des fils du pays, tel Patrice Lumumba, qui faisait partie des intellectuels ‘éclairés’. Ce sont les émeutes créées par ces leaders politiques qui ont contraints les Européens à quitter le pays en 1959. A la tête du Mouvement national Congolais (MNC), Patrice Lumumba va se battre pour un ‘Etat congolais fort et centralisé’. En face, ses adversaires veulent une solution confédérale avec la Bel-
gique. C’est le premier cité qui remportera la bataille mais au prix de sacrifices énormes.
Un réveil d’espoir L’histoire de la République démocratique du Congo est fortement lié à un homme charismatique dont les idéaux et les idéologies ont fait bouger les choses dans ce pays eldorado: Patrice Lumumba. Juste avant les indépendances, c’est-à-dire en mai 1960, il remporte l’élection présidentielle avec son parti, le MNC. Joseph Kasavubu devient le Président du Congo, après la proclamation de l’indépendance le 30 juin 1960. Patrice Lumumba sera son Premier ministre. La haine des partis politiques va s’exacerber avec de multiples crises et conflits. Ces crises et conflits, il faut le reconnaître, ont été attisés par des hommes politiques, affamés du pouvoir. On retrouve Moïse Tchombé qui, dès juillet 1960, incite le Katanga à faire sécession. Le clash intervient dès le 14 septembre 1960 où le colonel Joseph-Désiré Mobutu tente un premier coup d’Etat soutenu par des forces étrangères. Certaines sources parlent de la Central Intelligency Agency (CIA). Une guerre civile atroce, dont les cicatrices ont du mal à disparaître, fait ravage. C’est dans ce cafouillage que Patrice Lumumba est assassiné en 1961. Le Congo perdait un de ses fils les plus charismatiques et patriotiques de son histoire. En 1963, la sécession katangaise prit fin. Mais pas les velléités de coup d’Etat d’un homme tapis dans l’ombre: le colonel Mobutu Sésé Séko. 1965, il s’empare du pouvoir et dépose Joseph Kasavubu, appuyé par des États extérieurs (dont la Belgique, la France et les États-Unis). Ce fut le début d’une autre vie marquée par un pouvoir et un règne sans partage du colonel. D’abord, il se fait appeler: Joseph-Désiré Mobutu dit Sese Seko Kuku Ngbendu Waza Banga, ce qui signifie «guerrier qui va de victoire en victoire sans que personne ne puisse l’arrêter». Il instaura un régime autoritaire de type présidentiel, fondé sur un parti unique, le Mouvement populaire de la révolution (MPR), et l’entérine par une nouvelle constitution en 1967. Avec l’arrivée au pouvoir du président Mobutu, apparut le concept officiel du «recours à l’authenticité». Cette authenticité fut définie comme le désir d’affirmer l’«africanité congolaise» et le refus d’adopter les valeurs venues d’ailleurs (l’Occident). En 1970, Mobutu devenu général, élu pour un mandat présidentiel de sept ans,
lance un vaste programme d’africanisation. D’aucuns ont cru voir en lui un «messie». Dès sa prise de pouvoir, le pays est rebaptisé ‘Zaïre’. Il sera trente deux ans au pouvoir. Le Zaïre va se vider de ses ressources minières, minéralières, forestières et même humaines.
L’heure de la renaissance Ancien compagnon de Patrice Lumumba ayant survécu grâce à la guérilla et à divers trafics, Laurent-Désiré Kabila, fut choisi en 1996 par tous les alliés des États-Unis, pour occuper la succession de Mobutu. L’année suivante, la rébellion de Laurent-Désiré Kabila, entra dans Kinshasa et chassa le président Mobutu le 17 mai 1997. Il se réfugia au Maroc pour y décéder deux mois plus tard. L’espoir suscité par la venue de Laurent-Désiré Kabila va s’estomper progressivement. Il change rapidement le nom du Zaïre, qui devient la République démocratique du Congo. Le 16 janvier 2001, un de ses gardes met fin à la vie de Laurent-Désiré Kabila. Son fils ainé, le général major Joseph Kabila prend le pouvoir. Les Congolais ont souffert durant cinquante ans de la gestion politique de leurs fils. Mais, ils ne sont pas coupables car, les coupables, on les connaît. Ils ont simplement prêté le flanc à des voraces qui ont tout fait pour créer des conflits afin de les piller. Heureusement, que ce bilan politique lourd et chargé de sens ainsi que de sacrifices commencent à porter ses fruits avec la paix qui se profile à l’horizon. Car, quelle que soit la profondeur de la nuit, tôt ou tard, il fera jour. Un jour nouveau se lève sur la RD Congo.
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ACTUALITE Pierre Kompany visite une école à Kinshasa © Dietert Bernaers
Kinshasa
Une ville qui avance à cent à l’heure Par Kenza Garba Traduction: Isabelle Raemdonck
Pierre Kompany (62), le père du footballeur Vincent Kompany, a effectué voici quelques semaines un voyage à Kinshasa (RDC), pour découvrir le nouveau village d’enfants que SOS Villages d’Enfants y construit. C’était la première fois en 35 ans qu’il retournait dans son pays d’origine. Il a surtout été frappé par la croissance démographique effrénée de la population et la problématique urbaine que celle-ci entraîne. Cela ne l’a pas empêché de ramener un message d’espoir.
En juin 2007, le fils de Pierre, Vincent Kompany, footballeur professionnel et ambassadeur de SOS Villages d’Enfants, visitait pour la première fois le Congo, le pays d’origine de son père. Quelques années plus tard, la star de foot a insisté pour que son père l’accompagne au pays. Ensemble, ils se sont envolés quatre jours pour la capitale congolaise où ils ont visité sous une chaleur torride les quartiers les plus défavorisés, pour évaluer l’aide que Vincent peut y apporter. Du matin au soir, ils ont visité des projets et ont rencontré les enfants de Kinshasa.
SOS Villages d’Enfants Dans le Village d’Enfants SOS de Kinshasa, dans les prochains mois, 150 orphelins pourront grandir dans la sérénité et avec davantage de nouvelles opportunités pour se
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construire un avenir. C’est fantastique, mais il ne s’agit que de 150 enfants. Dans une ville telle que Kinshasa, c’est une goutte d’eau dans l’océan. Raison pour laquelle SOS Villages d’Enfants met également de l’énergie dans ce que l’on appelle les PRF (Programme de Renforcement des Familles). Les orphelins et les enfants restent, autant que possible, dans leur communauté où ils sont soutenus. SOS Villages d’Enfants prend en charge les coûts liés à la scolarité. De cette façon, SOS Villages d’Enfants touche 150 autres enfants. Le Nouvel Afrique a eu un entretien avec Pierre Kompany pour partager son vécu au Congo, à quelques semaines de la fête de l’Indépendance.
Le Nouvel Afrique: Comment se fait-il qu’en 35 ans vous ne soyez jamais retourné au pays? Pierre Kompany: J’étais hanté par des souvenirs pénibles liés à une période particulière de l’histoire du Congo, dont je ne parvenais pas à me défaire. La situation politique était tellement révoltante à l’époque que j’ai décidé de quitter le pays pour demander l’asile politique en Belgique. J’ai dû attendre sept ans avant de voir ma demande d’asile finalement acceptée. Ce ne fut pas une période facile, car je ne pouvais pas rentrer au Congo pour des raisons de sécurité et je n’étais pas non plus autorisé à travailler en Belgique. De plus, l’État belge n’épargnait pas les demandeurs d’asile congolais à l’époque et je ne voulais pas risquer une expulsion. C’est pourquoi ce voyage n’a jamais eu lieu. Entre-temps, mes trois enfants sont nés et le coût de cinq bil-
Pierre et Vincent Kompany © Dietert Bernaers
lets d’avion représentait un sérieux frein pour entreprendre un tel voyage. Par la suite, mes enfants ont entamé tous les trois des activités sportives de haut niveau et je les emmenais partout. Encore une fois, je ne me voyais pas retourner au Congo. Et puis, quand j’ai débuté dans la politique, il y avait à chaque fois des élections, ce qui m’a aussi empêché de partir.
LNA: Cet éloignement d’avec votre pays d’origine n’était-il pas trop douloureux? PK: Cela ne m’a pas tellement dérangé dans la mesure où j’étais libre de voyager en Europe et aux Etats-Unis même si, avouons-le, ce sentiment de nostalgie m’ait parfois envahi. J’ai toutefois eu la chance que ma famille s’aventure régulièrement jusqu’ici, ce qui compensait le manque. Peu de temps avant notre mariage, ma femme s’est rendue au Congo pour rencontrer ma famille. Je voulais qu’elle le fasse avant de l’épouser pour la protéger de problèmes éventuels, car j’ignorais le sort qu’ils me réservaient là-bas. J’étais, après tout, un réfugié politique. Ma femme a visité la ville qui lui a beaucoup plu et elle y est restée un mois. Cette expérience m’a permis de maintenir malgré tout un lien avec mon pays.
LNA: Que s’est-il exactement passé à l’époque? Pour quelle raison avez-vous fui? PK: En 1969, la révolte contre le régime de Mobutu grondait parmi les étudiants de l’université Lovanium de Kinshasa. Les étudiants congolais étaient déjà entrés en dissidence bien avant que les événements de mai ’68 ne fassent parler d’eux partout en Europe. Certains camarades y ont laissé leur vie et les familles n’ont pas toujours été autorisées à récupérer leurs corps. Deux ans plus tard, alors que des échauffourées éclataient encore régulièrement, je me suis rendu à Lubumbashi avec la ferme intention d’y poursuivre mes études. La solidarité entre étudiants était alors très forte. J’ai signé une pétition, ce que le régime ne m’a pas pardonné. Mobutu a décidé de fermer les universités et de punir les étudiants en les embrigadant de force dans l’armée. 206 étudiants ont été transférés sans pitié à Kinshasa, puis à Kitona, où l’armée était basée. J’ai été retenu dans cette base pendant treize mois et quinze jours, sans aucun contact avec le monde extérieur. Une telle expérience vous marque à jamais.
LNA: Avant cela, vous étiez, paraît-il, un footballeur de bon niveau au Congo. PK: Oui, auparavant, je jouais en première division de football à Lubumbashi, dans le Tout Puissant Mazembe de Lubumbashi. TP Mazembe était une des très grandes équipes. Bokani, l’ancien footballeur, faisait également partie de cette équipe. TP Mazembe a même été Champion d’Afrique à plusieurs reprises. Mais j’ai arrêté de jouer pour poursuivre mes études. Je trouvais que je n’avais aucun avenir dans le foot tant que la politique côtoyait ma vie. Il ne faut pas oublier que la gestion du football ne se faisait pas de la même façon que maintenant.
LNA: Le monde du football a évolué, mais le Congo et Kinshasa ne ressemblent plus non plus au pays et à la ville que vous avez quittés. PK: J’ai été extrêmement surpris par l’explosion démographique de la ville. Lorsque j’étais étudiant, Kinshasa comptait moins d’un million d’habitants, et ils sont plus de dix millions aujourd’hui. J’ai été confronté à une ville totalement métamorphosée, une ville inconnue, dans laquelle circule une foule frénétique. Cela ressemblait à ce que j’avais eu l’occasion de
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ACTUALITE
Pierre a confiance en l’avenir © Dietert Bernaers
voir en Chine. Sans parler du nombre impressionnant de voitures! Je sais maintenant où sont expédiés tous ces véhicules dont on fait le trafic à Anderlecht. C’était vraiment très difficile pour moi de me sentir à l’aise dans cette réalité, mais encore plus de comprendre ce changement.
se procurer d’autres livres. Nous avons organisé une journée d’étude et échangé des idées.
LNA: La visite des écoles sur place vous a-telle aussi profondément ému?
PK: On m’a emmené visiter une école dans un coin perdu et j’ai été totalement surpris par ce que j’ai vu sur place. C’était un vrai petit bijou. Les tableaux noirs, l’écriture des professeurs, les élèves qui suivaient des cours de sport,… tout était parfait. C’était beau à voir. Je me suis immédiatement lancé dans l’action en commençant un jeu de ballon avec les élèves. La balle était un morceau de mousse, enveloppé dans du plastique et fixée avec une corde. Je voulais que garçons et filles jouent ensemble, ce qui n’est pas évident là-bas. Mais j’accorde beaucoup d’importance à l’égalité entre hommes et femmes. Je n’aime pas quand les hommes considèrent les femmes comme des êtres inférieurs, ni l’inverse. Voir ces garçons et ces filles courir comme des fous sur un parcours de 50 mètres était un spectacle si captivant que des femmes qui passaient par là se sont arrêtées pour encourager les filles. C’est finalement une fille qui a remporté le jeu. Elle s’appelait Divine, comme si le diable s’en
PK: Ma visite aux écoles m’a redonné confiance en l’avenir. C’était réconfortant de voir des enseignants motivés travailler avec les enfants. On sentait qu’ils étaient vraiment concernés par les enfants et désireux de parvenir à quelque chose avec eux. Je me suis assigné à moi-même le rôle de moniteur. J’ai commencé à poser des questions aux enfants pour voir s’ils apprenaient vraiment quelque chose en plus, et ils connaissaient effectivement les réponses. J’ai aussi été très agréablement surpris par les écoles de devoir, que les enfants fréquentent durant la journée également. En tant que membre du Conseil d’Administration de l’Enseignement de la Région de Bruxelles-Capitale, j’étais partie concernée également. Leur approche m’a enthousiasmé. J’avais emporté quelques manuels de cours avec moi et je leur ai aussi donné de l’argent pour qu’ils puissent
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LNA: La situation de l’enseignement n’est-elle pas différente dans une grande ville comme Kinshasa et à la campagne ou dans les environs?
était mêlé. J’ai trouvé cela fantastique qu’une fille puisse fêter sa victoire sous un tonnerre d’applaudissements. J’ai voulu démontrer de cette manière que chacun d’entre nous a des aptitudes. Nous ne sommes jamais bons en tout. Chacun d’entre nous possède des talents particuliers. Je voulais leur montrer que la discipline est une chose, mais que l’aspect ludique est tout aussi important pour motiver les gens. Je réfléchis à présent à une manière de leur procurer des vêtements de sport. J’aime l’échange d’expériences pédagogiques, et j’apprécie également l’aspect humain de cet échange. Des moyens existent pour l’avenir, même s’ils ne viennent pas du gouvernement ou des responsables politiques.
LNA: Quel est le but de votre visite à SOS Villages d’Enfants? PK: Le fait que mon fils Vincent, un footballeur connu, investisse de l’argent là-bas, touche les gens et les encourage à faire un don pour la bonne cause. SOS Village d’Enfants était mon coup de cœur, plus encore que les écoles. L’espoir existe. Les avantages du village profitent non seulement aux enfants qui y vivent mais aussi à ses 2000 habitants. Il y a même un centre médical rattaché au village. Ce que les politiciens, moi y compris, n’ont pas réussi à obtenir en 50 ans,
une organisation comme SOS Villages d’Enfants parvient manifestement à le réaliser. Tout ce que le monde politique a gâché ou omis de faire les cinquante dernières années, cette organisation le concrétise. Lorsqu’on voit tout ce qu’une petite organisation est capable d’accomplir avec les dons des gens, on oublie tout le reste: la corruption, les politiciens qui vivaient dans le luxe en gaspillant l’argent, l’absence de routes, la problématique des grandes villes.
Qui est Pierre Kompany Tshimanga?
PK: Oui et non. Après 50 ans, il est temps d’arrêter les guerres (surtout à l’est du pays) qui détruisent le pays. La population ne peut pas évoluer dans une telle situation. Pendant la fête, on oublie la réalité bien sûr. Enfin, j’étais là-bas avec une mission cohérente. Cela c’était déjà, plus que la fête de l’Indépendance, le plus grand événement pour moi. Ce pays avance à cent à l’heure, mais j’avais malgré tout l’impression de venir chez moi, mes pieds s’accrochaient bien au sol.
Pierre Kompany, né le 08 septembre 1947 à Bukavu au Congo, a quitté le Congo en 1975 pour la Belgique. Réfugié politique, il est devenu citoyen belge en 1982. Il est ingénieur industriel et professeur à l’Institut des Arts et Métiers. Pierre Kompany est habité par la passion de transmettre ses connaissances et son goût pour l’innovation scientifique. Sensible aux questions environnementales, il a obtenu deux médailles d’or au Salon des Inventions à Bruxelles et à Genève pour l’éolienne qu’il a imaginée. Mais Pierre se met aussi au service du progrès en politique. La confiance que les électeurs lui ont témoignée aux élections l’a amené au Collège de Ganshoren, à Bruxelles, où il détient les compétences des Travaux Publics, de la Mobilité, de l’Environnement et de la Propreté. Son engagement en politique est basé sur la volonté et la capacité d’être à l’écoute des autres, pour apporter à chacun une vie meilleure. Son slogan est «Pour de vraies valeurs sans couleur !». Pierre Kompany est papa de trois enfants: Christel, François et Vincent, ce dernier étant footballeur professionnel.
www.sos-villages-enfants.be www.pierrekompany.be
Pierre est 10ème effectif sur la liste du PS aux prochaines élections.
LNA: Il y a donc des raisons de faire la fête?
SOS Villages d’Enfants Belgique aide le monde ASBL Rue Gachard 88 B - 1050 BRUXELLES
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ACTUALITE
CONGO 50
Huit bédéistes sur l’indépendance Introduction par Mirko Popovitch Propos recueillis par Wim Oscé
Le 24 juin l’association BD Kin Label, avec l’asbl Africalia, publient la BD ‘Congo 50’. L’album comprendra en 48 planches couleur les travaux de 8 bédéistes congolais dont les talents ont été réunis pour célébrer les cinquante premières années de l’indépendance de leur pays, la République démocratique du Congo.
Curieux destin que celui des peuples congolais et belges. Unis pour le pire et le meilleur, dans le cadre d’un mariage arrangé à Berlin en 1885 par les puissances européennes, les Belges et les Congolais d’aujourd’hui, héritiers d’un divorce tumultueux, enfants gâtés ou délaissés de l’histoire sont, qu’ils le veuillent ou non, devenus des cousins de culture. Celle qui a enrichi les imaginaires des hommes et des femmes de ces deux mondes que tout séparait. Tout, sauf ce don surnaturel qui anime ces deux peuples pour le surréalisme au quotidien, cette façon décontractée qu’ils ont de s’amuser de leurs propres défauts et bêtises. Et de donner des exemples de disputes et de réconciliations, de coups de gueules et
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d’embrassades à répétitions, sans parler des tables rondes trop courtes et des malentendus trop longs. Et la bande dessinée dans tout cela? Au delà des souvenirs amers et des joies éphémères, y aurait-il eu un effet d’osmose, un phénomène magique qui a favorisé le croisement des enfants du paternaliste Hergé, de Jacobs le noko (oncle), de ce drôle de Willy Vandersteen, de Jijé, Franquin et compagnie, aux talents conjugués des Thembo Kash, Barly Baruti, Asimba Bathy, Tetshim ou Jason Kibiswa et des autres? La ligne claire a tracé un trait discontinu entre les lecteurs d’ici et de là-bas, mais où est l’ici et pourquoi éditer une BD censée raconter ce
qu’aujourd’hui beaucoup ignorent de l’histoire congolaise? Le temps passe, les nouvelles générations manquent de repères et d’outils de références ou ceux-ci sont trop austères. Qui, parmi les moins de 20 ans connait le passé colonialiste ou colonial de son pays et surtout les conséquences de cet héritage sur les 50 années d’indépendance évoquées dans cet album? Ce parcours initiatique d’un demi-siècle d’histoire n’est pas un travail de représentation scientifique, il reste le fruit d’une mémoire collective congolaise, il est aussi le résultat d’une interprétation artistique de l’imaginaire populaire. Nous souhaitons que cette évocation
culturelle de l’histoire puisse renforcer le désir de mieux se connaitre et apporter sa pierre à l’édification du village global. Africalia et un de ses partenaires en RDC, l’association BD Kin Label à Kinshasa, collaborent avec le Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC) à l’occasion de l’exposition ‘Dipenda’ (indépendance en Lingala) programmée de juin 2010 à janvier 2011.
Dipanda et Lipanda S’adressant à un large public populaire et plus particulièrement à la jeunesse, cet album sera donc l’occasion d’évoquer, par le biais d’un récit dynamique découpé en 8 parties composées de 6 planches chacune, les cinquante ans d’indépendance du Congo. Ce demi-siècle sera présenté au lecteur à travers les événements auxquels seront confrontés les principaux personnages servant de «fil rouge» au scénario global, en particulier les jumeaux Dipanda et Lipanda, un garçon et une fille, baptisés le 30 juin 1960, soit le jour-même de la proclamation de l’Indépendance nationale.
Une exposition au MRAC Au niveau de l’exposition au MRAC, des éléments des planches de la BD (cases, agrandissements, planches encadrées) seront utilisés en juxtaposition ou en renforcement de documents présentés dans une partie de l’exposition (tableaux et formes expressions populaires ou documents historiques officiels). La BD permettra également d’accompagner les réflexions critiques sur le bilan de l’indépendance dans la partie plus contemporaine. Cette exposition traitera de la mémoire des Indépendances, sans aborder ce que fut la période coloniale.
BD Kin Label Les huit bédéistes retenus pour cet album sont tous membres de l’Association BD Kin Label et appartiennent à des générations artistiques différentes. Il s’agit de Asimba Bathy pour le premier récit «Indépendance Chacha», Cara Bulaya pour le récit intitulé «La longue marche», Jules Baïsolé pour le récit intitulé «Boum Yé!», Didier Kawende pour le récit intitulé «Kin La Belle», Fati Kabuika
pour le récit intitulé «Les affaires», Djemba Djeis pour le récit intitulé «Dans les camps», Tetshim (pour le récit intitulé «Katanga» et Jason Kibiswa pour le récit qui termine l’album «Bâtir l’avenir».
Des styles graphiques différents Toute la matière historique et sociale constituera la trame de fond de huit scénarios, découpés et dessinés dans des styles graphiques différents mais adaptés aux thématiques, à l’issue de l’atelier de scénarisation et au cours d’un suivi précis de la réalisation des planche crayonnées, encrées et mises en couleur par les huit bédéistes. Ces derniers ayant été judicieusement choisis pour leurs talents et leur rapidité d’exécution.
Congo 50 Le scénario Le principal «fil rouge» de l’album sera constitué par les jumeaux Dipanda et Lipanda, ainsi que par leurs parents durant les trois premiers épisodes. Pendant leur baptême traditionnel dans une famille d’un niveau social moyen qui réside dans un des quartiers populaires de Kinshasa en fête à l’occasion de la proclamation de l’indépendance du Congo, on suivra les événements au fil du temps, morcelés en huit parties sur les cinquante ans, à travers l’évolution du garçon et de la fille, témoins au début, puis acteurs confrontés aux événements plus ou moins violents qui ont rythmé l’histoire sociale et politique de leur pays. Eux-mêmes, en vieillissant, seront amenés à se trouver séparés, pour diverses raisons familiales, sociales, économiques, politiques, dans différentes régions du Congo-Zaïre. Dans le dernier récit, les jumeaux se retrouveront en famille à Kinshasa pour fêter leurs 50 ans au milieu de leurs enfants et petits enfants. On fêtera en même temps l’anniversaire du cinquantenaire de l’Indépendance qui engage la nouvelle République Démocratique du Congo sur la voie d’une démocratie participative à laquelle les populations aspirent depuis tant d’années. http://bdkinlabel.e-monsite.com La couverture de cette édition est un assemblage de la couverture de ‘Congo 50’, déssinée par Asimba Bathy.
BD Kin Label 56p, 2010, couleur, cartonnée, Edition Roularta, 13 €
Les partenaires du projet L’Association BD Kin Label à Kinshasa (partenaire du Programme Pluri annuel d’Africalia) et partenaire pour l’Afrique Centrale du projet AfriBD www.africalia.be Le Musée royal de l’Afrique Centrale à Tervuren www.africamuseum.be AfriBD: création et mise en œuvre d’un portail interactif sur le Net pour la promotion de la BD africaine et de ses auteurs. (Projet, initié en collaboration avec Africultures, soutenu financièrement par le Fonds des Inforoutes OIF) www.afribd.com La conférence de presse pour la BD ‘Congo 50’ aura lieu le 24 juin à 10h30 au Centre Belge de la Bande Désinée, 20 rue de Sables, à 1000 Bruxelles en présence de 3 des 8 bédéistes, les nommés Asimba Bathy, Fati Kabuika et Djemba Djeis. Pour toute information: Wim Oscé Africalia vzw +32 476 77 18 09 wim.osce@africalia.be
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ECONOMIE
Oser monter sa propre boîte Par Kenza Garba
Vous êtes audacieux ? Vous voulez monter votre propre boîte ? Osez ! Le statut social des indépendants a été considérablement amélioré. Mijean Rochus (29), d’origine congolaise, a un rêve et tente de le réaliser. Il commence une agence de casting: MI Casting. Mijean nous raconte son parcours.
«Ma mère est d’origine Sénégalaise et Sudafricaine, né au Congo. Mon père biologique est Congolais et j’ai aussi des origines arabes lointaines. On peut dire que je suis Africain. J’ai vécu au Congo jusqu’à l’âge de trois ans, puis je suis arrivé en Belgique avec ma mère. Elle s’est mariée avec un Belge néerlandophone. J’ai donc deux demi-frères métissés. Nous avons grandi à Tongres, une petite ville, en Flandre, où j’ai fait mes études. A l’âge de 24 ans, j’ai déménagé vers la capitale ou j’ai été accueilli par mes oncles pour avoir plus de chance au niveau de l’emploi. Dans une petite ville comme Tongres il y a toujours les mêmes métiers stéréotypes réservés pour nous, en tant qu’étranger d’une peau différente. C’est-à-dire, les jobs qui sont a notre portée sont dans l’Horeca ou aux services de nettoyage.»J’étais découragé.»
Tenir compte des atouts «Une fois arrivé à Bruxelles, tout a tout de suite changé pour moi. On tenait plutôt compte de mes atouts, que de la couleur de ma peau. Les gens que je rencontrais à Bruxelles trouvaient cela incroyable que je parlais le néerlandais, le français et l’anglais! Quels atouts! Du coup, j’avais une plus value. Mais j’étais toujours à la recherche de qui j’étais. Donc je me suis dit:
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«j’aimerais bien faire des études supérieures et surtout viser plus haut que faire du travail administratif. Je voulais faire quelque chose de différent.»
Découvrir mes propres origines «J’ai finalement décidé de poursuivre des études sociales. Cela m’aidera à approfondir ma recherche personnelle et à mieux me développer et développer les qualités que j’avais en moi. Ces études ont été inspirées par le fait que j’avais remarqué que beaucoup de gens à Bruxelles me demandaient des conseils, à tous niveaux, mais moi-même, je ne trouvais pas que j’avais déjà acquis assez de talents pour renseigner les autres. Il fallait donc que je me développe encore mieux, pour répondre à mes besoins, et aux besoins des autres. Les études m’ont permis d’apaiser mon esprit, à reformuler les questions que je me posais et à constituer mon bagage.»
Des cours de néerlandais «Pendant mes études, je donnais des cours de néerlandais, chez Bruxelles Formation, aux demandeurs d’emploi, ayant une langue étrangère comme base. J’ai également commencé à ce moment à m’intéresser à l’engagement social et
à la vie associative. Cela a aussi porté ses fruits. Un ami m’a fait voir une annonce que TV Brussel cherchait dans le cadre du « Vrij podium »des jeunes reporters d’origine africaine pour faire des reportages sur la communauté africaine de Bruxelles. J’ai toute de suite réagi, parce que pour moi, c’était aussi l’occasion de découvrir les différentes cultures africaines et de continuer ma recherche sur mes propres origines.»
Bel’Afrika «L’asbl de multimédia Get Basic, qui fait des reportages pour l’asbl Indymedia, recrutait des journalistes. Après la sélection des candidates, je me suis retrouvé avec un groupe de trois personnes, dont un Togolais, un Congolais, une fille flamande et, derrière les coulisses, il y avait Marc Vanderbiesen qui est notre président actuel. Le but de notre première rencontre, c’était de définir ce que la communauté africaine aimerait voir à la télé. On a déterminé les différentes fonctions des personnes présentes selon les compétences. C’est ainsi que je suis devenu reporter pour ‘Bel’Afrika’. Le nom de notre association est venu d’une liaison entre la Belgique et l’Afrique, la beauté de L’Afrique. Notre mission est de parler des points communs, davantage les points forts des deux communautés que les différences. Bel’Afrika veut s’appuyer sur les
Mijean Rochus de MI Casting
Suis-je capable de ‘monter ma boîte’?
différents rôles de l’Africain en Afrique: le rôle de la femme africaine dans la communauté, le rôle de l’homme africain et la responsabilité qu’il a et qu’il peut prendre. Au niveau des jeunes, nous voulons montrer la diversité, la richesse que ces jeunes ont dans leur culture, les points positifs. C’est notre but de montrer des images positives de l’Africain, de montrer l’Africain qui participe à la société belge, qui s’engage, qui est entrepreneur, homme de famille, ou mère au foyer; qui est donc acteur dans la société dont il fait partie: l’Africain moderne. L’Africain a besoin de voir des modèl(e)s, des porte-paroles issu de sa communauté. On a livré et on livre toujours un combat pour pouvoir montrer l’image de l’Africain qui selon nous semblait plus proche de l’Africain vivant ici. Bel’Afrika a commencé fin 2007 et au début de 2008 nous avons commencé les reportages jusqu’en 2009 au sein de Get Basic. En 2010 notre association est devenue indépendante. Maintenant nous volons de nos propres ailes mais c’est primordial de rester vigilant.»
My image, My identity «Fin juin 2011, je termine mes études. Mon projet à court terme est de monter une agence de casting avec des amis que je peux citer comme mes proches. Je viens déjà de commencer avec l’administration. J’ai écrit et déjà défini
les statuts, le site web est en construction et j’ai déjà recruté mes dix premiers artistes donc des mannequins, modèl(e)s de différentes origines, partant d’Afrique: des Marocain(e)s, Cubain(e)s, Africain(e)s, des Belges métissé(e)s. Toutes les origines sont les bienvenues. Je veux un mélange de modèles, représentants de la mode, du théâtre, de la danse et de l’art. Mon but c’est de les guider, de renforcer leurs points forts et de les conseiller. Je suis allé à la recherche de professionnels pour fonder une équipe à la disposition de MI CASTING, des gens du terrain comme une actrice avec vingt ans d’expérience dans le théâtre. Il y aura aussi des cours de techniques de présentation devant un public, pour une audition, etc. Je suis aussi ex-model avec bientôt 10 ans d’expérience, entreprenant et je sais que mon parcours n’a pas été facile de même que la couleur de ma peau n’a jamais défini ma route. Cette confiance que j’ai en moi maintenant je ne l’ai pas toujours eue. Ce sont mes atouts, la confiance que mes proches m’ont donnée, m’ont fait découvrir et ma volonté de me développer personnellement qui m’ont amené là où je suis maintenant.»
Le point de départ est la liberté d’entreprendre en Belgique: chacun a le droit de lancer une entreprise pour autant que la personne ait quelques qualifications personnelles minimales et générales: avoir un âge minimum (il faut être majeur, c’est-àdire avoir 18 ans ou plus - certaines circonstances exceptionnelles peuvent amener une personne a devenir majeure plus jeune), avoir la nationalité belge ou d’un pays de l’Union Européenne (sinon, il faut être en possession d’un permis de séjour valable à durée indéterminée ou un statut de réfugié politique reconnu. S’il ne l’a pas, l’aspirant-entrepreneur devra se procurer une carte professionnelle), avoir une connaissance de base de gestion générale d’une entreprise (certificat de connaissance en matière de gestion). Une exception au principe de libre accès au marché comme entrepreneur peut survenir dans le cas de certains métiers d’indépendants (entrepreneurs) pour lesquels un certificat d’accès à la profession, un diplôme spécifique et/ou une inscription à un institut professionnel sont requis (professions réglementées). D’autres exceptions ne sont pas liées à la personne de l’entrepreneur, mais bien au genre de l’activité spécifique: pour ces activités spécifiquement définies, il est exigé une reconnaissance, une autorisation ou un enregistrement.
Votre départ pour lancer une entreprise à Bruxelles ou en Wallonie: www.libredoser.be www.ta-propre-entreprise.be/ www.creation-pme.wallonie.be www.pme-start.be www.freefondation.be Votre départ pour lancer une entreprise en Flandre (néerlandophone): www.syntrabrussel.be www.startwijzer.be
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DIASPORA
Rencontre ScJOOP à Nairobi novembre 2007
L’AJSAD
Pour une alliance de journalistes scientifiques africains Par Kenza Garba
Créée par un groupe de journalistes scientifiques africains vivant actuellement en dehors de leur pays, l’Alliance de Journalistes Scientifiques Africains de la Diaspora (AJSAD) a pour objectif d’apporter à l’Afrique, l’expérience et la formation obtenues par leurs membres dans les pays hôtes, contribuant ainsi à l’amélioration de la qualité de l’information journalistique dans le domaine scientifique.
L’AJSAD vient de naître grâce à Jérôme Bigirimana et David Ilunga. Jérôme est étudiant en communication à l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Jérôme et David se sont rencontrés lors d’un programme de mentorat lancé par la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (WFSJ) basée au Canada. Cette fédération a pour objectif de promouvoir le journalisme scientifique comme intermédiaire entre la science, les scientifiques et le public. Elle défend le rôle des journalistes scientifiques en tant qu’acteurs importants dans la société civile et dans la démocratie. Elle travaille également à améliorer la qualité du reportage scientifique, fait la promotion de standards professionnels en journalisme scientifique et appuie les journalistes scientifiques et techniques dans le monde entier.
D’abord les diplômes, puis le mentorat Jérôme Bigirimana, d’origine Burundaise, est déjà titulaire d’une licence en Géographie au Burundi et un diplôme d’études approfondies (DEA) en journalisme environnemental à l’université de Makerere à Kampala en Uganda, avant qu’il ait envisagé un Master en information et communication en Belgique. Il me semble un homme ambitieux qui n’hésite pas à chercher des opportunités et qui n’a pas peur de faire face à des grandes épreuves pour arriver à son but. «Dans un mois je l’aurai, mon diplôme de Master en information et communication et je m’en réjouis déjà», dit Jérôme. «J’ai eu mon diplôme de licence en août 1999 à Bujumbura au Burundi et tout de suite après, je me suis mis à enseigner pendant trois ans
la géographie aux élèves du secondaire à Bujumbura. En 2001, j’ai été recruté à la radio nationale burundaise en tant que journaliste pigiste et dès 2003, je travaillais à temps plein à la radio. Je produisais des programmes sur la problématique du VIH/SIDA au niveau national. Et puis j’ai obtenu en 2005 une bourse d’étude en Uganda, à Kampala. Là, je suivais une formation d’une année en tant que journaliste en environnement. «Cela m’a permis d’écrire, par après, des articles sur l’environnement pour l’agence Inter Press Service (IPS) en tant que son correspondant à Bujumbura dès janvier 2007, en même temps que je restais producteur du programme radio sur le VIH/ SIDA à la radio Burundi. Mes journées étaient chargées, c’est bien vrai.»
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DIASPORA
Un mentorat pour avoir plus d’expérience Mais Jérôme continue à chercher des moyens pour devenir un journaliste expérimenté et s’inscrit par internet pour un programme de mentorat, lancé par la Fédération mondiale des journalistes scientifiques. Le programme de mentorat, nommé SjCOOP, fait rencontrer 15 journalistes scientifiques de grande expérience (mentors) d’Afrique, d’Amérique du Nord, d’Europe et du Moyen-Orient et 60 jeunes journalistes de 33 pays d’Afrique et du Moyen-Orient. Il y a trois groupes: Afrique anglophone, Afrique francophone et arabophones du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Les trois équipes de mentors ont chacune à leur tête un coordonnateur, respectivement basé à Abuja (Nigeria), au Caire (Égypte) et à Yaoundé (Cameroun). Le mentorat s’effectue à distance, principalement par l’intermédiaire d’un site web privé, mais aussi par des appels téléphoniques et l’échange de courriels. Les mentors conseillent les mentorés dans toutes les facettes de leur métier: identification de bons sujets de reportage, recherche de sources fiables, correction de style rédactionnel, possibilités de piges et plan de carrière. Au moins, une fois par année, durant les deux années du mentorat, tous les mentors et mentorés se rencontrent. Les réunions donnent l’occasion de couvrir de grandes conférences scientifiques ou de faire des visites de terrain. La première réunion a eu lieu à Nairobi, en novembre 2006, lors de la Conférence mondiale sur les changements climatiques.
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tructif. On apprenait beaucoup du journalisme scientifique par d’échange riche d’expériences pratiques entrecoupées d’exposés d’experts. Ce programme a duré deux ans. Nous étions une soixantaine au début mais certains ont abandonné en cours de route, d’autres ont été éliminés pour cause de résultats insuffisants. Moi et David, nous avons fini avec trente autres personnes. A l’issue des deux années de formation, nous avons ainsi obtenu un certificat de journaliste scientifique délivré par la WFSJ.»
Des choses à partager Jérôme et David ont finalement décidé de créer une association de journalistes scientifiques africains pour partager des choses avec l’Afrique. Les journalistes d’ici partagent leur expérience avec eux. «Vivant en Amérique, en Europe, en Asie et en Océanie, la diaspora africaine, sixième région dont nous constituons, entend désormais jouer pleinement son rôle dans l’élévation de la prise de conscience de la place que doit occuper la science dans le développement de l’Afrique. Mais également, en tant que journalistes scientifiques, nous voulons fournir à notre continent et au reste du monde, l’information scientifique riche et diversifiée sur des initiatives et enjeux scientifiques et technologiques, dont, à la fois, profitent et souffrent les populations, les scientifiques, ingénieurs, techniciens africains ainsi que les institutions de recherche et de développement qui les emploient.»
Question de ne pas abandonner
L’AJSAD
Et c’est gagné encore! Jérôme était le seul candidat burundais retenu pour ce projet de mentorat dans sa première phase. «Les plus expérimentés aident les plus jeunes, c’était ça un des buts du mentorat,» nous raconte Jérôme. «J’avais un mentor, un Sénégalais, du nom d’Armand Faye. C’est dans ce programme d’ailleurs que j’ai rencontré David Ilunga, originaire du Congo. Nous étions dans le même groupe de Faye avec deux autres du Rwanda et du Bénin. Nous devions produire des articles et faire des reportages sur des sujets scientifiques et nous étions aidés par notre mentor. Nous avons eu deux face-à-face à Nairobi, au Kenya, et à Doha au Qatar, pendant dix jours chacun. C’était vraiment épanouissant et ins-
Bien qu’initié par des journalistes scientifiques francophones, lauréats de la première phase du projet de mentorat de la Fédération Mondiale des Journalistes Scientifiques (FMJS), l’AJSAD se veut véritablement internationale, apolitique et inclusive, devenant ainsi un espace dévolu aux flux d’informations scientifiques en provenance et à destination de l’Afrique. «Nous sommes,» poursuit Jérôme Bigirimana, «en effet, à une position privilégiée, parce que placée au cœur du noyau des inventions et innovations, déferlant sur le monde entier et à l’entrée des sources d’informations les plus gardées au monde, mais aussi auprès des acteurs les plus entreprenants et les plus porteurs de l’espoir, de l’espé-
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rance, devrais-je dire, que l’humanité porte aux nobles idéaux et valeurs du Savoir. En retour, notre mission est de travailler non seulement pour notre continent, mais également pour les citoyens de nos continents hôtes, pour leur apporter, plus que d’ordinaire, ce que l’Afrique a fait et sait encore faire de grandiose et bénéfique en science au profit l’humanité. Cette démarche nous paraît importante aujourd’hui où la mondialisation s’accélère. Elle permettra, en effet, de montrer la nouvelle vision de l’Afrique, seule à même d’aider nos concitoyens du Nord à voir réellement la part véritable de l’Afrique dans le concert des Nations.» A tout cela, la réponse de ces jeunes africains est de fédérer leurs efforts, connaissances, expertises, compétences, afin de pouvoir participer à la rude bataille du droit et du devoir à l’information relatifs au Savoir-faire par le Faire-savoir au profit de leurs compatriotes. «Ceci étant notre modeste et non négligeable apport à la Civilisation du Donner et du Recevoir telle que nous y a invités feu le poète-président, Léopold Sédar Senghor, et dans laquelle nous sommes de pleins pieds, aujourd’hui,» déclare-t-il. «Nous espérons vivement que notre initiative trouvera un écho favorable auprès des journalistes scientifiques africains de la diaspora, des organisations gouvernementales, non gouvernementales, indépendantes et humanitaires dont le soutien indéfectible est indispensable à l’accomplissement de cette noble et exaltante mission, mais ô combien délicate. C’est pourquoi, ce projet ne saurait que s’ouvrir, d’abord, aux journalistes scientifiques de la diaspora africaine et, ensuite, à toutes les bonnes volontés œuvrant dans le même domaine et ayant les mêmes buts et intérêts qu’elle.»
Si vous êtes intéressés, n’hésitez pas à prendre contact avec David Ilunga (iludav@yahoo.fr) ou avec Jérôme Bigirimana (bijer2000@yahoo.fr).
MAGHREB
Jamal Belahrach CEO d’une filiale de Manpower au Maroc
Jamal Belahrach Envie de Maroc
Propos recueillis par Jamal Garando
L’auteur, directeur général de la filiale marocaine de Manpower, se raconte à travers le Maroc et la France, ses deux pays. Il livre ses impressions et ses analyses. Comment se réinventer quand on a pendant longtemps porté une étiquette sur le dos? Par un changement de cap, certainement!
L’auteur fait partie de ces enfants d’immigrants qui sont arrivés en France sans trop savoir pourquoi. Dans ce livre, qu’il vient de publier aux éditions le Fennec avec le concours du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME), il raconte son enfance dans les cités, les clichés, les incompréhensions de l’adolescence et enfin les choix et les engagements d’un homme. «C’est une chance formidable que de puiser l’inspiration de son existence à deux sources nationales, impliquant des us et coutumes, des savoirs et des rêves à condition de ne pas céder aux diktats de l’environnement qui demande de trancher en permanence, sans nuance». C’est un travail d’équilibriste auquel s’est astreint Belahrach
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pendant toute sa vie. D’abord pour survivre en France dans les cités «…Ce climat très mitterrandien, mêlé de non-représentativité, de délaissement social et de discours victimaire, faisait que nous nous plaignions, nous les banlieusards, de la cage d’escalier jusqu’aux toits de l’immeuble. Je me souviens qu’à l’école, la mauvaise note était forcément due au fait que le prof était raciste. Un raccourci qui vous éloigne aussitôt de la réussite et vous dispense de l’effort».
chements différents. Dans une progression toujours analytique, l’auteur raconte le retour au pays de l’enfance, sa transformation, les inégalités, les améliorations aussi, et navigue tout autant sur le plan sociétal qu’économique. Son discours s’adresse le plus souvent aux binationaux, qui comme lui ont choisi de retourner au Maroc. L’auteur conseille sans être moralisateur à travers des petites histoires qu’il a vécues. Un livre qui nous parle et à lire d’une seule traite.
De retour au Maroc en 1997, comment vivre sans renoncer à cette autre partie de son identité, la part française. D’une rive à une autre, deux vies, deux modes de vie, deux atta-
148p, ‘Envie de Maroc’, Jamal Belahrach, 2010, Editions le Fennec. www.belahrach.com
Exposition Le Maroc et l’Europe Six siècles dans le regard de l’autre Organisée par le Centre de la Culture judéo-marocaine de Bruxelles (CCJM), en partenariat avec le CCME, cette exposition itinérante sera présentée à Bruxelles du 13 octobre au 14 novembre 2010, avant de voyager à la Bibliothèque Nationale de Rabat du 22 novembre au 31 décembre 2010, puis à Anvers du mercredi 12 janvier au vendredi 4 février 2011et à Séville du 16 février au 10 mars 2011. L’exposition sera ensuite accueillie durant l’année 2011 à Paris, Londres, Amsterdam et New York.
Le projet de concevoir une exposition sur les relations entre le Maroc et l’Europe est en germe au sein du Centre de la culture Judéo-Marocaine (CCJM) depuis quelques années; il prend aujourd’hui tout son sens, au vu de l’accord signé le 13 octobre 2008 entre le Maroc et l’Union Européenne. Si cet accord porte uniquement sur les échanges commerciaux, il permet d’actualiser une réflexion sur les tenants et les aboutissants des relations entre l’Europe et le Maroc au cours de l’Histoire. Le projet décrit ci-dessous prend sa place dans une démarche qui vise à alimenter les champs de réflexion sur les procédés d’échange et à promouvoir le dialogue interculturel, révélateur des valeurs partagées par le Maroc et l’Europe. Faire retour sur le déploiement dans le temps et l’espace des échanges et des influences entre le Maroc et l’Europe permet de mieux comprendre cette histoire singulière qui fait du Maroc le seul pays musulman partenaire de l’Europe à ce jour. Au départ des traces laissées par les diplomates, les voyageurs, les artistes peintres, les écrivains, les artisans et les populations dans leur ensemble, l’histoire des relations entre le Maroc et l’Europe permet de mieux faire connaître les sources d’une influence qui est aujourd’hui réciproque,
tout en améliorant la connaissance des réalités de l’émigration et en changeant la perception de celle-ci. Par ce même biais, l’exposition éveille aussi les consciences à une identité marocaine qui, ouverte sur le monde, n’en préserve pas moins sa spécificité. Elle s’exprime entre autres aujourd’hui dans les productions des artistes marocains contemporains ainsi que dans le savoirfaire reconnu de la population marocaine tant dans les domaines commerciaux que culturels. L’objectif de cette exposition, en faisant lien avec le passé, vise à démonter les clichés véhiculés dans le présent et, par là, à développer une meilleure connaissance des relations entre le Maroc et l’Europe afin d’encourager le respect mutuel et le dialogue d’une rive à l’autre de la Méditerranée.
le cadre purement factuel des échanges matériels et commerciaux en mettant en évidence l’importance de l’imaginaire tant dans le chef des Européens entrés en contact avec le Maroc que dans l’esprit des Marocains à l’égard du monde occidental. Cette dimension est essentielle pour une compréhension en profondeur de l’évolution des relations Maroc-Europe, marquée d’un côté comme de l’autre par une « fascination », source à la fois de heur et de bonheur. Autour de l’exposition, multiples débats, conférences, projections et concerts de musique seront programmés. Source: www.ccme.org.ma
Concept de base L’objectif de l’exposition est de proposer aux visiteurs de visualiser l’évolution et les modalités des échanges qui ont animé et animent encore les relations entre l’Europe et le Maroc. Le projet vise à dépasser
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FRIENDLY FOOT L’équipe gagnante de Bovigny 20 mai 2010 © Friendly Foot
La Journée mondiale du réfugié Une manifestation en faveur des réfugiés Par Alexander Overmeire
A l’occasion de la ‘Journée mondiale du réfugié’, Friendly Foot, Fedasil, le CGRA, l’UNHCR, le CBAR et la Croix-Rouge/ Rode Kruis, souhaitent rappeler au monde que l’asile est un droit et qu’une bonne législation et une bonne politique jouent un rôle crucial à cet égard. Mais la ‘Journée mondiale du réfugié’ est principalement, et avant tout un moment festif, une manifestation de solidarité avec et en faveur des réfugiés.
Depuis 2000, la ‘Journée mondiale du réfugié’ est célébrée chaque année à la date du 20 juin pour rendre hommage dans le monde entier à ces hommes, femmes et enfants réfugiés. Cette année, plusieurs organisations se sont associées pour organiser un événement sportif unique. Depuis début 2010, Fedasil, le CGRA, l’UNHCR, la Croix-Rouge/Rode Kruis et le CBAR, se sont concertés pour mettre en place un match amical entre demandeurs d’asile et personnages célèbres. Grâce au réseau et au soutien de Friendly Foot, des contacts avec des (anciens) joueurs ont pu être établis et Pierre Kompany a été impliqué en tant que parrain de l’événement.
Une présélection A l’instar des autres grands tournois, la finale est précédée par une présélection (sous forme d’un tournoi de minifoot). En Flandre, 16 équipes se sont inscrites pour la présélection du 29 mai à Broechem (région de Lier). Le tournoi se joue sur un grand terrain de foot subdivisé en quatre petits terrains. L’équipe
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qui gagne le tournoi passera en finale le 20 juin. Cette rencontre sportive est d’autant plus unique que c’est la première fois que des centres de Fedasil et de Rode Kruis co-organisent un tournoi et se disputent le titre. Vu l’enthousiasme dans les centres d’accueil, on espère que l’initiative sera répétée l’année prochaine.
Les deux meilleurs joueurs En Wallonie, il existe déjà un tournoi de foot entre centres d’accueil Croix Rouge et centres francophones de Fedasil. Les participants ne sont donc pas des inconnus et le souvenir du tournoi précédent est encore frais. En revanche, en Wallonie, ce sont les deux meilleurs joueurs des quatre premières équipes qui sont sélectionnés. A cette sélection s’ajoutent le meilleur gardien du tournoi, le meilleur buteur et le joueur qui a remporté le prix du Fair Play. Cela permet de représenter plusieurs centres le 20 juin en même temps. Cette année, c’est l’équipe de Bovigny (Fedasil) qui a remporté le tournoi du 20 mai.
Le jour J Le jour J, les finalistes des deux côtés du pays rencontreront les célébrités avec qui ils joueront un match amical. Outre le match, de l’animation, des activités ludiques en rapport avec le football et destinées aux enfants, permettront que l’initiative s’adresse à un large public. L’animation sera assurée par Michel Bruyninckx de Topsport Leuven, créateur de la méthode Body & Mind. Si une démonstration avec des élèves formés est au programme, il y aura aussi une initiation qui sera offerte au public présent. L’événement du 20 juin aura lieu pendant la Coupe du Monde en Afrique du Sud: le soir, le match Brésil - Côte d’Ivoire est au programme!».
www.croix-rouge.be www.fedasil.be www.cbar-bchv.be www.cgra.be/fr www.unhcr.org www.friendlyfoot.be
L’animation est assuré par Michel Bruyninckx de Topsport Leuven, créateur de la méthode Body & Mind. © Friendly Foot
La Journée mondiale du réfugié est un moment festif pour les réfugiés et la population belge. Cette année, ce match amical de football est organisé conjointement par les six organisations susmentionnées, avec comme slogan « Fair Play for Refugees ». Des demandeurs d’asile formeront deux équipes mixtes avec des Belges célèbres, tels que Alan Haydock, Jérôme Nzolo, Mbo Mpenza, Faris Haroun, Thierry Witsel, Jerôme Vanderzijl, Habib Habibou et en présence de Robert Waseige. L’objectif de la rencontre est de permettre aux demandeurs d’asile d’éprouver le plaisir que l’on retire du sport, de leur insuffler la confiance, la fierté et, ainsi, de les aider à rebâtir leur vie. D’autres joueurs pro, parents de joueurs et des grandes personnalités non cités seront également là pour amener leur soutien à cette initiative.
À travers le monde, des millions de gens fuient leur pays d’origine parce que leur vie ou leur liberté y est menacée. Ces hommes, femmes et enfants sont persécutés du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques et ils ont besoin d’une protection. L’asile est un droit fondamental, toujours d’actualité en 2010. Le 20 juin n’est pas seulement une occasion de se le rappeler, mais aussi de souligner la longue tradition de protection des demandeurs d’asile et des réfugiés en Belgique.
DATE ET LIEU Le match amical de football aura lieu le dimanche 20 juin 2010 au Stade Guy Thys, rue Baron Dhanis 6, 1040 Bruxelles (Etterbeek). Entrée libre.
PROGRAMME Dimanche, 20 juin 2010 Stade Guy Thys (Etterbeek) Ouverture des portes: 14 h 00 Match: 15 h 00 Remise des prix: 16 h 15
Le match de football et la cérémonie de remise des prix seront présentés par Francesca Vanthielen, actrice belge et présentatrice de télévision, également volontaire spéciale de l’UNHCR, ainsi que par Pierre Kompany, père du footballeur Vincent Kompany et ancien réfugié.
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SOCIETE
Jolly Kamuntu journaliste et présidente de l’AFEM SK © Elisa García-Mingo 2009 AP Fellow
RD Congo La promotion des candidatures féminines Par Kenza Garba
L’agence de presse Syfia Grands Lacs, qui couvre la République démocratique du Congo (RDC), le Rwanda et le Burundi, a publié un article sur l’embauche des femmes par les ONG de développement locales et internationales de Bukavu. Il s’est avéré que certains hommes s’estiment discriminés vis-à-vis des candidatures féminines, surtout lorsque les femmes recrutées n’ont pas les compétences requises ou servent seulement d’alibi pour avoir des financements.
«Sur la majorité des offres d’emploi des ONG à Bukavu (RDC) figure la mention ‘Les candidatures féminines sont encouragées’», réclame Syfia Grands Lacs. «Les appels réguliers aux femmes pour postuler sont lancés par les différents canaux de média. Selon Syfia, celles qui sont embauchées, poussent des cris de joie; les mécontents se comptent surtout parmi les hommes qui parfois se disent discriminés. «Nous nous sommes battus à deux jusqu’à la dernière étape de l’entretien d’embauche par l’organisation X, mais on m’a dit qu’on a retenu la femme pour des raisons de genre», a dit un chercheur d’emploi au reporter de Syfia. Il paraît que ces genres de lamentations sont nombreuses à Bukavu, surtout dans le monde des ONG, où les femmes profitent souvent de
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la promotion des candidatures féminines. Elles remplacent de plus en plus les hommes et elles sautent aussi sur les nouveaux postes qui se créent dans des entreprises.
La cause féminine «Pourtant», dit Syfia, «les femmes sont aussi partagées sur une telle promotion». Parmi elles, Noëlle Nabami, infirmière dans un centre de santé de la ville . Elle pense que les femmes ont été longtemps négligées et qu’il est temps qu’elles aussi aient accès à l’emploi, comme les hommes. Car, pour elle, les hommes sont nombreux dans le secteur professionnel et il est normal que les femmes soient ainsi propulsées.
D’autres femmes pensent, en revanche, que les compétences et le mérite devraient être privilégiés pour qu’elles ne soient pas dévalorisées. Elles disent qu’il faut des femmes qui savent se défendre et défendre la cause féminine. Marie Gorette Safi s’explique: «C’est anormal qu’elles soient recrutées dans le seul but de leur donner de l’emploi; ça se retournera un jour contre elles. Certaines sont compétentes et ce sont celles-là qu’il faut promouvoir, et non les faibles.»
Les femmes dans les organes de décision L’agence Syfia Grands Lacs stipule que certains bailleurs de fonds conditionnent leur appui à
la présence de femmes dans les organes de décision des structures; d’autres demandent simplement qu’elles y soient représentées. «La Coopération allemande, dans son projet ‘Fonds pour la consolidation de la paix’, exige cet aspect ‘genre’ dans les associations en quête de fonds», rapporte-t-elle. Syfia Grands Lacs a également interpellé Abel Bujiriri, responsable de l’association ‘Enfants de la grâce divine’: «Nous n’y avons pas déposé notre dossier, car notre organisation ne remplit pas cette exigence», regrette-t-il. Syfia conclut donc que certaines associations recrutent des femmes pour ces occasions, comme l’organisation ‘Cris de secours aux enfants marginalisés (CRISEM)’, qui a participé l’an dernier à un programme de lutte contre la malnutrition soutenu par le PAM(1). Selon elle, d’autres structures manquent de femmes compétentes, les ayant toujours cantonnées dans des postes subalternes, entre autres secrétaires, réceptionnistes et conseillères.
Tricher pour recevoir des fonds «La volonté d’accéder aux financements pousse alors certains responsables à tricher», réclame Syfia Grands Lacs. «Ils nomment des femmes coordinatrices ou directrices, rien que pour satisfaire le bailleur de fonds, mais en réalité ce sont les hommes qui agissent et qui gèrent la structure.» Ceci est confirmé par un agent d’une ONG de Bukavu: «Dans notre association, nous avons seulement besoin de la signature de la coordinatrice pour la banque et pour des correspondances officielles, mais je fais tout le reste.» «Des hommes déplorent cette hypocrisie motivée par l’appât du gain», dit Syfia.
Des campagnes en faveur des femmes Selon Syfia Grands Lacs, les ONG de Bukavu ont, de leur côté, mis un accent particulier sur les femmes en raison aussi de leurs faibles résultats aux élections de 2006. L’Association des femmes des médias du Sud-Kivu (AFEM SK) a
mené une campagne de promotion du genre en produisant des émissions diffusées dans cinq radios de Bukavu. «Nous avons sensibilisé la population sur la nécessité de faire participer les femmes dans les instances de décision», souligne Jolly Kamuntu, présidente du conseil d’administration. Selon elle, l’AFEM SK plaide pour la parité sans laquelle aucun développement durable n’est possible. «L’homme et la femme sont là pour s’entraider», estime-t-elle. D’autres organisations, comme l’Association des femmes juristes de Bukavu, mènent des campagnes contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Des hommes responsables d’associations vont dans le même sens. «C’est une discrimination positive que j’encourage», affirme Désiré Shamavu du groupe Jérémie, une organisation de droits de l’homme à Bukavu. «Dans les tests d’embauche, s’il y a égalité des compétences entre l’homme et la femme, moi je choisirais la femme.»
(1) PAM: Programme alimentaire mondiale
L’agence Syfia Grands Lacs Mieux informer pour mieux réconcilier Syfia Grands Lacs est une agence de presse qui couvre la République démocratique du Congo (RDC), le Rwanda et le Burundi. C’est une agence-école qui forme les journalistes de presse écrite. Sa tâche est d’informer, former et de construire. Informer
Former
Construire
Syfia Grands Lacs produit cinq à dix articles toutes les semaines, des reportages et des enquêtes axés sur les réalités quotidiennes des habitants des trois pays des Grands Lacs. Ces articles de terrain ont pour but de favoriser la réconciliation entre les populations des différents pays, d’accompagner les processus démocratiques et la mise en place de l’Etat de droit et d’encourager les initiatives positives. Ils sont diffusés à une centaine de journaux des trois pays et repris par plusieurs dizaines de radios. Plus de 2000 bulletins sont aussi distribués à des écoles, bibliothèques, ONG, paroisses, organismes locaux et autorités, et affichés sur des panneaux dans les rues et les paroisses. Ce bulletin est aussi en vente dans les principales villes de la RD Congo et au Burundi. Enfin, ils sont diffusés aux journaux européens qui disposent ainsi d’une information originale de première main sur ces pays.
Syfia Grands Lacs apporte aux correspondants de l’agence une formation pratique et à long terme aux techniques du journalisme et à la déontologie. L’éthique et la responsabilité sociale du journaliste sont au coeur de cette formation. Cet apprentissage se fait sous trois formes: l’encadrement du travail de rédaction, la formation rapprochée sur un site web interne, où chaque apprenant est individuellement suivi par un tuteur et des ateliers ponctuels organisés dans les différents pays. Ces méthodes de formation originales développées par Syfia ont fait leur preuve et sont appréciées des journalistes.
En 2008, Syfia Grands Lacs regroupe une soixantaine de correspondants, dont 40 dans les provinces de RD Congo. Ces journalistes travaillent aussi dans les médias locaux. Ils forment une équipe solide qui échange très fréquemment via le site interne. Plusieurs équipes se sont structurées et ont monté des associations locales qui, à leur tour, développent des projets de formation en particulier, dans leur pays. www.syfia-formaction.info
En 2007, les correspondants les plus aguerris sont peu à peu devenus à leur tour des formateurs pour les nouveaux venus.
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ENVIRONNEMENT Vue de Walikale Nord Kivu © Julien Harneis
La biodiversité en RDC Deux pistes prometteuses Par Noël Obotela Rashidi
Le recouvrement d’un environnement durable constitue le fondement du septième Objectif du Millénaire pour le Développement (OMD). Il implique l’impérieuse nécessité d’intégrer les principes du développement durable dans les politiques et les programmes nationaux. En RDC, deux expériences méritent d’être notées. L’une porte sur le combat inégal mené par les populations dites autochtones en vue de préserver leur habitat naturel. L’autre repose sur ce travail d’éducation mené dans le but de protéger les espèces rares tels les singes Bonobos.
Protéger les ressources par le renforcement des capacités La forêt demeure l’habitat naturel des populations autochtones qui leur procure la subsistance. Les nouvelles dispositions légales en vigueur en RDC empêchent ces populations au libre accès à ces ressources. En effet, l’octroi des vastes étendues forestières aux grandes compagnies ne prend pas suffisamment en compte les droits ancestraux des communautés autochtones. A cela, il faut ajouter leur pauvreté et leur analphabétisme. Pourtant la protection de la forêt par ces populations figure parmi les aspects susceptibles de contribuer à la mise en place d’un environnement durable.
Discrimination Ces communautés dites Batwa ou Pygmées souffrent des discriminations de tous genres. Elles accusent également des lacunes inhérentes à la défense de leurs droits. Cette méconnaissance d’accès à la terre et aux ressources naturelles et de la spécificité de leur organisation sociale, incite à mener un combat. Comment des popu-
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lations aussi vulnérables pourraient-elles entreprendre une telle croisade ou défendre leurs droits face à des structures étatiques et privées aussi puissantes et outillées?
Les populations autochtones L’application du code forestier vient renforcer la stigmatisation dont les populations autochtones font l’objet. Représentant plus de 10% de la population totale de la RDC, les autochtones ayant quitté leur milieu naturel se retrouvent aux côtés des Bantou et vivent diverses fortunes allant des travaux manuels à la mendicité. Cette vulnérabilité ou précarité les jette en pâture à des groupes ou à des personnes prétendant assurer leur défense. La protection des ressources passe par un véritable renforcement des capacités au profit des acteurs non étatiques et des populations victimes. Deux volets sont à retenir: d’abord, éradiquer la méfiance et la méconnaissance liées à l’accès à la justice; ensuite, contribuer à la sensibilisation de la population par une communication de proximité.
L’ignorance des lois Dans son rapport présenté, le 2 juin 2008, à la huitième session du Conseil des droits de l’homme à Genève, Leandro Despouy
signale les principales entraves à la justice, à savoir l’impossibilité d’acquitter des frais judiciaires, les barrières linguistiques, les distances séparant les justiciables des institutions judiciaires. L’évaluation faite en 2005 par Global Rights (avec le financement de l’USAID) reconnaît l’ignorance des lois pour défendre ses droits par une très grande frange de la population. Cette même insuffisance frappe aussi certains acteurs du secteur de la justice et les autorités coutumières portées sur la coutume. Toutes ces faiblesses réunies plaident pour le renforcement des capacités de tous les acteurs (notables ou représentants des communautés, personnel attaché au pouvoir judiciaire, ONG tant nationales qu’internationales).
Une justice de proximité Plaider pour une justice de proximité en invitant les représentants ou notables des communautés à avoir confiance dans le système judiciaire par maîtrise des textes fondamentaux et des principaux instruments juridiques. Une telle formation devra adapter les matières et user d’une pédagogie appropriée qui utilise la langue du milieu et un langage propre aux concernés. Le personnel de la justice, les autorités politico-administratives et coutumières évoluant loin des centres urbains travaillent sans support ou utilisent des documents
dépassés. Un recyclage périodique de mise à niveau demeure nécessaire sans oublier de les exhorter à être à l’écoute de ces populations autochtones. Se souvenir que les populations autochtones n’ont pas souvent de chef désigné dans la mesure où leur organisation est collective et que les décisions se prennent en commun.
Une communication de proximité Les intervenants extérieurs devraient être initiés aux us et coutumes en vigueur au sein du système judiciaire congolais. Parvenir à surmonter les obstacles découlant notamment de la lenteur dans l’exécution d’un jugement, au blocage d’un dossier pour
Construire un «paradis» pour les espèces rares, une solution envisageable D’aucuns ignorent le sort que connaissent la plupart des animaux considérés comme rares. En RDC, un ruminant tel l’Okapi fait l’objet d’une protection spéciale et en même temps, il est une proie recherchée par tous les trafiquants pour sa peau. C’est aussi le cas du primate connu au Congo sous l’appellation de «Bonobo» dont la population n’a cessé de diminuer suite au braconnage. La «chasse» à cette espèce prisée notamment pour sa viande se pratique dans les forêts de la RDC malgré les lois qui interdisent sa vente et sa détention.
Le ABC L’exemple d’une européenne Claudine André mérite d’être cité. Sa passion de protéger les animaux lui est certainement venue de son père qui était vétérinaire. Elle s’est investie dans la protection de cette espèce en créant, en 1998, le «Lola ya Bonobo» ou le «Paradis des Bonobos» sous le couvert d’une institution dénommée «Amis des Bonobos du Congo» (ABC). Deux objectifs guident la
raison de «motivation», implique la maîtrise du milieu de la justice. Des séminaires d’information ou des ateliers méthodologiques restent indispensables. Eradiquer la méfiance ne pourra se passer d’une communication de proximité à travers la sensibilisation et la vulgarisation. Outre les textes ou documents courants rédigés en langues locales, une autre procédure consiste à l’emploi des supports appropriés telles la bande dessinée et les radios locales.
population analphabète. L’utilisation de la radio peut davantage servir à diffuser un message sur une étendue aussi vaste que la RDC. Il faut néanmoins que la radio s’appuie sur une série de relais formés par les radios clubs disséminés sur l’étendue territoriale occupée par cette population. Par cette méthode, non seulement elle écoute les messages, mais elle suit également ses propres émissions, c’est-à-dire celles préparées avec son concours.
La BD et la radio La bande dessinée constitue un support ou mieux un vecteur utilisable pour transmettre un message et à le faire intérioriser par une
réalisation d’un tel sanctuaire. Il y a d’abord la mise en place d’un havre de paix pour ces animaux traqués et pourchassés impitoyablement. Il y a ensuite le but pédagogique qui, à notre avis, constitue une opportunité pour l’avenir.
La création de clubs Les «Amis des Bonobos du Congo» ont, en plus de la protection et des soins aux animaux récupérés, deux missions d’une extrême importance. La première consiste à favoriser la sensibilisation de nombreux visiteurs par l’éducation. Ce qui paraît intéressant dans cette phase, c’est le fait d’impliquer une cible spécifique, les écoliers et élèves qui viennent en groupe sous la bannière de leurs écoles. L’action qui semble encore plus porteuse réside dans la création de clubs au niveau de chaque école. Il y en a 17 dans les différentes institutions scolaires de Kinshasa. Un dernier aspect de cette stratégie concerne le plaidoyer mené dans les villages environnant le milieu naturel des Bonobos. La finalité, c’est de créer un environnement prêt à recevoir les Bonobos qu’il faut réintroduire dans leur habitat traditionnel.
Allier l’utile à l’agréable Le mérite de «ABC», c’est d’avoir allié l’utile à l’agréable. Certes l’attraction de ce type de singe demeure évidente du point de vue touristique. L’afflux des visiteurs en dit long à ce sujet. Nyangolo Malaïka Jojo a dénombré une moyenne annuelle de 27 000 visiteurs. «Lola ya Bonobo» peut être comparé à une vitrine qui sert de plate forme pour la sensibilisation et l’éducation au respect des espèces menacées. Etant donné le succès enregistré par cette expérience, il serait indiqué que des modules d’enseignement y relatifs soient inclus dans le programme des cours dispensés dans les écoles primaires et secondaires.
Sans armes Combattre la prédation sans armes, tel est le cas de ces deux expériences. La sensibilisation, l’éducation et le renforcement des capacités forment des pistes prometteuses susceptibles de replacer les Pygmées privés d’accès à leur habitat naturel par les exploitants forestiers et les Bonobos menacés d’extinction, dans leurs droits. Un travail de longue haleine, mais porteur d’espoirs.
Noël Obotela Rashidi est Historien de la population et Enseignant-chercheur à l’Université de Kinshasa (RDC).
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SPORT
Coupe du monde 2010 Par Alexandre Korbéogo
Du 11 juin au 11 juillet 2010, la planète entière vibrera au rythme du football mondial, la première qui se joue en Afrique. Trente deux équipes vont entrer en compétition en Afrique du Sud afin de pouvoir succéder à l’Italie, vainqueur de l’édition précédente.
L’Afrique sera le point de ralliement des millions de fans du ballon rond. Environ douze mille supporters africains sont attendus en Afrique du Sud du 11 juin au 11 juillet 2010 pour savourer les matchs de la coupe du monde, la première qui se joue sur le continent africain. Des cinq continents, les supporters afflueront qui, pour vivre l’ambiance et l’euphorie, qui, pour faire des affaires. La coupe du monde c’est aussi les transferts, le business et l’ambiance. Les Sud-africains ont mis les petits plats dans les grands en mobilisant des milliers de policiers pour assurer la sécurité des millions de personnes qui feront le déplacement. Il est évident que c’est le maillon faible de ce pays où la criminalité a pris une allure qui dépasse l’entendement humain. Mais, cette donne ne pourra pas gâcher la fête si tant est que l’Afrique reste mobilisée pour sauver ‘sa’ coupe du monde. C’est un challenge, un défi pour tout le continent. Il est vrai que c’est l’Afrique du Sud qui a été choisie pour faire de l’Afrique la plaque tournante du sport roi. Mais, c’est le continent entier qui en sort grandi. Il y aura du foot, il y aura de la passion. Car, l’Afrique, terre de culture et de tradition,
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organisera cette coupe du monde avec ses valeurs propres de solidarité, de traditions et de diversité culturelle. Les stars du ballon rond seront là. Messi, Drogba, Eto’o, et les autres, feront vibrer les stades avec des touches de balles et des dribbles dont eux seuls ont le secret. Il y aura aussi les supporters. On aura les hooligans, les tifosis, pour donner une touche particulière à la fête. La coupe du monde c’est tout un événement mondial exceptionnel et historique.
Une histoire et des chiffres La coupe du monde a une histoire. La première a eu lieu en 1930 et a été remportée par l’Uruguay. Le premier pays africain à prendre part à une compétition mondiale a été l’Egypte en 1923. Depuis sa création, différents continents ont accueilli la coupe du monde. Les pays organisateurs par continent (jusqu’en 2014) sont l’Europe (10), l’Amérique du Sud (5), la Concacaf (3), l’Asie (1), l’Afrique (1) et, l’Océanie (0). Selon les statistiques de la Fédération internationale de football (FIFA), créée en 1904, et dont
le siège est à Zurich (Suisse), le pays organisateur est vainqueur dans 35% des cas et un pays du continent organisateur est vainqueur dans 88% des cas. Si ces statistiques sont exactes, on ose espérer qu’un pays africain remportera cette édition, la première qui se joue sur le continent. Quant aux pays les plus titrés de la coupe du monde, le Brésil vient en tête avec 5 titres, l’Italie 4 et l’Allemagne 3. Les joueurs africains ont leur mot à dire dans l’évolution du football mondial. Les statistiques sont éloquentes à cet effet. Le géographe Raffaele Poli a calculé que 76,4% des 110 joueurs africains ayant disputé le Mondial 2002 et 82,6% des 115 retenus pour le Mondial 2006 ne jouent pas en club dans leur pays. Ils sont expatriés dans des clubs européens. Toujours selon ce géographe, les footballeurs africains ont investi les pelouses de tous les championnats européens. D’une petite centaine au début des années 1990, environ 350 en 1995 pour plus de 1150 pendant la saison 2002-2003 avec plus de 32 nationalités différentes. Ce sont ces talents réunis avec les stars des autres continents qui feront vibrer le monde entier durant un mois. Donc, la fête commence.
SANTE Rencontre ScJOOP de Nairobi novembre 2007
La santé en RDC
Plaidoyer pour des solutions alternatives Par Noël Obotela Rashidi
La santé au République démocratique du Congo (RDC) constitue un domaine durement frappé. Néanmoins, il y a des efforts entrepris pour remédier, tant soit peu, aux défaillances d’un secteur confronté à plusieurs difficultés.
Rendre les cliniques universitaires performantes Cinquante années après l’indépendance, que dire des hôpitaux universitaires en RDC? Comme toutes les structures médicales, ils souffrent du manque d’équipements surtout. Contrairement aux années 1960, le pays regorge aujourd’hui de médecins spécialistes de haut niveau. La plupart exercent avec satisfaction dans les pays d’Afrique et d’Europe. L’Afrique du Sud en compte des centaines. Bref les institutions hospitalières universitaires disposent de médecins aux qualités éprouvées.
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Un partenariat L’absence d’équipements répondant aux normes modernes rend parfois ces spécialistes inopérants. Pour pallier à cet état des choses, un projet d’informatisation des cliniques universitaires de la RDC a été élaboré et a une durée de deux ans. Il s’agit d’un partenariat entre les coopérations universitaires belges flamande et francophone (Namur, VUB, Ulg, CUD) et les cliniques universitaires de Kinshasa, Lubumbashi, Kisangani et l’Hôpital général de référence de Bukavu. Ce projet se préoccupe de l’amélioration de la qualité des soins de santé à travers le développement d’un réseau numérique des connaissances médicales et le réseautage de ces cliniques. Cette mise en réseau donne à ces institutions universitaires l’opportunité d’être visibles et la possibilité d’attirer d’autres par-
tenariats. Par ailleurs, les médecins et les infirmiers pourront ainsi, selon la note de présentation, «partager l’information, consulter des ressources, actualiser leurs méthodes d’enseignement et leurs pratiques médicales, participer à des réseaux de spécialistes, et rationaliser la gestion des dossiers médicaux».
Eb@le-Santé Le projet appelé Eb@le-Santé vise quatre résultats, à savoir l’informatisation des quatre hôpitaux universitaires; le renforcement des capacités des médecins et infirmiers dans le domaine des TIC; la rationalisation de la gestion des dossiers médicaux; et la mise en réseau des médecins en vue de la production et l’échange de données scientifiques et pédagogiques médi-
Hôpital Panzi Bukavu © Endre Vestvik
cales. Comme vous le constatez, ce projet tient à désenclaver le monde universitaire congolais. D’une manière générale, l’Université a trois missions, à savoir l’enseignement, la recherche et le service à la collectivité. Un tel projet contribue à renforcer les capacités de ces institutions et leur possibilité d’influer sur d’autres formations médicales proches de populations locales.
Combattre le paludisme par les moustiquaires A l’instar de toutes les communautés à travers le monde, la journée mondiale du paludisme a été célébrée en RDC, le 25 avril 2010. S’adressant aux communautés africaines, le directeur régional de l’OMS/Afrique a notamment déclaré que chacun « peut apporter sa contribution à partir de son domicile, son village, son quartier, son école ou son lieu de travail. Les communautés doivent agir pour se protéger elles-mêmes contre le paludisme ». Ce qui précède souligne de façon nette l’intérêt accordé à la lutte contre ce fléau dont les dégâts collatéraux sont proches de ceux du VIH/Sida.
Les ravages du paludisme Les ravages du paludisme restent patents et élevés. En Afrique, il a été enregistré 85% de cas de paludisme et 90% de décès liés à cette maladie. Il faut encore retenir que les principales vic-
times de ce fléau sont les enfants de moins de 5 ans. En RDC, le Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP) livre des statistiques alarmantes. «De 60 à 100 millions de cas de fièvre paludique sont épisodiquement relevés. Il en découle près de 180 000 décès par an». On ne saurait oublier le poids assumé par les populations dans la lutte contre le paludisme. Des familles souvent démunies peinent pour subvenir aux dépenses relatives à combattre le paludisme. Des tests effectués depuis quelques années ont prouvé l’efficacité des moustiquaires imprégnées pour venir à bout de cette maladie.
La campagne de distribution des moustiquaires De février à novembre 1991, trois villages du Plateau des Batekés (à 60 Km à l’Est de Kinshasa) avaient servi pour des tests antipaludiques. Le premier a reçu des moustiquaires imprégnées; le deuxième a bénéficié de moustiquaires non imprégnées et le troisième a été considéré comme le village-témoin. Les résultats ont été concluants et déterminants pour les utilisateurs des moustiquaires imprégnées(2). La campagne de distribution des moustiquaires s’effectue chaque année à travers le pays. En mai 2009, le footballer japonais Nakata a, dans le cadre du Comité National Unicef-Japon, procédé à la remise de près de 37 000 moustiquaires imprégnées aux familles dans le Nord-Kivu. Cette action met à l’abri 45 000 enfants de moins de
5 ans et plus de 10 000 femmes enceintes(3). En septembre 2009, 2,2 millions de moustiquaires imprégnées ont été envoyées dans la Province Orientale et le Maniema(4).
Un processus préventif Combattre le paludisme par les moustiquaires imprégnées constitue un processus préventif. Les résultats ne peuvent se manifester dans l’immédiat, mais son impact a un effet durable sur les familles. Celles-ci ont ainsi la possibilité d’orienter d’éventuelles « économies » vers des dépenses de subsistance au lieu de les consacrer à l’achat de médicaments contre les crises paludiques. L’usage des moustiquaires imprégnées constitue une alternative aux multiples problèmes qui assaillent les familles démunies. (1) La Prospérité, du 21 novembre 2008 (2) Enquête menée par S. Karch, B. Garin, N. Asidi, Z. Manzambi, J.J. Salaun et J. Mouchet/Service d’entomologie médicale, Mission de Coopération Française, INRB (3) Radio Okapi (4) Eva Gillian
www.ebalesante.blogspot.com
Noël Obotela Rashidi est Historien de la population et Enseignant-chercheur à l’Université de Kinshasa (RDC).
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CULTURE / ARTS David Adjaye © Ed Reeve
GEO-graphics
Les joyaux ethnographiques d’Afrique Propos recueillis par Xavier Flament Source: Bozar Magazine www.bozar.be
Comment, à l’heure d’aujourd’hui, présenter les joyaux ethnographiques d’Afrique? C’est pour répondre à cette passionnante question que le Palais des Beaux-Arts (BOZAR) et le Musée Royal de l’Afrique centrale à Tervuren collaborent, à l’occasion de la rénovation de ce dernier et de l’actualité africaine de l’été. GEO-graphics, exposition phare de L’Afrique visionnaire, le festival estival du Palais des Beaux-Arts, en est le premier laboratoire.
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Il s’agit d’y recontextualiser quelque 220 objets d’une beauté à couper le souffle, issus du Musée ainsi que de collections publiques et privées belges, en les confrontant à des productions contemporaines d’Afrique. Celles-ci auront été choisies par huit centres d’art, sélectionnés dans toute l’Afrique pour leur rôle actif dans le développement du secteur culturel africain. Leurs directeurs, souvent artistes eux-mêmes, participent à la recontextualisation des pièces anciennes, en décrivant les conditions de création et d’utilisation de l’art dans l’univers urbain d’aujourd’hui.
David Adjaye © Ed Reeve
David Adjaye L’occasion pour David Adjaye, directeur artistique du projet et architecte de renommée internationale, d’afficher ses propres photographies des cités africaines. Car, l’on y verrait l’influence de l’environnement naturel sur la production culturelle. En jouant sur la proximité visuelle de ces quatre approches: les pièces anciennes, les créations, la plateforme des centres d’art et la vision du directeur artistique, le spectateur voit se déployer une nouvelle Histoire et une cartographie inédite de l’Afrique. L’art et la culture en sont le dénominateur commun et le principe moteur d’une coopération et d’un développement original et moderne. Xavier Flament a rencontré David Adjaye et lui a posé des questions sur l’opportunité de présenter les oeuvres d’art ethnographiques arrachées par la colonisation à leur contexte d’origine. Des œuvres d’art qui sont souvent aujourd’hui les seuls vestiges encore intacts du passé artistique de l’Afrique.
Xavier Flament: Comment imaginez-vous leur recontextualisation? David Adjaye: Très simplement, c’est l’opportunité de comprendre vraiment le rôle des artefacts dans une institution européenne aujourd’hui. Ces objets, à un moment, ont été sortis de leur contexte dans lequel ils ont été conçus.
«Les collections européennes se sont constituées à l’époque de la colonisation et ont été ramenées en Europe sans la moindre recherche historique quant au contenu, à l’origine, au cadre de leur création et de leur utilisation.» Dans un sens, il y a chez vous un fantastique réservoir d’artefacts, mais un manque cruel de contexte culturel et historique. Il y a donc une exigence de plus en plus pressante de relier ces deux mondes. Voilà un côté de l’entreprise. L’autre, c’est ce qui émerge dans le cadre des anniversaires des indépendances, et en l’occurrence le Congo pour la Belgique: l’absolue nécessité d’infrastructures pour établir un nouveau dialogue entre continents. Il faut concevoir une plateforme d’échanges, et c’est ce qui justifie l’événement au Palais des Beaux-Arts. Parallèlement à l’exposition GEO-graphics, on présente en effet un vrai festival d’été, avec des films et des performances de toutes natures, qui traitent chacun à leur manière de cette «Afrique visionnaire». Cela aussi nous permet de repartir du bon pied et de sortir des stéréotypes qui continuent à conditionner les relations avec l’Afrique et sa production culturelle. En effet, cette meilleure compréhension doit fatalement déboucher sur une meilleure relation, une relation autre qui soit beaucoup plus enthousiasmante et puisse créer une pollinisation mutuelle. Aussi le développement d’institutions culturelles sur le continent africain va, en un sens, pouvoir soutenir le contenu qui se trouve hébergé en Europe et engager un dialogue mutuel qui renforce les uns et les autres.
XF: Sur quelles bases organiser cette plateforme? DA: D’institution à institution? On ne peut nier qu’à l’heure d’aujourd’hui les rapports sont totalement déséquilibrés. Voyez-vous, entre
le modèle africain et occidental, une troisième voie qui puisse façonner un nouveau type de relation? C’est de toute façon déséquilibré. En Europe, vous avez de grandes institutions centenaires, tandis que sur le Continent, elles ont tout au plus cinquante ans. Mais GEO-graphics suggère, face à ce constat, qu’il existe une sorte d’émergence d’institutions émanant de la société civile et qui ne sont pas soutenues par les États, bien trop occupés à gérer l’urgence économique, sociale et sanitaire.
«Il y a bel et bien l’apparition d’une intelligentia, soit issue du terrain, soit de la diaspora, et qui porte dans ces institutions culturelles privées l’émancipation d’une nouvelle classe moyenne africaine.» Huit de ces institutions ont été sélectionnées dans toute l’Afrique et présentent, dans GEOgraphics, les repères d’une nouvelle cartographie culturelle de l’Afrique.
XF: Revenons-en à ce déséquilibre pour l’instant incompressible entre institutions européennes et africaines... DA: Ce dont nous avons besoin, aujourd’hui c’est d’une sorte de mécanisme de soutien qui contribue à l’émergence d’un modèle favorisant l’éclosion de ces institutions issues de la société civile. Et GEO-graphics va offrir une plateforme pour élaborer la relation entre institutions. Mais, effectivement, ne soyons pas naïfs. Si nous sommes très proches en termes de savoir et de contenu, nous sommes très éloignés en termes d’infrastructure et de capital disponible pour développer concrètement un marché culturel africain. Comment éviter la pression des bailleurs de fonds occidentaux qui poussent les opérateurs et artistes africains à se conformer à des standards qui ne sont pas les leurs, comme on le constate, parfois avec amertume, au MASA, le marché des arts du spectacle africain en Abidjan? C’est naturellement la mauvaise manière d’aborder la chose. Mais en Abidjan, spécifiquement, vous avez une intelligentsia qui est de retour avec une tradition de beaux-arts que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Et soyez sûr que la modernité ne lui échappe pas. Je dirais même que si certains imitent les codes occidentaux, cela fait aussi partir de la modernité.
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CULTURE / ARTS XF: Y a-t-il une singularité africaine possible dans le marché mondialisé?
réminiscence du contexte de création d’un objet peut-elle toujours opérer fortement même s’il ne faut pas nier qu’en Afrique centrale, se perd la relation à cet héritage culturel.
DA: Aujourd’hui, nul ne conteste l’essor et la particularité de l’art chinois ou indien. Mais, dans les premiers temps de leur émergence, il y a eu énormément de critiques, justement sur cette question du mimétisme. Mais n’était-ce pas une terrible naïveté de penser qu’ils manquaient de contenu? Aujourd’hui, voilà deux opérateurs incontournables du marché de l’art. C’est pourquoi je pense que le soutien à des structures culturelles dynamiques doit permettre à une identité de survenir rapidement. Ce soutien pourrait se voir limité par la faiblesse relative des productions artistiques, mais il ne faudrait pas en conclure qu’il n’y a pas de but ni de dessein intellectuel plus vaste. Je me souviens très bien de toutes les comparaisons qui ont été faites en ce qui concerne l’art indien. Mais lorsque c’est devenu ‘L’Art indien’ et que les ventes publiques se sont envolées, on ne s’est plus posé de questions. Une accélération se produit dans un cadre commun, la modernité. C’est une idée planétaire. Mais cette modernité n’en a pas moins des facettes multiples et spécifiques. Concernant l’Afrique, nous avons tous ces artefacts qu’il faudrait recontextualiser pour qu’ils contribuent, dans leur relation renouée avec la création la plus contemporaine, à influencer la modernité. C’est mettre fin à l’exotisme. Ces objets ne seront plus seulement des raretés uniquement définies par leur valeur commerciale, mais comme des témoignages de la créativité humaine, de ce pouvoir créateur, de la civilisation qui les a engendrés. Les artistes en effet incarnent comme nul autre les grandes énergies à l’oeuvre. Et, à en croire les huit directeurs d’institutions que nous avons invités, l’Afrique est à un tournant, avec un incroyable potentiel.
XF: Vous avez déduit de votre travail photographique sur les villes d’Afrique une étonnante théorie de l’influence de l’environnement naturel sur la production culturelle. Pouvez-vous développer? DA: GEO-graphics montre que l’Afrique ne se limite pas à ses frontières politiques. Des phénomènes régionaux entrent aussi en jeu. En Afrique, il y a six grands types de terrains, la côte méditerranéenne, le Maghreb, le désert, la savane, la forêt et les montagnes. Ces reliefs engendrent des phénomènes et des critères esthétiques particuliers. Ainsi, avec la savane, qui traverse la Tanzanie, le Kenya, on ne parle plus de tel ou tel pays, mais d’un «groupe savane». Une fois ce préalable établi, vous allez apprécier différemment la production d’artefacts, et pas seulement sous un angle esthétique, mais aussi social et culturel.
XF: Croyez-vous que cette influence du milieu soit encore perceptible dans un contexte d’urbanisation galopante? DA: Cela demeure mais pas littéralement, comme une esthétique culturelle. Allez aujourd’hui au Cameroun ou à Bangui, en République centrafricaine: ce sera très différent de la Mauritanie, du fait même de ces phénomènes culturels d’origine géographique. Ainsi, en partant de ce point de vue, vous allez voir apparaître une identité singulière, perceptible au-delà de toutes les attitudes d’imitation. GEO-graphics ébauche l’analyse du rapport entre les artistes et une région pour comprendre ce qu’elle produit.
XF: Quel pourrait être, selon votre expérience, le statut de ces artefacts dans le contexte africain urbain d’aujourd’hui, en comparaison de notre manière occidentale de consommer de la culture?
XF: Que répondez-vous à ceux, nombreux, qui pensent que l’Afrique est immuable, n’a pas d’histoire, voire est incapable d’entrer dans l’Histoire, comme l’affirmait Nicolas Sarkozy dans son fameux «discours de Dakar»?
DA: C’est totalement différent. Je peux l’exprimer sur base d’un projet que nous avons mené au Caire. Sur le Continent, les objets d’art se conçoivent dans un contexte social et rituel. Ce serait comme si les Occidentaux n’allaient admirer que des objets de culte dans les églises. L’art reste lié à une fonction socioculturelle. Le plaisir esthétique pur n’a pas de sens. Aussi la
DA: Mais c’est précisément ce que je combats: qu’il n’y aurait ni histoire, ni évolution du fait même du découplage qui a été opéré par la colonisation entre les artefacts et leur contexte socioculturel. Lorsque vous avez cet état de fait et que vous y appliquez vos propres projections exotiques, vous obtenez cette vacuité. Sculpture Baule, Côte d’Ivoire Collection MRAC Tervuren
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© MRAC Tervuren
GEO-graphics A map of ART practices in AFRICA, past and present Du mercredi 09/06/10 au dimanche 26/09/2010 Palais des Beaux-Arts / Circuit Rue Royale Cette année, pas moins de dix-sept pays africains célèbrent leur indépendance. C’est l’occasion, comme l’est tout anniversaire, de jeter un regard sur le passé et anticiper ce que l’avenir peut bien réserver.
© Adjaye Associates
XF: L’autre danger est de n’accorder d’intérêt à ces objets que s’ils ont d’abord été recyclés par les artistes occidentaux, on pense à l’impact du masque chez Picasso, puis par le marché. DA: Oui, mais la première rencontre entre le modernisme et le Continent, c’est une histoire d’amour. Picasso et le masque, c’est un choc bien compréhensible. C’est fabuleux. Après, ce qu’on en a fait commercialement, c’est effectivement éreintant. Mais il y a tant de pratiques intéressantes en provenance du Continent. Avec GEO-graphics, on veut éviter de mettre en évidence de façon trop emphatique quelques objets emblématiques; plutôt mettre l’accent sur des infrastructures, qui rendent possible l’émergence d’artistes avec une spécificité intéressante, et faire comprendre, au contact des objets ethnographiques, que le lien avec le passé n’est pas rompu, qu’il y a une identité africaine, une certaine esthétique. Au demeurant, elle ne s’est pas transmise littéralement, mais avec une diversité perceptible lorsque l’on quadrille l’Afrique. Cela se ressent
en musique ou en littérature plus qu’en arts plastiques parce que ceux-ci demandent plus d’encadrement. Ce qui justifie d’autant plus notre festival et notre soutien aux huit institutions artistiques privées.
XF: Pratiquement parlant, comment vont s’articuler la recontextualisation des artefacts, le lien avec la création contemporaine et cette plateforme d’échange entre ces huit centres d’art africains et le Musée de Tervuren? DA: Dans GEO-graphics, nous allons jouer sur la proximité entre ces éléments pour permettre au spectateur de faire lui-même les connections. Au demeurant, ce n’est pas toujours simple de faire le lien entre le contemporain le plus tendance et les objets d’art ethnographiques. L’idée, c’est de travailler en parallèle: montrer le plan d’une ville et, dans la pièce d’à côté ou en ligne de mire, un artefact... de manière à créer l’évidence. C’est très excitant.
GEO-graphics, l’exposition principale du Festival ‘Afrique visionnaire’, réunit ces deux perspectives. Environ deux cents chefs-d’œuvre ethnographiques de collections privées et muséales belges seront, pour la première fois, présentées sous le prisme de la vie culturelle de l’Afrique contemporaine. Ces dix dernières années, des initiatives indépendantes ont germé un peu partout sur le continent. Parmi elles, neuf centres d’art contemporain qui présenteront des artistes et des projets artistiques entrant en dialogue avec le passé. Les photos de David Adjaye nous feront également découvrir l’extrême diversité des capitales africaines ainsi que la croissance vertigineuse de ces paysages urbains. Ce regard ‘rétro-prospectif’ ne traite pas uniquement des améliorations à mettre en oeuvre, mais révèle aussi toute la force de la culture africaine. Soulevant ainsi la question: A quoi ressemblerait le musée ou le centre d’art idéal de l’art africain? David Adjaye, architecte mondialement connu, conçoit le nouveau National museum of African American culture and history de Washington. Il prépare l’exposition avec Anne-Marie Bouttiaux du Musée royal d’Afrique centrale de Tervuren, Koyo Kouoh, connue, entre autres, par la Biennale de Dakar, et Nicola Setari, directeur du projet ‘Afrique visionnaire’.
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CULTURE / LIVRES
RDC
Indépendance, mon amour En ce mois de juin entièrement consacré à l’indépendance de la République Démocratique du Congo, voici quelquesunes des contributions intéressantes au monde du livre. Profitons-en pour explorer ces œuvres parlant des richesses humaines, culturelles et naturelles et montrant des photos magnifiques du RDC.
Shomba Kinyamba, Sylvain
Comprendre Kinshasa à travers ses locutions populaires. Sens et contextes d’usage 254p, 2009 , livre de poche, Editions Acco, 24,50 €
Privés de liberté d’expression depuis une trentaine d’années, situation à la fois dictée par l’activisme des services de sécurité de l’Etat et par l’audience persistante des tabous coutumiers parfois incompatibles avec les impératifs du temps présent, sans omettre la dynamique propre à toute langue, les Kinois, à travers les jeunes marginaux en tête, suivis des membres de certains corps de métiers (musiciens, comédiens des troupes théâtrales populaires, journalistes, convoyeurs et conducteurs des bus et taxis) aujourd’hui rejoints selon le cas, activement ou passivement par les autres couches sociales, se sont sensiblement refugiés dans une expression à des significations détournées ou cachées. Cela ne va pas sans poser un problème aux nouveaux venus dans cet univers langagier et loin de la portée du commun des Kinois. Les 500 locutions et lexies au centre de cette étude proviennent essentiellement du lingala et d’autres procèdent d’une combinaison des langues, à savoir lingala-français, français-lingala, kikongo-lingala, kikongo-français, swahili-lingala, lingala-tshiluba, sans oublier des nouvelles inventions communément qualifiées de «endubile» actuellement désigné par le syntagme lingala facile. Plus que jamais, «Comprendre Kinshasa à travers ses locutions populaires» s’offre comme un outil d’apprentissage idéal pour parvenir à la maîtrise de ce parler inhabituel mais combien fécond et sincère de la pensée kinoise. Ce livre dévoile l’intimité de la vie que mènent les masses
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populaires de Kinshasa. Il expose les représentations imagées les plus sordides, les plus comiques, tragiques et poignantes, des espoirs toujours fuyants et insaisissables alors que l’on baigne dans la précarité de plus en plus chronique, reflet de leurs conditions existentielles. Le sens et le contexte d’usage des locutions réunies dans cet ouvrage constituent un véritable réquisitoire contre toutes les formes de déviance et une exaltation des vertus pour la refondation de la société congolaise.
Bolamba, Antoine-Roger
Carnets de voyage. CongoBelgique 1945-1959 280p, 2009, relié, photos noirs & blancs, Edition L’Harmattan, 28,50 €
1945: alors que les appels à la décolonisation commencent à se faire entendre sur le continent africain, rares sont encore les natifs du Congo belge à prendre la parole. 1959: le Congo connaît ses premiers troubles qui l’amèneront à l’indépendance un an plus tard. Entre ces deux dates, Antoine-Roger Bolamba, premier poète du pays édité en France, rédige des centaines de textes dans La Voix du Congolais, dont il est rédacteur en chef. Le présent ouvrage présente une large sélection de ses reportages au Congo et en Belgique et constitue un témoignage précieux sur la vie quotidienne des Congolais sous la colonisation et dans la métropole.
www.blacklabel.be est une librairie par correspondance et la maison de culture du livre africain. Chez Blacklabel, vous trouverez des livres en néerlandais, en français et en anglais à propos de l’Afrique. Vous pourrez même en commander certains en langue africaine. La plupart des livres que nous offrons sur ce site est difficile à trouver en librairie. www.blacklabel.be offre 10% de réduction aux lecteurs de Le Nouvel Afrique (adresse postale en Belgique). Contactez info@blacklabel.be pour toute information.
Mangala, Médard Tambwe
République Démocratique du Congo
N’debeka, Maxime
Le diable à la longue queue 47p, 2000, théâtre, relié, Edition Lansman, 8.5 €
360p, 2010, livre de poche, cartes, photos en couleur, Edition Le Petit Futé, 16 €
Dans le cadre de l’année du cinquantenaire de l’indépendance, le Petit Futé vient de boucler sa nouvelle édition, complétée et entièrement remise à jour. Pas de trace de nostalgie, de polémiques ou de leçons de morale à donner à qui que ce soit. Ce n’est ni notre rôle ni notre objectif. Simplement, nous souhaitons montrer, sans complaisance, que le Congo est vivant, que la dimension de son territoire, la jeunesse de sa population et l’extraordinaire potentiel agricole, économique, et touristique peuvent être autant d’atouts pour le futur.
Maxime N’debeka a connu ce que tout poète rêve de vivre: un de ses textes repris en choeur par la foule pour manifester sa volonté de paix et de vie meilleure. Il a aussi connu la peur, la fuite, l’exil en France. C’est là que nous l’avons connu et apprécié. Puis il est retourné dans un pays qu’il croyait enfin revenu aux valeurs démocratiques et a été nommé Ministre de la Culture, avant que l’Histoire ne repasse les plats. Il vit aujourd’hui à nouveau en France. L’édition Lansman a été très heureuse de publier ce texte jailli de sa volonté de témoigner sa haine de la guerre fratricide, de toutes les guerres.
Riva, Silvia Mongaba, Bienvenu Sene
En cavale dans le gouffre vert
Nouvelle histoire de la littérature du CongoKinshasa
195p, 2003, roman, paperback, Edition Congo
421p, 2006, relié, Editions L’Harmattan, € 35
Cultures, 10 €
Une fiction qui se déroule au fil des siècles, dans la jungle des forêts des Batiene au 17ème au 20ème siècle. Deux jeunes sont accusés de crimes qu’ils n’ont pas commis. Nzama, dont la naissance a entraîné la mort de sa mère, est obligé de vivre avec la haine de son père et le mépris de son village. Ndôo, pour toutes les calamités et malheurs qui surviennent dans son village, est accusée de sorcellerie. Pour échapper à la sentence, elle s’évadera avec son père. Le combat pour la survie les mettra sur le même chemin, celui de l’amour et de la liberté. En cavale dans le gouffre vert est écrit sur fond de l’Histoire des Batiene au Congo.
Première histoire de la littérature du Congo-Kinshasa tendant à l’exhaustivité, l’ouvrage dessine une fresque unique d’un espace de création encore trop peu connu. Suivant une ligne chronologique, l’auteur couvre toute son évolution en quatre grandes parties: l’époque coloniale et sa tension entre emprise occidentale et affirmation de l’identité africaine, les années 60 où la poésie en pleine floraison croise les débuts du roman critique de la colonisation, les années 70 avec les grands auteurs de la subjectivité enfin la période qui, des années 80 au début du nouveau millénaire, voit se développer, dans l’audace et la variété, les écritures de la liberté.
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CUISINE
choses étant considérées de leur point de vue, la moambe soit presque toujours de la partie. Certaines mauvaises langues m’ont pourtant confié leur suspicion à l’égard de ce met dont le succès parmi les Africains s’avère d’ailleurs fort mitigé.
Mes histoires de cuisine Par Antoine Tshitungu Kongolo
Les cuisines africaines ne devraient-elles pas se décliner volontiers au pluriel, plutôt qu’au singulier? Non qu’il faille nier le fonds commun d’un patrimoine culinaire aussi riche que diversifié, mais bien au contraire pour contribuer à l’illustration de la pluralité des terrains avec leurs palettes de saveurs, d’odeurs et de couleurs.
L’utilité d’une telle entreprise s’avère pour le moins évidente sous les latitudes européennes, où le regard sur les ‘cuisines du monde’, et pas seulement africaines, s’aiguise volontiers dès lors qu’il est aguiché par un certain exotisme. Exotisme qui affleure d’ailleurs à même la consonance étrange des noms venus d’ailleurs dont le mérite est de mettre l’eau à la bouche des consommateurs, consummateurs!, du Nord et ses alentours. Ndole, chikwange, fufu, yassa, moambe, et j’en passe des moins familiers, autant de noms curieux , (et d’autant plus appétissants?), pour les aficianados de steaks, moules frites, choucroutes et autres blanquettes de veau. Après tout, à chacun ses préférences, ses goûts et ses couleurs, dirait-on.
Le ngai ngai Mais dès lors que les Africains affublent de noms erronés les produits de leurs terroirs, pourquoi se tenir coi au risque d’avaliser un exotisme bon marché? Les Sénégalais, pour ne prendre que cet exemple si révélateur, ces braves descendants des tirailleurs connus sous le même label, et sur leurs brisées tous les autres, dans un esprit parfaitement moutonnier, ne désignentils pas le ngai ngai (appellation congolaise) sous le nom d’oseille? Quel pataquès! Certes par leur goût légèrement acidulé, le ngai ngai et l’oseille sont-ils quelque peu proches. Mais de là à les confondre carrément au point de flanquer de fameuses migraines aux botanistes férus de
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classifications! Coupable confusion: le ngai ngai, chers Sénégalais, Congolais, Maliens et autres, est un hibiscus. Quant à l’oseille ...
Les épinards Dans la même foulée salutaire, il convient de rappeler que les feuilles de manioc ne sont pas de l’épinard, comme on ne cesse de vous en bassiner les oreilles. L’épinard, c’est l’épinard. Itou pour les feuilles de manioc. Mais pourquoi cet embrouillamini permanent, entretenu comme à plaisir? Comme s’il s’agissait d’emmêler les produits pour une macédoine d’un goût plus que douteux. N’est-ce pas donner le flanc à l’exotisme bon marché ? Sachons cultiver l’art culinaire de notre cher continent tout en nous débarrassant de la litanie de noms imprécis, source de confusion et de malentendus.
La moambe Tous les coloniaux se réclamant au nom de ce label désuet, pour ne pas dire dévalorisé, ne se lassent pas d’en vanter les saveurs épicées. La moambe: de tous les mets qui eurent l’heur d’émoustiller leur délicat palais, sous les tropiques ‘enchanteurs’, aux ‘temps jolis des colonies’, elle remporte tous les suffrages et pour cause. Comprenez donc que lorsque les nostalgiques de tout poil se rassemblent pour évoquer ‘le doux temps de jadis et de naguère’, les
Le plat emblématique D’autres encore m’ont fait savoir qu’ils ne peuvent s’empêcher de penser, en dégustant leur moambe, à la fameuse chicote dont étaient armés les Blancs, aux temps héroïques de leur conquête, sous prétexte d’inculquer l’amour du travail bien fait, à ces grands enfants de bons nègres qui ne leur avaient rien demandé soit dit en passant. La moambe, toute méchanceté bue ou mâchée, constitue le plat emblématique non pas tant de nos pays que d’une certaine époque qui aura laissé dans la bouche des autochtones un arrière-goût amer. Il ne s’agit guère de minorer les talents de cuistots noirs qui enchantaient leurs maîtres avec cette merveille de leur terroir, au point qu’elle avait presque fini par occulter entièrement le reste. Quant au reste, c’est-à-dire, toutes ces bonnes choses qui faisaient l’ordinaire de nos ancêtres, véritables diététiciens avant la lettre: chenilles, sauterelles, étuvées, grillées ou pâtées, et tant d’autres délicatesses du cru, elles n’avaient pas droit de cité sur la table des coloniaux. Et dire que ‘les sauvages’, eux, s’en empiffraient et y trouvaient visiblement leur compte. Il y a donc de quoi se désoler et se réjouir tout à la fois. En cette vie, les choses ne sont-elles pas plus souvent noires et blanches tout à la fois, que seulement noires ou même blanches ?
Le fufu Fufu, bidia ou nshima, bukari, pléthore de noms pour une préparation à base de farine de maïs ou de manioc ou du mélange de deux. En vérité, derrière chacune de ces appellations se profilent tout un terroir sinon une région avec sa panoplie culinaire, ses produits, sa touche propre ou encore son style pour sacrifier à une expression dans l’air du temps. Les nuances, quant à la préparation de cette pâte, se déclinent diversement, à l’aune de productions agricoles ainsi que des habitudes alimentaires spécifiques. C’est ainsi que le fufu, préparé exclusivement avec de la farine de manioc, est commun dans les régions où ce tubercule abonde. Kinshasa,
ainsi que le Bas-Congo, pour ne prendre que deux exemples, constituent pour ainsi dire le royaume du fufu. Encore que la chikwange soit également de la partie.
Le ‘kakontwe’ Le nom de fufu semble pourtant ne pas convenir à la pâte préparée façon ‘katangaise’. Le maïs est préféré au manioc, tout au moins dans la partie méridionale de cette région plus connue pour ses richesses minières, que pour les merveilles de son terroir. Plutôt que de fufu, on parle familièrement du ‘kakontwe’, nom de l’agglomération où fut érigée, du temps de la colonie, la plus grande minoterie industrielle de la province ‘cuprifère’, pour répondre aux besoins alimentaires, qu’on imagine sans peine énormes, de dizaines de milliers d’ouvriers noirs de l’ex- Union Minière du Haut Katanga, véritable souveraine du pays du cuivre. Ce transfert métonymique, le toponyme kakontwe érigé en nom commun, ne témoigne-t-il pas d’un certain sens de l’humour? Son usage étant circonscrit par le triangle formé par Lubumbashi (au Sud), Kolwezi (à l’Ouest) et Luena (au Nord-Ouest), il est fort à parier que ce vocable appartient au lexique spécifique du monde ouvrier, où il s’est transmis d’une génération à l’autre. Il n’est guère attesté dans le reste de la province. Et du reste, comme pour apporter de la farine à notre moulin, la pâte de manioc, connue sous le nom de fufu, semble constituer l’apanage à tout le moins l’ordinaire des populations du nord de Katanga.
La bukari Assurément géographie et histoire viennent à la rescousse pour un éclairage idoine d’habitudes alimentaires qui pourtant semblent devoir aller de soi. La géographie enseigne en effet que toute homogénéité, tant à l’échelle du Congo qu’à celle des provinces, ne pourrait être que factice. Le Katanga, pour revenir à cet exemple, affiche plus d’une préparation de fufu, nommé bukali ou bukari. Alors que le kakontwe, cher aux ouvriers et aux mineurs, est différent du bukari façon Nord-Katanga, cette dernière recette se veut plutôt proche du fufu à la manière du BasCongo. L’abondance du manioc dans les régions précitées -il faudrait y ajouter le Bandundu- y est certainement pour quelque chose. Quant au Kasaï, ou plus exactement les deux provinces connues sous les noms respectifs de Kasaï
oriental et de Kasaï occidental (différenciation qui rend compte du démembrement subséquent à une guerre fratricide aux plaies encore vives) il semble opérer la synthèse du Katanga d’un côté et du Bas-Congo de l’autre.
Le bidia Le bidia ou nshima est une pâte souple et fine, d’apparence agréable obtenue grâce au mélange des farines de maïs et de manioc. Certains prétendent (mais faudrait-il les croire sur parole?) que cette formule-là serait la plus appétissante sinon la plus nourrissante. Les Baluba et les Lulua, grands amateurs de bidia, en sont quant à eux convaincus. Ce n’est pas forcément l’avis des autres grands groupes ethniques qui partagent le même terroir. Quant aux gens du Haut fleuve (les Bangala comme les autres lingalaphones), ils désignent avec humour et nullement avec une quelconque xénophobie les ‘mangeurs de Muteke’, entendez ceux qui consomment ordinairement du bidia ou du fufu. Muteke: en voilà un nom qui en dit long sur l’amusement ainsi que la curiosité des habitants de l’Équateur, où la chikwange, ce pain de manioc que nous évoquerons ailleurs, est le roi de l’ordinaire aussi bien que de la gastronomie. Privilège que tend légitimement à lui disputer la banane plantain dont la sylve est plus qu’abondamment pourvue. La banane plantain offre d’ailleurs une heureuse transition vers Kisangani, la septentrionale. Dans l’imaginaire collectif des Congolais, c’est la région des fins plats; les femmes de ces contrées étant par ailleurs réputées pour leur art ‘perfide’ de la gastronomie sans parler de leurs silhouettes fines et galbées, génératrices de fantasmes.
La boyomaise Une ‘boyomaise’(1) est presque toujours donnée pour une femme fatale. Beauté et talents culinaires étant au service de ces vestales! C’est le pays de la ‘lituma’ (de la banane plantain écrasée et assaisonnée) et du poisson (ce n’est pas pour rien pardi, que les fameux pécheurs wagénias officient au beau milieu du fleuve Congo) et de biens d’autres douceurs pour nos palais affriolés.
Antoine Tshitungu Kongolo Ecrivain, poète, nouvelliste et essayiste, Antoine Tshitungu Kongolo, titulaire de plusieurs prix littéraires internationaux, témoigne par ses nombreux chantiers d’écriture de la volonté de renouvellement de l’engagement de l’écrivain au service des communautés souffrantes. De même oeuvre-t-il à une relecture de l’histoire et singulièrement celle de l’Afrique centrale à l’aune d’une exigence de rigueur susceptibles de contrer les stéréotypes d’antan aussi bien que les mirages d’authenticité biaisés. Sa poésie s’inscrit tout simplement au cœur de la modernité et de l’universalité. Antoine est né à Lubumbashi, en RDC, le 5 novembre 1957. Etudes primaires, secondaires et universitaires dans sa ville natale. Préside ‘La Cellule littéraire’, association d’écrivains, de1989 à1991. Rédacteur en chef du magazine Croisettes et consultant près du Centre culturel français. S’exile en Belgique où il vit et travaille depuis 1991. Ancien chercheur associé près La Cellule fin de siècle du ministère de la Communauté française de Belgique, chercheur associé près les Archives et Musée de la littérature à Bruxelles.
Bibliographie Panorama de la poésie congolaise de langue française (Congo-Kinshasa) - Poète ton silence est crime, Edition Africalia, 2003 La présence belge dans les lettres congolaises, Tshitungu Kongolo (Préface de Julien Kilanga Musinde), 2009 Mon pays absent, poèmes, Bruxelles, E. Van Balberghe, 1991 Papier blanc, encre noire, Cellule fin de siècle, 1992 Le sacrifice, nouvelle, dans Le Recueil, Bruxelles, Les Epéronniers, 1994
(1) Boyomais(e): désigne les habitants de la ville Kinsangani, surnommée Boyoma.
Dits de la nuit, Bruxelles, Labor, 1994
http://feuillesvolantes.blogs.lalibre.be
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